L’activité traduisante comme domaine de créativité
p. 93-115
Texte intégral
Introduction
1L’homme de la rue s’imagine volontiers que l’opération traduisante n’est qu’un processus de substitution qui se déroule de façon quasi machinale et qui, par conséquent, ne laisse aucune place à la créativité. Cette façon de voir les choses est pourtant assez éloignée de la réalité. Les traductologues, en effet, s’accordent à dire que la créativité intervient inévitablement à différents niveaux dans le processus traductif1, et il n’est pas douteux que la créativité entre en jeu chaque fois que le traducteur se trouve devant l’impérieuse nécessité de mettre en œuvre des procédés de traduction oblique2.
2Le présent article s’articule en deux parties de longueur inégale. Dans la première partie, je me livrerai à des considérations générales sur le concept de créativité et le processus créatif ainsi que sur la marge de manœuvre du traducteur. Dans la seconde partie, je donnerai un bref aperçu des principaux types de situations où l’activité du traducteur revêt une dimension proprement créatrice.
A. Généralités
1. Le concept de créativité
3Comme tous les concepts à plusieurs dimensions, la notion de créativité est assez floue et partant difficilement théorisable3. Dans bien des cas, en effet, il est malaisé d’établir clairement la limite entre création et imitation. Quintilien n’a-t-il pas affirmé que l’art consiste en grande partie dans l’imitation4 ?
4Autant l’imitation servile est stérile, autant l’imitation libre est féconde5. Ainsi, pour nous en tenir à un exemple, le Waltharius, malgré de nombreux emprunts à Virgile, à Prudence et à la Vulgate, est une œuvre d’une authentique originalité (cf. Brinkmnn 1966 : 137-150 ; Hélin 1972 : 33-37).
5Dans l’activité traduisante, l’imitation est susceptible d’assumer un rôle analogue à celui qu’elle joue dans la création artistique. En effet, de même que l’auteur d’un centon peut réunir des fragments issus d’une multitude d’ouvrages littéraires, de même le traducteur peut réassembler des membres syntagmatiques provenant d’une foule de textes rédigés dans la langue cible (cf. Gallagher, à paraître). Dans l’un comme dans l’autre cas, les fragments disponibles sont semblables aux pièces d’un puzzle, et le réassemblage de ces pièces demande de la créativité.
6Reste à ajouter que la mise en œuvre de procédés imitatifs peut, dans certaines conditions, contribuer à l’enrichissement de la langue cible (cf. Albrecht 1998 : 139-160). Ainsi, des écrivains romains ont enrichi la langue latine en traduisant des textes grecs (cf. Seele 1995 : 4-6).
2. Les processus mentaux de la créativité
7Notre présent propos veut que nous disions quelques mots du processus créatif, dont la dynamique semble reposer sur un mélange de ludisme et d’onirisme (cf. Vidal 1971 : 108, 137 ; Kußlmaul 1993 : 278). En effet, lorsque le texte à traduire est hérissé de difficultés, ce n’est souvent qu’au terme d’une errance méandreuse que l’on aboutit à un résultat satisfaisant (cf. Schmitt 2005 : 110-111). En d’assez nombreux cas, pourtant, le traducteur confirmé constate que dans ses meilleurs moments quelque chose de complètement étranger à sa volonté lui permet de résoudre sans effort les problèmes les plus ardus. C’est en ces moments de grâce que le processus créatif atteint son apogée.
8Comme la créativité suscite aujourd’hui une attention croissante6, divers traductologues ont tenté de saisir dans le détail comment le cerveau du traducteur fonctionne durant l’opération traduisante7. Les recherches menées jusqu’à présent ont fourni un nouvel éclairage sur l’imbrication des processus intuitifs et cognitifs (cf. Kuβmaul 1993 : 278 ; Hönig 1995 : 46).
9Néanmoins, le processus créatif garde beaucoup de son mystère. Il y a plusieurs raisons à cela : (1) le traducteur n’a le plus souvent qu’une conscience glissante et obscure des processus à l’œuvre pendant la rédaction du texte-cible ; (2) la pensée du sujet créatif n’avance pas toujours de façon linéaire8 ; (3) la manière dont s’enchaînent nos pensées est d’autant plus difficile à décrire que 95 % de notre activité cérébrale est inconsciente (cf. Chauchard 1980 : 63 ; Maurus 1998 : 13) ; (4) les idées créatrices surgissent souvent dans un état second, aux confins mêmes de la pensée consciente ; (5) la créativité comporte un aspect aléatoire beaucoup plus important que d’autres secteurs de l’activité mentale (cf. Wilss 1988 : 120).
10Si, en l’état actuel des recherches, il est difficile de décrire par le menu le déroulement du processus créatif, il est pourtant tout à fait possible d’identifier un certain nombre de facteurs qui sont de nature à favoriser l’éclosion de la créativité. Certains facteurs ont une portée générale, tandis que les autres, beaucoup moins nombreux, sont propres à l’activité traduisante.
11Dès le XIXe siècle, on s’est rendu compte que les contraintes en tout genre sont susceptibles de stimuler la créativité9. Cependant, cette prise de conscience, si importante soit-elle, ne contribue en aucune façon à faciliter la tâche du traducteur. Les approches les plus fructueuses sont sans doute celles qui ont permis la mise au point d’une série de techniques de stimulation de la création intellectuelle. Citons, à titre d’exemples, les procédures de distanciation étudiées par Funck (cf. Vidal 1971 : 95)10, l’engourdissement volontaire de l’activité mentale (cf. Vidal 1971 : 137), la méthode synectique (cf. Vidal 1971 : 111-116 ; KuBmaul 1993 : 278), la décomposition du problème de départ en sous-problèmes (cf. Vidal 1971 : 114), les changements de point de vue (cf. Balacescu et Stefanink 2006 : 56), les recherches documentaires dans la langue d’arrivée (cf. Durieux 1988 : 42-70), l’utilisation d’un corpus de textes numérisés (cf. Siepmann 200411, la relecture, à quelques heures d’intervalle, du texte cible en cours d’élaboration12.
