Chapitre I : L’auto-traduction comme principe évolutif de l’œuvre
p. 21-51
Texte intégral
I. Chronologie d’une écriture bilingue
1Beckett expérimenta « le bilinguisme d’écriture » dès les premières années de sa carrière d’écrivain, quand, en 1936, avant de partir pour un long séjour en Allemagne, et alors même qu’il apprenait cette langue en autodidacte, il se mit à rédiger, sous l’influence de sa lecture de Goethe, quelques textes en allemand ; et c’est à ce même moment qu’il traduisit un de ses poèmes d’anglais en allemand. Peut-être ce premier essai d’auto-traduction et de rédaction dans une langue autre que l’anglo-irlandais témoignait-il d’un effort pragmatique pour améliorer sa technique d’écrivain encore débutant, comme ce fut le souci de nombreux jeunes poètes polyglottes de la Renaissance chez qui le passage par la langue étrangère constituait un moyen d’enrichir leur pratique poétique dans l’idiome d’origine.
2Ce processus d’écriture dans une langue – sa langue maternelle d’abord – puis de réécriture dans une autre langue – la langue étrangère – découvert de manière anecdotique avec l’allemand, fut poursuivi quand Beckett s’installa définitivement en France en 1937 et souhaita se faire connaftre du public français. Il commença alors d’écrire des poèmes directement en français et se mit à traduire Murphy (ainsi qu’une nouvelle de More Pricks Than Kicks) avec l’aide de son ami français, Alfred Péron. Ce processus fut par la suite inversé, à partir de Molloy (traduit en collaboration avec Patrick Bowles).
3Devenue une habitude dans les années 1950 avec l’écriture puis la traduction de Malone meurt, de L’Innommable et d’En attendant Godot, enfin véritablement systématisée à partir des années 1960, et ce dans les deux sens – de l’anglais vers le français et vice-versa –, l’auto-traduction se pose ainsi peu à peu en principe évolutif de l’œuvre. Chaque nouveau texte est obligatoirement suivi de son auto-traduction, commencée peu de temps après l’achèvement du premier, parfois même avant l’achèvement de celui-ci (voir Corne and Go /Va-et-vient, Eh Joe /Dis Joe, Company /Compagnie...). Même lorsque Beckett n’était plus satisfait de son travail, ou quand il l’abandonnait en cours d’écriture comme ses Foirades, et qu’il était donc peu désireux de le traduire dans l’autre langue, des circonstances – principalement éditoriales – le poussèrent néanmoins à entreprendre cette tâche vécue alors comme fastidieuse. Ainsi en est-il de Premier amour, nouvelle que Beckett écrivit au cours des mois d’octobre et novembre 1946 mais qu’il abandonna par la suite et ne consentit à publier qu’en 1970, après avoir reçu le Prix Nobel. Un peu récalcitrant à l’idée de traduire un texte dont il n’était plus du tout satisfait vingt-cinq ans après, il se mit à écrire First Love au printemps 1972, pour ne l’achever que début février 1973.
4L’auto-traduction représente donc un nouveau départ, souvent naturel, parfois forcé ; un « redépart retardé » ou « immédiat », pour citer la voix narrative de Assez qui raconte les bribes d’une conversation laborieuse – nommées « communications »– lesquelles occupent les deux protagonistes au cours de leurs pérégrinations (37- 41) :
Au début quand il parlait c’était tout en allant. Il me semble. Ensuite tantôt allant et tantôt arrêté. Enfin arrêté uniquement. […]
Il lui arrivait de s’arrêter sans rien dire.[...]
D’autre cas principaux se présentaient à l’esprit. Communication continue immédiate avec redépart immédiat. Même chose avec redépart retardé. Communication continue retardée avec redépart immédiat. Même chose avec redépart retardé. Communication discontinue immédiate avec redépart immédiat. Même chose avec redépart retardé. Communication discontinue retardée avec redépart immédiat. Même chose avec redépart retardé.
5Qui a dit que Beckett n’évoquait jamais son art de l’auto-traduction dans ses métatextes quand cette mise en abyme exprime si bien la chronologie variable et imbriquée de ses textes bilingues ? Soit que la traduction voie le jour plusieurs années après la première version – c’est le « redépart retardé », ou, cas contraire, immédiatement à sa suite – c’est le « redépart immédiat »–, soit que les dossiers génétiques s’entrecroisent littéralement, l’écriture et la traduction étant menées de front, avec seulement un léger hiatus entre les premiers jets respectifs, – voilà la « communication discontinue » avec « redépart[s] immédiats] ou retardé[s] », comme cela se produisit plusieurs fois, à partir des années soixante, notamment dans la genèse de Corne and Go/ Va-et-vient.
6Le titre prédestiné de ce dramaticule fait référence autant au ballet scénique des personnages qu’à la technique d’écriture que mit en œuvre Beckett, lequel, pour progresser, passait d’une langue à l’autre et n’hésitait pas à regarder en arrière en cas de blocage. Les avant-textes de Va-et-vient furent commencés avant que Beckett eût fini de travailler sur ceux de Corne and Go comme le laisse penser la correction intrigante d’un lapsus calami en français dans un brouillon en anglais, ainsi que l’évolution parallèle des dactylogrammes bilingues où l’ajout d’un nouvel incipit, allant de pair avec l’allongement symétrique de l’excipit, est répercuté d’une série de brouillons à l’autre, sans que le critique sache en quelle langue l’idée a germé initialement. S’apercevant en outre que la modulation phonétique du « Oh » anglais porteuse d’une désolation profonde mêlée d’étonnement est impossible en français, Beckett se tourne vers une version primitive de la pièce. Il transpose l’exclamation ritournelle « good heavens ! » en « miséricorde ! », « malheur ! » et « misère ! ». Ce qui n’empêche pas les manuscrits d’évoluer aussi de façon indépendante, le travail de déstructuration de la syntaxe étant propre aux avant-textes de Va-et-vient1.
Une action stimulante
7Cette technique de double gestation parfois entremêlée devint donc avec le temps et les années d’expérience un passage obligé dans la genèse de l’œuvre beckettienne. Il est probable qu’elle opérait sur Beckett une action stimulante, à une époque où, après la frénésie d’écriture des années 1946-1953 (qui vit naftre Les Nouvelles, Mercier et Camier, Molloy, Malone meurt, L’Innommable, pour la prose, ainsi qu’Eleuthéria et Godot, pour le théâtre), l’écriture s’était faite de plus en plus difficile, de plus en plus rare, Beckett ne produisant que de menus « dramaticules » et autres « foirades », aux titres explicitement dépréciateurs. Le passage à l’autre langue pouvait alors être vécu comme un changement bienvenu, presque un soulagement, d’autant que le temps de gestation dans la langue deux se trouvait être, d’une manière générale, raccourci en comparaison de la langue un2, le travail de structuration du texte ayant été effectué dans la première3.
8L’alternance des langues fonctionne ici un peu comme l’alternance des genres dont la bibliographie de Beckett témoigne si bien. Tour à tour critique, traducteur professionnel, poète, prosateur, dramaturge, metteur en scène, et auto-traducteur, la diversité des activités de l’homme montre bien cette soif de changement manifestée par l’écrivain, lequel confessa avoir écrit En Attendant Godot, puis ses Textes pour rien, comme une récréation, afin d’échapper à l’univers étouffant de sa trilogie romanesque. Le processus de traduction de soi, devenu systématique, n’est peut-être qu’un avatar de ce besoin de renouvellement incessant, et un avatar qui aurait supplanté ses concurrents par son ampleur et sa portée esthétique.
