II. Du discours rapporté
p. 35-73
Texte intégral
1Par discours rapporté (désormais DR), j’entends un discours qui reproduit les paroles1 ou les pensées d’un locuteur réel ou fictif, anthropomorphe ou non anthropomorphe, singulier ou collectif, écrit ou oral. Il peut s’agir de paroles inventées ou prononcées réellement, et de pensées imaginées ou survenues véritablement. Dans la fiction, elles n’existent que sous la forme où les présente le narrateur2. On peut, certes, penser qu’elles existent dans la diégèse, au niveau de l’histoire du récit. Le locuteur (l’énonciateur rapporté) et le rapporteur (l’énonciateur origine) peuvent être une seule et même personne, comme c’est le cas dans la narration à la première personne3.
2Les possibilités de relater les pensées ou les paroles de quelqu’un sont variées. On peut mentionner seulement qu’un acte de langage se produit (par exemple, « Une conversation se lia. »). Une autre possibilité est de reproduire ’Verbatim’ ce que dit le locuteur (par exemple, « – Elle est folle ! elle est folle ! criait-on tout autour. »4). Entre ces deux extrêmes, il y a plusieurs types intermédiaires que l’on peut situer sur un continuum et dont on peut faire une typologie. Le nombre de types inclus dans la typologie dépend des besoins de l’analyse. Cependant, la première question que l’on doit se poser est « selon quels critères vais-je faire une distinction entre plusieurs types de discours ? » Le point de départ peut être l’analyse syntaxique, la « distance » narrative (G. Genette) ou l’opposition entre la mimesis et la diegesis, le contrôle du narrateur sur les paroles des personnages ou bien « l’actualisation du discours cité » (L. Rosier)5. Dans ce qui suit, je traiterai trois typologies du DR qui sont établies sur des critères différents. Paralèllement, j’établirai une typologie que j’utiliserai dans l’analyse de mon corpus. Comme le DR décrivant les pensées ne fait pas l’objet de mon étude, je me concentrerai sur la représentation des paroles et particulièrement sur le DR littéraire.
Points de départ pour classifier les discours
L’analyse syntaxique (Marguerite Lips)
3Marguerite Lips, élève de Charles Bally, suit l’exemple de son maître dans sa thèse de doctorat (1926) et fait une distinction entre trois types de discours : le style direct, SD (« – Elle est folle ! elle est folle ! criait-on tout autour »), le style indirect, SI (« Tout le monde criait qu’elle était complètement folle ») et le style indirect libre, SIL (« Un cri s’éleva autour d’elle ; certains, même, se signèrent6. Mais elle était folle, folle, folle ! »). Comme cette bipartition classique se base sur la syntaxe, il est naturel qu’elle ne couvre pas les cas comme le discours narrativisé de G. Genette7 (« Un cri de réprobation s’éleva autour d’elle ») ; il serait en effet fort difficile de distinguer celui-ci des autres types de discours à l’aide de critères syntaxiques.
4M. Lips estime que le rapporteur peut avoir deux attitudes vis-à-vis de l’énoncé relaté : il peut choisir le rôle d’un porte-parole objectif ou bien révéler son opinion subjective par exemple dans le choix du verbe (« ment-elle » etc.) La subjectivité du rapporteur aurait pourtant des limites ; le conditionnel de citation n’est plus de la reproduction proprement dite d’après M. Lips8. Il y a une frontière nette entre le discours cité et le discours citant dans son classement, ce qui la conduit à des simplifications. Regardons ses descriptions des trois types de discours.
5Le style direct, SD, est composé d’un énoncé « transposé » (« – Elle est folle ! elle est folle ! ») et d’un verbe « transpositeur » (« criait-on ») qui peut être situé avant, au milieu ou après celui-là. Cette forme de discours, textuelle et intégrale selon M. Lips, serait également celle des trois qui est « la plus voisine de la réalité, puisque c’est la reproduction exacte des pensées et des paroles [...]9. » Les paroles rapportées par le SD ne pourraient donc pas être manipulées par le rapporteur. Or, le fait est connu (Rosier 1999 : 237-244, Slembrouck 1999 : 84-91, Tuomarla 2000 : 24-26), l’idée du SD en tant que type de discours autonyme et ‘réaliste’ n’est qu’une image d’Épinal. Il suffit de situer le discours cité du SD dans un contexte contradictoire pour rompre cette illusion. Citons un exemple d’un tel SD, relevé par Ulla Tuomarla : « “Madame, l’enfant que vous portez sera peut-être mongolien. Mais si vous voulez en savoir plus, vous devez payer environ 2500 francs”. La phrase n’est jamais formulée ainsi, mais elle reflète pourtant la réalité vécue par les femmes enceintes de moins de 38 ans chez qui l’on décèle un risque de trisomie 21. (Le Point 9.3.1996, p. 30)10. » En outre, rien n’empêche le rapporteur de franchir la limite entre le discours cité et le discours citant dans le SD. Cela arrive même dans la langue parlée quotidienne (termes substituts comme untel, et cetera, tel, X, Y, truc, machin, chose11). Voici un exemple, tiré de mon corpus, où la manipulation du discours cité en SD est flagrante et délibérée :
“Get you out of my House, you Whore.” To which, she added anothe [sic] Name, which we do not care to stain our Paper with. – It was a monosyllable, beginning with a B-, and indeed was the same, as if she had pronounced the Words, She Dog. Which Term, we shall, to avoid Offence, use on this Occasion, tho ’ indeed both the Mistress and Maid uttered the above-mentioned B-, a Word extremely disgustful to Females of the lower sort. Betty had borne all hitherto with Patience, and had uttered only Lamentations : but the last Appellation stung her to the Quick, “I am a Woman as well as yourself,” she roared out, "and no She-dog, and if I have been a little naughty, I am not the first ; if I have been no better than I should be,” cries she sobbing, “that’s no Reason you should call me out of my Name ; my Be-–Betters are wo--worse than me.” “Huzzy, huzzy,” says Mrs. Tow-wouse, “have you the Impudence to answer me ? Did I not catch you, you saucy – " and then again repeated the terrible word so odious to female Ears. “I can’t bear that Name,” answered Betty, “if I have been wicked, I am to answer for it myself in the other World, but I have done nothing that’s unnatural, and I will go out of your House this Moment : for I will never be called She Dog, by any Mistress in England.”12.
Dans cet exemple, le narrateur de Joseph Andrews montre de façon explicite qu’il a censuré le mot anglais Bitch de la réplique en SD des personnages ; on n’a pas de « reproduction exacte des pensées et des paroles » ici. Par conséquent, le SD n’est pas toujours plus fidèle que les autres types de discours, bien que la démarcation entre le discours cité et le discours citant y soit plus nette.
6La définition de M. Lips du style indirect, SI, est plus polyvalente et plus intéressante parce qu’elle y présente même quelques cas de la mixité du DR. Son approche syntaxique l’empêche pourtant de faire une distinction entre les types non mixtes (‘diégétiques’) et les types mixtes (‘mimétiques’) du SI qui sont de nature fort différente du point de vue de la narratologie. Elle considère le SI comme la reproduction de discours dans une autre forme que le style direct. Les temps, les modes, les adverbes et les pronoms y sont transposés (sauf dans les cas d’idées générales comme « il m’a dit que deux et deux font quatre ») et le verbe introducteur transitif est lié à l’énoncé par une conjonction de subordination13. Normalement, le SI élimine l’expressivité du discours cité, mais il y aurait des exceptions à la règle. D’après M. Lips, la forme originelle du discours peut être visible à travers la structure de l’indirect. Voici un exemple qu’elle cite :
(le cocher) traversa la foule qui s’ouvrit alors... pour livrer passage à Mme Dutour, qui voulait courir après lui (le cocher), que j’empêchai, et qui me disait que, jour de Dieu, j’étais une petite sotte14.
Cela est pourtant exceptionnel selon M. Lips et dans de tels cas d’infraction, les écrivains se servent des guillemets ou bien des italiques pour marquer cela15. À mon avis, ces exceptions à la règle mentionnées par M. Lips ne font pourtant pas partie du domaine de l’indirect mais d’un cas hybride entre le direct et l’indirect (le discours indirect mimétique, voir infra). Dans le SI, le lexique et la typographie doivent être homogènes.
7Ce qui est particulièrement intéressant dans la description du SI de M. Lips est que celle-ci mentionne des diversités dans l’usage et la composition de l’indirect dans différentes langues. Selon elle, le SI n’existe pas en sanscrit, en vieux-perse et le persan moderne. En outre, il ne doit pas être précédé d’une conjonction de subordination en allemand16 et l’anglais17. Par conséquent, M. Lips arrive à une conclusion cardinale du point de vue de mon étude : « On le voit, suivant les langues l’écart entre le style direct et l’indirect est plus ou moins sensible : il est maximal en français, minimal en russe18. » Cependant, ce ne sont pas seulement les types de discours qui varient selon les langues et les cultures mais la notion même de ce qui est Verbatim, signale F. Coulmas19. Comment ces différences entre la formation des types de discours influencent-t-elles la traduction ? Peut-on (ou doit-on !) en outre s’appuyer sur des critères extralinguistiques dans la fondation d’une typologie de DR, si une comparaison entre les langues montre qu’il ne s’agit pas d’universaux du langage ? Au moins ces différences expliquent-elles pourquoi il y a souvent des glissements dans la traduction du DR.
8La dernière forme de la tripartition est le style indirect libre, SIL, forme intermédiaire entre le direct et l’indirect. Ce type est plus ambigu parce qu’il peut être confondu avec la narration pure des événements et c’est souvent le contexte qui aide le lecteur à le distinguer. Il ressemble au style direct parce qu’il peut conserver les exclamations, les intonations et l’expressivité du locuteur. Selon M. Lips, il présente également l’incise intercalée ou postposée comme le direct20. Le SIL évoque aussi le style indirect parce qu’il transpose les temps et les pronoms personnels. Cela n’est pourtant pas obligatoire puisque le présent, le futur et les pronoms à la première personne s’y rencontrent. Enfin, l’appellation du style indirect libre vient du fait que la syntaxe des propositions en SIL est indépendante : il ne peut pas y avoir de verbe introducteur transitif qui précède l’énoncé21.
9Pour résumer, la tripartition basée sur l’analyse syntaxique permet de remarquer la diversité de quelques formes du DR dans des langues différentes. Elle ne couvre pourtant pas tous les cas du DR (le discours narrativisé, le conditionnel de citation, le discours indirect mimétique...) ni ne rend possible de définir la nature narrative ou stylistique des trois types classiques de DR. Il est néanmoins impossible de l’exclure totalement de la description de quelques types de discours. Par conséquent, l’analyse syntaxique et la grammaire (ce n’est qu’à l’aide de la grammaire que nous pouvons dire que le passé simple est actuellement impossible dans le SIL en français) peuvent servir d’outils de la stylistique et de la narratologie dans l’analyse du DR, mais on ne doit pas leur donner un rôle définitif.
La mimesis / la diegesis (Brian McHale)
10La répartition de Brian McHale entre sept types différents de DR est fondée principalement sur des notions littéraires – la diegesis et la mimesis – qui sont, selon lui, fondamentales dans la définition des formes du DR22. La dichotomie entre la mimesis et la diegesis a eu plusieurs significations dans l’histoire de la discussion littéraire. Chez Platon, la mimesis concernait les cas où le poète « parle en la personne d’un autre » tandis que dans la diegesis il « n’assume pas la personne d’un autre »23 (voir aussi plus bas). B. McHale signale que la grammaire traditionnelle ne suffit pas à décrire tous les types de discours. Le générativisme représenté par Ann Banfield serait un point de départ encore plus nuisible dans l’analyse du DR, menant à des conjectures fallacieuses24. En effet, comme A. Banfield considère les indices de la mixité du DR comme non acceptables dans la langue anglaise, sa théorie n’est pas un point de départ fort judicieux pour l’analyse d’un corpus aussi hétérogène que le mien25.
11Pour B. McHale, le DR littéraire est un phénomène tout particulier parce qu’il n’y a pas d’énoncé originel en discours direct qui soit reproduit indirectement, comme dans quelques cas de la citation ordinaire ; tout ce que nous avons est l’énoncé dans le texte26. C’est pourtant une généralisation hâtive, même si l’on ne croit pas que les paroles des personnages existent dans la diégèse. C’est qu’il n’est pas si rare de rencontrer dans la fiction des reprises d’énoncés qui ont été prononcés antérieurement. Voici un exemple, tiré de Joseph Andrews. Le personnage, victime d’une tentative de séduction, résume plus tard dans une lettre les propos de sa co-locutrice précédente :
The Lady being in Bed, call’d Joseph to her, bad him sit down, and having accidentally laid her hand on his, she asked him, if he had never been in Love ?
[...] [Lady Booby un instant apres a Joseph : ] “[...] but pray, answer me this Question, Suppose a Lady should happen to like you, suppose she should prefer you to all your Sex, and admit you to the same Familiarities as you might have hoped for, if you had been born her equal, are you certain that no Vanity could tempt you to discover her ? Answer me honestly, Joseph ; Have you so much more Sense and so much more Virtue than you handsome young Fellows generally have, who make no scruple of sacrificing our dear Reputation to your Pride, without considering the great Obligation we lay on you, by our Condescension and Confidence ? Can you keep a Secret, my Joey ?” etc27 .
[...]
[Joseph plus tard dans une lettre à sa soeur Pamela : ] “Dear Pamela, don’t tell any body : but she [Lady Booby] ordered me to sit down by her Bed-side, when she was in naked Bed ; and she held my Hand, and talked exactly as a Lady does to her Sweetheart in a Stage-Play, which I have seen in Covent-Garden, while she wanted him to be no better than he should be28.”
Les cas que je viens de citer donnent au lecteur l’impression d’un monde fictif ‘réel’ derrière le récit du narrateur. Tout ce qui se passe dans l’histoire n’a pas l’air d’être raconté par lui, et le lecteur peut parfois vérifier la véracité des paroles des personnages, ou bien de celles du narrateur, en lisant le cotexte. Le résultat en est, comme le dit L. Rosier, que le « texte a produit son propre système de référence, sa propre dualité du même et de l’autre29 », et cela augmente l’illusion que tous les énoncés dans le texte ont un énoncé originel dans la diégèse.
