Verbes et adverbes aspectuels, termes « explicitants » dans l’opération traduisante
p. 241-263
Texte intégral
1. Introduction
1Nous allons aborder les rapports d’équivalence qui s’établissent au cours de l’opération traduisante entre le roumain et le français dans la perspective de la catégorie de l’aspect1, plus précisément les situations qui mettent en jeu des verbes et des adverbes aspectuels fonctionnant comme termes « explicitants » (Ţenchea, 2003). L’explicitation en tant qu’opération de traduction consiste à introduire dans le texte source ou texte d’arrivée (TA) des termes dont le correspondant n’apparaît pas dans le texte cible ou texte de départ (TD)2, mais dont la signification est implicite dans le TD.
2Plusieurs éléments peuvent concourir à l’expression de l’information aspectuelle, qui concerne en fait l’ensemble de l’énoncé. La catégorie de l’aspect dispose – dans les deux langues considérées ici – de moyens assez variés tels que : des périphrases verbales (comportant des verbes considérés généralement comme des semi-auxiliaires d’aspect), l’opposition entre formes verbales simples et composées, le sémantisme du verbe (Aktionsart ou mode d’action), des adverbes et des prépositions, ou encore certains préfixes ou suffixes à signification aspectuelle3.
3Malgré les correspondances que l’on constate au niveau du système des deux langues, les choses sont en réalité bien plus nuancées au niveau du discours. Cela est très évident dans le cas particulier de la traduction, et l’on peut ainsi distinguer plusieurs types de mise en équivalence impliquant les structures qui véhiculent une signification aspectuelle. Certes, on a bien des cas de traduction littérale, où il y a correspondance entre les structures du TD et celles du TA (par exemple périphrase verbale → périphrase verbale, même si la forme du verbe de base diffère parfois : fr. il se mit à rire → roum. începu să râdǎ, littér. « il commença qu’il rie »), mais il y a également des situations où, pour différentes raisons, le traducteur va opérer des changements de nature assez diverse. On peut enregistrer ainsi le passage de l’aspect (lexico-) grammatical à l’aspect lexical ou vice-versa ; par exemple, une périphrase verbale terminative peut être rendue par une structure adverbiale : fr. il a cessé de fumer → roum. nu mai fumeazǎ, « il ne fume plus », où l’on a la structure adverbiale nu... mai « ne... plus »4 ; l’idée aspectuelle de durée exprimée par un adverbe peut être traduite par une périphrase verbale : roum. tot vorbeşte, « il parle sans cesse » → fr. il n ’arrête pas de parler ; le préfixe re- à valeur itérative a pour équivalent la structure adverbiale négative avec mai, qui implique une itération virtuelle niée : fr.je ne l’ai pas revu depuis dix ans ⟶ roum. nu l-am mai vǎzut de zece ani, « je ne l’ai plus vu depuis dix ans » ; un verbe imperfectif qui se trouve à une forme verbale de l’accompli est rendu par une périphrase inchoative : fr. il a travaillé dès le matin ⟶ roum. s-a apucat de lucru încǎ de dimineațǎ, « il s’est mis à travailler dès le matin ».
4En effectuant des traductions ainsi que des commentaires de traduction (français-roumain et roumain-français), nous avons constaté que la traduction peut expliciter plusieurs nuances aspectuelles.
5À partir de là, nous nous sommes proposé d’étudier, sur la base d’un corpus traductionnel5, les situations où certains verbes ou adverbes aspectuels du roumain et du français fonctionnent comme termes explicitants. Ce qu’ils explicitent, ce sont des relations de nature aspectuo-temporelle : les phases du déroulement du procès, la durée, la continuité, l’itération, etc. L’analyse syntaxique et lexico-sémantique du contexte et de certains implicites du discours devrait pouvoir rendre compte de cette interprétation (autrement dit, de cette instruction de traduction). Le test de l’explicitation appliqué au TD pourra mettre en lumière l’idée aspectuelle implicite qui se retrouve sous une forme explicite dans TA, de même que le test de l’implication (suppression) appliqué au TA pourra mieux rendre compte de la nécessité de l’opération explicitante.
6Notre objectif n’est donc pas la description des verbes et des adverbes aspectuels en français et en roumain, mais bien l’examen d’une opération traductive au cours de laquelle les termes en question fonctionnent comme termes explicitants. Nous constaterons, comme on peut s’y attendre, vu la parenté des deux langues romanes envisagées, de nombreuses ressemblances, mais aussi certaines différences, en fonction du vecteur de traduction (français-roumain ou roumain-français). Nous tâcherons de préciser dans quelle mesure ce type d’explicitation est obligatoire ou simplement possible, relevant d’une option du traducteur.
2. Verbes aspectuels – termes explicitants
2.1. Verbes aspectuels en français et en roumain
7Nous entendons par verbes aspectuels les lexèmes verbaux qui expriment une idée aspectuelle et qui fonctionnent en tant que semi-auxiliaires dans les périphrases dites aspectuelles (lexico-grammaticales : elles ne sont pas tout à fait grammaticalisées). Le français dispose d’une assez riche série de telles périphrases, qui marquent les étapes du déroulement ou la fréquence du procès, et qui comportent un semi-auxiliaire d’aspect suivi d’un verbe à l’infinitif ou au gérondif. On a ainsi :
l’aspect inchoatif : commencer à /se mettre à + infinitif ;
l’aspect continuatif : continuer de (à) /ne pas cesser de / ne pas finir de/ ne pas arrêter de + infinitif ;
l’aspect duratif (la durée en cours) : être en train de + infinitif ;
l’aspect progressif : aller + participe présent/gérondif6 ;
l’aspect terminatif (finir de/achever de/cesser de/terminer de + infinitif ; finir par/ parvenir à + infinitif, venir à + infinitif7 ;
l’aspect sporadique8 : il arrive que + subjonctif/il arrive de + infinitif.
8En roumain on a des périphrases verbales comportant des semi-auxiliaires d’aspect suivis d’un verbe au « conjonctif9 (începe sǎ strige, littér. « il commence qu’il crie », « il commence à crier » ; se apucǎ sa scrie, littér. « il se met qu’il écrive », « il se met à écrire »), à l’infinitif10 (începe a striga, « il commence à crier » ; se apucǎ a scrie, « il se met à écrire ») ou au supin (se apucǎ de scris, « il se met à écrire »), qui servent à exprimer :
l’aspect inchoatif : a începe sa + subj. « commencer à », a se apuca de/a se pune pe11+ supin « se mettre à »/a seporni sa + subj. « se mettre à » ;
l’aspect continuatif : a continua sǎ + subj. « continuer de », a nu conteni sǎ /a nu înceta sǎ + subj. « ne pas cesser de » ;
l’aspect terminatif : a ispràvi de + supin « achever de », a termina de + supin « finir de », a se opri din + supin « arrêter de » ; a sfârçi prin + inf. « finir par ».
