De Gaulle, la Résistance et l’économie du Nord - Pas-de-Calais (1940-1945)
p. 15-37
Texte intégral
1L’histoire de la Seconde guerre mondiale est de mieux en mieux connue. Après l’époque glorieuse des témoignages d’acteurs, à commencer par celui du général de Gaulle lui-même, a commencé le temps des historiens, dont deux générations ont maintenant débroussaillé la plupart des aspects : opérations militaires, vie politique, résistances, évolution économique et sociale, dimension culturelle.
2L’économie n’a pas été négligée puisque les premières publications en 1945-50 étaient des états financiers officiels comme le grand Inventaire de la Situation Financière (1946) et un Bilan chiffré des dommages de l’Occupation1, mais depuis une trentaine d’années, l’organigramme de l’exploitation mis en place par le Reich, le dispositif administratif du régime de Vichy, les projets de la résistance, le fonctionnement de l’économie réelle, le ravitaillement ont été inventoriés de manière plus ou moins systématique à l’échelle nationale et régionale. La décennie 2000 a ainsi fait l’objet d’un important programme de recherche de l’histoire des entreprises françaises sous l’occupation allemande, balisant la plupart des secteurs, des types d’entreprises et des régions. Les trois domaines les plus inventoriés sont : l’Administration et la politique économique de la période, les entreprises et la vie quotidienne. D’autres domaines sont déjà abordés, mais mériteraient de plus amples développement : ainsi le STO, longtemps négligé, bénéficie d’un regain d’intérêt depuis le début de la décennie2.
3Le Nord - Pas-de-Calais bénéficie depuis longtemps d’une tradition d’histoire économique et son évolution pendant le conflit est désormais bien connue, notamment grâce à l’excellente synthèse d’Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord - Pas-de-Calais dans la main allemande, 1940-44, Lille, 1999. Du côté du général de Gaulle3, la dimension économique n’est pas toujours systématiquement inventoriée en tant que telle pour cette période, même si l’évolution et la politique économique des années 1939-45 sont désormais bien connues4.
4Le sujet traité dans le présent papier, qui se veut une première synthèse, part de l’évolution de la production et de la consommation de la région Nord - Pas-de-Calais pour essayer de discerner le niveau d’information des services de la France Libre autour du général de Gaulle à Londres puis à Alger. La question de la transmission des informations économiques par les réseaux de résistants sera également évoquée.
5Notre documentation est fragilisée par plusieurs facteurs en partie propres à la période, en partie liés à la nature des acteurs. Les documents sur l’économie française circulent à l’échelle nationale, comme le Point Économique trimestriel d’Alfred Sauvy, sans nécessairement aborder une décomposition régionale. Il existe certes les Rapports des préfets, avec une synthèse mensuelle nationale faite par le ministère de l’Intérieur et communiquée aux membres du gouvernement, des rapports des directions départementales (et même régionale) du Travail, des intendants économiques régionaux etc. Ces rapports, comme ceux de l’occupant allemand, présentent des paragraphes consacrés à la situation économique. Mais ils ne sont pas systématiquement transmis à Londres. Par ailleurs, les documents départementaux sur la résistance, rapports de gendarmerie ou des services de répression allemands sont d’abord centrés sur la dimension politique et militaire des actions résistantes. Photographier ou identifier un nouveau blockhaus n’est pas du même ordre que de pouvoir totaliser les commandes allemandes dans le département (les services de la préfecture ne parviennent pas toujours à le faire, les indices de production industrielle sont souvent nationaux etc.). La présence constante de l’économie parallèle (environ 20 % des quantités) parasite les évaluations. Enfin, les mémoires d’acteurs évoquent peu cette dimension.
6Notre point de départ sera la situation économique de 1940 à 1944 dans le département et à partir de là répondre à trois questions : le Nord – Pas-de-Calais présente-t-il des caractéristiques économiques spécifiques dans l’économie de guerre ? Dans quelle mesure de Gaulle et son Comité, devenu ensuite Gouvernement, manifestaient-ils un intérêt particulier pour l’économie du Nord - Pas-de-Calais ? Dans les premiers mois d’après-guerre et dans les projets de reconstruction, le Nord - Pas-de-Calais occupait-il une place particulière ?
Le Nord - Pas-de-Calais occupé, une région aux disponibilités décroissantes
Le Nord - Pas-de-Calais, une région majeure dans l’économie française en 1939
7À l’époque, personne ne l’ignore, que ce soit en métropole, dans le IIIe Reich ou chez les Alliés, le Nord et le Pas-de-Calais forment ensemble un levier industriel important de l’économie française. L’absence de circonscriptions régionales depuis la Révolution française fait qu’il s’agit de deux départements séparés et voisins, mais ils constituent une région économique effective, que le régime de Vichy, en créant en avril 1941, les régions administratives, réunit de manière plus étroite pendant le conflit. On a affaire à un ensemble de petite taille (12 000 km2) mais densément peuplé (3,2 millions d’habitants au recensement de 1936) et productif5. En d’autres termes, sur un peu plus de 2 % de la superficie française, 7,5 % de la population nationale développe, d’après des estimations rétrospectives6 8 ou 9 % du PIB français. On la compare volontiers alors à la Ruhr allemande7.
8Les fortes densités de population qui prolongent celles de l’Europe rhénane (250 h/km2) ou britannique, la jeunesse démographique liée à une natalité moins malthusienne et à un courant plus ou moins continu d’immigration, la concentration industrielle déterminent une urbanisation précoce, souvent sous la forme de conurbations. Plus de la moitié de la population travaille dans l’industrie : 65 % dans le Nord (1936), 50 % dans le Pas-de-Calais, dont ¾ dans charbon, acier et textile. En 1954, on compte 8 % d’actifs régionaux dans le primaire (29 % en moyenne nationale), 55 % dans le secondaire (36 %), et 37 % dans le tertiaire (38 %)8. Le Nord - Pas-de-Calais est inséré dans un ensemble commercial et économique plus large qui le rattache à la Wallonie belge et à la Rhénanie allemande dont les liens relativement forts tissent un groupe suprarégional assez puissant entre Cologne et Lille9.
9La région est d’autant plus indispensable à l’économie française qu’elle lui fournit les 2/3 du charbon extrait (France entière : 55 millions de tonnes en 1929 et 52 en 1950). Jusqu’en 1950, le charbon représente entre les trois quarts et les quatre cinquièmes de l’énergie consommée dans tout le pays10, la France important en année normale, un tiers de sa consommation11. Le charbon n’est pas l’horizon limite de l’économie régionale, et celle-ci délivre aussi 50 % de la production d’électricité, un cinquième de l’acier français, propose de bonnes constructions mécaniques (constructions électriques, matériel ferroviaire, moteurs, appareils de levage, machines-outils, constructions navales à Dunkerque), assure environ les deux tiers du textile français et représente au moins 10 % de la production agricole nationale. Le souvenir de la guerre de 1914-18 où la présence du front en plein milieu de la région a très sensiblement diminué les capacités nationales12 reste dans toutes les mémoires.
La stratégie allemande d’isolement du Nord - Pas-de-Calais
10Pour le Reich, la France est une bonne affaire : on considère tout bien pesé, qu’environ 10 % de l’effort de guerre de l’Axe vient de France13. Le Nord - Pas-de-Calais représente ainsi à lui seul autour de 1 % de tout cet effort de guerre14.
11En six semaines, entre le 10 mai et le 25 juin 1940, la France est vaincue et doit signer l’Armistice de Compiègne-Rethondes. Les clauses en sont extrêmement lourdes15, le pays est largement démembré comme la Tchécoslovaquie ou la Yougoslavie et commercialement isolé de ses relations atlantiques par le blocus britannique. En sus de la partition en deux zones, la France est soumise à un ensemble de zones spéciales. La principale des zones interdites fonctionne de juillet 1940 à mars 1943, derrière la Nord-Ost Linie16 et inclut 16 départements, dont Nord et Pas-de-Calais, de l’embouchure de la Somme à la Franche-Comté17. Il s’y ajoute une importante zone côtière interdite entre 1941 et 1944 de Dunkerque à Hendaye. La circulation des navires et embarcations est interdite au-delà de 5 km du littoral, excluant la pêche de haute mer et la circulation intérieure est réglementée sur une profondeur de 30 km. Le tonnage pêché en 1941 ou 1942, demeure à 40 % de son niveau d’avant-guerre et fragilise durablement des villes comme Boulogne.
12Le Nord - Pas-de-Calais est rattaché à la Kommandantur de Bruxelles, malgré plusieurs tentatives pour le relier à Paris : effet d’une victoire militaire rapide18, gage pour la négociation ultérieure de la paix avec la France, idée romantique, nationaliste et pangermaniste d’une Flandre et Artois comme « marches germaniques »19, création d’un espace grand-néerlandais (Gross-Niederlande) joignant Pays-Bas, Belgique et Nord - Pas-de-Calais, beaucoup d’hypothèses ont été émises. Sur place, Von Falkenhausen ne veut rien entendre, comme à Berlin, Hitler, ancien combattant des Flandres et de l’Artois20. Toute décision de Paris et de Vichy, doit obtenir l’aval de Falkenhausen avant d’être appliquée21.
