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De la découverte à l’enseignement de l’éducation physique (1954-1969)

p. 45-83


Texte intégral

Marcel Vaillaud, un premier « guide de route »

1En 1954, alors âgé de 16 ans, Christian intègre la classe de préparation au concours d’entrée à l’ENI du collège Saint-Bruno de Bordeaux. Il enchaîne les cours de français, d’algèbre, de géométrie, d’histoire ou encore de géographie, qu’il suit avec de nouveaux camarades « Jean-Paul Mounier, “Bados” Martineau, Michel Bruic », mais également avec son « guide scolaire », Marcel Vaillaud. Les choses n’ont guère changé depuis les cours complémentaires, car dit-il, « je suis Marcel Vaillaud, il va à droite, je vais à droite, il va à gauche, je vais à gauche, il va pisser, je vais pisser ». Malgré le sérieux de la préparation assurée, il ne se classera que 25e au concours d’entrée à l’ENI. Il doit ce « rang extrêmement modeste » à sa note d’anglais. Christian a en effet « complètement décroché en anglais » dès son entrée aux cours complémentaires, il raconte avec humour son incapacité permanente à comprendre que « Jack is a boy. Jane is a girl. Who is Jack ? Who is Jane ? ». Jusqu’à la fin de sa carrière universitaire, ses difficultés en anglais le poursuivront, il admet avoir une tendresse toute particulière pour sa « langue maternelle » et considérer son niveau en anglais comme « une catastrophe ».

2En 1955, Christian intègre l’ENI de Gironde, au Château de Bourran à Mérignac exactement. Il devient « interne » pour la première fois, un interne « très contrôlé » et « rémunéré ». En effet, « l’incroyable élitisme républicain » octroie à l’époque « un pécule » aux élèves-maîtres, somme mise en réserve et restituée à la sortie. Il raconte avec fierté ce qu’il considère comme une véritable « promotion pour les fils du peuple ». À l’époque, conformément à un usage promotionnel des ENI, les élèves les plus méritants pouvaient préparer, durant la quatrième année, une École Normale Supérieure au lieu de consacrer cette même année au perfectionnement professionnel. La possibilité était donc donnée aux meilleurs, détenteurs d’une mention « Très Bien » au baccalauréat ou de mentions « Bien » aux deux baccalauréats, de « continuer dans l’enseignement pour devenir professeur ». Marcel Vaillaud est passionné de sciences naturelles. C’est avec lui que Christian a herborisé de nombreuses plantes, classées avec leurs noms latins, herbiers qu’il a par ailleurs tous conservés. C’est auprès de lui également que Christian s’est perfectionné au « dessin des préparations anatomiques animales ». Fort de sa mention « Très bien » au baccalauréat, Marcel Vaillaud envisage alors « une seconde expédition » : préparer le concours d’entrée à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm. Partant, il va « lancer son ami sur une voie parallèle ». Avec ses mentions « Bien » aux deux baccalauréats, Christian « a le droit de faire comme Marcel Vaillaud », il « veut faire l’équivalent dans son domaine », « mon ENS à moi » dit-il, ce sera donc l’École Normale Supérieure d’Éducation Physique (ENSEP).

L’Éducation Physique, une révélation tardive

3Christian découvre pour la première fois l’Éducation Physique lors d’un cours mené par André Soubirand, dans le Parc de Bourran à Mérignac. André Soubirand, « deux mètres d’envergure », est « un personnage haut en couleur ». Exigeant avec ses élèves, attentif à leur bien-être, Christian se souvient par exemple d’une consigne répétée inlassablement sur un ton péremptoire « de la nécessité de pas se torcher le cul avec du papier journal parce que c’est cancérigène ! ». Si les méthodes appliquées alors en cours ne satisfont pas forcément Christian, il est fasciné par ce professeur, un homme « truculent et savoureux dans ses explications ». Christian déclare avoir eu un déclic : « je veux faire comme lui, je veux faire comme lui ». Sa « vocation » comme il aime à le répéter, tient donc à trois choses. D’abord, à ce personnage marquant. Ensuite, à un « besoin d’exploser physiquement, un besoin d’expression corporelle » que d’autres appellent encore « la bougeotte ». Enfin, à ses bons résultats dans quelques disciplines sportives. À force de « grands tours du Parc », Christian est effectivement devenu « assez bon en endurance ». Puis, ne se sentant pas « avantagé du point de vue des qualités physiques, pas très grand et qualifié de bas du cul » par ses camarades, il préfère s’orienter vers les activités pour lesquelles « le travail physique acharné paie ». Les entraînements menés sous la direction d’André Soubirand vont payer, Christian gagne le cross-country régional, également appelé le « Challenge du Nombre ». Lui qui a « toujours rêvé de faire 1,90 m », va devenir « très bon » dans les activités athlétiques et gymniques, « surtout le fond et les agrès ».

4Marcel Vaillaud souhaitant faire l’ENS dite de la rue d’Ulm, en sciences, dans le département de biologie, Christian décide alors de suivre « cette voie royale » et de « faire l’équivalent en Éducation Physique ».

Jean-Pierre Bessaguet, un nouveau guide

5En 1958, dispensé de la 4e année de formation professionnelle à l’ENI de Mérignac, Christian intègre le Centre Régional d’Éducation Physique et Sportive (CREPS) de Bordeaux, à Talence-Monadet. À ce propos, Christian a l’habitude de dire que le CREPS offrait à l’époque « la pension, sinon la préparation, à ses pensionnaires ». Les débuts sont en effet périlleux. Christian se rend vite compte que la préparation au concours d’entrée de l’ENSEP est « totalement inexistante » puisque les enseignants de l’établissement sont « nuls » et/ou « ailleurs ». Cela n’entame pas sa « fièvre de réussite et de promotion », mais il se retrouve dans une situation nouvelle de « solitude forcée ». Après six années passées à suivre les traces de Marcel Vaillaud, « sur-contrôlé » à l’internat de l’ENI à un point qui fait ironiser Christian lorsqu’il précise qu’« on leur disait même quand il fallait aller pisser », Christian doit à présent « travailler d’arrache-pied... mais seul ». La pression est telle qu’il pense ne pouvoir « ni reculer, ni échouer ». Pour Christian, une anecdote illustre parfaitement cette « énergie débordante, [cet] enthousiasme » dont il faisait preuve pour réussir. Le deuxième jour suivant la rentrée au CREPS, un test sur 100 mètres est réalisé et c’est le Directeur en personne, Pierre Seurin, qui tient le chronomètre. Christian se lance « à l’arrachée, bas du cul mais à fond les manettes ». Lorsqu’il passe près de Pierre Seurin, celui-ci a ses quelques mots, « Pociello, il va falloir mettre un slip qui vous tienne ! (Rires) ». Christian a bien senti « la gêne » durant la course, mais « tellement soucieux de bien faire », il n’a pas failli, « tant pis pour la couille ! La performance quoi ! (Rires) ».