9Dans ce va-et-vient incessant d’une langue à l’autre, va-et-vient qui imprime une dynamique à une écriture par ailleurs fastidieuse – il n’est que de voir la longueur des dossiers génétiques de certains textes comme Le Dépeupleur dont la genèse, interrompue au terme de longs mois de travail n’aboutit à une publication que plusieurs années après4 – s’accomplit, au rythme des métamorphoses et des transgressions, une écriture multilingue dont la structure rappelle celle du mythe d’écho ; Y. Hersant rappelle qu’à « l’âge classique, les Français l’appelaient « double » et « différencia » les Espagnols ». Echo ne serait « ni l’un ni l’autre mais les deux », mais bien « répétition et différence, moins succession de variétés que principe évolutif. A supposer qu’elle ait un thème […] elle l’implique et le transgresse, elle le récrit en diverses métamorphoses sans l’asservir à son identité »5. Principe évolutif donc, mais aussi parfois salvateur, presque vital, quand l’auto-traduction donne une seconde chance au texte de voir le jour. C’est ainsi que le fragment théâtral intitulé « The Gloaming », dont le premier brouillon remonte à 1956, faillit rejoindre éternellement les fameux « manuscrits dans la malle » de Beckett, jusqu’au jour où, après un blanc de huit ans, la pièce fut publiée sous le titre de Fragment de théâtre I, dans une forme plus courte, mais en français cette fois, avant d’être traduite en anglais (Rough For Theatre I).
10On l’a vu, ce qui prime c’est l’idée d’alternance (qu’elle se fasse entre des langues ou des textes), et, grâce à l’alternance, la transgression qui reste à définir. Or, s’il est vrai que, comme beaucoup d’écrivains bilingues, Beckett privilégia une langue aux dépens de l’autre à certains moments de sa vie, faisant se succéder des périodes de rejet d’une langue au profit d’une autre6 (l’anglais a évidemment dominé la période 1930-36, et le français la période 1946-1950), pour Beckett, le processus d’écriture-réécriture fit que les deux langues ont prospéré, – ou « dégénéré » devrait-on dire pour être fidèle à sa pensée – , de manière concomitante et le tableau chronologique de la genèse de ses œuvres ne pourra que confirmer ce va-et-vient incessant. « Je ne sais pas, je ne sais jamais d’avance en quelle langue je vais écrire », aurait-il affirmé7. Ce fut notamment le cas de La Fin (d’abord intitulé Suite), sa « première nouvelle en français » lit-on souvent, que Beckett commença pourtant en anglais et poursuivit dans sa langue d’adoption, après un essai avorté de quelque vingt-neuf lignes.
Un partage des langues problématique
11Appliquées à Beckett, les idées reçues ne fonctionnent pas ou fonctionnent mal. La critique s’est employée à montrer que le passage au français était lié à un besoin pour Beckett de s’appauvrir, de prendre ses distances avec à sa langue maternelle trop empreinte de traces mnésiques personnelles et littéraires, l’écrivain réinvestissant seulement sa langue maternelle lorsqu’elle est à nouveau ressentie comme « étrangère ». Une telle lecture du bilinguisme amène forcément le critique à convoquer, à l’appui de sa thèse, la relation à la mère, au cœur de la théorie psychanalytique, car celle-ci, dans son effort pour rapprocher le langage du corps prend la « langue maternelle » comme métaphore de la mère.
12Voyant dans le choix de la langue française un exil hors de la mère patrie et une auto-mutilation affaiblissante, donc principalement un choix esthétique lié à une division fonctionnelle et psychologique des langues, ce type d’interprétation repose cependant sur une vision romantique de la littérature qui assigne à la langue maternelle la mission d’exprimer le moi du poète. C’est croire implicitement dans le pouvoir des mots, affirmer la suprématie du Logos et de l’imagination créative ; c’est, malgré l’affiliation à la théorie freudienne, ignorer que Beckett, à la suite des surréalistes, proclame l’inadéquation de tout langage comme instrument de communication.
13L’autre lieu commun de la critique beckettienne sur le bilinguisme, qui découle du premier, aboutit à une conception du langage comme pur matériau rhétorique et divise les langues en langue théâtrale et narrative. Selon P. Casanova, « mis à part ses premières pièces, En attendant Godot [...] et Fin de Partie [...], toutes les pièces de théâtre de Beckett seront d’abord écrites en anglais et, ensuite seulement, pour la plupart, traduites en français […]. » D’où l’hypothèse « que, au moins dans les premières années de son travail littéraire, Beckett emprunte deux voies distinctes qui ne se rejoindront que peu à peu ». D’un côté on assiste à un « acheminement radical et difficile vers une esthétique minimaliste exigeant l’emploi du français, forme privilégiée, selon Beckett, d’une abstraction littéraire » et, d’un autre, à « l’élaboration d’un théâtre, certes subversif mais demeurant dans la voie figurative, respectant les conventions théâtrales majeures (personnage, décor, texte articulé...) même réduites au minimum », un théâtre « nécessitant de ce fait moins de « faiblesse » et capable de supporter la « richesse » de l’anglais »8.
14Il ne s’agit pas ici de contester la part de fonctionalisation des langues qui a dû exister à un moment donné de la carrière littéraire de Beckett, mais plutôt de nuancer de telles interprétations. Par exemple, il ne faut pas perdre de vue que Imagination morte imaginez dérive de All Strange Away, écrit en anglais uniquement. Still, texte très elliptique, donc forcément très « abstrait », fut commencé en anglais d’abord, et des monologues tels That Time et A Piece of Monologue, n’ont que peu à envier, du point de vue stylistique, à la soi-disant « faiblesse » du français. En outre, pour arriver à une telle dichotomie, on est obligé de passer sous silence quelques détails pratiques qui ont certainement dû intervenir dans le choix d’une langue d’écriture.
15D’une part, indépendamment du fait que Beckett était installé en France et qu’il vivait avec une Française, sa difficulté à être publié en Angleterre dut jouer dans le passage initial au français. D’autre part, il ne faut pas oublier que l’écriture d’une grande majorité de ses dramaticules se fit d’abord en anglais, parce que motivée par une commande pour la scène ou la radio britanniques, parfois même américaines ou, plus rarement en français, pour des raisons similaires. En juillet 1962, une lettre de Samuel Beckett à Bamey Rosset, son éditeur américain, qui évoque deux pièces radiophoniques récentes, illustre bien cet état des choses : « au debut de l’année, j’ai écrit deux petits textes pour la radio, l’un en anglais (ci-joint) pour la BBC [Words and Music] et mon cousin John Beckett [le compositeur], et l’autre [Cascando] en français pour la RTF et Mihalovici. (juillet 1962)9 »10. Il faut aussi ajouter qu’il arriva souvent à Beckett, enthousiasmé par la performance d’un acteur de langue anglaise, de créer une pièce spécifiquement à l’attention de celui-ci (Krapp’s Last Tape pour Patrick Magee et Eh Joe pour Jack Mac Gowran notamment). Or, ces raisons extérieures, souvent anecdotiques, sont presque inavouables car elles ne traduisent pas une volonté artistique directe du « créateur » encore une fois considéré dans sa conception romantique.