12La typologie de B. McHale procède de la ’diegesis extrême’ à la ‘mimesis extrême’. Les types les plus diégétiques contiennent le moins d’informations sur le contenu et le style de l’énoncé rapporté, tandis que les types les plus mimétiques semblent ‘reproduire’ les paroles telles qu’elles ont été prononcées, sans l’intervention du narrateur. Dans la présentation qui suit, les exemples sont de B. McHale, tirés de la trilogie U.S.A. de John Dos Passos (Modem Library edn.) et la traduction de sa terminologie est la mienne. Les caractères gras dans les exemples sont également de moi.
13Les deux premiers types de discours dans la typologie de B. McHale couvrent des cas qu’omet la tripartition de M. Lips. Le type le plus diégétique du continuum est le résumé diégétique, RD (diegetic summary) qui annonce que l’énoncé a eu lieu mais sans préciser le sujet ou la nature de la discussion30. L’exemple qu’en donne McHale contient cependant le sujet (histoires de guerre) :
When Charley got a little gin inside of him he started telling war yarns for the first time in his life. (Big Money, 295. McHale 1978: 259.)
Je considérerai comme des RD uniquement les cas où le sujet n’est pas annoncé. Je me permets donc de ‘corriger’ l’exemple qui précède en en omettant le sujet (histoires de guerre → histoires) : « When Charley got a little gin inside of him he started telling stories for the first time in his life. » En outre, ce que j’entends par RD peut décrire des cas où l’on ne peut pas être sûr qu’un acte de langage proprement dit ait eu lieu. Par exemple, dans l’exemple suivant, tiré de Tom Jones, le mot « Skreams » peut impliquer des cris inarticulés ou bien des mots comme "Murther ! Murther ! Râpe ! Robbery ! Ruin31 !” que les allocutaires n’entendent pas bien :
Here they were no sooner arrived, than they heard at a Distance the most violent Skreams of a Woman, proceeding from the Wood below them. Jones listened a Moment, and then, without saying a Word to his Companion (for indeed the Occasion seemed sufficiently pressing) ran, or rather slid, down the Hill, and without the least Apprehension or Concern for his own Safety, made directly to the Thicket whence the Sound had issued. (Fielding 1749: IX, ii, 315. Les caractères gras sont de moi.)
14L’autre type condensé, le compte rendu diégétique, CRD (summary, less ‘purely’ diegetic) diffère du résumé diégétique par le fait qu’il annonce également le sujet de la discussion32. Ce type présente donc plus de détails sur l’acte de langage qu’il décrit :
He stayed till late in the evening telling them about miraculous conversions of unbelievers, extreme unction on the firing line, a vision of the young Christ he’d seen walking among the wounded in a dressingstation during a gasattack. (1919, 219. McHale 1978: 259.)
15Les deux types suivants dans le continuum équivalent au style indirect de M. Lips. Premièrement, il y a le discours indirect, DI (indirect content-paraphrase) monophonique dans lequel le narrateur paraphrase le contenu de l’énoncé du personnage, sans en imiter le style ou la forme33 :
The waiter told him that Carranza’s troops had lost Torreón and that Villa and Zapata were closing in on the Federal District. (42nd Parallel, 320. McHale 1978: 259.)
Deuxièmement, il y a le discours indirect mimétique, DIM (indirect discourse, mimetic to some degree) qui, tout en étant transposé et précédé par un verbe introducteur transitif, donne l’illusion de ‘reproduire’ partiellement le style de ‘l’énoncé originel’34. Ce type est mixte parce que ce n’est pas seulement la voix du narrateur qui y est perceptible. Il s’agit donc d’une forme hybride de DR dont les indices peuvent être grammaticaux (décalages temporels ou déictiques), lexicaux (termes bas, dialectaux, étrangers... mélangés dans le style neutre du narrateur) ou typographiques (guillemets, italiques, points de suspension...). Dans l’exemple suivant, les indices (en caractères gras) sont lexicaux :
[...] they found themselves walking a little unsteadily along the pitchblack streets arm in arm with two poilus who’d promised to find them their cantonment. The poilus said la guerre was une saloperie and la victoire was une sale blague and asked eagerly if les americains knew anything about la revolution en Russie. (1919, 187. McHale 1978: 255. Le soulignage est aussi de moi.)
16La description que donne B. McHale du discours indirect libre, DIL (free indirect discourse), qui correspond au SIL, est moins claire que celle de M. Lips. Cela est probablement dû au fait qu’il s’oppose aux définitions trop rigoureuses du DIL, phénomène complexe selon lui35. Il y a deux critères qui définissent le DIL dans la typologie de B. McHale, l’opposition mimesis / diegesis et la grammaire traditionnelle, critères non compatibles en fait. Le DIL serait un type intermédiaire entre le DI et le DD aussi bien grammaticalement que mimétiquement36. En voici un exemple :
Why the hell shouldn’t they know, weren’t they off’n her and out to see the goddam town and he’d better come along. (1919, 43-44. McHale 1978 : 254.)
On note qu’aucun des quatre exemples du DIL que présente B. McHale dans son article ne contient un DIL avec incise. B. McHale fait-il donc partie des théoriciens qui excluent l’incise du DIL ? Non, au contraire, le verbe rapporteur non subordonnant qui apparaît dans le cotexte de l’énoncé en DIL serait plutôt un indice de celui-ci. Cependant, B. McHale ne s’oppose pas à une division entre le DIL sans incise et le DIL avec incise, si elle est pertinente du point de vue du corpus que l’on étudie37. Dans son article datant de 1983, B. McHale souligne encore un fait crucial dans l’analyse du DIL : l’importance du cotexte – non seulement du cotexte immédiat mais du texte entier38. Il reproche à la théorie d’A. Banfield de ne tenir compte que du cotexte « horizontal » des passages analysés, alors que c’est le cotexte « vertical » qui décide finalement de la façon dont le lecteur interprète des énoncés indépendants. Le mouvement de la lecture en tant que processus est plutôt alternatif que linéaire39.
17Il y a encore deux types directs dans la typologie de B. McHale : le discours direct, DD (direct discourse) et discours direct libre, DDL (free direct discourse). Le DD est pour B. McHale le type le plus mimétique de DR, créeant l’illusion de la ’mimesis pure’ même s’il est toujours stylisé d’une façon ou d’une autre. La raison en est que la transcription fidèle du discours ordinaire – procédure difficile à réaliser en vérité40 – rendrait la lecture insoutenable, vu la nature ‘imparfaite’ de celui-ci41. G.N. Leech et M.H. Short font remarquer que les normes du discours réel sont différentes de celles du dialogue littéraire ; le discours réel accepte des répétitions, des hésitations, des interruptions, des fautes, des banalités... qui ne sont pas acceptables dans la langue écrite classique42. Le dialogue romanesque est régi par les exigences de lisibilité, même lorsque les écrivains visent à une mimesis maximale, constate Gillian Lane-Mercier43. Par conséquent, l’imitation de la non-fluidité du discours quotidien donne parfois l’impression d’illétrisme dans un roman44 :
Fred Summers said, “Fellers, this war’s the most gigantic cockeyed graft of the century and me for it and the cross red nurses.” [sic] (1919, 191. McHale 1978 : 259. Le sic est de McHale.)
Dans l’exemple précédent, ce n’est pas tellement le personnage qui a l’air de commettre des bévues linguistiques, mais l’auteur lui-même qui aurait fait une faute de frappe. Par conséquent, la transcription fidèle du discours en DD ne mène pas toujours à l’illusion de la mimesis mais à d’autres conjectures du lecteur.
18Le discours direct libre, DDL (free direct discourse), n’est rien autre que du discours direct dépourvu de verbe introducteur et d’indices typographiques (guillemets, tiret, deux points). D’après B. McHale, cette forme est typique dans le monologue intérieur à la première personne45. Comme l’exemple qu’il en donne est une représentation de la pensée, voici un exemple de paroles en DDL, cité par L. Rosier :
Jacques, pourtant, l’arrachait à cette contemplation :
« Mrs Bird te parle, Barbentane... » Il sursauta, s’excusa. L’Américaine souriait de toutes ses dents, elle se ferait un plaisir de recevoir M. Barbentane chez elle, un de ces jours, s’il voulait accompagner M. Schœlzer. Mais comment donc, mais c’est-à-dire, vous me voyez confus avec plaisir, bien entendu. La valse faisait tournoyer les consommations glacées (Aragon, Les Beaux quartiers : 360. Rosier 1999 : 286. Les caractères gras sont de Rosier.)
Si ce type de discours existait au XVIIIe siècle, il a dû être vraiment marginal46. Il y a pourtant le danger de le ‘repérer’ souvent dans les textes datant de l’époque parce que la typographie n’était pas encore fixée. Tous les discours directs dans des textes du XVIIIe siècle ne sont pas marqués typographiquement. Ce serait cependant un anachronisme de classer ces DD monophoniques comme des DDL47.
19Le seul problème de la typologie que je viens de présenter est le critère même selon lequel on distingue les types de discours les uns des autres : la dichotomie mimesis / diegesis. B. McHale avoue lui-même que le fondement de sa typologie n’est pas fixe, étant donné qu’en réalité chaque type de son continuum peut jouer un rôle diégétique ou mimétique dans un texte ; le D1L n’est pas nécessairement plus mimétique que le DI, ni le DIL moins mimétique que le DD48. Selon Meir Sternberg, on a souvent mal compris ce que Platon entend par mimesis et par diegesis. Comme les interprétations de ces deux termes prolifèrent, M. Sternberg clarifie à l’aide de cinq dichotomies l’opposition mimesis / diegesis, telle qu’elle a été traitée dans la théorie du DR : 1. l’empathie / la distance du rapporteur, 2. le détail / la généralité, 3. le réalisme / l’absence du réalisme, 4. la particularité / l’homogénéité et 5. la reproduction (opacité) / le remaniement (transparence). Or, les types de discours que l’on a traditionnellement classés vers le pôle mimétique, tel le DD, ne présentent pas nécessairement les paroles rapportées ‘intactes’, ni de façon plus empathique, plus détaillée ou plus réaliste. Tout dépend du cadre dans lequel est situé le type de discours49. D’après M. Sternberg, le danger de telles oppositions sur lesquelles on fonde des typologies du DR est que l’on détermine a priori la fonction des formes de la typologie, sans tenir compte de l’importance du contexte. Selon le phénomène que M. Sternberg appelle « Proteus Principle », tous les types de discours peuvent remplir une fonction mimétique ou diégétique suivant les besoins du contexte. De même, un seul type de discours peut jouer plusieurs rôles dans différents environnements50. Il n’y a pas nécessairement de lien entre la forme et la fonction d’un type de discours51. Le DD lui-même n’est pas toujours régulièrement mimétique. Sa nature peut varier au sein d’un seul paragraphe. Par exemple, dans le passage suivant, tiré du roman Portait of a Lady de Henry James, les paroles des personnages en DD sont tantôt ‘traduites’ par le narrateur, tantôt relatées telles quelles. Le jeu est renforcé par l’obscurité de la ‘langue de départ’ de quelques répliques :
‘Well, my dear, what do you think of it?’ he [Mr Osmond] asked of the young girl. He used the Italian tongue, and used it with perfect ease; but this would not have convinced you he was Italian.
The child turned her head earnestly to one side and the other. ‘It’s vety pretty, papa. Did you make it yourself? ’
‘Certainly I made it. Don’t you think I’m clever? ’
‘Yes papa, very clever; I also have learned to make pictures.’
[...]
‘She draws very – very carefully, ’ the elder of the nuns remarked, speaking in French.
‘I’m glad to hear it. Is it you who have instructed her? ’
‘Happily no, ’ said the good sister, blushing a little. ‘Ce n’est pas ma partie. / teach nothing; I leave that to those who are wiser. We’ve an excellent drawing- master, Mr – Mr – what is his name?’ she asked of her companion.
Her companion looked about at the carpet. ‘It’s a German name, ’ she said in Italian, as if it needed to be translated52.
Tout cela donne lieu de soupçonner que la dichotomie mimesis / diegesis ne suffit pas à distinguer tous les types de discours, au moins dans toutes les conditions. M. Sternberg conseille plutôt un retour à la définition structurelle des types de discours, ce qui n’aurait pas été fait de façon satisfaisante jusqu’ici dans le domaine de la linguistique53.
20B. McHale redéfinit plus tard le concept de la mimesis à l’aide des notions d’I. Even-Zohar54 : le répertoire et le réalème (realeme-). Ce n’est finalement pas la réalité ‘crue’ que l’on copie dans la mimesis. On puise des « effets de réel » (Roland Barthes 1968) du répertoire qui est constitué de réalèmes, unités qui représentent la réalité. Selon B. McHale, cela est d’autant plus vrai dans la mimesis du DR, où les réalèmes sont en fait des stéréotypes55. Sa nouvelle acception de la mimesis ressemble à celle de G. Lane-Mercier qui fait remarquer que les « marqueurs réalistes » phonétiques, syntaxiques et lexicaux sont toujours limités dans le dialogue romanesque vu les exigences de lisibilité, et que « le réalisme provient moins de la reproduction d’un registre de langue populaire [ou autre] que de la reprise de présupposés pragmatiques, idéologiques et culturels attestés dans le hors-texte : [...]56. » Selon B. McHale, le parler des enfants dans la trilogie U.S.A. de Dos Passos n’imite que partiellement la façon dont les enfants s’expriment réellement57. Il serait construit d’un stéréotype linguistique, le langage enfantin, qu’utilisent les adultes en parlant aux enfants, aux animaux et entre amants (doggie, toutou, kittycat, minou...). Même d’autres parlers stéréotypés (ouvriers, féminins) auraient servi de sources à ce parler artificiel de l’ouvrage. B. McHale estime que c’est grâce aux stéréotypes linguistiques que les lecteurs non habitués au langage réel des enfants reconnaissent leur discours dans U.S.A. ; les stéréotypes sont plus connus que le langage des groupes minoritaires58. Étant donné que la mimesis du DR ne se base pas sur la réalité mais sur le répertoire, et que les réalèmes ‘allochtones’ peuvent s’employer comme des effets de réel dans des domaines auquels ils n’appartiennent pas, le cotexte et le contexte deviennent cruciaux dans l’interprétation d’un ouvrage. La fonction des détails est désignée par l’ensemble, et la mimesis est autant une question de la réception que de l’écriture de la littérature.