9Comme on peut le constater, le roumain ne dispose pas de périphrases verbales exprimant la durée en cours et l’aspect progressif, qui se réalisent par des moyens lexicaux (adverbes).
10Au cours de l’opération de traduction il arrive que l’on explicite diverses étapes du déroulement du procès, ce qui comporte en fait un changement sémantique (une modulation12). Dans le cas de la traduction du roumain vers le français, l’existence en français d’une série plus variée de périphrases aspectuelles offre au traducteur de riches possibilités de nuancer sa traduction, en fonction de l’ implicite du TD. Dans la traduction du français vers le roumain, comme on le verra plus loin, les cas d’explicitation sont bien plus rares.
2.2. Roumain ⟶ français
11L’explicitation de certaines nuances aspectuelles, implicites dans le TD et identifiées comme telles par le traducteur, se réalise par une opération d’amplification liée à une modulation. De façon générale, on pourrait proposer une analyse de ce processus en termes de préconstruits propres au discours narratif. Sur le plan stylistique, ce procédé peut contribuer à étoffer l’expression et à donner du relief à l’énoncé. Le test de la traduction littérale met en évidence le caractère obligatoire ou facultatif de cette solution de traduction.
12Comme nous venons de le voir, l’expression de l’idée aspectuelle au moyen des périphrases verbales offre, en français, des possibilités plus variées qu’en roumain. Dans la traduction du roumain vers le français on peut donc expliciter, à l’aide de verbes semi-auxiliaires d’aspect, la plupart des nuances aspectuelles, notamment :
l’aspect inchoatif : le début d’un procès semelfactif ou d’un procès itératif ;
l’aspect sécant : procès duratif en cours, surpris à un des moments de son déroulement ;
l’aspect progressif : développement progressif d’un procès duratif ;
l’aspect continuatif : vision durative-continuative ; effet d’intensité ;
l’aspect terminatif : le procès en cause représente l’aboutissement d’une situation qui évolue ou le passage à un certain état ;
l’aspect sporadique : la répétition peu fréquente et irrégulière du procès (le procès se produit de façon sporadique).
▲ Explicitation de l’aspect inchoatif : se mettre à + infinitif.
(1) A râs şi a promis cǎ (Petrescu) (« il a ri et m’a promis que ») ⟶ Il se mit à rire et me promit de (trad. Herdan)
13Le passé composé est traduit ici par le passé simple (temps consacré de la narration romanesque) ; la combinaison du verbe imperfectif a râde (rire) avec une forme verbale de l’accompli impose une lecture inchoative (il rit signifie en fait il se mit à rire), rendue explicite en français. Cette explicitation a également pour effet d’étoffer l’énoncé et permet d’éviter une espèce de rime (il rit et me promit).
(2) Zicea cǎ mâine dimineata o pornepe prin sat dupǎ impozite. (Preda) (« il disait que demain matin il partirait dans le village après les impôts ») ⟶ Il disait qu’à partir de demain matin il se mettrait à courir le village pour ramasser le foncier, (trad. Ivǎnescu)
14L’idée inchoative et l’idée spatiale (mouvement), présentes dans le verbe roumain a porni « partir », se trouvent dissociées dans la traduction française, qui comporte une périphrase inchoative construite avec un verbe exprimant le dynamisme spatial.
(3) Mǎ opresc şi fac tot soiul de ipoteze asupra aspectului pe care îl va avea noua stradâ dupa reconstituirea pavajului. (Petrescu) ➝ Je m’arrête alors sur les lieux et je me mets à faire toutes sortes d’hypothèses sur l’aspect qu’aura la nouvelle rue lorsqu’on aura refait le paysage, (trad. Courriol)
15Le premier verbe (ma opresc « je m’arrête ») est un verbe perfectif, qui marque une action momentanée, constituant la limite initiale d’un procès duratif qui lui succède (fac tot soiul de ipoteze, « je fais toutes sortes d’hypothèses ») : il s’agit, plus précisément, du commencement d’un procès répété, marqué par le COD au pluriel. Le test de l’explicitation fonctionne parfaitement en TD : fac, « je fais » = încep sǎ fac, « je me mets à faire ».
▲ Explicitation de la durée en cours : être en train de + infinitif
16Il s’agit d’une explicitation par étoffement : le prédicat se trouve amplifié grâce à l’emploi de la périphrase, ce qui marque l’insistance sur le déroulement du procès, dans une vision interne à la situation (une vision sécante). Étant donné l’absence d’une telle périphrase en roumain, les exemples de ce type sont assez nombreux.
(4) Nu rǎspunde numaidecât, simt material cǎ gândeşte însǎ. (Petrescu)
→ La réponse se fait attendre, je sens matériellement qu’elle est en train de réfléchir, (trad. Herdan)
17L’idée exprimée par le verbe roumain gândeşte (« elle réfléchit ») est rendue en français par la construction périphrastique elle est en train de réfléchir, qui explicite l’idée d’un procès en cours, comportant une certaine durée (idée présente d’ailleurs dans le contexte). La vision sécante du procès est suggérée aussi par la présence du verbe Je sens, qui introduit un point de vue interne à la situation de récit. En même temps, elle sert à étoffer l’énoncé, cette solution étant, selon nous, préférable à la traduction littérale : « je sens matériellement qu’elle réfléchit ».
(5) Acasă, 1-am gǎsit pe D. stând pe divan şi citind. (Petrescu) ➝ En rentrant, je tombai sur D. en train de lire, étendu sur un divan, (trad. Herdan)
18La traduction littérale (« j’ai trouvé D. étendu sur un divan et lisant ») n’est pas acceptable. Il n’est pas possible d’utiliser ici le simple correspondant du gérondif roumain, c’est-à-dire le participe présent ; l’étoffement du verbe lire à l’aide du syntagme en train de s’avère obligatoire (le verbe être est ici sous-entendu : [qui était] en train de lire).
(6) M-a privit surprins, eu coltul gurii fixât într-un surâs, stabilind parcǎ o concluzie unei lungi discutii care n-a avut loc... (Petrescu) (« ... ayant l’air d’établir une conclusion... ») → Il m’a regardée d’un air surpris, le coin de la bouche figé en un sourire, comme s’il était en train de tirer la conclusion d’une longue discussion qui n’avait pas eu lieu... (trad. Courriol)
19La traduction du gérondif roumain stabilind (« établissant ») doit faire appel à une transposition13 : le gérondif est rendu par une proposition subordonnée, ce qui est dû à la présence de l’adverbe parcǎ, qui n’a pas de correspondant exact en français. L’équivalent choisi (comme si, tout comme on dirait, avoir l’impression, également possibles) exige l’emploi d’une structure propositionnelle. La périphrase verbale insiste sur le déroulement du procès, considéré dans son intériorité (vision sécante).
▲ Explicitation de l’aspect progressif : aller (présent/futur/imparfait) + participe présent/gérondif :
(7) Pentru viitor, limbajul omului se simplificǎ. (M. Malița, Contemporanul, 23.10.1970) ⟶ Dans l’avenir, le langage humain ira donc se simplifiant.