16Une troisième attitude critique s’applique à montrer que l’étude comparatiste n’est pas nécessaire pour circonscrire la spécificité du bilinguisme beckettien, estimant que ce dernier ne relève que d’une esthétique de l’œuvre et non d’une poétique du texte. Selon cette approche, l’essentiel de la « métaphysique » beckettienne se situe dans l’écart et la différence : il s’agit de noter l’entre-deux qui sépare les textes jumeaux sans jamais le définir. Ce qui importe, c’est que le texte se pose toujours comme autre. « Le texte lu […] est presque tout de suite présenté non seulement comme ayant pu mais comme ayant dû avoir été autre. […] Le lecteur s’avance dans du provisoire et de l’incertain11. » Et d’aborder l’œuvre en terme de territorialité, ou plutôt, de « déterritorialisation », pour emprunter un néologisme cher à Gilles Deleuze. « L’écrivain, poursuit-il, aussi bien que l’œuvre à laquelle il donne jour, est proprement insituable. Les frontières du corpus ne sont pas vagues, mais elles s’effacent au moment même où l’on croit les atteindre et pouvoir les arrêter12 ». Cette approche est judicieuse et féconde, car, comme l’expérience de l’autobiographie, celle de la traduction de soi configure la « conquête d’un lieu13 », non pas un lieu stable, mais bien un « entre-deux », un lieu d’exil, presque un non-lieu, où il devient possible de parler de soi, de se recréer. Mais elle néglige toutefois, par son éclipse des textes, ce qui justement motive cette différence et ce qui se trame sur cette scène utopique.
17Ces réserves nous incitent donc au contraire à retourner à la source, à savoir les textes auto-traduits eux-mêmes. Ce n’est qu’à l’épreuve des textes en effet, que nous parviendrons à évaluer non seulement la nature mais la fonction de ce processus d’écriture-réécriture, à trouver l’objet de la quête impossible que représente métaphoriquement la traduction de soi beckettienne.
II. Le corpus
Des textes courts
18Les ouvrages étudiés appartiennent à la deuxième période de la production beckettienne, celle qui suivit la fameuse « révélation » de l’hiver 1946 transposée dans Krapp’s Last Tape et qui aurait été à l’origine d’un indiscutable décollage créateur. L’écrivain abandonne le roman à plusieurs personnages pour faire place nette au monologue, ou au soliloque, et redécouvrir, à la source de son inspiration, que l’obscurité et la « bêtise » qu’il sentait au plus profond de lui, et jusqu’alors réprimées, étaient ce qu’il avait de meilleur à offrir.
19Trois raisons majeures ont motivé le choix, comme objet d’étude, des textes dits « courts », ces « nouvelles », « textes pour rien », « foirades », ou « dramaticules », textes en prose ou destinés au théâtre, à la radio ou à la télévision.
20Une raison, d’ordre critique, s’impose tout de suite : tandis que les romans ont déjà fait l’objet de beaucoup d’attention critique, en général, et du point de vue du bilinguisme en particulier, les textes courts restent un domaine relativement peu exploré et rares sont les ouvrages qui s’intéressent en même temps à la prose et au théâtre en tant que formes brèves, malgré les rapprochements esthétiques possibles entre la prose dramatique et discursive de Beckett et son théâtre narratif.
21Une deuxième raison, d’ordre pragmatique celle-là, se justifie aisément. Les textes retenus se prêtent mieux que d’autres à l’analyse comparative, et a fortiori génétique, du fait de leur longueur réduite. Ils présentent en outre, grâce à leur grande diversité, une variété de styles et de genres remarquablement ouverte. Ainsi, l’écart temporel entre Words and Music et A Piece of Monologue ou Premier amour et Bing, n’a d’égal que leur radicale différence poétique. Le fait de n’étudier que les textes courts n’a donc pas paru limitatif. Au contraire, cela permettra de faire un tour d’horizon assez complet de la manière d’écrire et de se traduire de Beckett et, même si le corpus ne contient aucun des textes dits de « jeunesse »– More Pricks than Kicks, Murphy...–, certains textes courts présentent quelques similitudes avec ces derniers. Premier amour, L’Expulsé, ou encore Play ne leur empruntent-ils pas, à l’occasion, leur ton mi-parodique, mi-comique ou leur manie de la logorrhée, et ne retrouve-t-on pas, dans Assez, voire dans Le Dépeupleur, quelques soupçons des jeux sériels qui font la particularité de Watt ?
22Enfin, une dernière raison, plus esthétique cette fois-ci, donc plus cruciale, se doit d’être soulignée, en confirmation de ce choix. En effet, la nature même de ces textes courts, leur aspect fragmentaire et fragmenté, découlant d’une genèse souvent avortée, sera mise en perspective avec l’aspect inaccompli et inaccomplissable de toute traduction, voire de toute écriture, demeurant à jamais incapable, chez Beckett, d’arriver à ses fins.
Des traductions en tandem ou en solo
23Comme on l’aura remarqué, le corpus étudié contient deux œuvres traduites en collaboration, The Expelled et La Dernière bande, une pour chaque genre, respectivement écrites avec la collaboration de Richard Seaver et Pierre Leyris.
24Beckett traduisit en effet plusieurs de ses œuvres avec l’aide de traducteurs professionnels ou d’écrivains : Molloy avec Patrick Bowles, Watt avec Agnès et Ludovic Janvier, All that Fall (Tous ceux qui tombent) avec Robert Pinget ; il travailla aussi très souvent avec le couple Tophoven sur ses textes allemands. Il révisait scrupuleusement ce que proposaient ses collaborateurs, et, bien souvent le texte final était complètement réécrit par ses soins. Comme le dit humblement Pierre Leyris, après le passage de Beckett, « il ne restait plus grand chose de [s]on mauvais texte16 ». Si, d’une manière générale, il préférait travailler seul, ces traductions en tandem permirent à certains textes que Beckett n’aurait pas eu le courage d’aborder seul (comme la version française de Watt certainement), de voir le jour : « On lui servait certes de repoussoir, mais aussi d’amorce, et c’est un rôle qui n’est pas à diminuer, même si dans la version terminale sont restées peu de nos propositions », raconte Ludovic Janvier17, lequel ajoute : « On ne traduit pas Beckett, on le provoque à se traduire. […] Notre travail a été moins de traduction comme on l’entend d’habitude que d’incitation et de résonance18. » Incitation, encouragement, on aurait presque pu dire exhortation à reprendre certaines œuvres, tant l’horreur de l’auto-traduction pouvait parfois être forte, ce que le chapitre suivant mettra en évidence et tentera d’expliquer.
25Mais en attendant d’entrer plus avant dans l’étude de ce qui motivait cette écriture bilingue, il s’agit de s’interroger sur les méthodes critiques à mettre en œuvre pour cerner sa duplicité inhérente.
III. Quelle herméneutique pour penser le redoublement ?
Une hypertextualité hybride
26L’auto-traduction ressortit à ce que Gérard Genette nomme, dans Palimpsestes, l’« hypertextualité », et qu’il définit comme « toute relation unissant un texte B [ou hypertexte] à un texte antérieur A [ou hypotexte] sur lequel il se greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire ». L’hypertexte est donc « tout texte dérivé d’un texte antérieur par transformation19 ». Le texte auto-traduit est effectivement un palimpseste à ceci près que la première écriture du parchemin du même nom est normalement effacée au profit de la seconde, alors que chez Beckett, une première écriture préexiste bien à une seconde mais subsiste en concurrence avec elle.
27La pratique de l’auto-traduction est en effet une pratique hypertextuelle hybride, la relation qui unit, ou désunit, les deux textes se trouvant au croisement de plusieurs disciplines. Ni une « traduction » au sens habituel du terme où l’auteur et le traducteur sont en principe deux personnes physiquement différentes, ni à proprement parler une « suite » ou un « supplément », bien que les textes se suivent chronologiquement et que le second se surajoute au premier, ni exactement une « révision », cette dernière annulant la version précédente, cette relation hypertextuelle échappe aux catégories traditionnelles de la poétique selon Genette. Néanmoins, sa parenté avec toutes ces approches critiques, même si elle se réduit parfois à un cousinage lointain, est précieuse en ce qu’elle offre des orientations herméneutiques depuis longtemps éprouvées.
