La traduction de textes scientifiques français au XVIIIe siècle en Espagne. Quelques considérations sur la formation des vocabulaires scientifiques espagnols1
p. 117-136
Texte intégral
1Dans cette communication, nous traiterons la question de la traduction des textes scientifiques français durant le XVIIIe siècle en Espagne et de ses conséquences pour les terminologies espagnoles. Deux domaines sont directement concernés : d’abord, la traduction elle-même (raison pour laquelle nous l’abordons ici) mais aussi l’histoire du vocabulaire espagnol et de sa formation. Dans cette dernière perspective, nous montrerons que l’analyse de la traduction donne des clés pour comprendre et mettre en évidence les procédés néologiques de la langue cible.
2La présente étude est née du premier examen d’un corpus de textes scientifiques français traduits au XVIIIe siècle que nous sommes en train de constituer. Bien que l’ensemble n’ait pas encore atteint les dimensions que nous lui avons assignées théoriquement, le travail réalisé jusqu’à maintenant permet cependant de présenter quelques réflexions, obligatoirement rapides dans ce cadre, sur la formation des vocabulaires scientifiques espagnols.
3D’une manière générale, il convient de faire remarquer que le corpus (les textes scientifiques et techniques traduits du français) donnera lieu, selon la perspective de l’analyse, à des résultats qui peuvent intéresser des domaines du savoir assez variés. Evidemment la traductologie est concernée au premier chef, dans l’évolution des options des traducteurs concernant des textes où ces dernières sont plus nombreuses qu’un examen rapide le laisserait croire. Mais l’histoire des idées et de la science en Espagne (avec les études sur la diffusion des connaissances mais aussi sur celle de sciences particulières : physique, astronomie, etc. et les technologies qui leurs sont liées) y trouveront sans doute aussi des données à ne pas négliger. Enfin l’histoire de la langue cible devrait se préciser et s’enrichir de recherches dans le domaine de la traduction scientifique qui permettront une meillleure connaissance des processus de transferts terminologiques – question que nous abordons dans cette communication.
4Il est évident que le domaine de recherche n’est pas vierge. S’ il est vrai qu’il n’existe pas d’études générales sur les œuvres scientifiques traduites du français en espagnol pendant le XVIIIe siècle, cependant le catalogue des œuvres manuscrites et imprimées du XVIIIe siècle de Francisco Aguilar Piñal2, est un instrument indispensable pour l’étude du Siècle des Lumières. On peut aussi citer en particulier J.F. Fernández Gómez y N. Nieto Fernández : 19913, auteurs d’un chapitre d’une œuvre collective qui évalue numériquement l’importance de la traduction scientifique (presque toujours à partir du français) au XVIIIe siècle, ainsi que l’étude récemment publiée de F. San Vicente4, qui énumère et présente les dictionnaires et les lexiques techniques traduits. Actuellement, diverses thèses doctorales sont en voie de réalisation, dont l’objet d’étude présente certains points en commun avec celui de cette communication et quelques philologues explorent le domaine du vocabulaire scientifique espagnol du XIXe siècle5.
5En introduction à notre sujet, nous tracerons, à grands traits, le panorama traductologique espagnol au XVIIIe siècle.
1. Panorama traductologique espagnol au XVIIIe siècle
1.1. Les livres français en Espagne
6L’intérêt des Espagnols du début du XVIIIe siècle pour la littérature du pays voisin est bien connu. Une version française du Télémaque est publiée en 1722 à Madrid6. Mais les traductions d’auteurs théâtraux du XVIIe siècle, de loin les plus nombreuses tout au long du siècle dans ce domaine7, attestent également la reconnaissance de cette littérature. Le Cinna de Corneille est traduit en 1731 par le Marquis de San Juan8. L’Avare (1668) de Molière fait l’objet de plusieurs traductions-adaptations (1753 Madrid : Gabriel Ramírez, 1768, Barcelona : Piferrer, entre autres). Les œuvres contemporaines sont aussi représentées dans le texte espagnol. C’est le cas de Le préjugé à la mode de Nivelle de la Chaussée (1735) dont la version espagnole de Ignacio de Luzán paraîtra, selon Lafarga (voir note 7), en 1751 sous le titre : La razón contra la moda, comedia traducida del francés9. Autre exemple, vers la fin du siècle Le barbier de Séville (1775) de Beaumarchais fait l’objet d’une adaptation publiée en 178910. La (relative) rapidité de la diffusion de l’œuvre française est à noter dans ce cas.
7Une minorité cultivée attend avec impatience les nouveautés bibliographiques de France qui n’arrivent pas aussi vite qu’elles le pourraient. J. Sarrailh11 rapporte à ce sujet la « pathétique exclamation » de Feijoo : « L’immense retard des livres de France me fait grand mal » (p. 290)12. Le même historien rappelle quel est l’obstacle qui empêche, en de nombreuses occasions, la présence de cette littérature en Espagne : c’est « la douane de la pensée » de Voltaire (l’inquisition), qui plaçait parfois à l’index, en bloc, des œuvres entières (comme précisément celle de Voltaire en 1762), ou qui expurge des textes aussi inoffensifs que le Télémaque (en 1771). Cependant le tribunal ecclésiastique ne réussit pas vraiment à contenir le flux des livres français qui remplissent les étagères aussi bien des bibliothèques publiques que celles des Sociétés Economiques, des couvents, des Universités ou même des palais épiscopaux (comme c’est encore le cas dans cette même ville, grâce à l’archevêque Mayoral)13.
8Une abondante littérature religieuse (catéchismes, livres de dévotion, de méditations, d’exercices spirituels, de sermons, parfois de bon aloi littéraire, comme ceux de Bossuet14, Massillon15 Fléchier16, etc.), souvent traduite par des ecclésiastiques, passe aussi les Pyrénées, sans difficultés dans ce cas. Néanmoins, le nombre de ces traductions de type religieux, tout en restant considérable dans la seconde moitié du siècle, tendra à diminuer par rapport à celui des traductions profanes17.
1.2 La traduction du français en espagnol
91.2.1. Du point de vue des traductions scientifiques et techniques, qui nous intéressent directement ici, selon nos estimations, leur nombre est important surtout dans les dernières décades du siècle, dans le domaine de la physique et des mathématiques (voir annexe : § 1), de l’histoire naturelle (annexe : § 2), de la chimie (annexe : § 3), de la botanique et de l’agriculture (annexe : § 4).