21Nous avons vu que la typologie de B. McHale rend possible l’analyse précise des différentes formes de DR du point de vue de la stylistique et de la narratologie. C’est pourquoi je retiendrai sa typologie dans mon approche, mutatis mutandis. Nous devons toutefois nous demander sur quels critères repose cette typologie. Elle est viable même si l’opposition mimesis / diegesis a été minée par M. Sternberg. Serait-il trop osé de prétendre que le continuum de B. McHale est établi sur un autre critère, à savoir sur le degré de médiation du discours cité ? Il me semble que dans son ‘heptapartition’ de 1978, il entend par mimesis une technique narrative sans qu’il soit question de la représentation de la réalité, dont il parlera en 1994. Le passage suivant qui date de 1978 fait soupçonner que son opposition mimesis / diegesis équivaut en réalité à celle existant entre la voix du personnage (discours cité) et la voix du narrateur (discours citant) :
According to this approach [based on categories of literary representation instead of grammatical categories], the decisive indices of FID ought to be not the marks of its syntactical distinctiveness, or even its traces in the surrounding context, but the signs of its mimetic character, whether formal signs (the "words" of a character, his characteristic registers and idiom) or semantic signs (the "content" of utterances, the "thoughts" or "intended meanings" of a character as distinguished from those of the narrator)59 .
C’est sur cette opposition qu’est fondée la typologie suivante.
Le contrôle apparent du narrateur sur les paroles des personnages (Geoffrey N. Leech et Michael H. Short)
22Selon Geoffrey N. Leech et Michael H. Short, les différents types de discours peuvent être considérés comme des variantes stylistiques60. Cela signifie que le même énoncé ‘direct’ peut être rapporté de multiples façons. La manière dont on le relate dépend du rapporteur. Par conséquent, dans le DR il est finalement question du pouvoir, du contrôle de celui qui relate les paroles d’autrui. Ce pouvoir permet au rapporteur de choisir la précision avec laquelle il citera sa source. Il peut censurer, résumer, manipuler, traduire, amplifier, inventer des discours. M. Sternberg signale que même dans les cas où il vise à la fidélité, le discours cité ne restera ni indépendant ni intact parce qu’il est situé dans un nouveau contexte. Le discours cité est toujours mis en place, encadré par le discours citant61.
23G.N. Leech et M.H. Short fondent leur typologie de DR sur le contrôle apparent du narrateur sur les paroles des personnages. Celle-ci progresse du « contrôle en apparence total du narrateur » à « l’absence de contrôle apparent du narrateur ». Cela veut dire qu’au fur et à mesure que l’on s’avance sur leur continuum, le discours citant cède du terrain au discours cité62. Cette typologie est semblable à celle de B. McHale sauf qu’elle comprend cinq types de discours63. Les deux typologies passent des types condensés aux types directs via les types mixtes et aucune d’elles ne peut échapper à la définition grammaticale de certains types de discours. Dans l’exposé suivant, qui sera sommaire vu les similarités entre cette typologie et les deux précédentes, les traductions françaises de la terminologie de G.N. Leech et de M.H. Short seront de Sophie Mamette.
24Le premier type du continuum de G.N. Leech et de M.H. Short est le Rapport Narratif d’un Acte de langage, RNAL (narrative report of speech acts) qui correspond au discours narrativisé de G. Genette. Le résumé diégétique (RD) et le compte rendu diégétique (CRD) de B. McHale en sont des variations. Selon G.N. Leech et M.H. Short, ce type est utile lorsque l’on rapporte des bavardages fortuits64 :
Mr D ’Arcy came from the pantry, fully swathed and buttoned, and in a repentant tone told them the history of his cold. Everyone gave him advice... (James Joyce, The Dead. Leech & Short 1981 : 324. Les caractères gras sont de moi.)
Michèle Perret, qui appelle ce type « discours non rapporté », fait également remarquer sa nature péjorative65. Les paroles considérées comme peu importantes sont relatées par ce type, qui se prête, comme dans l’exemple cité, facilement à l’ironie. La grippe n’est guère un sujet fascinant pour une histoire. Le RNAL représente le cas extrême du « contrôle en apparence total du narrateur » dans le continuum de G.N. Leech et de M.H. Short. Il y a pourtant des cas encore plus extrêmes du contrôle du narrateur, notamment celui où ce dernier refuse explicitement de relater le discours du personnage (voir infra). On peut admettre avec Geoff Thompson que l’un des choix du rapporteur est d’omettre le message cité66.
25Les trois types suivants du continuum sont le DI (indirect speech), le DIL (free indirect speech) et le DD (direct speech)67. Selon G.N. Leech et de M.H. Short, ils manifestent un « contrôle en apparence partiel du narrateur »68 sur les paroles des personnages et contiennent quelques indices de l’interférence du narrateur, comme la transposition des temps et des déictiques, l’incise et les guillemets. Ici, leurs critères sont donc également grammaticaux. Ils veulent cependant éviter les définitions grammaticalement trop rigoureuses des types de discours et comptent le type de discours que B. McHale appelle DIM dans la classe du DIL69.
26Les marques de l’interférence du narrateur sont absentes du dernier type, le DDL (free direct speech) qui ne semble pas être soumis au contrôle du narrateur. Il est cependant étonnant que G.N. Leech et M.H. Short estiment que le DDL peut parfois contenir un verbe introducteur du dire ou des marques typographiques :
Direct speech has two features which show evidence of the narrator’s presence, namely the quotation marks and the introductory reporting clause. Accordingly, it is possible to remove either or both of these features, and produce a freer form, which has been called FREE DIRECT SPEECH : one where the characters apparently speak to us more immediately without the narrator as an intermediary : [...]70.
Comment distinguer alors ce type de discours du DD qui a une fonction complètement différente ? Je pense que le DDL doit être entièrement libéré aussi bien du verbe introducteur que de la ponctuation. La typologie de G.N. Leech et de M.H. Short, on le voit, est moins claire dans la description des types de discours que celle de B. McHale. J’emprunte donc à Leech et à Short uniquement le critère selon lequel ils distinguent les types de discours, c’est à dire le contrôle apparent du narrateur sur les paroles des personnages.
Synthèse des typologies de McHale et de Leech & Short
27Revenons maintenant à la typologie de B. McHale pour l’étudier à la lumière des concepts de G.N. Leech et de M.H. Short. Elle semble également progresser du « contrôle en apparence total du narrateur » à « l’absence de contrôle apparent du narrateur ». Dans le RD et dans le CRD, seule la voix du narrateur est perceptible. À mesure que l’on s’approche du pôle ‘mimétique’ du continuum, la voix du narrateur s’efface et celle du personnage ressort. Ces deux voix sont mélangées dans le DIM et le DIL. Enfin, dans le DDL, les marques du narrateur semblent disparaître. Il n’y a plus même de marques typographiques de sa présence dans l’énoncé et le personnage semble « émancipé de tout patronage narratif »71. Le contrôle du narrateur est donc en apparence total au pôle ‘diégétique’, partiel au milieu et absent au pôle ‘mimétique’ du continuum de B. McHale.
28Malgré la réévaluation du critère sur lequel repose la typologie de McHale, elle reste identique dans mon analyse (jusqu’à la terminologie qui est basée sur la dichotomie diegesis / mimesis) et seul le dernier type, DDL, en sera exclu puisqu’il n’existe (pratiquement ?)72 pas chez Fielding. En outre, comme les DD ne sont pas toujours marqués typographiquement dans mon corpus, je ne considère pas les guillemets ou le tiret comme des indices obligatoires du DD.
29Les types suivent le même ordre qu’avant. J’y ai seulement ajouté un type de discours, mentionné supra, où le narrateur refuse de rapporter les paroles du personnage. Ce type sera situé en tête de la typologie qui deviendra dans mon analyse le pôle du « contrôle absolu du narrateur ». Il s’agit des cas où le narrateur annonce qu’il ne va pas rapporter les paroles du personnage. Il les considère comme tellement vulgaires, ennuyeuses, banales ou incompréhensibles qu’il les omet, mais en parle par prétérition. Étant donné que ce type a souvent une fonction rhétorique de paralipse chez Fielding, je l’appelle résumé paraliptique, RP. Voici un exemple de la figure de paralipse :
Je ne mentionne pas que vous avez reçu de l’argent des alliés, je ne m’occupe pas des pillages que vous avez commis dans toutes les cités, dans tous les royaumes, dans toutes les demeures. Je laisse de côté tous vos vols et tous vos brigandages73 .
Et voici un RP, tiré de Tom Jones :
Here ensued a Parly, which, as I do not think myself obliged to relate, I shall omit. It is sufficient that it lasted a full Quarter of an Hour, at the Conclusion of which they [Jones and Molly] retired into the thickest Part of the Grove74.
Dans l’exemple cité, le narrateur montre son pouvoir, non seulement par rapport aux personnages dont il refuse de relater les paroles, mais également par rapport au narrataire. C’est lui qui décide ce qui mérite d’être raconté et ce qui sera balayé par une simple mention75. Fielding a sans doute hérité le RP de la littérature de l’Antiquité gréco-romaine, de Cervantes, de Shakespeare et de Marivaux76. Voici un RP, tiré de Don Quijote qui servit de modèle à Joseph Andrews et à Tom Jones :
Hechas, pues, de galope y apriesa las hasta alli nunca vistas ceremonias, no vió la hora don Quijote de verse à caballo y salir buscando las aventuras; y, ensillando luego d Rocinante, subid en el y, abrazando a su huesped, le dijo cosas tan extrañas agradeciéndole la merced de haberle armada caballero, que no es posible acertar á referirlas. El ventero, por verle ya fuera de la venta, con no menos retóricas, aunque con más breves palabras, respondeó á las suyas y, sin pedirle la costa de la posada, le dejó ir á la buen hora77 .
30Le tableau 1 récapitule la typologie que j’ai élaborée et que j’utiliserai dans l’analyse (à l’exception du huitième type de discours, le DDL) :
31► RP = résumé paraliptique. Exemple : Adams now began a long Discourse ; but as most which he said occurs among many Authors, who hâve treated this Subject, I shall omit inserting it (Fielding 1742 : III, vii [sic viii], 127).
32► RD = résumé diégétique. Exemple : One of the Soldiers now went up to the Serjeant, and whispered something in his Ear ; upon which he stedfastly fixed his Eyes on the Lady [...] (Fielding 1749 : IX, iv, 334).
33► CRD = compte rendu diégétique. Exemple : And, the more to enliven her, he would sometimes sing a merry Song, which bore some Relation to Matrimony, and the Loss of a Maidenhead (Fielding 1749 : XVIII, xiii, 297).
34► DI = discours indirect. Exemple : He received the usual Answers ; first, that the Colonel was not stirring, and an Hour after that he was gone out (Fielding 1752 : V, i, 93).
35► DIM = discours indirect mimétique. Exemple : The Captain answer’d with a surly Look and Accent, “That he hoped he did not mean to reflect on him ; d-n him, he had as much Imanity as another, and if any Man said he had not, he would convince him of his Mistake by cutting his Throat" (Fielding 1742 : III, vi [sic vii], 117).
36► DIL = discours indirect libre. Exemple : The only Danger, she said. lay in the Fellow she had formerly mentioned, who, though a Beggar and a Vagabond, had by some Means or other, she knew not what, procured himself tolerable Cloaths, and past for a Gentleman (Fielding 1749 : XVI, viii, 63).
37► DD = discours direct. Exemple : –“O J-sus,” cry’d the Lady, “A naked Man ! Dear Coachman, drive on and leave him.” (Fielding 1742 : 1, xi [sic xii], 65.)
38► [DDL = discours direct libre]
Vérification du continuum élaboré : trois critères définitoires (Laurence Rosier)
39La conception du DR de Laurence Rosier (1999), qui fait dans son ouvrage une synthèse des théories rhétoriques, linguistiques et narratologiques les plus importantes du DR de l’Antiquité à nos jours, est plus globale que celle des théoriciens traités supra. L. Rosier ne traite pas seulement le discours narrativisé, la tripartition DI / DIL / DD et le DDL, mais considère le conditionnel de citation et les autres « formes apparentées du “on-dit” » (« il paraît que », « dit-on » etc.) et les formulations « selon X » comme du DR. Cette conception étendue du DR, présentée sous la forme d’un continuum allant du « conditionnel du on-dit » au DDL78 ne convient pas à l’analyse de mon corpus. Je limite mon analyse aux paroles des personnages dans la diégèse, ne voulant pas étudier les cas où les narrateurs de Fielding citent d’autres auteurs79, des proverbes ou des idiomes anglais de l’époque80. Et c’est surtout alors que Fielding utilise les formulations du type « selon X ». Ces formulations n’apparaissent dans mon corpus que dans les mises en abyme du DR, lorsque les personnages eux-mêmes citent les auteurs anciens. Les concepts généraux de L. Rosier m’aident pourtant à tester le fondement du continuum que je viens d’élaborer.
