Des rapports sociaux de sexe à la domination masculine
p. 289-322
Texte intégral
1Un des apports heuristiques de la notion de rapports sociaux de sexe repose sur la perspective dynamique qu’elle propose. Les rapports produits entre hommes et femmes sont plutôt pensés comme des construits sociaux susceptibles d’évoluer. En rien ils ne sont immuables. Ils résultent de la tension entre deux groupes de sexe. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il convient de parler de rapports sociaux (Battagliola et Combes, 1990,113). C’est dans cette logique que se présente ce chapitre, à partir des manifestations de la domination tout d’abord, de la construction genrée et non sexuelle qu’elle propose ensuite, puis des principes d’incorporation, des logiques de conformation et de résistances, que rencontre ce rapport de domination du masculin sur le féminin.
1. Les visages de la domination
2Les sports à risque sont des pratiques de loisirs. Elles sont librement investies. Chacun peut faire le choix de s’y engager ou de les quitter. Elles semblent donc a priori offrir peu de latitudes à l’imposition d’une domination puisqu’elles ne présentent apparemment pas de moyen fort pour asseoir l’imposition d’un ordre social. Mais dans les sociétés occidentales démocratiques, dans lesquelles les Etats ont le monopole de la violence légitime (Elias, 1973), les principes de domination reposent rarement sur la coercition. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’existent plus. De différentes manières, dans l’espace des sports à risque, des manifestations de la domination masculine sont observables. C’est ce qui a déjà été développé dans le précédent chapitre. Ce sont ces mises en pratique et ces représentations qui nous permettent de saisir l’existence d’un rapport déséquilibré entre hommes et femmes. Car la domination, entendue comme un rapport social, ne peut être observée directement. « Le rapport social est au départ, une tension qui traverse le champ social. Ce n’est donc pas quelque chose de réifiable. Cette tension érige certains phénomènes sociaux en enjeux autour desquels se constituent des groupes aux intérêts antagonistes » (Kergoat, 2000,39). C’est donc à partir des enjeux des rapports sociaux de sexe que nous les appréhendons, à partir des manifestations de la domination que nous l’étudions.
3Le « partage » du travail est un enjeu fondamental des rapports sociaux de sexe. Mais il n’est certainement pas le seul. Le constat d’une situation de domination masculine s’exprime par d’autres moyens que par la capture des tâches les plus valorisées. Dans le contexte des sports à risque la violence physique ne fait partie ni des manifestations ni des supports de la domination masculine. Dans cet espace « public », elle n’existe pas. Cela ne signifie pas que les autres formes que peuvent prendre l’expression de la domination des hommes sur les femmes sont sans importance. Car cela participe à entretenir et même à renforcer l’inégalité dans les rapports sociaux de sexe, même si parfois ces manifestations peuvent paraître anodines. C’est par exemple ce qui pourrait être dit des remarques sexistes. Empruntant au registre de l’humour, elles masquent le message qu’elles dispensent immanquablement, celui de l’affirmation de la supériorité du masculin. Elles renvoient par exemple à la partition des rôles, à la dévalorisation des tâches féminines, ou à la prétendue supériorité masculine. À titre d’illustration, nous avons pu recueillir lors d’un rassemblement de parachutisme quelques remarques qui s’inscrivent dans ce mode d’expression de la domination masculine : « ah l’avion n’a pas encore décollé ? ça se voit qu’il est plein de gonzesses ! » ; « T’as froid toi ? T’es un mec pourtant » ; « elles sont toutes parties les filles, elles ont eu peur de tomber amoureuses. Hier soir elles étaient là : un homme, je veux un homme ! ». Ces « blagues » fonctionnent comme des rappels extrêmement fréquents qui participent à la définition des rapports sociaux de sexe et au maintien de la domination masculine. Elles s’inscrivent comme les présente Bourdieu dans « cet infiniment petit de la domination, que sont les innombrables blessures, souvent subliminales infligées par l’ordre masculin » (1998,101). Surtout, sous couvert d’humour, sont données à entendre des positions souvent proscrites autrement.
4Et pour reprendre les termes de Ghasarian (1999), la « vanne » s’accompagne ainsi une forme de « pression ». Pression qui s’exerce également dès lors que ces blagues fonctionnent par ailleurs comme une sorte de test que les femmes doivent passer pour être acceptées dans ces pratiques. Cela ressemble d’ailleurs beaucoup aux « brimades » que subissent les nouveaux arrivants dans l’armée et qui sont « perçus par les soldats comme un test de virilité dont la réussite autorise l’intégration au groupe » (Roynette, 2002, 93) :
– y a des bons trucs, bien crades, bien hard, bien trucs de mecs, et c’est vrai que quand on est fille nous là dedans, ou tu t’intègres, ou alors tu joues l’indifférente ou alors tu joues la frustrée et puis tu te casses.
– Faut quand même accepter les codes ?
– Oui voilà. C’est vrai qu’ils sont surtout entre mecs. Y en avait quelques uns c’était des trucs... bien de mec quoi (rires). On va dire ça comme ça. Entre les blagues bite, couille, nichon et les trucs dans le genre, c’est vrai qu’il fallait accepter. Ça oui. C’est vrai que c’était peut-être plus de ce côté-là on va dire mec. Mais c’est, ou on accepte, et parce que c’est naturel, et parce que nous filles, on est... Ou alors on joue effectivement la frustrée, la petite mijaurée, la petite sainte nitouche, bon là, déjà si on joue ça, on n’est pas dans le para. Ou alors on rentre dans le jeu, parce que bon, et on rigole, et des fois c’est vrai que c’est tellement naturel ces trucs de bite, couille, nichon, que bon, c’est la vie quoi. On rigole et puis on laisse passer. Mais ça va jamais bien loin, ou bien méchant (Martine, parachutiste).
5L’alternative se présente en ces termes pour les femmes : accepter les « blagues » ou quitter la pratique. Les « frustrées », « mijaurées » et « Sainte nitouche » comme les appelle Martine, celles en fait qui n’accepteraient pas de se soumettre aux normes locales qui rappellent la domination masculine, normes définies par les hommes, plus nombreux et plus anciens dans la pratique, ces femmes ne seraient pas acceptées dans le groupe. Ni par les hommes, ni par les femmes d’ailleurs. Ces sports sont donc des pratiques masculines dans lesquelles les règles ont été éditées sur un modèle viril auquel les femmes doivent s’adapter. Pour celles qui ne se conforment pas à ce système normatif, se mettent en place des systèmes de sanction dont la stigmatisation est la manifestation la plus évidente.
Note d’observation :
Lors d’une discussion à l’occasion du « rassemblement de parachutisme féminin », il était question de la cohabitation des hommes et des femmes dans le parachutisme, et notamment des plaisanteries misogynes. Je suis le seul homme à participer à la discussion, toutes les autres personnes présentes sont des femmes. Toutes condamnent ces pratiques machistes, mais la plupart d’entre elles disent également qu’elles se soumettent en riant, même lorsqu’elles ne trouvent pas que cela soit particulièrement drôle. L’une d’entre elles raconte « moi avec mon copain je joue la comédie pour rire de ses blagues qui ne me font pas rire ». Elle marque ainsi sa soumission ou tout au moins sa conformité avec les usages du groupe qu’elle souhaite intégrer. Et lorsqu’elle ne rie pas elle rencontre la réprobation. Comme si ce ne pouvait pas être parce que la blague n’est pas drôle mais devait pouvoir s’expliquer par le fait que cette femme n’a pas le sens de l’humour : « il me dit “t’es pas une rigolote toi” ; Pourtant avec mes copines et copains, je rigole de toutes les blagues. Mais ses blagues de cul, je suis désolée mais elles ne me font pas rire ». Dans ces pratiques, celles qui ne montrent pas leur adhésion aux règles du groupe des hommes, sont immédiatement stigmatisées, « pas rigolote », « Sainte nitouche », « mijaurée » ou « frustrée ».
6L’imposition aux femmes d’un ordre viril établi, se manifeste également par d’autres prescriptions adressées aux femmes concernant leur façon de se comporter ou de se donner à voir. Tandis que rien n’est explicitement exposé pour les hommes, les récits insistent sur le fait que toutes les femmes ne peuvent intégrer ces espaces sociaux. C’est en tout cas ce que laissent entendre les récits et les observations :
Bah il faut des filles intelligentes. Donc je pense que les filles... Bon attention c’est quand même des mecs bien, ils font leur petit speech, ils font leur petit numéro, ça s’arrête là. Je pense qu’une fille intelligente, voilà c’est tout, elle fait avec. Mais bon il est clair qu’elle sera pas exempte des blagues grasses, de carabin voire plus, voilà. Ça fait partie des para-clubs. Dans ce monde de para-club c’est leurs règles, on vit dans un monde à eux. Quelque part c’est des valeurs para, c’est leurs règles, leurs valeurs, leurs repères... (Marc, BASE-jumpeur).
7Pour Marc donc toutes les filles ne peuvent pas investir ces disciplines. Pour lui « il faut des filles intelligentes ». Mais l’intelligence dont devraient ici faire preuve les femmes ressemble plutôt à ce qu’il convient de présenter comme une aptitude à la conformation. Pour lui, comme pour les autres, la question ne se pose jamais en ces termes pour les hommes. Tandis qu’ils semblent bénéficier d’un a priori positif parce qu’ils sont des hommes, tout semble rappeler qu’elles doivent dépasser les a priori négatifs dont elles sont victimes, parce qu’elles sont des femmes.
8Pourtant dans les discours des femmes, plus souvent les prescriptions concernent justement le fait d’avoir du « tempérament » (Christine, alpiniste), du « caractère » (Marine, parachutiste), de ne pas se laisser faire, autant de façons d’être qui laissent plutôt penser que pour intégrer ces mondes d’hommes, c’est la voie de la résistance que doivent emprunter les femmes. Nous pensons plutôt que ces manifestations s’inscrivent au contraire dans une certaine forme de conformation. Ce que les femmes présentent comme des oppositions aux usages ressemblent plutôt à une adoption de ses principes :
Bah, je veux dire soit t’arrives d’un univers complètement extérieur et là soit tu te la joues hyper féminine et là bon, tu fais rire cinq minutes mais euh... soit tu te mets, quand je dis à leur niveau c’est pas péjoratif (rires), soit tu te mets un peu dans une conversation de mec, et puis tu la joues un peu comme un mec. C’est-à-dire que si ils te font de grosses blagues bien lourdes tu joues pas la « ouh lala lala, qu’est ce que vous avez dit ». À la limite tu leur réponds encore plus crade et euh, et puis tu finis par te faire une place, pas en tant que mec, en tant que fille mais bon, celle qu’ils ne vont pas faire chier. Tu sais t’es obligée, t’es obligée (Sabine, parachutiste).
9La domination masculine procède alors par assimilation des femmes. Elles doivent adopter les façons de faire des hommes, doivent accepter les règles de leur jeu. Faire preuve de caractère revient ainsi à s’approprier les codes masculins d’univers pensés comme monosexués.
10Qui plus est, il faut rester prudent sur ce point des résistances verbales des femmes. Car même si dans les discours les femmes disent dans leurs récits qu’elles doivent faire preuve de « tempérament » en s’inscrivant dans le même type d’interventions publiques que les hommes, les observations nous ont plutôt montré de manière systématique que ce sont les hommes qui occupent très largement l’espace sonore. Nous pensions que certainement ce constat devait reposer sur le fait que les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes dans ces sports. Mais nous avons eu l’occasion de constater lors d’un rassemblement de parachutisme féminin que la question du nombre ne suffisait pas pour rendre compte de ces différences sexuées. Lors d’une séance de conférence / débat, l’assistance était composée d’une quarantaine de personne, dont seulement 8 hommes. La moitié d’entre eux ont pris la parole lors des débats, soit autant que les femmes. Il existe donc dans ces pratiques ce que Duru-Bellat et Jarlégan ont pu constater dans le cadre scolaire : il existe une « domination de l’espace sonore par les garçons » (2001, 77) qui tempère avec force ce que donnent à entendre certains récits.
