Morphologie du verbe au subjonctif : recherches linguistiques et manuels scolaires
p. 99-123
Texte intégral
– Et le quatrième enclos ? C’est un peu le bric-à-brac, non ? Qu’est-ce qui unit payer et acquérir ? Pourquoi mouvoir est-il à côté de conclure ? – Ce sont les verbes à problèmes, Jeanne. Ils ont chacun leur bizarrerie.
Je meus, il meut, nous mouvons, tu mus, vous mûtes...
– En effet, ça craint !
– Et j’acquiers, vous acquîtes, ils acquerront.
– Bonjour la prise de tête !
– On a préféré les mettre ensemble pour qu’ils ne contaminent pas les autres.
Tu imagines si chacun des verbes imposait sa fantaisie ? C’est déjà assez compliqué comme ça, tu ne trouves pas ? (Orsenna, 2004 : 60)
1Les manuels scolaires consacrent de nombreuses leçons au verbe, qu’il soit travaillé d’un point de vue morphologique, sous la rubrique « conjugaison », ou d’un point de vue syntaxique, eu égard à son rôle prédicatif dans la phrase verbale. Cela témoigne à la fois du rôle central du verbe, placé au cœur de l’apprentissage, mais aussi de la difficulté de l’objet. En ce qui concerne la morphologie du verbe, thème de cet article, la citation d’Orsenna illustre l’apparente désorganisation du système verbal à laquelle peuvent être confrontés enseignants et élèves. La classification traditionnelle, centrée sur l’écrit et répartissant ainsi les verbes en trois groupes, selon leur infinitif (1er groupe et verbes en -er, 2e groupe et verbes en -ir et en -ss aux personnes 4 et 51 de l’indicatif présent, 3e groupe, sorte de « fourre-tout », rassemblant tous les autres verbes), a largement contribué à imposer cette idée. A contrario, des linguistes comme Martinet (1958), Dubois (1966, 1967), Le Goffic (1997), ou Pouradier Duteil (1997) proposent une description de ce système selon le nombre de variantes du radical verbal2 à l’oral. En ne regroupant plus dans un même ensemble – le 3e groupe – des verbes qui ont un radical unique (tressaillir [tʁesaj], conclure [kɔ̃kly]) et d’autres qui en présentent quatre (tenir [tjɛ̃, tn-, tjɛn, tjɛ̃d-]), elle a l’avantage de remettre en cause l’illusoire déstructuration des paradigmes verbaux ainsi que leur non-prédictibilité, comme le souligne Pouradier Duteil :
Contrairement à une idée très répandue, le système verbal du français est complexe certes, mais très régulier. Pendant de longues générations on s’est contenté de décrire le verbe du seul point de vue de la graphie, le présentant selon un système qui gardait la nostalgie du latin, classait les divers éléments en fonction de leur infinitif et, ignorant la réelle structuration du système, donnait pour irréguliers un grand nombre de verbes dont il ne pouvait analyser correctement la morphologie. (Pouradier Duteil, 1997 : 7)
2Dans cet article, je propose de réfléchir sur les apports possibles des recherches linguistiques aux questions qui se posent en didactique. Je m’interroge alors plus précisément sur le verbe au subjonctif, les difficultés qui incombent à son enseignement étant avérées. L’enseignant doit pouvoir répondre à deux questions complémentaires : comment l’employer ? quand l’employer ? C’est la première question qui sera ici travaillée. Si l’on admet que l’un des objectifs majeurs des manuels scolaires est d’amener l’élève à maîtriser le code écrit, donc à savoir conjuguer correctement les verbes, cette perspective orthographique nécessite l’acquisition de savoirs procéduraux, auxquels peuvent être corrélés des savoirs déclaratifs dans l’exercice de repérage de formes verbales. Cette finalité soulève deux questions, qui sont traitées dans la première partie de l’article :
Quelle est la marque formelle du subjonctif ? Cette question revêt son importance en ce qu’elle implique de savoir si et quand le subjonctif se différencie formellement de l’indicatif, à l’oral et à l’écrit, ce qui peut donc avoir des conséquences sur l’orthographe. Mettre en correspondance le verbe au subjonctif à l’oral et à l’écrit m’amène à proposer une classification des verbes au subjonctif. On notera qu’il est essentiel de distinguer la forme de l’unité significative (morphème) subjonctif (i dans il regrette que nous partions) et la forme du verbe au subjonctif, lequel contient plusieurs unités significatives, à savoir le morphème lexical et le/ les morphèmes de temps, mode ou personne (partions).
Comment se construit le verbe au subjonctif ? La diversité des formes du verbe au subjonctif (bavarde, finisse, croie, etc.) constitue-t-elle réellement un obstacle à l’établissement de règles de construction ?
3Dans une deuxième partie, les leçons sur la morphologie verbale présentées dans des manuels scolaires sont analysées. Je me demande alors si les régularités dégagées lors de la description linguistique pourraient être exploitées dans l’enseignement et venir pallier certains écueils auxquels se heurtent les manuels.
1. Forme du subjonctif
4Contrairement aux autres paradigmes verbaux, comme l’imparfait ou le passé simple de l’indicatif, le subjonctif n’est pas formellement marqué3 à chacune de ses occurrences. Ainsi, à l’oral, selon la personne et le verbe considérés, il peut avoir une forme :
non marquée : [bavaʁd] (il) bavarde (indicatif ou subjonctif),
marquée, non spécifique au subjonctif : [vjɛn] (il) vienne (subjonctif) vs [vjɛ̃] (il) vient (indicatif), mais on trouve aussi [vjɛn] (ils) viennent à l’indicatif,
marquée, spécifique au subjonctif : [fas] (il) fasse (subjonctif) vs [fɛ] (il) fait (indicatif). La forme adoptée par le verbe au subjonctif n’existe pas à l’indicatif.
5La pluralité des formes du subjonctif semble en faire une unité difficilement appréhendable et prévisible. Cette non-unicité n’empêche néanmoins pas d’observer quelques régularités et de proposer une analyse systématique de ces paradigmes, ce qui constitue une nécessité pour l’enseignement.
6À l’oral, tout d’abord, la forme du subjonctif dépend des variantes du radical du verbe à l’indicatif présent. J’établis deux groupes de verbes à partir de la forme de ce radical :
7a) [3 = 3pl] : à l’indicatif présent, la forme du radical à la 3e personne du singulier (3) et celle à la 3e personne du pluriel (3p1) sont identiques. Ex. donner [3 dɔn = dɔn 3pl].
8Ce groupe comprend les verbes :
à un seul radical4 : des infinitifs en [-e] (assurer, bavarder), en [-iʁ] (couvrir, cueillir, offrir), en [-ʁ] (conclure, inclure).
à deux radicaux [3/3pl ≠ 4/5] : un radical pour les personnes 1, 2, 3, 3pl et un radical à 4, 5. Ex. aimer [3/3pl ɛm ≠ em- 4/5], voir [3/3pl vwa ǂ vwaj- 4/5]. Ces verbes sont peu nombreux en français.