6Il va alors faire la connaissance d’un « étrange voisin » de chambre, Jean-Pierre Bessaguet, dont il va vite percevoir « la force de travail intellectuel ». Ce dernier, « fils de paysans », échappe comme il peut à la tradition familiale qui veut « faire de lui un fermier » et, « porté par la volonté de s’en sortir », il devient instituteur « dans une classe de perfectionnement du Bas-Limousin », obtient une dérogation et intègre le CREPS de Talence-Monadet. Une relation de franche camaraderie s’installe entre les deux hommes, camaraderie qui ne doit pas masquer la rigueur, le souci de productivité et l’acharnement auxquels ils décident de s’astreindre pour décrocher leur entrée à l’ENSEP. « Momond1 » va communiquer sa soif de réussir à Christian, et comme Marcel Vaillaud a pu le faire en son temps, il va devenir son « nouveau guide », du fait de ses qualités d’« organisateur du labeur autarcique ». D’emblée, une « très avantageuse complémentarité » leur apparaît. Jean-Pierre devient l’« initiateur » de Christian aux connaissances en psycho-pédagogie2. Il va lui faire découvrir les grands théoriciens et, ensemble, ils vont préparer des copies-type « jusqu ’à prévoir et apprendre par cœur les transitions » selon des sujets potentiels. Christian, fort de son « coup de crayon » développé dans l’enfance lors de ses colonies de vacances, se découvre « un goût, une aptitude pour l’anatomie ». C’est sur un tableau noir, « piqué et ramené dans sa piaule » et de son « coup de craies de couleur » en l’occurrence, que Christian va initier Jean-Pierre à la physiologie et à l’anatomie du corps humain, « les agencements du grand dorsal et du deltoïde, les schémas du diaphragme, la circulation sanguine, etc. ».

7Durant une année, le tandem va travailler « comme des bêtes », « sans vacances ni jours chômés », respectant ainsi « l’emploi du temps minuté imposé par Momond ». Leur « programme de révision » fait évidemment la part belle aux « épreuves intellectuelles », il intègre également une préparation physique menée « tambour-battant ». Ainsi, chaque jour, ils parcourent le chemin des hauteurs du CREPS, où se situaient les bâtiments de l’internat, au château, dans lequel ils prenaient leur petit-déjeuner, « au pas de course, tout en récitant, étude de la passe normale et croisée au rugby... ». La prise du petit-déjeuner est conditionnée par la réussite à la montée à la corde lisse. Ils s’entrainent sans relâche au « 1500 mètres suivant la toute récente table Letessier3 » et à l’épreuve gymnique. Et pendant la remontée aux dortoirs, ils récitent quelques fondamentaux de sciences de l’éducation, « Claparède à prétendu que... Mais Kirschsteiner lui a répondu que... Quant à Pestalozzi... ».

Major à l’entrée à l’ENSEP, contre toute attente

8Ce « programme » que Christian et Jean-Pierre se sont volontairement imposés se déroule presque « secrètement » puisque dénué d’un quelconque « soutien du corps professoral ». Selon Christian, le directeur de l’établissement, Pierre Seurin4, « ne connait absolument rien des pensionnaires qui fréquentent son CREPS ». Pourtant, sur sa demande, il convoque un conseil des professeurs, en l’absence des élèves (partis en stage de voile à Socoa), durant lequel les professeurs se sont « risqués à faire des pronostics sur les chances de réussite des uns et des autres au concours d’entrée à l’ENSEP ». Non seulement, les élèves en ont écho, mais surtout, « une fuite fait connaître ces “pronostics” aux candidats, en plein milieu des épreuves écrites du concours ». Serres5, un rugbyman éminent, « serait reçu haut la main » mais « Christian Pociello ne pourrait pas réussir ce concours si difficile... ». Et pourtant, Serres partageant la chambre de Jean-Pierre Bessaguet, Christian « savait de source sûre que ce joueur ailier de rugby du Stade Bordelais Université Club était resté toute l’année sur la clavicule... le premier chapitre du Rouvière6 ». Actuellement, Christian éprouve encore « une haine tenace » à l’égard de Pierre Seurin et des professeurs qu’il qualifie, plus de cinquante ans après l’épisode malheureux, de « trous du cul ! (férocement) ». Loin de casser le moral de « l’indéfectible tandem », ces pronostics défavorables renforcent plus encore leur détermination. Leurs efforts paient. D’autant plus que « le goût du savoir encyclopédique acquis à l’École Normale d’Instituteurs a trouvé sa plus parfaite expression dans l’accumulation des matières de concours retenues pour la formation des professeurs d’EPS ». Jean-Pierre réussit le concours d’entrée à l’ENSEP et se classe dans les dix premiers. Christian, quant à lui, « rentre Major » à l’ENSEP. Il se souvient des sentiments « de gloire et de prestige » éprouvés alors, sentiments partagés avec Jean-Pierre Bessaguet, ces « deux fils du peuple partis de rien, mais portés et emportés, dans les années de croissance économique et de reclassement social, par l’élitisme républicain de l’école, convaincus que le travail scolaire, sérieux et acharné... toujours... ca paye ».

Ainsi s’accentue la distance avec la famille...

9Juste avant le départ de Christian pour Bordeaux, la famille Pociello s’agrandit. Un peu plus de dix années séparent donc Christian de son frère cadet et, du fait de la trajectoire scolaire du premier, les deux frères auront peu l’occasion de se côtoyer. Il décrit un jeune garçon « très gentil, facile à vivre et qui avait cette particularité de faire rire ses professeurs alors qu’il n’en foutait pas une à l’école ». Mais c’est avec une pointe de jalousie qu’il raconte comment son frère devint « le chouchou de son père ». Cet état de fait a indubitablement « tout changé dans ses rapports avec lui », d’autant plus que Christian continue de faire les frais des menaces de son père. Durant les cours complémentaires, il revient chaque week-end au domicile familial grâce au « fameux tramway ». Christian se souvient ainsi de son premier retour au Chemin des savonneuses, durant lequel il exhibe « triomphant », « un petit train mécanique » qu’il s’était acheté, « grand couillon alors âgé de 12 ans passés », grâce au « petit billet de cinq francs », gentiment offert par Mamie Soula pour le « récompenser de sa réussite au concours d’entrée en sixième ». Son père, considérant d’un mauvais œil « le gaspillage de l’argent » et « pris d’une colère noire », a pris la locomotive et l’a « explosée contre le mur au fond du jardin ». Ce souvenir, encore vivace plus de soixante ans après, est le seul que Christian gardera de ses week-ends passés au Pont de la Maye.

10La « coupure avec la famille » sera encore plus franche lorsque Christian va émettre le souhait de préparer le concours d’entrée à l’École Normale d’instituteurs. À cette époque, « la tradition familiale de la postoche ressurgit » et André Pociello oblige son fils à passer le concours d’« Agent d’exploitation des PTT ». Menant de front les deux préparations, Christian sera reçu, la même année, aux deux concours. Pour Christian, le choix est sans appel. Il emprunte « la voie royale qui conduit les fils du peuple méritants au Château Bourran de l’ENI de Gironde » et démissionne du concours des PTT, « transgressant une nouvelle fois la volonté paternelle7 ».

11Les années passées en tant qu’interne au Château Bourran d’abord, à Talence-Monadet ensuite, vont définitivement sceller la rupture avec la famille, pourtant installée à « six kilomètres à vol d’oiseau ». Christian se souvient avec plaisir des visites surprises et nocturnes à Mamie Soula, qui l’avait pour cela affectueusement surnommé « Choléra » ou encore des invitations à diner chez « l’oncle Bidon » qui le recevait « à grands frais » et suivait avec intérêt sa trajectoire scolaire. Mais des retours au domicile familial, « que nenni », il n’en a aucun souvenir. Engagé dans « une espèce de travail acharné » avec Jean-Pierre Bessaguet, son « poisson-pilote », Christian ne se souvient pas avoir passé un seul week-end en dehors du CREPS8. S’il admet que sa mère les aurait « volontiers accueillis tous les deux pour casser la croûte », il reconnaît avoir toujours préféré « travailler ». Avec le recul, il mesure combien sa réussite scolaire tient à sa volonté de « se sortir de la merde sociale et familiale » dans laquelle il était plongé. Comme il le répète avec force, l’objectif était de « riper, riper, s’échapper, fuir cette situation ». S’il a clairement été « tiré vers le haut par des initiateurs (Marcel Vaillaud et Jean-Pierre Bessaguet) », il perçoit aujourd’hui comment, indirectement, il était « poussé au cul d’une certaine façon par la famille, le père en particulier ».

