L’aspect à l’école élémentaire, une notion éclairante pour comprendre les temps composés ?
p. 77-98
Texte intégral
Introduction
1Avec les récentes modifications des programmes scolaires pour l’école primaire (2002, 2007 et 2008), l’enseignement de la maîtrise de la langue (vocabulaire, conjugaison, grammaire et orthographe) a évolué. Ainsi, dans le domaine de la conjugaison, la liste des temps que les élèves sont censés maîtriser s’est allongée. Les programmes de 2007 mentionnaient que le présent, le passé composé, l’imparfait, le passé simple, le futur simple de l’indicatif, ainsi que l’infinitif présent et l’impératif présent devaient être maîtrisés à la fin du cycle 3. Depuis 2008, cette liste comporte, en plus de ces temps, le conditionnel présent, les participes présent et passé, le plus-que-parfait et le futur antérieur1.
2Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons particulièrement à trois temps composés que les élèves doivent être capables de repérer et d’utiliser à bon escient à la fin du cycle 3 : passé composé, plus-que-parfait et futur antérieur2. Or, cette notion de temps composé particulièrement complexe pose problème aux élèves, qui, en plus de la connaissance de la (des) valeur(s) de ces temps, doivent en connaître les règles de formation pour pouvoir les utiliser dans la conjugaison.
3Dans un premier temps, en partant de l’observation de manuels scolaires, nous verrons comment la question des temps composés est abordée à l’école au cycle 3 : quelles sont les valeurs respectives pour chacun de ces temps mises en avant par les différents manuels et comment les « règles de formation » sont-elles présentées ? Nous ferons ensuite un point théorique sur la notion d’aspect et sur son traitement dans différents travaux de linguistes et de grammairiens. Ainsi, nous verrons comment elle pourrait être mise au service de l’enseignement pour éclairer le fonctionnement du système verbal et donner aux élèves des outils leur permettant de mieux appréhender les « temps composés ».
1. Les temps composés dans les manuels scolaires
4Dans cette partie, nous proposons un état des lieux du traitement des temps composés dans quelques manuels de CM1 et CM2 récents et choisis pour leur conformité affichée aux Programmes 2008. Il s’agit ici de faire le point sur les propositions faites par ces manuels, tant en ce qui concerne les valeurs de ces temps qu’en ce qui concerne leurs règles de construction.
1.1. Les valeurs des temps composés
5Si l’on synthétise les observations faites dans les manuels consultés3, plusieurs remarques peuvent être formulées concernant la présentation des valeurs des temps composés.
6Quelques manuels, avant même de présenter chacun des temps composés, proposent en préambule une leçon générale visant à distinguer temps simples et temps composés4. Lorsqu’une telle entrée existe, elle peut constituer une première occasion de présenter des repères concernant les valeurs des temps composés, même si ce chapitre se limite parfois à une comparaison essentiellement formelle sans que soit envisagée la question de la valeur de ces temps.
7Dans la plupart des cas, la valeur relevée est celle de l’antériorité par rapport aux temps simples. L’élève est invité à situer les actions sur l’axe du temps pour repérer que les temps composés expriment un procès antérieur à celui présenté à un temps simple. C’est l’idée de la chronologie des actions qui est ici développée (1re action-2e action). On peut ainsi lire dans le manuel Grammaire française CM :
Temps simples et temps composés se situent sur la ligne du temps. [...] Un temps composé exprime généralement une action qui se déroule avant celle décrite par le temps simple : Quand il a fini son travail (première action), il joue (deuxième action). (Grammaire française CM, 2008 : 170-171)
8Pourtant, certains manuels évoquent l’idée d’une action achevée, à propos des verbes conjugués à un temps composé : « Les temps composés expriment une action achevée. Ils témoignent de l’aspect accompli de l’action ou de l’état, par opposition aux temps simples qui leur correspondent » (Grammaire française CM Livre du maître, 2008 : 164). De tels manuels restent relativement rares ; dans le cas du manuel Grammaire française (2008), la valeur d’accompli des temps composés n’est mentionnée que dans le livre du maître et n’apparaît pas dans le manuel destiné aux élèves.
9Une autre remarque peut être faite concernant la présentation des différents temps composés. Un certain nombre de manuels traite de façon isolée les temps composés à l’étude5 : on aura donc selon le niveau de classe concerné (CM1 ou CM2), une leçon sur le passé composé, une sur le plus-que-parfait, une sur le futur antérieur6. Les autres font le choix en revanche de mettre en relation deux temps différents (dont l’un est un temps composé) afin de faire apparaître, par comparaison, les spécificités de chacun d’entre eux, notamment en termes d’emplois et de valeurs. Le cas échéant, les choix d’association sont différents selon les manuels consultés. Alors que quelques manuels associent deux temps du passé (par exemple passé simple et passé composé ou imparfait et passé composé), d’autres présentent conjointement les temps composés et les temps simples qui leur correspondent (présent / passé composé ; imparfait / plus-que-parfait ; futur simple / futur antérieur).
10La plupart du temps, lorsque le regroupement se fait par « temps du passé7 », les valeurs données pour le passé composé sont la proximité par rapport à l’énonciateur, l’utilisation à l’oral plutôt qu’à l’écrit, et l’antériorité par rapport au temps simple :
Pour raconter des événements passés, on peut utiliser plusieurs temps du passé : [...]
– l’imparfait (pour décrire) avec le passé composé (pour les actions soudaines). Ils s’utilisent surtout à l’oral, ou à l’écrit pour rendre le récit plus familier (lettres, articles de journal, journaux intimes). (L’Île aux mots CM1, 2009 : 240)
11D’autre part, dans le guide pédagogique du manuel Facettes CM1, il est précisé :
Ces deux temps [passé simple et passé composé] appartiennent à deux types d’énonciation différents.
– Le passé simple est le temps de l’énonciation historique, celui des faits et événements coupés du présent.
Autrefois, il y a très longtemps, Vercingétorix combattit courageusement les Romains.
Il met une très grande distance entre l’événement rapporté et celui qui le rapporte.
– Le passé composé crée un lien vivant entre l’événement du passé et le présent. Il permet de rapprocher l’événement rapporté du présent du lecteur.
En 52 avant J.C., Vercingétorix a combattu les Romains.