10Historiquement, cette multiplication des textes traduits est due à l’essor des sciences et des techniques en France depuis la fin du XVIIe siècle et parallèlement au désir de l’Espagne de se mettre à jour dans certains de ces domaines qui y présentaient un moindre développement. Ce retard est admis par les Espagnols mais il deviendra polémique à partir du moment où dans l’Encyclopédie, Masson de Morvillers (article Espagne) fera table rase des apports des Espagnols au domaine des connaissances en général durant les siècles passés. Le texte du collaborateur de Diderot et D’Alembert secouera l’orgueil national. Mise à part la publication de réfutations (l’une d’entre elles réalisée par exemple par le botaniste Cavanilles (1784)18 qui écrivit un véritable traité de l’histoire de la science en Espagne pour démontrer combien était injuste le mépris français), de très nombreux traducteurs participent directement à la polémique. Ils ont alors à cœur de rappeler, dans leurs prologues ou dans la présentation de leur traduction, les domaines dans lesquels les Espagnols ont excellé aux XVIe et XVIIe siècles. C’est le cas, par exemple, de J. Clavijo y Fajardo qui fait précéder sa traduction de L’histoire naturelle de Buffon (1785) d’un prologue de plus de 50 pages énumérant les travaux des médecins, botanistes, mathématiciens espagnols, essentiellement, des siècles passés. Les traducteurs enrichiront leurs productions techniques de données personnelles ou spécifiquement espagnoles qui en étaient absentes. Cette polémique aura, donc des conséquences pour la traduction dans la mesure où les Espagnols voudront accentuer le caractère de réfection de l’œuvre traduite, soucieux d’y laisser la marque de fabrique espagnole. Ils prendront des distances avec le texte français, allant même parfois jusqu’à entrer en polémique avec les auteurs des œuvres sources. Par exemple, Clavijo y Fajardo (nommé supra) expliquera ainsi la raison des coupes qu’il a effectuées dans le texte original (p. LXX19) :
« Le but d’un traducteur doit être de traduire dans la langue nationale, pour le bien de cette dernière, le meilleur de ce qui se trouve écrit dans les autres. [...] je serai comme l’abeille qui recueille du nectaire et des pistils des fleurs, le miel, la cire et la résine [...]. Pour ne pas multiplier les notes [...], j’ai pris la liberté de faire ce que sans doute l’auteur lui-même aurait fait [...], employant au lieu de « il est évident » ou « constant », ou « il n’y a aucun doute », des formules comme « il semble », « on peut penser que » et d’autres semblables qui manifestent le doute ».
11Le traducteur espagnol invoque alors les intérêts de ses lecteurs pour ne pas toujours traduire intégralement le texte de Buffon, en n’y choisissant que ce que bon lui semble.
12Dans une note en pied de page qui complète et corrige sa source originale, Pedro de Ziriza20, ne peut s’empêcher, avec une amertume qu’il dissimule mal, de commenter ainsi le texte français qu’il traduit (note : p. 1121) :
« M. Cousin fait l’éloge et loue comme il se doit, les géomètres français qui allèrent mesurer le degré sous l’équateur, et il oublie les Espagnols qui les accompagnèrent dans tous leurs travaux. Il est nécessaire de reconnaître que les géomètres français sont dignes d’éloges, mais ne le sont-ils pas tout autant M. Jorge Juan et M. Antonio de Ulloa ? »
13D’une manière plus objective, Clavijo y Fajardo avait aussi ajouté quelques pierres à l’édifice de Buffon. Par exemple, il donnait des précisions sur un cas longuement commenté, semblable à celui que décrivait l’auteur français, qui s’était présenté à Madrid (« Il y a actuellement à l’Hôpital Royal de Saint Antoine Abbé (Real Casa-Hospital de San Antonio Abad), un jeune garçon couvert d’excroissances verruqueuses... »).
14En ce qui concerne les traducteurs eux-mêmes dont, logiquement, le nombre a augmenté, ils paraissaient parfois, peu spécialisés22. Par exemple, Juan Manuel Munárriz, traducteur du Traité élémentaire de Chimie de Lavoisier23 est un militaire aussi responsable de la traduction d’un livre de morale pour la jeunesse24 et, postérieurement – de manière moins surprenante – d’un traité technique sur la fabrication de la potasse (entre autres œuvres traduites)25. Néanmoins, les versions espagnoles de livres véritablement techniques sont le fait d’experts. Les Eléments de chimie de Chaptal26 sont traduits par un médecin qui se chargera aussi de la version espagnole de La nouvelle nomenclature chimique de Thénard27. La traduction espagnole de L’Introduction à l’étude de l’astronomie de Cousin par Pedro de Ziriza en 1796 (nommé plus haut) est signée par un ecclésiastique nécessairement compétent dans la matière traitée. Pour sa part, Juan Alvárez Guerra, traducteur des traités d’agriculture de l’Abbé Rozier28 souligne, sous le titre de l’œuvre en espagnol, qu’il est individuo de la clase de Agricultura de la Real Sociedad Económica de Madrid (il appartient à la Société Royale d’économie de Madrid).
15Il faut insister sur le fait qu’il y a, au XVIIIe siècle en Espagne, une telle masse de livres traduits (et parfois mal traduits) du français qu’il était inévitable que cette pratique devienne aussi le sujet de réflexions, souvent nées de considérations sur les résultats que pouvait avoir le passage du français à l’espagnol pour la richesse et la pureté de cette dernière langue29, mais aussi la cause d’une réaction contre le français qui est vu comme « avilissant » l’espagnol30.
16Les fréquentes lamentations sur la perte des valeurs autochtones du castillan abâtardi par le français intéressent de manière directe la traduction dans la mesure où c’est cette dernière langue qui est, selon leurs auteurs, la cause de cette décadence. Cependant, dans ce cas, les Espagnols oublient de parler d’autres conséquences aussi inévitables que positives. Les traductions françaises seront la source dans le domaine scientifique et technique. Les nomenclatures scientifiques dans la langue d’outre Pyrénées se constitueront sur le modèle de la terminologie employée dans les textes originaux.