La constitution d’un trio efficace

12En 1959, Christian passe donc d’« élève-maître » à l’ENI à « élève-professeur » à l’« École Normale Supérieure d’Éducation Physique de jeunes gens » à Joinville, et intègre la « Promotion 1959-19629 ». Du fait de son statut de Major, c’est Christian qui « subit » le traditionnel bizutage, « le supplice de la malle d’osier ». Après avoir réparti « les hypo » autour de la piscine, « les cubes » enfermaient le Major dans une malle d’osier qu’ils descendaient dans les profondeurs. Celui qui était soumis à « une souffrance suffocante » devait « tenir trois minutes ». En fait, Christian devait tenir le plus longtemps possible puis, discrètement, « sortir de la malle », remonter à la surface et « se fondre dans la masse ». Le test avait pour but de « mesurer la réactivité de la promotion », d’« observer si les hypo laissaient se noyer leur Major ». Christian n’a pas démérité, mais il a été stupéfait de constater que « personne ne plonge pour le sauver ! ». Comme il le dit si bien, placés sous contrôle, « embrigadés par les cubes », « ils (les hypo) n’ont pas moufté pas les salopards ! (Rires) ».

13Pour plusieurs raisons, ces trois années passées à l’ENSEP sont décisives, il les qualifie de « coup de chance incroyable ». Rétrospectivement d’abord, puisqu’il n’en avait pas conscience à l’époque, son entrée à l’ENSEP lui vaut d’être sursitaire et « de couper à la guerre d’Algérie ». Bien des années plus tard, il s’apercevra de son insouciance, « dévalant tranquillement » les pistes de ski alors que ses camarades des cours complémentaires allaient sans doute « se faire couper les noisettes » en Algérie. Puis, il se souvient des moments de bonheur au regard des « privilèges qui leur étaient accordés », du moins vécus comme tels. Les souvenirs des stages de ski à Val d’Isère en première année, à Chamonix en troisième année, du stage de plein-air dans la forêt de Fontainebleau et du stage de voile à Annecy sont heureux, chargés en émotion. Christian considère ces moments comme des « vacances », laborieuses certes, « qui le forment, qui l’ouvrent sur le monde », lui, le jeune homme de 22 ans, « qui n’avait jamais vu la neige ». Il mesure ensuite la chance d’avoir intégré cette école qui rassemble « l’élite des professeurs ». Michel Bernard10 en particulier, adepte de Sartre et de Merleau-Ponty, l’initie, lui et d’autres11, à la phénoménologie ; « par leur ouverture philosophique sur le monde extérieur », ces enseignements ont « éclairé » sa formation à l’ENSEP. Enfin, il profite de cette « formidable époque de renouvellement théorique, de développement de la pensée critique ». La promotion 1960-1963 de l’ENSEP compte parmi ses « élèves-professeurs » des noms comme Georges Vigarello ou encore Jean-Marie-Brohm, camarades avec lesquels Christian va avoir des « échanges intellectuels intensifs ». C’est en effet à l’ENSEP que Christian rencontre et tisse des liens d’amitié durables avec Georges Vigarello.

14Durant trois années, Christian et Jean-Pierre vont s’associer à un troisième homme, « de confiance », Bohrane Errais, de manière à former un « triumvirat performant ». Forts de leur méthode de travail mise en œuvre l’année précédente, Christian et Jean-Pierre vont répartir le programme des études en trois parties. Travailleurs acharnés et « confiants dans le sérieux de la préparation des deux autres compagnons12 », ils vont s’investir sans compter dans cette « préparation auto-organisée ». Christian se souvient parfaitement avoir écouté, très attentif, la présentation des « Origines du caractère chez l’enfant » par Bohrane Errais. Interrogé sur cette question au CAPEPS, Christian obtiendra « une note excellente, frisant le 20/20 ». De son côté, Christian prépare ses deux camarades à l’épreuve d’anatomie. Il faut dire que cette science est son point fort, « le Rouvière n’ayant plus de secret » pour lui. Alors qu’il a une aptitude particulière pour dessiner le diaphragme13, aptitude héritée de son année de préparation au CREPS menée sur le tableau noir, il avait « repéré qu ’il existait un muscle accessoire que l’on ne trouve que sur certains sujets ». Interrogé par des médecins, il obtiendra la note de 19/20 en anatomie au CAPEPS en « tombant » sur le diaphragme. Cinquante années ont passé et pourtant, Christian « s’en veut encore énormément » d’avoir perdu « bêtement » un point « en confondant, dans le débordement des connaissances, pylore et cardia », alors qu’il connaissait son sujet « sur les bouts des doigts ».

15Mais « nul n’a vu et ne pouvait voir les efforts déployés par la petite équipe soudée des trois compagnons d’infortune », cette préparation s’effectuant encore une fois « dans l’ombre ». Il n’est pas difficile d’imaginer combien leurs comportements ont pu étonner leurs camarades de promotion. Christian raconte, avec force de mimes, le plaisir que prenaient les trois amis à s’adonner à des « parties de couverclous14 hyper-sonores dans les couloirs de l’internat ». 11 se souvient également des franches rigolades sur le retour des séances de « cinéma-cowboyades du samedi soir ». Ces « séances récréatives » avaient de quoi susciter « la perplexité et l’interrogation » chez leurs camarades qui, à un mois du concours, « bachotaient à mort ». Ils ne pouvaient imaginer que pour Christian, Bohrane et Jean-Pierre, « tout le programme était déjà bouclé et bien appris », il ne leur fallait alors que « de simples et frénétiques défoulements ». En revanche, il est plus surprenant de voir que leurs bons résultats étonnent leurs professeurs. Car encore une fois, la réussite de Christian va susciter la surprise dans le corps enseignant.

Le « major d’opérette »

1611 déclare avoir longtemps souffert du surnom méprisant de « major d’opérette », surnom que Justin Teissié alors professeur de football lui avait attribué. Avec le recul, Christian pense qu’à l’époque, « la réussite des élèves-professeurs dans les sports collectifs est un critère dominant ». Or, Christian est « nul en sports collectifs, en football comme en basket15 ». Au-delà de cette incompétence, il a ressenti très négativement le fait de ne pas avoir « l’apparence athlétique ou encore la carrure » qui sied à « un vrai major » et de passer avec Jean-Pierre Bessaguet pour « les éternels paysans ploucs ». « Un type qui ne paie pas de mine... pas un véritable athlète quoi... », dit-il. Peu pris au sérieux par certains enseignants, stigmatisé par ce surnom peu flatteur, ou pire, simplement ignoré au profit d’autres excellant dans les sports collectifs16, Christian continue de travailler « dans l’ombre » avec ses deux amis.

17Mais parfois, il tente « de fayoter » avec les enseignants. Il se souvient ainsi avoir demandé à Robert Mérand17, « théoricien écouté de la méthode sportive et entraîneur de l’équipe de basket-ball de l’ENSEP », quelques conseils pour orienter ses lectures de vacances. S’il ne s’agissait que d’une tentative de rapprochement de la part de Christian, puisque « ne faisant pas partie du premier cercle des élèves qui bénéficiaient de la quintessence de son enseignement », l’ouvrage cité par le professeur va avoir pourtant un impact important sur sa trajectoire, puisqu’il lui indique l’ouvrage de Georges Demenÿ18.