Il convient donc de travailler ces temps qui sont en opposition. Le passé simple et le passé composé ne produisent pas le même effet. (Facettes CM1, Guide pédagogique, 2006 : 72)
12Lorsque l’association se fait entre un temps simple et le temps composé correspondant, la valeur généralement mentionnée par les manuels est l’antériorité du temps composé par rapport au temps simple8 : antériorité du passé composé par rapport au présent9, du plus-que-parfait par rapport à l’imparfait10, et antériorité envisagée dans le futur entre un verbe conjugué au futur antérieur (dont l’action se déroule avant) et un verbe conjugué au futur simple11.
13Quelques manuels évoquent pour les temps composés l’idée d’accompli, d’achèvement d’une action : le temps composé quel qu’il soit (passé composé, plus-que-parfait ou futur antérieur) indique alors que l’action est terminée :
Le passé composé est un temps utilisé pour exprimer une action passée et achevée. (Mot de passe CM2, 2011 : 122)
Le plus-que-parfait sert à exprimer un événement achevé dans le passé et qui s’est en général déroulé avant d’autres événements du récit (imparfait, passé composé ou passé simple). Ses amis étaient déjà arrivés quand il se gara. (Mot de passe CM2, 2011 : 170)
Le futur antérieur sert à décrire une action future qui sera accomplie avant une autre action future. Dès que les fleurs seront tombées (1re action), les fruits apparaîtront (2e action).
Le futur antérieur s’emploie aussi pour parler d’une action accomplie dans le futur. Demain, ils auront fini leurs examens. (Mot de passe CM2, 2011 : 182)
14Mais ces manuels sont peu nombreux et ceux qui vont dans ce sens présentent rarement cette valeur comme étant la valeur spécifique des temps composés, mais plutôt comme une de leurs valeurs possibles. Dans le manuel Facettes, l’idée d’achèvement est mentionnée dans le Mémo. On peut y lire pour le passé composé : « Dans un récit, il permet de rapporter des événements qui se sont déroulés et qui sont achevés. [...] Il exprime parfois une forme accomplie du présent. ». De la même façon, pour le futur antérieur :
Le futur antérieur est un temps composé. Il exprime des faits, des événements accomplis. Employé seul, il indique qu’une action, un événement sera accompli à un moment bien précis du futur [...]. Employé avec un autre temps, le futur antérieur indique qu’une action s’est achevée avant une autre. [...] Le futur antérieur est alors employé dans des phrases complexes. Le verbe de la proposition principale est au futur simple, celui de la proposition subordonnée au futur antérieur. (Facettes CM2, Mémo, 2010 : 20-21)
15Pourtant, cet aspect accompli n’est pas mis en avant dans le manuel ; il n’est exploité ni dans la phase de découverte (réflexion et observation par les élèves des faits de langue par le biais de questions spécifiques) ni dans les exercices proposés. Le guide pédagogique de ce manuel précise d’ailleurs que « la valeur aspectuelle, forme accomplie du présent (ex. : Aujourd’hui, j’ai mis mon pull vert. Où en es-tu ? J’ai fini. => c’est achevé maintenant), et la valeur du futur proche (Demain, j’ai fini ma BD !) sont observées sans plus ». (Facettes CM2, Guide pédagogique, 2006 : 82)12.
16Il est par ailleurs à noter que certains manuels, de façon assez surprenante si l’on se réfère aux injonctions des Programmes, se contentent de présenter la morphologie verbale des temps en question, sans apporter aucune explication et sans permettre aucune réflexion sur la (les) valeur(s) de ces temps13.
1.2. La morphologie verbale des temps composés : règles de construction
17Après avoir dégagé les valeurs signalées par les manuels scolaires, voyons à présent comment sont présentées dans ces mêmes manuels, les règles de formation des temps composés.
18Certains manuels font apparaître de façon explicite que les verbes conjugués à un temps composé (au sens large, ce qui englobe donc l’ensemble des temps composés) se présentent en « deux parties14 », deux « morceaux », « deux mots15 » contrairement aux temps simples qui se présentent en une seule forme (une seule partie, un seul morceau) : « Comme tous les temps composés, le passé composé est formé de deux mots [...] » (Grammaire française CM, 2008 : 174), ou encore « Quand le verbe est conjugué à un temps simple, il n’est formé que d’un seul mot [...]. Quand le verbe est conjugué à un temps composé, il est formé de deux mots [...] ». (Mot de passe CM2, 2011 : 110)
19Au temps simple, la terminaison qui renseigne sur le temps est alors repérable à la fin du verbe conjugué : « la marque du temps est à la fin du verbe ». (Parcours CM1, 2010 : 93)
20Même s’ils ne mentionnent pas explicitement que la forme verbale apparaît « en deux morceaux » (qu’il s’agisse des temps composés en général ou d’un temps composé spécifique, à l’étude dans un chapitre particulier), tous les manuels indiquent qu’un verbe conjugué à un temps composé est constitué de l’auxiliaire avoir ou être conjugué à un temps simple de l’indicatif et du participe passé du verbe. Dans certains cas, la notion d’auxiliaire est précisée et présentée comme « un verbe qui sert à conjuguer un autre verbe » (Parcours CM1, 2010 : 116). Le terme « participe passé » quant à lui, est défini comme « une forme du verbe que l’on emploie pour former les temps composés » (Parcours CM2, 2010 : 57). Cette définition est pourtant quelque peu tautologique et peu constructive dans la mesure où les temps composés sont identifiés à leur tour comme étant constitués d’un auxiliaire et du participe passé du verbe...
21Concernant l’auxiliaire, il est également intéressant de préciser que l’ensemble des manuels consultés indiquent que son choix (avoir ou être) n’est pas libre. Sur cette question, quelques manuels donnent aux élèves des repères, des outils leur permettant de choisir entre les deux auxiliaires. Le cas échéant, ils précisent que selon les compléments que peut ou non recevoir le verbe, il conviendra d’utiliser l’auxiliaire être ou l’auxiliaire avoir :
Les verbes qui sont suivis d’un complément d’objet se conjuguent avec l’auxiliaire avoir : Ils ont gagné le tournoi (COD). Ils ont pensé à leurs parents (COI). Certains verbes de mouvement sans complément d’objet sont conjugués avec l’auxiliaire être : aller – arriver – descendre – monter – entrer – partir [...] (Interlignes CM1, 2009 : 91)
22De nombreux manuels indiquent par ailleurs que certains verbes peuvent se construire, soit avec l’auxiliaire avoir, soit avec l’auxiliaire être, en fonction de leurs sens :
Généralement, les verbes se conjuguent soit avec l’auxiliaire être soit avec l’auxiliaire avoir. Mais certains verbes peuvent se conjuguer avec l’auxiliaire être ou avec l’auxiliaire avoir, selon le sens de la phrase. Il pleut ; j’ai rentré le chien. / Il pleut ; je suis rentré en courant. (Mot de passe CM2, 2011 : 122)
23D’autres, s’ils précisent également qu’un choix est à faire entre les deux auxiliaires, semblent davantage compter sur l’intuition de l’élève. Ils indiquent alors que l’auxiliaire avoir est le plus fréquent16.