11Et les règles à suivre pour les femmes régissent largement la pratique. Cela concerne notamment les façons de se donner à voir. La légitimité des femmes à fréquenter ces mondes masculins passe ainsi également par leur apparence :
Moi je me méfie de l’image que je donne, pas de l’image que je donne mais, j’aime bien arriver et... Bon maintenant j’ai des sauts, ça se voit, bon ça se voit aussi par ce que je sais faire et par le matériel que j’ai donc je veux dire, on se doute que si je suis là, c’est pour le para. Mais euh, c’est vrai que quand j’arrive quelque part je fais gaffe. Ne pas donner l’image de la petite minette qui vient voir comment ça se passe cet univers de mecs. Parce que y en a que tu vois arriver comme ça. Et alors justement, en traînant avec les mecs j’entends leurs réflexions justement (Sabine, parachutiste).
12Comme Bourdieu a pu le noter pour celles qui accèdent à des professions « masculines », les femmes « doivent payer leur élection par un effort constant pour satisfaire aux exigences supplémentaires qui leur sont à peu près toujours imposées et pour bannir toute connotation sexuelle de leur hexis corporelle et de leur vêtement » (Bourdieu, 1998, 100). Il semble que pour les femmes, il faille « faire comme » pour pouvoir « en être ». En l’occurrence, sans que l’on puisse rigoureusement affirmer s’il s’agit d’une stratégie développée par les femmes pour éviter les remarques désagréables ou de l’expression d’une forme de soumission à l’ordre viril, ce qui n’est pas exactement la même chose, les femmes s’attachent à faire en sorte, dans la pratique, de ressembler aux hommes.
13Pour les hommes et les femmes, la légitimité à pratiquer les sports à risque ne se gagne donc pas de la même façon. Pour elles comme pour eux, il est important de « faire ses preuves » mais les épreuves ne se ressemblent pas. Car à la différence des hommes, les femmes ne doivent pas prouver leur courage, ni même leur compétence. Avant tout, elles doivent rappeler leur conformité à l’ordre établi. Car les pratiquants présentent avec force cette idée que les sports à risque appartiennent aux hommes. Comme si finalement les femmes ne pouvaient être tolérées, qu’à condition qu’elles se plient aux règles de ce jeu construites par et pour les hommes. Elles doivent montrer qu’elles peuvent entendre et même rire des plaisanteries misogynes, ou qu’elles peuvent masquer chez elles, ce qui rappelle leur féminité.
14Encore que cette dernière prescription peut être un peu plus complexe. En effet, il n’est pas toujours attendu des femmes qu’elles se comportent « comme des hommes ». Dans les discours des femmes comme dans ceux des hommes, il semble que soit parfois adressée aux femmes cette injonction à être « féminines », c’est-à-dire à s’inscrire davantage dans les modèles plus classiques de féminité. Tantôt il est demandé aux femmes d’adopter des comportements le plus souvent considérés comme étant masculins, tantôt il leur est demandé de se conduire « comme des filles ». L’une et l’autre de ces prescriptions semblent pourtant incompatibles. L’observation participante à l’occasion de soirées organisées dans quelques clubs nous a permis de saisir une façon de répondre à ces attentes qui a priori s’opposent. La plupart des femmes, le plus souvent vêtues dans le cadre de leur pratique sportive, d’une combinaison, de chaussures de sport, sans maquillage ni bijoux, étaient pour l’occasion parées d’attributs rappelant davantage les modèles de féminité plus communs : bijoux, parfum, maquillage. Certaines portaient une jupe et même des chaussures à talon.
15La pratique d’un sport masculin semble ainsi devoir être « compensée » par l’adoption d’attitudes plus proche de la féminité telle qu’elle est le plus souvent définie. Pour Marie c’est exactement de cela dont il s’agit :
– Déjà ça va j’ai un métier où c’est plus féminin donc ça va. Au niveau de la balance, ça balance. Je fais un métier qui fait plus féminin et mes loisirs plus masculins.
– C’est important pour vous aussi d’avoir ces deux côtés, d’avoir aussi le côté féminin ?
– Ah oui bien sûr. Oui quand même.
– Et vous avez l’impression de développer le côté plus féminin ailleurs que dans votre travail ?
– Non pas forcément. Enfin je pense que tout en faisant des choses masculines, je pense que j’ai quand même gardé ma féminité. Heureusement quand même.
– Parce que c’est important ?
– Bah oui c’est important. C’est vrai que j’étais plus, que je jouais plus... Comme au ballon, au foot, avec mes frères et tout ça, donc ça fait plus masculin. Le foot c’est pareil c’est un sport masculin. D’un autre côté, c’est vrai que je suis quand même quelqu’un de très féminin.
– C’est-à-dire ?
– Je suis quand même coquette, je me maquille facilement, je mets des bijoux et tout ça. De ce côté là y a pas de... Parce que y a des filles qui ne font pas des sports masculins mais elles ne sont pas... autant moins féminines. Donc je pense que c’est bien compensé. Pour moi je pense que c’est bien compensé.
16Non seulement les femmes doivent donc adopter des comportements masculins pour se « faire une place » dans un monde d’homme, mais elles doivent également répondre au « procès de virilisation » (Louveau, 1998, 145) dont elles sont victimes. Car lorsque les femmes adoptent des pratiques transgressives, elles sont souvent suspectées de ne plus tout à fait être des femmes. Comme le note Louveau « dès que des femmes sont sorties des espaces et des rôles qui leur étaient strictement assignés, elles ont été désignées comme masculines, “viriles”, voire asexuées » (ibid., 145). Il est donc attendu des femmes qui s’engagent sur les terrains masculins qu’elles fassent aussi la démonstration de leur féminité. On retrouve d’ailleurs ici ce que montre Mennesson lorsqu’elle écrit des femmes qu’elles sont des « “êtres perçus”, se définissant avant tout par et pour le regard des autres » (2000, 53). En l’occurrence le regard des autres est surtout le regard des hommes. Marine raconte par exemple l’attention qu’elle porte à sa tenue vestimentaire lorsqu’elle se rend au club, et l’importance du regard des hommes sur elle :
– Et tu parlais du souci de l’apparence, toi tu fais attention à ton apparence en venant ici ?
– Oui, mais pas réellement plus qu’ailleurs. Parce que je fais un peu attention, mais... Moins qu’avant.
– Au début tu t’en souciais plus ?
– Oui.
– C’est-à-dire que...
– Je faisais plus attention à être jolie quand j’arrivais. Maintenant moins.
– C’était important aussi ?
– Bah oui pour moi ça l’était. Et en même temps je trouvais ça bête, mais ça l’était.
– Et pourquoi tu trouvais ça bête ?
– Bah parce que... parce qu’on n’est pas là pour ça. Parce que du coup en même temps je me faisais jolie alors je n’avais pas à reprocher les remarques.
17Tour à tour les femmes proposent donc une « hexis corporelle » (Bourdieu, 1998, 100) « masculine » ou « féminine ». Elles répondent ainsi à cette double injonction : être comme les hommes pour faire comme les hommes, sinon être comme les femmes pour plaire aux hommes. Mais d’une manière comme de l’autre, ces façons de faire s’inscrivent dans une logique de conformation à l’ordre établi et aux différents « rôles » tels que les présentent Goffman (1974), auxquels elles sont assignées.
18Et il apparaît que lorsqu’elles sont « féminines », les femmes sont comme des objets de convoitises pour les hommes. C’est en ces termes que Patrice et Thibaud présentent les filles qui pratiquent le parachutisme :
– Est-ce que tu as des choses à ajouter à propos des filles dans le para ?
– Les filles dans le para... elles sont très ouvertes (rires).
– C’est-à-dire ?
– (rires) elles sont là pour s’éclater, ouais y en a pas mal, c’est vrai que souvent. Ah oui, faut faire du parachutisme (Thibaud, parachutiste).
– Et les filles dans le para, il y en a beaucoup, il y en a peu ?
– Ici, j’arrive à ramener des belettes mais alors, à tomber par terre.
– Y en a quand même ?
– Ah oui, oui, oui. Là on commence à avoir un cheptel de bébêtes. Là bien, franchement bien (Patrice, parachutiste).
19Pour ces parachutistes dans le cadre de nos échanges « entre hommes », les filles sont dites « très ouvertes », devenant des « bébêtes » qui constituent un « cheptel ». La métaphore animalière renvoie ici à des animaux domestiqués, dociles et à fidèles à leurs bergers. C’est aussi dans cette logique que peut être lue la relation d’emblée instaurée entre hommes et femmes reposant sur la « drague ». Allusions sexuelles, invitations à entretenir une relation, sont récurrentes. Et même si ces remarques sont souvent « déguisées » en note d’humour, elles n’en n’ont pas moins de sens. Elles montrent aussi que ce type de relation qui met en scène un homme et une femme est également d’une certaine manière un message adressé aux autres hommes. Il s’agit d’abord d’affirmer son hétérosexualité, mais surtout de faire montre de sa puissance, pour se positionner dans cette autre forme de compétition masculine dont les femmes sont l’enjeu. La drague est alors un mode d’expression de la virilité, donnée à voir aux autres hommes. N’oublions pas qu’il s’agit lors de l’entretien, de « confidences » d’hommes, livrées à un autre homme1. C’est aussi de cette façon que Marine présente les remarques qui lui sont fréquemment faites : « Pour que les garçons se sentent encore plus garçons il faut qu’il y ait une fille et (rires), si tu passes devant un camion, devant une caserne de militaire, si y en a un qui te siffle faut pas croire que c’est parce que t’es jolie, c’est juste parce qu’il se sent d’autant plus homme vis-à-vis des autres hommes aussi de te siffler, “moi je suis un homme, je siffle une femme”. Y a un peu de ça. Et ici on voit que c’est ça. Parce que en face à face ils vont pas me faire ces blagues là. Évidemment que c’est devant les autres ». D’ailleurs la « drague » est très largement orientée vers celles qui dans le cadre de leur pratique sont célibataires. Quand elles sont « en couple » ou qu’elles accompagnent un pratiquant, elles rencontrent très peu ce type de comportement. Il semble qu’elles changent ainsi de statut, ne sont pas « disponibles ». Comme si elles « appartenaient » en fait à un autre homme. Ce constat n’est pas sans rappeler la dichotomique qui concerne le statut des femmes dans un autre sport de tradition masculine : le rugby. Saouter (1995) montre comment les femmes y sont classées dans deux catégories que l’on retrouve ici peu ou prou : « la maman et la putain ». Tout se passe comme s’il était difficile d’envisager la complétude de la femme célibataire sans enfant. Comme si ces situations devaient être nécessairement temporaires.
20Quoi qu’il en soit les modèles les plus souvent proposés aux femmes sont immanquablement marqués par le fait qu’ils s’inscrivent dans la perspective d’une domination masculine. Soit, par les remarques misogynes, les femmes sont dévalorisées, soit en répondant aux injonctions à se conformer aux modes d’engagements masculins elles sont assimilées. Être une femme dominée ou ne plus tout à fait être une femme. Ainsi celles qui rivalisent avec les hommes sur leurs terrains, dans les prises de risque ou la compétition notamment, finissent par être considérées comme des hommes.