2. L’influence de la traduction sur la langue espagnole : la configuration du vocabulaire technique espagnol
17Les traducteurs sont confrontés de manière aiguë au problème terminologique dans le sens du décodage mais aussi dans celui de l’encodage. Clavijo y Fajardo, traducteur de Buffon, insiste dans l’œuvre déjà citée, sur l’absence d’une terminologie propre à l’espagnol en histoire naturelle. Il considère que ce fait a deux causes. La première est l’habitude d’écrire les œuvres scientifiques en latin, ce qui a empêché le développement d’un vocabulaire autochtone (p. 11131) :
[...] De nombreux Espagnols qui ont traité les diverses branches de l’histoire naturelle écrivirent leurs œuvres en latin, d’autres hispanisèrent les termes latins des plantes dont ils traitèrent.
18La seconde est l’existence dans la langue espagnole de dénominations multiples d’origine régionale pour un même référent qui n’est pas identifié de manière stable (p. 11132) :
[...] D’autres [Espagnols], enfin, adoptèrent indistinctement les noms sous lesquels ces plantes étaient connues dans les diverses provinces ou royaumes où bien ils écrivaient, ou bien où ces plantes poussaient, sans leur donner le nom latin correspondant qui aurait permis d’en fixer la compréhension.
19L’absence d’un vocabulaire propre à l’espagnol et univoque pourrait être palliée dans le processus de traduction par l’utilisation d’un instrument lexicographique bilingue adéquat dans lequel les dénominations latines seraient le tertium comparationis. Cependant ce dernier n’existe pas et le traducteur insiste sur (p. 11133) :
[...] la confusion qu’on remarque dans tous les dictionnaires, même les plus dignes de crédit, en ce qui concerne les équivalents espagnols des termes d’histoire naturelle latins et français. En effet, sous un même nom, il est possible de trouver parfois deux ou trois éléments ou plantes différentes, correspondant à des genres ou des espèces diverses.
20Ces difficultés traductologiques conduiront l’auteur à confectionner, pour son usage personnel, une véritable base terminologique plurilingue, que, malheureusement pour nous, il ne publiera pas (Clavijo, p. 11134) :
[...] A force de constance [...], je suis parvenu à constituer un vocabulaire de cette science assez étendu. Mon intention première, quand j’eus terminé ce vocabulaire d’histoire naturelle en espagnol, latin et français, fût d’abord de l’éditer pour qu’il puisse être utilisé par tous ceux qui, dans cette faculté, apprennent dans les auteurs latins et, plus fréquemment, dans les français, car l’expérience m’avait fait voir la grande difficulté qu’il y a pour trouver dans notre langue les véritables équivalents des termes de l’histoire naturelle, si l’on ne s’adonne, au préalable, à une longue et pénible recherche. Diverses réflexions m’ont fait renoncer pour le moment à ce projet.
21La situation de Terreras y Pando, quelques années avant celle qu’a décrite Clavijo, est similaire. Elle avait amené le traducteur à entreprendre l’élaboration de son Diccionario castellano con las voces de las Ciencias y de las Artes qui est le fruit de la traduction du Spectacle de la nature de l’Abbé Pluche (Madrid : 1786, xj35) :
Ma première décision, après avoir traduit Le Spectacle de la nature, fut de faire une sorte d’index ou de vocabulaire des mots qu’avec tant de soin, j’avais cherchés à cet effet auprès des artisans et dans le domaine de la nature.
22A peu près au même moment, le traducteur du Dictionnaire de physique de Brisson déplore de manière identique, les lacunes des nomenclatures scientifiques, attribuant à ces dernières d’éventuelles traductions peu heureuses (p. XXV1136) :
Malgré le soin scrupuleux que nous avons mis à tenter de traduire des matières d’une si grande utilité générale, le fait qu’il se trouve des mots qui n’ont pas d’équivalents dans notre langue, ou bien à cause de leur nouveauté ou bien parce qu’ils concernent des matières n’ayant pas été cultivées en Espagne, nous a sans doute parfois empêché de leur donner leur sens juste.
23Le remède a aussi été pour le traducteur le recours à la recherche directe dans les dictionnaires, toujours insuffisants, et chez les spécialistes (p. XXV1137) :
Dans notre désir de ne commettre aucune erreur, nous avons consulté tous les chefs-d’œuvre écrits dans notre langue qui pouvaient nous apporter quelque lumière. Nous avons recouru à de savants professeurs quand nous doutions ou quand nous avions besoin d’une confirmation ; en d’innombrables occasions, nous avons parcouru les ateliers publics de cette ville pour assister à divers travaux et vérifier, auprès des artisans eux-mêmes, ce sur quoi les livres ne nous renseignaient pas avec clarté.
24C’est précisément l’absence d’instruments lexicographiques adéquats qui fait naître les polémiques concernant certains référents. Le traducteur de Brisson répond ainsi à des critiques qui lui ont été faites sur la traduction du terme ‘craie’ (Appendice38) :
‘Craie’[en français dans le texte], dites-vous, a été traduit par ‘glaise’ au lieu de ‘craie’, substance différente de la glaise, puisque cette dernière est une terre argileuse alors que, pour vous, la ‘craie’ [en français dans le texte] est une terre calcaire [...]. Quelle ignorance de la langue des chimistes ! ‘Greda’ est dans notre langue une terre calcaire non argileuse dont vous attribuez la propiété seulement à la craie. Ouvrez les Eléments de chimie de Chaptal, traduits par le Prof, de chimie M.I. Lorente, lisez à la page 92, ce qui traite des pierres formées par le mélange des pierres calcaires avec celles d’autres genres. Lisez à la page 303 du T.I des Eléments de l’art de la teinture de Berthollet traduits par le savant Professeur D. Garcia Fernández, et vous verrez que les noms anciens ‘Greda’et ‘Creta’ sont synonymes, de telle sorte que le carbonate de fer est appelé craie [‘creta’] ou craie (‘greda’) martiale, le carbonate de baryte, ‘greda’ ou ‘creta’ barytique[...], etc. Lisez à fond la nouvelle Pharmacopée du Royal Collège de Médecins de Londres, traduit en espagnol par D. Casimiro Gómez Ortega, et vous y verrez que la craie (‘creta’ ou ‘greda’) est une terre alcaline absorbante et soluble dans le vinaigre et dans d’autres acides végétaux, et qui peut être transformée en chaux par le feu.
25Les polémiques de ce genre au sujet de termes isolés de textes espagnols traduits sont nombreuses et interminables au XVIIIe siècle, renvoyant à une double question, pas toujours distinguée nettement dans les critiques et contre-critiques. D’une part, il s’agit, dans la traduction, de l’identification des référents dénotés (dans la phase du décodage du texte source par le traducteur), et d’autre part, du transcodage dans une langue qui n’a pas encore de terminologie scientifique stabilisée.