24Concernant le participe passé, l’ensemble des manuels insiste sur les différentes formes qu’il peut prendre selon le groupe auquel appartient le verbe (1er, 2e ou 3e groupe)17 :
La terminaison du participe passé dépend du groupe du verbe.
1er groupe : -é j’ai cherché
2e groupe : -i j’ai choisi
3e groupe : -i je suis parti ; -is j’ai mis ; -it j’ai écrit
– t j’ai fait, j’ai ouvert
– u j’ai lu. (Parcours CM1, 2010 : 117)
25Enfin, l’ensemble des manuels accorde une place importante à la présentation des règles d’accord du participe passé avec le sujet, selon que le verbe est conjugué avec l’auxiliaire être ou avec l’auxiliaire avoir :
Le participe passé conjugué avec l’auxiliaire être s’accorde avec le sujet.
Leur coopérative est devenue importante. Ils sont devenus importants. Le participe passé conjugué avec l’auxiliaire avoir ne s’accorde pas avec le sujet.
Mélanie a beaucoup changé. (Mot de passe CM2, 2011 : 122)
26Concernant la morphologie verbale de chacun des temps composés au programme du cycle 3, les règles présentées par les manuels sont les suivantes :
Passé composé : « il est formé de l’auxiliaire être ou avoir conjugué au présent de l’indicatif et du participe passé du verbe conjugué. Les femmes ont acquis... Elle est devenue... ». (Mot de passe CM2, 2011 : 122)
Plus-que-parfait : « Il est formé de l’auxiliaire être ou avoir conjugué à l’imparfait et du participe passé du verbe conjugué. J’avais gardé. Il était venu ». (Mot de passe CM2, 2011 : 170)
Futur antérieur : « Il est formé de l’auxiliaire être ou avoir conjugué au futur et du participe passé du verbe conjugué. Il aura gagné. Elle sera partie ». (Mot de passe CM2, 2011 : 182).
2. L’aspect, approche théorique
27Dans cette partie, notre propos n’est pas de retracer l’évolution de la notion d’aspect à travers un historique détaillé et exhaustif mais d’en faire une mise au point rapide et de mentionner quelques travaux qui ont attiré notre attention, en ce qu’ils sont susceptibles de servir de point de départ à une transposition didactique afin d’éclairer la notion de temps composé.
28Rappelons tout d’abord comme l’indiquent Riegel, Pellat et Rioul dans leur Grammaire méthodique du français (2009 : 518-519) que la notion d’aspect est apparue au XIXe siècle. Utilisée par des linguistes allemands pour l’étude des langues slaves, elle a ensuite été introduite en grammaire française, non sans mal, certains linguistes (dont Tesnière) refusant de la considérer comme opérante en français. Cette notion trouvera, avec Guillaume, une véritable place en français, et nombre de linguistes et de grammairiens en tiennent désormais compte dans leurs travaux de description du système verbal du français.
29Il convient également de poser la distinction, pour laquelle « il existe à l’heure actuelle dans la littérature sur l’aspect un large consensus » (Confais, 2002 : 201), entre aspect lexical (encore appelé Aktionsart, mode d’action ou type de procès selon les théories) et aspect grammatical. Si l’aspect lexical est lié au sens du verbe et à son environnement cotextuel, l’aspect grammatical dépend largement pour sa part du temps auquel le verbe est conjugué :
La catégorie de l’aspect se décompose en aspect lexical et aspect grammatical. L’aspect lexical correspond au type de procès (activité, état, accomplissement...) exprimé par le lexème verbal et son environnement actanciel (par exemple, on établit, au moyen de tests syntaxiques, que manger du poulet constitue une « activité »). L’aspect grammatical définit le mode de présentation du procès (accompli, inaccompli, itératif...) tel qu’il est indiqué essentiellement par les marques grammaticales (temps morphologique, semi-auxiliaires, adverbes d’aspect...). (Gosselin, 1996 : 10)
30Dans le cadre de cet article, c’est précisément de l’aspect grammatical qu’il sera question, puisque notre étude porte sur la conjugaison.
31On ajoutera que « l’aspect grammatical définit la façon dont [le procès] est « montré/perçu »» (Gosselin, 2005 : 35). Il ne s’agit plus alors de situer le procès sur une ligne du temps relativement au moment de l’énonciation (passé/présent/ futur), mais de l’envisager sous l’angle de son déroulement18. L’action pourra alors être montrée dans son déroulement (il mange = le procès est en cours) ou dans sa globalité (il a mangé = l’action est présentée comme terminée). On fera alors la distinction entre aspect accompli et aspect inaccompli (encore nommés perfectif et imperfectif chez certains auteurs). Ainsi, « l’aspect concerne l’achèvement d’une occurrence concrète d’une situation : une situation qui est perçue globalement c’est-à-dire en comprenant son achèvement est perfective, alors qu’une situation qui est perçue partiellement ou de l’intérieur, c’est-à-dire sans inclure son achèvement est imperfective » (Vetters, 1996 : 79).
32Pour Confais (2002 : 206), « la distinction entre les deux types d’aspects s’impose en français pour la simple raison qu’il est toujours possible de mettre n’importe quel verbe à n’importe quelle forme aspectuelle. Il y a certainement beaucoup plus de sens à parler dans l’absolu d’un aspect (d’une qualité) accompli d’un procès que d’un procès antérieur ».