40L. Rosier signale qu’un modèle explicatif du DR doit mettre en avant trois critères définitoires. C’est dans ces trois points que l’approche linguistique et l’approche littéraire peuvent trouver une « terre de réconciliation » dans l’analyse du DR. Le premier critère est l’importance de la personne linguistique dans le classement des types de discours. Cela signifie que les pronoms, les déictiques et les personnes (critères linguistiques), ainsi que le statut du narrateur, du sujet et des personnages (critères littéraires) doivent compter dans la définition des types81. Le deuxième critère est la nécessité de contextualiser les formes de discours, critère qu’avaient souligné également B. McHale et M. Sternberg (voir plus haut). Contextualiser, c’est étudier la relation entre le discours d’autrui et le cadre dans lequel il est situé. Il faut également expliquer les effets produits par les types de discours étudiés, non seulement les décrire82. Le troisième fait primordial est de reconnaître la mixité formelle du DR. Il n’existe pas seulement un couple canonique (DD / DI) du DR mais plusieurs formes intermédiaires, par exemple le « DI avec guillemets » (équivalent du DIM), dans lesquelles les critères distinctifs sont mélangés. L. Rosier fait remarquer que ces formes « bâtardes » ont trop souvent été classées dans la « catégorie fourre-tout DIL » alors qu’elles méritent d’être étudiées comme des types indépendants83. Pour L. Rosier, la mixité du DR signifie également « l’hybridisation » dans le sens où l’entend M. Bakhtine : « Qu’est-ce que l’hybridisation ? C’est le mélange de deux langages sociaux à l’intérieur d’un seul énoncé, c’est la rencontre dans l’arène de cet énoncé de deux consciences linguistiques, séparées par une époque par une différence sociale, ou par les deux. Cet amalgame de deux langages au sein d’un même énoncé est un procédé littéraire intentionnel (plus exactement, un système de procédés)84. »
41Ces trois points définitoires sont présents dans le continuum que je viens d’établir. La personne linguistique est le critère principal selon lequel je classe les types de discours. Le contrôle du narrateur sur le discours des personnages me semble un critère particulièrement pertinent dans l’analyse des romans de Fielding, où le narrateur accapare toute l’attention et orchestre les discours des personnages. C’est pourquoi Wayne C. Booth qualifie celui-ci de narrateur omniscient et omnipotent qui s’immisce sans cesse dans l’histoire85. Les narrateurs de Fielding sont volontiers rhéteurs86. On peut dès lors se demander si les types de discours dans les romans de Fielding ne remontent pas en fait à quelques figures de rhétorique. Outre la paralipse qui est la base du RP, type que j’avais développé pour cette analyse (voir plus haut), les autres formes de discours condensées ressemblent à l’ellipse (RD) et à la métonymie (CRD). Le DI, pour sa part, évoque les mécanismes de la périphrase, de la paraphrase et de l’euphémisme. Quant aux types mixtes ou bivocaux (DIM, DIL), le DIL a déjà été associé à la figure de l’hypophore87 par Michèle Biraud et Sylvie Mellet qui ont étudié le DIL dans le contexte de l’Antiquité gréco-romaine88. Enfin, le DD remonte éventuellement à la figure de sermocinatio89. (Pour ce qui est du DDL, Jenny Simonin compare la structure hétérogène de Berlin Alexanderplatz, ouvrage d’Alfred Döblin riche en DDL, à celle d’« Apartés » dans les Exercises de Style par Raymond Queneau. L’aparté est un moyen stylistique de la comédie90.)
42Le deuxième critère mentionné par L. Rosier, la mixité formelle, est également pris en considération dans mon modèle. Il y a deux types de discours dans lesquels les traits distinctifs sont mélangés. Je discute également l’hybridisation (ou le plurilinguisme, voir plus bas) à maintes reprises dans l’analyse. En ce qui concerne la contextualisation, qui constitue le troisième critère, je voudrais souligner que j’essaye d’étudier le système entier de la reproduction des paroles des personnages chez Fielding et ses traducteurs, au lieu d’étudier quelques types, tels que le DIL ou le DD, de façon isolée. Le souci de contextualiser le DR explique aussi pourquoi j’analyse, certes brièvement, les six textes d’arrivée dans leur intégralité au chapitre 4. Le procédés textuels des traducteurs du XVIIIe siècle pouvant être imprévisibles, il vaut mieux parcourir la traduction entière avant de généraliser.
Le discours rapporté dans l’étude de la traduction
Je traduis, donc je cite ?
43Le DR, la mimesis et la traduction ont récemment fait l’objet de discussions en traductologie (notamment Brian Mossop 198391, 1998 et Barbara Folkart 1991), étant donné que la traduction elle-même est un discours de seconde main, pour reprendre l’expression d’A. Compagnon (1979). Selon l’hypothèse interprétative de B. Mossop, la traduction est du DR92 (relation que j’indiquerai par la formule T ᑕ DR). Le discours cité y est le texte de départ et le discours citant le texte d’arrivée. Et il est vrai que dans ces deux types de production linguistique, il y a « une mise en rapport de discours dont l’un crée un espace énonciatifparticulier tandis que l’autre est mis à distance et attribué à une autre source, de manière univoque ou non93. »
44D’après B. Folkart, qui fait remarquer que la traduction est une activité aussi peu objective que le fait de citer, la traduction comme mise en rapport est un « conflit des énonciations ». Comme il s’agit ici de la réémission d’un énoncé antérieur94 et du changement du cadre d’énonciation, il y est inévitablement question aussi de filtrage, de gauchissement et de « l’inscription du ré-énonciateur dans l’énoncé95. » B. Folkart estime que les réénonciations (les traductions) ne sont jamais neutres, même si elles visaient à l’être. Selon la nature même de la reprise, « le sujet ré-énonciateur rend sien [l’énoncé originaire] lors de la réception et y met du sien lors de la remédiation96. » Par conséquent, il y a toujours des empreintes du traducteur dans le texte d’arrivée. Une traduction n’est jamais une simple copie parce qu’il y a la « voix du traducteur », c.-à-d. la présence discursive du traducteur lui-même dans le texte, visible par exemple à travers les références autoréflexives illogiques ainsi que dans les notes et les parenthèses explicatives du traducteur97. Nous verrons aussi dans l’analyse que quelques traducteurs semblent chercher une solution à leurs propres traumatismes à l’aide de la traduction ; le texte devient un objet thérapeutique pour le traducteur.
45L’un des avantages de l’hypothèse T ⊂ DR est donc la mise à plat de la subjectivité à l’œuvre dans toute la production traductive, et pas seulement dans les traductions libres. (C’est A. Lefevere qui l’avait déjà signalée avec ses concepts de réécriture et de manipulation, voir chapitre 1.) En outre, nous nous débarrassons de la notion d’équivalence qui est assez souvent mentionnée dans les définitions de la traduction. Pour en mentionner une, selon B. Mossop98 celle d’Eugene Nida est idéaliste et prescriptive : « [O]ne may [...] define translating as ‘reproducing in the receptor language the closest natural équivalent of the message of the source language, first in terms of meaning and second in terms of style99. ’ » On peut comprendre que tous les textes d’arrivée qui passent pour des traductions ne remplissent pas cette condition. En outre, l’équivalence est un concept problématique parce que – tout comme celui de Verbatim – il varie selon les époques, les cultures et les individus (non seulement selon les traducteurs mais aussi selon les traductologues...).
46Un autre avantage de l’hypothèse T ⊂ DR100 est que quelques phénomènes marginaux de la traduction deviennent explicables et classables à l’aide de la théorie du DR. Comme je viens de le rappeler dans la partie précédente de ce chapitre, les possibilités de mettre en rapport des discours varient de la mention de l’acte de langage à la reproduction ‘fidèle’. La théorie de DR permet d’expliquer même les cas où le discours cité n’existe pas en réalité (le DR fictionnel où les paroles des personnages n’ont lieu que dans la diégèse) ou est omis par le rapporteur. Appliqué à la traductologie, cela veut dire que le traducteur dispose de toute une gamme de stratégies pour rendre le passage du texte de départ qu’il est en train de traduire101 : l’addition, la reproduction intégrale, le résumé, l’omission complète etc. On pourrait même expliquer les pseudo-traductions à l’aide de cette formule. B. Mossop n’est pas loin de cette idée, en précisant que le DR signifie ici une « démonstration de certains traits choisis du texte de départ102. » Selon moi, ces traits choisis ne doivent pas nécessairement comprendre des aspects textuels ou stylistiques de l’original (les traductions en prose de la poésie n’existent-elles pas ?), il peut s’agir des thèmes principaux de l’original, des événements les plus importants de l’intrigue (voir mon analyse de l’Amélie de Mme Riccoboni, chapitre 4 ; la traductrice ne rend du texte de départ que l’intrigue principale en simplifiant ou en combinant les événements secondaires), des traits caractéristiques des personnages... conformément au type de texte dont il est question.
47Mais comment alors distinguer la traduction des autres formes dérivées de la production linguistique ? Si je termine là ma définition de la traduction – la traduction est du DR de certains traits choisis du texte de départ – on pourrait en déduire que je considère ce qui précède comme une traduction de l’ouvrage de Barbara Folkart, écrit en français...
48Précisons donc de quelle sorte de DR il s’agit dans la traduction. Reprenons B. Mossop : pour lui, l’acte de traduire est « le fait de citer, l’un après l’autre, et avec une visée imitative, les fragments et phrases qui constituent un texte écrit, oral ou signé103. » J’apporterai quelques nuances supplémentaires à la définition de la traduction de B. Mossop laquelle est, on va le voir, plus étroite que la mienne104. D’emblée, je soutiens avec B. Folkart105 que le fait de citer est interlingual, critère que B. Mossop ne trouve pas, paradoxalement, primordial dans la définition d’une traduction106. Ensuite, la visée imitative du traducteur ne touche pas nécessairement à tous les détails du texte de départ, mais à l’ensemble, à ce que le traducteur considère comme ‘l’essence’ de celui-ci, pour le skopos107 de sa traduction (de là vient sa conception subjective de l’équivalence entre le texte de départ et le texte d’arrivée). Enfin, la taille des fragments constituant le texte de départ, que le traducteur cite l’un après l’autre, peut varier considérablement. Par conséquent, un traducteur qui résume et supprime des chapitres entiers de l’original est toujours un traducteur si les autres critères tiennent ; les stratégies du traducteur peuvent varier considérablement dans la production du texte d’arrivée mais sa visée générale doit ête imitative. Cela me donne la définition suivante de l’acte de traduire : la traduction est du DR interlingual où le traducteur cite, l’un après l’autre, et avec une visée imitative globale, les fragments qui constituent selon lui les traits essentiels d’un texte, relativement au skopos du texte d’arrivée.
49Si la traduction elle-même est conçue comme du DR, les transformations qui sont courantes dans la traduction du DR deviennent plus compréhensibles. Etant donné que le texte de départ entier est le discours cité primaire dans la traduction, les discours des personnages se trouvent à un niveau plus profond dans le texte d’arrivée que dans le texte de départ108. En fait, il s’agit d’une mise en abyme du DR ; dans la traduction, la seconde main devient la tierce main. Et cela explique pourquoi les traductions contiennent, d’une part, davantage de voix (celle du traducteur), et d’autre part moins de voix (de mixité ou de polyphonie) que les textes originaux.
La traduction du discours rapporté
50On peut distinguer deux orientations principales dans les études qui portent sur la traduction du DR. La première reste confinée au domaine du DD et traite uniquement des difficultés liées à la traduction des « sociolectes »109 dans le dialogue romanesque ou théâtral. Ce problème dépasse en fait les limites du DR puisque les narrateurs, eux aussi, peuvent se servir du langage non standard. La seconde orientation analyse ce qui arrive aux différents types de discours dans la traduction, notamment au DIL et au DDL qui sont des types ‘moins traduisibles’, semble-t-il. Ces études ont jusqu’ici été basées sur des répartitions analogues au DI / DD / DIL / DDL. Les types de discours condensés que j’inclurai dans mon analyse (RP, RD, CRD) n’ont donc pas, autant que je sache, intéressé les traductologues. C’est que l’intérêt principal des traductologues des deux orientations semble avoir été la mixité du DR. Les uns l’ont étudié du point de vue de l’hybridisation, les autres du point de vue de la mixité formelle. On peut constater sur la base des deux approches que la mixité en général tend à diminuer dans la traduction. Si l’on considère la mixité en tant que telle comme une caractéristique originale ou individuelle dans un texte110, la fréquence de ces sortes de glissements corroborerait la loi de standardisation croissante de G. Toury.
La « représentation sociolectale »111 et la traduction
51La difficulté de traduire les sociolectes naît précisément du fait que la traduction est du discours de seconde main : il y a un changement (fondamental) du cadre d’énonciation. Étant donné que dans la traduction le discours cité est, selon l’expression d’A. Berman, arraché à son sol-de-langue112, les valeurs connotatives des différents langages sociaux, qui collent au terroir113, ne peuvent pas passer dans la culture d’arrivée. D’où la remarque de B. Folkart : « [I]l est virtuellement impossible de remédiatiser dans une autre langue un segment dialectal ou sociolectal de façon à lui assurer la même insertion dans l’économie sociolinguistique du système d’arrivée [...]114. » Il en est ainsi bien que la représentation des sociolectes soit toujours plus ou moins stylisée dans l’écriture romanesque. Les stéréotypes linguistiques reflètent pourtant la réalité dont ils sont issus. Comment donc faire face à cet obstacle qui est pour A. Berman « le principal problème de la traduction romanesque »115 ?
52Tout d’abord, il existe la méthode controversée que les traducteurs de l’école soviétique appelaient gladkopis’116 (blandscript). C’est la neutralisation des sociolectes du texte de départ par l’éviction totale ou partielle des fragments de langage non conventionel du texte de départ. Cette méthode pourrait être comparée à la traduction en prose de la poésie puisqu’elle part de l’idée qu’il est impossible de traduire la textualité de l’ouvrage original et qu’il ne faudrait même pas l’essayer117. Elle risque pourtant d’altérer la caractérisation des personnages, parce que ceux-ci se dessinent par leur langage ; leurs compétences verbales ont une « valeur d’informant textuel »118. En outre, les sociolectes distancient ou rapprochent les lecteurs des personnages selon le contexte historico-culturel. D’après Thomas O. Beebee, les fautes de langage des servants dans les romans de Richardson ou de Fielding soulignaient leur altérité par rapport aux lecteurs du XVIIIe siècle119. En revanche, dans les ouvrages d’un William Faulkner ou d’un John Dos Passos, « la valeur morale du personnage se livre selon une modalité inverse à sa correction linguistique », observe Bernard Vidal120.