9b) [3 ≠ 3pl] : à l’indicatif présent, la forme du verbe à 3 est différente de celle à 3pl. Ex. dormir [3 dɔʁ ≠ dɔʁm 3pl]. Cet ensemble regroupe les verbes les plus fréquemment employés à l’oral5 :
à deux radicaux [3 ≠ 3p1/4/5] : finir [3 fini ≠ finis 3pl/4/5], rendre [3 ʁã ǂ ʁãd 3pl/4/5].
à trois radicaux [3 ≠ 3pl ≠ 4/5] : boire [3 bwa ǂ 3pl bwav ǂ byv- 4/5], venir [3 vjɛ̃ ǂ 3pl vjɛn ǂ vən- 4/5].
les verbes irréguliers : aller, avoir, être, faire, falloir, pouvoir, savoir, valoir, vouloir6.
10Eu égard à ces deux groupes, je propose de répertorier les différentes formes du subjonctif dans le tableau 17 ci-après.
11Ce tableau a l’intérêt de présenter la forme du morphème subjonctif selon la personne et le type de verbe considéré, ainsi que de mettre en regard la forme du verbe au subjonctif et du verbe à l’indicatif en indiquant, par un code couleur, les cas où les verbes cités sont formellement distincts ou confondus. Cette présentation diffère notamment de celle que proposent Pouradier Duteil (1997) ou Choi-Jonin et Delhay (1998 : 137), pour qui le signifiant du subjonctif est uniquement /j/ :
Abstraction faite des formes 4 et 5, communes au subjonctif et à l’imparfait de l’indicatif, le subjonctif présent est donc au point de vue morphologique un temps non marqué. (Pouradier Duteil, 1997 : 49)
12Pour ces linguistes, les cas où le subjonctif est exprimé par la forme même du radical ne figurent donc pas explicitement, alors que cette information est, comme on le verra par la suite, primordiale, notamment parce que ce sont ces formes qui permettent à l’élève d’acquérir le subjonctif et de prendre conscience de son existence8, et au formateur d’en vérifier l’acquisition.9
13Le verbe au subjonctif fonctionne de façon quasi analogue à l’écrit ; la seule différence concerne un petit groupe de verbes pour lesquels le subjonctif s’oppose à l’indicatif par un -e (courir, voir, etc.). L’analyse du -e final dans les formes verbales (il) murmure ou (il) croie est particulièrement problématique. À cette étape de la recherche, le -e sera considéré comme un morphème de subjonctif uniquement pour les verbes du type croire ou voir11, pour les autres verbes, il est un élément du radical verbal ; ce qui m’amène à distinguer deux ensembles de verbes à l’écrit :
14a) [3 = 3pl] à l’indicatif présent. Ce groupe comprend les verbes :
en -er qui sont les plus nombreux : bavarder [3 bavarde = bavarde- 3pl]. Le radical des verbes en -er présente donc deux variantes : une forme « longue » à 1, 2, 3, 3pl (bavarde) et une forme « courte » à 4, 5 (bavard-). Divers faits d’ordre graphique dus à l’entourage peuvent différencier le radical à 3 de celui à 4/5 : accent (3pl cède-/ céd- 4/5), double lettre (3pl appelle- / appel- 4/5), cédille (3pl reçoive-/ recev- 4/5).
quelques autres verbes comme cueillir [3 cueille = cueille- 3pl], ou à radical en -vr, -fr tels que couvrir (couvre), ouvrir (ouvre), offrir (offre), souffrir (souffre), etc.
15b) [3 ≠ 3pl] à l’indicatif présent. Ce groupe est constitué des verbes :
– en -ir, -oir, -re ; 3pl diffère de 3 à l’indicatif par :
un radical long en -e : croire [3 croi- ǂcroie- 3pl],
un radical long en consonne et -e : dormir [3 dor- ≠ dorme- 3pl],
les verbes irréguliers.
À l’écrit, le signifiant du subjonctif est distribué comme suit :
16Les tableaux 1 et 2 montrent que la forme du subjonctif varie notamment selon la personne considérée. En premier lieu, à 3pl, à l’oral et à l’écrit, le subjonctif n’est jamais formellement différencié de l’indicatif présent (exception faite des verbes irréguliers) :
(1) | Il cherche des livres qui [deʃƐn] les passions (déchaînent – indicatif ou subjonctif) |
17Le verbe déchaîner ayant la même forme au subjonctif et à l’indicatif, il s’ensuit que cette absence de différenciation formelle est porteuse d’ambiguïté sémantique. Envisage-t-on ici seulement la potentialité de livres susceptibles de provoquer des émotions (subjonctif) ou cherche-t-on des livres qui, de façon catégorique, déchaînent des passions comme le salueraient les critiques littéraires (indicatif) ? Dès lors, on parle de syncrétisme, c’est-à-dire d’une absence de différenciation formelle de morphèmes qui pourtant s’opposent sémantiquement. Ces cas de syncrétisme concernent majoritairement les verbes en [e] -er, c’est-à-dire neuf dixièmes des verbes (Wilmet, 1997 : 301), qui sont certes les plus nombreux et les plus productifs au regard de la néologie mais qui ne sont pas les plus fréquents dans l’usage. À l’inverse, au subjonctif et à l’indicatif, les verbes les plus fréquents ont une forme distincte (ex. faire). Ces derniers verbes permettent ainsi de maintenir formellement l’opposition entre les deux modes, et par conséquent que le subjonctif soit perçu par les locuteurs.
18Ensuite, pour tous les verbes, aux personnes 4 et 5, le subjonctif est marqué par l’insertion de [j] à l’oral, et de -i à l’écrit, entre la base et la personne [ɔ̃] ou [e] : (nous) murmurons (indicatif) / (nous) murmurions (subjonctif). Le verbe au subjonctif a ici une forme similaire au verbe à l’indicatif imparfait :
(2a) | Il souhaiterait tellement que vous lui murmuriez des mots doux (subjonctif). |
(2b) | Il aimait quand vous lui murmuriez des mots doux (indicatif). |
19À cette marque, s’ajoute une modification du radical verbal pour les verbes irréguliers avoir, être, faire, savoir et pouvoir : [save] (vous) savez (indicatif)/ [saʃje] (vous) sachiez (subjonctif). La consonne latérale [1] du radical verbal à 4 et à 5 de aller [al], et à 3pl des verbes vouloir [vœl], valoir [val], se transforme en semi-consonne |j] lorsqu’elle n’est pas suivie d’une voyelle : [vœj], [vaj], [aj].