3. La marge de manœuvre du traducteur
12La marge de manœuvre du traducteur varie en fonction de l’objectif visé par la traduction et des caractéristiques intrinsèques du texte-source (cf. Wilss 1988 : 121-122 ; Gallagher 1998). Ainsi, si le texte de départ n’est qu’une liste de machines-outils, la marge de manœuvre du traducteur sera extrêmement étroite, voire quasiment inexistante. En revanche, il disposera d’une marge de manœuvre assez importante si le donneur d’ouvrage, soucieux de ménager la sensibilité du public-cible, lui a demandé de faire une adaptation d’un roman étranger.
13On sait l’importance qu’a la créativité dans le doublage13 et dans la traduction littéraire. Ce serait pourtant une erreur de croire que seuls les textes littéraires exigent des capacités créatrices. Les textes pragmatiques, eux aussi, requièrent souvent un effort de créativité non négligeable (cf. Delisle 1984 : 69-86 ; Schmitt 2005 : 104). C’est notamment le cas des textes défectueux (cf. Schmitt 1999 : 59-105 ; Schmitt 2005 : 107 ; Gallagher 2005 : 28-29).
14Cela dit, force est de reconnaître que la plupart des traducteurs rechignent à exploiter au maximum les possibilités offertes par une approche intuitive en matière de traduction. Dans bien des cas, ils manquent de confiance en eux-mêmes (cf. Balacescu et Stefanink 2006 : 51), et ils sont souvent soumis à des contraintes qui sont peu propices à l’épanouissement des facultés imaginatives et créatrices (cf. Schmitt 2005 : 105-106).
B. Gros plan sur la traduction
15Nombreuses sont les difficultés de traduction dont la résolution requiert la mise en œuvre d’une démarche créative. Ces problèmes – souvent difficilement classables – se situent tant sur le plan lexical que sur les plans syntaxique et transphrastique.
1. Le plan lexical
16Comme les choix lexicaux revêtent souvent un caractère très subjectif, le lexique constitue un domaine tout à fait particulier où peut s’exercer la créativité. Dans cette section, nous nous intéresserons à un faisceau de problèmes hétéroclites qui vont des vides lexicaux aux noms abstraits en passant par les jeux de langage et les combinaisons syntagmatiques rares.
1.1. Les vides lexicaux
17Comme les Français n’ont pas les mêmes possibilités de création lexicale que les Allemands, les traducteurs opérant de l’allemand vers le français se heurtent souvent à des problèmes de vide lexical. Un exemple représentatif nous est fourni par l’adjectif beschâftigungswirksam. Face au problème de traduction posé par ce terme, on peut réagir de diverses façons. Le meilleur moyen d’aboutir à une solution praticable est d’enclencher un processus de recherche systématique. Dans un premier temps, il convient d’explorer le noyau sémantique du mot en étudiant à la loupe des phrases-exemples authentiques. Dans un second temps, il faut passer au crible les termes et les combinaisons syntagmatiques relevant du champ conceptuel auquel appartient le lexème en cause. Dans un troisième temps, enfin, il est nécessaire de traduire quelques phrases-exemples afin de vérifier l’efficacité des solutions envisagées.
18Voici un exemple tiré d’un article de presse :
(la) | Der beschaftigungswirksame Effekt ail dieser MaBnahmen |
lâBt sich zur Zeit noch nicht genau abschâtzen. (Süddeutsche | |
Zeitung 14.2.1996 : 906) | |
(lb) | Il est encore trop tôt pour dire avec exactitude si toutes ces |
mesures permettront de créer des emplois. / Il est encore trop tôt | |
pour estimer avec exactitude l’impact que toutes ces mesures | |
pourraient avoir sur le marché de l’emploi. / Il est encore trop | |
tôt pour évaluer avec exactitude l’impact de toutes ces mesures | |
sur le marché de l’emploi. / Il est encore trop tôt pour porter une | |
appréciation exacte sur l’efficacité de toutes ces mesures dans | |
le domaine de l’emploi. (Gallagher) |
1.2. Les hapax
19La traduction des hapax exige non seulement de la créativité, mais aussi une solide connaissance de la langue cible. Confronté à ces hardiesses de vocabulaire, le traducteur doit tenir compte des effets recherchés par l’auteur du texte original. Deux cas fondamentaux sont à distinguer puisque la fonction assumée par l’hapax peut être essentiellement grammaticale ou stylistique.
20Dans la littérature allemande, les hapax foisonnent. Qu’il suffise de citer deux phrases de Th. Mann :
(2a) | In menschlicher Gesellschaft kann es einem [...] geschehen, |
dass man vor lauter Skepsis und Meinungsenthaltsamkeit fur | |
dumm gehalten wird [...]. (Mann 1972 : 236) | |
(2b) | Il peut arriver [...] que, parce que vous êtes sceptique et que vous |
vous abstenez d’exprimer votre opinion, vous soyez considéré | |
parmi les hommes comme stupide [...]. (Mann 1995a : 93) | |
(3a) | Nicht wenig schlug mir das Herz, als ich [...] auf der schmalen |
Bank eines Abteils vierter Klasse im Zuge nach Wiesbaden | |
saB und mich auf Dampfesschwingen der Entscheidung | |
entgegengetragen fuhlte. (Mann 1965 : 65) | |
(3b) | Mon cœur battait à grands coups quand [...] je me retrouvai |
assis dans le train de Wiesbaden sur l’étroite banquette d’un | |
compartiment de quatrième classe. Je sentais que des ailes de | |
vapeur m’emportaient vers l’instant décisif. (Mann 1995b : | |
82) |
21En (2a) Meinungsenthaltsamkeit a pour fonction essentielle d’alléger la syntaxe. Comme il est impossible de forger un composé analogue en français, le traducteur n’a d’autre ressource que de se livrer à une paraphrase entraînant un réagencement syntaxique assez radical.