Note d’observation :
Au cours d’une conversation avec quelques parachutistes (nous sommes 4 hommes) au bar du club, la discussion concerne les filles dans le parachutisme et leur faible présence. Je leur dis que j’ai déjà rencontré quelques pratiquantes. Ils connaissent l’une d’elles « ah oui, mais pour elle c’est pas pareil, c’est pas Justine, c’est Justin (rires) ». Pratiquante chevronnée, rompue par ailleurs aux joutes verbales et à l’univers machiste du parachutisme, Justine a été rebaptisée par ses compagnons de pratique : elle est devenue Justin. Ce qui peut paraître anecdotique nous semble au contraire tout à fait signifiant. Cela peut indiquer qu’il semble inconcevable pour ces hommes qu’une femme puisse rivaliser avec eux. À tel point que celles qui y parviendraient ne pourraient être vraiment des femmes. La transformation du prénom de Justine en son équivalent masculin peut s’inscrire dans cette logique de la domination prégnante dans les sports à risque : puisque les hommes sont supérieurs aux femmes, alors tout ceux qui rivalisent avec les hommes ne peuvent être que des hommes. Cela revient à rappeler l’impensée et surtout l’impensable association de la féminité et de la performance.
21Le rapport social déséquilibré qui place les hommes dans une position dominante par rapport aux femmes, leur permet de construire socialement les principes du maintien de l’ordre établi. Ceux-ci reposent notamment sur le façonnage du genre, dont on peut constater combien cette construction sociale se distingue du sexe biologique.
22Pour conclure sur ce point, trois types de manifestations de la domination se dégagent. Ceux-ci reposent sur la façon dont sont considérées les femmes dans ces sports : elles sont invisibles, dévaluées ou assimilées.
23Soit les hommes se comportent comme s’ils n’étaient qu’entre hommes. Cela se manifeste par exemple par la mixité fréquente des vestiaires ou par le fait que les hommes n’hésitent pas à se promener à demi nu sur les lieux de la pratique2. Dans ces lieux qui s’apparentent à de véritables « fiefs de la virilité » (Dunning, 1991), il semble que finalement les hommes ne prennent pas en compte la présence des femmes. Comme si elles n’existaient pas. Ces pratiques ressemblent alors à ce que décrit Mosconi : « Dans un certain nombre de cas, quand les filles sont très minoritaires, les garçons disent qu’ils les considèrent comme inexistantes ou qu’ils les traitent « comme des garçons » : annulées ou assimilées » (Mosconi, 1999, 103). Les hommes se comportent ainsi comme s’ils étaient dans un espace social monosexué et somment les femmes de ne pas « dénaturer » ce territoire en adoptent des façons de faire qui se confondent avec celles des hommes, ou tout au moins, ne les perturbent pas.
24D’autres fois, sans que ces différents visages de la domination soient exclusifs, les femmes sont dévaluées. Cela se traduit notamment par les remarques misogynes qui rappellent inlassablement le principe de hiérarchie. Cela se manifeste également par des voix plus douces, plus pernicieuses aussi, quand par exemple les femmes reçoivent l’aide des hommes pour plier un parachute, répartir le poids dans les sacs en alpinisme, ou prendre un décollage en parapente :
Tu vois quand j’ai débuté le parachutisme, j’avais des grosses galères à faire... On a des parachutes qu’on loue, et quand on plie ces parachutes il faut demander des vérificateurs. J’ai toujours eu un mal fou à avoir des fois un vérificateur qui vienne signer ma fiche. Quand ma femme venait me voir, oh la vache, j’avais tous les vérificateurs que je voulais. Mais ça, voilà, je viens de te résumer le, ce machisme là, s’il existe il existe à travers les mecs. Tu peux pas voir une jupe dans un para-club sans que les mecs tournent autour comme des fous. C’est comme ça (Marc, BASE-jumpeur).
25Ces « attentions » illustrent implicitement l’idée de la supériorité des hommes sur les femmes, à qui il convient de venir en aide. Comment expliquer autrement que ce qui pourrait être pris pour un simple soutien proposé par les experts aux novices soit presque exclusivement orienté vers les femmes ? Certaines femmes n’ont pourtant pas besoin de cela, notamment lorsqu’elles aussi excellent dans l’activité. Dans ce cas, les femmes sont assimilées au monde des hommes. Il s’agit du troisième mode d’expression de la domination. Celui-ci est central pour justifier la logique de la domination, qui repose sur la prétendue supériorité des hommes par rapport aux femmes. Les exploits des femmes sont « captés » et ces héroïnes sont transformées en héros, rétablissant ainsi l’idée du caractère nécessairement viril de l’exploit. Par un jeu de l’esprit, est alors « re-virilisée » ce qui renvoie fondamentalement à la masculinité et à la construction sociale de sa supériorité sur le féminin.
26Ces visages de la domination masculine sont à la fois structurés par les rapports sociaux de sexe et structurants. Car ils sont produits par ce rapport de force et participent en retour à réaffirmer en continu, les principes déjà incorporés. Il est d’ailleurs possible de faire ici un parallèle avec la socialisation, produite dès l’enfance, et productrice de pratiques qui à leur tour renforcent les principes intégrés. Par un jeu de miroir, rapports sociaux de sexe et pratiques sexuées se confortent et se renforcent. Non seulement « la théorisation en termes de division sexuelle du travail affirme que les pratiques sexuées sont des construits sociaux eux mêmes résultats des rapports sociaux » (Kergoat, 2000,36), mais il semble aussi possible d’ajouter que les rapports sociaux sont des construits sociaux eux mêmes résultats des pratiques sexuées. Rapports sociaux qui s’accommodent finalement assez mal de la stricte dichotomie des sexes. Car s’ils structurent les relations entre hommes et femmes, ils orientent aussi largement les relations entre les hommes eux-mêmes.
2. De la domination masculine à la domination virile
27Le « masculin » et le « féminin » sont des construits sociaux. C’est sur ce point qu’insistent les notions de rapports sociaux de sexe et de genre : « parler de rapports sociaux entre les sexes c’est d’abord affirmer que les groupes de sexe sont constitués dans et par le rapport qui les lie » (Ferrand et Langevin, 1990, 19) ; de tel sorte que le genre est un « élément constitutif des rapports sociaux fondés sur les différences perçues entre les sexes » (Scott, 1988,151). La notion de genre permet donc d’appréhender la dimension sociale de la construction des rôles, attitudes ou identités sexuées. Elle propose une voie pour penser la pluralité des catégories des hommes, et des femmes plutôt que l’unicité de celles de « L’homme » et de « La femme ». Elle permet ainsi « d’analyser dans leur contexte et par une comparaison dynamique, la construction des rôles (masculin et féminin) et les identités sexuées » (Thébaud, 2005, 63). Elle permet surtout de se détacher de la vision homogénéisatrice du masculin et du féminin. Ainsi comme le note Welzer-Lang, « si tous les hommes sont dominants, tous les hommes ne sont pas les mêmes, ni dans leurs rapports aux femmes, ni dans leurs rapports aux hommes » (2002, 11). Les rapports de domination s’exercent non seulement sur les femmes mais aussi sur les hommes. Car ces derniers doivent aussi se positionner dans l’espace des dominants. L’accès aux positions les plus valorisées passe par une série d’épreuves qu’il convient d’affronter régulièrement. Nous avons montré notamment que dès l’enfance les garçons, hommes en devenir, avaient à franchir quelques étapes, semblables à des rites initiatiques, qui jalonnent le parcours des garçons qui souhaitent devenir hommes. Pour reprendre l’assertion de De Beauvoir (1949), on ne nait pas plus homme qu’on ne nait femme.
28Et la position de « mâle dominant » ne se gagne pas une fois pour toute. Les épreuves viriles ne concernent pas uniquement l’enfance et la socialisation primaire. La « virilité », n’est jamais définitivement acquise. Alors si les mises à l’épreuve sont multiples, si elles se différencient notamment selon l’âge3 (les hommes en devenir et ceux qui sont déjà devenus hommes n’ont pas à se soumettre aux mêmes épreuves), les hommes n’en sont jamais totalement exempts. Tous doivent réaffirmer leur position dominante. Il faut donc se plier aux mécanismes de la domination pour pouvoir jouir des bénéfices que perçoivent les dominants, « le masculin est tout à la fois soumission au modèle et obtention des privilèges du modèle » (Welzer-Lang, 2002, 15).
29Si les femmes subissent donc largement ce que nous avons appelé « domination masculine », il est certainement plus juste de parler de domination virile, entendue comme imposition d’un principe de séparation, ne reposant pas seulement sur le sexe biologique mais sur l’adoption d’attitudes classantes, entre les sexes, ainsi qu’entre les individus de même sexe. Plutôt que la domination des hommes biologiques sur les femmes biologiques, il s’agit de la domination du masculin, dont le caractère est d’être viril, sur ce qui n’entre pas dans ce modèle, et qui par conséquent appartient à la classe dominée, celle du féminin. Les hommes biologiques qui ne répondent pas aux attentes de la virilité sont ainsi relégués parmi la catégorie des dominés, « ceux qui ne peuvent pas prouver qu’ils « en ont » sont menacés d’être déclassés et considérés comme les dominés, comme les femmes » (ibid., 17).
30Pour les hommes, il s’agit donc de « gagner » puis de « tenir » une place parmi le groupe des dominants. Cela passe par une série de mise à l’épreuve de la virilité. Dans cette perspective les pratiques sportives à risque sont particulièrement intéressantes. Car quelques sociologues l’ont déjà montré, le courage, mis à l’épreuve dans les prises de risque, est un attribut incontournable de la virilité. Duret met en évidence le fait que le courage figure parmi les attendus incontournables de la virilité, ceux qui transcendent les classes sociales : « les combles du manque de virilité se situent davantage dans les défaillances du caractère que dans des insuffisances physiques » (1999, 47). Bourdieu insiste aussi sur l’importance du courage et des prises de risque dans la construction de la virilité, et le risque auquel s’exposent tous ceux qui « n’osent pas » de se voir reléguer dans la « catégorie typiquement féminine des “faibles”, des “mauviettes”, des “femmelettes”, des “pédés”, etc. » (Bourdieu, 1998, 58). Dans un tout autre contexte social enfin, Godelier (1982) montre également le rôle central du courage dans la production des « grands hommes » : « L’aoulatta4 est avant tout l’homme qui, sur le champ de bataille, s’avance seul vers la ligne ennemie » (Godelier, 1982, 168). La prise de risque prend la forme d’un principe classant, qui produit de la hiérarchie entre les hommes. Certains sont « juste des hommes », d’autres, ceux qui osent davantage, sont des « grands hommes ».
31Entre les hommes s’instaure donc une hiérarchie. Celle-ci repose largement sur les prises de risque dans les sports à risque. Les prises de risque, à condition qu’elles donnent aux autres l’impression d’être contrôlées, sont très valorisantes. Car nous en avons déjà discuté, elles mettent en exergue un niveau de maîtrise. A contrario, dès lors que les prises de risque semblent présenter un déséquilibre trop important entre le niveau de maîtrise et le risque, elles ne sont plus valorisantes. Elles sont plutôt stigmatisées. Cela ressemble d’ailleurs beaucoup à la logique de l’Honneur dont parle Bourdieu (1979) : provoquer un « faible » ou au contraire quelqu’un de « trop fort », produit de la honte plutôt que de l’honneur. De la même manière, dans les pratiques sportives à risque, s’engager dans une prise de risque trop importante produit de la stigmatisation plutôt que de la valorisation. Mais il ne s’agit surtout pas non plus de refuser les prises de risque. Car elles sont directement associées à la virilité. À de multiples occasions est réaffirmée cette association. Elle est d’abord rencontrée dès l’enfance pour la plupart des hommes que nous avons interviewés. Il est souvent fait référence dans les récits de vie à ces épreuves qui ressemblent parfois à des rites initiatiques, et qui sollicitent l’engagement dans la prise de risque. Ces pratiques se réalisent quasi exclusivement entre garçons. Ce sont des pratiques d’homo-sociabilité qui se déroulent le plus souvent dans des « maisons des hommes » (Godelier, 1982), des territoires et pratiques proprement masculins, desquels les filles sont absentes5. Ils doivent, devant et surtout pour les autres, sauter d’un arbre, escalader rochers ou bâtiments, dévaler les pentes ou faire des cascades à vélo... Ces mises à l’épreuve fonctionnent alors comme des rites d’intégration pour ceux qui les passent avec succès ou d’exclusion pour ceux qui échouent. Car refuser l’épreuve en tentant par exemple de s’y soustraire ou en affichant ostensiblement les stigmates de la peur produit railleries et mise à l’index. Certains peuvent être affublés de sobriquets déclinant les figures qui cristallisent, dans les représentations, un déficit de virilité : « fillette », « gamin », « tafiole »... D’autres sont aussi explicitement écartés, privés de participation à ces jeux que les membres du groupe semblent finir par considérés comme inadaptés pour ceux qui n’ont pas fait montre de leur légitimité à s’y frotter.