13Nord et Pas-de-Calais sont administrés par un commandant militaire régional et forment l’Oberfeldkommandantur (préfecture militaire régionale) de Lille, l’OFK 670. Le préfet de Lille, Ferdinand Carles et celui d’Arras, Amédée Bussières et ses successeurs, sont placés sous son autorité. L’organisation de l’OFK de Lille22 est identique, à l’échelle locale, à celle du Commandement Militaire à Paris. À côté du Commandant, deux états-majors, l’un militaire (maintien de l’ordre, composé surtout de militaires de réserve), l’autre administratif (gestion du territoire et des habitants, composé de civils mobilisés) et dans l’état-major administratif deux directions, Abteilungen, l’une administrative et la seconde économique, Wirtschaftsabteilung, qui assure le suivi de l’exploitation économique de la région23.
14Pourtant, les circuits administratifs allemands se superposent et d’autres organismes centraux ou l’industrie privée allemande peuvent concurrencer ceux de l’armée24.
Des prélèvements qui augmentent, des disponibilités qui diminuent
Tableau no 1. Principales productions du Nord - Pas-de-Calais en 1939-45
Blé | Pommes de terre | Betterave à sucre | Charbon extrait | |
1938 | 730 000 | 1 100 000 | 2 000 000 | 28 |
1942 | 400 000 | 520 000 | 1 750 000 | 28,1 |
1944 | 550 000 | 600 000 | 1 230 000 | 16 |
1945 | 380 000 | 450 000 | 1 230 000 | 21 |
15La production et les disponibilités diminuent sensiblement dans la région au point d’atteindre en 1944, la moitié de leurs capacités de 1938. Multiplication des frontières intérieures et extérieures qui gênent échanges et division du travail, prélèvements du Reich, déficit de main-d’œuvre, faible niveau d’innovation et d’investissement, médiocrité et complication des communications, interférence constante des objectifs militaires, politiques et policiers expliquent l’essentiel de cette baisse. La dépression démographique est sensible : outre les prisonniers de guerre, il manque les réfugiés : près d’un million en juin 1940, encore 600 000 fin 1940 et toujours 150 000/200 000 en été 1944.
16La production agricole se tasse assez fortement. Le cheptel ne diminue pas beaucoup, sauf peut-être les porcs, mais le bétail est plus maigre et une partie est dissimulée au marché noir. En revanche, le Reich a besoin que l’économie française fonctionne à partir du printemps 1941 : les mines doivent tourner à plein régime25, les mineurs26 ne sont pas mobilisés en Allemagne (ou au STO), sauf cas de répression. Pour l’ensemble de la France occupée, la production, encouragée par le Reich, ne fléchit pas (42 millions de tonnes), restant à 85 % du niveau de 1939. Mais les importations s’effondrent à 3 ou 4 millions de tonnes par an. Les disponibilités de charbon sont donc des deux tiers de 1938. Le Reich régule les approvisionnements français de charbon, en importe très peu pour lui-même, mais classe les allocataires par priorité décroissante pour honorer ses propres commandes27.
17Un des facteurs importants de la décrue économique est l’ensemble des prélèvements allemands. Ces prélèvements sont ambigus, car ils sont d’abord financiers : l’indemnité d’Armistice, qui pourrait entretenir une armée d’occupation de 18 millions d’hommes représente en moyenne 25 % du PIB français de la période. Mais cette indemnité arrachée à Vichy et financée pour un tiers par les impôts et pour 2/3 par des emprunts, est principalement utilisée pour des achats allemands à l’industrie française. Ces achats allemands ne sont donc pas exactement des prélèvements bruts à ajouter aux frais d’indemnité puisqu’ils sont majoritairement réglés par eux. 10 à 15 % de la production agricole et 30 à 40 % de la production industrielle sont ainsi expédiés en Allemagne. Ce sont aussi les chiffres du Nord - Pas-de-Calais. Ces achats sont rarement programmés en longue période sauf quelques exceptions de contrats pour l’aéronautique (juillet 1941), l’aluminium, certains textiles et cuirs. On peut ajouter des prélèvements de matériels (wagons SNCF) et toutes formes de réquisitions militaires, plus ou moins indemnisées. Selon Arne Radtke-Delacor, on compte environ 10 milliards de Reichsmark de commandes passées pour 6,2 milliards (62 %) de livraisons effectuées28. Elles ont contribué à ranimer l’industrie française à partir de 1941 et ont représenté une part intéressante de la production de l’Axe, par exemple en 1943, 12 % de toute sa production automobile et 6,5 % de ses avions.
18En dehors des commandes aux entreprises, le Reich impose un certain nombre de ponctions sur la population active : prisonniers de guerre, appel aux volontaires et réquisitions. À côté des prisonniers de guerre (dont une partie peut être « transformée » en travailleurs) et de quelques volontaires (40 000/80 000 pour toute la France), le Nord - Pas-de-Calais subit les opérations conduites par Fritz Sauckel « Commissaire général du Reich pour l’emploi de la main d’œuvre » depuis mars 1942. Dans l’ensemble de la France, il a exigé près de 2 millions d’actifs en 1943-44 et en a obtenu 650 000, soit une proportion d’un tiers29.
L’économie du Nord - Pas-de-Calais pour de Gaulle et la résistance
L’information économique dans la guerre : Vichy, le IIIe Reich et la résistance
19La période de la Seconde guerre mondiale marque un seuil dans le niveau d’information économique des autorités administratives en général, qu’elles soient occupantes, officielles ou résistantes. La réduction des capacités disponibles, la mobilisation de l’économie pour toutes les formes du conflit, l’augmentation des contrôles en général accroissent sensiblement les évaluations statistiques et quantitatives des responsables.
20En France occupée ou de Vichy, l’information passe par les préfectures, qui collectent des données assez précises sur la situation départementale et régionale, par toutes les directions administratives concernées : finances, contrôle économique, travail etc. Les associations professionnelles ou les groupements économiques nationaux (Comités d’Organisation, Corporation Nationale Paysanne) ou spécialisés (Comité national interprofessionnel des Viandes30) recensent les disponibilités mensuelles, trimestrielles et annuelles de manière assez systématique, malgré une évaporation variable (± 20 %) au marché noir31.
21Le nouveau Service national de statistiques32, qui a remplacé l’ancienne Statistique générale de la France en 1941 avec de puissants moyens (près de 7 000 agents en fin de conflit contre environ 150 à la SGF de 1939) collecte activement les données auprès des ministères concernés : Production Industrielle, Agriculture etc. Certains chiffres sont officiels comme le Bilan annuel de la Banque de France, mentionné dans le Rapport Annuel, mais leur communication est plus ou moins soumise à la censure du temps de guerre (sept. 1939). Beaucoup de données sont conservées de manière confidentielle par l’Administration et ne seront connues que de manière rétrospective33. Dès 1942, le ministère des Finances, instruit par le précédent de 1914-18 et des Réparations, se préoccupe d’évaluer le coût de l’Occupation34.
22Le Commandement Militaire Allemand pour la France ou pour la Belgique, le MBHF/MBHB, connaît à peu près les prélèvements sur l’Hexagone : un certain nombre d’arrangements (SS, entreprises allemandes, voire ministère de l’Armement Speer) lui échappent cependant. Il est difficile de dire si des informations centralisées et utilisables partent à Londres à partir des données qu’il collecte, par exemple dans les rapports trimestriels de l’OFK de Lille35. À voir la documentation du Comité de Londres puis du CFLN36, une réponse positive n’est pas déraisonnable.
23Les informations parviennent à Londres puis à Alger par plusieurs circuits : Britanniques et Américains sont extrêmement bien renseignés et communiquent un certain nombre d’informations à leurs collègues français. La résistance fait passer principalement des informations militaires ou politiques, mais à l’occasion peut transmettre un rapport, une note ou un ouvrage. Il en va de même du personnel diplomatique, des évadés, etc. Ainsi plusieurs Français très qualifiés passent à Londres, comme Pierre Laroque, le créateur ultérieur de la Sécurité Sociale37. Les inspecteurs des Finances en entrant dans les sphères de la France libre, apportent avec eux leurs connaissances détaillées sur l’économie de la France intérieure38.