22En (3a), par contre, le mot Dampfesschwingen a pour fonction de produire un effet cocasse. En (3b), la traductrice française a tenté de conserver cet effet, mais elle ne s’est pas aperçue que le syntagme auf Dampfesschwingen est une traduction littérale d’un cliché français (sur les ailes de la vapeur) qui était d’un usage courant dans les dernières décennies du XIXe siècle14.
1.3. Les termes chargés culturellement
23Lorsqu’on a affaire à des termes chargés culturellement, on est obligé de choisir entre deux stratégies traductionnelles, à savoir une stratégie de préservation et une stratégie d’acclimatation. Si l’on met en œuvre une stratégie de préservation, on se contente d’une traduction littérale accessible aux seuls connaisseurs de la culture source. Par contre, si l’on adopte une stratégie d’acclimatation, on effectue une traduction oblique suffisamment claire pour être accessible à un lecteur n’ayant aucune connaissance particulière de la culture d’origine.
24Il s’ensuit que la mise en œuvre d’une stratégie de préservation n’exige pas le moindre effort de créativité, tandis que la mise en place d’une stratégie d’acclimatation requiert souvent beaucoup d’ingéniosité de la part du traducteur. Exemples :
(4a) | sed Hiempsal in oppido Thirmida forte eius domo utebatur. qui |
proxumus lictor lugurthae carus acceptusque ei semper fuerat. | |
(Sali. lug. 12,3) | |
(4b) | Hiempsal était allé dans la place de Thirmida, et le hasard lui |
avait fait choisir la maison du chef licteur de Jugurtha, pour | |
lequel le prince avait toujours eu une vive affection. (Salluste | |
1968 : 88) | |
(4c) | It happened that Hiempsal, who had gone to the town of |
Thirmida, was occupying a house belonging to Jugurtha’s most | |
confidential attendant, who had always enjoyed his master’s | |
favour and esteem. (Sallust 1963 : 45) | |
(4d) | Hiempsal bewohnte zufàllig in der Stadt Thirmida das Haus |
eines Mannes, der dem Jugurtha als sein treuster Trabant immer | |
lieb und wert gewesen war. (Sallust 1975 : 137) |
25En (4a) c’est le termeproxumus lictor qui pose problème. En règle générale, lictor désigne un officier public qui précédait un haut magistrat romain en portant une hache placée dans un faisceau de verges. Ici il s’agit d’une sorte de sergent d’armes chargé d’escorter le petit-fils du roi Masinissa. Quant à l’adjectif proxumus, il désigne, en l’occurrence, le licteur qui, dans le défilé, était le plus près de Jugurtha et commandait à tous les autres.
26Le traducteur français s’est contenté d’une traduction quasi littérale, tandis que les autres traducteurs, soucieux de rendre les écrits de Salluste accessibles à un large public, ont gommé l’étrangeté du texte de départ en employant des mots appartenant à la langue commune.
27Si, en règle générale, il n’y a pas d’inconvénient à employer des formules telles que treuster Trabant, il n’en reste pas moins vrai que la mise en place d’une stratégie d’acclimatation soulève parfois des problèmes épineux, ainsi qu’en fait foi l’exemple suivant :
(5a) | Tuom gnatum et genium meum. (Plaut. capt. 877) |
(5b) | Your son and my guardian angel. (Plautus 1916 : 547) |
28Ici, c’est le mot genius qui mérite de retenir notre attention. En latin classique, ce nom désigne un esprit tutélaire, c’est-à-dire un dieu sous la protection duquel étaient placées la naissance et la vie de chaque homme. En rendant genius par guardian ange !, le traducteur anglais a commis un anachronisme flagrant.
1.4. Les noms abstraits
29Il est plutôt rare que deux langues, même étroitement apparentées, saisissent le réel de façon identique. Rien d’étonnant, donc, à ce que l’emploi qui est fait des noms abstraits varie considérablement d’une langue à l’autre.
30Une citation latine nous fournira un exemple commode :
(6a) | [...] Lacedaemonii legatos Athenas miserunt, qui eum absentem |
accusarent, quod societatem eum rege Perse ad Graeciam | |
opprimendam fecisset. (Nep. Them. 8, 2) | |
(6b) | Schliefflich aber schickten die Spartaner Gesandte nach Athen, |
die ihn in Abwesenheit anklagen sollten, zur Unterdrückung | |
Griechenlands einen Pakt mit dem Perserkönig geschlossen zu | |
haben. (Nepos 1998 : 32) |
31En (6b) les traducteurs allemands ont tiré leur épingle du jeu en employant deux noms abstraits : Abwesenheit correspond à l’adjectif absentem, tandis que Unterdrückung correspond au gérondif opprimendam.
32Considérons à présent un deuxième exemple :
(7a) | He had gone up, one sunny, windy morning, to the top of a great |
cathédral somewhere abroad ; I think it was Cologne Cathédral, | |
the great unfinished marvel by the Rhine ; and after a long | |
while in dark stairways, he issued at last into the sunshine, on a | |
platform high above the town. (Stevenson 2006 : 141) | |
(7b) | Par une matinée ensoleillée et venteuse, il était monté jusqu’au |
sommet d’une grande cathédrale quelque part à l’étranger ; | |
c’était, je crois bien, la cathédrale de Cologne, cette merveille | |
inachevée des bords du Rhin ; et après une longue montée dans | |
la nuit des escaliers, il sortit dans l’ensoleillement d’une plate | |
forme très haut au-dessus de la ville. (Gallagher) |
33Ici, il y a deux mots qui sollicitent notre attention, à savoir while et dark. Comme il n’est guère possible, en l’occurrence, de rendre while par temps, il convient de le remplacer par un nom abstrait appartenant à un autre champ sémantique. Plus précisément, il faut procéder par associations afin de trouver un mot (ascension15 ou montée16) susceptible de désigner l’action accomplie par le personnage mis en scène dans ce passage. L’adjectif dark, quant à lui, se traduit le plus souvent par obscur, qui est susceptible d’entrer en combinaison avec escalier17. En l’espèce, pourtant, on pourrait aboutir à une solution plus imaginative en transposant l’adjectif en nom abstrait18 (obscur > nuit / ténèbres / noirceur / pénombre / ombre).