20Se simplificǎ (« se simplifie ») est un présent à valeur de futur. La traduction proposée correspond à une interprétation progressive du procès, dans une vision prospective.
(8) iar albul de afarǎ crescu pânǎ la incandescent... (Teodoreanu) ⟶ tandis qu’à l’extérieur une blancheur qui allait en s’intensifiant jusqu’à devenir incandescente... (trad. Eliade)
21On enregistre ici une modulation sur le temps-aspect, résultat d’un choix du traducteur. En roumain, le passé simple (crescu « s’intensifia ») marque une action achevée, dont la limite finale – sorte de point culminant – est marquée par le complément pânǎ la incandescent. Dans l’énoncé traduit, le passé simple est rendu par une périphrase progressive à l’imparfait (variante possible : allait s’intensifiant), qui trahit un changement de point de vue : le procès est considéré de l’intérieur, dans une vision sécante. La périphrase souligne l’intensité du procès et renforce l’aspect progressif suggéré par le sémantisme du lexème verbal a creşte (« s’accroître, s’intensifier »).
▲ Explicitation de l’aspect duratif-continuatif : ne (pas) cesser de + inf ; continuer à + inf :
(9) Total în trupul meu era pregǎtit încǎ de pe drum şi se accentua intens pentru ce avea sǎ vinǎ. (Petrescu) (« s’accentuait intensément ») → Je sentais, en venant, que tout, dans mon corps, était déjà prêt pour ce qui allait se passer et ne cessait de s’accentuer, intensément, (trad. Courriol)
22Le choix de la périphrase permet d’insister sur le développement progressif du procès, en accord avec l’adverbe intens, « intensément ».
(10) şi izbea pânǎ ce soldatul scotea sânge pe nas şi pe gurǎ. (Preda) (« il frappait jusqu’au moment où... ») ⟶ et il ne cessait de frapper qu’au moment où le sang se mettait à couler du nez ou de la bouche du soldat, (trad. Ivǎnescu)
23En roumain, le verbe à l’imparfait izbea, « il frappait », marque la continuité et l’intensité du procès (caractérisé par sa brutalité), dont on indique également l’aboutissement, la limite finale. En français, le traducteur a préféré au simple verbe à l’imparfait (solution acceptable d’ailleurs) une périphrase verbale, qui correspond à un préconstruit de la situation narrative, conférant aussi plus de force à l’énoncé. En fait, il s’agit ici d’une périphrase à valeur terminative (cesser de + inf.), mais qui, accompagnée de la négation restrictive ne... que et du complément de temps qui marque le moment final de l’action, produit l’effet de sens duratif-continuatif.
24L’exemple ci-dessous est de nature à illustrer une difficulté de traduction liée à un emploi particulier du gérondif roumain qui se rapporte à un COD. La traduction exige une reformulation ou, de toute manière, une explicitation portant sur un possible prolongement (excessif) du procès.
(11) ne apuca anul 2000 discutând. (Crohmǎlniceanu) ⟶ on pouvait continuer à discuter jusqu’en l’an 2000.
25En traduction littérale : « l’année 2000 nous trouvait (= nous aurait trouvés) discutant ». L’énoncé qui serait le plus proche de l’équivalence littérale pourrait être « l’année 2000 pouvait nous trouver/surprendre [toujours] en train de discuter ». La traduction que nous proposons comporte un changement de structure actancielle ; le verbe pivot de l’énoncé se trouve intégré dans une périphrase marquant l’aspect continuatif.
▲ Explicitation de l’aspect terminatif : finir par + inf, parvenir à + inf, venir à + inf. (arriver à un point final, à un certain état, à un certain résultat). L’énoncé marque l’aboutissement d’une situation qui évolue, le passage à un nouvel état. On peut noter la présence dans le co-texte de termes tels que în cele din urmǎ, « finalement », ou pe urmǎ, « puis/ensuite », qui évoquent l’idée d’une limite finale. On a affaire, dans ces cas, à des préconstruits narratifs.
(12) pe urmǎ iau lucrurile aça cum sunt. (Petrescu) (« je prends les choses comme elles sont ») → puis je finis par me faire à ce ton. (trad. Herdan)
26Le traducteur propose ici une reformulation, qui implique une modulation (suggérée par le contexte) et une explicitation. L’aspect terminatif est marqué au moyen de la périphrase finir par + inf.
(13) Totuşi, Fiinta se regǎseşte în cele din urmǎ. (Mircea, 1993) (« se retrouve ») → Mais, finalement, l’Être parvient à se retrouver soi-même. (trad. Ţenchea)
Dans l’énoncé traduit on a introduit la périphrase parvenir à, qui souligne l’aspect terminatif, tout en servant à étoffer l’énoncé.
27Dans l’exemple (12), on utilise comme terme explicitant venir à (+ inf) :
(14) Lipsitǎ de provizii, de apǎ, gamizoana acceptǎ, totuşi, capitularea. (Munteanu) (« privée de provisions, d’eau, la garnison accepte pourtant de capituler ») → Ce n’est qu’au moment où l’eau et les vivres vinrent à manquer que la garnison fut forcée de capituler. (trad. Țenchea)
28L’énoncé d’arrivée comporte ici des changements assez complexes, par rapport à l’énoncé de départ. On a opéré une transposition terme → proposition (le groupe du participe a pour équivalent une subordonnée temporelle), un changement de structure actancielle (modulation) et une explicitation, par l’introduction du semi-auxiliaire d’aspect venir à. De même que dans les exemples précédents, la périphrase utilisée, qui se rattache à un préconstruit du discours narratif, sert à renforcer l’expression de l’aspect terminatif, tout en rendant la phrase plus équilibrée.
▲ Explicitation de l’aspect sporadique : il arrive de + infinitif.
(15) Foarte rar mǎ aplec asupra foii... (Bogza, Contemporanul) (« très rarement je me penche sur la feuille [de papier] ») ⟶ Il ne m’arrive que très rarement de me pencher sur la feuille de papier...
29Le verbe il (m’) arrive (de) a, en fait, une fonction emphatique, servant à étoffer l’expression d’une action qui se répète à certains intervalles, évoquée en roumain à l’aide d’un complément circonstanciel placé en tête de phrase. Cette solution nous semble avoir plus de force expressive que la variante, également possible, je (ne) me penche (que) rarement sur la feuille de papier ou encore la variante avec emphase c ’est rarement que. L’explicitation trahit ici un choix du traducteur.
2.3. Français ⟶ roumain
30Dans la traduction du français vers le roumain, les cas où l’on explicite les nuances aspectuelles exprimées par le verbe sont extrêmement rares, puisque, de façon générale, les nuances d’aspect sont exprimées en français de façon explicite, à l’aide des périphrases verbales spécifiques. Cependant, il faudrait disposer d’un corpus traductionnel bien plus vaste pour pouvoir tirer des conclusions définitives dans ce sens.