Les théories de la traduction
28Les théories de la traduction sont utiles en ce qu’elles fournissent un appareil critique indispensable, notamment la nomenclature des procédés de traduction, qui permettent de circonscrire des faits de réécriture particuliers. C’est ainsi qu’une figure de traduction fréquente chez Beckett consistant à faire subir à l’élément thématisé une translation de proximité, et que l’on retrouve notamment dans That Time /Cette fois où le « ferry » qui ramène Voix A (§ 2) en Irlande est pour ainsi dire oublié au profit du « débarcadère » puis du « quai », peut être définie comme une transposition métonymique. Elle instaure dès lors un changement de point de vue, qui, lorsqu’il est répété voire récurrent, peut avoir une influence sur la réception globale du texte.
29Les théories modernes de la traduction paraissent malgré tout peu adaptées à l’étude de l’auto-traduction beckettienne, car la plupart prennent pour paradigme de réflexion celui du même et non de l’autre, fidèles en cela à la théorie platonicienne de l’Idée. La copie doit toujours être aussi proche que possible du modèle, même si la nature de la ressemblance partage les théoriciens, comme le rappelle Jean-René Ladmiral : « à quoi (à qui) une traduction doit-elle être fidèle ? à la lettre de la langue-source ou à l’esprit de ce qu’il faudra rendre dans la langue-cible ? » Selon lui, « toute traduction existe dans la tension entre ces deux exigences, nécessaires et contradictoires, qui la définissent ; et elle penchera nécessairement d’un côté ou de l’autre »20.
30La question fondamentale de la traductologie, celle qui divise praticiens et théoriciens en « sourciers » et « ciblistes », est celle de la fidélité. A tel point que pour Antoine Berman, une esthétique de la traduction – ce qu’il nomme « visée » de la traduction – « consiste à définir ce qu’est la « fidélité »21 », une notion ambiguë qui ne se comprend qu’en lien avec sa face cachée, la « trahison22 ». La scission entre « sourciers » et « ciblistes » trouve son origine dans l’objet de cette fidélité essentielle, selon que l’on se veut fidèle à la langue et au texte de départ ou à la langue et au texte d’arrivée. Mais l’invariant reste toujours, de quelque bord que l’on soit, le sens23. Même lorsque Henri Meschonnic associe le traducteur à un « réécrivain » qui doit investir sa subjectivité pour devenir le véritable interprète du texte à traduire24, et donc que la question du sens semble s’atténuer, elle reste au centre des préoccupations, la « traduction libre », celle qui « va trop loin dans les possibilités de reformulations25 », étant proscrite.
31Or la fidélité au sens, surtout au sens littéral, n’est pas la priorité de Beckett auto-traducteur. L’étude des manuscrits confirme cette tendance de Beckett à ne pas se rendre esclave de la valeur sémantique des unités à traduire. Toujours à travers un court extrait tiré du monologue de Voix A dans That Time /Cette fois, on peut s’apercevoir d’une fluctuation du sens plus radicale que dans le décalage métonymique déjà évoqué (§ 2) : « and there stood waiting with the nightbag » est d’abord réduit à la simple notation brutale « et là l’attente » avec sa variante directe dans la version suivante « et là le pied de guerre » qui fait peu de cas du syntagme, « with the nightbag » ; ce dernier réapparaft toutefois mais sa localisation est encore floue : « et attendre la besace à tes pieds /la main ». Finalement, l’infidélité au texte de départ se trouve transférée dans la différence connotative : l’idiotisme « rester planté là » étant d’un niveau de langue plus familier que celui de l’expression neutre « stood waiting ».
32Ce sont souvent le son et le rythme qui l’emportent au mépris du sens chez Beckett. Dans Comédie, l’expression lapidaire et rythmée par le retour de la consonne /k/ dans « le cœur me crevait » (17) – pour traduire « I felt like death » (150) – est préférée à « je me sentais mal /j’étais triste à crever » version plus littérale ; dans Pas moi le syntagme allitératif « sur l’enfant sans défense » (82) remplace « sur l’enfant privé de parole », pourtant plus proche, sémantiquement, de l’anglais « speechless infant » (216), et de la thématique générale du monologue qui s’articule autour de la possibilité de la communication.
33De toutes les façons, la notion de fidélité, comme celle de vérité, ne semble guère valide chez Beckett, son œuvre étant « placée sous le signe du paradoxe du menteur ». « Toute affirmation irréfutable » y apparaft « réversible » et peut être à tout moment « remplacée par une autre « vérité » possible »26 : « les voix, que des mensonges » affirme – mais est-ce bien vrai ? – le narrateur de Texte pour rien III (129). Les avant-textes nous ont montré que la priorité de Beckett n’était pas la fidélité au sens. Les textes nous prouvent que la contradiction et l’incompatibilité de sens sont inscrites au cœur de son œuvre. « Ici il n’y a pas de franchise, quoi que je dise ce sera faux » renchérit la voix de Texte pour rien VII (170).
34Beckett l’auto-traducteur semble aussi jouer avec l’opposition sourciers /ciblistes qu’il incarne ironiquement, mais jamais de manière univoque. Insaisissable dans sa pratique, il investit tour à tour les techniques prônées par les uns ou les autres. Il imite les « ciblistes » quand il « déverbalise27 » et oublie la « lettre » au profit de « l’esprit », ce que confirme le choix de The Lost Ones pour rendre Le Dépeupleur, alors que le terme depopulator est attesté en anglais : « Traducteur, Beckett a préféré choisir, plutôt que la soumission à la lettre, la fidélité à l’obscurité du texte original en proposant une expression équivoque28 ». Ou encore quand il adapte, dans Comédie, la version française de Play qui met en scène trois personnages fantomatiques plantés dans des urnes funéraires, les toponymes humoristiques aux résonances thématiques Ash and Snodland par Sept-Sort et Signy-Signet (151/19). Mais ce sont les sourciers qu’il imite cette fois, lorsque, dans la même pièce, il traduit « We were not long together when she smelled the rat » (148) par « Nous n’étions pas longtemps ensemble et déjà elle sentait un rat » (12), empruntant l’idiotisme anglais to smell a rat (signifiant « se douter de quelque chose ») au lieu de le rendre par une équivalence telle que « elle découvrit le pot aux roses », comme il en avait d’abord eu l’idée dans une version primitive. Il opère là en effet un authentique « décentrement linguistique », au sens où l’entend Henri Meschonnic quand il oppose ce qu’il appelle la traduction-annexion à la traduction-décentrement. La première, la traduction-annexion, « naturalise29 » la langue de départ, alors que c’est la langue d’arrivée qui doit être « défamiliarisée », « décentrée » par la langue étrangère ; le texte traduit doit en effet garder la trace de la lettre du texte original, et ne pas se contenter d’en rendre l’esprit, ce à quoi s’emploie aussi Beckett. Mais Beckett est d’autant plus insaisissable qu’il pratique un décentrement inversé quand la langue traduisante ou langue deux envahit la langue un : ainsi, il n’est pas rare de tomber sur des traces de français – ou « gallicismes »– dans un texte d’abord écrit en anglais. Dans Ohio Impromptu, c’est l’expression white nights (286) tout en clair-obscur, calque de nos nuits blanches (63) qui attire l’œil du lecteur francophone ; dans les indications scéniques de That Time, c’est le « xénotisme30 » without solution of continuity, « interférence31 » du français sans solution de continuité, qui frappe par sa familière étrangeté.
35Contrairement à beaucoup d’auteurs bilingues qui choisissent d’abandonner leur langue maternelle au profit de la langue du pays dans lequel ils résident pour préserver la « pureté » de l’idiome dans lequel ils écrivent, ne voulant pas « contaminer » leur langue d’origine, Beckett semble au contraire rechercher une telle contamination par le biais de ces interférences bilatérales.