18Le « major d’opérette » est pourtant Major au Concours d’entrée à l’ENSEP en 1959, puis Major au Concours du CAPEPS 1re année, « dit Probatoire », en 1961, il est enfin Major au Concours du CAPEPS Terminal en 196219. La publication des résultats au Concours s’effectue de façon très « officielle et solennelle » dans le « Grand amphithéâtre » de l’ENSEP. Et « devant l’amphi archi-comble », devant une assemblée composée de candidats « plus ou moins inquiets », de leurs familles, amis et professeurs, Christian attend avec impatience et excitation que l’Inspecteur Général de la Jeunesse et des Sports, Laurent Haure-Placé, alors Président du Jury du CAPEPS, rende publics les résultats. Il se souvient « presque par cœur » de ses premières phrases, qu’il récite savoureusement : « cette année, le Concours a été marqué par un candidat exceptionnel qui a atteint la meilleure moyenne de tous les temps : 16,54. Et je souhaite le voir se joindre à nous, à cette tribune, avec les principaux examinateurs, pour remettre avec nous les résultats de cette promotion ». Il se rappelle s’être exécuté « avec des sentiments mêlés de timidité et de fierté mais aussi de jubilation revancharde ». Ce fut évidemment un moment fort en émotions : l’impression de vivre « un moment de gloire », la fierté d’avoir « réussi au CAPEPS dans un rang prestigieux », le sentiment d’avoir obtenu des résultats « qui ne doivent rien au hasard », la sensation du « devoir accompli », la tendresse à l’égard de ses deux amis auxquels il rend souvent hommage et « vis-à-vis desquels il a contracté une dette inoubliable20 ». Ce fut également « l’occasion de savourer sa revanche », l’occasion de répondre au mépris dont le « major d’opérette » avait tant souffert21.

Il parle de...
Mon premier contact avec Christian a lieu en octobre 1958 au CREPS de Talence-Monadet. En quelques phrases, le courant passe, chaleureux. Chacun perçoit chez l’autre ce même enthousiasme qui nous donne le frisson : intégrer l’ENSEP, monter à Paris... Un rêve ! Oui... Mais comment y parvenir ? Il y a plusieurs centaines de candidats et seuls 60 seront admis ! Et seulement deux l’année précédente issus du CREPS de Talence, alors qu’au CREPS de Dinard, une trentaine d’étudiants ont réussi... Mission impossible alors ? Non... Il faut se procurer les cours de Dinard, bosser plus que les autres, faire porter tout notre effort sur l’écrit plus que sur le physique ! Christian étant plutôt sciences expérimentales, moi plutôt philosophie, on pourrait se compléter... Nous mettons alors sur pied un emploi du temps de combat : chaque jour a son thème, chaque heure son programme, apprentissage et révision en alternance... Durant les week-ends et vacances, l’un interroge, l’autre planche... Stimulant, non ? Et c’est de cette association qu’est née notre amitié.
Christian est remarquable pour les croquis d’anatomie et les plans de physiologie. Il m’apprend à dessiner car, dit-il, « mes schémas sont trop schématiques ». Je lui détricote mes cours de psychologie et lui apprend à disséquer le mécanisme de la dissertation avec des phrases clés pour introduire thèse, antithèse, synthèse... Il pige vite et l’élève dépassera bientôt le maître... Ainsi passent les jours et les mois : nous alternons le physique et l’intellectuel. Difficile de bosser plus et d’en « suer » davantage... Seul répit, mais ô combien agréable, les repas du Dimanche au Pont-de-la-Maye où nous attend la savoureuse alose préparée aux petits soins par maman Pociello et pimentée par les récits des exploits des pigeons voyageurs du papa colombophile.
En anatomie, rien n’est laissé au hasard : les moindres condyles et tubercules, les plus petits ligaments et insertions... Même la tabatière anatomique, on maîtrise ! En physiologie, le programme est bouclé, sauf une impasse : la digestion, sujet que nous jugeons sans intérêt. Pourtant, un copain de chambrée, Jean Vivensang, nous bassine chaque jour « j’vous dis qu’on va avoir la digestion ! ». C’est agaçant... Il insiste.... De guerre lasse, nous finissons par l’écouter et digérons ce pâté rébarbatif quelques jours avant l’écrit... Bien nous en a pris ! Bravo Vivensang ! Tu nous as évité une cinglante désillusion ! L’écrit se passe donc bien, d’autant que nous avions pronostiqué « le jeu chez l’enfant » en psychologie...
Toute la promotion part alors à Socoa pour un stage de voile. À la barre de la baleinière, nous jouons les loups de mer en louvoyant au plus près sous les cris angoissés de notre professeur Dinetti, notre professeur de gym au sol. Las ! Le plus clair de notre temps se passe à roupiller sur la plage ou dans les vauriens : en fait, nous sommes tous épuisés, d’autant plus que la nuit, des hurluberlus trouvent amusant de nous vider des hamacs...
L’écrit en poche, nous voilà montant sur Paris pour 22 jours d’épreuves physiques et orales. Un vrai marathon... Fébriles, on s’encourage, on se rassure. Il faut tenir : n’a-t-on pas fait provision de Gelée Royale, la dope très tendance à l’époque ?
Durant les six années où j’ai pu côtoyer Christian, un type dominait chez lui, le passionné. Une fois son entreprise choisie, la tiédeur n’existait pas ! Il s’y attelait à fond, ce qui engendrait chez lui les qualités indispensables pour réaliser ces objectifs : organisation méthodique, persévérance dans ses recherches, acuité dans ses analyses, dynamisme pour convaincre. Il voulait être le « number one » ! Et il le fut : trois fois Major de notre promotion ! De ces qualités déjà en germe à l’ENSEP découlera toute son œuvre : sa carrière, ses ouvrages, sa volonté de découvrir et d’apporter de nouvelles pierres à notre discipline. Certes, il avait bien quelques travers... Au sein d’un groupe, il ne voulait pas rester dans l’ombre, il désirait qu’on le remarque, quitte à « trop en faire » parfois. Son look, son abord sympa, sa personnalité charismatique l’en aidaient bien d’ailleurs. Il n’y a qu’à regarder la photo du stage de ski, il prend la lumière et capte notre regard avec son sourire à la Julio ! Découlant de ce côté passionné, il devenait parfois « chaud-bouillant ». Quand on le cherchait, il montait vite dans les tons, limite zone rouge ! Il y eut quelques tonitruantes engueulées avec Alain Bartalan, son copain de chambrée et quelques échauffourées avec moi-même, tout aussi irritable d’ailleurs ! Mais nous avions vingt balais... Et à cet âge, on fait peu de cas de ces bisbilles...
Son amitié me fut souvent précieuse. Ce fut le cas lors du concours d’entrée à l’ENSEP. Epreuve de barre fixe, je loupe ma sortie équilibre et me retrouve au tapis, sur les fesses... De déception, je demande « essai ! ». Je réalise soudain que je vais devoir patienter plus d’une heure avant de repasser, avec le risque de tomber et donc, d’échouer, d’être éliminé ! Attente terrible... Je tourne en rond dans les vestiaires en me traitant d’un nom bien précis. Christian est prévenu de mes tourments, il arrive... Aucun reproche, pas de « t’aurais pas dû, il fallait pas, tu risque l’élimination ! ». Non... Au contraire, « t’inquiète pas, calme, t’as un bon mouvement, continue à t’échauffer ». Quand enfin je vais m’élancer, il est là près de moi, à la parade, « allez Momond, ca va être bon ! »... Et ce le fut, de justesse. Merci l’ami ! Avec une bonne leçon à la clé, « le mieux est souvent l’ennemi du bien ».
Bien sûr, à l’annonce des résultats, notre joie éclate, intense : « lui Major, moi top-ten ». Inespéré ! De notre euphorie, les bars de Vincennes se souviennent encore... Mais le plein bonheur, ce fut deux jours plus tard, un dimanche, lorsque nous descendons dans nos foyers, là-bas, dans la France profonde, et que nous réalisons pleinement notre embellie. Enfermés dans la « 4 chevaux » qui nous glisse plein pot vers Limoges, nous avons tout loisir de faire le bilan de ces neuf derniers mois, qui nous ont propulsés en haut de l’affiche. Tous les aléas chanceux ou malchanceux du concours y passent : lui qui s’est défoncé « tripes et boyaux » au 1 500 mètres, moi qui manque de me noyer en remontant le mannequin, lui qui a marché comme un avion dans toutes les épreuves orales, moi qui avais oublié l’heure de l’épreuve de rugby... Par chance inouïe, le copain Marc Boisgard est passé me prévenir in extremis, il avait oublié ses chaussures dans sa chambre voisine ! Et oui « Popo », ma réussite a tenu à une paire de godasses à crampons et à la gentillesse d’un gars ! J’aimerais juste souligner cette curiosité étymologique, Bessaguet vient de « Besse » (bois) et Boisgard est le « gardien du bois ». En « bon garde du bois », il m’a sauvé ! Mais la pire des malchances, c’est en physiologie où je tire une question complètement hors programme sur « le cerveau postérieur », grand moment de solitude... C’est là, tout au long de ce retour vers nos sources, que nous prenons conscience de notre bonne fortune avec ce sentiment rarissime de « tout avoir » : réussite, jeunesse, métier, indépendance et surtout plein de rêves à venir : 3 ans à l’ENSEP, des études qui nous passionnent, l’INS et ses Dieux du stade, des stages de ski, de voile, de nouveaux amis (le troisième mousquetaire s’appellera Borhane Erraïs)... Et puis, un parfum de romantisme, Paris, ses Grands Boulevards, ses demoiselles, ses cinémas... Enfin, mes parents, qui nous attendent là-bas, réunis autour du fameux vol-au-vent de ma grand-mère. Ils nous accueillent à bras ouverts, fiers, leurs sacrifices récompensés. Christian est descendu quelque fois chez moi en Limousin. C’est à cette occasion que je lui ai fait découvrir les charmes de la balade à moto : casqué, botté, je l’ai juché sur une « Yamaha Mini Enduro » et « Roulez jeunesse ! Pleins pots dans les chemins creux ! ». Il a aimé et pas la moindre bûche ! Je l’ai également amené dans un fond de la vallée, hérissé de rochers et là, je lui ai fait une démonstration de trial en escaladant les blocs de granité. Curieux de tout, il a apprécié et compris ce sport : adresse, équilibre, maîtrise... Instants précieux, ciselés dans nos mémoires depuis un demi-siècle. « Chapeau partner » ! Cette année là, on a fait un beau match !
Jean-Pierre Bessaguet, le 29 novembre 2011