1.5. Les équivalences contextuelles
34Si l’on a affaire à des termes comme filière avicole, on peut se contenter d’équivalences codées (poultry industry, Geflügelbranche, etc.). Cependant, beaucoup de mots restent réfractaires au transcodage et sollicitent par conséquent la créativité du traducteur (cf. Delisle 1984 : 63 ; Lavault 1993 : 130-131).
35Il arrive que des pistes de recherche fécondes soient suggérées par des dictionnaires ou par des études publiées par des universitaires possédant une importante expérience de la traduction. Citons, à titre d’illustration, le Grand Dictionnaire Larousse (s.v. bouder) et une étude très serrée due à la plume d’une traductologue allemande (Henschelmann 1993).
36En règle générale, pourtant, le traducteur est contraint de se débrouiller seul. Considérons un exemple caractéristique :
(8a) | In this attitude my leg debarred the newsboy from his box of |
merchandise. (Stevenson 2005 : 26) | |
(8b) | Ma jambe ainsi placée gênait le vendeur de journaux pour |
atteindre sa boîte. (Gallagher) |
37Ici, c’est le verbe debar qui constitue la principale pierre d’achoppement. Debar peut donner lieu à de multiples équivalences (p. ex. exclure, priver, interdire, défendre, etc.). En l’occurrence, pourtant, il n’est pas possible d’utiliser les équivalents proposés par les dictionnaires puisque Stevenson donne au verbe debar une acception inhabituelle. Si l’on établit une paraphrase en relation avec le contexte, on n’aura point de peine à trouver le verbe gêner, qui s’emploie fréquemment au sens de « get in the way »19.
1.6. Le langage figuré
38Dans de nombreux cas, c’est le langage figuré du texte source qui met à rude épreuve la compétence du traducteur. Considérons l’exemple suivant tiré d’un récit de Kipling :
(9a) | I believe that when the moon rose the men saw they had nothing |
to fear, and, by twos and threes and half-troops, crept back into | |
Cantonments very much ashamed of themselves. (Kipling | |
1995 : s.p.) |
39En l’occurrence, c’est l’unité lexicale creep back qui pose problème. Comme ce verbe est employé ici au sens figuré, il n’a pas d’équivalence directe en français. Le meilleur moyen de résoudre ce problème est de le segmenter en décomposant le sens du verbe anglais en traits sémantiques distincts. Le signifié creep back s’analyse en deux sèmes : (a) « retour », (b) « humiliation ». En français le premier sème correspond à des verbes comme rentrer et revenir, tandis que le deuxième sème correspond à des adjectifs tels que honteux ou penaud ou à des expressions figurées telles que l’oreille basse. Traduction proposée :
(9b) | Quand la lune se leva, les soldats, à ce que je crois, comprirent |
qu’ils n’avaient rien à craindre. Alors, petit à petit, l’oreille | |
basse, ils revinrent au cantonnement. (Gallagher) |
1.7. Les combinaisons syntagmatiques inhabituelles
40En règle générale, les rapprochements insolites de mots appellent un traitement particulier (cf. Ballard 2003 : 89). Voici un exemple tiré d’une nouvelle irlandaise :
(10a) | When she came to the âge of marriage she was sent out to |
many houses, where her playing and ivory manners were much | |
admired. (Joyce 1977 : 125) |
41Ivory manners est une combinaison syntagmatique rarissime qui témoigne de l’inventivité linguistique de Joyce20. Comme une traduction littérale serait inacceptable pour un francophone, il ne servirait à rien, en l’occurrence, de vouloir cultiver l’originalité à tout prix. Mieux vaut tenter de faire passer le sens en le réexprimant différemment. Un traducteur à l’esprit éveillé n’aura pas de mal à trouver des équivalents tels que manières parfaites, manières distinguées et manières élégantes21 Traduction proposée :
(10b) | Dès qu’elle fut en âge de se marier, on l’envoya dans de |
nombreuses maisons où ses dons de musicienne et ses manières | |
parfaites étaient fort admirés. (Gallagher) |
42Ce serait pourtant une erreur de croire que le traducteur ne peut jamais conserver les effets stylistiques engendrés par les combinaisons syntagmatiques inhabituelles. Exemple :
(lla) | He rose to his feet at once, while Mrs. Van Hopper, flushed with |
her success, waved a vague hand in my direction and mumbled | |
my name. (du Maurier 1971 : 14) |
43Du Maurier aurait pu écrire : Mrs. Van Hopper [...] wavedher hand vaguely. Cependant, elle a opté pour une transposition de l’adverbe (vaguely) en adjectif (vague), produisant ainsi un effet saisissant qui mérite d’être préservé.
44Effarouchée par cette hardiesse de style, la traductrice française de Rebecca a arasé le relief expressif du texte-source :
(11b) | Il se leva aussitôt, tandis qu’elle, toute animée par sa réussite, |
faisait un geste vague dans ma direction en murmurant mon | |
nom. (du Maurier 1994 : 17). |
45Ce gommage de l’effet stylistique en cause est d’autant plus regrettable qu’il serait tout à fait possible d’effectuer une traduction plus audacieuse sans enfreindre les normes de la langue d’arrivée. En effet, le syntagme waved a vague hand peut se rendre par agitait une main distraite puisque l’association lexicale main distraite est tout à fait conforme au génie de la langue française22.