L’adaptation
36On l’a vu, Beckett commence à se couler dans les moules préétablis de la traductologie lorsque celle-ci se met à parler en termes de différences. L’adaptation, « processus délibéré visant à actualiser ou à naturaliser l’œuvre originale », mais aussi « processus involontaire, lié aux contraintes de la langue cible et de l’environnement socioculturel du destinataire32 », est la première, car la plus répandue, de ces « traductions libres ». Elle concerne avant tout les textes dramatiques. Bernard Faivre d’Arcier n’hésite pas à affirmer que « le théâtre est d’emblée et indissociablement une adaptation33 ». Aussi la plupart des traductions des pièces du dramaturge irlandais contemporain Brian Friel sont-elles désignées par le terme générique d’« adaptation ». Dans une moindre mesure, la poésie peut, elle aussi, être adaptée – comme l’illustre un poème écrit en français par T.S. Eliot, dont l’auteur traduira très librement sept lignes, quelques années plus tard, dans The Waste Land34
37Les exemples d’adaptation, au sens strict du terme de « naturalisation du texte de départ », ne manquent pas dans les dramaticules beckettiens, notamment pour rendre les allusions à des éléments culturels ou à certains noms de personnages :
– Play /Comédie (149/13 ; 154/26) :
Erskine | Frontin |
Personnally I always preferred | personnellement, je préférais |
– Eh Joe /Dis Joe (203/86 ; 205/88) :
Like those summer nights in | Comme ces soirs d’été sous les ormes |
Bundling her into her Avoca sack | En la fourrant dans son poil de chameau |
– Ohio Impromptu /Impromptu d’Ohio (286/61) :
old world Latin Quarter hat | un grand chapeau de rapin |
38Mais l’adaptation n’est pas réservée au texte dramatique, elle intervient aussi dans la prose, même si parfois Beckett préfère finalement omettre certains des passages concernés.
– L’Expulsé /The Expelled (21/38)
un percheron | a Clydesdale |
– Premier amour /First Love (17 /Reading MS 1227/7/14/2 /13) :
Anne | Oona | <> |
– Company /Compagnie (§ 7 ; § 9 ; § 24 ; § 27 ; § 29) :
Connolly’s Stores | boucherie-charcuterie |
The midwife was none other than a Dr. Hadden or Haddon. | L’accoucheur n’était autre que le généraliste Haddon ou Hadden. |
afternoon tea | goûter |
Croker’s Acres ahead. | Devant les pâturages. |
Seventy miles away according to your Longman. | Une distance de soixante-dix milles à en croire ton manuel de géographie. |
39Notons toutefois que Beckett ne pratique pas la « naturalisation » de manière très orthodoxe, choisissant les détails à adapter de manière parfois incohérente : pourquoi garder les noms à consonance irlandaise « Coote » et « Haddon ou Hadden » alors qu’il s’astreint à franciser « stores » et « Croker’s Acres » ? Pourquoi travestir certaines allusions et conserver telles quelles certaines autres, comme il le fait dans Compagnie, mais aussi à une plus grande échelle dans Murphy ? C’est que cette pratique peu cohérente, en disséminant les repères spatiaux, participe de l’esthétique du leurre et de l’égarement qui imprègne et informe l’œuvre dans son entier.
40L’adaptation a également ceci de commun avec l’auto-traduction qu’elle constitue une « mise à distance du texte source » se matérialisant par des transformations sémantiques non négligeables (ajouts, suppressions, substitutions...), voire une « réinvention », comme le montrera l’analyse comparative de A Piece of Monologue /Solo. Il y a alors un élargissement du terme si bien que l’on peut véritablement parler, avec Henri Meschonnic, de « déplacement ». Pour lui, la « traduction » est « la version qui privilégie en elle le texte à traduire » tandis que « l’adaptation » est « celle qui privilégie (volontairement ou à son insu, peu importe) tout ce hors-texte fait des idées du traducteur sur le langage et sur la littérature, sur le possible et l’impossible (par quoi il se situe) et dont il fait le sous-texte qui envahit le texte à traduire ». Ainsi, « comme palimpseste, l’adaptation est révélatrice. Par ces déplacements »35. L’adaptation serait donc cette version du texte qui fait ressortir la poétique du traducteur-auteur, poétique dont on voit poindre l’idée dans la deuxième partie de la phrase, ces « idées du traducteur sur le langage ». Pour Meschonnic, l’adaptation est négative car elle ne vise que la lettre alors que sa recherche d’une traduction qui restituerait « the record of speech » vise à reproduire le rythme intrinsèque de la parole du texte traduit. Beckett, lui, renonce à « traduire » quand justement il n’arrive pas à trouver le rythme, la petite musique, du texte dans la langue traduisante ; ce qui l’oriente, comme on le verra, vers une esthétique de l’inflexion et de l’amoindrissement. Il se résout alors à « adapter » son texte à la langue d’arrivée, action d’autant plus marquée dans les textes dramatiques où le texte « appelle un dire, une inscription dans le corps, la voix, le jeu du comédien36 ». C’est tout ce qui oppose deux textes tels qu’Impromptu d’Ohio et Solo où le travail de réécriture n’a rien de commun. Alors que le premier jet d’Impromptu est d’une écriture très fluide, presque dépourvue de corrections, qu’elles soient insérées en cours d’écriture ou ajoutées à la relecture, et aboutit à une version sémantiquement peu différente du texte anglais, l’« adaptation » de A Piece of Monologue occasionne au contraire énormément de remaniements et une réduction drastique du nombre de lignes du texte de départ. Tout se passe comme si, dans le premier cas, Beckett avait de manière immédiate et sans détours trouvé le « rythme » de son texte en français, contrairement au deuxième, dont il ne recrée la « musique » qu’au prix de grands sacrifices.
Traduction poétique ou « traduction recréation »
41Traduire la poésie est souvent envisagé comme un exercice périlleux, voire impossible, car voué à l’échec, du fait même de la nature du texte poétique. Forme et fond sont indissociables en poésie où ils travaillent de concert à la « retrempe alternée en le sens et la sonorité37 » mallarméenne. Roman Jakobson cerne ainsi la spécificité de la poésie : « Mais comment la poéticité se manifeste-t-elle ? En ceci, que le mot est ressenti comme mot et non comme simple substitut de l’objet nommé ni comme explosion d’émotion. » Et de préciser que « les mots et leur syntaxe, leur signification, leur forme externe et interne ne sont pas des indices indifférents de la réalité, mais possèdent leur propre poids et leur propre valeur »38. Or, comment rendre « le poids et la valeur des mots » alors qu’il y a non-coïncidence de l’une à l’autre langue. Selon un autre critique en effet, « il est bien connu qu’entre deux langues différentes, même fort voisines, les mots ne se recouvrent pas les uns les autres, pas plus au point de vue du sens que du style, des sonorités ou des associations d’idées »39. Dans ce cas, comment traduire la forme – « union des mots au moyen du rythme40 » – qui est une part inhérente du poème ?
42C’est pour répondre à cette aporie qu’intervient la « traduction-recréation », processus qui tente de recréer l’ensemble du poème tout en conservant la structure de l’original, quitte à « sacrifier », « transformer », « ajouter »41. Cette approche, prônée par Efim Etkind dans son Essai de poétique de la traduction poétique, s’appuie sur la conception valéryenne selon laquelle, « s’agissant de poésie, la fidélité restreinte au sens est une manière de trahison42 ». Pour traduire la poésie, se contenter d’une simple prosification réductrice privilégiant le sémantisme aux dépens de l’expression n’est pas satisfaisant, il faut donc oser une traduction « recréatrice ». Cette dernière ne doit pas se contenter de reproduire le sens littéral des vers pris individuellement, mais elle doit rendre le « système de conflits » du poème tout entier, source de la « tension poétique » du texte43.