33De son côté, André Martinet, dans Grammaire fonctionnelle du français, envisage dans la classe des modalités verbales, la classe de l’aspect comprenant une unité qu’il nomme « parfait » (Martinet, 1979 : 128). Rappelons que pour Martinet, linguiste fonctionnaliste, les classes19 syntaxiques ou classes de monèmes (ou morphèmes)20, sont définies sur la base de deux critères nécessaires et suffisants : le critère des compatibilités et celui de l’exclusion mutuelle21. Ainsi, font partie de la même classe, les unités qui présentent les mêmes compatibilités (déterminent les mêmes classes d’unités et peuvent être déterminées par les mêmes classes d’unités), et qui sont en rapport d’exclusion mutuelle (l’apparition de l’une exclut l’apparition de l’autre en un même point de la chaîne parlée). La classe des modalités verbales est quant à elle constituée des monèmes (ou morphèmes) grammaticaux, spécialisés dans la détermination des verbes et ne pouvant être déterminés à leur tour par aucune autre unité.
34Dans son étude du système verbal du français (inventaire des modalités verbales), Martinet pose ainsi, à côté d’une classe des temps (comprenant entre autres unités le passé et le futur), une classe de l’aspect. Celle-ci « ne comporte qu’une seule unité, le parfait22. Le parfait s’oppose à son absence, c’est-à-dire au déroulement de l’action sans considération de la situation qui peut en résulter. » (Martinet, 1979 : 128). Concernant la valeur de cette unité, Martinet note :
La valeur originelle du parfait, qui lui donne son nom, est celle d’action accomplie, et ceci aussi bien au moment où l’on parle que dans un point quelconque du temps, révolu ou à venir. C’est celle qui se manifeste dans des énoncés comme J’ai fini, Il est mort, lorsque le syntagme verbal23 n’y est accompagné d’aucune spécification temporelle. (Martinet, 1979 : 128)
35On peut alors comparer les formes verbales suivantes :
a) Il mange : le verbe ne reçoit aucune détermination aspectuelle. Le procès est montré dans son déroulement, il est en cours.
b) Il a mangé : dans ce cas, le syntagme verbal est constitué du verbe et du parfait (verbe + parfait). Le procès est présenté comme accompli, terminé.
36Cette modalité verbale se présente de la façon suivante : « le monème parfait (est) amalgamé dans des syntagmes formés des verbes auxiliaires (il) a et (il) est et du participe parfait simple » (Martinet, 1979 : 128). Autrement dit, le signifiant de cette unité aspectuelle est : auxiliaire « avoir » ou « être » + le participe passé du verbe conjugué24.
Ex : il a mang-é. Le monème « parfait » apparaît ici sous la forme du signifiant [a... e]25.
37Précisons également, et c’est ce qui rend particulièrement pertinente et opérationnelle l’analyse de Martinet, que cette unité est compatible avec les unités de la classe des temps. Autrement dit, un verbe pourra être déterminé conjointement par le parfait et par une unité de la classe des temps, comme le montre le tableau suivant :
Monème verbal | Classe des temps | Classe de l’aspect | Forme verbale | Terminologie traditionnelle |
1. (il) chante | – | parfait | Il a chanté | Passé composé |
2. (il) chante | passé26 | parfait | Il avait chanté | Plus-que-parfait |
3. (il) chante | futur | parfait | Il aura chanté | Futur antérieur |
4. (il) chante | prétérit27 | parfait | Il eut chanté | Passé antérieur |
38Ainsi, si dans l’exemple 1, le verbe est déterminé uniquement par le parfait, conférant au procès une valeur d’accompli (il a mangé : l’action est envisagée dans sa globalité et présentée comme terminée), dans les formes verbales 2 à 4, le verbe est déterminé à la fois par une unité temporelle et par le parfait, unité aspectuelle. En terme de valeurs, ces formes véhiculent donc l’idée d’achèvement de l’action, celle-ci étant replacée dans une dimension temporelle particulière (il avait mangé, il aura mangé...)
39De leur côté, Riegel, Pellat et Rioul posent qu’en français, les différentes formes verbales que l’on peut rencontrer sont susceptibles d’apporter des informations de type temporel (situer le procès sur l’axe du temps), ou de type aspectuel (renseigner sur le degré d’achèvement d’une action)28. Ils proposent donc d’opérer avec l’opposition aspect accompli / aspect inaccompli.
40Si un verbe à l’inaccompli donne à voir un procès en cours de réalisation, situé entre sa borne initiale et sa borne finale, l’action décrite par un verbe à l’accompli est pour sa part montrée comme terminée et envisagée au-delà de sa borne terminale29.
41Ainsi, on peut établir en français une corrélation entre temps simples et inaccompli et temps composés et accompli. Autrement dit, les formes verbales conjuguées à un temps composé véhiculent une valeur d’accompli et expriment un procès achevé, alors que les verbes conjugués à un temps simple relèvent de l’aspect inaccompli et réfèrent à un procès en cours de réalisation30. Cette opposition binaire est valable, en français, pour tous les modes : « L’opposition grammaticale accompli/ inaccompli est systématique en français : elle se manifeste à tous les modes, par l’opposition entre les formes composées et les formes simples du verbe ». (Riegel, Pellat, Rioul, 2009 : 520)
42Barceló et Bres notent à leur tour :
Les formes simples représentent le temps interne au procès dans sa tension, entre bornes initiale et terminale, alors que les formes composées représentent le temps interne au procès à partir de la borne terminale atteinte, soit en extension.
43On dira que les temps verbaux de forme simple donnent l’instruction de se représenter le procès en tension ([+tension]) ; que les temps verbaux de forme composée donnent l’instruction de se représenter le procès en extension ([+extension]). (2006 : 13)
44Peut-on alors considérer que la valeur principale véhiculée par les formes verbales composées est l’accompli ?
45À cette question, Riegel, Pellat et Rioul (2009 : 520) précisent que
les formes composées n’expriment pas seulement l’aspect accompli. Dans une phrase complexe comportant une subordonnée de temps, elles peuvent exprimer l’antériorité : Quand il avait déjeuné, il sortait promener son chien. Le procès au plus-que-parfait est antérieur au procès à l’imparfait [...].