26Ces polémiques, en relation directe avec les unités des sous-langues scientifiques et techniques, constituent une manifestation du déséquilibre qui existe à la fin du XVIIIe siècle entre les nomenclatures, déjà constituées, en français, conformées ex novo, et les vocabulaires encore en voie de constitution de l’espagnol – cette constitution terminologique passant précisément par le processus de traduction. Il s’effectuera donc dans le domaine de l’espagnol grâce à la traduction d’œuvres scientifiques françaises, un travail terminologique qui consistera :
en la création d’unités nouvelles sur le modèle de celles antérieurement créées en langue source,
en une spécialisation sémantique de termes préexistant dans cette langue cible (qu’attestent les discussions sur le sens technique de ‘craie’ par exemple).
27Nous envisagerons rapidement -il n’est pas possible de faire autrement dans le cadre étroit de ce texte- les deux phénomènes.
2.1 La traduction de nouvelles unités à formants grecs ou latins
28Selon Brunot (T. IX, p. 1204-1234), le XVIIIe siècle ouvre en France la période de la généralisation de la formation grecque et latine dans le langage scientifique : « Le développement des sciences de la botanique avec Linné et Jussieu, de la chimie avec Guyton de Morveau et Lavoisier, s’accompagne de la création d’une nomenclature précise, condition de la connaissance exacte et de la formulation d’un système de désignation des notions appartenant à une même science [...] ». Pendant cette période, « il est convenu dans l’Europe savante que, pour être entendu dans toutes les langues, un mot doit tirer son origine du grec qui, pour toutes les civilisations est la langue génératrice de mots, la langue-mère » (Brunot, p. 1221, T. IX). Le latin reste aussi présent dans un grand nombre de bases et de dérivés, raison pour lesquelles les traducteurs espagnols n’auront aucune difficulté pour adapter les néologismes français à formants grecs et latins à leur propre langue.
29Nous fournirons ce qui nous paraît une preuve du caractère totalement automatique de ce processus de création néologique savante par transposition. On peut constater dans le dictionnaire espagnol de Terreros y Pando 178639 que quelques unes des formations savantes qui figuraient dans les dictionnaires français du XVIIe et XVIIIe siècle (que le lexicographe espagnol, de son propre aveu, a utilisés pour établir sa nomenclature scientifique) sont incluses dans le recueil espagnol, donc probablement empruntées à la langue voisine. C’est le cas des termes français :
hydraulique,
hydrométrie,
hydroscopie,
hydrostatique, etc.
qui se retrouvent chez Terreros y Pando parallèlement sous les formes :
hidraúlico,
hidrometria,
hidroscopia,
hidrostàtica, etc.,
Mais d’autres formations savantes ont été directement créées en espagnol. C’est le cas de :
hidraúlico-pneúmatico
hidrogojla.
30Il n’existait pas de formations jumelles dans les dictionnaires français et la source espagnole est citée par le lexicographe40.
31Cette famille espagnole hidro est donc d’origine mixte, de création française pour certaines unités qui seront postérieurement calquées en espagnol, et de création purement espagnole pour d’autres. Il y a donc des procédés néologiques parallèles dans les deux langues (comme dans le reste des langues romanes) et, en conséquence, une intégration morphologique totale des formations de base savante à l’espagnol, qu’elles aient appartenu antérieurement au français (ou à une autre langue romane), ou qu’elles aient été formées directement pas des Espagnols. Cette caractéristique permettra aux traducteurs de créer automatiquement les néologismes nécessaires à la langue cible, et assurera à ces unités la considération d’éléments autochtones, bien qu’ils ne le soient pas toujours.
32Néanmoins, dans ces nomenclatures scientifiques, il est possible de constater qu’il se produit parfois des hésitations entre certaines formes. C’est le cas d’éléments de la terminologie chimique comme ‘acetato’ [acétate], ‘sulfuro’ [sulfure], etc., qui furent, dans un premier temps, directement adoptés du français dans leur forme : ‘acetate’ et ‘sulfure’ et qui, postérieurement, régularisèrent leur terminaison en o, la plus fréquente en espagnol. Il en va de même pour ‘vaccin’, par exemple, d’abord traduit par ‘vaccina’, mais qui s’intégrera définitivement à l’espagnol sous la forma vacuna’41.
2.2. La traduction de nouvelles unités métaphoriques
33Certaines unités des nomenclatures scientifiques ont un mode de formation qui ne recourt ni aux racines ni aux affixes grecs ou latins. Elles mettent en jeu la représentation d’un phénomène qui reçoit une dénomination relevant de la langue standard mais que son emploi dans des textes scientifiques ou techniques spécialisera sémantiquement. C’est le cas, entre autres, des éléments que nous avons soulignés dans la liste française des termes d’électricité tirée du Dictionnaire de physique (2e ed., an VII de la République) de J. Brisson, ci-dessous (Discours préliminaire, xij).
Electricité
Electrisation
Electriser
Matière électrique
Tube électrique
Machine électrique
Conducteur
Atmosphère électrique
Aigrettes
Divergences électriques
Point lumineux
Electromètre
Isoler
Gâteau
Pointes électriques
Pouvoir des pointes
Batterie électrique
Arc conducteur
Coup foudroyant
Tableaux électriques
Eclair
Tonnerre
Foudre
Cerf-volant électrique
Charriot électrique
34Si nous comparons la traduction du Diccionario de Fisica, 1796 1) nous constatons que ces formations métaphoriques se retrouvent transposées fidèlement en espagnol, la représentation qui a donné initialement lieu à la nouvelle dénomination se conservant dans le texte cible (Diccionario de fisica, XXII) :
Aigrettes | Penachos |
Point lumineux | Punto luminoso |
Isoler | Aislar |
Gâteau | Torta |
Pointes électriques | Puntas eléctricas |
Arc conducteur | Arco conductor |
Coup foudroyant | Golpe fulminante |
Tableaux électriques | Quadros eléctricos |
Cerf-volant électrique | Cometa eléctrica |
Charriot électrique | Carro eléctrico |
35Le traducteur espagnol n’a donc pas cherché d’autres représentations des phénomènes déjà baptisés en langue source ni même une formation abstraite42. Les nouvelles dénominations espagnoles vont de cette manière commencer un chemin qui, avec le temps, en fera des termes dont l’une des acceptions sera spécialisée dans le domaine de l’électricité et constituera une unité de cette nomenclature scientifique, parallèlement à ce qui s’était passé pour le français.