20Pour finir, aux personnes 1, 2, 3, la plupart des verbes, c’est-à-dire ceux appartenant au groupe [3 = 3pl], ont un subjonctif non identifiable (donner [3 dɔn = don 3pl]) ; subjonctif et indicatif sont alors homophones et homographes. À l’écrit, le -e final conserve une valeur discriminante pour une poignée de verbes ((il) court vs. (il) coure [3 ≠ 3pl]), auquel cas les verbes à l’indicatif présent et au subjonctif présent sont homophones et non homographes. Pour les autres verbes [3 ≠ 3pl], la forme verbale elle-même porte l’expression du subjonctif. Dans la mesure où cette forme exprime à la fois la valeur du verbe (prendre) et la valeur du subjonctif, et que les signifiants de ces deux morphèmes sont indissociables, je postule que l’on est en présence d’un amalgame du morphème verbal et du morphème subjonctif (il faut qu’il [dɔʁm]). Le subjonctif est donc différencié de l’indicatif par :
– une forme verbale longue (subjonctif). Ex. finir : [fini] / [finis] (verbes [3 3pl/4/5]12, et une partie des verbes où [4/5 ǂ 3pl ǂ 3] (boire : [bwa] / [bwav], devoir, plaire, etc.). À l’oral et à l’écrit, une consonne [s, z, t, d, k, v, m] différencie la forme courte (indicatif) de la forme longue.
– une forme verbale longue et une modification de la voyelle interne, à l’oral :
• [4/5 ≠ 3 / 3pl] : la voyelle de l’indicatif présent à 1, 2, 3 est dénasalisée au contact d’une consonne ; la forme longue a pour finale [n] ou [ɲ] : [pʁã/ pʁɛn] (je) prends / (je) prenne ; [ʒwɛ̃/ ʒwaɲ] (je) joins / (je) joigne).
• Les verbes irréguliers présentent une alternance vocalique :
[ɛ]/ [a] : [sɛ/ saʃ] (je) sais / (je) sache ; [vɛ/ aj] (je) vais / (j’) aille.
[o]/ [a] : [fo]/ [faj] (il) faut / (il) faille ; [vo]/ [vaj] (il) vaut / (il) vaille.
[ø]/ [œ] : [vø]/ [vœj] (il) veut / (il) veuille.
Les verbes irréguliers peuvent alors avoir une forme totalement inconnue de l’indicatif (sache, veuille), ou présenter quelques radicaux que l’on retrouve dans les paradigmes de l’indicatif, notamment aux personnes 4 et 5 (voul-, ail-).
21La non-correspondance systématique du fonctionnement du verbe à l’oral et à l’écrit concerne un nombre limité de verbes (cf. tableau 3) et est restreinte aux trois personnes du singulier. En ce sens, elle ne représente pas un véritable obstacle à l’apprentissage du subjonctif, même si l’identité phonique, en effaçant les différences graphiques, ouvre la voie aux confusions et aux erreurs orthographiques. À titre d’illustration, lors d’une enquête menée auprès de 36 étudiants inscrits en L2 sciences du langage, la phrase suivante a été dictée :
(3) | Jean souhaite que Marie voie le médecin |
8,33 % des étudiants emploient voie, contre 91,67 % qui écrivent voit. Cet exemple montre que les cas de syncrétismes entre le subjonctif et l’indicatif pourraient avoir un impact sur la conscience linguistique des locuteurs qui, dans ce cas, ne reconnaîtraient pas l’emploi du subjonctif. En effet, dans les contextes où le subjonctif n’est pas formellement identifiable, comme dans (4),
(4) | Il déteste que les étudiants bavardent pendant les cours |
les locuteurs ne se posent pas la question de savoir si bavardent est un subjonctif ou un indicatif ; les enseignants signalent d’ailleurs cette identité formelle à leurs élèves. Par exemple, en Suède, en classe de FLE, Sundberg analyse le discours du formateur :
Tour 1 Enseignante : La forme courante, c’est ce qu’on appelle l’indicatif... Toutes ces formes que vous connaissez déjà, elles appartiennent au groupe de l’indicatif ;
Tour 12 Enseignante : C’est vraiment comme cela que vous connaissez le subjonctif depuis très longtemps, parce que les terminaisons sont les mêmes. (Sundberg, 2007 : 74)
22Comme dans la plupart des cas, soit le subjonctif et l’indicatif sont homophones et homographes (bavarder), soit ils ont une forme totalement distincte (finir), on peut supposer qu’il n’existe finalement pour le locuteur que deux alternatives : le subjonctif n’est pas marqué, à l’oral et à l’écrit, ou c’est le radical qui exprime le subjonctif. Pour ce dernier cas, on remarque qu’il concerne les verbes les plus employés13, à syllabe finale généralement fermée14 ([fas], [vjɛn]), ce qui confère au subjonctif une forme remarquable, une phonie [finis], [fas], [pʁɛn] particulièrement appréciée des locuteurs non francophones15. J’émets alors l’hypothèse que ces verbes engendrent, pour le locuteur, une image sonore du subjonctif. Ce mode revêt ainsi une forme « qui s’impose à la conscience des sujets parlants » (Cohen, 1961 : 15) et qui permet au locuteur d’en discerner l’emploi.
2. Typologie des verbes au subjonctif
23La mise en correspondance des formes orales et des formes écrites du morphème subjonctif permet de proposer une typologie des verbes au subjonctif. Pour l’élève, il serait ainsi intéressant de partir de son usage de la langue orale pour découvrir le système verbal sous sa forme écrite. Les verbes sont classés en trois catégories majeures et deux catégories mineures. Le tableau 3 propose des verbes répondant à chacune de ces catégories16. Ces cinq catégories devront par la suite être reliées à l’ensemble du système verbal notamment afin de minimiser le coût mémoriel lors de l’apprentissage.
24Pour tous les verbes :
Le subjonctif est formellement marqué à 4 et à 5 par [j] à l’oral, par -i à l’écrit.
Le subjonctif n’est pas marqué à 3 pl, sauf pour les verbes irréguliers.
25Les verbes en cinq catégories :
Première catégorie : à l’oral et à l’écrit, le subjonctif n’est pas marqué à 1, 2, 3 (acheter).
Deuxième catégorie : le subjonctif est marqué à l’écrit par -e à 1, 2, 3 ; il n’est pas formellement identifiable à l’oral (courir, rire).
Troisième catégorie : à l’oral et à l’écrit, le subjonctif est marqué à 1, 2, 3 par le radical long, avec consonne :
à finale consonantique à l’oral : [dɔʁnm] (dormir, battre),
avec consonne et -e final à l’écrit (je) dorme, que l’on oppose à la forme courte de l’indicatif (je) dors.
Quatrième catégorie : les verbes irréguliers ; le subjonctif est marqué à toutes les personnes sauf pour avoir à l’oral à 1 ([ɛ] (j ’) ai / (j’) aie).
Cinquième catégorie : une cinquième catégorie regrouperait les verbes dont le radical à 4 et à 5 de l’indicatif présent finit par [j] ou [ɲ]. En effet, actuellement, à l’oral le [j] du subjonctif se confond avec le [j] du radical (cf. tendance à ce que [jj] soit prononcé [j] : [vwaj-j-ɔ̃] > [vwajɔ̃] (nous) voyions). Subjonctif et indicatif ne sont donc plus différenciés à 4 et à 5. Le subjonctif n’est jamais marqué à l’oral (appuyer, baigner, employer, envoyer, nettoyer, payer, etc.)– Il est marqué à l’écrit à 4 et à 5 par -i, et éventuellement par -e à 1,2,3 (croire, extraire, pourvoir, prévoir, etc.) :
26Cette catégorisation se voulant être une typologie générale des verbes, la quatrième catégorie et la cinquième tenant compte des usages, ne figurent pas dans le tableau 3.