Les résistants eux-mêmes informent surtout sur les objectifs militaires et politiques
24Le Service National de Statistiques transmet également des informations très précieuses. Alfred Sauvy39, ancien combattant de 1914-18, polytechnicien et un des grands statisticiens français de l’époque (responsable de l’Institut de Conjoncture au sein du SNS), a choisi de ne pas s’engager dans un mouvement résistant mais de travailler l’information économique à des fins patriotes et entretient des contacts étroits avec la Résistance (R. Courtin, M. Debré). Il utilise ses propres renseignements pour informer et conseiller le CFLN/GPRF sur la conjoncture intérieure, publiant notamment dès août 1940 un bulletin trimestriel d’observation économique, le Point Économique40, dit Bulletin « rouge brique » en raison de sa couleur. Le SNS en tire environ 400 exemplaires à l’intention de la haute administration et du patronat français et en transmet à Londres et Alger qui l’utilise41, par exemple pour la Note sur les questions monétaires et financières (Période immédiatement postérieure à la Libération)42 du 24 février 1944 qui résume les projets Mendès France.
25Comme ailleurs en France, les réseaux de résistance déploient trois types d’actions : filières d’évasions pour les aviateurs britanniques, organisation d’actions et de sabotage et collecte de renseignement. Mais le gros des renseignements est centré sur les questions militaires, comme par exemple les usines travaillant pour le Reich, les quantités qui partent vers l’Allemagne, les hommes réquisitionnés par le STO, c’est-à-dire plus une certaine « conjoncture économique détaillée » qu’une connaissance un peu globalisée des quantités produites. Ainsi, les papiers du Bureau Central de Renseignement et d’Action, le BCRA, service de renseignement de la France Libre, qui comptent plus de 600 cartons aux Archives Nationales43, sont classés en : section de commandement, administration, opérations et renseignement (contre-espionnage, évasion, sécurité militaire). L’essentiel est tourné autour de la vie politique et militaire de la France Libre. On peut évidemment trouver çà et là des documents sur la région Nord - Pas-de-Calais, mais d’une manière extrêmement éparpillée44 et rien ne dit que le général de Gaulle les ait personnellement visés.
26De petits groupes de résistants au sein de l’Inspection des Finances (F. Bloch Lainé45 par exemple, qui est trésorier du COFI, Comité Financier46, chargé de collecter des fonds pour la résistance) communiquent les informations à Londres ou ensuite à Alger. Dans certains domaines, les textes préparés à Vichy sont transmis clandestinement à Londres avant d’être officialisés en France intérieure, ainsi de la « Charte de l’Urbanisme » du 15 juin 194347 qui généralise en France le permis de construire.
La France Libre, de Gaulle et l’économie
27Le Comité Français de Londres devenu Comité National Français en septembre 1941, n’est pas exactement un gouvernement en exil. Il organise donc son travail avec des départements qualifiés non pas de « ministères », mais de « commissariats ». Dès 1940, de Gaulle dispose d’un Commissariat à l’Économie et aux Finances, alors regroupé avec les Colonies et confie ce poste clef à René Pleven48, alors son homme de confiance. Pendant cette période, l’essentiel de son activité est de trouver des financements budgétaires, soit auprès de la Grande-Bretagne, soit auprès du prêt bail américain, soit en lançant des emprunts par le biais de la Caisse Centrale de la France Libre, créée en été 1941.
28Quand la France libre se déplace à Alger en juin 1943, après le débarquement anglo-américain (nov. 1942) et le modus vivendi adopté entre de Gaulle et Giraud, elle devient le Comité Français de Libération Nationale, CFLN, qui dispose déjà de son répondant dans la métropole désormais entièrement occupée, le Conseil National de la Résistance, CNR, fondé par Jean Moulin, également à la demande du général de Gaulle. En juin, de Gaulle compose un arrangement avec le général Giraud et le commissaire aux Finances est Maurice Couve de Murville49, inspecteur des Finances. En novembre 1943, de Gaulle procède à un remaniement interne et confie le Commissariat aux Finances à Pierre Mendès France50, à la veille d’une grande carrière politique. En juin 1944, le CFLN devient Gouvernement Provisoire de la République Française, GPRF, et Mendès France conserve son poste, mais en devenant ministre de l’Économie51.
29Surtout préoccupé de gestion politique et diplomatique, le général de Gaule envisage de se décharger sur les experts des problèmes financiers ou monétaires. Il a certes travaillé de 1931 à 1937 au secrétariat général de la Défense Nationale auprès du ministère de la Défense et connaît les implications économiques de la guerre moderne, financement, stocks stratégiques etc. Il consent à s’y intéresser dans la mesure où cela exerce un impact sur la politique générale et extérieure. Le séjour londonien est un bon endroit pour une mise en application : les Britanniques organisent remarquablement la logistique économique et industrielle de la guerre moderne et préparent l’après-guerre. Ainsi le Welfare State proposé en novembre 1942 par William Beveridge52, inspire largement le CNF et son expert, Pierre Laroque.
30En matière de documentation, un tournant est pris au premier semestre 1943. Une ambiance de victoire gagne progressivement l’opinion alliée, et l’équipe qui entoure Mendès France et Monnet commence à préparer l’après-guerre53 : reconstruction, programmation économique, assurances sociales, comités d’entreprises etc. Elle est alors préoccupée par des problèmes ensuite devenus secondaires comme l’impression de nouveaux billets de banque pour épurer le marché noir54.
31Plusieurs hauts fonctionnaires de qualité assurent le travail de collecte, de documentation et de conseil du général de Gaulle. En matière économique, se détachent les inspecteurs des Finances55, parmi lesquels on peut mentionner Couve de Murville, Guindey, Gregh. À Londres, la mission financière est dirigée par Pierre Rauzan, tandis que Gabriel Ardant assure la liaison entre Londres, Alger puis les territoires libérés en juin 1944 (Normandie etc.).
32On peut donc raisonnablement considérer que l’information économique du CNF puis du CFLN est de qualité croissante et atteint au printemps 1944 l’équivalent de celle de l’État français, quand elle ne la dépasse pas en raison des informations internationales fournies par les États-Unis et la Grande-Bretagne. La préparation précoce de l’après-guerre, par exemple la rénovation du système monétaire international à Bretton Woods (New Hampshire, états-Unis) en juillet 1944 contraint de toutes manières le CFLN/GPRF, qui y envoie Mendès France pour le représenter, à atteindre un niveau de documentation qui dépasse celui de son rival vichyste.
La France libre et l’économie du Nord - Pas-de-Calais
33Que dire sur les relations du général de Gaulle et sa région natale56 ? Au début des Mémoires de guerre, il se définit comme un « petit Lillois de Paris »57, y retourne, enfant, régulièrement pendant les vacances. Il apprécie les qualités de sa population, notamment sa sobriété d’expression, sans emphase et sa ténacité au travail58 et réagit comme elle face à l’invasion allemande. Sans lyrisme, il fait de Lille une ville-symbole dans un Mémorandum destiné au gouvernement des États-Unis59. Plusieurs confidences ultérieures60, dont la rareté confirme la véracité, prolongent cette thématique d’un attachement silencieux mais profond. Il restera toute sa vie discret sur son ancrage régional, espace dont l’évolution de carrière et d’existence le tient en partie éloigné : il acquiert en famille en 1934 une maison à Colombey-les-deux-Églises, la Boisserie, aux confins de la Champagne et non dans le Nord.
34De manière plus large, il raisonne d’abord dans le cadre de la France61, d’autant plus qu’elle est soumise par le IIIe Reich à un intense processus de morcellement, mais aussi dans celui de l’empire et des relations internationales. Formé avec les générations postérieures à la défaite de 1870, il déploie un culte intense de l’État-Nation. En réaction contre une partie du discours de Vichy62, qui reste un régime très centralisateur, il ne peut pas et ne veut pas passer pour un régionaliste, comme les Allemands qui encouragent des modalités plurielles de nationalisme flamand côté français. Enfin, le général de Gaulle ne veut aucunement donner l’impression de pratiquer une quelconque forme de « népotisme » régional : on ne favorise pas ou on ne donne pas l’impression de favoriser sa région natale ou de lui accorder une place morale privilégiée. D’ailleurs, dans les archives du général de Gaulle en tant que président successif du CFL, CFLN puis GPRF, il n’existe pas de dossier spécifique sur Nord et Pas-de-Calais et les mentions régionales sont plutôt rares63.
35En tant que telle, la région Nord est incontournable, mais, dans une perspective jacobine avivée par le démembrement momentané du territoire national, presque tous les dossiers sont orientés pour l’ensemble de la France, sans distinction. Les mentions du Nord ou du Pas-de-Calais sont donc ponctuelles. Par exemple, dans les dossiers du cabinet de Gaulle dans le cadre du CFL puis du CFLN, on peut isoler une mention64. La plupart des plans d’après-guerre ne spécifient pas de précisions par régions. Les régions elles-mêmes ont été créées par Vichy dans une perspective de renforcement répressif (préfets, intendants de police, intendants économiques régionaux) et l’après-guerre verra leur disparition au printemps 1946.