31Nous avons rencontré, dans notre corpus, un seul type d’explicitation, celle de l’aspect inchoatif, dans le cas d’un verbe imperfectif qui se trouve à un temps de l’accompli.
(16) Il neigea dès le matin. (Bosco) – > Începu sǎ ningǎ (« il commença à neiger ») încǎ de dimineaţǎ.
32Le verbe imperfectif neigea se trouve au passé simple, forme temporelle qui implique une vision globale du procès achevé. En présence du SP en dès, le verbe acquiert une valeur inchoative : le moment défini par le SP marque la limite initiale du procès ; le conflit entre l’aspect sémantique et l’aspect grammatical se résout grâce à la lecture inchoative (« il commença à neiger »), que la traduction roumaine rend de façon explicite, à l’aide de la périphrase începu sǎ ningǎ. Nous avons préféré cette solution au simple verbe ninse (« il neigea »), senti comme insuffisant (bien qu’il soit également possible dans la traduction).
(17) il a raison : je parle à mon miroir, (réplique de film, TV Antena 1, 23.03.2010) ⟶ are dreptate : am început să vorbesc (« j’ai commencé à parler ») cu oglinda. (sous-titre)
33Dans la réplique en français, le verbe est au présent de l’indicatif (présent actuel). La traduction sous-titrée comporte une modulation et un étoffement, le temps verbal étant reinterprété comme le présent d’une nouvelle habitude, surprise dans ses premières manifestations.
3. Adverbes aspectuels – termes explicitants
3.1. Adverbes aspectuels en français et en roumain
34Il existe bien, en français comme en roumain, des adverbes qui expriment une idée aspectuelle, telles que : l’itération (souvent, quelquefois, de nouveau/adesea, uneori, iarǎşi) ; la durée (longtemps, toujours, sans cesse / mereu, jǎrǎ încetare), la continuité (encore, toujours/ încǎ, tot), la précocité (déjà ! déjà, înca), la progression (peu à peu, petit à petit / încetul eu încetul), l’aspect terminatif (enfin, finalement, juste / în fine, în sfârşit, tocmai). Nous nous occuperons ici de quelques lexèmes adverbiaux que l’on décrit d’habitude comme des adverbes aspectuels présuppositionnels14, à savoir fr. toujours, encore, déjà15 et roum. tot « toujours », mai « encore », « (ne) plus », încǎ « encore », « déjà », deja « déjà »16, en tant qu’ils fonctionnent comme termes explicitants.
35Ces adverbes peuvent exprimer les valeurs aspectuelles suivantes :
la continuité, la persistance d’un procès17 : fr. encore, toujours ; roum. tot, încǎ, mai, ou de l’absence d’une action (pas encore, toujours pas) ; ils supposent une « attente prématurée » (Weinrich, 1989) : la fin du procès a lieu plus tard que prévu ;
la précocité d’un procès18 : fr. déjà ; roum. deja, încǎ ; ils supposent une « attente trop lente » : le début du procès a lieu plus tôt que prévu ; il y a insistance sur le début du procès (donc une idée inchoative) ;
l’itération d’un procès (télique ou atélique) : fr. toujours, encore19 ; roum. tot, încǎ, mai ;
l’idée de permanence, la durée totale, « dans des énoncés à valeur générique, avec ou sans effet itératif » (TLFi) : fr. toujours.
36Presque toutes ces valeurs se retrouvent lorsque les adverbes aspectuels en question fonctionnent comme termes explicitants dans le processus traductionnel. N’ayant pas la prétention d’épuiser tous les types de situations traductionnelles, dont quelques-unes sont peu fréquentes, nous citerons un certain nombre d’exemples significatifs parmi ceux fournis par notre corpus.
3.1. Roumain ⟶ français
3.1.1. Toujours
37Employé comme terme explicitant, l’adverbe toujours exprime soit la continuité, soit l’itération, et l’interprétation devra tenir compte des présupposés discursifs. Pourtant, les situations de ce type ne sont pas très fréquentes.
38a) continuité :
(18) spuse Aristide mai départe, vǎzând cǎ Moromete tace posomorǎt. (Preda) ⟶ continua Aristide en voyant que Moromete se taisait, toujours assombri, (trad. Ivǎnescu)
39L’interprétation du groupe tace posomorât (« se tait assombri ») est influencée par le contexte précédent qui contient l’idée de continuité (spuse mai departe, « continua de parler »). Le traducteur explicite, à l’aide de l’adverbe toujours, la continuité de l’attitude du personnage Moromete, et cette explicitation s’avère nécessaire en français. En appliquant le test de l’omission en TA, on obtient : « en voyant que Moromete se taisait, assombri », formule moins satisfaisante que celle proposée par le traducteur, qui est plus exacte et tient compte d’un présupposé narratif, tout en rendant la phrase plus fluide.
(19) De pildǎ. Îl cauti la telefon : e în şedințǎ. « Pânǎ la ce orǎ ? » [...] « Pânǎ la 11 ». Revii la ora 11, « omul ocupat » nu poate sǎ ridice receptorul, fiind prins într-o altǎ convorbire, pe un ait fir... (Baranga) ⟶ Par exemple, vous le demandez au téléphone : il est en réunion. « Jusqu’à quelle heure ? » [...]. « Jusqu’à onze heures. »
Vous rappelez à onze heures, « l’homme occupé » ne peut toujours pas décrocher le récepteur, étant pris dans une autre conversation, sur une autre ligne...
40L’introduction dans TA de l’adverbe toujours sert à expliciter la continuité d’une situation négative. C’est une précision nécessaire, un ajout obligatoire, exigé par le contexte : il s’agit de la répétition d’une même situation, de « l’impossibilité » pour l’« homme occupé » de décrocher le récepteur pour répondre à un nouvel appel, contredisant une fois de plus l’attente de celui qui voudrait lui parler. En l’absence de l’adverbe toujours, la traduction laisserait de côté la dimension itérative implicite dans le co-texte (un présupposé narratif). En roumain, il serait parfaitement possible d’insérer l’adverbe tot, correspondant de toujours dans ce type de contexte (tot nu poate sa ridice receptorul, « il ne peut toujours pas décrocher le récepteur/répondre »).
41b) itération :
(20) Alǎturi de noi locuia o vecinà greu bolnavǎ de tuberculozǎ, care întreba pe toatǎ lumea cum o gǎseşte (Petrescu) ➝ A côté de chez nous habitait une femme gravement atteinte de tuberculose qui demandait toujours à tout le monde comment on la trouvait (trad. Courriol)
42La phrase traduite contient l’adverbe toujours, dont l’équivalent (mereu) n’est cependant pas présent dans la phrase de départ. Appelé par le syntagme à tout le monde, qui contient un indéfini de la totalité, toujours indique une totalité distributive, soulignant le caractère itératif de la situation, marqué par le verbe à l’imparfait (demandait).
