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Le culturème Völkerwanderung et la question de l’historien-traducteur

p. 79-92


Texte intégral

1A la manière d’un traducteur, l’historien tente d’appréhender une altérité à partir d’une source principalement écrite, et de la reformuler afin qu’elle devienne sensée pour un public donné. Lecture, analyse, compréhension rationnelle et sensible, organisation des données, écriture sont les opérations communes à ces deux pratiques scientifiques. La réflexion méthodologique engagée par la traductologie rejoint ainsi souvent celle mise en œuvre par l’historiographie. L’interférence apparaît encore plus flagrante lorsque le traducteur œuvre sur des textes anciens ou que l’historien tente de traduire des textes. La problématique de la traductologie a longtemps consisté en la résolution de l’alternative entre la préservation de l’historicité d’un texte, ou au contraire son actualisation (Mounin 1963). Tout comme le travail de l’historien, elle est confrontée à la question du contexte et de l’interprétation. « Il n’y a de traduction que parce qu’il y a inscription historique » précise Jean Peeters, qui souligne le problème traductologique majeur de la configuration historique du lexique en langue (Peeters 1999 : 43).

2Cette prise en compte de la distance contextuelle et/ou historique existe dès le début du XIXe siècle. Bien que le « culte de la traduction élégante » (Mounin 1994 : 65)1 persiste, les Récits mérovingiens d’Augustin Thierry (1840), les traductions d’Homère par Leconte de Lisle (1867) tendent à ressusciter l’historicité des textes et des sociétés en dissociant les deux opérations distinctes de la translation dans l’espace-temps et de l’adaptation (Mounin 1994 : 68-70) : la création d’une orthographe compliquée, notamment pour les noms propres (Atreus, Krônion chez Leconte de Lisle, Chlodowig chez Augustin Thierry), permet de confronter immédiatement le lecteur à l’altérité fondamentale des sociétés grecques ou mérovingiennes2. Il s’agit d’une tentative de résurrection la plus totale du passé et de colorisation de l’histoire. En ce milieu du XIXe, l’historien Benjamin Guérard, soulignant que « L’identité des mots a souvent trompé sur celle des choses » (Guérard 1844 : 338), rejoint de fait la pensée humboldtienne qui estime que « tout système linguistique renferme une analyse du monde extérieur qui lui est propre et qui diffère de celle des autres langues » (Mounin 1994 : 43)3.

3Autre lieu, autre langue, autre société, autre temps, la confrontation avec le paradoxe du lexique et de son évolution représente donc un enjeu majeur de l’historiographie. Les mises en garde et analyses régulièrement produites en témoignent, et plus encore la réflexion récemment engagée de manière systématique par certains au sujet des mutations sémantiques des ‘mots de l’histoire’ et de leur traduction (séminaire de l’EHESS4, rencontres de la Mission Historique Française en Allemagne sur histoire et traduction5). À ce constat s’ajoute celui de l’importance significative de l’expérience de la traduction chez les historiens, non seulement en matière de source, mais également d’œuvres contemporaines. Les historiens français majeurs du XIXe sont très souvent eux-même traducteurs de leurs collègues européens : Jules Michelet débute sa carrière en traduisant L’introduction à l’histoire universelle de Giambattista Vico (Michelet 1835), François Louis Guizot fait de même avec L’histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain d’Edward Gibbon (Guizot 1812), et Gabriel Monod traduit l’Histoire critique des règnes de Childerich et de Chlodovech de Wilhelm August Junghans (Monod 1879) avant de produire ses propres textes sur le haut Moyen Âge. Ce premier pas vers une illustre carrière d’historien forme une sorte d’initiation à l’altérité : l’appréhension et la reformulation d’une œuvre étrangère considérée comme majeure permettent ensuite la construction de leur propre approche historique, singulière et motivée, ainsi que Michelet le revendique avec Vico.