« Un enfant avec les enfants »

19Le classement au concours déterminant le choix des possibles en matière d’affectation, Christian avait réalisé comme suit sa « liste de doléances » : le Lycée Michel Montaigne de Bordeaux, en premier choix, l’Académie de Bordeaux, puis alors qu’« il n’y avait plus de place sur l’imprimé », il avait écrit « Paris » dans la marge gauche, sur la verticale. Fier de sa position de Major et de sa haute moyenne obtenue au CAPEPS, « 16,54 ou je ne sais plus combien exactement », il suppose que l’Inspecteur Général l’a récompensé en l’affectant au Lycée Henri IV. Ce choix « providentiel, ce coup de chance incroyable » le place pour un temps « dans un établissement parmi les plus prestigieux de France », « au cœur du Quartier Latin, près du Panthéon, à un jet de pierre de la Sorbonne », là où, dit-il, « souffle l’esprit ». Autant de lieux à forte valeur symbolique pour celui qui se décrit volontiers comme « un plouc machin débarquant à Henri IV, là oú la bourgeoisie intellectuelle forge son élite ».

20L’expérience de professeur d’EPS au « Lycée Henri IV, mais dans les classes de collège », menée dès septembre 1962, fut pour Christian « un bonheur de pédagogie ». Il la décrit avec emphase comme « une récréation extraordinaire », d’où il sortait « épuisé mais content22 ». Il se souvient de parties de football acharnées au parc de Sceaux durant lesquelles il jouait successivement avec les deux équipes « pour leur faire comprendre qu’en tant que goal, si on était attaqué sur l’aile droite, il fallait dégager le ballon sur l’aile gauche ». Il jouait alors goal et lorsque son équipe marquait le but, il changeait d’équipe et recommençait les explications. Daniel Denis décrit d’ailleurs avec humour, la pédagogie de Christian Pociello comme étant un panachage « entre montreur d’ours, celui qui donne ses tripes, et pélican, celui qui fait le couillon ». Cet engagement dans la pratique physique se conjugue avec son souci de coller au plus près aux « autres disciplines intellectuelles ». Il oblige ainsi les élèves de 6e et 5e à rédiger « un cahier d’Éducation Physique », dans lequel ils doivent relater les contenus des leçons. Durant « ces années de prof’ de gym » à Henri IV, il rédige et illustre des progressions pédagogiques en gymnastique pour les classes de 6e à la 3e, documents supports de ses premières publications.

21À partir de la fusion des « Notes techniques et pédagogiques de l’ENSEP » et de la revue « L’homme et le sport », la « Revue Éducation Physique et Sport » est créée en 1950. Jean Vivès23, « puissant et avisé directeur éditorial », a basé le siège social de la Revue dans l’enceinte de l’ENSEP à Joinville et s’est appuyé sur un « premier cercle de fidèles, de conseillers, de producteurs d’idées », Georges Vigarello, Alain Hébrard et Jean-Pierre Famose, pour assurer sa diffusion. Ces deux derniers, qui assuraient « la transition entre le monde du sport de compétition et l’éducation physique » ont contribué au « succès de cette revue qui jouait les deux tableaux ». Christian publiera, à cette époque, trois articles dans cette revue. Le premier article24, paru en 1963, est directement issu de ses progressions pédagogiques en gymnastique pour les classes de 6e à la 3e. Pour le deuxième25, Christian avait observé que les élèves détournaient le matériel sportif durant les récréations à Henri IV. À partir d’« un sautoir à hauteur avec du sable et de deux énormes poteaux sur socle », les élèves s’amusaient à faire une sorte de saut à la perche. Après les avoir photographiés et avoir analysé leurs pratiques, Christian s’était inscrit dans les travaux de l’époque, à savoir, de remplacer la démonstration en EPS par « la création des conditions matérielles sur lesquelles on lance les gamins pour qu’ils s’adaptent ». L’expérience à Henri IV est une « occasion d’illustrer ce qui avait été conçu avant comme théorie, notamment autour du ski par Famose26 ». Il raconte avec fierté comme il a apprécié participer à cette « petite révolution », passer de « en colonne, prenez vos distances, on fait la démonstration » à « allez hop, on fait tous le truc ». Pour le troisième article27, paru en 1965, il s’est fortement inspiré de la théorie des maîtrises de Justin Teissié28, professeur que Christian avait eu à l’ENSEP. Il avait alors appliqué « la maîtrise des déplacements, notamment les criss cross » avec ses élèves d’Henri IV durant les cours de sports collectifs.