43Lorsque Beckett traduit lui-même ses poèmes, il ne déroge pas à la règle. Les transformations et transpositions poétiques ne sont pas rares dans ses auto-traductions et les trois courts poèmes présentés ci-dessous permettront d’en cerner la nature polymorphe.
44Beckett privilégie dans ses poèmes aux vers libres, aux rimes absentes, les figures de redoublement, et parmi celles-ci les répétitions de sonorités sous forme d’allitérations et d’assonances. Dans « Dieppe », court poème qui annonce Cascando (le dramaticule) ou Eh Joe, l’éclipse des « vieilles lumières » au profit de « lighted town », image plus réaliste car plus explicite, s’explique par le retour de la consonne /t/ qui rythme les deux derniers vers anglais, comme pour mieux imiter les pas du marcheur s’en retournant, mais pesamment, presque à contrecœur, vers la lumière et la vie qu’il aimerait tant fuir à jamais. La disparition de l’idée de vieillesse qui filait, dans la version française, la métaphore de la mort omniprésente dans ce poème sur la tentation du suicide, laisse place en anglais, à une autre obsession beckettienne, celui du ressassement infini, matérialisé par le bruit et le poids des pas qui se trafnent, comme dans Footfalls. Mais le redoublement se manifeste aussi dans l’ambiguïté du verbe inaugural du deuxième poème « je suis ce cours de sable qui glisse », verbe qui signifie à la fois « être » et « suivre », amplifié par les assonances allusives (pluie, fuit, poursuit) qui scandent la poussée du moi hors de sa vie. L’ambiguïté transposée dans « my way » fait surgir le sème de la volonté qui se superpose à celui de l’existence et du mouvement – « what I want is /what I am is /which way I am going ». Mais surtout, le court-circuit existentiel provoqué par la boucle « et finira le jour de son commencement » est transformé en une figure anaphorique « to its beginning to its end » renforcée par la répétition précédente « the summer rain rains on my life ». Enfin, dans le troisième poème, encore un quatrain, structuré par l’écho interne « qu’il pleuve »/ « pleurant », s’affrontent comme pour mieux se confondre Eros et Thanatos (« je voudrais que mon amour meure »). Le conflit des pulsions antagonistes dû aux paronomases multiples du français est perdu en anglais, aussi Beckett retravaille-t-il le dernier vers (« mourning the first and last to love me ») où la reprise symétrique « first »/ « last » produit un effet de clôture que renforce l’allitération en /m/ en début et fin de vers, comme si l’amour et la mort (« to mourn »/ « to love ») étaient à jamais mis en équation.
45Dans tous ces cas de figure, la stratégie de réécriture consiste à déplacer le dédoublement structurel du poème, qu’il soit sémantique ou formel, mais qui subsiste de manière détournée, fidèle à la pensée de son auteur, laquelle s’organise selon des lignes de partage binaires vie /non vie, extérieur /intérieur, caché /montré, etc., aux frontières toujours fluctuantes et fuyantes.
46Bien sûr, ces transpositions ne sont pas l’apanage des poèmes de Beckett, elles se produisent aussi en nombre dans sa prose comme dans ses dramaticules. Qu’elles se traduisent par l’insertion d’un membre de phrase rectificatif (Footfalls /Pas, 241/12),
Till one night, | Jusqu’au jour, la nuit plutôt, |
ou par la réorganisation d’un syntagme nominal avec ajout subséquent d’une phrase répétitive (Footfalls /Pas, 242/14),
Grey rather than white, a pale | Gris plutôt que blanc, gris blanc. |
shade of grey. [Pause.] | (Un temps.) Des haillons. |
le modèle formel est toujours celui de la duplication qui joue ici sur le panachage du clair-obscur.
47Dans Company / Compagnie, on voit ainsi se multiplier les allitérations souvent dissymétriques d’une langue à l’autre et qui se déclinent au gré de menus décalages pour contribuer à créer une prose enrythmée parfois à la limite de l’aphorisme où les jeux de mots ne sont pas rares (§ 10 ; § 11 ; § 14 ; § 17 ; § 27 ; §51 ; § 54).
48Mais plus encore, Rockaby / Berceuse, sorte de long poème dramatique, reproduction en miniature déshumanisée du théâtre poétique et prophétique de Claudel, est propice aux transpositions poétiques. Le rythme de l’élocution, scandé par le mouvement de va-et-vient de la berceuse, est essentiel à sa dramaturgie et motive les réécritures les plus frappantes qui s’organisent, comme toujours sur le retour du même. Pourtant, les exigences du rythme n’expliquent pas toutes les métamorphoses qui émaillent le texte – notamment la réécriture de l’excipit, laquelle réorganise certes différemment les segments itératifs, mais infléchit aussi l’effet de clôture par l’omission ou la modulation de plusieurs segments45. Berceuse ressortit donc en même temps à la « traduction-recréation » et à la « traduction-imitation », deux systèmes qu’Efim Etkind oppose de manière explicite quand il écrit que la « traduction-recréation donne naissance à un tout adéquat au texte de départ ; la traduction-imitation produit un tout nouveau, soumis à des règles différentes46 ».
Les « Belles infidèles » ou l’art de l’accentuation
49Certaines réécritures introduites lors de l’auto-traduction infléchissent distinctement la réception du texte, telles « as he lies » > « dans son cœur d’écroulé » (Compagnie) ou « fuck life » > « aux gogues la vie » (Berceuse). Elles peuvent se lire comme des « accentuations » (ou au contraire des « amoindrissements ») qui sont autant de « transformations » concourant à produire un texte « nouveau ». Elles font penser en cela aux libertés que se permettaient à l’époque classique les traducteurs quand ils s’appropriaient le texte à traduire pour le naturaliser ou, plus surprenant, l’embellir.
50Plus précisément encore, elles ressemblent aux transformations que fit Amyot, au XVIe siècle, dans sa traduction de Plutarque, et qui procèdent, d’après Antoine Berman, d’une esthétique de l’abondance.
51Elles se déclinent selon trois principes. 1) Le principe de variété « consiste à rendre un signifiant fortement récurrent dans l’original par une multiplicité de signifiants47 », ce que les auto-traductions beckettiennes illustrent plus d’une fois, mais souvent de façon inversée, à l’image du rétrécissement des possibles qui se produit dans Imagination Dead Imagine où les trois substantifs plus ou moins équivalents – « durées », « pause », « temps d’arrêt »– sont à chaque fois rendus par le même mot « pause(s) ». 2) Le principe de popularisation qui accentue l’oralité de l’expression est partout à l’œuvre chez Beckett mais il se double du principe opposé, stratégie qui dénote une prédisposition à l’instabilité et au faux-fuyant. Deux extraits de Assez /Enough éclairent cette équivoque des textes qui, ne parvenant pas à trouver leur voix, oscillent entre une tonalité ouvertement familière et littérairement pédante (§3 ; §24) :
L’art de combiner ou combinatoire | The art of combining <> <> is not my fault. It’s a curse from above. |
Comme si la terre s’était endormie au point vernal. | As if the earth had corne to rest in spring. |
523) Le principe de métaphorisation, enfin, « consiste à accentuer les images de l’original, voire à introduire des images là où l’original n’en a pas, ou n’en a qu’en germes. La traduction, ici, se fait imageante48 ». Certaines métaphorisations ont bien lieu dans les auto-traductions de Beckett, mais il faut les replacer dans le cadre ludique et auto-référentiel dans lequel elles interviennent et qui les rendent immédiatement suspectes. Beckett se méfie des métaphores en général, vouées à se figer en catachrèses, signes de l’artificialité et de la sclérose inéluctable du langage poétique.