36Dans certains cas, une fidélité néologique excessive amènera le traducteur à la formation de termes spécialisés que le temps se chargera de faire disparaître, car leur interprétation y était entravée par le calque, trop respectueux de la morphologie française, les rendant sémantiquement opaques de ce fait. Ainsi le Diccionario de fisica de Brisson déjà nommé se réfère à une ‘marmita de Papin’ (néologisme calqué morphologiquement sur le français ‘marmite’), qui sera transformée postérieurement en ‘olla de Papin’43. Cette dernière formation suppose une représentation immédiate pour les hispanophones. Il est à noter qu’à l’intérieur du développement correspondant dans le Diccionario à cette entrée ‘marmita de Papin’, le traducteur emploie parfois ‘marmita de Papin’, parfois ‘olla de Papin’, montrant de cette manière l’instabilité initiale du syntagme ‘olla de Papin’, qui, au moment où Brisson est traduit, n’est pas encore lexicalisé en espagnol.
3. Conclusions
37Pour clore ce texte, nous soulignerons que nous voulions seulement y signaler des directions de recherche qui devraient être développées systématiquement pour déterminer de manière fiable l’origine des vocabulaires scientifiques espagnols.
38L’étude précise de l’ensemble des textes espagnols traduits du français, mise en œuvre dans une visée lexicologique et historique, devrait permettre la confection de répertoires où il serait possible de dater l’entrée dans la langue castillane de nombre de ses unités et de mettre en évidence, du même coup, leur origine (de manière indubitable, majoritairement française jusqu’au milieu du XXe siècle). L’histoire de la traduction fournirait ainsi des données aux lexicographes espagnols pour la confection du dictionnaire historique de cette langue dont l’inexistence fait défaut aux chercheurs actuels, qui tentent de déterminer la présence d’emprunts étrangers dans l’espagnol de notre époque.
Annexe
Annexe : Œuvres scientifiques et techniques traduites du français en espagnol au XVIIIe siècle
Cette liste a été confectionnée principalement à l’aide du répertoire de FAP44, de consultations à la BNM45, à la BUV46 et dans les catalogues de la BN de Paris. Evidemment non exhaustive, elle n’est présentée qu’à titre d’échantillon.
1 – Physique et mathématiques
Brisson Jacques Mathurin, 1796-1802, Diccionario Universal de fisica escrito en francés por M. Brisson Madrid : Benito Cano [traducteur : Cladera, Cristóval, & F.X.C.).
Cousin Jacques Antoine Joseph, 1796, Introduction al estudio de la astronomia fisica, escrita en francés por M. Cousin Madrid : P. Julián Pereira [traducteur : Ziriza, Pedro de].
Godin Louis, 1788, Compendio de Matemáticas par el uso de los Caballeros Guardias-Marinas. En la Real Isla de León. En la imprenta de la misma Academia [Traducteur : ?).
Legendre Adrien Marie, 1807, Elementos de geometria., Madrid : Repullés [traducteur ?].
Nollet Jean Antoine, 1747, Ensayo sobre la electricidad [traducteur : Vázquez y Morales, Joseph]
Nollet Jean Antoine, 1757, Lecciones de fisica experimental 1757 Madrid : Joachin Ibarra [traducteur : Zaccagnini, P. Antonio]
Sigaud de la Fond, 1787-89 6 vols. Elementos de Fisica. Traducidos añadiendo la descriptión de las máquinas y modo de hacer los experimentos ; la meteorología, el sistema del mundo. Madrid : Impr. Real [traducteur : Lope y Aguilar, Tadeo]
2 – Histoire naturelle
Buffon Comte de, 1785, Historia general y particular escrita en francés por el Conde de Buffon [...] y traducida por D. Joseph Clavijo y Faxardo [...] Madrid : D.J. Ibarra (Prologue du Traducteur : III-LXXII) [Traducteur : Clavijo y Fajardo, J.]
Buffon Comte de, 1802 Compendio de la Historia Natural de Buffon Madrid : Villalpando 20 vols. [Traducteur : Estala, P.].
Chabaneau François, Elementos de ciencias naturales Madrid Vda. de Ibarra [traducteur : ?].
Pluche Abbé, 1753-1755 El espectáculo de la naturaleza Madrid : J. Ibarra [Traducteur : E. de Terreros y Pando].
Pomey Le P., 1705, Universo abreviado a donde están contenidas en diversas listas, casi todos los nombres de las obras de la naturaleza de todas las ciencias y de todas las artes [traducteur : le P.F.T. Croiset, Lyon : P. Vanfray (Titre original : Indiculus Universalis, Paris 1667)]
Sigaud de la Fond, 1800, Diccionario de las maravillas de la Naturaleza que contiene indagaciones profundas sobre extravíos de la naturaleza [...]. [Traducteur : Badia y Leblich, M.].
3 – Chimie
Berthollet Claude-Louis, Comte de, 1795, Elementos del arte de teñnir traducido del francés por D. Domingo Garcia Fernandez 1795 Madrid : Imprenta Real [Traducteur : Garcia Fernández, Domingo],
Berthollet Claude-Louis, Comte de, 1796 Arte del blanqueo por medio del ácido muriático... traducido del francés al castellano por D. Domingo Garcia Fernandez, Madrid : Imprenta Real [Traducteur : Garcia Fernández, Domingo],
Berthollet Claude-Louis, Comte de, Memorias sobre el blanqueo del lino, algodón y otras materias... Madrid : A. de Sancha [Traducteur : Gutiérrez Bueno, P.].
Chaptal Jean Antoine, 1793-1794,Elementos de Química escritos en francés por M.J.A. Chaptal, Profesor de Química en Montpellier Madrid Vda. de Marin [Traducteur : Lorente, Ignacio],
Gyllemborg Conde Gustavo Adolfo, 1775, Elementos naturales y Chymicos de Agricultura del Conde... Madrid : Ibarra [Traducteur : Gómez de Ortega, C.].
Fourcroy 1803-1808 Sistema de los conocimientos quimicos y de sus aplicaciones a los fenómenos de la Naturaleza y del Arte Madrid : Imprenta Real (10 vols.) [Traducteur : Gonzalez Azaola, G.].
Lavoisier Antoine Laurent, 1798 Tratado Elemental de Química [Traducteur : Munárriz, Juan Manuel].