Le service militaire, un « coup de bol supplémentaire »

22Durant ce début d’année scolaire à Henri IV, Christian vit chez « une logeuse, une mamie de près de 80 ans » et habite dans le quatrième arrondissement de Paris, pas très loin de l’hôtel de ville. Chaque jour, il garait sa voiture sur les quais et, un matin, en traversant à pieds le Pont d’Arcole, il aperçoit « un noyé dans la Seine, avec ses bretelles et sa chemise qui faisait ballon ». Il raconte avec plaisir comment « moi prof’ de gym, je descends, je pose ma veste par terre et plouf... Je commence mon crawl mais en réalité c’était tellement sale que tu reviens spontanément à la brasse pour ne pas perdre de vue la personne à sauver... Je sors le type qui est déjà raide-mort, je le monte sur le quai et devant un bel attroupement composé de curieux et de gendarmes, je lui fais une bonne vieille Schäfer29. Et hop ! Le gars se met à tousser ! Incroyable, je lui ai sauvé la vie... Alors là, c’est youkaïdi youkaïda !!! ». Ce plongeon dans la Seine lui vaudra une convocation à la mairie de Paris pour recevoir « la médaille vermeil de la ville de Paris pour acte de bravoure et une gratification de sept francs ». Il lui vaudra également l’admiration inconditionnelle de sa propriétaire qui, forte de sa connaissance du secrétaire d’un conseiller d’État, va tenter de le pistonner pour son départ au régiment. Christian rencontre le secrétaire et l’informe qu’il aimerait « aller au Bataillon de Joinville30 ».

23On comprend donc sa surprise lorsqu’un matin de janvier 1963, il reçoit son ordre de mission pour l’infanterie de Marine à Fréjus, dit autrement, pour « le bataillon disciplinaire ». Moins d’un mois après, le réseau activé par « sa logeuse » lui permettra de recevoir un contre-ordre, « rejoindre d’urgence le Bataillon de Joinville ». Arrivé sur place, Christian n’a aucune envie de « glander ». En « bon prof’ de gym’ », il décide de rationnaliser la préparation des militaires de carrière au championnat du monde de pentathlon militaire31 qui se déroule en 1963 à Rome. C’est ainsi que le « simple soldat » qu’il est alors va entrainer « le sergent de la légion étrangère Heidegger32 », champion du monde du parcours du combattant. Il mène aussi les conférences sur « les conditions athlétiques du parcours du combattant » auprès des étudiants de l’École polytechnique venus en stage. Il sympathise entre autres avec Henri Helal, « personnage tout à fait exceptionnel » qui, en avance sur son temps, avait mené « une rationalisation sur l’énergétique dans sa discipline33 ». Durant 18 mois, Christian vit « une expérience formidable » au terme de laquelle le commandant du Bataillon de Joinville lui demande de co-réaliser « un manuel à l’usage de l’armée française sur le pentathlon militaire ». Pressé de retrouver ses fonctions de professeur d’EPS, Christian l’informe qu’il ne « veut pas rempiler » mais son service militaire demeure « un souvenir heureux ». Souvenir qu’il savourera longuement, quelques années plus tard, puisque Henri Hélal également nommé professeur à l’ENSEPS lui donnera « l’occasion de raconter des histoires de régiment pendant dix ans ».

24En septembre 1964, à son retour à Henri IV, Christian a la désagréable surprise de constater que l’accord passé avec le Proviseur avant son départ au régiment a été bafoué. Il avait demandé à ne pas avoir de cours placés le samedi matin pour, dit-il, « se remettre de la fatigue physique accumulée durant la semaine ». Cette sollicitation ne lui semblait alors pas abusive puisqu’au contraire des « nombreux vieux prof’ qui glandaient », il savait avoir abattu, en tant que « frais émoulu de l’ENSEP », « un travail considérable concernant la programmation de la gymnastique au collège ». Un travail tant théorique, que pédagogique, car dit-il, « quand je sortais de cours, j’avais plus un poil de sec ! ». Durant une année, il respecte l’emploi du temps imposé sans jamais rien oser dire, mais, « à la première occasion », il prend « ses cliques et ses claques ».

« Gonfleurs de ballon »

25Il candidate à un poste mis au mouvement à la Faculté de Pharmacie de Châtenay-Malabry et devient « prof’ de gym dans l’enseignement supérieur », dit autrement pour lui, « animateur de sport34 ». S’en suit en effet une expérience de septembre 1965 à juin 1970, qu’il décrit sur un ton à la fois douloureux et colérique. S’il est fier du fait que son équipe de basket-ball soit devenue championne de France universitaire en 1966 et 196735 et de la constitution de deux équipes universitaires de rugby36, dont l’une accède et joue en division « Excellence », il ne retient finalement que ses rôles de « collecteur de licences, coupeur de citrons, gonfleur de ballons et entraîneur d’opérette ». Bref, une impression de ne faire que le « sale boulot » tout en se frottant au « mépris de ces étudiants potards, issus de la bonne bourgeoisie parisienne, trop cons pour faire médecine et trop riches pour faire chirurgie dentaire ». On mesure dans ces propos la souffrance ressentie par Christian conscient de faire un métier « pas très valorisant » et d’être « méprisé par les enseignants et étudiants ». Il enseigne également aux jeunes étudiantes, la gymnastique, la natation, et le tennis. Et c’est dans cette dernière discipline qu’il est inspecté peu après. Alors qu’il justifie s’appuyer sur un « produit d’appel », le tennis, pour « faire faire de l’activité physique aux filles de pharmacie » et décrit ses « astuces » pour y parvenir (balles sous gonflées, pliage du filet pour que les balles passent au-dessous, etc.), l’inspecteur d’alors ne comprend pas ses pratiques et lui accorde « une note extrêmement moyenne ». Cette non-reconnaissance achève de dégoûter Christian, qui songe depuis ses débuts à « quitter à tout prix Jean Sarrailh ». Mais à cette époque, il est difficile de « faire sauter le couvercle ». Pour les jeunes enseignants d’Éducation Physique et Sportive, « excepté le CAPEPS, en dehors, point de salut ! ». La formation qui s’ouvre par concours à « la nouvelle ENSEP » sera sa porte de sortie.

Une « immaturité politique »

26Interrogé sur son « obédience politique », notamment au regard des évènements de Mai 1968 qui se sont déroulés, dit-il, « à deux pas de sa vie », Christian s’est dit « surpris » qu’aucune personne l’ayant interviewé auparavant ne l’ait jamais questionné à ce propos.

27Christian déclare volontiers avoir été, tout au long de son parcours scolaire, d’une totale « immaturité politique ». Issu d’une « parentèle dite “de gauche"37 », il affirme pourtant ne « pas avoir été influencé » tant il « rejetait en bloc tout ce qui venait d’une famille divisée et par certains côtés menaçante ». Mais s’il est resté « si peu sensible à ces engagements » pendant toute sa scolarité, c’est parce qu’il était « totalement absorbé », engagé « corps et âme », dans sa quête de « réussite scolaire », « perçue comme une promesse d’émancipation et comme une fuite d’un milieu social et familial oppressant sinon oppresseur ».

28« Un frissonnement » dit-il, s’est opéré à l’ENI. Ayant pris connaissance du fait qu’un de ses camarades de promotion avait été « peindre nuitamment, en très grosses lettres “US GO HOME” sur des murs bordelais », il fut « intrigué » mais cela l’a laissé tout de même « assez froid ». En revanche, du fait de l’engagement militant et massif de ses « compagnons de promotion », il a participé « à la très vielle antienne consistant pour les normaliens de l’époque, à “bouffer du curé” ». Mais sans vraiment en saisir les tenants et aboutissants. Car dit-il, « les ayant connus d’assez près et les ayant même appréciés dans l’enfance à l’église Saint-Delphin, ceux-ci ne me paraissaient pas pourtant bien méchants » Christian n’a compris « que beaucoup plus tard » pourquoi « il avait prêté oreille et donné sa voix à cette posture anticléricale ». Bien qu’ayant troqué « l’habit sombre et ajusté des Hussards Noirs de la République pour la blouse grise », les normaliens de l’époque avaient conservé « quelque chose du passé du métier combatif et du prestige de cette mission dans la République ». Élève-interne à l’ENI, « bien contrôlé » et « futur instituteur laïc », Christian était « nourri de la Philosophie des Lumières, de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, de la Révolution Française, de la résolution de ses savants », « autant de progrès émancipateurs et de valeurs républicaines que les forces obscurantistes de l’Église avaient toujours combattus ».