32Et l’inscription des prises de risque comme épreuve de la virilité ne concerne pas seulement ces jeux d’enfants. Sur les terrains des sports à risque, lors des observations, cette association est souvent rappelée, comme par cette imprimé sur un T-shirt : « la plupart des sports ne nécessite qu’une seule balle, pour le parachutisme il faut en avoir deux ». Le refus de s’engager dans les prises de risque n’est finalement pas si différent des terrains de jeu juvénile aux terrains de pratique des sports à risque. Cela se manifeste par les moqueries que subissent ceux qui montrent des marques de peur. Ici encore les railleries empruntent à la même logique, celle de la négation de la virilité. Ceux qui n’osent pas sont des « lopettes », des « fillettes », des « femmes », parfois des « fiottes » ou des « tafioles ». Bref, le manque de courage renvoie ceux qui sont alors perçus comme défaillants à un statut dominé, celui des femmes ou de ceux qui ne sont pas vraiment des hommes. Ils s’inscrivent dans ce processus de déclassement que présente Welzer-Lang (2002) et qui tend à assimiler toutes les figures du manque de virilité, de la femme à l’homosexuel. C’est en ce sens que l’homophobie s’intégre totalement dans le domination masculine, puisqu’elle se présente comme une « figure repoussoir » (Borillo, 2000, 84). Ainsi, « la défaillance la plus grave de la machinerie virile, c’est la production d’un pédé » (ibid., 86). Cette stigmatisation ne renvoie d’ailleurs pas nécessairement à une orientation sexuelle. Les insultes homophobes s’apparentent plus à une mise en cause de la virilité d’un homme, qu’à une condamnation de ses pratiques sexuelles. Avant tout, la figure du « pédé » stigmatise une défaillance virile. Elle expose ceux qui en sont victimes, à subir eux aussi la domination virile. Cela ne se traduit pas sur les terrains de sport comme dans le monde carcéral (Mathieu, Welzer-Lang, 1997), mais les résistances de la part de ceux qui sont ainsi moqués témoignent du caractère tout à fait dévalorisant de ces étiquetages. Cela peut produire aussi des interruptions de carrière temporaires ou définitives. C’est le cas de Marc (parachutiste) qui après avoir vécu l’épreuve douloureuse de la peur et des railleries qui l’accompagnent a momentanément cessé la pratique du parachutisme. Ces dynamiques d’exclusion ne sont donc jamais directement le fait de ceux qui se moquent mais finissent par être insupportables par ceux qui sont moqués. Les sports à risque sont donc des espaces dans lesquels on observe cette proximité entre « domination sur les femmes et contraintes à la virilité imposées aux hommes » (Welzer-Lang, 2000, 75). Car dans les cas évoqués, les uns et les autres sont des hommes. La peur, ou plutôt ses manifestations, semblent ne pouvoir être acceptable qu’au féminin. En ce sens, parce qu’ils s’imposent aux hommes et les obligent, sans offrir apparemment d’autres stratégies que le retrait, les principes de la virilité peuvent être plus éprouvants encore pour les hommes que pour les femmes.
33D’ailleurs il est apparu que la défaillance doit surtout ne pas être perçue par les autres hommes. Émilie (parapentiste) raconte que les hommes, lorsqu’ils sont entre eux, n’avouent jamais qu’ils ont eu peur tandis qu’ils se confient plus volontiers aux femmes :
– On voit quand même qu’il y en a quand même qui ont un peu peur.
– Et ils disent qu’ils ont peur ?
– Non. Ah non. Non, non. Ils vont dire que c’est pas des bonnes conditions. Des choses comme ça. Ils ne disent pas qu’ils ont peur. Moi je vais dire que j’ai peur par exemple. Moi ça ne me gêne pas. Par contre c’est vrai que c’est les femmes qui ramènent un peu la discussion par rapport aux accidents. C’est tabou ça aussi. Moi je parle moi. Ça fait partie de la réalité. J’ai remarqué ça. C’est des sujets tabous. Non la peur on n’en entend pas parler. Moi j’arrive à leur en faire parler.
– Mais spontanément ils n’en parlent pas ?
– Non. Ils vont dire « l’air est instable, ma voile a fermé », mais ils vont jamais dire « ah j’ai eu peur », alors que des fois moi j’en ai vu, ils étaient comme ça (mime la peur). Ils étaient comme ça. Et moi après je regarde et je dis « ah t’as eu peur », « ah oui ».
34Les démonstrations de courage visent surtout les autres hommes. C’est le propre des univers monosexués6. Et s’il est possible d’évoquer avec les femmes la peur ressentie dans la pratique, il paraît bien moins facile d’en parler avec les hommes. Cela pourrait s’inscrire dans une certaine logique de l’éthique du « care » reconnue par les femmes comme par les hommes. Cela indique aussi que les prises de risque doivent être comprises comme des moyens de se situer dans la compétition virile plutôt que comme des entreprises de séduction7. Elles visent plutôt les pairs, comme s’ils étaient les seuls susceptibles de valider la virilité, donnant ainsi à voir un constat proche de celui que pose plus largement Bourdieu : « la masculinité est éprouvée devant les autres hommes, la virilité doit être validée par les autres hommes, et certifiée par la reconnaissance de l’appartenance au groupe des vrais hommes » (Bourdieu, 1998, 58). C’est surtout face aux autres hommes qu’il ne faut pas perdre la face, sous peine d’être « déclassé », situé dans la catégorie des faibles. Cela signifie aussi que dans ce contexte, seuls les hommes portent la légitimité de jugement. Plus exactement, la légitimité de juger le courage dans ce cadre particulier de la pratique et de reconnaître ou non cette virilité dominante.
35Et si l’expression de la virilité dans l’espace social des sports à risque s’appuie largement sur la mise à l’épreuve du courage, elle puise bien moins dans le registre de la force physique ou de l’affrontement. Au contraire, les pratiquants montrent un certain mépris pour ces qualités qui sont pourtant souvent fondatrices de la virilité. Ici, les sportifs insistent sur le fait que la force physique n’est pas nécessaire, elle est une qualité de « bourin » (Patrice, parachutiste) à laquelle il convient de préférer l’audace, la maîtrise technique ou la connaissance de l’environnement. Ce sont des pratiques qui s’inscrivent exactement dans le modèle des sports qui sollicitent surtout les « réflexes » (Pociello, 1981).
Note d’observation :
Sur un terrain de parapente, lors d’une journée d’observation, je discute avec quelques parapentistes. Il y a relativement peu de monde sur le site, environ une dizaine de personnes. Ce site est accessible en longeant une clôture et un champ de maïs sur une centaine de mètres. Lorsque de nouveaux arrivants traversent le champ au lieu d’emprunter le chemin, ils sont rappelés à l’ordre par ceux qui gèrent le site. Car ce terrain appartient à l’agriculteur qui cultive le maïs et il est important de conserver de bonnes relations avec lui pour pérenniser leur autorisation. Pourtant lorsqu’un nouvel arrivant traverse le champ, pas de remarque pour lui. Il arrive sans parler à personne. Personne ne lui parle non plus. Alain m’explique alors que personne ne l’aime ici. Tous les autres se connaissent et discutent mais ce nouvel arrivant est mis au ban. On me raconte que c’est un fou, qu’il en est venu aux mains récemment, suite à une remarque qui lui avait été faite. Son attitude en vol est également critiquée. Pour ceux avec qui je discute, ce parapentiste volerait de façon étrange, prenant souvent beaucoup trop de risque. Le triste état de son matériel, sa sellette notamment est également un sujet de conversation. C’est à son attitude peu avenante que se raccrochent les justifications de cette mise à l’écart, mais c’est surtout son altercation physique qui est condamnée. De toute évidence, dans cette pratique, la violence physique n’est absolument pas tolérée. Elle est stigmatisée. Dans ces pratiques marquées par la forte présence des catégories socioprofessionnelles dites supérieures, « la valeur physique des ouvriers, tout comme la valeur ménagère des femmes au foyer du peuple, ont servi de repoussoirs conjoints aux hommes et aux femmes des milieux de cadres modernistes » (Singly, 1993, 60).
36Se dessinent ainsi des virilités plurielles qui ne sauraient reposer sur la seule convocation de la force physique. Cela rappelle l’impérieuse nécessité de dépasser la lecture monolithique des catégories sexuées. Car on peut poser pour hypothèse que ce que nous constatons pour les hommes et la virilité pourrait être observé pour les femmes et la féminité, bousculant ainsi l’idée même de la bicatégorisation sexuée.
37Ce constat invite alors à la lecture croisée de différents facteurs d’influence sociale. C’est notamment ce que laisse entendre Duret lorsqu’il explique comment les positions sociales pourraient façonner les définitions de la virilité : « plus que tout autre, les garçons de milieux populaires fondent la masculinité sur la matérialité des corps. Alors que pour les fils de bonne famille, la volonté et la confiance en soi, constituent le pendant de la force comme une autre référence héroïque non plus ancrée dans les corps mais dans les caractères » (Duret, 1999, 39). La sur-représentation des catégories socioprofessionnelles dites supérieures dans les sports à risque, pourrait ainsi donner du sens à la conjointe valorisation des prises de risque et dévaluation de la force physique. Cela peut s’inscrire plus largement dans ce qui ressemble à un certain primat accordé aux choses de l’esprit sur celles qui relèvent plus directement du corps. Tendanciellement l’appartenance sociale se manifeste de cette manière dans les choix professionnels, comme dans les choix de pratiques sportives. Dès lors, il n’est pas surprenant que ceux qui optent pour une pratique sportive axée sur la valorisation d’un capital « intellectuel », valorisent également les marques de virilité qui s’inscrivent plutôt dans les esprits que dans les corps. Il n’est pas vraiment étonnant non plus que ceux qui stigmatisent les modes d’expression de la virilité passant par la force physique soient aussi ceux qui disposent du capital nécessaire pour faire valoir une autre virilité. Comme l’écrit de Singly, « les hommes les mieux dotés en capital social et en capital scolaire se sont désolidarisés des hommes les plus pauvres. La stigmatisation des formes d’expression de la virilité, des « machos », a affecté et affecte en priorité les hommes qui ne possèdent que ce mode de valorisation de soi » (Singly, 1993,61).