Guyton Louis Bernard Comte de Morveau, 1788, Elementos de química teórica y práctica 1788 Madrid : Benito Cano [traducteur : Guardia y Ardevol, Melchor de],
Lemery Nicolas, 1703, Curso Chymico del Dr. Nicolas Lemery, Madrid : Garcia Infançon [Traducteur : F. Palacios]
Lemery Nicolas, 1706, Palestra Pharmaceutica Chymico-Galenica, Madrid : Garcia Infançon [Traducteur : Palacios, F.]
Macquer Pierre Joseph, (....) Elementos de Quimica Theorica [Traducteur : Suarez Núñtez, M.J.].
Método de la Nueva Nomenclatura Quimica propuesta por M. Morveau, Lavoisier, Berthold y De Fourcroy en la Academia de las Ciencias 1788 Madrid : A. de Sancha [Traducteur : Gutiérrez Bueno, P.].
Ribacourt 1791 Elementos de Quimica docimàtica para uso de los plateros, ensayadores, apartadores, y afinadores Madrid : A. Fernández [Traducteur : Suárez Núñez, M.J.],
4 – Botanique et agriculture
Duhamel Du Monceau Henri-Louis, 1751, Tratado del cultivo de las tierras por el Dr. D. Madrid : Imprenta del Mercurio [Traducteur : Aoiz, M.J.]
Duhamel Du Monceau Henri-Louis, 1773,Tratado de las siembras y plantíos de árboles y de su cultivo... escrito en frances por el célébré Mr. Duhamel du Monceau, y traducido al castellano con notas por el Dr. D. Madrid : J. Ibarra [Traducteur : Gómez de Ortega, C.]
Duhamel Du Monceau Henri-Louis, 1774, Tratado del cuidado y aprovechamiento de los montes y bosques, corta, poda, bénéficia y uso de sus maderas y leñas : escrito en francés [...]. Madrid : J. Ibarra [Traducteur : Gómez de Ortega, C.]
Rozier Abbé François de, 1797-1803, Curso completa ó Diccionario Universal de agricultura, Teórica, Práctica, Económica y de Medicina Rural y Veterinaria. Escrito en francés por una sociedad de agrónomos y ordenado por el Abad Rozier. Traducido al castellano por D. Juan Alvarez Guerra Individuo de la clase de Agricultura de la Real SociedadEconômica de Madrid Madrid : Imprenta Real por P.J. Pereyra (16 vols) [traducteur : Alvarez Guerra, Juan],
Notes de bas de page
1 Une version espagnole de ce texte a été publiée dans la revue Livius, n° 9, 65-82.
2 F. Aguilar Piñal 1981-1992 Bibliografia de autores españoles del Siglo XVIII (8 vols.), Madrid : CSIC.
3 Fernández Gómez J.F. y N. Nieto Fernández, 1991, Traducción y acción cultural : España-Francia (Eds. M.L. Donaire & F. Lafarga) Oviedo : Universidad.
4 San Vicente, Félix, 1996 « Lexicografia y catalogación de nuevos saberes en España durante el siglo XVIII » El siglo que Ilaman Ilustrado. Homenaje a Francisco Aguilar Piñal. Eds. Alvárez Barrientos, Joaquín & José Checa Beltrân Madrid : CSIC, p. 783-94.
5 Voir : J.A. Moreno Villanueva, « Jean-Antoine Nollet y la difusién del estudio de la electricidad : un nuevo léxico para una nueva ciencia », p. 405-419 ; C. Garriga Escribano : « Apuntes sobre la incorporación del léxico de la química al español. La influencia de Lavoisier », p. 419-437 in Documents pour l’histoire du français langue étrangère et seconde, n° 18, décembre 1996 (eds. J. Garcia-Bascunana, B. Lépinette 6 C. Roig). Signalons le projet de recherche (subventionné par la DGICYT) de Juan Gutiérrez Cuadrado (Université de Barcelone) : « El vocabulario de la Química española en el Siglo XIX ».
6 1722, Les aventures de Télémaque, fils d’Ulysse. Madrid : Imp. Royale.
7 Lafarga F. 1983 Las traducciones españoles de Teatro francés (1700-1835) Barcelona : PPU.
8 Voir p. 588 : J.F. Fernández Gómez y N. Nieto Fernández : 1991 : « Tendencias de la traducción de obras francesas en el siglo XVIII » in Traducción y acción cultural : Espana-Francia (Eds. M.L. Donaire & F. Lafarga) Oviedo : Universidad (579-593).
9 Madrid, Imprenta del Mercurio por J. de Orga.
10 Madrid : Antonio de Sancha.
11 La España ilustrada de la segunda mitad del siglo XVIII, 1957 México : Fondo de cultura económica (Traduction espagnole de L’Espagne éclairée de la seconde moitié du XVIIIe siècle, Paris, 1954, que nous avons utilisée).
12 Voir aussi à ce sujet Aguilar Piñal Francisco 1984 « Le livre français dans la bibliothèque de Jovellanos » Dix-huitième Siècle, n° 16, 405-9.
13 Voir à ce sujet, Sarrailh, 1957 : 291-312.
14 Par exemple : Exposición de la Doctrina de la Iglesia catholica acerca de materias de controversia. Escrita por el Ilmo. Sr. Diego Benigno Bossuet, Madrid, s.a. 1730 [Le traducteur en est José Antonio Miravel y Herrera] (cité par Aguilar Pifial 1989, Madrid : CSIC, n° 5055. Voir note 13, pour la référence complète de cette œuvre).
15 Par exemple, Sermones sobre diferentes Evangelios de Quaresma y acerca de diversos assumptos de la moral christiana. Por el Ilmo. y Rmo. Sr. D. Juan Massillon 1730 Madrid : Bemardo Peralta [Le traducteur en est aussi José Antonio Miravel y Herrera],
16 Fléchier Esprit 1774-76 Sermones del Ilmo. Sr. Espiritu Flechier Madrid : A. Fernández [Traducteur : Juan Arribas y Soria].
17 J.F. Fernández Gómez y N. Nieto Fernández 1991 : 584.
18 Cavanilles A. José Observciones sobre el articula España de la Nueva Enciclopedia [...] Madrid : Imprenta Real. Un texte en français avait été rédigé par le même savant et envoyé aux rédacteurs de L’Encyclopédie qui alléguèrent – avec une certaine mauvaise foi – que les données présentées par Cavanilles n’étant pas connues en France quand l’article Espagne y avait été rédigé. De ce fait, le rédacteur français n’avait pas à rectifier ses dires.