29Enfin, en 1968, il voit « les pavés voler dans la rue Gay-Lussac38 ». Si, au début du mouvement, « cette effervescence juvénile avait à ses yeux quelque chose de sympathique », passant pour une sorte de « révolte contre les Pères, contre De Gaulle, contre les Patrons, les Militaires, les Policiers », « un tel déchaînement de violence visiblement orchestré par les fils de la bourgeoisie » a finalement de quoi le laisser « interdit ». Il avoue « à sa grande honte » n’avoir « rien compris » de ce qui se déroulait sous ses yeux. Âgé de 31 ans alors, il ne comprenait pas pourquoi « ces jeunes merdeux » se révoltaient, eux qui « avaient eu depuis toujours et grandes ouvertes les voies “royales” des promotions socio-professionnelles ». Et il renvoie systématiquement cette révolte à sa propre trajectoire, « et moi, et moi, et moi, ... venu de rien, venu du bas... Je restais interdit ».

30Il rapporte encore une fois son attitude à son investissement scolaire. Pour lui, « point besoin de lancer des pavés », il fallait juste « travailler, travailler, travailler pour s’en sortir ». Cette « immaturité politique » qui s’illustre durant tout son parcours scolaire aura une influence sur son engagement politique durant son parcours professionnel. Elle fera toute la différence avec « des gens militants-politiques sensibilisés de longue date aux problèmes », nous y reviendrons.

Classe de préparation du concours d’entrée de l’ENI Collège Saint-Bruno de Bordeaux Christian est le 2e en partant de la droite, rang supérieur Marcel Vaillaud est le 1er en partant de la gauche, rang intermédiaire

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Résultats du concours d’admission à l’entrée à l’ENI de Gironde

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Un exemple parmi des dizaines. Herbier réalisé par Christian, avec l’aide de Marcel Vailland

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« Promotion Barsac » des normaliens de l’ENI de Gironde Christian est le 7e en partant de la gauche, rang supérieur, Marcel Vaillaud est le 6e, André Soubirand est l’enseignant en béret, situé sur l’extrême-droite, rang intermédiaire

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Le CREPS de Bordeaux, à Talence-Monadet

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Séance de travail sur le tableau noir dérobé CREPS de Bordeaux. Christian interroge Jean-Pierre Bessaguet « planche »

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Christian et son petit frère, Gérard

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Christian, pratiquant de rugby au « Rueil Athlétic Club »

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Souvenirs heureux de Val d’Isère

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Évaluation de gymnastique à l’ENSEP des jeunes gens. Christian dans un saut périlleux arrière tendu

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Notes de bas de page

1 Jean-Pierre Bessaguet a pour véritables prénoms « Jean-Pierre Maurice », mais sans raison, ses parents l’ont toujours appelé « Raymond ». De fait, lorsque les professeurs s’enquéraient de son identité, il avait pour habitude de répondre, très sérieusement, « Bessaguet Jean-Pierre Maurice, dit Raymond », « ce qui déclenchait l’hilarité générale dans la classe ». « Momond » est donc le surnom que Christian lui a attribué sous forme de « clin d’œil » à son prénom « à rallonge ».

2 Issu de l’ENI de Limoges, Jean-Pierre Bessaguet a réalisé sa quatrième année de formation professionnelle, faisant la part belle aux sciences de l’éducation. Par son métier d’instituteur, il a également développé un goût pour la « pédagogie adaptée ».

3 La « table de cotation des performances sportives Jean Letessier » parait en 1957. En 1958, au CREPS de Talence Monadet, elle est utilisée comme instrument de mesure dans les évaluations des épreuves d’éducation physique, elle permet notamment de mesurer les « performances athlétiques (...) autorisant une hiérarchisation rigoureuse et scientifique des groupes d’élèves ». Pour plus d’informations sur le sujet, voir Fortune, Yohann et Saint-Martin, Jean, « La table Letessier au service de l’intégration progressive du sport dans l’éducation physique scolaire (1952-1959) », Le Télémaque, n° 34, 2008, p. 87-100 ou encore Jean Letessier, Table de cotation des performances athlétiques, Paris, EPS, 1961.

4 En 1958, le Docteur Pierre Seurin est secrétaire général de la Fédération Internationale de [’Éducation Physique. Il en sera le président de 1971 à 1984.

5 Durant leurs années estudiantines, Christian et Jean-Pierre avaient pour habitude de n’appeler leurs camarades que par leurs noms de famille. De fait, l’un et l’autre ont oublié le prénom de Serres.

6 Encore aujourd’hui, cet ouvrage de quatre tomes de Henri Rouvière et André Delmas, intitulé L’anatomie humaine, et réédité plusieurs fois, constitue une référence incontournable dans le domaine de l’anatomie.

7 Avant de « réussir dans les affaires », le petit frère de Christian sera « postier », « pistonné par son père » pour être « chargeur ». Nommé dans les PTT à Rueil-Malmaison, Gérard pratiquera le rugby au « Rueil Athlétic Club en Honneur », l’« occasion pour lui de renouer avec ses origines ». Christian fera partie de l’aventure. Comme il n’est « ni morphologiquement... ni méchamment... », il est « ailier ». Il raconte comment, lors d’une rencontre que le club appréhendait particulièrement « le club de Massy Palaiseau, sur-représentation de policiers, réputation de méchants », il aurait connu « une heure de gloire dans ce sport ». Sous une « pluie battante », Christian a remarqué que « lors des remises en jeu à la touche », lorsqu’un joueur annonce « Scoubidou », il « envoie la balle en premier rideau ». En fin de match, « à quinze mètres de leur en-but », « Scoubidou... premier rideau... la balle lui glisse des mains comme un suppositoire... elle tombe dans les cinq mètres... ». Christian, « dans sa tête de farine » a déjà « vu l’action ». Il la prend « en pleine course », « bas-du-cul, mais 12,2 secondes au 100 mètres avec vent arrière », précise-t-il avec ironie et il « marque l’essai ! ».

8 On peut rapprocher ces propos des souvenirs évoqués par Jean-Pierre Bessaguet. Selon ce dernier, durant cette année passée au CREPS de Talence-Monadet, les repas du Dimanche, Chemin des savonneuses, ont été nombreux et « agréables ».

9 Selon les propos recueillis auprès de Jean-Pierre Bessaguet, les étudiants de 1re année de l’ENSEP étaient « les hypo », ceux de 2e année, « les hyper », enfin, ceux de 3e année, « les cubes ». Par la suite, une fois que les élèves-professeurs avaient quitté l’école, la promotion était qualifiée du nom de famille du Major. Ainsi, la « Promotion 1959-1962 » est devenue la « Promotion Pociello ».

10 Christian raconte comment Michel Bernard, alors jeune agrégé de philosophie, aurait demandé conseil à Georges Canguilhem à propos « d’un étrange poste ouvert » à l’ENSEP. Ce dernier, qui entame la direction de thèse d’un de ses anciens élèves-agrégés de philosophie sur l’éducation physique (Jacques Ulmann), l’aurait vivement encouragé à accepter le poste, « sans retard et sans réserves ». De 1960 à 1968, Michel Bernard enseignera la psychopédagogie à l’ENSEP de Joinville.