53Si, comme on a pu le constater, le principe d’abondance ou copia n’est pas nécessairement opérant quand appliqué aux auto-traductions de Beckett, s’inscrivant même en faux par rapport à elles, notre recherche, comme celle d’Antoine Berman, s’applique à déterminer « la nature et le jeu mutuel des principes49 » qui régissent toute traduction. Il nous invite ainsi à nous attarder sur ce qui, chez Beckett, s’apparente à la figure multiforme de l’infléchissement dont l’accentuation n’est qu’un des nombreux avatars.
La critique génétique : révision, invention et mouvement
54Le « principe du travail du manuscrit d’écrivain » est comparable à celui effectué par Beckett quand il se traduit et qu’il exerce sa « faculté de revenir sur ce qui a été écrit, de mettre à l’épreuve des formes provisoires, bref de faire servir les propriétés de l’écriture non à une transmission, mais à une invention du texte50 ». Cette part d’invention, qui est aussi le mot d’ordre de Compagnie, « cette fable de toi fabulant d’une autre avec toi dans le noir » (88), rapproche le processus d’auto-traduction de la révision génétique, et se rend essentielle à notre problématique. C’est en ce sens que le processus d’auto-traduction peut être assimilé à une « campagne d’écriture » entièrement ou partiellement postérieure à la première, et constituée, comme elle, d’une phase « rédactionnelle » puis de « mise au point51 ». Plus qu’une simple traduction, le texte auto-traduit constitue une nouvelle étape de la révision du texte beckettien, à ceci près qu’il n’annule pas l’avant-texte dont il découle.
55La mobilité lisible dans les divergences entre les textes bilingues nous invite à définir une « poétique de l’écriture opposée à une poétique du texte », à l’image de ce que propose Raymonde Debray-Genette dans Métamorphoses du récit52. Almuth Grésillon définit la visée de la critique génétique comme devant admettre « un faire », en tant qu’« activité » et que « mouvement ». Sa capacité d’intervention doit passer par une réflexion sur le « concept d’écriture » et « l’élaboration d’une esthétique de la production53 ». Contrairement aux théories de la traduction qui réfléchissent en terme de « mêmeté », les poétiques proposées par la critique génétique parlent en terme d’« ipséité »54. Elles prennent en compte les notions de changement et de différence, d’où la nécessité de consulter les doubles dossiers génétiques de Beckett. En effet, comme la comparaison des textes auto-traduits, « [la génétique] rend sensible, non seulement à la variation, mais, plus encore, et c’est en cela qu’il peut exister une poétique spécifiquement génétique, au(x) système(s) de variations55 ».
56L’étude des avant-textes nécessite une approche critique en rapport à la nature dynamique de son esthétique propre. La théorie de l’énonciation, en ce qu’elle se présente comme une théorie du mouvement travaillant le langage par glissements et ajustements successifs, semble tout à fait appropriée à cette tâche. Elle attire en premier lieu notre attention sur l’instance énonciative et sur les modulations discursives, car le « jeu des pronoms, notamment de la première et de la troisième personne, traverse beaucoup de brouillons littéraires56 », et de textes beckettiens. C’est ainsi que dans le passage de Foirade IV à Old Earth, il – la « non-personne » des linguistes – laisse la place au tu de l’interlocuteur, image inversée du je discursif ce qui entrafne le narrateur dans un dialogue avec la mort (45/201) :
Vieille terre, assez menti, je l’ai vue, c’était moi, de mes yeux grifanes d’autrui, c’est trop tard. | Old earth, no more lies, I’ve seen you, it was me, with my other’s ravening eyes, too late. |
57Les avant-textes de Eh Joe /Dis Joe dénotent aussi un semblable flottement pronominal au plan 4 :
sit there in his stinking old wrapper hearing himself | plus qu’à croupir sur ton lit dans ta vieille douillette puante à t’écouter toi-même |
58Cette hésitation, déjà repérable dans les avant-textes bilingues, concourt à ce que la version française garde la trace d’une version primitive de Eh Joe (MS 1537/1, page 4) :
59Nous aurons aussi amplement l’occasion par la suite de voir dans quelle mesure la construction syntaxique et le choix des temps verbaux participent de la dynamique de l’écriture et de l’auto-traduction beckettiennes.
La psychanalyse comme paradigme de réflexion
60Le décentrement du texte auto-traduit se lit dans les menues divergences inexpliquées s’insinuant entre les textes jumeaux. Celles-ci fonctionnent comme des lieux de fracture et d’indétermination ; à l’image du « discours de la séance analytique [qui] ne vaut que de ce qu’il trébuche ou même s’interrompt57 », elles évoquent le travail de l’inconscient. Cet effort pour souligner la déhiscence du discours est fidèle à l’injonction de Freud qui appelait ses disciples à s’intéresser avant tout « aux transformations, formations, déformations, à ce qui se condense et se déplace, à la mobilité des pensées et des humeurs58 ». La critique génétique et la psychanalyse ont en commun une attention particulière au dynamique, comme le souligne J.-B. Pontalis : « L’objet de la méthode psychanalytique, ce n’est pas le souvenir déformé mais le travail effectué par la déformation ; ce n’est pas la trace en elle-même mais le tracé, le passage qui ne suit jamais une ligne droite mais bifurque, diverge59 ». Ainsi, en recherchant les points de fuite, de déplacement et d’ambivalence de l’écriture qui sont révélés par la lecture des avant-textes, Jean Bellemin-Noël s’est-il posé en précurseur de cette approche herméneutique qui cherche l’inconscient du texte à travers ses avant-textes. Notre poétique se donnera aussi pour visée de décrire et de comprendre les métamorphoses d’un texte dans une langue puis dans l’autre, métamorphoses qui sont le résultat du travail de ces fantasmes latents et qui se réalisent, au gré de ces moments d’affleurement, au sein de dossiers génétiques compliqués par la duplicité de l’écriture beckettienne.
Une pratique troublante
61La traduction de soi, passage obligé de l’écriture beckettienne, principe évolutif de l’œuvre, est une activité littéraire qui échappe aux catégories traditionnelles de l’analyse littéraire et traductologique. Apparentée à la traduction, mais souvent incompatible avec elle, comparable à une révision, mais différente de cette dernière, l’auto-traduction ne se laisse pas aisément circonscrire. Hybride, monstrueuse, rhizomatique, cette discipline transtextuelle l’est à plus d’un titre, elle qui évolue au rythme de va-et-vient, retours en arrière, mouvements avortés et autres « soubresauts » qui nient toute progression de nature platonicienne. Le chapitre suivant, qui mettra en évidence la tension psychologique et esthétique qui dérive de l’idée de la traduction de soi comme double, contribuera à approfondir les conflits dialectiques qui s’y articulent.
62Au-delà du simple constat d’inadéquation des textes bilingues entre eux, l’idée de contournement, ou mieux, de perversion, prise dans son double sens étymologique de « dé-tournement » et moderne de « corruption », s’établit comme le dénominateur commun, comme le point d’intersection de tous ces fils qui semblent tisser des canevas contigus mais séparés, – perversion des modes transtextuels que sont la traduction et la révision, perversion aussi de toutes les lois pragmatiques du discours littéraire (principes de coopération, de pertinence, de sincérité, lois d’informativité et de modalité), perversion, enfin, du premier texte par le second, témoignant d’un art de l’infléchissement et de la parodie.
Notes de bas de page
1 Voir l’étude génétique de cette pièce en annexe.
2 On entendra ici « langue un » dans le sens de langue de départ, langue dans laquelle la genèse du texte a été commencée, et « langue deux », la langue dans laquelle elle a été poursuivie. Les titres doubles des œuvres bilingues reflètent cette chronologie : pour Bing /Ping par exemple, Beckett a commencé par écrire Bing, dont le titre fut d’ailleurs tardivement trouvé, puis, à un stade avancé de la genèse, il se mit à écrire Ping, la version en anglais.