19 Dans toutes les citations nous respectons les graphies originales, espagnoles et françaises. C’est nous qui avons traduit les textes espagnols cités dans cet article (dans le cas présent, nous ne l’avons fait que pour les parties soulignées) :
« Estoy muy lejos de creer par mi antojo truncar ni desfigurar mi modelo, si no me obliga a ello la necessidad. [...] El objeto de un traductor debe ser trasladar al idioma patrio, para bénéficia de su naciàn. lo bueno que hay escrito en otras lenguas ; pero no el traducir cosas que, además de no ser útiles ni instructivas, pueden traer perjuicio, y principalmente en materia de Religion, yo haré lo que la abejas, las quales recogen de los nectarios y estigmas de las flores la miel, la cera y la pópolis [Note du traducteur : especie de résina que las abejas sacan de las flores]. En la Teoría de la Tierra suele tratar el autor [Buffon] de evidenciar sus conjeturas, 6 las consequencias que saca de varias observaciones, pudiendo ser estas ciertas, como ya he dicho, sin serlo las inducciones. Para no amontonar notas [...], he tomado la licencia de hacer lo mismo que hubiera hecho sin duda el Autor, despues de su respuesta á la censura de la Facultad de Teologia, poniendo en lugar de es évidente, es constante, no admite duda, las frases hay apariencia, puede discurrirse y otras semejantes, que manifiestan incertidumbre.
20 Cousin Jacques-Antoine Joseph, Introductión al estudio de la Astronomia fîsica, escrita en francés por M. Cousin traducida al castellano por D. Pedro de Ziriza, Madrid : Pedro Julián Pereira.
21 « M. Cousin elogia, y da alabanza debida á los geometras franceses que fueron á medir el grado baxo del equador, y se olvida de los Españoles compañeros de aquellos en todos sus trabajos. Es forzoso confesar que los Geometras franceses son acreedores á los elogios de de M. Cousin. Pero ¿ los merecerán menas los Señores Don Jorge Juan y D. Antonio de Ulloa ? [...] ».
22 Entre de nombreux exemples possibles, J. Clavijo y Fajardo (1785) a traduit des œuvres littéraires et plus tard, comme nous l’avons dit, L’histoire naturelle de Buffon. Dans cette perspective il faut citer P. Demerson 1976 in « Esbozo de la juventud ilustrada 1740-1808) » Cátedra Feijóo, Textos y estudios del siglo XVIII, n° 5, Oviedo, qui distingue trois groupes sociaux de traducteurs : les ecclésiastiques, les militaires et les juristes.
23 Tratado elemental de Químíca, Madrid : Imprenta Real 1798
24 Elementos de moral para la instrucción de la Noble juventud 1792 Valladolid, Vda. e Hijos de Santander.
25 Arte de fabricar el salino y la potassa.[...] 1795 Segovia : Espinosa. Voir aussi notre annexe.
26 Elementos de Química escritos en froncés por Mr. JM. Chaptal 1793-94 Madrid : Vda. e Hijo de Marín.
27 Nueva Nomenclatura Química, según la clasificación adoptada por M. Thénard Madrid : 1818, s.i.
28 Rozier Abbé de 1797-1803 Curso compléta ó Diccionario Universal de agricultura, Teórica, Práctica, Económica y de Medicina Rural y Veterinaria. escrito en froncés por una sociedad de agrónomos y ordenado por el Abad Rozier. Traducido al castellano por D. Juan Alvarez Guerra Individuo de la clase de Agricultura de la Real SociedadEconómica de Madrid Madrid : Imprenta Real por P.J. Pereyra (16 vols).
29 A ce sujet, F. Lázaro Carreter 1985 in La historia de las ideas lingüisticas en España durante el siglo XVIII Barcelona : Critica (p. 276-280), rappelle qu’il fut même question de créer une Academia de Traductores (Académie de Traducteurs), institution, parallèle à celle de la Real Academia Española, qui aurait été chargée de veiller sur la pureté de l’espagnol dans les textes traduits. Voir également à ce sujet les p. 24-26 Introducción à El Arte de traducir de Ma del Carmen Femândez Diaz (1987, Santiago : Universidad) et son développement sur J.-P. Fomer.
30 Un auteur de la fin du XVIIIe siècle (José Ponce, Declamaciôn contra los abusas introducidos en el castellano presentada y no premiada en la Academia Española, año de 1791. Siguela una disertación sobre la lengua castellana y la antecede un diálogo que explica el designio de la obra. Madrid : Vda. de Ibarra 1793 : 38, Madrid) peint de cette manière la néfaste habitude de traduire du français :
La alteración que introduxo tan íntimo comercio de hombres y de libros empezó por los vocablos, despojándose los propios, exresivos y gratos, las oportunas onomatopeyías por los de obscuro origen y de aqüende de los Pirineos insignificantes. Conocimientos antiguos que de nosotros pasaron a la Europa entera, fueron ya pronunciados á la Francesa, y así reconocidos por Españoles : y esta fué la primera plaga que á la descubierta acometió y afligió al cstellano. Cundió el dialecto de moda, entró su enseñanza como una de las primeras tareas de la educación, hízose gentileza al hablarlo, y ya se adulteró la frase patricia, perturbando su giro. La adequada degradación de los diminutivos, y aquellos aumentativos tan graduado, y las clausulas geniales del idioma que comunican tal ayre y lindura á la conversación, y que tanto deleytan quando departen entre sí las dueñas de Zamora ó de tierra de Campos, fueron miserablement substituidos por galicismos cortados sin espíritu y sin gracia : segunda y dolorosa herida que penetró mas intimamente que la anterior en las entrañas de la lengua.
Voir aussi à ce sujet José Checa Beltrán 1991 « Opiniones dieciochistas sobre la traduction como elemento enriquecedor o deformador de la propia lengua » in Traducción y acción cultural : Espana-Francia (Eds. M.L. Donaire & F. Lafarga) Oviedo : Universidad, p. 593-603.
31 Muchos Españoles que han tratado de los varios ramos de Historia natural, escribiéron sus obras en latín, otros españolizáron las voces Latinas de los mixtos de los que trataban.
32 Otros enfin adoptáron indistintamente los nombres con que eran conocidos en las Provincias ó Reynos en que escribían ó en que se criaban las mismas producciones, sin darles la correspondencia latina que hubiera podido fijar su inteligenca.