1.8. Les jeux de langage
46Ce n’est pas une mince besogne de traduire des jeux de langage23. En témoigne l’exemple suivant tiré d’un conte humoristique :
(123) | Und alles, was man ihnen sagte, nahmen sie wörtlich. Wenr |
zum Beispiel ein Fremder àrgerlich ausrief : « Ihr habt ja ein | |
Brett vorm Kopf ! », griffen sie sich auch schon an die Stirn und | |
wollten das Brett wegnehmen. (Kastner 1976 : 6) | |
(12b) | Et tout ce qu’on leur disait, ils le prenaient à la lettre. Quand |
par exemple un étranger leur lançait, irrité : « Vous en tenez | |
une couche ! » ils se mettaient les mains au front et essayaient | |
d’ôter la couche. (Ibid. : 7) |
47En (12a) Kästner obtient un effet comique en exploitant l’ambiguïté potentielle d’une locution que seul un simple d’esprit prendrait au pied de la lettre. Le traducteur français, quant à lui, tente de conserver cet effet humoristique en employant une expression ayant le même sens que la locution figurant dans le texte source. Malheureusement, la traduction ne produit pas le même effet que l’énoncé-source puisque le gallicisme en tenir une couche ne peut pas être pris au pied de la lettre et ne comporte aucun nom désignant la partie supérieure du corps humain.
1.9. Harmonie imitative
48Le traducteur doit tirer parti de toutes les ressources de sa langue lorsque l’auteur du texte de départ met en œuvre les procédés classiques de l’harmonie imitative24. Citons, à titre d’illustration, une phrase largement orchestrée due à la plume de Lytton Strachey :
(13a) | To hear the words of Phèdre spoken by the mouth of Bernhardt, |
to watch, in the culminating horror of crime and of remorse, of | |
jealousy, of rage, of desire and of despair, ail the dark forces of | |
destiny crowd down upon that great spirit, when the heavens | |
and the earth reject her, and Hell opens, and the terrific um | |
of Minos thunders and crashes to the ground – that indeed is | |
to come close to immortality, to plunge shuddering through | |
infinite abysses, and to look, if only for a moment, upon etemal | |
light. (Strachey, cité par Godin 1948 : 202) |
49Ici, Strachey évoque le sort de Phèdre avec maestria, et il pousse l’harmonie imitative à un point de perfection en coordonnant deux mots particulièrement expressifs (thunders and crashes). Voici la traduction proposée par un autre artiste du verbe :
(13b) | Entendre les paroles de Phèdre sortant de la bouche de Sarah |
Bernhardt, voir, dans le paroxysme du crime et du remords, | |
de la jalousie, de la rage, du désir et du désespoir, toutes les | |
puissances maléfiques du destin s’abattre en un noir essaim | |
sur ce noble esprit, alors que ciel et terre l’abandonnent, que | |
l’Enfer s’ouvre et que l’urne fatale de Minos s’écrase au sol | |
dans un grondement de tonnerre, – c’est là, en vérité, frôler | |
l’immortalité, sombrer, frémissant, dans l’infini des abîmes et | |
entrevoir, ne fût-ce qu’un instant, la clarté éternelle. (Godin | |
1948 : 203) |
50Ici, Godin donne la pleine mesure de son talent. Sa phrase, habilement agencée, chante à l’oreille, et la chute de l’urne de Minos est décrite avec des mots qui agissent puissamment sur l’imagination. Certes, s’écrase est moins évocateur que crashes25, mais le mot grondement, où l’r s’appuie sur une voyelle sombre, convient parfaitement à la description du bruit assourdissant produit par la chute d’un objet lourd. Signalons enfin que Godin, soucieux de marquer la simultanéité de l’action et du bruit, utilise une formule chère aux impressionnistes : dans + nom abstrait précédé de l’article indéfini + élément épithétique de comparaison.
2. Le plan syntaxique
51La syntaxe offre, elle aussi, un champ pour la créativité. En effet, lorsque le traducteur est amené à opérer des réaménagements syntaxiques, il doit accomplir un travail de formulation semblable, à bien des égards, à celui effectué par l’auteur original du texte à traduire. Les problèmes syntaxiques étant légion, je me contenterai de quelques brefs coups de projecteur.
2.1. Transitifs à sujet inanimé
52En français un sujet inanimé est souvent suivi d’un verbe transitif et d’un complément d’objet direct26. Ce genre de tour dynamisant existe également dans des langues voisines, mais on a de fortes raisons de supposer que le français va plus avant que ces autres langues dans le sens de l’animisme. D’où la nécessité de faire appel à des procédés de traduction oblique. Comme il n’y a pas de traduction type, le traducteur doit faire preuve d’une grande créativité, ainsi qu’en témoignent les exemples suivants :
(14a) | L’air était froid ; le ciel charriait des nuages [...]. (Hugo 1967 : |
379) | |
(14b) | Die Luft war kalt, an dem Himmel zogen Wolken vorüber [...]. |
(Hugo s. d. : 372) | |
(15a) | Pendant ce temps, le fleuve charriait les cadavres. (Le Monde |
25.7.1997 : 9) | |
(15b) | Meanwhile bodies were floating down the river. (Gallagher) |
(16a) | [...] et ces jardins, ravagés par l’hiver, étalaient la tristesse de |
leur terre marneuse, que bossuaient et salissaient les derniers | |
légumes. (Zola 1962 : 94) | |
(16b) | These gardens were devastated by winter, and their wretched |
marly soil was bare but for a few clumps of decaying vegetables. | |
(Zola 1954 ; 100) |
53En (14b) et en (15b), le traducteur s’est contenté de réorienter l’énoncé. Dans un cas comme dans l’autre, le tenue d’arrivée a été pris comme tenne de départ de l’énoncé-cible.