3. Règles de construction du verbe au subjonctif
27La description du système verbal français dans son entier a pu être pensée à partir de quatre temps fondamentaux. Ainsi, par exemple pour Gougenheim (1938), l’indicatif présent est l’un de ces paradigmes à partir duquel d’autres paradigmes sont construits, notamment celui du subjonctif présent. Comme l’ont également souligné Le Goffic (1997) ou Soutet (2000), la forme du verbe au subjonctif est prédictible et entièrement déductible de l’indicatif présent (sauf pour les verbes irréguliers). La schématisation que je propose ci-dessous montre bien que :
Le radical de 1,2, 3, 3pl du verbe au subjonctif est dérivable à partir du radical de 3pl de l’indicatif présent.
Le radical de 4, 5 du verbe au subjonctif17 est dérivable à partir du radical de 4 ou 5 de l’indicatif présent, ce qui équivaut à dire que la forme du verbe au subjonctif à 4 et à 5 est identique à celle de l’imparfait de l’indicatif à 4 et à 5.
28Ainsi, pour établir les règles de construction du verbe au subjonctif, il importe de tenir compte de la forme du verbe à l’indicatif, et plus particulièrement de celle à 3pl et à 4/5, pouvant ou non différer, ce qui a une répercussion sur le nombre de radicaux du paradigme du subjonctif présent. Soit à l’oral :
29Cette règle est illustrée, par exemple pour les verbes rendre (2 radicaux à l’indicatif) et boire (3 radicaux à l’indicatif) avec l’ajout des morphèmes de personne :
Radical à forme variable (3 / 3pl/4/5) : [ʁãdʁ| « rendre »
Radical à forme variable (4/5 ǂ 3pl18) : [bwa,] « boire »
30À l’écrit, le radical du verbe au subjonctif est également déductible du paradigme de l’indicatif présent, selon les règles présentées, le -e final restant attaché au radical19 ; et ce, même si par des comparaisons successives, l’élève observera que le -e apparaît essentiellement à l’indicatif présent pour les verbes en -er : (il) march-e, (il) march-ait, (il) march-a. Il remarquera également la récurrence des graphèmes -ent à 3pl : (ils) march-ent, ils march-aient, ils marchèrent. Le -e pourrait alors être dissocié du radical et analysé comme une marque de personne à l’indicatif (pour les verbes en -er)20, mais aussi du subjonctif21. C’est cette dernière solution qu’adopte Vargas (1999 : 29). Cependant, considérer le -e comme la voyelle finale du radical verbal semble être une hypothèse de portée plus générale, dans la mesure où elle reflète le fonctionnement du système orthographique, à savoir que cette voyelle permet la prononciation de la consonne précédente (chant vs. chante) et qu’elle chute quand s’adjoignent d’autres morphèmes, autant pour la conjugaison des verbes (chantons, *chanteons) que par exemple dans le procédé de dérivation (personne → personnifier).
31Soient les schématisations suivantes de la règle de formation du verbe à l’écrit :
32Finalement, en ce qui concerne la formation du verbe au subjonctif, que ce soit à l’oral ou à l’écrit, des règles stables et régulières sont établies. Ces règles s’appliquent à tous les verbes. Dès lors, le paradigme du subjonctif peut être qualifié de régulier. Même le fonctionnement des verbes irréguliers ne s’écarte pas de cette ligne directrice : ils présentent soit une forme unique au subjonctif (pouvoir : puisse), soit deux radicaux (aller : aille, ail-). Les verbes irréguliers, très fréquents en français, pourraient donc ne pas poser de difficulté particulière pour l’apprentissage.
4. Verbe au subjonctif et manuels scolaires
33Selon les Instructions Officielles de 2008, pour le français langue maternelle, l’enseignement de la conjugaison du subjonctif fait partie du programme de 5e au collège. J’ai donc observé les leçons qui y sont consacrées dans les manuels uniques de français les plus récents (2010), édités par Hachette, Fleurs d’encre et Les couleurs du français, par Belin L’Œil et la plume, et par Hatier Rives bleues.
4.1. Forme du subjonctif
34Déjà en 1977, Combettes et ses collaborateurs (1977 : 122), dans leur manuel Bâtir une grammaire 6e, proposent une séquence qu’ils nomment « Le groupe verbal : les formes du verbe » au sein de laquelle ils font découvrir aux élèves les notions de base et de désinence et ce, en partant de la forme orale de la base, et en comparant systématiquement oral et écrit. Les verbes ne sont alors pas classés selon leur infinitif dans la tripartition, 1er, 2e et 3e groupe. Les auteurs des manuels du corpus ici étudié (Belin, Hachette, Hatier) familiarisent également les élèves avec cette notion de radical, auquel s’ajoutent, pour tous les verbes au subjonctif, – e, -es, -e, -ions, -iez, -ent. Les marques de personne -ons, -ez ne sont ainsi pas dissociées de celle du mode -i-. Cette présentation contraint à proposer une analyse purement graphique, centrée sur l’écrit et déliée du sens, en termes de terminaisons et non plus de flexions, qui elles, renvoient à une segmentation du mot en morphèmes (cf. partie 1 de l’article). Par ailleurs, même si elle intervient dans l’établissement des règles de construction du verbe, la forme du radical verbal n’est pas posée explicitement comme une marque de subjonctif ((il) vienne), alors qu’elle constitue la première trace perceptible de la présence du subjonctif à l’oral. Par conséquent, pour Hachette (Fleurs..., Les couleurs...), dans le cadre des exercices de repérage de formes verbales décontextualisées, les terminaisons constituent le premier critère d’identification du subjonctif :
Ex. 3. Dans chaque groupe de trois formes verbales, identifiez celle(s) qui est (sont) conjuguée(s) au subjonctif présent.
1. chantions / chantons / chanterons. 2. fais / fasses / fait. 3. sachons / savons / sachions. 4. rit /rie / ris. 5. vouliez / veuillez / voulez. 6. ai / aie / ait. (Hachette, Les couleurs... 2010 : 313)
35À aucun moment, ni dans la leçon, ni dans les exercices, les auteurs du manuel Les couleurs du français ne font référence à l’ambivalence des formes verbales en -e, pouvant autant apparaître dans le paradigme du subjonctif (danse, coure, fasse) que dans celui de l’indicatif (danse). À l’inverse, Fleurs d’encre attire tout d’abord l’attention des élèves sur le rôle du -e, qui est considéré comme discriminant pour tous les verbes de la catégorie [3 ≠ 3pl], c’est-à-dire aussi bien lorsqu’il est la seule marque du subjonctif (ri / ris), que lorsque c’est le radical qui l’exprime (fais /fasses). Les risques de confusion des terminaisons sont d’ailleurs signalés dans les encarts réservés à la leçon :
Attention ! Ne pas confondre la terminaison du présent de l’indicatif et celle du présent du subjonctif lorsque la prononciation est identique.