3 Voir en annexe la genèse de Play /Comédie, Bing /Ping.
4 Voir en annexe les notes sur la publication du Dépeupleur /The Lost Ones.
5 Y. Hersant, « Réécriture : Milan Kundera », Critique n° 427, 1004, cité par Annie Gutman, « Narcisse au regard de la peinture », Mythes et psychanalyse (Cerisy : In-Press, 1997).
6 Si Beckett a très peu commenté sa propre œuvre comme sa technique de travail bilingue, il n’est pas de même d’autres artistes, à l’instar de la romancière Nancy Huston, qui explique : « paralysée par la fameuse angoisse de la page blanche quand j’essayais d’écrire en anglais, ma langue s’est déliée dès que je lui avais accordé la permission de se servir du français. […] Cette langue étrangère me « maternait » mieux que l’avait jamais fait ma langue maternelle. » Jusqu’au jour où la langue anglaise « longtemps exclue, condamnée, obscène » se met à « renaftre ». Et de définir la langue anglaise, cette « langue morte », comme « une langue à laquelle [elle était] revenue, enrichie par une longue et amoureuse pratique d’une langue étrangère », car « l’exotique devient familier, voire familial, et vice versa. L’étrangère devient maternelle, et la maternelle, adoptive. » Désirs et réalités (Arles et Ottawa : Léméac /Actes Sud, (1996) 1997) 193-235. Même regain de vitalité trouvé dans l’écriture bilingue d’Instrument des ténèbres, (Arles : Actes Sud, 1996) dont elle a composé l’histoire alternée des deux femmes en passant de l’anglais (pour Nadia) au français (pour Barbe), chapitre après chapitre.
7 D. Bair, Samuel Beckett (Paris : Fayard, 1979) 553.
8 P. Casanova, Beckett l’abstracteui ; anatomie d’une révolution littéraire (Paris : Editions du Seuil, 1997) 158.
9 Voir Clas Zilliacus, Beckett and Broadcasting (Abo : Abo Akademi, 1976) 99, je traduis.
10 Voir aussi en annexe les cas de Rockaby et de Ohio Impromptu.
11 B. Clément, L’œuvre sans qualités. Rhétorique de Samuel Beckett (Paris : Editions du Seuil, 1994) 126.
12 B. Clément, 254.
13 B. Didier, Stendhal autobiographe (Paris : P.U.F., 1983). La critique remarque que l’autobiographe se trouve souvent en position d’entre-deux, sur un océan par exemple.
14 Les dates entre parenthèses, à la suite des titres, sont celles de la première édition et /ou de la première représentation ou diffusion pour les textes dramatiques. Sont soulignés les textes du corpus. Quelques essais, ainsi que les traductions allographes de Beckett, ont été omis.
15 Les dates renvoient aux périodes d’écriture. On aura noté l’absence de Sans /Lessness, volontairement omis du corpus, du fait de l’indisponibilité des manuscrits.
16 Voir en annexe lettre à P. Sardin.
17 Samuel Beckett, Revue d’esthétique, Hors série (Paris : Michel Place Editions) 58.
18 Cahier de L ’herne, n° 31, 1976, 103.
19 G. Genette Palimpsestes (Paris : Editions du Seuil, 1982) 13-14.
20 « Sourciers et ciblistes », La Traduction, Revue d’Esthétique, n° 12, Privat, 1986, 39.
21 L’Epreuve de l’étranger (Paris : Gallimard, 1987) 17.
22 A. Berman, 15.
23 Voir A. Hurtardo Albir, La notion de fidélité en traduction (Coll. « Traductologie » n° 5, Paris : Didier érudition, 1990) 72 : « La fidélité en traduction reste donc définie dans la conception interprétative de la traduction comme une fidélité au sens et non à la langue ».
24 Voir Pour la poétique II, Epistémologie de l’écriture, poétique de la traduction (Paris : Gallimard, 1973).
25 A. Hurtardo Albir, 121.
26 F. Evrard, L’humour (Paris : Hachette, 1996) 103.
27 A. Hurtardo Albir, 121 : la « déverbalisation » est définie comme « la compréhension originelle qui se fait par la pensée et non par les mots ».
28 A. Weber-Caflisch, Chacun son Dépeupleur. Sur Samuel Beckett (Paris : Editions, de Minuit, 1994) 73.
29 Pour la Poétique II, 308.
30 Terme forgé par G. Genette pour désigner ces « calques translinguistiques » dont Beckett se montre si friand, in Palimpsestes, 87.
31 L’interférence est définie par Antoine Berman comme l’envahissement du texte cible de « modes, tournure, etc. renvoyant à la langue de l’original et qui témoignent d’une philosophie de contamination linguistique », Pour une critique des traductions, John Donne (Paris : Gallimard, 1995) 66.
32 Paul Bensimon, Palimpsestes n° 3 : Traduction, Adaptation (Paris : Publications de la Sorbonne Nouvelle, 1990) ix.
33 B. Faivre d’Arcier, « Traduire, adapter, écrire », in S. Monod, (éd.), Les onzièmes assises de la traduction littéraire (Arles : Actes sud /ATLAS, 1990) 15.
34 Il s’agit du poème « Dans le Restaurant » (1918), dont les sept dernières lignes sont transposées dans la quatrième section de La Terre Vaine (1921-22), section intitulée « Death by Sea ».
35 Palimpsestes n° 3, 1.
36 Paul Bensimon, Palimpsestes N° 1 : Traduire le dialogue. Traduire les textes de théâtre (Paris : Publications de la Sorbonne Nouvelle, 1987) iii.
37 Avant-dire au Traité du verbe de René Ghil, 1886.
38 Huit questions de poétique (Paris : Editions du Seuil, 1977) 46.
39 Efim Etkind, Un Art en crise. Essai de poétique de la traduction poétique (Lausanne : L’Age d’Homme, 1982) 243.
40 E. Etkind, 243.
41 E. Etkind, 22.
42 E. Etkind, 210. Citation tirée de Variations sur les bucoliques (1944).
43 E. Etkind, 13.
44 Les poèmes français sont tirés de Poèmes suivi de mirlitonnades (Paris : Editions de Minuit, 1978) respectivement 15, 22, 24. Les poèmes bilingues sont publiés dans Collected Poems in English and French (London : Calder, 1977).
45 Voir en annexe l’étude génétique de cette pièce.
46 E. Etkind, 77.
47 A. Berman, Palimpsestes n° 5 : La Mise en relief (Paris : Publications de la Sorbonne Nouvelle, 1991) 14.
48 A. Berman, Palimpsestes n° 5, 15.
49 A. Berman, Palimpsestes n° 5, 16.
50 Louis Hay, (éd.), Les manuscrits des écrivains (Paris : C.N.R.S. Ed., 1932) 12-13.
51 Termes définis et commentés par A. Grésillon, Eléments de critique génétique (Paris : P.U.F., 1994) 71-76.
52 Les Métamorphoses du récit, Autour de Flaubert (Paris : Editions du Seuil, 1988) 18.
53 A. Grésillon, 205-210.
54 P. Ricœur, Soi-même comme un autre, 13.
55 R. Debray-Genette, Métamorphoses du récit, 46.
56 A. Grésillon, 155.
57 Jacques Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient », Les Ecrits II (Paris : Seuil, 1971) 160.
58 Cité par J.-B. Pontalis, Ce temps qui ne passe pas (Paris : Gallimard, 1997) 61.
59 J.-B. Pontalis, 101.
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Sociologie de la traduction
La science-fiction américaine dans l’espace culturel français des années 1950
Jean-Marc Gouanvic
1999