54La phrase (16a) est autrement plus difficile puisque nous sommes ici en présence de trois verbes transitifs, à savoir étalaient, bossuaient et salissaient. Pour venir à bout des difficultés posées par ces mots, le traducteur a dû se livrer à une périlleuse gymnastique intellectuelle. Etalaient a cédé la place à un verbe-copule (was) ; le verbe bossuaient, quant à lui, a été transposé en nom (clumps) ; enfin, salissaient a été rendu par un participe adjectivé (decaying). Ces changements de catégorie grammaticale ont entraîné d’autres modifications, à savoir le remplacement de la proposition relative par un syntagme prépositionnel (but for [...] vegetables) et la répartition du sémantisme de tristesse entre deux adjectifs (wretched et bare).
2.2. L’explicitation des rapports implicites entre les éléments constituants d’une phrase
55Les traducteurs opérant vers le français sont souvent amenés à expliciter les relations entre les constituants d’une phrase, et il n’est pas rare qu’une explicitation suggérée par la situation entraîne une complexification structurelle. Voici quelques exemples :
(17a) | She27 sat amid the chilly circle of her accomplishments, waiting |
for some suitor to brave it and offer her a brilliant life. (Joyce | |
1977 : 125) | |
(17b) | Elle était là, assise, dans l’enceinte glaciale de ses talents, |
attendant la venue de quelque prétendant qui eût l’audace d’y | |
pénétrer pour lui offrir une vie mirobolante. (Gallagher) | |
(18a) | The ways of men seem always very trivial to us when we |
find ourselves alone on a church-top, with the blue sky and | |
a few tall pinnacles, and see far below us the steep roofs and | |
foreshortened buttresses, and the silent activity of the city | |
streets [...]. (Stevenson 2006 : 141) | |
(18b) | Les errements des hommes paraissent toujours singulièrement |
mesquins à nos yeux quand on est seul au sommet d’une tour | |
d’église, dans l’azur où pointent quelques hauts pinacles, et que | |
l’on aperçoit là-bas, loin au-dessous de soi, les toits pointus, | |
les contreforts raccourcis par la perspective et le fourmillement | |
silencieux des mes de la ville. (Gallagher) |
56J’ai estimé bon d’expliciter la relation marquée, en (17a), par la conjonction and. En effet, offrir à Mademoiselle Devlin une vie mirobolante n’a en soi rien d’audacieux. Ce qui est audacieux, ici, c’est le franchissement de l’invisible enceinte qui entoure cette personne inabordable. Il y a donc un chaînon qui manque entre les segments brave it et offer her a brilliant life. Pour donner à l’énoncé-cible un tour aisé et idiomatique, j’ai rendu brave it par avoir l’audace de + inf. L’emploi de cette expression permet, en effet, de créer des liens avec les segments de la phrase française correspondant à the chilly circle of her accomplishments et à offer her a brilliant life.
57Passons à l’exemple (18a). Ici, l’essentiel de notre attention se portera sur la séquence with the bine sky and a few tall pinnacles. Comme un calque de structure ne serait pas du plus heureux effet, on a intérêt à serrer la réalité de plus près en explicitant la conjonction and. La meilleure solution consiste, en l’occurrence, à employer le verbe pointer, qui entre en collocation avec des noms comme tour et clocher28.
2.3. Le rythme de la phrase
58Il existe de nombreux cas où la mise en place des structures rythmiques du texte cible exige un important effort de créativité de la part du traducteur. Certes, le rythme ternaire, n’étant pas spécifique d’une langue particulière (cf. Gallagher 2005 : 19-21), ne pose guère de problème, mais on aurait tort de sous-estimer les difficultés causées par d’autres éléments rythmiques. Ainsi en est-il des intercalations, qui comptent parmi les traits les plus marqués de la prose française. Quelques exemples pris au hasard :
(19a) | Id oppidum ab Sidoniis conditum est, quos accepitnus profugos |
ob discordias civilis navibus in eos locos venisse [...]. (Sali, | |
Iug. 78, 1) | |
(19b) | Cette ville avait été fondée par des Tyriens qui, à la suite de |
troubles civils, s’étaient, dit-on. enfuis sur des navires pour | |
venir aborder en ce lieu [...]. (Salluste 1968 : 143) | |
(20a) | I sat at the end of a car, and, the catch being broken, and myself |
feverish and sick, I had to hold the door open with my foot for | |
the sake of air. (Stevenson 2005 : 26) | |
(20b) | J’étais assis au fond du wagon, j’avais la fièvre et me sentais |
mal à mon aise, et, comme le loquet de la porte ne fonctionnait | |
pas, j’étais obligé, pour avoir de l’air, de la tenir ouverte avec | |
mon pied. (Gallagher) |
59Les schèmes rythmiques des énoncés d’arrivée diffèrent radicalement de ceux des énoncés de départ. La phrase (19b) est bien française dans son allure puisqu’elle est coupée d’éléments accessoires. En effet, un syntagme prépositionnel a été intercalé entre le pronom relatif qui et le verbe de la proposition relative, et le participe passé enfuis a été séparé de son auxiliaire par une incise29. La phrase (20b), elle aussi, paraît très française puisqu’une finale infinitive a été insérée entre l’adjectif obligé et son complément. Cette disjonction syntaxique permet d’éviter la platitude en fin de phrase30.
3. Le plan transphrastique
60La créativité du traducteur s’exerce non seulement sur les plans lexical et syntaxique, mais aussi sur le plan transphrastique. Deux cas peuvent se présenter. Dans le premier cas, le traducteur se contente de modifier certains liens transphrastiques afin de se conformer aux normes de la langue d’arrivée. Dans le deuxième cas, le texte à traduire est repensé en entier.