Il court | qu’il coure, il croit qu’il croie, il fuit | qu’il fuie, il meurt | qu’il meure. (Hachette, Fleurs... 2010 : 308)
36En prenant ainsi en compte l’oral, Hachette – seul manuel à l’introduire – soulève les difficultés orthographiques qui peuvent être engendrées lors du passage du code écrit au code oral. Enfin, Hachette (Fleurs...) fait remarquer aux élèves que les verbes au subjonctif et à l’indicatif peuvent être homophones et homographes et qu’alors, le -e ne joue plus de rôle pertinent pour la reconnaissance des formes verbales :
Ex. 9. Parmi ces formes verbales, quelles sont celles qui sont seulement des formes de subjonctif ?
nous fassions. ils mettent. tu veuilles. je tende. je demande. il rie. vous puissiez. nous prenions. (Hachette, Fleurs... 2010 : 309)
37Finalement, considérer que les terminaisons peuvent être un critère d’identification du mode implique de pouvoir répondre aux deux questions suivantes : pour quels types de verbes le -e est-il ou non discriminant, en d’autres termes dans quels cas le -e est-il une marque de subjonctif ? Comment différencier le subjonctif et l’indicatif lorsque les verbes présentent des formes identiques ? Or, les extraits observés ne proposent ni repères, ni outils permettant de répondre à ces questions, ce qui remet en question la démarche proposée par les deux ouvrages édités par Hachette. On remarquera par ailleurs que pour déterminer le mode employé, seul Belin propose un test de substitution : remplacement de la forme non marquée par une forme marquée : « Il faut que je chante. (... que je prenne → subjonctif présent) » (2010 : 314).
38Lorsqu’il s’agit de reconnaître les formes verbales, pour Belin et Hatier, le critère morphologique est secondaire. Cela s’expliquerait à la fois par la diversité des formes au subjonctif, et par le fait que pour beaucoup de verbes, ces formes soient communes au subjonctif et à l’indicatif. La morphologie serait donc, sinon sentie comme un obstacle pour l’enseignant, au moins considérée comme ne pouvant être un critère de repérage de ce mode. Les critères d’identification sont alors d’ordre contextuel. Effectivement, sans le poser explicitement, le subjonctif est reconnu par la présence de que et par le sens des éléments qui l’imposent, lorsque le subjonctif ne peut s’opposer à l’indicatif. En ce qui concerne le subordonnant que, on le retrouve dans les tableaux de conjugaison, dans les exemples (cf. infra : Hatier nous aidons ➔ que j’aide), ainsi que dans les exercices :
Ex. 2. Regroupez les formes d’un même verbe et classez-les en quatre colonnes : indicatif présent, indicatif passé composé, subjonctif présent, subjonctif passé.
1. Je viens. 2. Que je vienne. 3. Qu’il finisse. 4. Je sais. 5. Nous mangeons. 6. Il finit. 7. Que nous soyons venus. 8. Elle est venue. 9. Que nous mangions. [...] (Belin, 2010 : 315)
Ex. 4. Indiquez le mode, le temps et la personne des verbes en rose. a. Il faut que nous courions plus vite. b. L’autre jour, nous courions plus vite qu’aujourd’hui. c. Partez tout de suite. d. Il faut que vous partiez tout de suite. e. Je pense qu’il te croit. f. Je souhaite qu’il te croie. [...] (Hatier, 2010 : 311)
39Pour tous les manuels étudiés, le subjonctif se voit systématiquement associé à que. Or ce mode peut ne pas apparaître dans sa dépendance – certes dans des structures figées telles que Fasse le ciel que Marie aille mieux ! –, et l’indicatif peut tout autant être employé dans des structures subordonnées, donc avec que (Il croit que Marie viendra). Par conséquent, même si le subjonctif apparaît essentiellement avec que, la présence de ce subordonnant n’est pas un critère pertinent. L’analyse rejoint ainsi l’observation de Vargas, pour qui « « que » ne fait pas partie du subjonctif, mais de son contexte d’apparition » (1995 : 44). Le subjonctif est également très régulièrement lié à certains éléments recteurs22, qui régissent le mode dans la proposition subordonnée et expriment la nécessité, la volonté, la possibilité (il faut (que), il veut (que), il se peut (que), etc.), ou employé dans une proposition indépendante exprimant le souhait, l’injonction (qu’il vienne !). Cela revient tout d’abord à associer subjonctif et fait non réalisé alors que de nombreux emplois invalident cette définition ; par exemple dans Il regrette que Marie soit partie, le subjonctif est d’usage alors que Marie est effectivement partie. Cela conduit aussi à employer le subjonctif essentiellement dans des propositions complétives (Il doute que Paul vienne) et des circonstancielles (Il partira avant que Paul ne soit arrivé). Dans ces contextes, les modes ne s’opposent que rarement, à l’inverse des propositions relatives, peu, voire pas représentées dans les ouvrages analysés (Il cherche un livre que son frère connaît/ connaisse). Les auteurs des manuels présentent donc le subjonctif, non pas comme une unité significative – un morphème qui peut s’opposer à l’indicatif et faire l’objet d’un choix par exemple dans les relatives, et, du fait de son sens, subir certaines restrictions de coexistence23 dans d’autres contextes –, mais quasi-exclusivement comme une sorte de concordance modale, comparable au phénomène de l’accord.
4.2. Règles de formation du verbe au subjonctif
40Comme il a été montré, il est possible de systématiser, par le biais de règles simples, la formation des verbes au subjonctif, en en déduisant la forme du radical à partir du présent de l’indicatif. Cette notion de règles est bel et bien retrouvée dans les manuels24 – exception faite de Belin qui n’en fait pas mention et limite sa présentation aux terminaisons – mais son usage, régulièrement rattaché aux trois groupes de verbes (1er, 2e et 3e groupes), est soit lacunaire, soit de portée limitée. Dans le premier cas, Hachette (Les couleurs...) propose une formalisation incomplète, basée sur un unique radical, celui de 3pl :
– Pour obtenir le radical du subjonctif présent de la plupart des verbes, on part de la 3e personne du pluriel du présent de l’indicatif
Ex : Venir → ils → viennent que je vienne (Hachette, Les couleurs... 2010 : 312).