4La production historiographique, parce qu’elle est, depuis deux siècles, sinon internationale, du moins européenne, se trouve elle-même confrontée au problème de la traduction, c’est-à-dire du développement d’un lexique historique scientifique particulier dans chaque langue. La pratique des lectures croisées et des transferts scientifiques (en deçà de la question de la vulgarisation) oblige à rendre intelligible ce lexique par la communauté internationale des historiens. Dans un article récent, Ana Escartin Arilla argumente en faveur de la nécessité d’envisager la constitution de dictionnaires bilingues de termes d’histoire pour traducteurs « dont le but principal serait précisément l’explicitation des problèmes procédant de la transmission entre cultures, plutôt qu’entre langues » (Escartin Arilla 2006 : 99). Les historiens manient et éventuellement inventent des termes spécifiques, historiographiquement construits (et la chercheuse cite là l’exemple du ‘féodalisme’, de la ‘révolution bourgeoise’, de la ‘guerre froide’) qui réfèrent à un « usage spécialisé du langage » ou « sens situé des termes » (Escartin Arilla 2006 : 100). Le mot ‘Völkerwanderung’ constitue un exemple particulièrement probant de cette difficulté. Ce terme allemand, forgé à la fin du XVIIIe siècle par un historien, a été largement admis par la communauté de langue allemande jusqu’à désigner un fait historique : les mouvements de population dites germaniques de la basse Antiquité et du haut Moyen Âge, notamment de l’Europe orientale et nordique vers l’intérieur de l’Empire romain d’Occident et leur installation en Gaule, Angleterre, Espagne et Afrique du Nord ; puis même une période : die Völkerwanderungszeit ou temps des ‘Grandes invasions’, qui s’étend conventionnellement de 375 à 568. Sa validation est attestée par son emploi dans les titres mêmes d’ouvrages de synthèse, soit spécialisés, soit grand public, depuis le milieu du XIXe jusqu’à aujourd’hui (Pohl 2002, Rosen 2002), et dans les manuels scolaires. Le tenne forme ainsi une unité lexicale univoque qui tend à la littéralité référentielle (Cabre 2002). Cette première constatation, a priori simple, cache une grande complexité : premièrement, la construction même de ce terme renvoie à une vision historiographique particulière. Dès les premières occurrences, de rares historiens allemands l’identifient et se démarquent de son emploi. Ce tenne moderne, construit pour traduire une réalité antique ou altimédiévale, pose donc un problème à la fois historiographique et traductologique ; deuxièmement, sa traduction en français représente un véritable hiatus historiographique, que les historiens français découvrent régulièrement avec étonnement ou consternation. L’article de Karl-Ferdinand Wemer intitulé « Le malentendu des invasions » témoigne de cette méprise en dénonçant la distance sémantique des deux expressions allemande et française, « la première sans connotation particulière, migration des peuples (Völkerwanderung), la seconde deux fois péjorative (Invasions barbares) » (Wemer 1989 : 89).

5 L’éclaircissement du premier point nécessite de revenir d’abord sur la construction même du terme de Völkerwanderung et sur la question de sa validité scientifique. Selon le Deutsche Wörterbuch, sa première occurrence date de 1778, sous la plume de l’historien Michael Ignaz Schmidt : la Geschichte der Deutschen évoque pour la première fois une « sogennante Völkerwanderung » (Schmidt 1778 : 514) pour désigner « les grands déplacements des peuples germaniques à la fin de l’Antiquité »6. La formule connaît un succès rapide, sous la plume de Johann Gottfried von Herder (« langen Völkerwanderung », Herder 1791 : 281) puis de Friedrich Schiller, qui la transforme en nom de période historique dans le titre même d’un de ses Kleineren prosaischen Schriften : « Über Völkerwanderung, Kreuzzüge und Mittelalter » (Schiller 1792 : 259). Les historiens du XIXe valident cet emploi, qui devient conventionnel face aux expressions française (‘Grandes invasions’) ou anglaise (‘Age of migrations’). Sa légitimité se fonde notamment sur la tradition latine, attestée par les œuvres de Lazius De aliquot gentium migrationibus (1572), et de Moller Oratio de origine, mutationibus et migrationibus gentium quae Germaniam tenuerunt (1563). Pourtant, et même s’il emploie le terme, Léopold von Ranke remarque la non-conformité de la formulation allemande vis-à-vis de l’expression-source latine migrationes gentium (Ranke 1824 : III-IV) : la traduction littérale en est en effet Wanderungen von Völkern, et non un singulier absent (migratio), dont le caractère essentialiste (la migration) influe sur la notion de ‘peuples’ en associant ladite pluralité ethnique à une unité (un peuple germanique unique).