38Mais l’association d’une position sociale et d’un type de virilité se heurte à l’épreuve des faits. En effet, si nous n’avons jamais entendu de voix dissonantes pour ce qui concerne les contours de cette virilité « abstraite », nous n’avons pas seulement croisé des pratiquants appartenant aux catégories sociales les plus favorisées ni lourdement dotées en capitaux de quelque forme que ce soit. Sur ce point, le cas de Patrice (parachutiste) est exemplaire. Car Patrice tend lui aussi à déprécier la force physique inscrite dans les corps. Jamais celle-ci n’est mentionnée comme composante de la performance, de la valeur des individus, de leur position dans l’espace social. Cela pourrait pourtant être pour lui une indiscutable ressource : il est physiquement très imposant. Assez grand, il doit allègrement dépasser les cents kilos. Il n’est pas particulièrement gros et son corps porte encore les stigmates de ses précédentes pratiques physiques : l’haltérophilie et le body building. Patrice, avant d’être parachutiste, a donc été intensément engagé dans un sport archétypique du modèle de la force (Pociello, 1981). Il n’a donc pas toujours porté sur la force physique un regard distancié. Patrice est par ailleurs, issu de milieu ouvrier. Il est lui-même technicien de formation. Comment comprendre alors ce qui ressemble à une « dissonance culturelle » (Lahire, 2006) ? En situant l’acteur dans son univers de pratique support d’une « socialisation secondaire » (Berger et Luckmann, 1986) construite dans le parachutisme et portée par un investissement très fort ou d’un système de contraintes qui impose sa définition de la virilité et de ses épreuves. Quoi qu’il en soit, l’explication, se trouve plus certainement du côté de l’inscription sportive que du côté de son origine et de la position sociale. Sans nier l’influence de l’appartenance de classe, cet exemple insiste plutôt sur l’importance du cadre social de pratique. Cela revient à rapprocher l’explication d’un contexte plus local, apparemment plus signifiant ou plus contraignant, donc plus structurant, pour ce qui concerne au moins, la définition de la virilité et ses modes d’expression.
39À la différence de l’appartenance de classe qui n’est vraiment discriminante dans la pratique ni pour la définition de la virilité ni pour ses manifestations, l’âge présente un tout autre effet. En particulier parce que les formes de l’épreuve proposée aux plus âgés ne ressemblent pas à celles imposées aux plus jeunes. Aux plus âgés, il n’est plus exactement demandé de s’engager dans les prises de risque. Cela ne signifient pas que celles-ci n’existent plus dans la définition de leur identité virile, mais qu’elles sont mises en scène par d’autres moyens. Les plus âgés réaffirment leur virilité en faisant référence à leurs « exploits » passés. Ils rappellent comme pour justifier le fait que cela n’est plus d’actualité, qu’ils ont été des preneurs de risque. Jean-Luc (parapente) insiste par exemple sur le fait qu’étant jeune il prenait beaucoup de risque dans sa pratique. Il était une « tête brûlée » :
Je me suis calmé beaucoup. C’est vrai que j’avais une réputation, j’avais une réputation de tête brûlée. J’avais pas conscience. Maintenant je me suis beaucoup calmé et donc je fais ça sereinement. Mais c’est vrai que quand j’avais 25, 30 ans bon... je me souviens de compétitions j’étais l’ouvreur. Les conditions étaient mauvaises et je disais « moi je viens de loin j’y vais », et puis j’y allais. Et puis si ça tabassait ça tabassait, des trucs comme ça.
40Les plus âgés, ceux qui auraient déjà prouvé, par leurs prises de risque, qu’ils pouvaient faire partie du groupe des dominants, semblent avoir acquis le statut d’homme, parfois même de « grand homme ». Ils entretiennent ce qui constitue en quelque sorte, leur « légende », rappelant un passé dont on peut penser qu’il est pour partie phantasmé. Et s’ils tiennent le terrain, c’est également parce que ceux qui sont les plus âgés, sont souvent les plus anciens dans la pratique. Ils occupent de ce fait, une position plus installée. Tandis que les plus jeunes ont à conquérir des positions, la légitimité des anciens tient aussi justement à leur ancienneté.
41Nous pensions pourtant que parmi les aînés certains pourraient développer des stratégies compensatoires visant à faire la preuve de la persistance de leur vigueur. Nous n’avons en fait jamais rencontré ce cas de figure. Il semble plutôt que les plus âgés n’ont simplement plus à emprunter ces modes de justification de la virilité. Ils appartiennent plutôt à une autre catégorie d’hommes : les sages plutôt que les vigoureux. C’est davantage par leurs conseils ou leur vécu que se construit leur prestige. Cela permet même d’exercer une certaine domination sur d’autres hommes, même lorsque ceux-ci n’ont pas été « relégués ». Si « chaque homme est lui-même soumis aux hiérarchies masculines » et si « tous les hommes n’ont pas le même pouvoir ou les mêmes privilèges » (Welzer-Lang, 2002,17), les plus âgés, justement du fait de leur âge, peuvent appartenir à cette catégorie des dominants parmi les dominants. Ils ne subissent jamais les mises en doute de la virilité que connaissent les autres pratiquants. Ils occupent ainsi une position particulière dans l’ordre viril.
42Mais au même titre que le sexe, l’âge ne constitue qu’une base à partir de laquelle sont produites des catégorisations sociales (Caradec, 2001). En l’occurrence les plus âgés ne le sont pas seulement d’un point de vue calendaire, mais ils sont aussi souvent anciens dans l’activité. Il se trouve que l’âge et l’ancienneté vont largement de pair dans ces sports. Grossièrement trois catégories d’âges, qui n’ont en fait qu’un rapport distendu à l’âge calendaire, émergent des observations : les « jeunes » (catégorie qui semble concerner les moins de 30 ans, mais qui désigne aussi ceux dont la situation, notamment professionnelle ou familiale, est associée à la jeunesse) ; les « vieux » (dont on peut estimer qu’ils sont ceux qui ont plus de 50 ans). Entre ces deux extrêmes, ceux qui ne sont ni « jeunes », ni « vieux » ne sont pas explicitement dénommés, comme s’ils constituaient une sorte de norme.
43Et si les « vieux » prennent leurs distances par rapport aux prises de risque, les « jeunes » semblent au contraire être les plus concernés. Au point même de faire des prises de risque une caractéristique constitutive de la catégorie des « jeunes ». Les choses se passent donc comme si le « rôle » (Goffman, 1974) de « jeune pratiquant de sport à risque » différait de celui de « vieux pratiquant de sport à risque », car ni les uns ni les autres ne disent s’engager de la même manière dans les prises de risque. Plus largement, il apparaît ici que les rôles de « jeune homme » et de « vieil homme » se jouent selon des partitions distinctes. Les influences du sexe et de l’âge sont donc bien plus visibles que celle éventuelle de l’appartenance de classe dans la définition du rapport aux prises de risque et à la virilité. Tandis que les deux premières dimensions s’imposent dans l’interaction et la structurent, la troisième, à ce niveau d’observation, est muette.
44Mais si la virilité se pare de différents masques, jamais ceux-ci ne tombent tout à fait. Elle est un principe qui s’impose à tous, aux hommes et aux femmes, faisant finalement presque abstraction de la substance biologique sur laquelle elle prétend pourtant reposer. Car c’est bien le caractère viril et le degré de virilité qui semble déterminer la position dans la hiérarchie sexuée et par conséquent les pouvoirs et privilèges qui en découlent. En ce sens il est plus juste de parler de domination virile plutôt que de domination masculine, insistant ainsi une fois encore, sur le caractère social de la construction des catégories des « dominants » et des « dominés » ; invitant aussi à lire avec la plus grande prudence une catégorisation des rapports sociaux pensés ici comme des rapports de domination.
45Comment accepter en effet cette idée que des individus libres puissent se soumettre de bon gré ? Comment rendre compte d’un système de domination qui semble ne reposer sur aucun mécanisme puissant de maintien de l’ordre inégalitaire ? Ni coercition, ni enjeu matériel ne peuvent justifier le maintien de cette oppression dans les espaces sociaux que nous étudions ici. Comment expliquer alors la permanence de ce qu’il convient de considérer, malgré les aménagements, comme un ordre de la domination virile ?
3. Entre aliénation et prise de conscience, soumission et résistances
46La notion de rapports sociaux de sexe permet d’appréhender la domination masculine comme un processus mouvant plutôt que comme un état immuable. Elle situe la doxa de sexe dans une dimension sociale et surtout dans une perspective de rapports sociaux. Cette clé compréhensive amène à penser la complexité de la domination ainsi que les moyens de sa production et de sa reproduction. Dès lors que l’ordre établi ne s’impose plus seulement par « la force des choses », c’est qu’il est le produit d’autres dynamiques sociales. Celles-ci se traduisent par exemple dans les évolutions du cadre juridique relatif à l’égalité des sexes. Si l’on considère l’expression du législateur, force est de constater que ce ressort de la définition des rapports sociaux de sexe a connu d’importantes transformations. Les textes de loi tentent d’imposer une égalité de droit entre hommes et femmes. Mais l’égalité de droit ne se traduit pas nécessairement par une égalité de fait, ni même de principe8. Comme le note Laufer (2005), l’aspect juridique ne constitue qu’une des dimensions de la domination. Il convient d’analyser les « fondements idéologiques et les représentations sociales » ainsi que « l’histoire de la contestation de la domination » (ibid., 67). C’est ce que nous proposons d’étudier ici. Il apparaît que les « figures de la domination » (Martuccelli, 2005) naviguent sans que cela soit exclusif ni dans le temps ni dans l’espace, entre le principe de l’adhésion à une idéologie dominante, et le modèle de la soumission à la contrainte.
3.1. Une domination acceptée ?
47Si le territoire des sports à risque présente un cadre réglementaire qui distingue peu hommes et femmes, cela ne traduit pas une évolution égalitaire. Parce que ces disciplines sont longtemps restées monosexuées, elles n’ont pas dû s’organiser sur le principe de séparation. Au contraire, c’est l’entrée (relativement) récente des femmes qui a induit la mise en place de règlements spécifiques, notamment pour ce qui concerne la séparation des sexes pour certaines compétitions9. Ainsi, la déclinaison compétitive des sports à risque tend à reproduire, dans un mouvement que l’on pourrait qualifier de contraire aux évolutions sociales remarquables par ailleurs, le principe de séparation des sexes. Cette tendance peut surprendre dès lors que l’on considère quelques phénomènes sociaux concourant à la réduction des inégalités de sexe. Ceux-ci devraient faire obstacle à la mise ne place de ce mode d’organisation, fondée sur l’idée d’une l’irréductible inégalité des hommes et des femmes. En premier lieu nous pouvons rappeler la sensibilité croissante des sociétés occidentales contemporaines au principe de l’égalité (d’un point de vue juridique et idéologique au moins). Celle-ci peut apparaître d’ailleurs comme cause et conséquence de mouvements de mobilisations collectives tels que le féminisme qui a largement participé à mettre au jour les inégalités sexuées et s’attache encore à les réduire. Enfin, et ce troisième point n’est pas sans lien avec les précédents, les sociétés « post-modernes » semblent marquées par une réflexivité de plus en plus importante. Cela s’accompagne d’une prise de conscience par les acteurs, des mécanismes sociaux qui participent à la production de leur existence (Beck, 1986 ; Martuccelli, 2001).
48Comment expliquer alors que dans les sports à risque, la domination masculine, même si elle n’est ni totale ni définitive, puisse persister avec une telle vigueur ? Il apparaît que cet ordre des choses repose, au moins en partie, sur une base idéelle qui légitime le rapport inégalitaire et camoufle son caractère arbitraire. C’est ce que donnent à entendre les multiples rappels de l’adhésion apparente à la doxa. Même si parfois les récits présentent des individus et des pratiques pour lesquels le sexe n’est pas discriminant, les conditions de cette affirmation de l’égalité ou de la similarité sont tout à fait circonscrites à un niveau éthique. Ces postures se fissurent dès que l’entretien s’oriente vers les récits de pratiques effectives. Comme si finalement l’idéal égalitaire se heurtait à un insurmontable fait de nature. Hommes et femmes s’accordent ainsi sur le caractère inéluctable des différences qui font les inégalités. De façon souvent explicite, la supériorité naturelle des hommes pour la pratique des disciplines considérées est présentée comme acquise : ils seraient plus performants, parce que naturellement mieux dotés.