41Cette règle est édictée pour produire « la plupart des verbes » ; on est alors en droit de se demander ce que recouvre cette dénomination évasive : s’agit-il des verbes les plus nombreux, ou des verbes les plus fréquents, ce qui ne renvoie pas aux mêmes unités. Cette règle ne peut rendre compte de toutes les formes au subjonctif, elle peut donc prendre en charge, soit une grande partie des verbes du 1er groupe en -er (sans prévoir les alternances des radicaux des verbes en -eler et -eter, (il) achèt-, (nous) achet-), soit s’appliquer à tous les verbes, mais laisser dans l’ombre les personnes 4 et 5. Cette dernière lecture semblerait s’imposer puisque le verbe servant d’illustration est venir, (je) vienne. Cette simplification est d’ailleurs susceptible d’engendrer des erreurs : l’application de la règle crée les formes * (nous) viennions au subjonctif.
42Dans le second cas, les règles proposées n’ont pas de portée généralisante, et ne s’appliquent, par exemple pour Hatier, qu’aux verbes des deux premiers groupes (qui ne sont pas les plus fréquents) :
Le subjonctif présent des verbes des 1er et 2e groupes se forme à partir de la 1re personne du pluriel de l’indicatif présent.
Ex. nous aidons / que j’aide / nous finissons / que tu finisses. (Hatier, 2010 : 310)
43L’élève peut à nouveau être amené à commettre des erreurs puisqu’à partir de la personne 4, on peut créer au subjonctif * (il) appelé, * (il) jete sur la base de l’indicatif présent (nous) appelons, (nous) jetons. Quant au manuel Fleurs d’encre d’Hachette, aucune systématicité n’y est dégagée. On assiste à un éclatement et à une multiplication des règles, accompagnées d’exceptions (notamment les verbes en -eler et -eter), et où le radical de référence est soit l’indicatif présent, soit l’infinitif. À chaque groupe de verbes correspond une règle particulière :
• La base verbale des verbes du 1er groupe est constituée en général du radical de l’infinitif.
Porter qu’il porte.
Font exception les verbes :
– en -eler et -eter : que j’appelle, que tu jettes ;
– en -yer : que j’essuie, que tu déploies
• La base verbale des verbes du 2e groupe est la même que celle du présent de l’indicatif à la 1ère personne du pluriel.
Nous finissions qu’il finisse
• La base verbale des verbes du 3e groupe est souvent différente du radical de l’infinitif.
Faire | qu’il fasse ; pouvoir | qu’ilpuisse ; savoir | qu’il sache
Certains verbes peuvent avoir plusieurs bases verbales au présent du subjonctif.
Vouloir | qu’il veuille, que nous voulions ; boire | que je boive, que nous buvions (Hachette, Fleurs... 2010 : 308)
44La simplification des différentes règles observées pourrait répondre à un choix des auteurs qui adaptent le point grammatical étudié au niveau des apprenants. Néanmoins, chez Hachette (Les Couleurs..., 2011 : 330) et Hatier (Rives Bleues, 2011 : 324), on remarque que cette leçon sur la morphologie verbale n’est pas davantage élaborée au niveau de la 4e. Face aux lacunes et aux erreurs repérées, il serait alors intéressant d’appliquer la règle qui a été formalisée dans la troisième partie de cet article.
4.3. Pistes didactiques
45D’un point de vue général, une leçon de grammaire ou de conjugaison pourrait être bâtie autour de quelques principes fondamentaux, qui tiennent compte des compétences et des acquis de l’élève, mais aussi de ceux à acquérir :
Adopter une démarche réflexive afin de faire découvrir aux apprenants, par des manipulations, le fonctionnement linguistique et les règles associées. Et ainsi,
partir des usages des élèves, c’est-à-dire le versant oral de la langue, pour s’orienter vers le code écrit. Ces deux codes ne se superposant pas nécessairement (par ex. le pluriel a plus de marques à l’écrit qu’à l’oral dans les chats courent après la souris), maîtriser l’écrit implique que les faits non déductibles de l’oral constituent des connaissances à apprendre. Aborder l’écrit à partir de l’oral soulève nécessairement la question des normes, norme standard académique et norme d’usage25 ; pour le subjonctif, l’enseignant sera confronté au non standard, autant pour les erreurs de forme, [vwaj] Faut qu(e) j(e) [vwaj] ma copine, que pour les erreurs d’unités, le locuteur recourant à l’indicatif à la place du subjonctif attendu dans Faut qu(e) j(e) pars tout à l’heure ou Dommage que t’es pas v(e) nu. Le subjonctif est effectivement une unité qui n’est pas encore bien fixée dans le système linguistique des élèves et dont les usages sont très fluctuants à l’oral (Lachet, 2009).
Distinguer les niveaux d’analyse, à savoir ce qui relève par exemple de la phonétique, de la morphologie, de la syntaxe, de la sémantique ou de la linguistique textuelle. Il est également important de dissocier l’unité linguistique (morphème) et son contexte d’emploi. Ainsi, le que pouvant introduire le subjonctif ne sera pas assimilé au subjonctif.
Sans aller vers une grammaire utilitaire, on pourra expliquer l’enjeu de certains apports théoriques qui entrent dans la constitution d’une leçon. Il s’agit de préciser si les points abordés guident l’élève dans le processus d’apprentissage de l’orthographe ou dans d’autres types de tâches, comme celles de la reconnaissance et de l’identification des unités linguistiques (temps, mode, classes grammaticales) ou des fonctions syntaxiques.
46D’un point de vue plus particulier, il est possible de proposer quelques pistes pour mener une séquence sur la morphologie du subjonctif :
Progression de l’apprentissage : à partir de l’oral, débuter l’étude par les verbes ayant un subjonctif marqué [3 ≠ 3pl] qui ont l’avantage d’être formellement reconnaissables, d’être les plus fréquents, donc d’être plus familiers aux élèves, et de présenter un paradigme régulier au subjonctif ; conclure par les verbes au subjonctif non marqué. Genouvrier et Gruwez (1987 : 476-486) présentent le même type de progression.
Introduire les notions de radical, de désinence et montrer qu’une forme verbale peut être constituée de plusieurs unités :
47Pour d’autres verbes [3 ǂ 3pl], aux trois personnes du singulier, on ne peut pas dissocier la forme du verbe et celle du mode, elles sont amalgamées ((il) vienne) ; l’idée étant alors de montrer que, contrairement à ce que donnent à penser les manuels, le radical n’est pas une forme fixe, et que les terminaisons ne sont pas les seules à varier. Les règles de formation du radical du verbe au subjonctif pourront ensuite être présentées, en regroupant sur la base d’un fonctionnement identique, d’un côté, les personnes 1, 2, 3, 3pl, d’un autre les personnes 4 et 5. En outre, on observera que cette formalisation rend compte des phénomènes contextuels (double lettres, cédille, etc.) ; les verbes en -eler et -eter ne constituant plus des exceptions.