46Allant dans ce sens, Vet considère que le passé composé comme le plus-que-parfait sont susceptibles de véhiculer deux valeurs différentes : une valeur aspectuelle (résultative, accomplie) ou une valeur temporelle (antériorité). C’est selon lui le contexte qui joue :
En français moderne, il [le passé composé] peut fonctionner comme un présent résultatif (PRÉS + RÉS) ou comme un ‘antérieur au présent’ (PRÉS + ANT). L’interprétation du passé composé dépend du contexte (présent ou passé) dans lequel il est utilisé.31 (Vet, 2010 : 22)32
47Sur ce point, nous préférons souscrire à l’hypothèse monosémique développée notamment par Barceló et Bres (2006)33 : selon eux, chaque temps verbal, en langue, donne toujours la même « instruction » et revêt donc une valeur stable. En discours, l’interaction entre la valeur de ce morphème et le co (n) texte34 permet d’expliquer les différents effets de sens rencontrés (les auteurs comparent ce processus au jeu de l’offre et de la demande) :
L’instruction délivrée par le morphème grammatical reste égale à elle-même de la langue au discours. Et c’est à partir de cette identité que ledit morphème est à même de produire, en interaction avec d’autres unités, différents effets de sens. (Barceló et Bres, 2006 : 22-23)
48Ainsi, en ce qui concerne le passé composé,
on développera l’hypothèse contre-intuitive que, quel que soit son emploi, ce temps a une seule et même valeur en langue, les différents effets de sens repérés en discours étant analysés comme produits par l’interaction de cette valeur avec différents co (n) textes. (Bres, 2010 : 161)
3. Vers une transposition didactique
49Dans cette dernière partie, il s’agit de montrer en quoi la notion d’aspect, particulièrement opérationnelle en linguistique pour la description du (des) système(s) verbal (aux)35, pourrait être transposable à l’enseignement et trouver des applications en classe au service d’une meilleure compréhension de la conjugaison.
50Pour aider les apprenants à construire une compréhension plus assurée du système verbal, en dépit de la terminologie peu transparente désignant les temps composés (passé composé, plus-que-parfait, passé antérieur, futur antérieur), nous proposons les quelques axes suivants.
– Prendre conscience des corrélations temps simples/ aspect inaccompli et temps composés/ aspect accompli :
51Il semble pertinent dans un premier temps de permettre aux élèves de faire émerger les valeurs des temps composés en les comparant à d’autres temps du système. Comme nous l’avons vu dans la première partie, certains manuels opposent passé simple et passé composé pour mettre en évidence les spécificités de chacun en terme d’emplois et de valeurs36. Or, le passé simple et le passé composé n’appartiennent pas au même système d’énonciation : si le passé simple est typiquement un temps du récit, le passé composé est à la fois temps du récit et du discours. Dès lors, dans l’optique d’une comparaison organisée à l’école élémentaire, mieux vaut rester – il nous semble – dans le même système d’énonciation et comparer le passé composé au temps qui lui correspond dans ce même système, en l’occurrence le présent. On présentera alors de façon conjointe présent et passé composé, imparfait et plus-que-parfait, futur simple et futur antérieur, puis plus tard passé simple et passé antérieur. L’objectif est ici de mettre en évidence qu’à chaque temps simple correspond un temps composé. Ce dernier véhicule une valeur d’accompli, le procès est envisagé dans sa globalité et montré comme terminé, alors que le temps simple présente l’action dans son déroulement, comme le montrent les couples d’énoncés suivants : Il mange/ Il a mangé ; Il mangeait/ Il avait mangé ; Il mangera/ Il aura mangé, etc.37
52Cette corrélation entre temps simples et inaccompli d’une part, et temps composés et accompli de l’autre pourra être mise en évidence à l’aide d’un tableau récapitulatif (« tableau de l’aspect des temps »), tel que le proposent les auteurs de Quelle grammaire enseigner ? (Pellat, 2009 : 166)38 :
– Considérer la valeur d’accompli comme valeur de base des temps composés :39
53En terme de valeurs, il conviendra d’insister sur le fait qu’un verbe conjugué à un temps composé présente le procès dans sa globalité : l’action est montrée comme arrivée à son terme, achevée, elle est envisagée au-delà de sa borne finale.
54Ainsi, on considèrera, à la suite de Barceló et Bres, que le passé composé « représente le temps interne du procès en extension et non en tension » (2006 : 143). Ainsi,
on trouve typiquement le PC [passé composé], pour signifier, du fait de son instruction [+ extension], l’accompli à un moment donné, qui selon le co (n) texte relèvera des époques passée, présente, ou future, le plus souvent en relation avec un PR [présent], (2006 : 145)
Fidèles à leur option monosémique, les auteurs posent
qu’il n’y a pas deux PC, mais un seul qui, du fait de sa position en système, peut selon les éléments contextuels avec lesquels il interagit, aussi bien signifier l’accompli que participer à la production des sens d’antériorité par rapport au PR40, ou d’accomplissement d’un fait passé orienté vers le nunc. (Barceló et Bres, 2006 : 157)41
Le plus-que-parfait, pour sa part, combine la valeur aspectuelle d’accompli et la valeur temporelle de passé42. S’il s’agit là de ses « valeurs de base », différents effets de sens pourront naître en discours, de l’interaction avec d’autres unités. Barceló et Bres mentionnent notamment « l’effet de sens d’antériorité » (2006 : 86), « l’effet de sens d’accomplissement » (2006 : 90) ou encore « l’effet de sens narratif », (2006 : 95) :
le PqP [plus-que-parfait], comme toutes les formes extensives, est apte en discours à produire les valeurs d’accompli et d’antériorité, et, comme l’IMP [imparfait], à être associé à certains tours stylistiques et modaux. (2006 : 85)
Enfin, le futur antérieur combine comme valeurs de base, la valeur aspectuelle d’accompli et la valeur temporelle de futur, ce qui ne l’empêche pas, en discours, d’exprimer des effets de sens variés : « Comme les autres formes composées, le FA [futur antérieur] a des relations privilégiées avec l’expression de l’accompli et de l’antériorité. » Ainsi, « du fait de son instruction aspectuelle [+extension], le FA permet d’exprimer, à l’époque future, l’état résultant d’un procès achevé [...]. Les FA sont donc présentés explicitement comme accomplis. » Pour autant,
le FA semble fréquemment, notamment dans des subordonnées, en particuliers temporelles, marquer l’antériorité par rapport au FS [futur simple] de la principale [...]. L’expression de l’antériorité est un effet de sens secondaire de l’instruction aspectuelle fondamentale, ce qui n’implique pas, en dépit de la terminologie traditionnelle, que le FA soit toujours antérieur au FS. (Barcelô et Bres, 2006 : 115-116)
On le voit, considérer l’aspect accompli comme « valeur de base » des temps composés, ne consiste pas à « figer le sens » des syntagmes verbaux rencontrés, ni à restreindre les interprétations possibles. Il s’agit simplement de considérer cette valeur comme valeur première (associée à une valeur temporelle dans le cas du plus-que-parfait et du futur antérieur), qui pourra ensuite, par le jeu de l’actualisation43, se décliner en différents effets de sens.