49Et un examen rapide des performances des hommes et des femmes pour des pratiques qui se jouent largement dans un cadre mixte, renvoie inexorablement à ce constat : de fait, parmi les pratiquants les plus performants, les hommes sont les plus nombreux10. En d’autres termes, le terrain des sports, sports à risque en l’occurrence, est particulièrement propice à la mise en scène des inégalités de sexe. Parce qu’ils sont des activités supportées par des corps et des corporéités dissemblables, les sports semblent affirmer avec force le caractère naturel des inégalités. Le poids de socialisations distinctes, dont nous avons précédemment montré toute l’importance dans la fabrication des différences, est totalement enseveli sous la fausse évidence de ce qui saute aux yeux. La naturalisation des différences offre alors une explication qui d’une certaine manière rend les positions confortables parce qu’elle déresponsabilise tout le monde. Les hommes ne sont plus coupables de défendre une position de dominant ni les femmes de se soumettre à cette domination. L’argument naturaliste fonctionne ainsi comme un miroir aux alouettes. Il offre à chacun une bonne raison de ne pas avoir à résister. Les hommes n’ont pas ainsi à porter le stigmate attaché à celui qui impose un ordre inégalitaire, tout en légitimant leurs positions dominantes. On peut penser aussi que dans des sociétés marquées par des logiques fortes d’individuation (Martuccelli, 2009) et autre « culte de la performance » (Ehrenberg, 1991) qui obligent toujours davantage les individus et les invitent à tracer leur voie, la position du dominé ne soit pas facile à assumer. L’argument naturaliste parce qu’il revient à nier l’imputabilité individuelle et sociale de cet ordre des choses, dégage les femmes de toute forme de responsabilité et du diktat de la performance construit sur le modèle viril androcentré. La naturalisation des différences prend ainsi non seulement la forme d’une contrainte, mais aussi, de façon tout à fait paradoxale, d’une ressource. Mais le cas échéant, difficile d’imaginer qu’il puisse s’agir de stratégie subjective, consciemment mobilisée ; une expression élaborée peut-être, des logiques de justification de soi, entre stratégie et sens pratique.
50Quoi qu’il en soit, ce principe qui impose un classement des sexes fonctionne aussi comme une vue de l’esprit, hermétique à ce qui devrait pourtant le fragiliser. Car le plus souvent hommes et femmes connaissent dans leur réseau de pratique des femmes dont les performances sont aussi bonnes sinon meilleures que celles des hommes. Pour autant il apparaît qu’elles ne suffisent pas à mettre en doute la supposée supériorité masculine. Soit ces cas sont considérés comme de simples exceptions qui ne font finalement que confirmer la règle ; soit, comme nous l’avons déjà noté, ces femmes sont assimilées au groupe des hommes. D’une façon comme de l’autre, elles sont ainsi renvoyées à l’anormalité, qui est aussi anomalie et qui ne peut par conséquent, contrarier un schème de pensée fort bien installé. Les inégalités portent à ce point le poids de l’évidence qu’elles ne sont même plus perçues comme telles. Ce ne sont plus les faits qui font le regard, mais le regard qui fait les faits.
51Ce qui repose sur une forme d’inculcation idéologique se pose comme un pilier de la domination et surtout de la soumission à cet ordonnancement du monde. C’est ce à quoi renvoient tous les récits, déjà mis en évidence, qui témoignent de la puissance d’un principe de division naturelle des individus et de leurs attributs selon le sexe. La division des sexes comme principe classant n’est jamais totalement mise en cause. Cela illustre exactement la dynamique de « l’assujettissement » (Martuccelli, 2004, 477) compris comme un mode d’incorporation continu des principes de la domination. Comme nous l’avons montré, cela procède à la fois d’un apprentissage initial depuis la socialisation primaire, puis de multiples rappels à l’ordre, quotidiennement rencontrés. La notion d’assujettissement est ainsi entendue « dans les deux sens du terme, indissociablement formation contrôle, production et reproduction, suscitation et prescription de sujet » (ibid., 478).
52Si la réflexivité est caractéristique de notre modernité, la reconnaissance de l’arbitraire de la construction du genre reste dans un angle mort. En ce sens on peut poser l’hypothèse d’un caractère original des rapports sociaux de sexe parmi les rapports sociaux. Justement parce qu’ils semblent se fonder sur une base naturelle, ils échappent davantage à la contestation11. Indéniablement le mécanisme de l’assujettissement participe au maintient de l’inégalité dans les rapports sociaux de sexe. Mais cela ne signifie pas que ce voile de fumée soit totalement opaque. Il produit des zones d’ombres majeures sur la lecture du genre et des ficelles de la domination, mais ne contient pas totalement les éclaircies ; et la soumission en acte ne doit pas être confondue avec une adhésion idéologique aveugle.
3.2. Soumission en acte, adhésion aveugle ?
53Si l’idée d’une supériorité naturelle des hommes imprime les modes de pensée, cela ne signifie pas pour autant qu’elle suffit à supporter toutes les manifestations de domination masculine. Le cas des remarques misogynes et les réactions dont elles font l’objet montrent que tout n’est pas le fait d’une soumission aveugle. Car si dans la « maison des hommes » (Godelier, ibid.) ces brimades semblent être acceptées, il faut être prudent. Certes les situations observées ne nous ont pas donné l’occasion de relever de situations conflictuelles provoquées par ces formes d’interactions. Le plus fréquemment ces remarques ne suscitent pas de désapprobation visible de la part des protagonistes de la scène. Jamais nous n’avons observé de résistance plus forte que le « retour de vanne » qui ne remet que rarement en cause le principe classant de genre. Pour reprendre la phraséologie Goffmanienne, nous pouvons parler d’une situation de « consensus temporaire » (Goffman, 1973). L’observateur pourrait ne retenir alors que la connivence et l’adhésion à ce que « veulent dire » ces remarques.
54Mais les entretiens invitent à proposer une toute autre lecture de ces interactions. D’abord parce que celles-ci sont largement perçues comme insultantes pour les femmes. Elles ne portent pas l’apparente insignifiance que l’observation pouvait donner à penser. Au contraire, elles apparaissent comme une véritable insulte, présentée comme une contrainte :
Quand t’es une fille au milieu de tous ces garçons c’est pas forcément... Tu n’es qu’une fille. Et puis en plus quand t’es secrétaire, alors là (rires)... Au départ je faisais le secrétariat. Et maintenant je continue de temps en temps. Mais drague, des blagues, c’est rigolo aussi, mais c’est... c’est un petit peu difficile. C’est un peu difficile de le gérer, de savoir se faire respecter tout en étant cool aussi. C’est des garçons entre eux, on ne va pas non plus changer. Mais euh... voilà, savoir gérer.
– C’est-à-dire savoir gérer ?
– C’est... bah c’est ce que tu permets aux autres de dire. Forcément ça parle. Au début que je suis arrivée, y avait Martina et Anne-Marie qui étaient là, on était trois. Maintenant y a plus de filles. Mais là on était trois et moi j’étais la dernière arrivante en plus. Mais quelque part il peut y avoir une partie aussi... c’est flatteur aussi. C’est pas que... je ne sais pas maintenant ça va. C’est un temps où je pense qu’ils testent aussi un petit peu (Marine, parachutiste)
55Les paroles de Marine, qui ne relèvent pas d’un cas isolé, montrent qu’il n’est pas facile pour les femmes de supporter ce qu’imposent les hommes dans un cadre viril. En aucun cas elles n’acceptent totalement ces situations. Comme le note justement Martuccelli, « qu’il n’y ait pas de manifestation ouverte et explicite de contestation ne veut aucunement dire qu’il n’y ait pas de résistances » (2004, 473). Pour autant, il n’est pas vraiment question de renverser ces usages, mais plutôt de composer. Pour plusieurs raisons, cet ordonnancement du monde de la pratique sportive semble ne pas pouvoir être contrarié. D’abord parce que l’ancienneté dans la pratique est du côté des hommes. Ils sont les pratiquants « historiques » de ces disciplines et ceux qui les ont développées. Comme si l’antériorité devait nécessairement mériter le respect de ces « coutumes ». Comme si les femmes devaient alors se conformer à ce qui existait avant elles. Mais c’est surtout le nombre qui paraît supporter la contrainte. Sur ces terrains, les hommes sont bien plus nombreux que les femmes. Leurs usages ainsi s’imposent.
56Finalement pour être acceptées, les femmes acceptent ce qu’elles présentent comme des règles produites par des hommes dans un monde d’hommes. Comme si cet espace social leur appartenait et qu’ils étaient les dépositaires des façons d’être ou de faire. Comme si elles n’étaient que tolérées à condition de se soumettre. Les pratiquantes du risque se présentent elles-mêmes comme des « invitées », tenues de se conformer aux us d’une pratique qui ne leur appartient pas. En ce sens nous pouvons dire que d’une certaine manière il y a aliénation des femmes, c’est-à-dire que celles-ci se plient aux règles d’un ordre social inégalitaire sans pouvoir le mettre en question.
57Mais la domination ne repose plus alors sur le principe de l’assujettis sement. Il s’agit d’un système de contraintes vécu comme insurmontable. Subjectivement, la soumission semble être la meilleure et la seule chose à faire. À l’occasion d’un rassemblement de parachutisme féminin ce sujet a été abordé. L’une des participante à l’occasion d’une discussion dans un groupe composé exclusivement de femmes, racontait qu’elle se force à rire de ces plaisanteries qui pourtant ne l’amusent pas. Cet exemple anecdotique montre comment parfois, les acteurs peuvent donner à voir des signes de soumission sans pour autant adhérer à l’idéologie qui porte la domination. Non seulement cela témoigne d’une certaine forme de résistance à l’idéologie dominante, mais cela montre aussi que dans ce cas « les dominés sont moins entravés au niveau de la pensée et du discours qu’ils ne le sont au niveau de l’action et de la lutte politique » (Martuccelli, 2004, 473). Alors même quand les modes de résistance ne bousculent pas la domination en actes, ils montrent que les dominés n’adhèrent pas toujours aveuglément aux principes qui les oppriment. Cela ne signifie pas que les femmes ne souhaitent pas bouleverser l’ordre social, la plupart d’entre elles aspirent même à ce que se « féminise » leur pratique, mais plutôt qu’elles ne voient pas comment cela pourrait se faire. Il n’est donc pas ici question d’imposition idéologique à laquelle souscriraient les dominées. Mais ce contexte ne laisse que peu de place aux résistances plus visibles. Sans pour autant qu’elles adhèrent à l’idéologie qui les opprime, il apparaît que les dominées acceptent de « faire avec ».
58S’enclenche alors une logique de légitimation de ces manifestations de la domination. Comme pour occulter la contrainte, se mettent en place des stratégies de déni. Ces brimades qui pourtant les gênent, deviennent ainsi dans les récits des notes d’humour sans importance ; elles seraient dites « sans y penser » (Catherine, parapentiste) ; pourraient même être flatteuses. Il n’en demeure pas moins que les femmes ne maîtrisent absolument pas ces « attentions ». Qu’elles le veuillent ou non, celles-ci leurs sont imposées. Nous pensons donc que ces interprétations données à entendre relève davantage de stratégies discursives qui s’adressent autant à l’interlocuteur qu’au locuteur. Elles permettent de rendre pour soi, un système oppressif plus acceptable en se persuadant que les choses ne sont pas si graves. Cela brouille ainsi, un peu plus encore, l’analyse des « figures de la domination » (Martuccelli, ibid.) qui empruntent tour à tour à l’assujettissement et à la contrainte vécue comme telle. Les ressorts de la domination se situent ainsi « entre chien et loups ». Ils sont pour les acteurs, visibles/invisibles ; lisibles/illisibles. Sans se superposer, ils se relaient et se complètent pour asseoir ici ou là, la doxa de sexe qui ne s’appuie ni totalement, ni uniquement, sur l’une ou l’autre de ces dynamiques sociales. Cela concourt à contenir les résistances, notamment dans leurs formes les plus revendicatives.
59Mais cela ne constitue pas un rempart infranchissable. Même si elles sont plutôt rares dès qu’elles sont moins discrètes, les résistances plus ostensibles existent. Elles ne sont pas toujours contenues dans le cadre privé d’un entretien ou dans les espaces de dégagement qu’offrent les contextes ou moments particuliers de pratiques entre femmes. Les confrontations directes et autres résistances affichées apparaissent parfois.