5. Conclusion
48Face à un objet d’étude apparemment hétéroclite, les auteurs de manuels scolaires, soit simplifient les règles de construction du verbe, ce qui est susceptible d’engendrer des erreurs, soit au contraire les multiplient, ce qui empêche toute systématisation. Cette difficulté semble liée au poids de la tradition grammaticale qui conserve la répartition des verbes en trois groupes. Cette contrainte masque à la fois les ressemblances entre les verbes appartenant à des groupes distincts et les divergences entre les verbes classés au sein d’un même ensemble (retrouvées sous la forme d’exceptions). Pourtant, les recherches en linguistique montrent bien qu’en travaillant à partir des variantes du radical verbal, on peut dégager des régularités de fonctionnement. Ces régularités, amenant à l’établissement de règles, ont toute leur place dans l’enseignement puisqu’elles favorisent à la fois la compréhension desdits phénomènes mais aussi leur apprentissage. Les études linguistiques soulignent également qu’il est possible d’étudier conjointement la forme orale et la forme écrite d’une unité et ainsi d’établir des passerelles entre les usages des élèves et les savoirs à acquérir. Néanmoins, ces travaux aboutissent à des descriptions assez, voire très éloignées des habitudes de la grammaire traditionnelle que l’école a toujours transmises. Se pose donc la question de l’applicabilité des descriptions linguistiques et de leur adéquation au niveau cognitif des apprenants, les propositions devront alors être testées en situation réelle ; mais se pose aussi la question de la sensibilisation des enseignants à d’autres pratiques.
Bibliographie
Références bibliographiques
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Notes de bas de page
1 Les personnes sont ainsi identifiées : 1 : première personne du singulier ; 2 : deuxième personne du singulier ; 3 : troisième personne du singulier ; 4 : première personne du pluriel ; 5 : deuxième personne du pluriel ; 3pl : troisième personne du pluriel.
2 Les variantes d’un morphème sont les différentes formes qu’il peut prendre, ces formes étant imposées par le contexte (variantes contextuelles ou allomorphes), c’est-à-dire par la présence de morphèmes de temps, mode, aspect ou personne.
3 Le subjonctif est dit marqué lorsqu’il est possible de différencier formellement un verbe au subjonctif et un verbe à l’indicatif ; dans le cas contraire, le subjonctif est non marqué.
4 Selon Le Goffic (1997), il existe plusieurs milliers de verbes construits à partir d’un radical unique.
5 Dans leur enquête sur la conjugaison des verbes à l’oral, Blanche-Benvensite et Adam répertorient les verbes les plus fréquents : avoir, être, aller, faire, pouvoir, voir, devoir, dire, venir, parler (1999 : 100). Choi-Jonin et Delhay (1998 : 139) ajoutent vouloir, prendre, savoir à partir de la liste du Français Fondamental.
6 La forme du verbe au subjonctif avec dire ([diz]) est connue à l’indicatif présent (sauf à 5 [dit] dites) et est prédictible. Ce verbe n’a donc pas été classé parmi les irréguliers.
7 Ce classement recoupe celui établi par Marty (1971).
8 Falloir est un verbe impersonnel. Il n’existe donc qu’à 3. Les catégories 1, 2, 3 pl, 4 et 5 ne sont pas pertinentes pour ce verbe.
9 À l’exception de avoir, à 1, où le subjonctif est non marqué [ɛ] (j’) ai / (j’) aie.
10 Il n’est pas tenu compte dans ce tableau des cas de syncrétisme entre le verbe à l’imparfait de l’indicatif et le verbe au subjonctif. En effet, en contexte, les risques de confusion, s’ils existent bien (Il cherche un air que nous aimions tous les deux – subjonctif ou indicatif ?), sont plus limités que ceux du subjonctif et de l’indicatif présent dans la mesure où le subjonctif et l’imparfait confèrent à l’énoncé des orientations temporelles à contre-pied l’une de l’autre : le subjonctif présent situe le procès dans le non-arrivé, l’imparfait le situe dans la rétrospective. En ce sens, pour exprimer l’opposition entre le subjonctif et l’indicatif dans le champ de la rétrospective, l’imparfait, le passé composé ou le plus-que-parfait de l’indicatif ne seront pas mis en regard avec le subjonctif présent, mais avec le subjonctif passé (Il croit que vous aimiez / avez aimé cet homme vs. Il doute que vous ayez aimé cet homme). Ce faisant, subjonctif et indicatif sont formellement distincts.
11 Du point de vue diachronique, les désinences latines des verbes en -are au subjonctif présent sont -e(m), -es, -et à 1, 2, 3. D’après Fouché (1931 : 199-208), avec l’évolution phonétique, la voyelle finale -e a chuté (amem > aim, âmes > ainz, amet > aint). Le – e s’est maintenu notamment après les groupes consonne + liquide ou palatale, jouant le rôle de « voyelle d’appui » (intrem > entre, intres > entres, intret > entre (t)). Le système de l’indicatif présent (les voyelles finales -o ou -a sont également amuïes) et celui du subjonctif présent sont alors les suivants : Indicatif : chant ; chantes ; chante (t)/ Subjonctif : chant ; chanz ; chant. Puis, au subjonctif, le radical de 2, menacé (ts réduit à 5), un -e a été joint à chanz qui est devenu chantes (sur le modèle de dormes). Le -e, qui permet de protéger les radicaux, s’est ensuite étendu aux autres personnes du singulier. Ainsi les formes du subjonctif sont-elles devenues : chant > chante, chanz > chantes ; soit le système : Indicatif : chante ; chantes ; chante/ Subjonctif : chante ; chantes ; chante. Le latin amo (indicatif présent 1) a donc donné aime en français, et le latin amem (subjonctif présent 1) a donné aime : « au subjonctif, cette extension [du -e au subjonctif présent des verbes en -er/-ier] [...] fait se confondre les indicatif et subjonctif présents de ces verbes à P. 1, 2, 3, éliminant, de ce fait, la fonction différentielle de -e- » (Andrieux et Baumgartner, 1983 : 108-109).
En parallèle, pour les verbes latins des groupes II et III, le subjonctif à 1, 2, 3 est marqué par -a (videam, videās, videat ; indicatif présent : video, vides, videt). Le -a latin s’est transformé en -e : vendam > vende. Puis, à 3, ce -e s’amuït lorsqu’il est en contact avec un radical verbal à finale s, r, y, n : voist (aller) par rapport à voise à 1 au subjonctif. Ainsi l’entourage phonique du -e à 3 conduit-il à son effacement progressif, ce qui n’est pas le cas à 1. Or, « sous l’action analogique des 1re et 2e pers. sing., l’e final a pu être conservé ou réintroduit à la 3e pers ». (Fouché, 1931 : 202). Finalement, Andrieux et Baumgartner soulignent qu’en ancien français, -e joue le rôle de « démarcateur de tiroir verbal » et de « démarcateur de classe de verbes » (Andrieux et Baumgartner, 1983 : 90) ; il marque en effet l’indicatif pour les verbes en -er/ -ier, et le subjonctif pour les autres verbes (Marchello-Nizia, 1999 : 100-101). D’après les exemples d’Andrieux et Baumgartner (1983 : 87), en ancien français, le système verbal est ainsi configuré :
En français contemporain, le -e de chante et le -e de voie du subjonctif s’interprètent donc différemment. Le recours à la diachronie justifie l’hypothèse formulée qui aboutit à deux analyses différentes, selon le type de verbe ; au subjonctif :
– le -e de chante fait partie du radical verbal, et est une voyelle d’appui empêchant la disparition progressive du radical.