36Toutefois, le Nord - Pas-de-Calais est une région importante, elle produit charbon, acier, textile, elle compte une abondante population. Son rôle dans l’extraction du charbon en fait un espace cardinal pour la reconstruction. Une autre raison pratique, contribue à attirer, même inconsciemment, l’attention des décideurs et des conseillers de la France libre en direction de Lille : la numérotation administrative. Quand Vichy crée les régions en avril 1941, la région de Lille est la région n ° 1, prolongeant une longue tradition administrative65, qui commence la numérotation hexagonale avec Lille puis la poursuit dans le sens des aiguilles d’une montre.
Le Nord - Pas-de-Calais dans l’immédiat après-guerre : incontournable et discret
Le débat en 1943-44 sur la politique économique d’après-guerre
37Les questions débattues à Londres et à Alger ne portent pas spécifiquement sur telle ou telle région en particulier. Le Nord - Pas-de-Calais continue donc son destin singulier, celui d’une région clef, omniprésente, coopérative mais qui reste discrète jusqu’aux grandes grèves de l’automne 194766. Même les projets d’aménagement du territoire sont alors tout à fait secondaires par rapport à ceux qui prévoient de manière assez unanime la reconstruction d’une France modernisée.
38Deux positions se partagent l’opinion dirigeante en 1943-45 : une action plus interventionniste, dont Pierre Mendès France se fait rapidement le leader, avec échange des billets à la Libération, contrôle renforcé des prix et des salaires, nationalisations et plan, selon des modalités alors très travaillistes (C. Attlee), et une action plus néolibérale, qui gagne la majorité des faveurs, selon un mode américain plus souple d’État libéral – social, moins interventionniste [pas de nationalisations, des programmes de production, mais pas de plan]. L’une est trop rigide, l’autre est trop précoce eu égard à la situation de 1945. Mais le débat est lancé dès la période algéroise et le général de Gaulle bien embarrassé, remet régulièrement à plus tard le choix définitif, ne tranchant pas la controverse algéroise entre Adrien Tixier, commissaire aux Affaires Sociales et Mendès France, commissaire à l’Économie.
39Revenu des États-Unis, le général de Gaulle prononce le 25 juillet 194467 un discours aux accents mendésistes. La préparation de la Libération concerne le Nord68 comme toutes les autres régions. Il est prévu la nomination à Lille d’un Commissaire de la République, François-Louis Closon, énergique fonctionnaire qui dirigera ensuite l’INSEE de 1946 à 1961. La relève économique est soigneusement détaillée : pas d’inflation, liquidité financière des administrations et du Trésor, début d’épuration, maintien des règlements et contrôles69 etc. Quand la Libération se déploie à partir de juin 1944, c’est la Normandie et non le Pas-de-Calais qui est choisie par les Alliés pour le débarquement. La France libre envoie des délégués sur place pour assurer la liaison. Ainsi l’inspecteur des Finances, Jean-François Ricquebourg débarque en Normandie, en pleine période de récoltes, à l’opinion encore « sonnée » par les opérations militaires, et prend les premières mesures d’urgence pour le Trésor public, mais diffère70 par exemple, toute hausse de salaires !
Aux Finances : Aimé Lepercq, aux ascendances lilloises
40Le nouveau gouvernement formé en septembre 1944 avec les résistants de l’intérieur, change la donne. Sur le plan économique, l’opinion souhaite d’abord que l’approvisionnement se normalise, mais hésite sur le degré d’interventionnisme de l’État71. Après quatre ans de contrôles renforcés et de prélèvements par l’ennemi, l’idée de prolonger l’encadrement économique de la population effraie une partie des ménages.
41Le général de Gaulle décide de distinguer deux ministères, l’Économie nationale pour Mendès France et les Finances pour Aimé Lepercq. Il convient cependant de noter en préalable que le retour en France libérée n’a pas convaincu le chef du GPRF de l’importance des questions économiques. Soucieux d’affermir d’abord l’autorité gouvernementale à travers consolidation administrative et épuration, de promouvoir une diplomatie aux horizons internationaux et de rassembler sur sa personne le plus grand nombre de suffrages lors d’élections constituantes différées, le général de Gaulle envisage que les problèmes financiers ou monétaires soient traités par des experts qui lui simplifieraient la tâche. La seule unanimité qui se fait alors jour est celle de moderniser la France très rapidement, peut-être en quatre ou cinq ans. C’est ainsi que le général de Gaulle, après le refus de René Pleven, confie le ministère des Finances à Aimé Lepercq, plutôt qu’à Pierre Mendès France.
42Aimé Lepercq est né près de Lyon en 1889, car la famille de sa mère est lyonnaise, mais celle de son père plonge ses racines à Lille. Il a lui même été ingénieur à Douai au début des années 192072 et a fait ses preuves pendant les deux guerres mondiales et dans la résistance73. Polytechnicien (X-Mines 1909), blessé de la Première Guerre mondiale, il est directeur des Services de l’Union Européenne, Industrielle et financière en Tchécoslovaquie (groupe Schneider) de 1923 à 1929, ainsi qu’administrateur de la société tchécoslovaque Škoda.
43La tâche économique du nouveau GPRF, remanié en septembre 1944, est immense74. Prenons un seul exemple, celui du relèvement des salaires, pour mieux comprendre la complexité des situations locales. En été 1944, les salaires subissent un retard moyen assez élevé sur celui des prix. En prenant l’année 1938 pour base 100, le salaire horaire a augmenté de 64 %, mais les prix ont été multiplié par 2,74, soit un retard de 60 % des salaires sur les prix75. L’écart réel est encore plus important car les prix du marché noir sont deux fois supérieurs aux prix officiels76. Les occupants et le régime de Vichy cherchent par tous les moyens à peser sur les prix et les coûts77. Cette politique de compression salariale déborde de l’Europe occupée78 et s’étend aux pays alliés79, où le meilleur approvisionnement économique rend le blocage plus supportable.
44Le Comité Français de Libération Nationale connaît assez exactement le niveau réel des salaires et les attentes des salariés80. Le 24 février 1944, Pierre Mendès France81 propose un échelonnement des relèvements salariaux : + 20 % à la Libération, + 10 à + 15 % six mois plus tard et + 10 % un an après. Le général De Gaulle n’y est pas hostile, mais les socialistes sont partagés. L’entrée des communistes dans le CFLN en avril 1944 donne du poids aux demandes de la CGT consultée clandestinement par le Comité d’Alger82, en faveur d’un relèvement immédiat et significatif, de l’ordre de + 40 à + 60 % du salaire légal, soit un passage de 10 francs à 15 francs pour la métallurgie.
45La résistance intérieure, officiellement fédérée par le Conseil National de la Résistance, dispose d’un Conseil d’État clandestin, le Comité Général d’Études83, qui a mis au point une note pour la Libération, sensiblement plus libérale ou modérée que l’orientation générale de la Charte du CNR, du 15 mars 1944. René Courtin, professeur d’économie à l’Université de Montpellier, et Emmanuel Mönick, futur gouverneur de la Banque de France, dans une Note sur la politique monétaire datée du 5 août 194484 prévoient une augmentation des salaires de + 20 % et un vaste emprunt de Libération nationale85.
46Les premières régions libérées comme la Normandie ne font pas l’objet de hausses ou d’ajustements extrêmement modérés86. En revanche, la Libération de Paris, principal marché du travail national, dont le niveau moyen de salaires est nettement supérieur au reste de la France, entraîne une compétition entre les positions modérées des secrétaires généraux de l’économie Nationale et celle des autres ministères, gagnés à l’euphorie libératrice. Les syndicats, à commencer par la CGT, rapidement suivie par la CFTC, sortent de l’ombre et se positionnent sur une hausse de 40 %. L’ordonnance du 24 août 1944 décide le principe d’un relèvement général des salaires. La fixation détaillée est confiée à des arrêtés régionaux en raison des différences géographiques de rémunérations87. La conférence des secrétaires généraux de ministères, le 28 août 1944, présidée par André Le Troquer, ministre délégué du GPRF, se décide en faveur du relèvement de 40 % et le 13 septembre 1944, le premier conseil des ministres du GPRF confirme les 40 %88.
47Les relèvements ne sont pas identiques selon les régions. Le Nord – Pas-de-Calais ne se singularise pas particulièrement. Si l’on prend le salaire horaire du manœuvre masculin de catégorie 1, sa rémunération passe officiellement de 10 francs à 15 francs dans les communes classées en zone 1 de la région parisienne. Dans les faits, les salaires étaient déjà à 12 ou 13 francs et ont progressé à 17 ou 18 francs89. À Lille90, le manœuvre va recevoir désormais 9,20 francs de l’heure, à Dijon ou à Nancy 8 francs et la hiérarchie des salaires demeure91.
Une nouvelle France, le Nord - Pas-de-Calais aux premières loges
48Dans les papiers de Gaulle de la période du GPRF, Nord et Pas-de-Calais font également quelques rares apparitions92. Les déplacements du général de Gaulle sont également intéressants. Lille n’est pas la première région qu’il visite : Lyon, Marseille lui semblent plus « instables » et il y installe son autorité rapidement. Il attend la fin du mois (et des risques de combats) pour s’y rendre93. Tout le monde connaît les origines nordistes du général De Gaulle et la population régionale se prépare avec une certaine fébrilité à accueillir l’enfant du pays qui a progressivement pris la stature d’un grand homme.