3.3. Du refus de principe à la résistance en acte
60Quel qu’il soit, un ordre social inégalitaire et contraignant ne régente jamais la totalité des agissements individuels. C’est l’un des apports de la sociologie de Crozier et Friedberg (1977) qui insistent sur l’importance des espaces de liberté et autres marges de manœuvre. Dans les sports à risque comme ailleurs, les résistances témoignent de cet état d’instabilité, même minime, du pouvoir. Cela ne signifie pas que l’équilibre de la domination masculine résulte seulement des stratégies mobilisées par les unes et les autres, mais que les dynamiques sociales empruntent aussi à ce schème. C’est ce que nous avons tenté de défendre précédemment. C’est ce que rappellent également les manifestations les plus visibles de résistance, au premier rang desquelles figure le retrait. Nombre de récits font ainsi référence à ces femmes qui n’acceptaient pas ce qui est devenu un usage. Sans que nous ayons pu effectivement l’observer, il semble que celles-ci aient rapidement abandonné la pratique. Et cette stratégie d’évitement n’est pas l’apanage des femmes. Elle peut également concerner les hommes. Ce fut le cas de Marc (BASE-jumpeur) : lors d’une première expérience dans le parachutisme il a rencontré une irrépressible peur l’exposant aux brimades d’autres hommes. Incapable de s’accommoder de la peur et de ces « vannes », Marc a abandonné le parachutisme. Sans véritablement pouvoir l’éprouver, on peut imaginer que dans un cadre de loisir, gratuit et librement consenti, le dégagement constitue la stratégie de défense la plus facile à adopter. Cela pourrait d’ailleurs participer à expliquer la faible présence des résistances plus « spectaculaires » sur les terrains de pratique.
61Malgré tout celles-ci existent. Elles peuvent par exemple prendre la forme d’échanges symboliquement violents. Car les résistances des femmes aux rappels à l’ordre rencontrent les résistances des hommes aux changements. Laeticia (parachutiste) raconte :
À un moment oui c’était difficile. Mais bon, moi je ne me laisse pas faire. Si on m’énervait, je le disais. Y a quelques personnes avec qui je me suis pris la tête, je me suis engueulée et que je ne vois plus. Parce qu’ils allaient trop loin dans leurs blagues, et je supportais pas.
62Pour Laeticia comme pour d’autres, les manifestations de désapprobations ne sont pas sans conséquences. Celles qui s’engagent dans cette voie s’exposent à la sanction. Cela peut se traduire par la rupture de certaines relations, comme conséquence du conflit. Mais cela se concrétise souvent de façon plus diffuse, par des logiques de stigmatisation. Celles qui ne se conforment pas à ce qui est attendu d’elles sont ainsi étiquetées. Elles ne seraient pas drôles, insensibles à l’humour, « Sainte nitouche » (Marine, parachutiste). Cet étiquetage témoigne d’un certain déficit d’intégration puisque le groupe dominant refuse de reconnaître ces femmes comme l’une des leurs. Celles qui résistent ouvertement peuvent ainsi être mise à l’index. Ce processus de stigmatisation constitue de fait, un outil puissant de régulation et une autre ressort de la domination : la coercition. Les résistances ponctuelles semblent donc modifier davantage les relations sociales entre quelques individus plutôt que les rapports sociaux de sexe ; par rapport à la relation sociale, « le rapport social, lui, est antérieur à la rencontre et postérieur à elle » (Kergoat, 2005, 98). C’est en tout cas une certitude sur le temps court.
63Les résistances existent aussi à un autre niveau, celui des institutions. Celles-ci semblent parfois soucieuses de promouvoir la pratique des femmes. C’est en tout cas l’ambition affichée des « rassemblements de parachutisme féminin » organisés par la Fédération française de parachutisme une fois par an. Mais on peut douter là encore de la portée d’un tel événement. D’abord parce qu’il n’est qu’un événement isolé, ponctuel, qui rassemble surtout celles qui sont déjà les plus investies dans la pratique et recrute assez peu parmi les débutantes. Mais surtout, les observations menées lors des éditions de 2004 puis 2006 ont permis de constater que même lors de ces événements particuliers, les hommes restaient les plus nombreux sur la « drop zone »12. Ils ont permis de constater également que bien que les rapports numéraires entre femmes et hommes s’équilibrent un peu, les rapports sociaux de sexe ne s’en trouvent pas visiblement modifiés. La division sexuelle du travail reproduit à l’identique ce qui s’observe dans les contextes les plus communs de ces pratiques. Les femmes sont toujours cantonnées à l’accueil et à l’intendance, les hommes affectés aux domaines techniques et festifs. Et lorsque sont organisées des conférences débats sur la question, comme depuis l’enfance dans leurs classes (Mosconi, 1999) ce sont encore les hommes, par leurs prises de parole, qui occupent l’essentiel de l’espace sonore.
64Il n’en demeure pas moins que cela témoigne d’une volonté institutionnelle d’intervenir spécifiquement en direction des femmes ce qui pourrait avoir une incidence forte sur la définition des rapports sociaux de sexe. En effet, il semble que ces rapports sociaux soient conditionnés par la présence relative des deux groupes de sexe. Une féminisation en nombre des espaces de pratique s’accompagnerait vraisemblablement d’une transformation des usages. Quelques femmes parachutistes inscrites dans le même club, ont noté notamment une évolution concomitante à l’augmentation du nombre de femmes inscrites. C’est ce que décrit par exemple Laeticia :
– Maintenant ça va mieux. Moi quand je suis arrivée en 99, c’est une autre équipe qui était au club. C’était très macho. C’était un peu vieux club associatif para, avec des militaires et c’était vraiment... T’en entendais plein tes oreilles.
– C’est-à-dire ?
Des blagues salaces tout le temps, macho... C’était vraiment... Maintenant ça a pas mal changé, y a beaucoup plus de filles.
65C’est aussi ce que présente Marine (parachutiste), qui insiste également sur le fait que le nombre plus important de femmes permet de « se partager » les brimades et ainsi de mieux les supporter :
T’es moins rare en tant que fille. Je te dis un peu la même chose mais un peu différemment quand même. Voilà y en a, donc t’es plus noyée dans la masse, t’es pas une des trois filles noyées au milieu de cinquante garçons. Donc t’es plus tranquille aussi. Et puis maintenant nous on est plus fortes en nombre alors on peut un peu plus les charrier eux aussi.
66La plus forte présence des femmes dans les pratiques sportives peut donc être un facteur de l’évolution des rapports sociaux de sexe. En même temps, l’investissement d’un nombre plus important de femmes dans ces pratiques résulte certainement d’une transformation de ce rapport social. Soit ces pratiques socialement se « féminisent », soit quelques femmes, toujours plus nombreuses, peuvent aller à l’encontre des attendus en matière de sexuation des pratiques. D’une façon comme de l’autre, cette évolution témoigne de changements qui s’opèrent dans les rapports qu’entretiennent hommes et femmes.
67Alors si les relations sociales influencent peu les rapports sociaux de sexe, « les pratiques sociales peuvent les faire bouger » (Kergoat, 2005, 98). En paraphrasant Bourdieu, nous pouvons dire des rapports sociaux de sexe qu’ils sont ainsi structure structurée et structure structurante. Ils sont façonnés par la pratique qu’il façonne en retour. Ce constat confirme en outre l’idée que la domination repose largement sur « un ensemble de contraintes de plus en plus éprouvées et présentées comme des contraintes » (Martuccelli, 2004, 477).
68La domination masculine n’est donc ni totale ni totalement invisible pour ceux qui la subissent. La conscience de ces mécanismes sociaux et les résistances existent. Il nous semble donc important d’abandonner l’idée d’une domination homogène fondée sur une idéologie dominante qui régirait uniformément l’ensemble du social. Si « on sait qu’en terme d’inégalité, les avantages sont toujours criants en faveur des hommes, en terme de rapports de domination sociale, il faut reconnaître la plus grande complexité de la situation actuelle » (Martuccelli, 2001, 160). Il convient donc de lire la domination masculine avec précaution et prudence. Son appréhension en terme de rapports sociaux de sexe, c’est-à-dire dans une perspective dynamique reposant sur la tension de groupes antagonistes, permet d’y participer en montrant que la domination n’est pas un phénomène monolithique et immuable, mais qu’elle prend plutôt la forme d’un « nuancier infini de la rencontre entre hommes et femmes qui n’est pas faite que de domination » (Thébaud, 2005, 63).
69Les sports à risque révèlent donc des mécanismes de la domination pluriels. D’abord celui qui repose sur la contrainte perçue comme telle. Notamment parce que les femmes sont en forte infériorité numérique, elles se heurtent à un système qui les oblige. En l’occurrence, il semble que dans la dynamique des rapports sociaux de sexe, le nombre contribue à faire la force. Et puis l’histoire de ces pratiques, en particulier leur tardive et lente ouverture aux pratiquantes féminines, imprime encore avec force des usages proprement virils et virilisants. Ce monde des hommes est ainsi définitivement pensé comme tel et les contraintes largement perçues comme insurmontables. Alors si la prise de conscience du caractère inégalitaire et arbitraire des rapports sociaux de sexe est nécessaire pour qu’apparaissent les résistances à l’ordre établi, cela ne suffit pas. Encore faut-il que les acteurs puissent espérer changer les choses. En l’occurrence, pour les femmes les marges de manœuvre se situent bien plus du côté de l’accommodation que de l’assimilation. Et si les résistances existent, larvées ou exposées, celles-ci renvoient bien davantage à des révoltes ponctuelles et réactives qu’à une véritable dynamique contestataire. En d’autres termes, elles sont circonscrites au périmètre de quelques relations sociales. On peut douter alors de leur impact sur l’équilibre des rapports sociaux de sexe.
70D’autant que ces derniers ne reposent pas seulement sur ce ressort de la domination. Les sports à risque se présentent comme des terrains particulièrement propices à l’affirmation de la pensée naturalisante. Ils donnent à voir des performances masculines et féminines inégales. Les différences sont perçues comme une démonstration imparable de la supériorité naturelle des hommes. Ces sports ne mobilisent pourtant pas les qualités physiques les plus communément associées au masculin. Le risque fait alors figure de pierre d’achoppement des justifications. Car le courage et la témérité qu’il faut pour surmonter la peur font l’objet d’une véritable naturalisation. C’est l’explication qui est massivement convoquée. Et cette idéologie naturaliste n’est jamais totalement remise en question pas plus que les « principe de séparation » et « de hiérarchie » (Kergoat, ibid.). Plutôt que d’opposer les logiques susceptibles d’éclairer le « paradoxe de la doxa » (Bourdieu, 1998), le terrain des sports à risque, invite à penser la complexité des dynamiques complémentaire de la domination. Sans s’attacher à une position ontologique qui présente le risque de devenir une « chapelle », on constate que la situation de domination masculine s’appuie sur des mécanismes qui cheminent différemment mais in fine se rejoignent. Si l’édifice de la domination que nous préférons appeler domination virile est particulièrement solide, c’est assurément qu’il s’appuie non seulement sur des fondations profondes mais aussi sur de puissants contreforts.
4. Pratiquants et pratiquantes de sports à risque : entre reconfiguration et permanence des modèles sexués
71Par les sports qu’elles investissent, les pratiquantes de sports à risque sont étonnantes. Elles s’engagent dans des disciplines qui semblent proprement appartenir aux hommes et qui sont très attachées à la virilité. En ce sens elles transgressent les usages sexués. Mais si elles sont étonnantes c’est aussi parce qu’elles présentent des modèles féminins complexes, souvent hétérogènes, parfois même porteurs de contradictions.