61Considérons l’extrait suivant tiré d’une biographie :
(21 a) | Un pair assassin ne pouvait être jugé que par la Chambre des |
Lords. Quelques mois plus tard, Lord Byron fut invité à se | |
constituer prisonnier, à la Tour de Londres, d’où un carrosse | |
escorté par des gardes à cheval le conduisit à Westminster | |
Hall. La hache du bourreau fut placée à côté du prisonnier, | |
le tranchant tourné vers lui. Les gentlemen de Nottingham | |
présents le jour de l’altercation furent interrogés. Le premier | |
témoin, prudent, répondit : « Mes oreilles ne sont pas des | |
meilleurs. » Un chirurgien expliqua que l’épée était entrée par | |
le nombril et avait fait une large ouverture à l’estomac. On lui | |
demanda si cette blessure avait été la cause de la mort de Mr | |
Chaworth. Il dit qu’il n’en doutait pas. Puis Lord Byron plaida | |
« non coupable ». Les avis furent recueillis, en commençant par | |
les pairs les moins anciens et en terminant par les princes du | |
sang. L’accusé fut déclaré innocent d’assassinat, mais coupable | |
d’homicide, ce qui, en vertu du statut spécial des pairs, était | |
un acquittement. Le héraut d’armes cria : « Oyez, oyez. » Le | |
jugement fut lu. (Maurois 1952 : 6-7) | |
(21b) | A peer accused of murder could be tried only by the House of |
Lords, and a few months later Lord Byron was invited to place | |
himself in custody in the Tower of London. Thence. in a coach | |
escorted by mounted guards, he was conveyed to Westminster | |
Hall. The executioner’s axe was placed beside his lordship, the | |
blade tumed towards him. The country gentry who had been | |
présent on the day of the altercation were examined ; the first | |
witness gave the cautious reply : “My ears are not the best at | |
any time.” A surgeon explained how the sword had penetrated | |
the navel and made a wide gash in the stomach ; asked whether | |
this wound had been the cause of Mr. Chaworth’s death, he said | |
he had no doubt of it. Lord Byron then tendered a plea of Not | |
Guilty, and the vote was taken, starting with the peers of the | |
most recent création, and ending with the princes of the blood. | |
The accused was found Not Guilty of murder, but Guilty of | |
homicide ; and this. by virtue of a spécial statute affecting peers, | |
was tantamount to acquittai. The usher called out his “Oyez ! | |
Oyez !” and judgment was read out. (Maurois 1984 : 22-23) |
62Ici, comme de raison, le traducteur s’est borné à modifier un certain nombre de liens interphrastiques. A trois reprises, en effet, il a inséré la conjonction and, en deux endroits il a transformé une relative en proposition indépendante (d’où > thence, ce qui > and this), et dans un cas il a relié deux propositions à l’aide d’un participe (asked).
63La tâche qui incombe au traducteur est pourtant autrement plus difficile lorsqu’il se trouve aux prises avec un texte qui doit être repensé en entier. Les textes qui appellent ce genre de traitement sont souvent des poèmes (cf. Gipper 1966 ; Étiemble 1975) ou des messages publicitaires qui doivent être adaptés en fonction des destinataires (cf. Reiβ 1983 : 88, 110-111, 120 ; Guidère 2000 : 128-133).
64Considérons rapidement la quatrième strophe d’un poème intitulé « Der Werwolf » :
Texte original | Traduction française |
(22a) Dem Werwolf schmeichelten die Fälle. Er rollte seine Augenbälle. » Indessen «, bat er, wfüge doch zur Einzahl auch die Mehrzahl noch ! « (Christian Morgenstern, Galgenlieder, cité par Gipper 1966 : 238) | (22b) Le loup flatté d’apprendre la grammaire, reprit alors, roulant des yeux chagrins : « Je voudrais, maître, excusez ma prière, savoir ce que je fais au féminin. » (Thérive 1943 : 373) |
65Morgenstern ne lésine pas sur les effets burlesques. Il construit un monde surréaliste où il fait dialoguer deux insolites créatures nées de son imagination. Un loup-garou se rend sur la tombe d’un instituteur à seule fin de demander au défunt de décliner le nom Werwolf (= loup-garou). L’instituteur accède, certes, à la demande du lycanthrope, mais en déclinant le premier élément de Werwolf il transgresse d’une manière flagrante les normes de la langue allemande.
66Les différences morphologiques entre le français et l’allemand sont telles que le langage poétique de Morgenstern paraît intraduisible. Pourtant, un traducteur français doté d’un grand esprit de créativité en a publié une ingénieuse adaptation qui préserve les effets comiques voulus par l’auteur. Pour assurer la cohérence du texte cible, il a effectué deux changements majeurs : (1) Au lieu d’énumérer les formes grammaticales revêtues par Werwolf, l’instituteur se livre à des réflexions sur les adjectifs de couleur. (2) Au lieu de s’enquérir du pluriel de Werwolf, le lycanthrope pose une question relative à la forme féminine de loup-garou.
En guise de conclusion
67Deux constatations s’imposent à la lumière de tout ce qui précède. Première constatation : Il est indispensable qu’une approche purement rationnelle de la traduction soit complétée par une approche intuitive et ludique. Deuxième constatation : N’est pas créateur qui veut. Pour être créateur, en effet, il ne suffit pas de laisser divaguer son esprit, de prendre le contre-pied des opinions reçues ou de s’abandonner à son inspiration sans se soucier des règles. Le traducteur créatif doit être doté d’une vive intelligence, d’une imagination fertile et d’une grande souplesse d’esprit. De plus, il doit posséder des connaissances très étendues, et il doit toujours être prêt à aller au-delà des solutions usuelles.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Cf. Wilss 1988 : 110 ; Boase-Beier et Holman 1998 ; Forstner 2005 : 100.
2 Cf. Wilss 1988 : 117 ; KuBmaul 1993 : 277 ; Schäffner 2005 : 134.
3 Cf. Wilss 1988 : 108, 112, 120 ; Balacescu et Stefanink 2006 : 53.
4 Neque enim dubitari potest quin artis pars magna contineatur imitatione (Quint. 10, 2, 1). Cette idée fut reprise par Geoffroi de Vinsauf dans sa Poetria nova : Rem tria perficiunt : ars, cujus lege regaris ; / Usus, quem serves ; meliores, quos imiteris (Faral 1962 : 249).