53La thématique du texte de départ est également en danger si le traducteur adopte gladkopis’. C’est que l’emploi d’un sociolecte, tel le vernaculaire noir américain, peut être un geste significatif de l’auteur qui marque de cette façon la problématique raciale ou sociale de son œuvre121. La richesse des sociolectes indique parfois aussi le projet mimétique de l’auteur de constituer une ‘encyclopédie de langages’ (le « plurilinguisme » de Fielding, de Sterne, de Dickens et d’autres écrivains humoristiques122) ou bien de transcrire le dialecte de son « terroir » en voie de disparition. Tel était selon Ritva Leppihalme l’objectif de l’écrivain finlandais Kalle Päätalo. Son dialogue romanesque, qui imite le dialecte parlé dans la région nord-est de la Finlande (notamment à Taivalkoski) avant la Seconde Guerre mondiale, est tellement incompréhensible pour les Finlandais d’autres régions qu’il a fallu rédiger un dictionnaire Päätalo contenant quatre mille entrées123. On voit que la gladkopis ’ n’est guère la méthode idéale pour traduire un tel auteur, si l’on veut transmettre au texte d’arrivée l’une des fonctions principales de son œuvre. R. Leppihalme mentionne pourtant, après avoir étudié deux traductions des ouvrages de Päätalo, l’une en suédois, l’autre en américain, que cette dernière qui standardisait davantage l’idiome de l’original avait connu un plus grand succès parmi les lecteurs, et qu’elle avait eu une suite124. La standardisation n’est pas un phénomène intrinsèquement négatif, signale R. Leppihalme. Les lecteurs de la culture réceptrice peuvent s’intéresser à d’autres aspects du texte d’arrivée qu’à son identité linguistique. Le traducteur fmno-américain des ouvrages de K. Päätalo, Richard A. Impola, avait renoncé à traduire la plupart des régionalismes des originaux parce que cela lui paraissait impossible. Son objectif était simplement de faire découvrir aux lecteurs américains et canadiens, qui avaient des ancêtres finlandais, le style de vie des « cousins » restés dans les régions disetteuses du nord-est de la Finlande, au lieu d’émigrer en Amérique. Les nombreuses lettres de remerciement à R.I. Impola de la part des lecteurs montrent qu’il avait atteint son but125.
54R. Leppihalme avait appliqué dans son étude un continuum de niveaux de langue esquissé par Birgitta Englund Dimitrova (1997). Ce continuum semble être basé sur le degré de grammaticalité du niveau de langue. Selon mon interprétation, il procède graduellement du pôle de l’oralité maximale au pôle de la littérarité maximale :
B. Englund Dimitrova pose comme hypothèse que les glissements dans la traduction tendent à aller de gauche à droite sur le continuum, vers le pôle d’une correction linguistique accrue127. Cela veut dire par exemple que les traducteurs ont tendance à rendre les sociolectes rares (si ce n’est par le style neutre ou recherché, comme c’est le cas de la gladkopis ’) par des sociolectes plus répandus. Cette hypothèse, en fait une variation de la loi de standardisation croissante, a été corroborée par l’étude de R. Leppihalme. Même le traducteur suédophone avait standardisé quelques idiomes de K. Päätalo en les rendant par le langage familier ou neutre128.
55Il existe pourtant des stratégies qui vont dans la direction inverse sur le continuum présenté ci-dessus et qui sont peut-être des exceptions qui confirment la règle de B. Englund Dimitrova. La méthode contraire à la gladkopis’, pas moins critiquée que celle-ci d’ailleurs, est ce que Lauren Gray Leighton appelle « dialecte à dialecte » (dialect-for-dialecf. Dans ce procédé, le traducteur substitue un sociolecte ‘endogène’ directement au sociolecte du texte de départ. Cela veut dire que le traducteur appuie sa représentation sociolectale (qui consiste en effets de réel) sur un parler nettement local de la culture d’arrivée. Or, comme le soulignent maints traductologues, cela peut ajouter au texte d’arrivée une couleur locale fausse et poser des problèmes de vraisemblance. Si l’action de l’ouvrage traduit se déroule dans la culture de départ, l’usage d’un sociolecte identifiable de la culture d’arrivée risque de distancier le lecteur du monde fictionnel129. L.G. Leighton fait remarquer que le résultat peut même être risible, si les connotations des sociolectes jurent trop entre elles :
The majority of modern translators agree that the dialect-for-dialect method has proved to be the worst solution to the problem [of translating colloquial speech] simply because dialects do not have equivalents in terms of time, place, and cultural-historical associations in other languages. We are all familiar with those first British and American translations of Russian classics in which Chekhov’s clerks speak with a Cockney accent and Gorky’s worker-heroes sound as if they hadjust walked out of a Birmingham ironworks. [...]
The Russian Siberian experience has sometimes been compared to the settling of the American West in the general outlines of two national experiences, but when the comparison involves colloquial speech, it would be foolish to oblige Vladimir Korolenko’s Siberian tramp-convicts to say, “Howdy, podner130 "
Le dialecte à dialecte ne mène pourtant pas toujours à des proportions aussi burlesques, et ce n’est pas nécessairement une stratégie de traduction « annexionniste »131. Tout d’abord, la culture de départ et la culture d’arrivée ne sont pas généralement aussi éloignées que le monde des pionniers américains et celui des prisonniers en Sibérie. En outre, le traducteur peut « dévemaculariser132 » sa représentation sociolectale pour éviter les associations trop fortes à la culture d’arrivée. C’est que, puisque la mimesis du DR consiste principalement en effets de réel, rien n’empêche le traducteur de modifier ou d’inventer au besoin133. Par exemple, le groupe québécois GRETI (Groupe de recherche en traductologie) avait consciemment constitué un sociolecte littéraire dans sa traduction du premier livre de The Hamlet par W. Faulkner, en puisant des effets de réel d’un vernaculaire québécois. « Précisons sans tarder », dit la directrice de GRETI, A. Chapdelaine, « que le résultat poursuivi, à l’instar de Faulkner, est non pas la reproduction exacte de sociolectes attestés dans le réel, qu’ils soient du Sud des États-Unis ou du Québec, mais la recréation d’un modèle de production soumis aux contraintes de l’univers de discours [...] particulier au roman134. » Le traducteur-poète finlandais Pentti Saarikoski était allé encore plus loin dans sa traduction finnoise (1961) du roman Catcher in the Rye (1951) par J.D. Salinger. Il avait rendu l’argot de l’original en construisant un lexique argotique lui-même. Cela faisant, il contribua aussi, après une vive polémique, à la libération des normes translationnelles en Finlande135.
Traduire la mixité formelle
56Passons à l’autre obstacle lié à la traduction du DR : la difficulté de garder la mixité formelle dans le passage d’une langue à l’autre. Il semble que les types de discours mixtes (le DIM, le DIL, le DDL...) posent davantage de problèmes de traduction et, partant, amènent plus de glissements que les types non mixtes. Ainsi les études portant sur les glissements entre les types de discours ont-elles été centrées sur la traduction du DIL et du DDL. Et, qu’il s’agisse d’une analyse portant sur la traduction du latin en anglais, de l’allemand en français, du français en allemand, du russe en anglais, de l’anglais en français, en hébreu ou en finnois... on constate que l’hétérogénéité énonciative diminue dans la traduction. Les signaux de bivocalité collent-ils également au terroir ?
57Il est vrai, comme le constate par exemple John D. Gallagher136, que les différences structurelles entre les langues sont l’une des raisons pour l’homogénéisation énonciative liée à la traduction. C’est pourquoi la linguistique contrastive arrive à expliquer partiellement les glissements traductionnels qui mènent au changement de type de discours et, parfois aussi, au changement de plan d’énonciation. E.A. Levenston et G. Sonnenschein se demandent si la linguistique contrastive, qui étudie les spécificités et les divergences des différents systèmes pronominaux, déictiques, [temporels] etc., ne permet pas de prédire les problèmes d’ordre narratif qui risquent d’être rencontrés dans la traduction d’une langue X vers une langue Y137. Selon l’étude réalisée par Tarja Rouhiainen, de telles hypothèses sont justifiées. Elle avait analysé la traduction du DIL anglais vers le finnois dans le but d’observer combien la dissemblance entre les systèmes pronominaux anglais et finnois allait compliquer le travail du traducteur. Le finnois (où le DIL existe bel et bien) ne connaît qu’un pronom personnel du singulier de la troisième personne han (désignant « elle » ou « il ») alors que l’anglais en connaît deux she et he. (Ce problème existe donc également dans la traduction français → finnois.) T. Rouhiainen note que les traducteurs, voulant éviter la répétition du pronom personnel hän et, essayant sans doute de garder l’information concernant le sexe des personnages, avaient assez souvent rendu les pronoms s/he du DIL par des noms, (he rendu par le nom mies, « l’homme ») par des prénoms (she rendu par Gudrun) et par autres circonlocutions, ce qui tirait la focalisation davantage sur le narrateur138. Ces changements mentionnés par T. Rouhiainen peuvent transfonner le DIL en récit du narrateur et produire donc un glissement du plan énonciation. Or, il est à remarquer, comme le dit Päivi Kuusi, qu’il y a souvent plusieurs sortes d’indices du DIL dans un texte littéraire. Par conséquent, quand le traducteur modifie le texte d’arrivée selon les contraintes linguistiques, le DIL n’en disparaît pas toujours complètement, même si le nombre des indices diminue139.
58Quels sont les problèmes à envisager lorsque l’on traduit les types mixtes de l’anglais en français ? Selon Bruno Poncharal, qui a fait une analyse contrastive du DIL (et du DIM alias les « énoncés « hybrides »»140) en anglais et en français, le plus grand obstacle pour la traduction vient de la dissymétrie des systèmes aspectuo-temporels des deux langues. Le français oppose le passé simple (le temps du récit) à l’imparfait (le temps du DIL par excellence)141. Sophie Mamette met en évidence que cela n’a pas toujours été le cas, puisque dans la littérature médiévale française les verbes au passé simple faisaient bien partie des discours indirects libres proprement dits (env. 7 % des verbes contenus dans les DIL médiévaux étaient au passé simple dans son corpus)142. Cette division semble pourtant avoir existé dans le français du dix-huitième siècle. Le grammairien Nicolas Beauzée écrivit sur la différence entre la valeur des temps du passé en anglais et en français : « La langue angloise est encore dans le même cas que l’allemande [l’Imparfait exprime en même temps en allemand le Prétérit & l’imparfait des françois] : i had (j’avois ou j’eus) ; i was (j’étois ou je fus)143. » L’anglais ne connaît donc pas une telle répartition dans les temps du passé, et le prétérit simple s’utilise toujours aussi bien dans le récit du narrateur que dans le DIL144. Selon B. Poncharal (op. cit.), le traitement de la deixis au sein du DI(L) est également plus souple en anglais qu’en français. L’anglais permet d’utiliser des marqueurs de type déictique dans les formes de l’indirect : « I asked her if there was anything spécial she wanted to talk about. No, she said, she just felt like seeing me. She had been working hard ever since Ben left town, and when she woke up yesterday morning, it suddenly occurred to her that she missed me145. » Or, la logique de la langue française a porté la traductrice à rendre ce yesterday morning par un marqueur de type anaphorique : « Je lui demandai s ’il y avait une chose particulière dont elle souhaitait me parler. Elle me répondit que non, qu’elle avait simplement envie de me voir. Elle avait travaillé dur depuis que Ben était parti et la veille, en s’éveillant le matin, elle avait tout à coup réalisé que je lui manquais146. » Le français semble donc privilégier l’actualité et le point de vue englobant du rapporteur au détriment du locuteur initial, tandis que l’anglais ne fait pas d’opposition aussi stricte entre le domaine du rapporteur et celui du locuteur147. Il en est de même du lien entre l’énoncé primaire antéposé et l’énoncé rapporté en anglais. Puisque l’énoncé rapporté semble être moins ‘subordonné’ en anglais qu’en français, remarque B. Poncharal, le schéma interrogatif ou exclamatif y est possible dans le DIM (Laura blurted out how very nice workmen were148 !) alors qu’un traducteur français devrait au moins déplacer l’énoncé primaire pour rendre acceptable sa traduction (« Comme les ouvriers étaient gentils ! s’exclama Laura »)149. Les contraintes linguistiques l’obligent donc à faire un glissement du DIM en DIL. Le plus souvent, les glissements s’effectuent vers les formes non mixtes. Les traducteurs français rendent le DIL (et le DIM) assez souvent soit par le DI, soit par le DD150. En somme, B. Poncharal conclut :
[L]a distance entre l’oral et l’écrit est plus importante en français qu’en anglais. De même que la distinction entre plan du récit et plan du discours est plus nette en français qu’en anglais151. »
Cette différence fondamentale expliquerait la facilité de l’anglais, par rapport au français moderne152, de passer du DIL au DD(L) à l’intérieur du même paragraphe, voire à l’intérieur de la même proposition153. Cela met également en évidence la gêne qu’éprouve le traducteur français moderne face à l’élasticité de la langue de départ.
59Les contraintes linguistiques n’expliquent pourtant pas tous les glissements entre les types de discours. C’est un fait sur lequel B. Poncharal revient à maintes reprises154 au cours de son étude : « les paramètres pour le choix de telle ou telle traduction sont multiples, et ils sont à rechercher dans un contexte suffisamment étendu155. » Le contexte que l’on va discuter dans ce qui suit n’est pas le cotexte qu’étudie B. Poncharal mais la situation extratextuelle. Plusieurs traductologues ont expliqué les glissements vers l’homogénéité énonciative par les normes linguistiques, littéraires et translationnelles de la culture d’arrivée. Toutes les cultures ne connaissent pas les mêmes types de discours. Comme je l’ai constaté plus haut, le sanscrit, le vieux-perse et le persan ne connaissaient pas, selon M. Lips, le style indirect156. C’est aussi le cas du kurde moderne où, d’après Salih Akin, l’indirect est vraiment marginal157. Il arrive également que les traits distinctifs des types de discours (mixtes) soient inacceptables dans la culture d’arrivée. Par exemple, E. Auerbach a démontré que l’hétérogénéité stylistique (Stilmischung) n’était pas acceptable dans la France classique158. Cela explique naturellement la tendance vers l’homogénéité dans les traductions de cette époque.