(21) dacǎ durerea trebuie stǎpânitǎ fiindcǎ îndurereazâ şi pe alții (Preda) → Mais si la douleur doit être toujours contenue pour ne pas en faire souffrir les autres (trad. Ivǎnescu)
43L’introduction de l’adverbe toujours (« en toute circonstance ») dans l’énoncé d’arrivée sert à renforcer l’idée d’une généralisation, donc d’une itération « totale », présente dans l’énoncé de départ ; plusieurs éléments y concourent : agent indéterminé, présence du pronom indéfini alții « les autres », la forme verbale (le présent à valeur générale), le verbe a trebui « devoir ». La possibilité d’introduire dans l’énoncé de départ l’adverbe correspondant, întotdeauna, montre que l’interprétation du traducteur est correcte. Le test de l’omission appliqué à l’énoncé traduit aurait pour résultat une expression plus faible, sans relief, qui ne prendrait pas en compte le présupposé discursif.
3.1.2. Encore
44Nous avons enregistré l’emploi de l’adverbe encore en tant que terme explicitant, avec une valeur itérative :
(22) În dimineața aceea nu erai niciunde, fugeam de la un capǎt la altul al oraşului, am epuizat pachetul de cunoştințe care ar fi ştiut ceva despre tine, şi alergam, aici nu este, de aici a plecat, nu am vǎzut-o azi, dar a spus cǎ vine pe la noi, vǎ rog sǎ reveniți, şi reveneam şi veneam şi nu erai... (Ureche) ⟶ Ce matin-là tu n’étais nulle part, Je courais d’un bout à l’autre de la ville, j’avais épuisé la liste des personnes qui auraient pu me donner de tes nouvelles, et je courais encore, elle n’est pas là, elle vient juste de nous quitter, on ne l’a pas vue aujourd’hui mais elle a dit qu’elle passerait nous voir, je vous prie de revenir, et je revenais, et je revenais encore, et tu n’y étais pas...
45La traduction en français de la séquence reproduite ci-dessus contient deux occurrences de encore employé comme terme explicitant. Dans le premier cas, on a en roumain deux verbes synonymes, fugeam et alergam, ayant pour correspondant en français le même verbe, Je courais, qui marque l’itération (procès non borné en soi, mais qui le devient grâce aux compléments de lieu – explicites ou non – qui marquent les limites du mouvement, à chaque fois repris). Dans le deuxième cas, on a affaire aux verbes veneam et reveneam (procès bornés en soi), traduits, tous les deux, par je revenais. La seconde occurrence de chacun de ces deux verbes est accompagnée de l’adverbe encore, qui explicite la dimension itérative. C’est une exigence du contexte, la répétition du verbe entraînant l’emploi d’un terme renforçant (qui exprime l’itération, mais aussi l’intensité, une sorte de gradation, de progression), dont le correspondant roumain, bien que sous-entendu, est susceptible d’être explicité par l’adverbe iar « de nouveau ». Par ailleurs, la traduction française sans encore semble incomplète.
3.1.3. Déjà
46Les situations où l’adverbe déjà fonctionne comme terme explicitant sont peu fréquentes. Il exprime alors la précocité, étant toujours porteur d’un accent assez marqué. L’introduction de déjà dans l’énoncé d’arrivée est déterminée par certains éléments du contexte. En voici quelques exemples :
(23) mǎsura nucleonarǎ se reface, revenind la valoarea ei anterioarǎ [...]. În acest rǎstimp, nucleonul a schimbat cu preajma cel puțin un element hotamic. (Mircea, 2001) ⟶ la mesure nucléonnaire se reconstitue, revenant à sa valeur antérieure [...]. Pendant ce temps, le nucléon a déjà échangé avec sa proximité au moins un élément avoisinant la limite.
47C’est la locution adverbiale cel puțin « au moins » qui induit ici l’idée de la précocité d’une action accomplie, située dans un intervalle fermé, exprimée par un verbe au passé composé. Pour expliciter l’idée de précocité, on introduit dans l’énoncé traduit l’adverbe déjà, qui, en même temps, donne du relief à l’expression. La phrase sans déjà semble acceptable, mais elle a moins de force en l’absence de cet « accent » textuel.
48Dans les exemples (24) et (25), on a affaire à des préconstruits discursifs ; en français, l’ajout de déjà devant les participes passés prévenue et réinstallé est imposé par le sémantisme du verbe prévenir, respectivement par la présence du verbe se voyait, qui induisent l’idée de précocité :
(24) i-am telefonat lui Cioran (a rǎspuns Simone Boué, prevenitǎ de sosirea unui mesager din România) şi am trecut rapid pe la el pentru a-i da manuscrisul. (Sorin Antohi) ➝ j’ai téléphoné à Cioran (c’est Simone Boué qui a répondu, déjà prévenue de l’arrivée d’un messager de Roumanie) et j’ai fait un saut chez lui pour lui remettre le manuscrit, (trad. Dan Alexe)
(25) Am rǎmas la escadron, spre marele necaz al ordonanței care se vedea restabilit la oraç... (Petrescu) → Je suis resté à l’escadron, au grand dam de mon ordonnance qui se voyait déjà réinstallé en ville... (trad. Courriol)
3.2. Français ⟶ roumain
3.2.1. Tot
49Le roumain dispose de l’adverbe aspectuel-intensif tot, exprimant la durée d’un procès, effectué (ou repris) avec insistance. C’est un emploi chargé d’expressivité, spécifique pour le roumain, qui n’a pas d’équivalent en français (tot signifie à peu près « tout le temps », « sans cesse »). Là encore, il s’agit d’un préconstruit discursif. Voici quelques exemples :
(26) Je cherche à vous voir depuis mon arrivée... (Pinget) ⟶ De când am sosit tôt încerc sǎ te vǎd... (« depuis que je suis arrivé je cherche sans cesse que je te voie »).
50L’énoncé français comporte l’idée d’un procès réitéré de façon insistante (« je cherche à vous voir, je ne fais que ça ») pendant un intervalle dont on indique la limite initiale (depuis mon arrivée). Le roumain exige l’introduction de l’adverbe aspectuel-intensif tot, sans lequel la phrase n’est pas complète. Le groupe prédicatif (en roumain la proposition principale) est placé en deuxième position, comportant cet « accent » qui focalise l’attention sur le procès. La traduction littérale (« încerc sǎ te vǎd de când am sosit ») impliquerait une autre structure informationnelle, avec focalisation sur le complément de temps.
(27) Elle est toujours là, sur mon dos, à m’examiner, à me mesurer, à me peser... (Zola) ➝ Stǎ mereu acolo, în spatele meu, şi mǎ tôt cerceteazǎ, şi mǎ tôt mǎsoarǎ, şi mà tôt cǎntǎreºte. (trad. Condurachi) (« elle se tient toujours là, derrière moi, et elle m’examine sans cesse, et elle me mesure sans cesse, et elle me pèse sans cesse »).