72Par leur choix sportif, les « femmes du risque » investissent donc une pratique masculine. En d’autres occasions elles empruntent également aux hommes des façons d’être, de faire ou de penser. Certaines optent par exemple pour un métier masculin. D’autres préfèrent les modes de sociabilité masculins, disent préférer la compagnie des garçons comme Émilie C. ou Sabine :
– Je m’entends mieux avec les mecs qu’avec les filles.
– Et depuis longtemps ?
– Ah depuis toujours.
– Depuis toujours ?
– Ouais quand j’étais gamine je traînais plus avec... À chaque fois ma mère elle râlait parce que y avait pas de petites filles. Ouais j’avais fêté mon anniversaire, y avait que de mecs qui étaient invités, « ah gna gna gna ». Du coup j’ai pas fêté mon anniversaire (Sabine, parachutiste).
73Souvent elles justifient l’orientation privilégiée de leurs relations électives vers les hommes par une essentialisation des caractères sexués. C’est parce que les femmes « feraient des histoires », « seraient moins franches » ou « plus compliquées » que ces femmes disent préférer la compagnie des garçons :
J’ai l’impression que les mecs ça va se chipoter sur un truc, et puis le soir ça va se boire une binouze au bar et se réconcilier. Les nanas c’est plus vicieux que ça. Dans ma tête, ça doit être plus vicieux que ça. Du coup c’est moins, c’est moins franc peut-être. Enfin peut-être que je me trompe, mais c’est l’impression que j’ai (Sabine, parachutiste).
Note d’observation :
Sur un terrain de parachutisme, je discute avec quelques filles. Nous parlons de la mixité des équipes. L’une d’entre elle me dit qu’elle pense qu’une tentative a été faite de mixer l’équipe de France, mais que celle-ci à conduit à un échec à cause du caractère des filles : « Les équipes mixtes existent mais pas en équipe de France. Il paraît que l’expérience à été faite et qu’il y a eu des histoires à cause des filles. Enfin moi je ne sais pas, je ne suis pas à la fédé, c’est des bruits de couloir ». Sans même en avoir eu confirmation, cette femme accepte tout à fait l’idée que l’expérience d’une équipe de France mixte ait pu échouer pour cette raison.
74Par le portrait qu’elles dressent de ce qu’elles présentent comme une certaine essence féminine, ces pratiquantes se mettent à distance. Elles présentent une certaine extériorité, comme si finalement, elles même n’étaient pas des femmes. Elles semblent se positionner alors plutôt du côté du masculin que du féminin.
75Cela étant, même si par leur engagement sportif les pratiquantes de sports à risque sont hors-les-normes, cela ne signifie pas pour autant que jamais elles n’adoptent d’attitudes conformes aux modèles genrés les plus conventionnels. Par leurs représentations, leurs modes d’investissement dans les sports à risque ou les pratiques qu’elles empruntent hors des cadres sportifs, ces femmes témoignent souvent de leur conformité à l’ordre établi.
76En premier lieu, elles développent souvent des représentations très classiques de ce que peuvent être « le » masculin et « le » féminin. Elles ne mettent pas en cause les catégorisations sexuées. Elles justifient par exemple la faible présence des femmes dans leur sport par le fait que ce sont des activités qui requièrent « beaucoup de volonté, d’énergie, de souffrance aussi » (Christine, alpiniste) ou qu’elles « nécessitent carrément d’aller affronter une peur » (Sabine, parachutiste). Volonté, énergie, tolérance à la souffrance ou courage appartiennent ici au masculin. Pour ces femmes les hommes sont plus courageux qu’elles, pour nulle autre raison que parce qu’ils sont des hommes. Et leurs représentations sont aussi très conventionnelles en ce qui concerne les rôles sexués. Il apparaît par exemple que souvent, le statut d’épouse et de mère leur semble incontournable pour les femmes. Émilie parlant de sa sœur dit d’elle qu’elle a « tout pour être heureuse, trois enfants, un mari ». Enfin parmi les pratiquantes du risque, nombreuses sont celles qui considèrent même que leur pratique est un sport de garçon, non pas seulement parce que les garçons sont plus nombreux que les filles, mais parce qu’elles estiment que ce sport met en scène une façon d’investir le monde plus masculine que féminine.
77En second lieu, les pratiques sportives à risque donnent à voir des modes d’investissement sexués. Hommes et femmes développent des modalités de pratique qui leurs sont propres. Nous avons notamment montré comment les engagements dans les prises de risque ou dans la compétition pouvaient être discriminants. Comme l’a déjà constaté Louveau, « investissant une pratique sportive, la “même” éventuellement, hommes et femmes y impriment leurs marques, ils y donnent à voir des gestuels personnalisés, car outre leur morphologies distinctes, ils y importent leurs dispositions corpo-culturelles propres » (1998, 155). Bien qu’elles pénètrent des pratiques masculines, les femmes ne se conduisent pas exactement « comme les hommes ». Il existe donc une traduction sexuée des pratiques sportives à risque. Même si elles pratiquent une discipline masculine, il semble que les femmes « font les choses avec féminité » (Patrice, parachutiste).
78Enfin, parallèlement à leurs transgressions sportives, ces femmes peuvent s’inscrire par ailleurs dans des pratiques conventionnelles. Louveau (1986) a d’ailleurs déjà mis au jour le fait que les sportives qui pratiquent des sports de tradition masculine peuvent par ailleurs « ressembler aux autres femmes » (ibid., 107) par les métiers qu’elles exercent, les rôles qu’elles assument ou leurs représentations. Effectivement parmi celles que nous avons rencontrées, quelques unes ont emprunté des voies professionnelles « classiquement féminines » : Marine est psychologue, Émilie est secrétaire et envisage de se reconvertir dans la puériculture, Élodie est bibliothécaire et Martine est employée de banque. Outre leurs orientions professionnelles, elles s’occupent largement des charges éducatives et domestiques lorsqu’elles ont des enfants, ou envisagent de le faire lorsqu’elles en auront. Alors même si elles empruntent des chemins de traverse, ces femmes ne proposent pas pour autant nécessairement un modèle de féminité en totale « rupture ».
79Si l’accord pratique des femmes à l’ordre de la domination masculine ne s’accompagne pas nécessairement d’une adhésion à l’idéologie dominante, il apparaît également ici qu’une transgression pratique peut être combinée à un assujettissement idéologique. Les stratégies compensatoires que développe Marie sont en ce sens très éclairantes. Elle dit souhaiter équilibrer le côté masculin qu’elle pense développer dans sa pratique d’un « sport d’hommes », par le choix d’un métier féminin13 ou par l’adoption d’attitudes féminines (comme le maquillage par exemple). Son exemple montre que l’engagement dans une pratique transgressive n’est pas nécessairement fonction du détachement des dominés par rapport aux principes qui sous-tendent leur oppression. Soumise à l’ordre sexué, Marie se sent comme obligée, sans que personne ne semble le lui imposer, de « développer son côté féminin ». Cela montre aussi combien les attentes sociales en matière d’attitudes sexuées peuvent être profondément inscrites dans les corps et les esprits, au point que soit subjectivement approprié l’ordre social.
80Si les femmes adoptent des attitudes contradictoires s’inscrivant tantôt dans ce qui relève de la féminité traditionnelle, tantôt dans des pratiques plutôt masculines, il est apparu que les hommes pouvaient également être porteurs de paradoxes. L’engagement dans une pratique sportive virile, ou dans des conduites « virilisantes » ne signifie pas nécessairement que par ailleurs, les hommes n’adoptent jamais de rôles ou de tâches qui sont plus souvent pris en charge par les femmes. Parfois sur les terrains de parachutisme ou de parapente les hommes s’occupent de leurs enfants (même lorsque leur mère est aussi présente). Certains hommes réduisent parfois même leur pratique pour passer plus de temps en famille, avec femme et enfants :
Je pratique maintenant régulièrement depuis cinq ans, cinq-six ans. Alors je ne suis pas un pro en parachutisme parce que le problème c’est que c’est les week-ends. Et moi le choix il est vite fait c’est que sur un week-end, je peux faire une demi journée ou une journée maximum, vraiment maximum en sachant que le reste c’est pour ma famille. C’est pour ma femme, c’est pour mon fils, maintenant j’ai un enfant (Marc, BASE-jumpeur).
81Sans parler de « nouveaux pères » ou d’inversion des rôles sexués, hommes et femmes dans les sports à risque montrent que les définitions du masculin et du féminin sont mouvantes. Les frontières peuvent être poreuses. Des femmes investissent des sports masculins sans pour autant abandonner les rôles et attributs classiques de la féminité, tandis que les hommes investis dans des pratiques viriles peuvent s’approprier des usages féminins. Masculinité et féminité ne se confondent pas pour autant, mais ils évoluent, se décomposent et se recomposent, illustrant ainsi les tensions dans les rapports sociaux de sexe.
Notes de bas de page
1 Si les rapports sociaux de sexe présentent cette caractéristique d’imprimer largement les situations sociales jusque dans l’interaction, la situation de l’entretien ne constitue pas une exception. En aucun cas il ne s’agit de la nier mais de tenter de neutraliser ce paramètre en rappelant au moins cette condition d’enquête.
2 Ces attitudes ne sont pas sans rappeler celles qui décrit Saouter (2001) dans son étude sur le rugby, en particulier sur la façon dont sont neutralisés les corps dans une logique consistant à les « dés-érotiser ».
3 Comme le montre également Duret (1999), les épreuves de la virilité diffèrent aussi selon l’appartenance sociale des individus. Dans les milieux populaires par exemple, la force physique constitue toujours un attribut viril par excellence. Cela vaut beaucoup moins pour les hommes des classes supérieures.
4 L’« aoulatta » est un « grand homme » par excellence, c’est un grand guerrier.
5 Quelques-unes de celles que nous avons rencontrées semblent être des exceptions, puisqu’elles ont fréquenté ces « maisons des hommes ». Cela participe à n’en pas douter à leur incorporation de dispositions masculines.
6 Les sports à risque ne sont pas exactement des univers monosexués, mais nous avons montré qu’ils sont encore fréquemment et largement pensés comme tels.
7 Et la séduction elle-même peut d’ailleurs s’inscrire dans la logique de lutte pour accéder à une position privilégiée dans l’espace masculin. Car le « séducteur » jouit assurément d’un prestige très fort.
8 Dans le système judiciaire même, les processus de pénalisations restent imprégnés de l’« emprise du genre » (Löwy, 2006). Cardi (2009) montre par exemple comment la maternité peut conditionner l’aménagement des peines. Penin, Terfous et Hidri montrent aussi comment, dans le champ sportif, les processus d’incrimination ne font pas véritablement abstraction du sexe des contrevenants (Penin, Terfous, Hidri, 2011).
9 Notons que les sports à risque institutionnalisés dans un cadre fédéral et qui proposent une pratique compétitive (nous parlons ici de la FFP et de la FFVL), organisent des compétitions et des équipes nationales qui sont plus souvent mixtes, mais quelques exceptions sont notables. Il existe par exemple une équipe de France féminine de vol relatif à la FFP.
10 Pour exemple, à la FFP, les équipes de France mixtes étaient composées en 2010 de 30 hommes et de 2 femmes. Les femmes sont donc sous représentées à ce niveau puisqu’elles forment environ 13 % du contingent des détenteurs d’une licence annuelle.
11 Il faut toutefois préciser que la question de la « race » (qui renvoie en fait à la couleur de peau) fait également l’objet d’une naturalisation des différences. C’est dans cette mouvance que l’on peut situer les explications « médicales » invoquées pour justifier la surreprésentation des athlètes à la peau « noire » dans les disciplines de sprint (et saluer avec Christophe Lemaitre, le premier sprinter à la peau « blanche » courant le 100 mètres en moins de 10 secondes). Mais à la différence du sexe, la « race » n’est pas pensée comme une variable suffisamment discriminante pour qu’elle mérite de produire une séparation formelle.
12 C’est-à-dire la zone de l’aérodrome ou se pratique le parachutisme.
13 Marie est infirmière.
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