– le -e de voie est la marque formelle du subjonctif, l’ancien -a du subjonctif transformé en -e.
En synchronie, la présence de cette voyelle, au subjonctif et à l’indicatif, peut être liée à un problème de prononciation et de graphie, les formes *je travaill, *je dorm, ou à 3pl *ils dormnt, paraissant difficilement prononçables. Le -e impose notamment la prononciation de la consonne précédente : (le) chant [ʃã], (il) chante [ʃãt], ou modifie la prononciation, par exemple [ɛ] dans (ils) chantaient et [̃Ɛ̃] sans le -e * (ils) chantaint. Huot, quant à elle, analyse le -e de l’indicatif (tu) chantes comme une voyelle thématique, et celui du subjonctif (tu) chantes comme une marque de mode (2001 : 127). Ainsi, pour la segmentation du verbe en morphèmes, il serait possible d’émettre une autre hypothèse, à savoir détacher le -e de la base et en faire un morphème de subjonctif pour tous les verbes. Or, si l’on pourrait accepter cette hypothèse pour les verbes en -er, se profile une difficulté pour les autres verbes, comme dormir, où l’on ne peut proposer l’analyse : (il) dorm- « dormir »– e « subjonctif », dans la mesure où c’est le radical lui-même qui porte l’expression du subjonctif.
12 Pour les verbes appartenant à cette catégorie (opposition d’un radical court et d’un radical long), et qui sont du deuxième groupe, Le Goffic (1997) recense quelque trois cents verbes (du type finir).
13 II s’agit des verbes irréguliers et des verbes appartenant à la catégorie [3 # 3pl].
14 On notera que les verbes se terminant par une voyelle, tels qu’avoir [ɛ] ou voir [vwa], ont souvent une forme non standard en [j] à l’oral [εj], [vwaj].
15 Un blog pour francophiles (http://francophiles.superforum.fr/la-langue-fl) propose de répondre à la question Quelle structure de grammaire aimez-vous le plus ? Voici quelques réponses d’internautes (les réponses sont reproduites telles qu’elles ont été publiées) : « Moi, j’aime à la folie le subjonctif !!! Hihi – quelle joie de pouvoir former des phrases, comme celle-là : Il faut que l’on passe maintenant au sujet de la francophonie pour que l’on puisse en savoir quelque chose de plus » ; « Le subjonctif aussi. Je me repose pour que vous puissiez travailler ». De même sur le site facebook : « Pour être honnête, je m’en fiche du tout soit le subjonctif est normal soit non, le subjonctif fait la langue poétique et intéressante [...] » ; « Bonjour ! Moi et ma copine, Kim, adorons le subjonctif. Notre copine Meg dit que nous sommes bizarre, bien que nous sachions qu’elle l’adore aussi... » ; « Bon, il faut que je m’en aille... (j’aime le subjonctif moi aussi !) ». Pour d’autres, le subjonctif est un sujet bien difficile : « Moi, au lycée, j’avais du mal a comprendre le subjonctif » ; « Dans notre cours de français, on deteste le subjonctif ! ».
16 Les listes suggérées ne sont pas exhaustives.
17 Les veroes dont le raaicai se termine par -i doivent le renouoier au suojonctit : (nous) copiions.
18 Dans ce groupe, 3 peut ou bien différer de 3pl ([3 bwa ǂ bwav 3pl], [3 vjɛ̃ ǂ vjɛn 3pl]) ou bien être identique ([3 vwa = vwa 3pl], [3 sɛm = sɛm 3pl]). Ce qui importe dans le cadre de l’étude de la prédictibilité de la forme du verbe au subjonctif eu égard au paradigme de l’indicatif présent est que 4 et 5 soient différents de 3p1.
19 Dans une perspective didactique, il semble peu pertinent de proposer deux analyses différentes du -e, à savoir, comme proposé (cf. partie 1), le rattacher ou non au radical selon le type de verbe. Par conséquent, pour tous les verbes, on l’associera au radical, même pour voir. Dès lors, le -e du subjonctif ((il) voie) sera considéré comme en faisant partie. On atteint ici une des limites de l’hypothèse.
20 À l’indicatif, Touratier considère -es comme la personne 2 dans tu chantes (1996 : 16).
21 Par exemple pour Ajiboye (1988).
22 L’élément recteur (verbe, nom, adjectif, subordonnant) impose le mode dans la proposition subordonnée (Il est heureux que Marie vienne). Notons que l’apparition du subjonctif n’est pas nécessairement corrélée au contexte : dans Il cherche une maison qui soit au bord de la mer, il s’oppose à l’indicatif Il cherche une maison qui est au bord de la mer.
23 Par exemple, dans Elle aimerait que Paul soit présent, la valeur de souhait d’aimerait implique celle du subjonctif soit, qui marque la non-assertion (Lachet, 2009). Il y a restriction de coexistence entre aimerait et l’indicatif. Inversement, il y a restriction de coexistence entre savoir et le subjonctif dans Elle sait que Paul est là. Le subjonctif est ici incompatible avec savoir dont la valeur de certitude implique une assertion (indicatif).
24 Dans les manuels étudiés, les verbes irréguliers aller, dire, faire, savoir, pouvoir, vouloir, valoir, présentant des radicaux spécifiques, sont traités à part.
25 La norme standard académique recouvre l’ensemble des prescriptions imposées officiellement et qui définissent ce que l’on considère comme le « bon usage ». Par exemple, avec probable (que), la norme standard n’est plus respectée dans les usages puisque l’on rencontre très souvent le subjonctif (norme d’usage : Il est probable que Marie vienne) à la place de l’indicatif qui devrait s’imposer.
Auteur
Université d’Artois, Grammatica, EA4521.
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L’enseignement-apprentissage des langues étrangères à l’heure du CECRL
Enjeux, motivation, implication
Denis Vigneron, Déborah Vandewoude et Carmen Pineira-Tresmontant (dir.)
2015
Le Verbe
Perspectives linguistiques et didactiques
Cécile Avezard-Roger et Belinda Lavieu-Gwozdz (dir.)
2013
Temps, aspect et classes de mots
Études théoriques et didactiques
Eugénia Arjoca-Ieremia, Cécile Avezard-Roger, Jan Goes et al. (dir.)
2011
Le Français sur objectif universitaire
Entre apports théoriques et pratiques de terrain
Widiane Bordo, Jan Goes et Jean-Marc Mangiante (dir.)
2016
Le langage manipulateur
Pourquoi et comment argumenter ?
Jan Goes, Jean-Marc Mangiante, Françoise Olmo et al. (dir.)
2014
L’Intraduisible : les méandres de la traduction
Sabrina Baldo de Brébisson et Stéphanie Genty (dir.)
2019
La phrase : carrefour linguistique et didactique
Cécile Avezard-Roger, Céline Corteel, Jan Goes et al. (dir.)
2019