11 On peut citer Jean-Marie Brohm, Jean-Pierre Famose, Georges Vigarello notamment.

12 Autant ils n’avaient guère confiance dans la préparation générale du corps professoral, autant ils savaient que les deux autres membres du trio mettaient dans leur partie un « sérieux, une profondeur égale à celle que l’on mettait soi-même ».

13 Il raconte volontiers et avec force de mimes, comment il est capable « en deux temps trois mouvements, de dessiner le diaphragme, avec la craie prise en travers pour les côtes ».

14 Jean-Pierre Bessaguet avait inventé ce jeu, à partir de couvercles de poubelle « en caoutchouc », il s’agissait de lancer le couvercle à son camarade situé à « l’autre bout du couloir ».

15 Il ressemblait sur ce point encore à Jean-Pierre Bessaguet, puisque ce dernier, tournant systématiquement le dos à l’action en football s’était fait interpeller par Justin Teissié de la manière suivante : « dis donc Bessaguet, t’as un œil dans le trou du cul ? ».

16 Christian fait souvent référence à Michel Rat, le major de la promotion 1958-1961 et joueur de basket-ball de haut-niveau – il sera d’ailleurs champion de France, sélectionné dans l’Equipe de France pour les championnats d’Europe à Istanbul en 1959 (3e) et les Championnats du Monde au Brésil en 1963 (5e) – qu’il surnomme systématiquement « le chouchou de Mérand ».

17 Robert Mérand, ancien de l’École Nationale d’Éducation Physique et Sportive (ENEPS), promotion 1940-1942, enseignant à l’ENSEP et membre de la FSGT, proche du PCF, a impulsé le développement d’une doctrine du sport éducatif, le courant sportif.

18 Georges Demenÿ, Mécanisme et éducation des mouvements, Paris, Alcan, 1904.

19 Christian ne manque jamais de rappeler qu’il a également été « Major au physique » devant des sportifs émérites, tel son ami Bernard Balastre, « recordman français à la perche avec son 4m42 ». « Major au physique », lui, le « bas du cul » ou encore le « major d’opérette ». Est-ce pour cette raison qu’il a cru bon de mentir, durant de longues années, en affirmant « avoir sauté quatre mètres à la perche ». C’est bien 3m90 qu’il a effectué au CAPEPS, obtenant alors 17/20 à la Table Letessier. Pourquoi avoir ainsi arrondi cette performance acrobatique ? Christian y voit « l’effet d’un positionnement générationnel des perchistes avant que ne fasse irruption en France la perche en fibre de verre, bouleversant l’histoire performative de la spécialité et voyant le déclin inéluctable des perchistes-gymnases, qu’incarnait fort bien “l’Homme-tronc” ».

20 À travers une anecdote, Christian montre combien les conseils de « Momond » furent avisés, jusqu’à ce dernier jour. Comme à l’habitude, Christian portait « le survet’ de travail marqué des cinq lettres E, N, S, E et P », un « survet’ élimé », qui devait « tenir tout seul », fatigué d’« avoir tant travaillé » durant trois années, à l’image du « bleu de chauffe de l’oncle Alban Bidon ». Jean-Pierre Bessaguet, le matin même, lui avait alors dit « Allez ! Vas te raser et te changer, fais pas le couillon, on ne sait jamais ! ».

21 Christian regrette de n’avoir pu s’expliquer avec Justin Teissié, le professeur qui l’avait affublé de ce surnom. Décédé prématurément dans un accident de voiture en 1961, il « ne pouvait pas être présent à l’évènement ».

22 Plus de vingt années plus tard, Christian appelle, en pleine nuit, le médecin de garde pour son fils malade. Au moment de rédiger l’ordonnance, à l’annonce du nom de famille de l’enfant, le médecin est « abasourdi ». « Pociello ? Pociello ? Christian ? Vous étiez prof’ de gym’ à Henri IV ? ». Il s’agissait en fait d’un ancien élève de la classe de cinquième de Christian et « il se souvenait de moi ! » déclare Christian, ému.

23 Il dirigera la Revue EPS pendant un demi-siècle jusqu’à son décès en 1999.

24 Pour plus d’informations, se référer à Pociello, Christian, « Pédagogie et analyse des exercices », Revue EPS, n° 63, 1963, p. 23-25.

25 Pour plus d’informations, se référer à Pociello, Christian, « L’aménagement du milieu chez les jeunes », Revue EPS, n° 67, 1963, p. 27-30.

26 Pour plus d’informations, se référer à Famose, Jean-Pierre, « L’enseignement du ski », Revue EPS, n° 67-68, 1963-1964.

27 Pour plus d’informations, se référer à Pociello, Christian, « L’adresse dans les sports collectifs », Revue EPS, n° 77, 1965.

28 De 1957 à 1959, Justin Teissié publie plusieurs articles dans la Revue EPS (numéros 37 à 44) sur l’« Éducation physique et sportive. Essai d’une systématique ». Il prône l’acquisition de quatre formes d’expression de la maîtrise corporelle : maitrise des déplacements, du corps propre, des engins et des oppositions. Selon lui, chaque activité sportive doit être étudiée pour développer ces maîtrises.

29 La méthode de Schäfer était à l’époque, une des méthodes de respiration artificielle la plus utilisée. Elle consiste, le malade étant couché sur le ventre, à appuyer progressivement et fortement sur la base du thorax (expiration) puis à relâcher brusquement cette pression (inspiration).

30 C’est là « un petit coup de force qu’il tente » car Christian sait que ses performances à la perche, 3m90 maximum, n’autorisent pas cette intégration.

31 Le pentathlon militaire comprend alors cinq épreuves : tir, parcours nautique, la course d’obstacles, lancer de grenades et cross-country.

32 Il se souvient avec humour combien le sergent se pliait à ses directives, « du moment que l’entraineur croit en ce qu ’il dit, il aurait pu lui dire “mange des carottes !”, c’est bon pour... il aurait mangé des carottes ! (Rires) ». En revanche, « prussien jusqu’au bout », le sergent l’avait pourtant sanctionné pour une absence. Christian avait alors dû « faire le guet toute une nuit en haut d’une tour de la Faisanderie ».

33 Durant son service militaire au Bataillon de Joinville, ce professeur d’EPS s’est occupé de la préparation physique des rameurs pour les JO de Tokyo. Puis, une fois nommé à l’institut National du Sport (INS), la fédération d’aviron l’a chargé de la formation des cadres et de l’équipe de France féminine. De 1978 à 1988, il se verra confier la responsabilité de la division entraînement à l’INSEP. Le 10 janvier 1991, il crée les « Entretiens de l’INSEP ».

34 Il est en fait « entraîneur de l’Association Sportive de la Faculté de Pharmacie en basket-ball et rugby ».

35 Christian s’empresse de préciser que cette réussite n’est guère à lui attribuer du fait « de ses faibles compétences en basket-ball ». En revanche, elle est peut être liée à ses talents d’« animateur », car « Pociello est connu pour fanatiser ses troupes ». Comme il s’en rappelle avec amusement, « quand je n’avais pas le sifflet dans la bouche, j’hurlais “allez les gars !!! ” ».

36 Dans l’équipe 2 de rugby, Jean Maccario, « un jeune étudiant talonneur de son état », se révélera être un soutien important pour Christian près de vingt ans plus tard, nous y reviendrons.

37 Son grand-père paternel, Jean Pociello était un « militant SFIO » et son père, André Pociello, « communisant, mais tournant mal sur le tard ».

38 Plusieurs fois, au cours des entretiens, ces évènements sont abordés et systématiquement, Christian déclare être au Lycée Henri IV au moment des faits. Chose impossible puisqu’il a quitté l’établissement en 1964.

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