– Comprendre la construction des temps composés :
55Lorsque les élèves auront compris la corrélation entre temps simples et inaccompli et temps composés et accompli, et qu’ils auront pris conscience qu’à chaque temps composé correspond un temps simple, on pourra présenter les règles de construction des temps composés.
56En partant du principe que les temps composés sont composés de « deux morceaux » (auxiliaire être ou avoir + participe passé)44, on mettra en évidence que l’auxiliaire est conjugué au temps simple correspondant, comme le montre le tableau suivant45 :
57Il s’agit ici de prendre appui sur la correspondance entre temps simples et temps composés (présent/ passé composé ; imparfait/ plus-que-parfait ; etc.) et d’en montrer explicitement les conséquences sur la morphologie : l’élève saura ainsi à quel temps conjuguer l’auxiliaire (avoir ou être)46.
4. Conclusion
58Dans cet article, nous avons focalisé notre attention sur les trois temps composés étudiés au cycle 3, passé composé, plus-que-parfait et futur antérieur, dont la maîtrise reste problématique pour bien des élèves.
59Partant de l’observation de manuels scolaires récents, nous dégageons les caractéristiques présentées aux apprenants pour l’identification et l’utilisation de ces temps, tant en ce qui concerne leurs valeurs qu’en se qui concerne leur morphologie, dans la mesure où il s’agit là des compétences principales mentionnées dans les programmes pour le domaine du verbe.
60Nous faisons ensuite le point sur la notion d’aspect – et plus spécifiquement l’aspect grammatical – et la façon dont on peut l’envisager. À partir de cette réflexion, nous proposons enfin des pistes didactiques à mettre en place au cycle 3, avec pour objectif de donner des repères aux élèves et de leur permettre une compréhension plus assurée du système verbal en général et des temps composés en particulier.
61Cet article montre donc la nécessité de prendre en compte les avancées de la linguistique pour un enseignement renouvelé de la grammaire à l’école, se démarquant de la grammaire traditionnelle correspondant essentiellement à un étiquetage, comme le formulait déjà en 1969 Louis Legrand, alors Directeur des Recherches de l’institut Pédagogique National, dans sa préface au Précis de grammaire fonctionnelle de la langue française (Galizot, 1969).
62Pour faire suite à cette réflexion et aux propositions développées ici, il nous reste à concevoir des dispositifs susceptibles d’accompagner les élèves de cycle 3 dans leur maîtrise des temps composés. C’est la suite que nous souhaitons donner à ce travail.
Bibliographie
Références bibliographiques
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Cautela, Annick, Le Guay, Isabelle, Robert, Nadine, Robinet, Françoise, 2008, Étude de la langue CM2, Paris, Nathan, Coll. « Par mots et par phrases » (dirigée par Alain Bentolila), Paris, Nathan, 224 p.
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Fouillade, G. (dir.) et Moulin, M., 2008, Grammaire française Cycle 3 CM, Paris, Bordas, Coll. « Fouillade », 205 p.
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Galizot, Roger, 1969, Précis de grammaire fonctionnelle de la langue française, Paris, Bibliothèque pédagogique Fernand Nathan, 160 p.
Mauffrey, Annick, Cohen, Isdey, 2009, Français Étude de la langue CM1 CM2, Paris, Belin, 223 p.
Molinié, Georges (dir.), 2007, Nouvelle grammaire du collège 6e, 5e, 4e, 3e, Paris, Magnard, 511 p.
Schôttke, Michèle et Touraine, François, 2010, Facettes Français CM1, Paris, Hatier, 205 p.
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Notes de bas de page
1 Les programmes indiquent entre autres pour le cycle 3 dans le domaine « Le verbe », les compétences suivantes :
« Repérage dans un texte des temps simples et des temps composés de l’indicatif, et compréhension de leurs règles de formation.
Première approche de la valeur des temps verbaux et en particulier des temps du passé. Conjugaison des verbes des premier et deuxième groupe, d’être et avoir aux temps suivants de l’indicatif : présent, futur simple, imparfait, passé simple ; passé composé, plus-que-parfait, futur antérieur, conditionnel présent ; à l’impératif présent, à l’infinitif présent ; au participe présent et passé.
Utilisation à bon escient des temps étudiés. » (B.O du MEN et du MESR, Hors série n° 3 (19 juin 2008), Horaires et programmes d’enseignement de l’école primaire, p. 22).
2 Les progressions proposées par le Ministère de l’Éducation Nationale, mentionnent quant à elles les compétences suivantes, réparties entre le CM1 et le CM2 :
Pour le CM1, « Comprendre la notion d’antériorité d’un fait passé par rapport à un fait présent.
Connaître la distinction entre temps simples et temps composés, la règle de formation des temps composés (passé composé), la notion d’auxiliaire.
Conjuguer aux temps déjà étudiés, ainsi qu’à l’indicatif passé simple, au passé composé et à l’impératif présent, les verbes déjà étudiés ; conjuguer des verbes non étudiés en appliquant les règles apprises. »
Pour le CM2, « Comprendre la notion d’antériorité relative d’un fait passé par rapport à un autre, d’un fait futur par rapport à un autre.
Conjuguer aux temps et modes déjà étudiés, ainsi qu’à l’indicatif futur antérieur, plus-que-parfait, conditionnel présent, et participe présent et passé, les verbes déjà étudiés ; conjuguer des verbes non étudiés en appliquant les règles apprises. » (B.O du MEN et du MESR, Hors série n° 3 (19 juin 2008), Horaires et programmes d’enseignement de l’école primaire, p. 36).
3 Manuels de CM1 et CM2. Certains sont destinés au CM (à la fois CM1 et CM2) : la différenciation (CM1 / CM2) se fait alors au niveau des explications données pour chaque notion.