60Ce sont donc la poétique et l’horizon d’attente des lecteurs dans la culture réceptrice qui sont le point de départ pour l’explication historique des glissements de types de discours. La question clé ici est de savoir si les traits distinctifs des types mixtes, et les types mixtes en général, sont familiers aux lecteurs d’arrivée, y compris au traducteur lui-même. Dans le cas qu’ils ne le sont pas, la nouveauté ou l’absence du type de discours dans la culture d’arrivée est le motif naturel pour la simplification narrative. Cette hypothèse est appuyée par les études de Dorothea Kullmann et d’Elina Randell. D. Kullmann a observé le DIL dans les traductions allemandes de Madame Bovary. Elle signale que, avant que la erlebte Rede (DIL) soit ‘découverte’159 en Allemagne, Legné, le premier traducteur allemand du roman de Flaubert, rendit le DIL par le DD. Il facilita donc la tâche du lecteur allemand en l’aidant à repérer le DR dans le texte d’arrivée160. Le souci de rendre le texte d’arrivée plus intelligible aura également poussé les premiers traducteurs finlandais de l’ouvrage Light in August (par W. Faulkner, traduit par V. Vankkoja et S. Soveri en 1945) à substituer le DD au DDL. C’est ainsi qu’ils accoutumaient les lecteurs finlandais à la technique stream-of-consciousness selon E. Randell, en modifiant l’organisation des paragraphes dans le texte et en commençant par le DD les passages contenant du DDL161.
61Harald Kittel explique les glissements vers l’homogénéité par les normes littéraires et par les conditions de travail du traducteur (salaire insuffisant et hâte qui entraînent des négligences). Son analyse porte sur les pensées rapportées par le DIL en narration à la première personne (self-narrated monologué) dans l’ouvrage expérimental de Charles Brockden Brown, Edgar Huntly (1799), et dans sa traduction allemande anonyme datant de 1857. Il s’est avéré dans l’étude de H. Kittel que la bivocalité du texte de départ diminue dans la traduction. La voix du locuteur (le « moi narré ») y est souvent absorbée par la voix du rapporteur (le « je narrant »162), ce qui produit des glissements du DIL en récit du narrateur163. Dans un travail plus récent, H. Kittel se demande comment le statut de l’ouvrage original aux yeux du traducteur agit sur les glissements narratifs. Il remarque que les traducteurs français du tournant du XVIIIe siècle avaient traité fort différemment deux romans anglais en narration à la première personne et contenant du DIL. Le roman sentimental Wieland (1798) par Charles Brockden Brown avait connu des transformations considérables dans le passage en français, alors que le traducteur avait laissé presque intact même le DIL dans le roman philanthropique Caleb Williams par William Godwin (1794, trad. en 1796)164. La standardisation du DIL n’est donc pas toujours causée par le fait que ce type est inconnu ou inacceptable dans la culture d’arrivée. L’homogénéisation énonciative peut parfois provenir de la stratégie globale du traducteur qui ne vise pas nécessairement à éradiquer la mixité du texte d’arrivée.
62Enfin, on peut interpréter psychologiquement l’homogénéisation énonciative liée à la traduction du DR. Il est par exemple possible d’expliquer la tendance des traducteurs à simplifier la structure énonciative du texte d’arrivée comme le résultat du travail herméneutique qu’ils doivent faire pour comprendre le texte de départ. Selon l’hypothèse de Shoshana Blum-Kulka, les traductions deviennent dans la procédure de traduction plus redondantes et plus explicites que les originaux :
The process of interpretation performed by the translator on the source text might lead to a TL [target language] text which is more redundant than the SL [source language] text. This redundancy can be expressed by a rise in the level of cohesive explicitness in the TL text. This argument may be stated as “the explicitation hypothesis”, which postulates an observed cohesive explicitness from SL to TL texts regardless of the increase traceable to differences between the two linguistic and textual systems involved. It follows that explicitation is viewed here as inherent in the process of translation165.
Dans le cas des types de discours mixtes (DIL, DDL), le travail interprétatif du traducteur consiste à répondre à la question (souvent rhétorique) que fait naître l’ambiguïté du texte de départ : qui parle ? Or, ‘découvrir’ qui parle dans un texte énonciativement hétérogène implique que l’on fait une démarcation arbitraire entre les voix superposées du texte de départ. Les glissements qui s’ensuivent sont de nature DIL → DI / DD / récit du narrateur, DDL ⟶ DD / récit du narrateur.
63Il me semble que les études de Jenny Simonin (1984), de Lawrence Venuti (1992) et de Rachel May (1994) représentent l’interprétation psychologique de la standardisation énonciative. J. Simonin explique les glissements systématiques du DDL au DD et le « ménage énonciatif »166 global dans la traduction française de Berlin Alexanderplatz (traduction de Zoha Motchane, 1970) par la perplexité, voire l’angoisse, du traducteur face à la structure polyphonique du texte de départ. Le traducteur a ‘corrigé’ l’hétérogénéité textuelle de l’original en ajoutant de loin en loin des marques typographiques : guillemets, tirets, passage à la ligne. Il s’ensuit que l’énigme qui parle ? a été partiellement résolue dans la traduction167. L. Venuti fait remonter l’homogénéisation énonciative à « l’invisibilité du traducteur », à la tendance des traducteurs anglo-américains actuels à produire des textes faciles et fallacieusement transparents168. D’après le théoricien américain, les traductions deviennent « fluides » lorsque les traducteurs écartent les pratiques rhétoriques qui attirent l’attention du lecteur sur la matérialité de la langue :
[T]hey [fluent translation strategies] pursue linear syntax, univocal meaning or controlled ambiguity, current usage, linguistic consistency, conversational rhythms; they eschew unidiomatic constructions, polysemy, archaism, jargon, abrupt shifts in tone or diction, pronounced rhythmic regularity or sound repetitions – any textual effect, any play of the signifier, which calls attention to the materiality of language, to words as words, their opacity, their resistance to empathic response and interpretive mastery169.
Les stratégies « fluides » semblent donc éviter les signaux de bivocalité ou de polyphonie. Néanmoins, je doute que les traducteurs invisibles de notre époque standardisent plus le DR que leurs confrères extrêmement visibles des siècles révolus.
64On peut finalement mettre sur le tapis la question de la lutte œdipienne entre le traducteur et l’auteur du texte de départ, les traducteurs étant souvent des (futurs) écrivains. Selon R. May, les traducteurs font preuve de rivalité, non seulement envers l’auteur originel, mais aussi envers le narrateur et les autres voix du texte de départ. Il semble qu’ils aient tendance sinon à les étouffer, au moins à les neutraliser dans leurs traductions. Ce phénomène serait le plus perceptible dans les passages polyphoniques du texte : la voix du traducteur-narrateur diminue la voix du narrateur originel et cloisonne les voix entrelacées du texte de départ, dans le but de produire un texte bien organisé. D’après R. May, les narrateurs sont souvent plus omniscients dans les traductions que dans les originaux. Alors que les écrivains délèguent une partie de l’autorité narrative au narrateur, les traducteurs sont inclinés à créer une conscience plus centralisée dans le texte d’arrivée, celle du traducteur-narrateur170. En effet, cet argument peut avoir quelque fondement, puisque la généralisation du DIL et du DDL n’a pas fait disparaître l’homogénéisation énonciative171.
65Il est temps de passer au contexte historique de cette étude (chapitres 3 et 4). Après un survol de quelques points importants concernant la traduction et le discours rapporté en France au XVIIIe siècle, le lecteur fera la connaissance des ouvrages et des traducteurs qui font l’objet de l’analyse. Il apprendra également quelle a été la fortune de Fielding et de ses six traductions françaises en France à l’époque.
Notes de bas de page
1 Les paroles rapportées ne doivent pas nécessairement être sensées. A. Penttilä (1948 : 52) fait remarquer que nous pouvons citer dans le DR des animaux et des sons d’objets. En outre, le locuteur n’est pas forcément un être humain. Exemple : « La Cigale ayant chanté/ Tout l’Esté, / Se trouva dépourveuë/ Quand la bize fut venue./ Pas un seul petit morceau/ De moûche ou de vermisseau./ Elle alla crier famine/ Chez la Fourmy sa voisine ;/ La priant de luy prester/ Quelque grain pour subsister/ Jusqu’à la saison nouvelle./ Je vous payray, luy dit-elle, / Avant l’Oust, foy d’animal, / Interest et principal./La Fourmy n’est pas presteuse : / C’est là son moindre défaut./ Que faisiez-vous au temps chaud ?/ Dit-elle à cette emprunteuse. » (La Fontaine 1668/ 1863 : 39-40 « La cigale et la fourmy. » Œuvres complètes de La Fontaine. Tome I, Fables. Paris : P. Daffis ; Penttilä, Aami 1948 : « Referaatista 1. selosteesta. » Virittäjä 52,48-69.)
2 McHale 1978 : 256-257.
3 Il arrive dans la narration à la première personne, lorsque le DIL représente la pensée, que le moi ne soit pas seulement double mais triple. Mervi Helkkula-Lukkarinen (1999 : 26-33 et passim) qui analyse la construction de la scène d’énonciation dans la Recherche de Proust distingue entre le narrateur, le « sujet intermédiaire » et « le moi narré ». Le sujet intermédiaire est un moi, plus âgé que le moi narré, qui évoque son passé et dont le narrateur décrit les pensées.
4 Les deux exemples sont tirés de Dostoïevski 1868-1869/ 1993 : 21, 289. Les reformulations ultérieures de la réplique « – Elle est folle ! elle est folle ! criait-on tout autour » seront de moi.
5 Selon ce principe, les formes indirectes du DR ont tendance à utiliser des marques du discours direct qui « tirent le DI vers l’effet de fidélité attaché au DD » (Rosier 1999 : 245).
6 Dostoïevski 1868-1869/ 1993 : 289.
7 G. Genette (1972 : 191-193, passage cité 191) fait une distinction entre trois types : « discours narrativisé » (formes condensées), « discours transposé » (formes indirectes) et « discours rapporté » (formes directes). Il décrit le discours narrativisé de la façon suivante : « la réduction du discours à l’événement, en écrivant par exemple, en tout et pour tout : “Agamemnon refusa et renvoya Chryses” ». M. Lips (1926 : 44-45) est consciente de ce que le style indirect n’est pas la forme la plus condensée du DR. Elle ne mentionne pourtant pas des cas similaires à celui de G. Genette.
8 Lips 1926 : 16. En cela, M. Lips ressemble à C. Bally qui savait qu’il existe d’autres types de discours (d’après X, à l’entendre...) mais voulait les exclure de sa propre typologie (Rosier 1999 : 37, 166, 183).
9 Lips 1926 : 15-23, passage cité 90. Les caractères gras sont de moi.
10 Tuomarla 2000 : 25. Le soulignage est de Tuomarla.
11 Rosier 1999 : 240-241. En voici un exemple, tiré par L. Rosier d’un article de J. Léon (1988 : 117) : « Mais alors, donc, sur le plan local pendant ce temps j’ai revu Madame K en lui disant : « oui, j’ai vu l’avocate Untel, elle m’a dit que et cetera. Alors Madame K m’a spontanément proposé : je viens chez vous tel jour. »» (Léon, J. 1988 : « Formes de discours direct dans des récits oraux. » LINX 18, 107-123 in Rosier 1999 : 240.)
12 Fielding 1742 : 1, xvi [sic, xvii], 124-125. Les caractères gras sont de moi.
13 Lips 1926 : 24-36.
14 Lips (1926 : 33) cite ici La Vie de Marianne de Marivaux (éd. Garnier s.a., p. 103).
15 Lips 1926 : 35.
16 Par exemple : « Ich sprach also, wàhrend ich nun die Hefte an die Schüler verteilte, lediglich über Sprachgefühl, Orthographie und Formalitäten. So sagte ich dem einen B, er möge nicht immer über den linken Rand hinausschreiben, dem R, die Absätze müβten gröβer sein, dem Z, man schreibt Kolonien mit e und nicht Kolonihn mit h. » (Horvâth, Ödön von (1948/ 1994) Jugend ohne Gott. Frankfurt am Main : Suhrkamp, p. 16-17. Les caractères gras sont de moi.)
17 Par exemple : « The Doctor advis ’d her to be blooded ; but she refused, saying she requir’d a Vent of another Kind » (Fielding 1752 : XII, viii, 289. Les caractères gras sont de moi).
18 Lips 1926 : 37-39, passage cité 38-39. Les caractères gras sont de moi.
19 Coulmas 1986 : 1, 10-13.
20 Dans un travail antérieur, j’ai souligné que le SIL ne peut contenir l’incise intercalée ou postposée (Taivalkoski 2000b : 1085). J’ai pourtant changé d’avis parce que cela m’obligerait de classer comme glissements des cas, où mes traducteurs ont rendu le SIL sans incise par le SIL avec incise, ce que je ne considère pas comme un glissement aussi important que les autres stratégies les plus courantes : SIL → SD, SIL → discours indirect mimétique, SIL → SL
21 Lips 1926 : 50-66.
22 McHale 1978 : 253-258.
23 Sternberg 1982 : 111. Le ‘danger’ de la mimesis ne serait donc pas dans la nature trompeuse de la voix du personnage, qui est en réalité celle du poète, mais dans l’empathie que l’on pourrait sentir envers des personnages non modèles quand on utilise cette technique (Ibid. 113-114).
24 McHale 1978 : 253-257 ; McHale 1983. La thèse principale d’A. Banfield (1982) – qui ne fait pas de distinction entre le narrateur et l’auteur... – est qu’il n’y a pas de double voix (narrateur / personnage) dans le DIL. Selon elle, le DIL appartient au plan de l’histoire, d’où sa conclusion : les énoncés en DIL sont dépourvus de narrateur ! A. Banfield oppose strictement le DD et le DI. Le DI exclurait toute expressivité du DD, ce qui rendrait ‘inacceptables’ les types de discours mixtes comme le DIM (pour ce type, voir plus bas).
25 Banfield 1982 : 29, 31, 32, 114-115, 167-169, 279 ; McHale 1983 : 22-32. L. Rosier (1999 : 105 n4) constate également que dans la traduction française d’A. Banfield, tous les exemples qui sont marqués comme non acceptables par un astérisque sont cependant tout à fait acceptables en français, « ce qui mine quelque peu sa démonstration. »
26 McHale 1978 : 256-257.
27 Fielding 1742 : I, v, 20, 21. Les caractères gras sont de moi.
28 Fielding 1742 : I, vi, 25. Les caractères gras sont de moi.
29 Rosier 1999 : 59. L. Rosier appelle ce phénomène diaphonie effective (« il y a reprise effective vérifiable dans le cotexte »). La diaphonie est un concept d’E. Roulet.