51La construction (à valeur durative) être (là) à + inf, présente dans l’énoncé de départ, est rendue en roumain, de manière plus analytique, par plusieurs verbes coordonnés par şi « et » : on a d’abord stǎ (« elle se tient »), puis les trois autres verbes à l’infinitif traduits en roumain par le présent de l’indicatif et accompagnés de l’adverbe tot, qui marque la durée ou plutôt l’intensité de l’action (« elle ne cesse de m’examiner/de me mesurer/de me peser », « elle m’examine/me mesure/me pèse avec beaucoup d’insistance »).
52L’exemple (28) nous semble très intéressant : il s’agit du titre d’une pièce de théâtre, dont l’équivalent en roumain comporte l’adverbe tot : il confère au procès une certaine durée, une sorte de prolongement, comme un écho (cf. l’adverbe indéfiniment).
(28) Je m’en vais ⟶ Mǎ tôt duc (oral, TVR1, Gala UNITER, 27.04.2009)
3.2.2. Mai
53Les emplois de mai comme terme explicitant sont très fréquents, ce qui est dû, souvent, à l’existence de certaines contraintes/de certains usages en roumain. Les valeurs aspectuelles réalisées dans ces cas sont : a) le duratif-continuatif (« quantité » temporelle ajoutée ; il signifie « encore », dans les énoncés affirmatifs, ou « (ne...) plus », dans les énoncés négatifs) et l’itératif (nouvelles occurrences du procès : « de nouveau », « une nouvelle fois »). Nous allons commenter plusieurs exemples où l’adverbe mai apparaît comme terme explicitant.
a) Aspect continuatif : mai « encore »
(29) Alors, tant qu’il y avait une lueur de jour, je restais au fond de la mairie. (Fournier) ⟶ Atunci, câtâ vreme mai era o licǎrire de luminǎ, eu râmâneam în primârie... (trad. Gherghinescu-Vania)
54L’explicitation de l’aspect continuatif par l’adverbe mai « encore » est obligatoire en roumain dans ce type de contexte ; elle est d’ailleurs possible en français aussi : « tant qu’il y avait encore une lueur de jour ». L’état présenté dans la subordonnée temporelle doit cesser à un moment donné, mais pour l’instant il se prolonge au-delà du moment de référence évoqué implicitement par le verbe à l’imparfait.
55Dans (30), c’est l’usage du roumain qui impose l’ajout de mai, à côté du verbe a zǎbovi « s’attarder » (il est d’ailleurs possible, en français aussi, d’accompagner le verbe s’attarder des adverbes encore ou davantage) :
(30) Mais rien ne servirait à l’écolier de s’attarder. Il fallait partir. (Fournier) ⟶ Darn-aveanici un rostsd mai zǎboveascǎ [ « s’attarder encore »]. Trebuia sǎ plece. (trad. Gherghinescu-Vania)
b) Situation négative : mai « (ne) plus »
(31) Je suis rentré tout seul. Ma fiancée ne viendra pas. (Fournier) → M-am întors singur. Logodnica mea nu mai vine [ « ne vient plus »]. (trad. Gherghinescu-Vania)
56Dans (31), l’emploi de (nu) mai « (ne)... plus » est suggéré par le contexte. Il s’agit en fait d’une attente déçue du personnage : « Je l’attendais, elle devait venir, mais elle n’est pas venue ». La possibilité de la réalisation de cette action attendue se trouve donc annulée pour l’avenir (évoqué en français par le futur, traduit en roumain par un présent à valeur de futur). En roumain, on retrouve toujours (nu) mai dans ce type de situation, à la différence du français, qui emploie la négation ne... pas. En fait, on a ici un préconstruit discursif.
(32) Le bateau ne va pas tarder, maintenant, je pense ?... (Fournier) ⟶ Vaporul n-are sǎ mai întârzie mult, aşa cred ! [ « le bateau ne va plus tarder longtemps »]. (trad. Gherghinescu-Vania)
57Le traducteur a ajouté l’adverbe de quantité mult signifiant « beaucoup »/ « longtemps » (tout en supprimant dans l’énoncé de départ l’adverbe correspondant à maintenant), ce qui entraîne aussi la présence de l’adverbe mai. C’est une construction usuelle en roumain.
58Mai (en phrase négative) implique souvent une comparaison mettant enjeu certains repères temporels (antérieurs au moment de référence de l’énoncé), dans des contextes qui, en français, n’appellent pas la présence de l’adverbe aspectuel plus. Ainsi, dans (33), on peut identifier un repère temporel (implicite dans l’énoncé de départ, mais suggéré par le co-texte précédent) en relation d’opposition avec le repère explicite ce soir-là :
(33) Il n ’y avait pas, ce soir-là, de lanternes aux fenêtres. (Fournier) → La ferestre nu mai licǎreau lampioanele colorate din ajun [ « aux fenêtres ne scintillaient plus les lampions colorés de la veille »]. (trad. Gherghinescu-Vania)
59On a opéré ici une modulation et une explicitation. L’ajout (suggéré par le contexte) du complément du nom à sens temporel, din ajun « de la veille », explicite le deuxième terme d’une comparaison-opposition : ce soir-là, il n’y avait plus de lanternes aux fenêtres, comme il y en avait eu la veille. L’emploi de mai est corrélé avec la présence de ce complément.
c) Emploi itératif : mai « de nouveau »
(34) Nous sommes deux enfants ; nous avons fait une folie. Il ne faut pas que nous montions cette fois dans le même bateau. (Fournier) ⟶ Suntem nişte copii, am fǎcut o nebunie. De astǎ datǎ nu se cade sǎ mai urcàm împreunâ în acelaşi iaht [ « cette fois il ne faut pas que nous montions de nouveau ensemble dans le même bateau »]. (trad. Gherghinescu-Vania)
60La présence, dans l’énoncé traduit, du syntagme de astǎ datǎ, qui correspond au complément cette fois du français, rend obligatoire la présence de mai (« de nouveau », « une nouvelle fois ») dans un contexte négatif où l’on fait référence aux occurrences antérieures du même procès ; une éventuelle répétition du procès n’est plus possible.
3.2.3. Încǎ
61L’adverbe încǎ est souvent employé comme terme explicitant (il explicite toujours un présupposé discursif), avec l’une des deux valeurs suivantes : a) continuatif (prolongement d’un état qui aurait pu se terminer : « encore ») ou b) précocité (« déjà »). Il comporte toujours un accent phrastique.
a) încǎ « encore
(35) le jeune homme guettait son départ, de la cuisine de Zoé, et prenait sa place toute chaude, jusqu’à dix heures... (Zola) ⟶ tânǎrul açtepta eu nerǎbdare plecarea lui în bucǎtǎrie, la Zoe, şi-şi lua locul cald încǎ, pânǎ la orele zece...[ « sa place encore toute chaude »]. (trad. Comea)
62L’introduction de l’adverbe aspectuel încǎ est obligatoire en roumain : il apporte une précision nécessaire, qui ne ressort pas du contexte (à la différence de l’énoncé français, où l’on peut souligner, dans ce sens, le rôle des possessifs, ainsi que la présence de l’intensif toute). Le test de l’omission en est la preuve : îşi lua locul cald « il prenait sa place chaude » n’est pas une formule acceptable ; elle demande à être complétée par une précision portant sur la qualité en question, qui est en fait une qualité acquise et temporaire.