4 On trouve ainsi dans les manuels Parcours Français pour le CM1 (p. 92-93) et le CM2 (p. 56-57) ainsi que dans Mot de passe – Français maîtrise de la langue CM2 (p. 110- 111), un chapitre « Temps simples et temps composés ». Dans le manuel Interlignes Étude de la langue Cycle 3-CM1, cette notion est abordée dans le chapitre « Comment sont construits les temps simples et les temps composés ? » (p. 83-85), et une entrée similaire apparaît dans le manuel Grammaire française Cycle 3 CM avec le chapitre « Les temps composés » (p. 169-172).
5 C’est par exemple le choix des manuels suivants : Grammaire française CM, 2008 ; Interlignes Cycle 3 CM1, 2009 ; Parcours français CM1 et CM2, 2010 ; Étude de la langue CM2, 2008.
6 Notons que selon les manuels, les temps composés faisant l’objet d’une présentation spécifique sont : i) pour le CM1 : le passé composé (toujours), le plus-que-parfait pour certains seulement (notamment Français Étude de la langue CM1 CM2, 2009) ; ii) pour le CM2 : le passé composé et le plus-que-parfait (pour tous les manuels consultés), le futur antérieur (mais certains ne le présentent pas, comme par exemple le manuel Étude de la langue CM2, 2008).
7 C’est notamment le choix fait par les manuels suivants : L’Île aux mots CM1, 2009 ; Facettes CM1 et CM2, 2010.
8 « Au mode indicatif, à chaque temps simple correspond un temps composé. [...] Un temps composé exprime généralement une action qui se déroule avant celle décrite par le temps simple. » (Grammaire française CM, 2008 : 169-170).
9 « Le passé composé exprime des actions qui se sont déroulées avant les actions exprimées par le présent. » (Étude de la langue CM1 CM2, 2009 : 152).
10 « Le plus-que-parfait s’emploie dans des textes au passé pour des actions qui se sont déroulées avant les actions exprimées à l’imparfait ou au passé simple. » (Étude de la langue CM1 CM2, 2009 : 164).
11 « Employé avec un autre temps, le futur antérieur indique qu’une action s’est achevée avant une autre. Il a une valeur d’antériorité. » (Facettes CM2 Mémo, p. 21).
12 Dans la Nouvelle grammaire du collège (2007), les chapitres sur la valeur des temps sont distincts de ceux sur la morphologie verbale (règles de construction). Dans le chapitre consacré aux valeurs du présent et du passé composé, les explications destinées aux élèves de 6e sont les suivantes :
« Pour analyser la valeur d’un temps, il faut distinguer :
– le temps : c’est l’époque où se déroule l’action (le présent, le futur ou le passé) ;
– l’aspect : l’action est-elle accomplie, c’est-à-dire achevée, ou non accomplie ?
Il a terminé son dîner. L’action est accomplie.
Il termine son dîner. L’action n’est pas accomplie. » (Nouvelle grammaire du collège, 2007 : 412).
Concernant les valeurs du passé composé, on lira :
« Lorsque le présent et le passé composé sont associés, le passé composé exprime une action antérieure, c’est-à-dire qui se produit avant l’action au présent. Le passé composé marque ainsi une action accomplie :
Nous avons effrayé (passé composé, action accomplie) le corbeau : il s’enfuit (présent, action non accomplie) vers la forêt.
Le passé composé peut également remplacer le passé simple dans le niveau de langage courant :
Ce soir-là, il a aperçu une volée de corbeaux planer au-dessus des champs. » (p. 413). Il est à noter cependant que pour les valeurs du plus-que-parfait, c’est l’antériorité (par rapport à une autre action) qui est mise en avant pour les élèves de 6e : « Le plus-que-parfait est un temps du passé : il exprime l’antériorité, c’est-à-dire une action qui s’est produite avant une autre action à un temps du passé : Il retrouva ce livre qu’on lui avait offert autrefois. » (p. 424). L’idée d’achèvement de l’action ne leur sera présentée qu’à partir de la 4e : « Employé seul, le plus-que-parfait désigne des faits accomplis dans le passé : Il était heureux : son frère avait réussi son examen. » (p. 424). De même, c’est en 4e que seront détaillées les valeurs du futur antérieur et du passé antérieur.
13 Parmi les manuels consultés, c’est le cas notamment de Parcours français CM1 et CM2, 2010.
14 Cf. notamment Parcours CM1, 2010 : 93 et Parcours CM2, 2010 : 57.
15 Cf. Grammaire française CM, 2008 : 169 ; L’Île aux mots CM1, 2009 : 243 ; Mot de passe CM2, 2011 : 110.
16 Voir notamment Grammaire française CM{2. Ny & : 174) ou Mot de passe CM2 (2011 : 122).
17 Ce découpage en « groupes » est discutable, d’un point de vue didactique et pédagogique, comme l’a montré Patrice Gourdet dans sa communication « L’enseignement du verbe à l’école élémentaire : perspectives linguistiques et pistes didactiques », lors de la Journée d’Études « Le verbe : perspectives linguistiques et didactiques » (12 janvier 2011, Arras). Communication reprise par l’article publié dans les actes de la journée.
18 C. Vet (2010 : 20) précise : « Dans notre approche, l’aspect est une forme grammaticale (grammaticalisée) qui indique de quelle phase du procès le locuteur parle. Il s’agit donc de l’aspect de phase. » Vet schématise ainsi les différentes phases du procès : 1) phase préparatoire, 2) début du procès, 3) phase médiane, 4) fin du procès et 5) phase résultative du procès (exprimée par la séquence avoir / être + participe passé) et précise que « le français possède les aspects 1 et 5 et peut-être 3 et 4 ».
19 Martinet opère avec la notion de classes, car comme il le précise dans sa Syntaxe générale, la syntaxe « n’opère pas avec des unités lexicales particulières mais avec des classes de telles unités » (Martinet, 1985 : 17).
20 Le monème (pour Martinet) ou morphème est la plus petite unité de sens, composée à la fois d’un signifiant (sa forme) et d’un signifié (son sens).
21 Sur ce point, voir également Costaouec et Guérin (2007 : 112-114).
22 Cette notion de parfait est également utilisée dans l’analyse des systèmes verbaux de différentes langues. Voir notamment F. Bentolila (1998).