30 McHale 1978 : 258.
31 C’est ainsi que crie Mrs Slipslop dans Joseph Andrews lorsque Beau Didapper se hasarde dans son lit le prenant pour celui de Fanny (Fielding 1742 : IV, xiv, 279).
32 McHale 1978 : 259.
33 McHale 1978 : 259.
34 McHale 1978 : 259.
35 McHale 1978 : 253.
36 McHale 1978 : 259.
37 McHale 28.10.1999 : communication personnelle. Il dit à propos de l’incise : « [T]he comment clause is syntactically “unstuck", free-floating ; it certainly doesn ’t subordinate the quasi-quoted material. »
38 A ce sujet, voir aussi Tammi, Pekka (2003) « Risky Business : Probing the Borderlines of FID. Nabokov’s An Affair of Honor (Podlec) as a Test Case. » in Tammi & Tommola 2003.
39 McHale 1983 : 32-39.
40 Vivienne Mylne (1994 : 106 n2) mentionne un article, par P. Lejeune, dans lequel celui-ci décrit toutes les difficultés qu’il avait éprouvées en cherchant à transcrire le texte du film Sartre par lui-même. Cf. Lejeune, Philippe 1978 : « Ça s’est fait comme ça » Poétique 9, 269-304.
41 McHale 1978 : 259.
42 Leech & Short 1981 : 159-166. Cf. aussi Anne-Marie Londen (1989) Litterärt talspråk. Studier i Runar Schildts berättarteknik med sàrskild hânsyn till dialogen. Helsingfors : Svenska litteratursâllskapet i Finland.
43 Lane-Mercier 1990 : 46-47 et passim.
44 McHale 1978 : 259.
45 McHale 1978 : 259. Voici l’exemple qu’il donne de DDL : « Fainy’s head suddenly got very light. Bright boy, that’s me, ambition and literary taste.... Gee, I must finish Looking Backward... and jez, I like reading fine, an ’ I could run a linotype or set up print if anybody’d let me. Fifteen bucks a week... pretty soft, ten dollars ’ raise. » (42nd Parallel, 22. McHale 1978 : 260.)
46 M. Lips (1926 : 18) et L. Rosier (1999 : 266) donnent l’exemple suivant, tiré de l’Émile de Rousseau, où le direct n’est pas seulement dépourvu de guillemets mais aussi de verbum dicendi : « A ce nom de Sophie, vous eussiez vu tressaillir Émile. Frappé d’un nom si cher, il se réveille en sursaut et jette un regard avide sur celle qui l’ose approcher. Sophie, ô, Sophie ! est-ce vous que mon cœur aime ? Il l’observe, il la contemple avec une sorte de crainte et de défiance. » (Rosier 1999 : 266. Les caractères gras sont de moi.)
47 Rosier 1999 : 266, 270, 296.
48 McHale 28.10.1999 : communication personnelle.
49 Sternberg 1982 : 110-112.
50 Sternberg 1982 : 110-154. Selon le « Proteus Principle » : « [I]n different contexts – reporting frames as well as non reporting frameworks – the same form may fulfill different functions and differentforms the same function » (Ibid. 148).
51 Sternberg (1981 : 234) dit : « [T]here is no necessary correspondence between mimetic form and mimetic function. »
52 James 1881/ 1996 : chapitre XXII, 202. Les caractères gras sont de moi.
53 « If forms of reported discourse can be distinguished, this is only in terms of the internai (linguistic) relations within the reporting event, not of the external (mimetic) relations between reporting and reported event ; in other words, only in terms of the links devised between frame and inset, in complété disregard for the original. » (Sternberg 1982 : 154.)
54 Cf. Itamar Even-Zohar (1980) « Constraints of Realeme Insertability in Narrative . » Poetics Today 1 : 3, 65-74. (1990) « ’Reality’ and Realemes in Narrative. » Poetics Today 11 : 1,207-218.
55 McHale 1994 : 202-204.
56 Lane-Mercier 1990 : 45-49 et passim, passage cité 49. Les caractères gras sont de moi. Cf. également : Lane-Mercier, Gillian (1989) La Parole romanesque. Ottawa / Paris : Presses de l’Université d’Ottawa / Klincksieck.
57 À comparer avec la critique pour le style parlé de Céline (L. Rosier 23.8.2001 : communication personnelle).
58 McHale 1994 : 205-219.
59 McHale 1978 : 269. Les caractères gras sont de moi.
60 Leech & Short 1981 : 320-321. Ils soulignent que les différents types de discours ne sont pas des variantes syntaxiques : « This lack of fit between direct and indirect speech means that it is not possible for us to regard variants of speech presentation types as being merely syntactic variants of the same proposition » (Ibid. 320).
61 Sternberg 1982 : 108.
62 Leech & Short 1981 : 324 ; Mamette 1998 : 118-119.
63 Leech & Short 1981 : 321. Ils disent qu’il existe au moins cinq types de discours.
64 Leech & Short 1981 : 323-324 ; Mamette 1998 : 117-118.
65 Perret 1997 : 13. M. Perret a relevé plusieurs cas du discours non rapporté dans Le Bel Inconnu de Renaud de Beaujeu.
66 D’après G. Thompson (1996 : 511) : « [T]he message can be quoted, echoed, paraphrased, summarized, or omitted. » Cependant, il entend par omission la suppression du contenu de l’énoncé rapporté : « In December Pitt issued orders to his commanders in North America » (Ibid. 518).
67 Leech & Short 1981 : 324-325 ; Mamette 1998 : 118-119.
68 Marnette 1998 : 118.
69 Leech & Short 1981 : 318-320, 325-331.
70 Leech & Short 1981 : 322. Les caractères gras sont de moi.
71 G. Genette (1972 : 193) utilise cette expression en parlant du « discours immédiat » qui est du DDL décrivant les pensées du personnage.
72 Fielding accompagne le DD presque toujours de guillemets et d’incise. J’ai relevé pourtant quelques DD(L ?) manquant de verbum dicendi et de guillemets dans Tom Jones : « Mr. Western having finished his Holla, and taken a little Breath, began to lament, in very pathetic Terms, the unfortunate Condition of Men, who are, says he, always whipt in by the Humours of some d – nd B – or other. I think I was hard run enough by your Mother for one Man ; but after giving her a Dodge, here’s another B – follows me upon the Foil ; but curse my Jacket if I will be run down in this Manner by any o’um. Sophia never had a single Dispute with her Father, till this unlucky Affair of Blifil, on any Account, except in Defence of her Mother, whom she had loved most tenderly, though she lost her in the eleventh Year of her Age. » (Fielding, 1974 : VII, iv, 338. Les caractères gras sont de moi.)
73 Rhétorique à Herennius (1989) : IV, §37, 174. L’auteur de la Rhétorique à Herennius appelle la paralipse occultatio (prétérition en français) et en dit : « Cette figure est utile s’il est bon d’indiquer à mots couverts un fait qu’il n’y a pas lieu d’exposer publiquement, si l’affaire est trop longue ou pas assez connue, si l’on ne peut la raconter clairement ou si elle peut être si aisément contestée qu’il est préférable de la suggérer par prétérition plutôt que de développer un discours qui serait contredit » (Ibid. IV, §37, 174).
74 Fielding 1749 : V, x, 201.
75 Pour une description plus détaillée du RP, voir Taivalkoski-Shilov (2002a).
76 Marivaux se sert du RP déjà dans Pharsamon, voir chapitre 3.
77 Cervantes 1605/ 1911 : I, chapitre iii, 108-109.
78 Le continuum de L. Rosier est basé sur des principes apparentés à ceux de Leech & Short : « L’axe dominant du continuum est le passage de l’indirect au direct, c’est-à-dire le passage d’une médiation à l’absence de médiation : avec la personne, on passe très naturellement du délocutif (symbolisé par il) au locutif (symbolisé par je) » (Rosier 1999 : 158. Les caractères gras sont de moi).
79 « [A]s Criticks of different Complexions are here apt to run into very different Extremes ; for while some are, with M. Dacier, ready to allow, that the same Thing which is impossible may yet he probable, others have so little Historié or Poetic Faith, that they believe nothing to be either possible or probable, the like to which hath not occurred to their own Observation » (Fielding 1974 : VIII, i, 396. Les caractères gras sont de moi).
80 « His Office was to perform the Part the Antients assigned to the God Priapus, which Deity the Modems call by the Name of Jack-o’Lent [...] » (Fielding 1967 : I, ii, 21. Les caractères gras sont de moi).
81 Rosier 1999 : 106, 124.
82 Rosier 1999 : 106-107, 124.
83 Rosier 1999 : 106-107, 124, 233-237, 244, 265.
84 Bakhtine 1975/ 1978 : 175-176. Les caractères gras sont de moi. Fielding est également mentionné dans ce contexte : « Plus le procédé d’hybridisation est largement et profondément appliqué dans le roman (avec plusieurs langages, de surcroît et non un seul), plus le langage qui représente et éclaire s’objective, pour se transformer enfin en l’une des images du langage du roman. Les exemples classiques sont : Don Quichotte, les romans des humoristes anglais : Fielding, Smollett, Sterne, enfin le roman allemand romantico-humoristique : Hippel et Jean-Paul. » (Ibid. 178.)
85 Booth 1952/ 1972 : 425. Le terme qu’il utilise est the intruding narrator.
86 L’influence de la rhétorique classique chez Fielding est un fait connu. Cf. par exemple McClish, Glen (1996) « Henry Fielding, the Novel, and Classical Legal Rhetoric. » Rhetorica 14 : 4, 413-440, Miller, Henry Knight (1966) « Some Functions of Rhetoric in Tom Jones » Philologicai Quarterly 45 : 1, 209-235.
87 L’hypophore était appelée subiectio par les Latins : « La subjection, elle, consiste à demander à nos adversaires ou à nous demander à nous-même ce qu’on peut dire pour leur défénse ou contre nous, puis à répondre ce qu’il faut dire ou ne pas dire, ce qui nous sera utile ou ce qui nuira au contraire à nos adversaires » (Rhétorique à Herennius 1989 : IV, §33, 168).
88 Biraud & Mellet 2000 : 21-25, 30. Exemple de l’hypophore : « Mais admettons qu’ait eu lieu ce qui n’a pas eu lieu. Nous nous sommes rencontrés, nous avons parlé, nous nous sommes compris, j’ai touché d’eux de l’argent, je l’ai rapporté en cachette, je l’ai dissimulé (Gorgias, Palamède fr lia §11). » (Ibid. 24. Les italiques sont de Biraud & Mellet.) Dans l’exemple qui précède, le héros grec Palamède présente dans ses paroles le point de vue de ses adversaires, qui l’accusent d’une collision avec l’ennemi. L’autre figure liée au DIL selon Biraud et Mellet est la prokatalèpsis ou anteoccupatio (Ibid. 21 n25.’)
89 La Rhétorique à Herennius, (1989 : IV, §65, 218) définit ainsi la figure de sermonicatio ou de « dialogisme » : « Le dialogisme consiste à faire tenir à une personne un langage qui soit en accord avec sa situation. Exemple : « Quand la ville regorgeait de soldats et que tous les citoyens, accablés de frayeur restaient cachés chez eux, cet homme est arrivé en tenue de combat, l’épée au côté, le javelot à la main. Cinq jeunes gens, équipés comme lui, le suivaient. Soudain, il se précipita dans la demeure et cria d’une voix forte : « Où est le bienheureux mortel, maître de cette maison ? Pourquoi ne s’est-il pas présenté devant moi ? Pourquoi gardez-vous le silence ? » Tout le monde, interdit, resta muet de peur. Mais la femme du malheureux, en larmes, se jeta aux pieds de cet homme : « Je vous en supplie, en votre nom et au nom de tout ce que vous avez de plus cher au monde, ayez pitié de nous ; n’anéantissez pas des êtres déjà anéantis ; usez avec clémence de votre chance ; nous aussi, nous avons été heureux. Songez que vous êtes un homme. »»
90 Simonin 1984 : 55. « aparté. 1. Mot ou parole que l’acteur dit à part à soi (et que le spectateur seul est censé entendre) » (Petit Robert : s.v. « aparté »).
91 Cf. Mossop, Brian (1983) « The Translater as Rapporteur : A Concept for Training and Self-Improvement. » Meta 28 : 3, 244-278.
92 Mossop 1998 : 243. En outre, Roman Jakobson écrivit déjà en 1959 (Jakobson 1959/ 1989 : 55) : « Most frequently, however, translation from one language into another substitutes messages in one language not for separate code-units but for entire messages in some other language. Such a translation is a reported speech ; the translator recodes and transmits a message received from another source. Thus translation involves two équivalent messages in two different codes. » (Jakobson, Roman (1959/ 1989) : « On linguistic aspects of translation. » in Chesterman 1989, 53-60.) L’hypothèse T ⊂ DR semble maintenant être généralement acceptée dans la traductologie étant donné que la Terminologie de la traduction de Delisle et al. la mentionne dans la définition de la traduction : « Note 2. – La traduction constitue une forme de discours rapporté. Le traducteur ne se confond pas avec l’auteur du texte de départ : il réénonce ce qui a déjà été écrit. » (Ibid. s.v. « traduction ».)
93 Il s’agit de la définition du DR de Laurence Rosier (1999 : 125).
94 B. Folkart semble supposer que, non seulement la traduction, mais le DR est toujours la reprise d’un énoncé antérieur : « Aussi bien la traduction que le discours rapporté constituent des reprises d’énoncés produits antérieurement, des modalités de réception et de ré-énonciation » (Folkart 1991 : 15. Les caractères gras sont de moi). Or, comme je l’ai constaté plus haut, dans le DR littéraire, la « reprise » est souvent une illusion maintenue par le narrateur.
95 Folkart 1991 : 308-347, 384-398 etpassim, terme cité 384.
96 Folkart 1991 : 398. Les italiques sont de Folkart.
97 Folkart 1991 : 393-398 ; Hermans 1996 : 27-30. La voix du traducteur n’est pas nécessairement quelque chose de négatif. Dans un article plus récent, B. Folkart (1996 : 139-140) signale que le traducteur doit faire sentir pleinement sa présence dans le texte traduit, pour que celui-ci devienne une entité cohérente (Folkart, Barbara (1996) « Polylogie et registres de traduction : le cas d’Ulysses. » Palimpsestes 10, 125-140).