49Le voyage est soigneusement préparé94. Nord Éclair titre le samedi 30 septembre 1944 : « Il sera parmi nous ce soir » et son éditorial frémit d’une émotion contenue et non feinte95.
50Une foule immense lui fait fête « en profonde communion avec lui »96, et goûte à leur juste mesure les propos héroïques de l’homme du 18 juin : « La voilà donc libérée, la chère, la vieille ville de Lille, la voilà sortie de l’océan de souffrances et d’humiliations où elle a été plongée, sans avoir jamais rien perdu de sa fierté et de sa dignité, sans avoir jamais failli à l’espérance ! ». Il reçoit également pendant deux heures tous les responsables régionaux97.
51La suite de la reconstruction engage le Nord et le Pas-de-Calais dans la bataille du charbon. Dès janvier 1946, le niveau de production de 1938-39 est atteint et la reconstruction peut commencer, d’abord celle des ingénieurs (1945-48) qui rétablit les infrastructures, ensuite celle des architectes (1948-56) qui rétablit les immeubles et les maisons. Cette reconstruction, dans sa première phase a absolument besoin du Nord - Pas-de-Calais, de son charbon, de son acier, de son ciment. Puis la page se tourne, dans les années 1950, le pétrole, les constructions mécaniques, l’aéronautique et d’autres secteurs encore, dessinent une nouvelle distribution des cartes économiques, où la place du Nord et du Pas-de-Calais s’avère moins indispensable98. Il s’en suit une reconversion douloureuse mais inévitable.
52Un dernier épisode, ponctuel mais tragique, va clore notre propos. Aimé Lepercq, dans le courant du mois d’octobre oriente plus nettement sa politique dans un sens néolibéral et le gouvernement de Gaulle opte pour un grand Emprunt de Libération Nationale : la tournée du ministre Lepercq commence par le Nord. Un accident malheureux de circulation lui ôte la vie le 9 novembre 1944 alors qu’il commençait la campagne de lancement. D’après la version la plus vraisemblable, la voiture du ministre, vers 2 ou 3 h du matin, est victime d’un accident de la route (Harnes ?), en revenant de Lille en direction de Paris, le chauffeur, fatigué et gêné par le brouillard, n’ayant pas vu que le pont à franchir était endommagé. René Pleven, originaire de Bretagne, succède à Aimé Lepercq avec une certaine continuité dans les options mais une programmation et une fermeté politiques nettement moins rigoureuses.
53Pour le général de Gaulle, les liens tissés avec le Nord - Pas-de-Calais poursuivent leur cours. Un nouveau et dernier voyage officiel intervient pendant l’été 1945, quand il faut remettre la France au travail99. Il ne faut pas laisser la vedette à Maurice Thorez100, le chef du PCF depuis 1930, qui a lancé, moins d’un mois auparavant, le 21 juillet 1945 auprès des mineurs de Waziers, la bataille de la production101. En janvier 1946, en désaccord avec la SFIO et le PCF, secondairement le MRP, sur l’équilibre des pouvoirs dans l’état, de Gaulle démissionne et se retire à Colombey-les-deux-églises, en Champagne.
54Le Nord - Pas-de-Calais, clef de voute de la production française de charbon, de textile et de métallurgie, joue un rôle certain dans l’économie française de la Seconde Guerre mondiale, les prélèvements allemands et la reconstruction ensuite. Les liens entre le général de Gaulle et la région, où le poids du gaullisme de guerre est élevé avec celui du PCF, sont indiscutables, mais sans effusion excessive dans leur expression réciproque.
55Pendant le conflit, comme au début de la Libération, le général de Gaulle n’accorde au Nord - Pas-de-Calais que l’attention nécessaire à sa place dans la France occupée puis libérée, sans qu’il occupe de manière affective une part surdimensionnée en raison de sa situation de région natale pour le chef politique et militaire de la France Libre. L’économie du Nord et du Pas-de-Calais tient sa place, toute sa place, mais rien que sa place, dans l’histoire de la France des années noires et dans le cœur, sinon la raison, du chef de la France Libre.
Notes de bas de page
1 Commission Consultative des Dommages et Réparations, Adolphe Landry, président, Dommages subis par la France et l’Union Française, du fait de la guerre et de l’Occupation ennemie, 1939-45, Part imputable à l’Allemagne, Paris, Imprimerie Nationale, 1950, 9 vol.
2 Bernard Garnier, Jean Quellien, Françoise Passera, La main d’œuvre française exploitée par le IIIe Reich, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, 2003, 704 p. [Colloque Caen 2001]. Patrice Arnaud, Les STO. Histoire des Français requis en Allemagne nazie 1942-1945, Paris, CNRS éditions, 2010, 592 p. Bories-Sawala, Helga Elisabeth, Dans la gueule du loup, Les Français requis du travail en Allemagne, Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 2010, 388 p.
3 Jean Lacouture, De Gaulle, Paris, éditions du Seuil, 1994, 3 vol.
4 IHTP/CNRS, « Le temps des restrictions en France, 1939-1949 », Cahiers de l’IHTP, no 33-34, mai 1996. A. Milward, The new order and the French economy, Oxford, Clarendon Press, 1970, 320 p. R. Kuisel, Le capitalisme et l’État en France, Paris, Gallimard, 1984. M. Margairaz, l’État, les finances et l’économie, 1932-52, Paris, CHEFF, 1991, vol. 1, p. 497 et suivantes. François Bloch-Lainé et Jean Bouvier, La France restaurée, 1944-52, Paris, Fayard, 1986, 338 p.
5 INSEE, Direction Régionale de Lille, Annuaire Statistique Régional, Lille, 1951, 390 p. Serge Dormard, L’économie du Nord - Pas-de-Calais, Histoire et bilan d’un demi-siècle de transformations, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2001, 315 p.
6 INSEE, Études et Conjoncture, 1946-1951, passim, ou Annuaire Statistique Rétrospectif, 1951 ou Annuaire statistique de 1952 qui décompose bien les données régionales.
7 La Ruhr est de plus petite taille encore (moins de 5 000 km2 ou 1 % de l’Allemagne de 1937), plus peuplée (4,5 millions d’habitants, presque 7 % de l’Allemagne de 1937), produisant autour de 10 à 12 % de toute la valeur ajoutée allemande.
8 INSEE, Direction Régionale de Lille, Annuaire Statistique Régional, 1951, 390 p. [Rétrospectif 1789-1950] et Population et économie de la région Nord, Annuaire Statistique Rétrospectif, 1960, in-16°, 453 p.
9 Mines de charbon presque en continu de Dortmund à Bruay-en-Artois, distantes d’environ 400 kms, acier et métallurgie lourde, constructions mécaniques, textiles marquent cette zone de 13 à 15 millions d’habitants en comptant les intervalles moins industriels ou moins charbonniers (Cologne, Düsseldorf).
10 Olivier Kourchid, « Vivre ou survivre : la place du charbon dans l’énergie en France, 1900-1980 », in Annales des Mines, Réalités industrielles, août 1998, p. 34-43. Georges Tiffon, Le charbon, Paris, PUF, Que sais-je ?, no 193, 1967, 128 p. Michel-Pierre Chélini, « Le charbon français de 1914 à 1946, une modernisation limitée », État et énergie, XIXe-XXe siècle, Alain Beltran et al, Paris, CHEFF, 2008, p. 109-127.
11 La Grande-Bretagne fournit la majorité (60 %) du charbon importé et la France reste le premier importateur mondial, avec 20 % des transactions houillères internationales. L’Occupation tarit les entrées à 6 % des consommations en 1942.
12 En fait, l’Allemagne voit baisser sa production autour de 80 % de son niveau de 1913 en raison de son impossibilité d’importer, qu’elle compense par des capacités houillères intactes et son expansion territoriale. La France voit progressivement baisser sa production : 90 % en 1915, mais 80 % en 1917 et 65 % en 1918, car les apports alliés ne suffisent pas à compenser la focalisation de l’économie sur la guerre et les pertes territoriales. Angus Maddison, L’économie internationale, 1820-1992, Paris, OCDE, 1995.
13 Arne Radtke-Delacor, « La place des commandes allemandes à l’industrie française dans les stratégies de guerre nazies de 1940 à 1944 », in Olivier Dard, Jean-Claude Daumas, François Marcot, L’Occupation, l’état français et les entreprises, ADHE, 2000, p 11-24. Plus largement : Dietrich Eichholtz, Geschichte der deutschen Kriegswirtschaft 1939-1945, t. 2 : 1941-1943, Berlin (Est), Akademie-Verlag, 1985, p. 509.