(36) Mais soudain une rafale glacée venait rappeler décembre aux invités de cette étrange fête. (Fournier) ⟶ Dar pe neaşteptate o rafalǎ de vânt înghetat venea parcǎ sǎ aminteascǎ invitaților la aceastǎ ciudatǎ petrecere cǎ e încǎ decembrie [ « mais soudain une rafale de vent glacé venait en quelque sorte rappeler aux invités de cette étrange fête qu’on était encore en décembre »]. (trad. D. Gherghinescu-Vania)
63La traduction apporte une explicitation par un développement propositionnel, qui comporte l’adverbe încǎ. Le contexte laisse entendre que ce n’était pas encore la saison appropriée pour une telle fête, même si on avait pu croire le contraire. L’omission de încǎ est possible, sans affecter la compréhension du sens, pourtant sa présence vient renforcer l’expression, ajoutant un accent phrastique.
b) încǎ « déjà »
64L’adverbe aspectuel-présuppositionnel încâ fonctionne obligatoirement comme terme explicitant dans certaines structures linguistiques (problème de contrastivité), correspondant aux syntagmes prépositionnels du français construits avec les prépositions temporelles dès et depuis à visée initiale. Încǎ comporte toujours un accent, et il a une valeur intensive.
65La préposition dès implique une certaine insistance sur l’idée de précocité. Ses équivalents en roumain – les prépositions de, de la, din ou, parfois, la locution conjonctive de când, lorsque le SP a pour équivalent une proposition – indiquent seulement la limite initiale, sans aucune insistance sur la coïncidence du procès perfectif ou sur la coïncidence du début d’un procès imperfectif avec le moment-repère. C’est pourquoi la traduction en roumain des syntagmes en dès exige l’emploi de l’adverbe încǎ « déjà », quel que soit le terme qui marque le repère temporel (SN [+Temps] ou équivalent ou SN [+Action]). Les exemples de ce type sont nombreux.
(37) Le lendemain matin, j’étais prêt à sortir dès neuf heures. (Gide) → A doua zi dimineata, eram gata sa ies încâ de la ora nouǎ. [ « déjà depuis neuf heures »]
(38) Le lendemain, nous partîmes dès avant l’aube. (Gide) ⟶ A doua zi, plecarǎm încǎ înainte de ivirea zorilor. [ « déjà avant l’apparition de l’aube »]
(39) Dès ma sortie de l’École des chartes, tu as été mon mauvais génie. (Morand) ⟶ Incâ de când am absolvit şcoala de arhivari ai fost geniul meu rǎu. [ « déjà depuis que j’ai fini l’École des chartes »]
66Dans le cas de la préposition depuis, ce type d’explicitation n’apparaît que lorsque le SN désignant le repère temporel ne comporte aucune indication chiffrée. On a, par exemple, le substantif début ou un nom susceptible d’évoquer une époque. Depuis marque la limite initiale d’un procès, ainsi que la durée ultérieure à cette limite, considérée dans la perspective d’un moment de référence du locuteur. Depuis a pour équivalents en roumain les mêmes prépositions que dès : de, din, de la, et l’on doit souligner là aussi, à l’aide de l’adverbe încǎ, la coïncidence entre le début du procès et un certain moment, l’idée de précocité :
(40) Depuis le lycée [= depuis l’époque du lycée], il était recordman de la descente d’escalier. (Morand) ⟶ încǎ din liceu era campion la coborâtul scǎrilor.
(41) Ce visage que depuis son enfance les femmes jamais ne s’étaient interrompues de caresser. (Mauriac) ⟶ Acest chip pe care, încǎ de cândera copil, femeile n-au încetat sǎ-1 îndrǎgeascǎ. (trad. Mavrodin)
67Dans tous ces cas, l’emploi de încǎ « déjà » est obligatoire en roumain. On peut préciser que le français accepte ici le test de l’explicitation par déjà.
3.2.4. Deja
68Dans la traduction du français vers le roumain, l’adverbe déjà sert parfois à expliciter l’idée de précocité ou de promptitude. En voici des exemples :
(42) Dès la fin de la matinée, les visites commencèrent. (Martin du Gard) ➝ Spre amiazǎ începurǎ deja vizitele [ « vers midi commencèrent déjà les visites »]. (trad. Rusu-Şirianu)
69On insiste ici sur l’idée inchoative exprimée par la préposition dès, en soulignant la nuance de promptitude (« sans plus tarder »). Une traduction telle que : Cu put in înaintea prǎnzului, începurǎ vizitele (« peu avant midi commencèrent les visites ») ne serait pas acceptable, puisqu’elle laisserait de côté précisément cette idée de promptitude.
(43) Le « mouvement » a débuté le 6 novembre 2008 avec une lettre ouverte rédigée par Alain Refalo à travers laquelle il avait informé son inspecteur de circonscription qu’il entrait en désobéissance pédagogique et refusait d’appliquer les réformes du ministre de l’éducation nationale. Lundi 26 janvier, ils étaient officiellement 1937 dans trente départements différents, à avoir signé une lettre individuelle ou collective qui matérialise cet engagement. (Le Monde, 26.01.2009) ⟶ « Mişcarea » a început în data de 6 noiembrie 2008 cu o scrisoare deschisǎ redactatǎ de Alain Refalo prin care il informa pe inspectorul teritorial cǎ începe acțiunea de protest şi cǎ refuzǎ sǎ punǎ în aplicare reformele propuse de ministrul educației nationale. în ziua de luni, 26 ianuarie, se ştia, în mod oficial, cǎ 1937 de persoane din 30 de departamente diferite semnaserǎ déjà o scrisoare individualǎ sau colectivǎ exprimǎnd aceastǎ hotǎrâre.
70La traduction explicite un présupposé discursif, soulignant l’idée de promptitude (en rapport aussi avec le bilan chiffré présenté pour l’intervalle en question). À l’intérieur de la séquence, deja fonctionne en même temps comme terme renforçant, comportant un « accent » textuel.
4. Conclusion
71Nous avons essayé de présenter les situations de traduction les plus représentatives impliquant comme termes explicitants des verbes et des adverbes aspectuels. Nous avons montré, d’une part, que le processus n’est pas tout à fait symétrique dans les deux langues envisagées, et d’autre part, que l’on peut enregistrer des solutions traductionnelles obligatoires (dues à des contraintes linguistiques ou contextuelles) ou préférentielles, et parfois des solutions multiples acceptables. Les facteurs qu’il faut prendre en compte (comme dans toute traduction, d’ailleurs) sont de nature syntaxique, lexico-sémantique, pragmatique et stylistique, à savoir : les difficultés de nature contrastive et les contraintes de la langue d’arrivée, le contexte syntaxique et lexico-sémantique, les préconstruits discursifs/narratifs, les présupposés discursifs, sans oublier l’expressivité (insistance, emphase, accents textuels, rythme et équilibre de la phrase).