33 la confusión que se nota en todos los diccionarios, aun los mas acreditados, en quanto a las correspondencias Castellanas de las voces Latinas y Francesas de Historia natural, pues a veces se incluyen baxo de un mismo nombre dos o tres producciones o mixtos diversos, y a veces a una misma producción se le dan nombres distintos, correspondientes a dos o tres diversos géneros o especies.
34 Voir Clavijo y Fajardo José [s.a. J Ensayo de un vocabulario de Historia natural ms. 366 fol. [Madrid : Academia Española : ms. 220] : A fuerza de constancia [..] consegui formar un mediano vocabulario de esta ciencia [historia natural]. Mi primer pensamiento, quando ya tuve formado este vocabulario de Historia Natural en los idiomas Castellano, latino y Francés, fué dárle a luz para que se utilizasen â los que estudian esta facultad en los autores Latinos, y con mas feqüencia en los Franceses por haberme hecho conocer la experiencia lo dificil que es hallar los verdaderos équivalentes de las voces de la Historia Natural en el idioma patrio, si no precede una larga y penosa investigación. Varias reflexiones me han hecho desistir por ahora de este propósito [...].
35 La primera determinaciôn fue, habiendo traducido El Espectaculo de la naturaleza, formar una especie de indice o vocabulario de las voces que busqué con sumo cuidado en las artesy en la naturalezapara este efecto [...].
36 A pesar del escrupuloso cuidado con que hemos procurado traducir unas materias de una utilidad tan general, y que se hallan voces que, ó por su novedad, ó porque no se han cultivado en españa, no tienen su correspondencia exacta en nuestra lengua, quizá no habremos acertado alguna vez á dar el verdadero sentido.
37 Hemos consultado para no errar todas las Obras maestras que tenemos en nuestra lengua, que nos han podido suministrar alguna luz ; que hemos recurrido á sabios profesores quando hemos dudado, ó no nos hemos fiado de nuestro parecer y que repetidas veces hemos recorrido los talleres públicos de esta Corte para presenciar las operaciones y cerciorarnos por los mismos Artistas, acerca de lo que no nos indicaban con claridad los mismos libros.
38 Craie, dice vmd. traducen Greda en lugar de creta, substancia distinta de la greda, puesto que esta es una tierra arcillosa, la craie ó creta es una tierra caliza [...] / Qué ignorancia del lenguaje de los Químicos ! Greda es en nuestra lengua una substancia caliza (no arcillosa) cuya propiedad atribuye vmd. solo á la creta. Abra vmd. los Elementos de Química de Chaptal, traducidos por el Profesor de Química D. Ignacio Lorente ; lea vmd. en la pág. 92 lo que trae de las piedras formadas por la mezcla de piedras calizas con otras especies. [...] Lea vmd. en la pág. 303 del T. 1° de los Elementos del arte de teñir de Berthollet [...] traducidos por le Sabio Profesor D. Domingo García Fernandez, y verá que los nombres antiguos Greda y Creta son sinónimos : así es que al carbonate de hierro se le llama Creta ó Greda marcial ; al Carbonate de barita, Greda o creta barítica [...] & c. Registre vmd. la nueva Farmacopea del Real Colegio de Médicos de Londres, traducido al castellano por D. Casimiro Gómez Ortega, y aprenderá que : la creta o greda es una tierra alkalina absorvente, soluble en vinagre y otros ácidos vegetales, y reducibles á cal por medio del fuego.
39 Diccionario castellano con las voces de ciencias y artes y sus correspondientes en las tres lenguas, Francesa, Latina, Italiana, Madrid : Vuida de Ibarra 1786. L’auteur en est le P. Esteban de Terreros y Pando (1707-1782), jésuite qui utilisa souvent le Dictionnaire de Trévoux pour sa propre ceuvre (publiée de manière posthume), voir prologue du Diccionario, p. VIJ et IX).
40 Ces deux termes furent employés dans les Conclusiones matématicas defendidas en el Real Seminario de Nobles en 1748 selon le lexicographe (s.v. hidraúlico-pneúmatico et s.v. hidrogojía).
41 Cf. le titre suivant : Hernández (Pedro) 1801 Origen y descubrimiento de la vaccina. Traducido del francés, [c’est nous qui soulignons] Madrid : Benito García y Cía
42 II est à signaler que le traducteur de Brisson n’a pas été le premier à mettre en espagnol des textes concernant l’électricité. Voir aussi Vázquez y Morales qui traduisit Nollet (1747, cf. liste en annexe).
43 L’équivalent espagnol de marmite est olla.
44 FAP = Francisco Aguilar Piñal (Voir note 2)
45 BNM = Biblioteca Nacional de Madrid.
46 BUV = Biblioteca Universitaria de Valencia.
Auteur
Universitat de València
Docteur en Philologie romane (1978, Madrid, Espagne) et professeur titulaire de la Faculté de Philologie de l’Université de Valence (Espagne) depuis 1980. Auteur d’une cinquantaine d’articles consacrés génériquement à la linguistique contrastive et à la traduction franco-espagnole, actuelles ou dans l’histoire, ses recherches se sont toujours situées au point de convergence entre les domaines français et espagnol. Elle a dirigé plusieurs thèses sur la lexicographie bilingue français-espagnol et sur des aspects de la lexicographie espagnole influencés par le français. Ses travaux récents concernent l’enseignement de la langue française en Espagne, du XVIe au XVIIIe siècle et l’influence des grammaires françaises (éditées en France) dans ces ouvrages d’outre-Pyrénées. Elle est également en train de constituer un répertoire de traductions françaises non littéraires, réalisées au XVIIIe siècle en Espagne.
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Pour une interdisciplinarité réciproque
Recherches actuelles en traductologie
Marie-Alice Belle et Alvaro Echeverri (dir.)
2017
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 1
Michaël Mariaule et Corinne Wecksteen (dir.)
2011
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 2
Michaël Mariaule et Corinne Wecksteen (dir.)
2012
La traduction dans les cultures plurilingues
Francis Mus, Karen Vandemeulebroucke, Lieven D’Hulst et al. (dir.)
2011
La tierce main
Le discours rapporté dans les traductions françaises de Fielding au XVIIIe siècle
Kristiina Taivalkoski-Shilov
2006
Sociologie de la traduction
La science-fiction américaine dans l’espace culturel français des années 1950
Jean-Marc Gouanvic
1999