14 Pour tout le paragraphe : Étienne Dejonghe, Yves Le Maner, Le Nord - Pas-de-Calais dans la main allemande, 1940-44, Lille, La Voix du Nord, 1999, 400 p. Alain Beltran, Robert Frank, Henry Rousso, La vie des entreprises sous l’Occupation, Paris, Belin, 1994. O. Dard, J-C. Daumas, F. Marcot, L’Occupation, l’état français et les entreprises, Paris, ADHE, 2000, 487 p.
15 Une sévère indemnité, qui représente in fine 58 % des dépenses de l’état et un quart du PIB de 1940-44, destinée à financer l’occupation et à empêcher tout réarmement clandestin, la séparation en deux zones, une zone occupée au nord, une zone libre au sud avec la gestion de l’Empire et de la flotte, une armée limitée à 100 000 hommes. En novembre 1942, après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, la zone « libre » est également occupée.
16 Une véritable seconde ligne de démarcation sur la Somme interdit le passage des hommes, des marchandises, de l’argent et du courrier. Près d’un million de réfugiés ont quitté les deux départements fin mai 40. Seuls quelques fonctionnaires, voyageurs de commerce ou chefs d’entreprise obtiennent des laisser-passer au compte-goutte. Le conflit contre l’URSS change la donne et nécessite de relancer les commandes militaires. En décembre 1941, sans préavis, les postes de contrôle de la Nord-Ost Linie sont supprimés et en mai 1943, elle-même est officiellement abolie. Il reste cependant 150 000 réfugiés du Nord - Pas-de-Calais en dehors de leur région.
17 Elle semble initialement destinée à filtrer le retour des réfugiés, à préparer une colonisation agricole ou une mainmise fortifiée sur les minerais de fer et la métallurgie lorraine, et à aménager un hinterland militaire en vue de l’invasion de la Grande-Bretagne. Elle devient ensuite un espace administratif où l’emprise allemande est plus soutenue ; l’entrée où la sortie sont soumises aux célèbres autorisations de circuler, les Ausweis jusqu’au 1er mars 1943. Peut-être correspond-elle aussi au projet pangermaniste d’une grande Lotharingie mythique.
18 Bonne synthèse in : Dejonghe et Le Maner, Le Nord - Pas-de-Calais… op. cit., p. 80-85.
19 Le thème est constant dans la littérature allemande, populaire ou savante et il est réactivé par d’assez nombreux ouvrages allemands de qualité très inégale pendant le conflit. L’historien Franz Petri (1903-1993), professeur de civilisation néerlandaise à Cologne de 1942 à 1945, membre du NSDAP depuis 1937, rédige comme thèse d’habilitation Germanisches Volkserbe in Wallonien und Nordfrankreich, L’héritage germanique en Wallonie et en France du Nord, 1936, défendant l’idée d’une culture germanique des populations de la France du Nord et appuyant l’installation de colons allemands.
20 Pendant la guerre de 1914-18, Hitler, qui sert dans le 16e régiment bavarois de réserve [de l’armée allemande], est principalement engagé dans les Flandres : octobre 1914, 1915-16 dans la zone de Fromelles près de Lille, oct. 1916 dans la Somme, où il est blessé, mars 1917 à Vimy, été 1917 à Arras, mars 1918 sur la Marne, blessé le 15 octobre 1918 à Wervicq toujours dans les Flandres, à la frontière belge. Voir : Ian Kershaw, Hitler, tome 1 : 1889-1936, Paris, Flammarion, 1999, 1157 p., passim.
21 Voir aussi : Niko Wouters, « Davantage la France que la Belgique. L’unicité du Nord - Pas-de-Calais, 1940-44 », in Cahiers d’Histoire du Temps Présent, no 15, 2005, p. 205-223.
22 Arras, Lille et Valenciennes disposent ensuite d’une Feldkommandantur, préfecture militaire départementale, et les sous-préfectures d’une Kreiskommandantur.
23 Comme le Nord - Pas-de-Calais est une région très peuplée, le personnel de l’OFK est important et compte une centaine de personnes, dont une cinquantaine de conseillers [Referat] et experts. Civils allemands en uniforme – juristes, ingénieurs, directeurs commerciaux d’entreprises – ils connaissent bien les branches qu’ils contrôlent. Si l’on trouve parmi eux des personnalités étroites, qui détestent les Français ou des corrompus qui monnayent leur arbitrage, la plupart sont des pragmatiques qui appliquent assez intelligemment les ordres.
24 L’État-major d’économie de guerre et d’armement, Wehrwirtschafts - und Rüstungsstab Frankreich, contrôle les établissements qui travaillent pour le Reich. La France occupée est divisée en circonscriptions et quadrillée d’inspecteurs militaires industriels qui forment des Rüstungskommandos. On peut citer également l’Organisation Todt, chargée des grands travaux logistiques du Reich, aérodromes, ports militaires et surtout fortifications littorales contre les Alliés (Atlantikwall, Mur de l’Atlantique), les services de police, de renseignement et de répression (qui font du marché noir), des cartels professionnels allemands - cartels nationaux, Reichsgruppen, groupes sectoriels, Fachgruppen, bureaux de répartition, Reichsstellen.
25 Escudier Jean-Louis, « Mutations économiques structurelles et conflits mondiaux : l’industrie houillère française 1914-50 », in Revue Historique, 1989, tome 281/1, p. 193-217. É. Dejonghe, « Pénurie charbonnière et répartition en France, 1940-44 », in Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, no 102, avril 1976.
26 Mineurs et ouvriers représentent 146 000 personnes en 1939, 157 000 en 1943, 163 000 en 1945, mais une série statistique plus complète donne déjà 208 000 en 1945.
27 Ainsi en 1942, 28 % des disponibilités sont affectées aux grandes entreprises industrielles, 17 % à la SNCF, 15 % à l’énergie, 15 % aux mines elles-mêmes, 8,5 % vont à la Wehrmacht et les 18 % restants à la petite industrie et au chauffage. Ministère de l’Industrie, Annuaire de statistique industrielle, 1938-47, Paris, Imprimerie Nationale, p. 28.
28 Arne Radtke-Delacor, « Produire pour le Reich » Les commandes allemandes à l’industrie française (1940-1944), Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2001/2, no 70, p. 99-115.
29 Pour éviter les difficultés de cette réquisition de main-d’œuvre qualifiée ou spécialisée, Albert Speer, ministre de l’Armement, s’entend avec le ministre français de l’Industrie (accords Speer-Bichelonne des 16-19 septembre 1943 à Berlin) sur la cessation des prélèvements de main d’œuvre qualifiée moyennant l’augmentation des commandes allemandes en France. Près de 15 000 entreprises en France (Sperr-Betriebe, de « sperren » fermer, protéger), sont ainsi protégées de tout prélèvement abusif.
30 Archives Nationales. Par exemple : F/10/5208-5023. Secrétariat d’État à l’Agriculture. Statistiques et Études. Production animale. CNIV. Bilans de la viande, France entière et par département, 1941-44.
31 Fabrice Grenard, La France du marché noir, 1940-49, Paris, Payot, 2008, 352 p. Paul Sanders, Histoire du marché noir, 1940-46, Paris, Perrin, 2001.
32 INSEE, Pour une histoire de la statistique, Paris, Imprimerie Nationale, 1977, 593 p, Journées d’études de juin 1976. « L’organisation des statistiques industrielles françaises dans l’après - deuxième guerre mondiale », Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, no 116, 1979. Alfred Sauvy, « Statistique Générale de la France et Service National de Statistiques, 1919-44 », Journal de la Société Statistique de Paris, 1er trimestre 1975. Michel Volle, Histoire de la statistique industrielle, Paris, Economica, 1982, 304 p.
33 INSEE, Annuaire Statistique Rétrospectif, Paris, Imprimerie Nationale, 1951, Le mouvement économique en France, 1938-48, édition 1950, INSEE, Direction Régionale de Lille, Annuaire Statistique Régional, 1951, 390 p. Rétrospectif 1789-1950.
34 Commission Consultative des Dommages et Réparations, Adolphe Landry, président, Dommages subis par la France… op. cit.
35 Archives Nationales, AJ 40/368. Par exemple le rapport concernant le 4e trimestre 1943 : OFK 670, Lagebericht Nordfrankreich für die Zeit vom 1.10.43 bis 31.12.43, 90 p., 21.1.1944.
36 Archives du Ministère de l’Économie et des Finances, Savigny-le-Temple, 77, SAEF, B 33 000-33 003.
37 Pierre Laroque (1907-1997). Conseiller d’état (1930-1980), il développe un intérêt progressif pour la politique sociale dans les années 1930. Révoqué en décembre 1940, victime de la loi du 3 octobre 1940 car il a deux grands-mères et un grand-père juifs, il entre alors comme conseiller juridique dans le syndicat professionnel de la Soie à Lyon qui appréciait son travail et noue progressivement des contacts avec la Résistance, Combat, A. Philip, G. Bidault, J. Moulin, coopère avec le Comité Général d’études et en avril 1943. Il quitte la France pour Londres à la demande de Moulin et de Parodi, afin d’assurer la liaison Londres-CGE. Après juin 1943, il reste à Londres comme directeur au Commissariat à l’Intérieur et Secrétaire général à la Coordination et contribue à la préparation sociale de la Libération.