23 On entend par syntagme verbal, le verbe accompagné de ses modalités.
24 Voir « 1.2. La morphologie verbale des temps composés : règles de construction. »
25 On parle dans ce cas de monème (morphème) à signifiant discontinu, puisque le signifiant en question est réparti à plusieurs endroits de la chaîne parlée (en l’occurrence, avant et après la base verbale).
26 L’appellation « passé » retenue par Martinet renvoie à l’imparfait de la grammaire traditionnelle.
27 Correspond au passé simple de la grammaire traditionnelle.
28 « Le procès exprimé par le verbe peut être envisagé de deux manières :
– le temps (chronologie) : d’un point de vue externe, le procès est situé chronologiquement dans l’une des trois époques (passé, présent ou avenir), selon le rapport entre les deux repères temporels point de l’énonciation, point de l’événement).
– L’aspect : d’un point de vue interne, le procès peut-être envisagé en lui-même, « sous l’angle de son déroulement interne » (P. Imbs, 1960). En effet, indépendamment de toutes considérations chronologiques, un procès dynamique implique en lui-même du temps, une durée plus ou moins longue pour se dérouler et se réaliser. » (Riegel, Pellat, Rioul, 2009 : 517)
29 « L’aspect accompli envisage le procès au-delà de son terme, comme étant réalisé, achevé : le repère T’est situé au-delà de la borne finale (il a voyagé). L’aspect inaccompli saisit le procès en cours de déroulement : le repère T’ peut se situer en différentes positions entre les bornes initiale et finale. » (Riegel, Pellat, Rioul, 2009 : 519).
30 « – Les formes simples présentent un procès en cours :
Je crois comprendre cette explication – Je souhaite qu’il vienne – Il chante / chantait merveilleusement l’air de Papageno.
L’infinitif présent, le subjonctif présent et le présent ou l’imparfait de l’indicatif saisissent le procès en cours de réalisation.
– Les formes composées présentent un procès parvenu à son terme final, totalement achevé :
Je crois avoir compris cette explication – Je souhaite qu’il soit venu – Il avait chanté merveilleusement l ’air de Papageno – Tiens ! Il a plu.
L’infinitif passé, le subjonctif passé, le plus-que-parfait de l’indicatif ou le passé composé saisissent le procès au-delà de sa borne finale. Avec certains verbes, l’accent peut être mis sur le résultat de l’accomplissement du procès (Il est parti = il n ’est plus là) ». (Riegel, Pellat, Rioul, 2009 : 519).
31 De la même façon, « le plus-que-parfait peut être la variante résultative de l’imparfait ou indiquer que le procès a lieu avant le point référentiel qui est antérieur à S [moment de l’énonciation]. » (Vet, 2010 : 22).
32 Cette hypothèse polysémique est également défendue par Vet (notamment 2010) et Gosselin (1996 et 2005).
33 Voir aussi Bres et Lauze (2008), Bres (2010), Lauze (2010).
34 « On parle de cotexte pour désigner l’environnement textuel d’une unité ; de contexte, pour désigner son environnement situationnel. Nous parlerons de co (n) texte, lorsque les deux éléments interviennent. » (Barceló et Bres, 2006 : 18).
35 Du français mais également d’autres langues.
36 Voir « 1.1. Les valeurs des temps composés ».
37 Ceci est présenté explicitement dans Nouvelle grammaire du collège (2007 : 412) : « l’aspect accompli est exprimé par les temps composés, tandis que l’aspect non accompli est marqué par les temps simples. »
38 Même si dans le cadre de cet article, les temps qui nous intéressent plus spécifiquement sont le passé composé, le plus-que-parfait et le futur antérieur (car devant être étudiés au cycle 3), nous faisons apparaître ici l’ensemble du tableau pour montrer que cette bipartition entre temps marquant l’aspect inaccompli et temps marquant l’aspect accompli, est valable pour tous les modes (ici, seuls les modes dits personnels sont mentionnés).
39 Le conditionnel est ici considéré comme un temps de l’indicatif et non comme un mode à part entière. D’un point de vue fonctionnaliste, ce choix se justifie de la façon suivante :
– d’une part, cette forme verbale peut commuter avec les formes de l’imparfait, du futur, etc.
– d’autre part, d’un point de vue formel (en ce qui concerne le signifiant), le conditionnel (il chanterait) est constitué du /ʁ/ du futur et du /Ɛ/ de l’imparfait.
40 Comme le notent les auteurs, « [...] représenter un procès comme accompli, c’est bien souvent [...] donner à comprendre qu’il est antérieur à un autre procès à la forme simple. C’est bien sûr le cas pour le PC en subordonnée circonstancielle, relative ou complétive, en relation avec un PR dans la principale. » (2006 : 146) En outre, selon eux, « le PC n’est pas en lui-même un temps du passé car il ne donne aucune instruction temporelle. Mais il peut, dans certains co (n) textes, contribuer à inscrire l’événement narré dans l’époque passée, et fonctionner comme un temps du passé. » (2006 : 154)
41 Louis de Saussure (2010) s’interroge quant à lui sur les liens entre sémantique et pragmatique et s’intéresse au « passé composé futural » au travers d’emplois comme « J’ai bientôt terminé/ Demain, il a plu/ Le président est bientôt sorti de sa réunion... ».
42 Voir l’analyse de Martinet en « 2. L’aspect, approche théorique ».
43 « Nous définissons l’actualisation comme l’opération linguistique qui permet de passer des potentialités de la langue à la réalité du discours (Barbéris et al., 1998). » (Barceló et Bres, 2006 : 22).
44 Voir « 1.2. La morphologie verbale des temps composés : règles de construction ».
45 Seuls sont présentés ici les temps de l’indicatif évoqués dans cet article. Ce tableau peut toutefois être complété pour les autres modes.
46 « La seule opposition aspectuelle morphologiquement marquée en français est l’opposition accompli/ non accompli qui s’exprime à travers l’opposition des formes simples et des formes composées. On a donc en français un système binaire : l’auxiliaire, dans la forme composée (aspect accompli) est au même temps que la forme non accomplie correspondante.
Elle le voit, le renifle. Elle l ’a vu, elle l ’a reniflé. Le passé composé est la forme accomplie correspondant au présent, non accompli : l’auxiliaire est au présent. » (Pellat, 2009 : 166)
Auteur
Université d’Artois (IUFM), Grammatica, EA4521.
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