98 Mossop 1998 : 232-233.
99 Nida 1969/ 1989 : 95.
100 Slembrouck 1999 : 81, 86, 97-102. S. Slembrouck (1999 : 96) est également d’avis que T ⊂ DR : « [T]ranslation is a form of discourse représentation. [...]. [A]lthough working with ‘different materials’, transcribers, translatons and interpreters are all involved in the complex processes of meaning sélection and (re)formulation which accompany recontextualisation. »
101 Emst-August Gutt (1990 : 135-136, 146-149, passages cités 161) arrive à des conclusions assez similaires à l’aide du concept « usage interprétatif » qu’il emprunte à la théorie de la communication pertinente (Sperber & Wilson 1986). E.-A. Gutt mentionne trois « variétés traductives » : la traduction d’importance secondaire (‘incidental’ translation), la traduction directe et la traduction indirecte. Sa définition de la paire traduction directe (« the spécial case of interpretive use that creates a presumption of complété interpretive resemblance between stimuli from two languages » ; cela veut dire grosso modo la traduction littérale) / traduction indirecte (« interpretive use between stimuli from two languages »– grosso modo la traduction libre) n’est pourtant pas très heureuse. (Gutt, Emst-August (1990) « A Theoretical Account of Translation – Without a Translation Theory. » Target 2 : 2, 135-164.)
102 Mossop 1998 : 231, 245-246, passage cité 231. Les caractères gras sont de moi. Mossop, qui utilise le mot « citation » en parlant du DR, appuyé son idée de la sélectivité des citations sur l’article suivant : Clark, Herbert H. & Gerrig, Richard J. (1990) « Quotations as demonstrations. » Language 66, 764-805.
103 Mossop 1998 : 231. Les caractères gras sont de moi.
104 Selon B. Mossop, la traduction est une forme directe du DR qu’il appelle free direct quoting. Il considère les cas, où le traducteur rend l’original dans une forme indirecte comme marginalement translationnels, c.-à-d. rares. (Mossop 1998 : 243- 247, 262.)
105 Folkart 1991 : 216. Elle parle de la « reprise interlinguale » dans le contexte de la traduction et la situe entre le DI et le DD : « La traduction, étant le seul type de reprise qui permette de remédiatiser un énoncé à travers une autre langue (même la paraphrase interlinguale doit passer par la traduction), occupe la même « aire » que le discours direct et le discours indirect, cumulant en quelque sorte les propriétés mimétiques du discours direct et les propriétés paraphrastiques du discours indirect : [...]. » (Ibid. 238).
106 Mossop 1998 : 251.
107 « Skopos, du grec σκοπός, signifie « but », « objectif », « fin ». Cette notion est utilisée principalement par les traductologues allemands [Vermeer, Reiss, Nord]. » (Terminologie de la traduction, s.v. « théorie du skopos »).
108 Lane-Mercier 1995 : 85.
109 J’emploie le « sociolecte » dans le sens d’A. Chapdelaine et de G. Lane-Mercier (1994 : 8). C’est un terme générique pour désigner les « langages « illégitimes », incorrects, marqués » en opposition à la langue officielle d’une culture donnée. Ce terme couvre donc les parlers vernaculaire, patois, pidgin, créole, dialecte, argot, langage féminin etc.
110 Dans Taivalkoski 2000a (188-189, 191-192), je classe les types de discours mixtes comme des textèmes (« rôle particulier que joue une unité sémiotique dans un texte ») et les types de discours non mixtes comme des répertorèmes (« unités du “répertoire” »). Les glissements des types mixtes vers les types non mixtes sont des standardisations selon mon analyse. À propos de la standardisation lato sensu, il faut noter que même s’il s’agit d’une caractéristique plutôt inhérente à la traduction, les multiples façons dont elle se manifeste dans des traductions particulières dépendent des conditions socio-culturelles. On standardise différemment selon les époques, les nations et les tempéraments.
111 Chapdelaine 1994 : 15.
112 Berman 1985 : 67. Les caractères gras sont de moi.
113 Berman 1985 : 78. Les caractères gras sont de moi.
114 Folkart 1990 : 232.
115 « La prolifération babélienne des langages dans le roman pose des problèmes de traduction spécifiques. Si l’un des principaux problèmes de la traduction poétique est de respecter la polysémie du poème [...], le principal problème de la traduction romanesque est de respecter la polylogie informe du roman, de ne pas l’homogénéiser arbitrairement. » (Berman 1985 : 70.)
116 Du mot russe гладкопись (n. f.) qui signifie en français style égal ou écriture ‘stylée’.
117 Leighton 1991 : 13, 205-212. À propos de la gladkopis’, cf. Chukovsky, K.I. (1984) The Art of Translation : Kornei Chukovsky’s "A High Art." Trad. et éd. par Lauren G. Leighton. Knoxville : University of Tennessee Press et pour les russophones Petrov, S.M. (1963) « O pol’ze prostorechii. » in Masterstvo perevoda 1962. Moscou : Sovetskii pisatel’, 71-96.
118 Vidal 1991 : 161. B. Vidal relève un cas intéressant de neutralisation des sociolectes dans les traductions françaises de Manhattan Transfer et de The Sound and the Fury (réalisées en 1928 et en 1938 par M.-E. Coindreau). Le traducteur de ces ouvrages polylingues n’avait rendu textuellement que les accents italiens et allemands sans doute parce que les sonorités de ces accents étaient déjà familières aux lecteurs français. Dans Le Bruit et la fureur, la négritude de certains personnages centraux devient moins évidente à cause des neutralisations (il ne s’agit pas de gladkopis’ total). B. Vidal appelle cette manipulation « blanchiment ». (Ibid. 159, 183-186.)
119 « In Richardson or Fielding, if a servant misspells words or uses incorrect English, the servant is classified as a subordinate, an "other" » (Beebee 1990 : 175).
120 Vidal 1991 : 169.
121 Lavoie 1994 : 134-136 ; Vidal 1994 : 170, 175-178.
122 Bakhtine 1978 : 122. Le plurilinguisme serait typique du roman classique anglais : « Dans le roman humoristique anglais, nous trouvons une évocation parodique de presque toutes les couches du langage littéraire parlé et écrit de son temps. Il n’y a guère un seul roman de ces auteurs classiques qui ne constitue une encyclopédie de toutes les veines et formes du langage littéraire. » (Ibid. 122.)
123 Leppihalme 2000a : 224-225 ; Leppihalme 2000b : 249, 256.
124 Leppihalme 2000a : 231.
125 Leppihalme 2000b : 247, 257-260, 264-265.
126 Englund Dimitrova 1997 : 63. Les traductions françaises sont de moi.
127 Englund Dimitrova 1997 : 63.
128 Leppihalme 2000a : 227-229, 233 ; Leppihalme 2000b : 252.
129 Berman 1985 : 78 ; Englund Dimitrova 1997 : 63-64 ; Sánchez 1999 : 307-308.
130 Leighton 1990 : 211. L.G. Leighton désigne par colloquial speech (prostorechie) ce qu’A. Chapdelaine et G. Lane-Mercier entedent par sociolecte : « the vulgate, substandard, nonliterary forms andphraseology of spoken language. » (Ibid. 207).
131 Vidal 1994 : 168-169, 171-172. L’annexion est un concept d’H. Meschonnic et signifie un procédé cibliste dans lequel l’altérité du texte de départ est naturalisée dans la traduction.
132 Lane-Mercier 1995 : 90.
133 Comme le dit G. Lane-Mercier (1995 : 87) : « En effet, à partir du moment où l’on admet que toute représentation sociolectale, traduite ou non, ressortit à une pratique rhétorique de la mimésis régie par les exigences du bien écrire et de la lisibilité, il est possible d’exempter et l’auteur du texte de départ et le traducteur de tout contrat de littéralité et d’authenticité. »
134 Chapdelaine 1996 : 94.
135 Chesterman 1997 : 113 ; Randell 1986 : 20 ; Robinson 1987 : 149.
136 Gallagher 2001 : 226, 234, 237.
137 Levenston & Sonnenschein 1986 : 56.
138 Rouhiainen 2000 : 112, 117-124. Voir aussi Valle, Ellen (1993) « Narratological and Pragmatic Aspects of the Translation into Finnish of Doris Lessing’s Four-Gated City. » in Yves Gambier et Jorma Tommola, éds., Translation and Knowledge / SSOTT IV. Turku : University of Turku, Centre for Translation and Interpreting, 245- 261.
139 Kuusi 2003 : 36-37.
140 Poncharal 1998 : 181.
141 Poncharal 1998 : 81-82, 241, 266.
142 Marnette 1996 : 22-27. S. Mamette explique l’usage du passé simple dans le DIL médiéval de la façon suivante : « [L]’ancien français (et surtout les textes les plus anciens comme La Chanson de Roland) utilise en général moins l’imparfait que le français moderne. C’est le passé simple qui est employé à la place. C’est particulièrement le cas avec les verbes ‘avoir’ et ‘être’ qui apparaissent souvent au passé simple alors que nous les traduirions par un imparfait (ex : ‘Eulalie fut une bonne jeune fille’ au lieu de ‘Eulalie était une bonne jeune fille’). C’est aussi le cas pour les passés antérieurs que l’on trouve à la place des plus-que-parfait. Je pense que c’est cette tendance générale qui fait que l’on trouve aussi des passés simples dans les discours indirects libres médiévaux. Comme le passé simple a par la suite perdu du terrain par rapport à l’imparfait et au passé composé, il paraît normal qu’on ne le retrouve plus dans les discours indirects libres du français parlé moderne. » (Marnette 27.8.2001 et 6.9.2001 : communications personnelles.) Cf. aussi Fleischman, Suzanne (1990) Tense and Narrativity : From Médiéval Performance to Modem Fiction. Austin : University of Texas Press.
143 Beauzée 1767/ 1974 : 1, 445.
144 Lips 1926 : 209 ; Poncharal 1998 : 81-82. L’auxiliaire modal must est pourtant un indice du DIL en anglais, il n’apparaît pas en récit du narrateur (Lips 1926 : 209 ; Poncharal 1998 : 83).
145 Poncharal 1998 : 90-92, passage cité 91, de Leviathan de P. Auster (1992 : 89) Éd. Viking Penguin. C’est Poncharal qui souligne.
146 Poncharal 1998 : 91, passage cité de la traduction de C. Le Bœuf (1993 : 109). Éd. Actes Sud. C’est Poncharal qui souligne.
147 Poncharal 1998 : 264-267.
148 Cette phrase serait inacceptable en anglais selon Banfield (1982 : 31). Rachel May (1994 : 108) fait remarquer à propos du purisme linguistique d’A. Banfield : « Many times the expressions she dismisses as unacceptable are precisely the ones that would make good translations of Russian narrated monologue [DIL], »
149 Poncharal 1998 : 92-94, passages cités 93, le texte de départ est The Garden Party par K. Mansfield. À propos du lien entre l’énoncé primaire et l’énoncé rapporté, voir aussi Danon-Boileau, Laurent (1982) Produire le fictif. Paris : Klincksieck.
150 Guillemin-Flescher 1981 : 439-440 ; Poncharal 1998 : 49-50, 99, 151, 185, 192- 193.
151 Poncharal 1998 : 180. Les caractères gras sont de Poncharal.
152 Il est à signaler que dans la littérature française romanesque du XVIIIe siècle, les transitions du DI en DD à l’intérieur du même paragraphe (ou même à l’intérieur de la même proposition) ne sont pas rares.
153 Muller 1996 : 60 ; Poncharal 1998 : 267.
154 Poncharal 1998 : 117, 143, 157-158, 163-170.
155 Poncharal 1998 : 170.
156 Cf. aussi l’article de Claude Hagège : « Les pronoms logophoriques » Bulletin de la société de linguistique de Paris 69 : 1, 287-310.
157 Akin 2002 : 79-80 ; Lips 1926 : 37.
158 Auerbach 1946/ 1992 : 392 et passim.
159 Le DIL a pourtant existé dans la littérature allemande depuis le XVIIIe siècle, par exemple chez Wieland (Gallagher 2001 : 219).
160 Kullmann 1992 : 327.
161 Randell 1986 : 25-29.
162 Le « moi narré » désigne le personnage-acteur et le « je narrant » le personnage-narrateur dans la narration à la première personne (Helkkula-Lukkarinen 1999 : 29- 30). Comme je le mentionne supra, M. Helkkula-Lukkarinen (op. cil.) signale qu’il peut y avoir plusieurs repères du moi dans la narration à la première personne. Elle en distingue trois (le narrateur, le « sujet intermédiaire » et « le moi narré ») dans À la recherche du temps perdu. Il serait intéressant d’étudier comment les traducteurs ont traité cette trivocalité de l’œuvre de Proust.
163 Kittel 1990a : 54, 57, 60, 63-65.
164 Kittel 1990b : 73-75 ; Kittel 1992 : 339, 347-348.
165 Blum-Kulka 1986 : 19. Les caractères gras sont de moi.
166 Simonin 1984 : 52.
167 Simonin 1984 : 52-55.
168 Venuti 1995 : 1-2. En fait, les stratégies « fluides », qui selon Venuti (1995 : 43) datent de la pratique traductive anglophone du XVIIe siècle, essayent de cacher le fait que la traduction est du DR.
169 Venuti 1992 : 4. Les caractères gras sont de moi.
170 May 1994 : 83-87, 90, 114-116.
171 Voir à ce sujet mon article, à paraître, « FID and Translational Progress : Comparing 18th-century and Recent Versions of Henry Fielding’s Novels in French. » in Pekka Tammi & Jorma Tommola, éds. Free Indirect Discourse : Linguistic, Literary, and Translatological Approaches.
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2017
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 1
Michaël Mariaule et Corinne Wecksteen (dir.)
2011
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 2
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2012
La traduction dans les cultures plurilingues
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2011
La tierce main
Le discours rapporté dans les traductions françaises de Fielding au XVIIIe siècle
Kristiina Taivalkoski-Shilov
2006
Sociologie de la traduction
La science-fiction américaine dans l’espace culturel français des années 1950
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1999