38 Ainsi de Maurice Couve de Murville, directeur des Finances extérieures et du change à Vichy (sept. 40) qui est envoyé en mission à Alger en mars 1943 par le gouvernement Laval. Il entre d’abord au service du général Giraud puis poursuit son travail auprès du CFLN, dont il est en juin 1943 le premier commissaire aux Finances.
39 Michel-Louis Lévy, A. Sauvy, Compagnon du siècle, Paris, La Manufacture, 1990, 220 p. et les mémoires de l’intéressé : Alfred Sauvy, La vie en plus, Paris, Calmann-Lévy, 1981.
40 Collection disponible à l’INSEE ou à la Bibliothèque Nationale. Alfred Sauvy et Mendès France confirment son utilisation, notamment dans Alfred Sauvy, La vie économique des Français de 1939 à 1945, Paris, Flammarion, 1978, p. 88.
41 Par exemple le no 15 du Point Économique daté de fin décembre 1943 donne 502 milliards de francs de circulation fiduciaire à partir du dernier Bilan de la Banque de France et l’indice 237 pour l’indice des prix de détail (34 articles) sur base 100 en 1939 ; la Note Mendès France parle d’une circulation fiduciaire de 500 milliards de francs et d’un indice des prix de détail de 230. Les chiffres sont bien les mêmes.
42 François Stasse dir., P. Mendès France, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1985, II, p. 561-572.
43 Archives Nationales, Paris/Pierrefitte-sur-Seine, par ex. 3AG2/455-593, batailles de la Libération, maquis, FFI, missions, communiqués, situation en France après la Libération.
44 AN 3AG2/118. Conditions de vie en France : coupures de journaux anglais et français, dossiers divers (services britanniques par ex.) concernant le quotidien. 3AG2/119. Informations sur les régions côtières de la France transmises par les services anglais ou d’informateurs divers, ou encore de personnes échappées de France. 3AG2/152. Informations sur l’armée allemande en France, départements de « Nièvre » à « Pas-de-Calais ».
45 François Bloch Lainé (1912-2002), inspecteur des Finances. Ses mémoires : F. Bloch Lainé, Profession fonctionnaire, Paris, Le Seuil, 1976.
46 À partir d’octobre 1943, Jacques Bingen, adjoint au Délégué général du CFLN en France occupée, fédère en FFI les forces militaires de la Résistance (AS, FTP, ORA) et fonde le COFI, ou Comité Financier pour assurer le financement d’un ensemble croissant de réseaux.
47 Voir : Archives Nationales, Reconstructions et modernisation, La France après les ruines, 1918… 1945…, Catalogue d’exposition, Paris, AN, 1991, 310 p. et Danièle Voldman, La reconstruction des villes françaises, Histoire d’une politique, L’Harmattan, 1997, 487 p.
48 René Pleven (1901-1993). Christian Bougeard, René Pleven : un Français libre en politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1994, 473 p.
49 Maurice Couve de Murville (1907-1999). Jean-Philippe de Garate, Couve de Murville, Un président impossible, éditions L’Harmattan, Paris, 2007, 400 p.
50 Jean Lacouture, Pierre Mendès France, Paris, Le Seuil, 1981, réédition 2010 collection poche Point-Histoire.
51 Dans les années 1930-40 se distinguent les partisans d’un « ministère des Finances », plus classique et libéral et ceux d’un « ministère de l’Économie » accordant à l’État des responsabilités accrues. En France, deux départements distincts coexistent entre 1944 et 1947 puis un compromis est trouvé à partir de 1948. Le ministère, regroupé, s’intitule grosso modo « ministère des Finances et des Affaires Économiques » de 1948 à 1966, puis « ministère de l’Économie et des Finances » depuis 1966. Voir par exemple : Ministère de l’Économie, des Finances et du Budget, Les Ministres des Finances de 1870 à nos jours, Paris, Imprimerie Nationale, 1992, 276 p. ou encore le site du Ministère de l’économie en ligne.
52 Bruno Valat, Histoire de la Sécurité Sociale (1945-1967). L’État, l’institution et la santé, Paris, Economica, 2001, 544 p. Harris José, William Beveridge, a biography, Oxford, Oxford Clarendon Press, 1997, 488 p. Hills John et alii, 1994, Beveridge and social security, An International Retrospective, Oxford, Oxford Clarendon Press, 251 p. Köhler Peter A., Zacher Hans F. éd., Un siècle de sécurité sociale, 1881-1981, L’évolution en Allemagne, France, Grande-Bretagne, Autriche et Suisse, Nantes, CRHES, 1982, 612 p.
53 SAEF B 33 000 - 33 003, Commissariat aux Finances, Service des Études Économiques, préparation de la libération, par exemple note du 20 novembre 1943 (B 33 000).
54 SAEF B 33 002 et Pleven 5 A 7. Voir aussi : Henri Koch, Histoire de la Banque de France sous la IVe République, Paris, Dunod, 1983, chapitre 1. Michel-Pierre Chélini, Inflation, État et opinion en France de 1944 à 1952, Paris, CHEFF, 1998, chapitre 4.
55 Nathalie Carré de Malberg, Le grand état-major financier, les inspecteurs des Finances, 1918-1946, Les hommes, le métier, les carrières, Paris, CHEFF, 2011, 722 p. À venir, un Dictionnaire historique des inspecteurs des Finances, 1801-2010, Fabien Cardoni, Nathalie Carré de Malberg, Michel Margairaz (dir.), Paris, CHEFF, 2012 ou 2013.
56 Pierre Pierrard, « Le Nord et Lille dans la vie de Charles de Gaulle », in Charles de Gaulle, la jeunesse et la guerre 1890-1920, [Colloque] Paris Plon, 2001, p. 17-21, en ligne sur le site de la Fondation C. de Gaulle.
57 Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, 1. L’appel, 1940-42, Paris, Plon, 1954, réédition 1980, poche, p. 8.
58 « Nous autres, Lillois, ce sont les vérités que nous regardons en face, beaucoup plus que nous ne goûtons les formules ». Discours officiel à Lille, le 30 septembre 1944.
59 « Il ne serait pas juste d’apprécier notre véritable position d’après l’atmosphère à Vichy ou à Casablanca. C’est à Lille, dans ces provinces de la zone occupée les plus riches et les plus peuplées de la métropole, que nous trouvons les meilleurs soutiens ». Cité par P. Pierrard, « Le Nord… », op. cit.
60 L’historien Pierre Pierrard (1920-2005) lui envoie en 1967 son ouvrage dédicacé, Lille et les Lillois : Essai d’histoire collective contemporaine (de 1815 a nos jours), Paris, Bloud Et Gay. Réponse du général : « Vous montrez, en effet, qu’à travers tous les événements, épreuves, succès, chagrins, espoirs qu’elle a vécus, notre Ville n’eut jamais qu’une âme et que ses enfants, si divers et si opposés qu’ils fussent par leurs intérêts, l’ont sans cesse aimée et servie ». P. Pierrard, « Le Nord… », op. cit.
61 « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France » est la première phrase, très célèbre, des Mémoires de guerre, C. de Gaulle, Mémoires de guerre, 1940-42, op. cit., p. 7.
62 Pierre Barral, « Idéal et pratique du régionalisme dans le régime de Vichy », Revue Française de Sciences Politiques, 1974, no 24, p 911-939. Christian Gras, Georges Livet, Régions et régionalisme en France, du XVIIIe s. à nos jours, Paris, PUF, 1977, 594 p. Christian Faure, Le projet culturel de Vichy : folklore et Révolution Nationale 1940-1944, Paris, Lyon, CNRS/Presses Universitaires de Lyon, 1989, 336 p.
63 Archives Nationales, Archives du général de Gaulle, La France Libre, La France Combattante, le GPRF, Les années 1946-1958, Paris, CHAN, 2003, 505 p.
64 AN 3 AG 1/278. Questions relatives à la France métropolitaine pendant la guerre, sous-dossier 2, situation générale et opinion publique en France métropolitaine : gouvernement de Vichy, personnalités politiques etc. Au sein des pièces 94-168, une mention sur les « municipalités du Nord et du Pas-de-Calais », au sein des pièces 223-263 : « les industries houillères et les valeurs spirituelles de la résistance ».
65 Organisation que l’on retrouve dans la numérotation des routes impériales, puis royales puis nationales : la N1 conduit Paris à Lille par exemple.
66 Serge Berstein, Pierre Milza dir., L’année 1947, Paris, Presses de la FNSP, 2000, 531 p. Robert Mencherini, Guerre froide, grèves rouges. Parti Communiste, stalinisme et luttes sociales en France. Les « grèves insurrectionnelles » de 1947-48, Paris, Syllepse, 1998, 307 p. Marie-Renée Courty-Valentin, Les grèves de 1947 en France. Recherche centrée sur le secteur public et nationalisé, Thèse de Sciences Politiques, IEP Paris, 1981, 395 p.