6Cette première critique s’inscrit au sein du souci méthodologique d’historicisation développé par Ranke : ce dernier remet également en question la pratique romantique alors usuelle de l’emploi du terme Deutsche pour Germane, et souligne son intentionnalité a-historique. D’autres écueils peuvent être identifiés : premièrement, l’expression n’existe pas dans les sources antiques. Les textes évoquent des incursions, des conflits, des attaques de bandes armées, mais aussi des installations de populations plus ou moins pacifiques et contrôlées par le pouvoir romain, l’arrivée (irruptio) puis la présence de gentes. Ce dernier terme reste d’ailleurs peu clair, puisqu’il semble s’agir d’agrégations politiques, éventuellement guerrières, claniques ou familiales, traduit diversement par race, tribu, peuplade, en allemand Stamm ou Volkstamm plutôt que Volk (peuple). Les mentions d’invasio (qui justifièrent le terme d’invasion cher à l’historiographie française) renverraient selon certaines lectures à une ‘invasion’ fiscale plus que physique, c’est-à-dire à une confiscation du produit de l’impôt de biens fonciers plutôt qu’à la dépossession réelle des terres (Nortier 1995). Völker- traduit donc un parti pris historiographique et une vision particulière du ‘peuple allemand’, polymorphe mais unique, dont l’entité organique se forme notamment via un unique mouvement migratoire. Le terme de Wanderung constitue un concept en lui-même, un trait particulier de l’identité et de la culture allemande, un argument majeur en faveur de la théorisation des Germains/Allemands comme ‘race active’ (Klemm 186 ; Gobineau 1853 ; Wietersheim 1859). Le mythe d’un peuple ‘en marche’ bénéficie d’une conjonction de référentiels culturels hautement positifs, parmi lesquels : la tradition biblique du peuple élu, à l’instar des Juifs, théorisée par Luther et surtout par Melanchton ; le souvenir du corpus dit germanico-païen (Chanson des Niebelungeri), selon lequel les guerriers de Wodan sont éternellement en chemin ; le modèle romantique du roman picaresque (en premier lieu le Wilhelm Meister de Goethe), auquel se réfère une vision organiciste du peuple : il s’assimile à un individu et possède comme lui une origine, une enfance, une adolescence – le moment même de la Wanderung – puis une maturité lorsqu’il a rejoint la terre promise pour laquelle il est élu. La polysémie même du terme de Wanderung reste problématique, dans la mesure où il renvoie tout autant à une ‘promenade’ pacifique qui s’apparenterait ainsi à une migration populaire, qu’à une ‘campagne militaire’, et réfère alors à une invasion ou une conquête guerrière. Non seulement le topos du wandeln constitue donc un trait majeur de la psychologie des peuples allemands, dont les noms anciens sont porteurs (Herder 1792 : XVI, c.3)7 ; mais cette caractéristique leur permet de revendiquer une place particulière vis-à-vis des autres nations : leurs vertus guerrières et leur parcours font d’eux « les seigneurs du monde » (Luden 1810)8.

7Issu d’une démarche moins polémique, l’ouvrage Über die Germanen von der Völkerwanderung d’August von Bethmann Hollweg (1850), dédié à son maître Friedrich Karl von Savigny, développe pourtant également la thèse de la conscience de leur unité tribale : la vivacité du mythe de leur origine commune en témoigne malgré leur division en une pluralité de peuplades (Bethmann Hollweg 1850 : 6 et 23-24). L’entreprise ethnographique d’Eduard von Wietersheim, justement intitulée Geschichte der Völkerwandenmg (1859) insiste plus encore sur l’unité ethnique germanique (contre la thèse contemporaine de souches dissociées) : l’affirmation d’une communauté primitive (Stammgenossenschaft) unique justifie ensuite la singularité historique du peuple allemand ou Sonderweg (Wietersheim 1859 : 1, 339-350). L’œuvre sera d’ailleurs rééditée en 1880-1881 par Felix Dahn, nationaliste convaincu, et pourvue d’une introduction qui radicalise encore son propos9. Suivant en cela l’exemple de ce dernier, les manuels scolaires allemands de la première moitié du XXe siècle associent à l’illustration scientifiquement fondée de la période (textes de Grégoire de Tours, Sidoine Appolinaire, Jérôme, Ammien Marcellin, Cassiodore, Jordan) des sources beaucoup plus tardives (Heldenlider, Heldensager, Niebehmgenlieder) dont les plus anciens témoins datent du Xe siècle seulement. Cette convocation, non attestée en France, favorise une sorte de « mise en légende, une traduction héroïque, une forme d’odyssée des migrations des peuples germaniques » (Bauvois 2002 : 175). Quelques voix s’élèvent à nouveau à l’intérieur de la communauté scientifique, à partir du début du XXe siècle, pour s’interroger sur la validité scientifique de cette approche : Ludwig Schmidt, archiviste de Dresde qui consacre l’ensemble de ses travaux à la période des migrations barbares, tente ainsi de montrer au contraire le caractère historique et pluriel de ces mouvements de population. Contrairement aux nombreuses synthèses publiées sous le nazisme, notamment dues à certains raciologues et archéologues (G. Kossina), qui exaltent l’idée d’une race nordique et pure, la Geschichte der deutsche Stämme bis zum Ausgang der Völkerwcmderung (1934-1943), malgré son titre, analyse l’histoire des diverses composantes de ladite ‘souche allemande’ comme autant de cheminements singuliers.