5 Le principe de l’imitation libre fut défendu par Sénèque : Non ergo sequor priores ? facio ; sed permitto mihi et invenire aliquid et mutare et relinquere. Non servio illis, sed assentior (Sen. ep. 80, 1).
6 Cf. Wilss 1988 : 108 ; Wilss 1992 : 1 ; Ballard 1997 ; KuBmaul 2000 ; Schmitt 2005.
7 Cf. Krings 1986 ; Lörscher 1991 ; KuBmaul 1993 ; Jakobsen 2005 ; Lee-Jahnke 2005. Sur les inconvénients des méthodes employées par Krings, KuBmaul et Lörscher, voir Wilss (1992 : 208-210).
8 Dans le processus créatif la pensée divergente revêt une importance primordiale (cf. KuBmaul 1993 : 281-282).
9 Cf. Wells 2005 : 32-33, 49, 78-79 ; Boase-Beier et Holman 1998 : 6,13-17 ; Brownlie 2006. Notons au passage que Wells fut influencé de manière décisive par des savants darwiniens tels que T.H. Huxley et E.R. Lankester.
10 Dans bien des cas, il suffit de ménager une courte plage de détente au cours d’une séance de travail (cf. Kuβmaul 1991 : 94).
11 II est fréquent qu’une analyse de corpus permette de faire des découvertes inattendues susceptibles de provoquer un jaillissement d’idées créatrices (cf. Gallagher, à paraître).
12 Quand l’inspiration fait défaut, il peut s’avérer utile de relire d’un seul trait le texte en cours d’élaboration. En pareille situation, il arrive que le traducteur, entraîné par l’esprit même du texte, découvre spontanément des solutions aux problèmes qui le tracassent (voir les remarques perspicaces de Lemonnier sur les traductions de Baudelaire (Poe 1980 : 264, 265, 281)).
13 Le doublage louvoie constamment entre l’adaptation et la traduction proprement dite (cf. Caillé 1965 ; Cary 1986 : 65-71).
14 Ex. : [...] le fait divers arriva, le 2 novembre, sur les ailes de la vapeur, au Mémorial de Brême. (Verne 2002 : 44)
15 Cf. Hugo (1967 : 284) : Parvenu sur la galerie des colonnettes, il souffla un moment, et jura contre l’interminable escalier [...], puis il reprit son ascension par l’étroite porte de la tour septentrionale [...].
16 Cf. Zola (1996 : 163) : Sans doute la montée de l’escalier l’avait essoufflée, car son cœur battait très fort.
17 Ex. : Après avoir monté un escalier obscur à moitié détruit, il s’était trouvé sur une passerelle branlante [...] (Zola 1962 : 26).
18 Pour la nuit des escaliers, cf. Pancrazi (2003 : 34) : [...] dans la nuit des escaliers qui descendaient vers les terrasses des jardins excentrés [...].
19 Ex. : Il a seulement repoussé le sac, qui le gênait pour conduire, et qui est entre leurs pieds (Simenon 1965 : 71).
20 Dans le langage courant on dit impeccable manners. Ex. : K.T. Wang, 66, a businessman with silver hair and impeccable manners, is the dean of Hong Kong’s ivory trade (Time 16.10.1989 : 66).
21 Exemples : [...] il a des manières parfaites comme M. de Rouvray. (Stendhal 1960 : 285) – Son exaltation consciencieuse, relevée encore [...] par des manières distinguées, faisait de cet émigré une gracieuse image de la noblesse française [...]. (Balzac 1988 : 83) – De Scarpia, le Français ne cherche pas à en faire un grand noble dont les manières élégantes cacheraient une âme noire (Le Monde 4.2.1998 : 29).
22 Exemples : C’est mon visage d’autrefois que je cherche, dans ce miroir ovale saisi d’une main distraite [...] (Colette 1958 : 95). – Elle avait en les cheveux piquées quelques fleurettes des champs, comme si sa main distraite les eût [...] placées là sans y penser (Gautier 1985 : 250). – [...] souvent sa main distraite oubliait de tordre le fil (Gautier 1966 : 122).
23 Les problèmes de traduction posés par les jeux de mots ont fait l’objet de nombreuses études. Citons, à titre d’exemples, Spillner (1980) et Wecksteen (2001).
24 La valeur évocatoire des sonorités a fait l’objet d’âpres controverses. Voir à ce sujet Larose 1989 : 131-135.
25 L’anglais a plus d’onomatopées que le français.
26 Cf. Godin 1948 : 158-161 ; Malblanc 1968 : 234-236 ; Gallagher 1981 : 49, 154- 156 ; Durand et Harvey 1992 : 135.
27 Ici, le pronom she désigne Mademoiselle Devlin, une jeune dame très collet monté.
28 Exemples : Et là-bas, cette tour qui pointe au milieu des arbres... Ce doit être la tour de Pétrifia... (Verne 2005 : 15). – Des clochers innocents pointaient vers le ciel bleu pastel (Simenon 1981 : 71).
29 Les mêmes schèmes rythmiques se retrouvent dans la langue des journaux français. Exemples : Il succède au Père Alain Maillard de la Morandais qui, à la suite d’un désaccord avec Mg Lustiger, a été déchargé de toute fonction pour un an (Le Monde 10.6.1995 : 20). – Ainsi, les Allemands seraient, dit-on. traumatisés par la perspective de la disparition du deutsche mark [...] (Le Monde 28.3.1995 : 16).
30 La disjonction de l’adjectif et de son complément se retrouve fréquemment chez les écrivains impressionnistes. Ex. : Nous sommes tous obligés pour rendre la réalité supportable d’entretenir en nous quelques petites folies (Proust 2004 : 161). Voir sur ce sujet Cressot (1975 : 117-118) ; Chuquet et Paillard (1989 : 155-156).
Auteur
Université de Münster
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