72L’explicitation qui met en jeu des périphrases verbales aspectuelles trahit une vision « intériorisée » du procès, avec insistance en TA sur l’une des phases du déroulement du procès ou sur l’intégration du procès dans l’ensemble d’une situation évolutive. Il s’agit souvent de différences de préconstruit, basées parfois sur des divergences structurales entre les deux langues (nous avons signalé ainsi l’absence en roumain de périphrases verbales marquant la durée en cours et l’aspect progressif). La contrastivité joue dans le cas du gérondif roumain (exprimant un procès duratif), l’explicitation étant alors obligatoire en français. De toute façon, le recours à ce procédé est de nature à nuancer et à enrichir l’expression, ce qui apparaît à travers un certain nombre de solutions préférentielles. L’option du traducteur pour l’explicitation des nuances aspectuelles exprimées par le verbe permet de réaliser une traduction plus nuancée, qui correspond mieux à l’esprit de la langue d’arrivée et aux préconstruits textuels (narratifs, généralement), et plus expressive, puisque plus étoffée et mieux équilibrée.
73L’emploi des adverbes aspectuels comme termes explicitants apporte souvent une précision nécessaire, en vue d’une traduction exacte, parfaitement adéquate, susceptible de rendre toutes les nuances que comporte le TD (durée-continuité, itération, précocité). Dans la traduction-explicitation du roumain vers le français interviennent surtout des présupposés discursifs et/ou des préconstruits. Dans la traduction du français vers le roumain, on a affaire à des faits de contrastivité (contraintes linguistiques du roumain, comme c’est le cas pour les adverbes aspectuels qui apparaissent dans le cas des SP en dès et depuis), à des préconstruits (dans le cas de tot duratif-intensif et de mai itératif) ou à des présupposés discursifs (încǎ- exprimant la continuité et déjà – exprimant la précocité).
74Comme nous l’avons vu, il est toujours possible de vérifier l’adéquation de la solution de traduction proposée, par le recours au test de l’explicitation dans le TD d’une part, et par le test de l’omission dans le TA, d’autre part.
75En étudiant les équivalences de traduction, on peut avoir l’impression de marcher sur des sables mouvants. C’est un peu vrai, étant donné le caractère par excellence dynamique du processus de traduction, des opérations parfois assez complexes que le traducteur effectue dans le contexte, pour rendre au plus près, dans le TA, toutes les nuances que contient, de façon explicite ou implicite, le TD ; ce processus comporte, cependant, des constantes et doit obéir à certaines contraintes. Certes, on peut envisager une étude complète des convergences/divergences et de toutes les situations de traduction possibles qui mettent enjeu des verbes et des adverbes aspectuels, sur la base d’un corpus plus étendu (qui n’est pas facile à réunir, vu la fréquence peu élevée de certaines des situations envisagées). Notre objectif était, pourtant, plus limité : une approche analytique des cas d’explicitation, c’est-à-dire l’absence dans le texte de départ de certains éléments à valeur aspectuelle et la présence de leurs correspondants dans le texte d’arrivée, qu’il s’agisse de traductions obligatoires ou préférentielles. Nous pensons qu’une telle analyse peut avoir des implications didactiques importantes pour les futurs traducteurs (littéraires), permettant de sensibiliser les étudiants à ce type de situations. On pourra ainsi les aider à éviter les traductions littérales inappropriées et leur apprendre à mettre en valeur toutes les possibilités dont disposent les deux langues, en vue de réaliser des traductions adéquates et nuancées.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 « Le temps impliqué (ou aspect) est une qualité interne à l’événement ou au prédicat [...]. Au plan du contenu, l’aspect renseigne sur un stade ou une perspective de déroulement du procès » (Confais, 2002 : 205).
2 Nous optons ici pour les termes texte de départ et texte d’arrivée.
3 Comme le précisent Riegel et al., les oppositions aspectuelles (accompli/inaccompli, perfectif/imperfectif, sécant/non-sécant, inchoatif/terminatif, semelfactif/itératif) « ont des rendements différents selon les moyens linguistiques utilisés » (1994 : 292).
4 Avec changement du temps verbal ; en fait, on a là une modulation, un changement de perspective : action achevée, accomplie résultat, situation dans le présent.
5 Œuvres littéraires, ouvrages d’histoire et de philosophie, articles de presse ; je remercie ici Mlle Loredana Salcǎu, étudiante en master, pour sa contribution au dépouillement d’une partie du corpus. Dans le cas des traductions publiées, nous indiquons le nom du traducteur. Dans les autres cas, il s’agit soit d’une version qui nous appartient, soit de textes que nous avons traduits avec les étudiants, pendant les séminaires de traduction.
6 Le tour aller + participe présent (ou gérondif) « étant archaïque en français moderne, l’aspect progressif y est très limité » (Riegel et al., 1994 : 296).
7 Dans le registre soutenu.
8 Nous empruntons ce terme à Kleiber (1983). Sporadique signifie « qui se produit d’une manière irrégulière » (TLFi), de façon intermittente.
9 Equivalent du subjonctif français.
10 Construction plutôt vieillie ou régionale.
11 Plutôt familier.
12 Nous rappelons ici l’acception du terme modulation : en traductologie, il désigne un procédé de traduction qui implique un changement de perspective ou de point de vue, un glissement sémantique, et qui porte sur différents types d’unités linguistiques (mots, syntagmes, propositions).
13 Opération de traduction qui consiste dans un changement de catégorie grammaticale.
14 « Structure présuppositionnelle et contenu aspectuel sont étroitement liés » (Martin, 1980 : 178).
15 Appelés aussi « adverbes de séquence » (Weinrich, 1989), ils supposent « une attente inadéquate de l’interlocuteur ». Ces adverbes aspectuo-temporels constituent le paradigme des « adverbes phasiques » (cf. Löbner et Van der Auwera, cités par Mosegaard Hansen, 2002) ; ils « indiquent de façon différente la transition ou l’absence de transition entre deux phases, positive et négative (ou vice versa), d’un état de choses donné p ». Mosegaard Hansen étudie la polysémie de ces trois adverbes, tout en précisant quels sont leurs emplois aspectuels.
16 Les grammaires roumaines placent ces termes dans la classe des semi-adverbes ou adverbes particules.
17 « La persistance d’un procès antérieurement en cours et dont le terme était ou pouvait être normalement envisagé pour le moment actualisé par le verbe » (TLFi, s.v. encore).
18 « La précocité de survenance d’un procès qui, attendu pour plus tard, aurait pu ne pas se produire à la date à laquelle il est censé se produire » (TLFi, s.v. déjà).
19 « La réitération actuelle d’un procès (c’est-à-dire ayant lieu au moment envisagé par l’énoncé verbal) qui a déjà eu lieu à de précédentes fois » (TLFi, s.v. encore).
Auteur
Université de l’Ouest, Timişoara
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