67 Charles de Gaulle, Discours et Messsages, Paris, Plon, 1970, I, p. 458.
68 Étienne Dejonghe et Daniel Laurent, Libération du Nord et du Pas-de-Calais, Paris, Hachette, 1974, 300 p.
69 SAEF B 33 003. GPRF, Instructions du 28 juin 1944 aux Comités Départementaux de Libération, aux préfets et aux officiers de liaison administrative.
70 SAEF B 33 003. Notes de Jean-François Ricquebourg, inspecteur des Finances (1915-1944) au Service des Finances du GPRF.
71 Institut Français d’Opinion Publique, IFOP, Sondages, 1er février 1945. Questionnaire de décembre 1944 sur le degré d’intervention de l’état et de maintien des contrôles de toutes sortes. Les réponses « libérales » (41 %) sont équilibrées par celles qui privilégient une « économie dirigée » (39 %). On compte 20 % de « sans opinion ».
72 Ministère de l’Économie, Les Ministres des Finances de 1870… op. cit., Ordre de la Libération (en ligne), Archives de l’École Polytechnique (en ligne).
73 Mobilisé en 1939, prisonnier en juin 1940 puis libéré, il assure la présidence du Comité d’organisation des Combustibles Minéraux, d’où il est révoqué en 1943, s’opposant ouvertement à la politique de Laval relative au STO. Clairement engagé alors dans la Résistance (OCM) dont il prend la tête, il est chef des FFI de l’Île-de-France.
74 La Libération de la France, Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, Paris, CNRS, 1976.
75 INSEE, Annuaire statistique rétrospectif, Paris, 1961, p. 254. Service National de Statistiques, Point Économique, avril 1946, p. X. INSEE, Études et Conjoncture, passim, à partir de l’été 1946.
76 Paul Sanders, Histoire du marché noir, 1940-46, Paris, Perrin, 2002, 380 p. Michel-Pierre Chélini, Inflation, État et opinion en France 1944-52, Paris, CHEFF, 1998, chap. 1.
77 Alan Milward, The new order and the French economy, Oxford, Clarendon Press, 1970, 320 p, réédition Gregg Revivals, 1993.
78 Marie-Louise Recker, Nationalsozialistische Sozialpolitik im Zweiten Weltkrieg, Munich, Oldenburg, 1985, 325 p.
79 Au milieu d’une bibliographie assez dense, on peut citer les travaux d’Alan Milward et de Richard Overy. A. Milward, War, economy and society, 1939-45, London, A. Lane, 1977, 395 p. R. Overy, War and economy in the Third Reich, Oxford, Clarendon Press, 2002.
80 SAEF B 33 003. Préparation de la Libération. Deux notes de 4 à 6 pages, du cabinet de Pierre Mendès France commissaire à l’Économie, L’évolution des salaires en France depuis 1940 et La question des salaires à la Libération.
81 Pierre Mendès France, Œuvres complètes, op. cit., p. 561-572.
82 AN Fontainebleau/Pierrefitte Travail 760121.293. Commission Nationale des Salaires, réunion du 6 mars 1945. Témoignage d’Albert Gazier, CGT.
83 Diane de Bellescize, Les neufs sages de la Résistance, Le Comité Général d’études, Paris, Institut Charles de Gaulle, Plon, 1979, 302 p.
84 SAEF B 18 675. Note sur la politique monétaire, anonyme, 89 p. Non publiée. Elle peut être attribuée à R. Courtin et E. Mönick, désignés par la Résistance comme secrétaires généraux provisoires à la Libération, l’un à l’Économie Nationale, l’autre aux Finances.
85 Michel-Pierre Chélini, « L’emprunt de Libération nationale en France (automne 1944). Solution budgétaire ou amnistie monétaire ? », Revue Historique, juillet-septembre 1992, no 583.
86 SAEF B 33 003.
87 AN Travail 760121. 292.
88 Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, 1940-46, Paris, Plon, Poche, 1970. vol. 3, p. 47-48. Le chef du gouvernement provisoire, reste sur l’idée d’une hausse « modeste ».
89 AN Travail 760121.292. Commission Nationale des Salaires, séance du 6 mars 1945.
90 AN Travail 760121. 292. Préfecture de Lille, un seul arrêté, le 29 septembre. Les majorations accordées « bénévolement » par certains employeurs au cours des derniers mois ne doivent pas porter le salaire du manœuvre au-delà de 16 francs horaires.
91 Les hommes à Lille bénéficient de 9,20 francs l’heure et les femmes 7,20 francs, soit 78 % de la rémunération masculine. De même, les écarts entre classes de communes sont confirmés : si les manœuvres de la zone 1 dans la circonscription de Lille touchent 9,20 francs ceux de la zone 3 reçoivent 7,50 francs, soit 81 % du montant des premiers. Enfin, la diversité professionnelle est maintenue, puisque dans la même région, le salaire minimum des mines est à 13,65 francs pour le jour et 14,85 francs pour le fond.
92 AN 3 AG 4/43. Intérieur, dossier 3 « autres départements » : rapports, notes et coupures de presse, correspondance sur Corse, Loire Inférieure, Haute-Marne et Nord, 3 oct. 44-6 nov. 1945. 3 AG 4/55. Production industrielle et commerce. Dossier 4 sur « mines et houillères », rapports, notes et correspondances, 5 oct. 44 - 7 déc. 45. Dossier 5 sur industrie sidérurgique, dossier 6 sur textile. 3 AG 4/60. Sinistrés et reconstruction, dommages de guerre note de synthèse, 5 janvier 1946, dossiers iconographiques de destructions de villes, photos, cartes et dessins : Pas-de-Calais (Boulogne, Le Portel, Le Touquet).
93 Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, 3. Le salut, 1944-46, Paris, Plon, 1959, p. 26-27.
94 AN 3 AG 4/72. Voyages et déplacements du général de Gaulle : Lille, 30 septembre - 2 octobre 1944.
95 « Lillois, tout à l’heure, le Général de Gaulle sera là ! Le jour est venu, ce jour que vous avez si longtemps et si impatiemment attendu, raidis sous le joug de l’envahisseur ! Oui, il sera la, parmi nous, dans notre ville, dans nos rues et vos pas croiseront les siens ! Il sera la et vous pourrez le voir et l’entendre parler. Souvenez vous de ces tristes soirs ou la rage au cœur, meurtris par l’humiliation, mais confiants dans la grandeur impérissable, vous écoutiez dans le secret, cette voix qui vous venez de Londres ! Elle vous parlait alors d’effort, de victoire et de liberté. Souvenez vous et saluez, acclamez ce fils de notre sol. Dites lui, criez lui votre merci, votre gratitude et votre joie ! Lillois, La France vient vers vous, dans sa plus haute et sa plus fière incarnation, accueillez la et qu’une grande clameur d’enthousiasme unanime monte de vos cœurs ! Lillois, le Général de Gaulle arrive. Vive la France ! »
96 Le témoin, alors âgé de 24 ans, ajoute « Nous sommes nombreux à nous souvenir de la haute silhouette dressant le V de la victoire, à 18 heures, sur le perron de la préfecture du Nord, le 30 septembre 1944, et de la voix si chère, que nous ne connaissions que par la BBC ». P. Pierrard, « Le Nord… », op. cit.
97 Le CDL, le conseil général, les recteurs, les professeurs des deux facultés (État et Catholique), une délégation des municipalités de Lille, Roubaix, Tourcoing, Armentières… les magistrats des cours de Douai et Lille, les conseillers de la préfecture, les dirigeants des grandes administrations, la CGT, la CFTC, Libération, CDLR, délégués des prisonniers, mutilés et anciens combattants, le Secours Social, la Croix Rouge, la presse régionale, le cardinal Liénart et le corps consulaire. Le rétablissement de la légalité républicaine, Fondation Charles de Gaulle, FNSP, Bruxelles, Complexe, 1996/2004, p. 658 et 661, note 59.
98 Serge Dormard, L’économie du Nord - Pas-de-Calais, op. cit., 2001.
99 AN 3 AG 4/63. Sécurité. Voyages officiels du général de Gaulle : dossier 2, voyages en France, notamment Nord : 11-12 août 1945.
100 Maurice Thorez (1900-1964), secrétaire général du PCF à partir de 1930. Stéphane Sirot, Maurice Thorez, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, 302 p.
101 « Je voudrais vous faire comprendre que [...] produire, produire encore produire, faire du charbon c’est aujourd’hui la forme la plus élevée de votre devoir de classe, de votre devoir de Français. Hier l’arme, c’était le sabotage, mais aujourd’hui l’arme du mineur, c’est de produire pour faire échec au mouvement de réaction, pour manifester sa solidarité de classe envers les ouvriers des autres corporations ».
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