8Au début des années 1950, la critique du terme devient plus systématique : Hermann Aubin rejette une périodisation purement normative au profit de la notion de continuité dynamique, ou d’une perpétuelle discontinuité (Aubin 1951). Les phénomènes migratoires des populations dites germaniques s’inscrivent dans une logique de long terme puisqu’ils existent déjà à l’âge du Bronze. Dater en 375 le début d’une Völkerwanderung, et la traiter comme une rupture ne peut relever que d’une convention historienne, mais ne recouvre aucune réalité. Heinrich Dannenbauer renonce également à son usage en 1959 : les migrations se caractérisent avant tout par leur longue durée, leur pluralité, leur absence d’unité. La même logique incite l’historien à préférer le terme de Barbare à celui de Germain (Dannenbauer 1959). Des précautions lexicales similaires s’observent chez Eugen Ewig puis Karl Ferdinand Wemer au sujet des termes de la conquête (Erôberung, Landnahmë), selon la perspective romaniste continuationiste qu’ils défendent, c’est-à-dire une installation précoce et progressive de populations restreintes, suivie d’un transfert du pouvoir de l’aristocratie gallo-romaine à une aristocratie franque très largement romanisée (Duffaut-Graceffa 2006). La reconstruction d’une thèse plus germaniste, autour du concept d’ethnogénèse par Reinhardt Wenskus, permet pourtant le maintien d’une polémique autour de la question de l’unité culturelle éventuelle du peuple historique (Wenskus 1961). L’historiographie est-allemande quant à elle offre une justification originale du maintien de l’emploi de Völkerwanderung par la mise en avant des mutations économiques et sociales qui singulariseraient cette période (Bleiber 1988).

9L’utilisation actuelle s’accompagne de restrictions préalables de plus en plus accentuées. Bien que lui-même auteur d’une synthèse intitulée Die Völkerwanderung, Walter Pohl dénonce la validité scientifique du terme, au même titre que celui de ‘Germain’ : « Le concept moderne de Völkerwanderung mettait en avant, sans se poser de question, l’identité ethno-biologique et nationaliste des peuples migrants, alors que pour cette période précise l’appellation ethnique globale (Germain) perdait pour l’Antiquité son évidence, du fait des réorganisations territoriales et climatiques et des changements de condition de vie », précise t-il (Pohl 2004 : 23)10. Les recherches de Matthias Springer, Sébastian Brather ou Hans-Wemer Goetz (Goezt 2006 : IX-XII) soulignent de même le caractère fondamentalement pluriel des mouvements de population, tout en divergeant sur la question de l’existence ou non d’une unité ethnique germanique11. Ces précautions prises et réitérées, le terme Völkerwanderung n’en est pas moins le plus souvent conservé même si les analyses privilégient désormais les mots moins historiographiquement connotés Migration ou Intégration.

10Cet emploi, longtemps historiographiquement situé puis finalement essentiellement conventionnel, rencontre auprès des historiens français une réception étonnante, et ce fait constitue notre second point évoqué ci-dessus. Les historiens libéraux de la première moitié du XIXe siècle emploient sans hésitation l’expression ‘Invasions barbares’ : elle se trouve ainsi chez François Louis Guizot, chez Sismonde de Sismondi ou chez Frédéric Ozanam. À partir des années 1880, la séduction du modèle explicatif développé par l’historiographie allemande, et le succès de l’ethnicité dans les sciences humaines et sociales européennes stimule l’intérêt des historiens français pour la vision de leurs voisins, notamment dans le cas de l’analyse des mouvements de population de la basse Antiquité. Louis Halphen renonce à employer le terme d’invasion pour qualifier le « vaste mouvement ethnique » des migrations barbares et considère le terme allemand Völkerwanderung plus pertinent pour décrire la réalité historique (Halphen 1926). Marc Bloch suit un raisonnement identique dans ses écrits consacrés au haut Moyen Âge (Bloch 1926 ; 1945).

11Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, l’emploi attesté du terme allemand semble correspondre à la volonté de développer une vision plus européenne et plus pacifiste de l’histoire : Lucien Musset le cite ainsi dans Les Invasions (Musset 1965), alors que la crispation de Robert Latouche sur l’expression ‘Invasions barbares’ traduisait encore en 1949 une approche nationaliste marquée par le traumatisme de l’occupation nazie (Latouche 1946). Pierre Riché présente dans son Que sais-je intitulé Les Invasions barbares le maintien de cet emploi double puisque si le titre correspond bien à la formule française, l’écrivain parle ensuite dès la première page de Völkerwandenmg. L’ouvrage, publié pour la première fois en 1953, bénéficie de rééditions nombreuses (la 9e en 1996), qui assure vis-à-vis du public la pérennité des deux formulations.

12Concernant les manuels scolaires, la conférence d’histoire comparée France-Allemagne de Munich en 1956 témoigne de la prise de conscience de cette divergence de point de vue dans l’approche du phénomène historique commun : les Français conviennent qu’ils ont, avec le terme d’invasion barbare, adopté le point de vue romain, et qu’il s’agit d’y remédier par la moindre utilisation du terme. Les Allemands quant à eux expriment la nécessité de s’approprier davantage la mémoire de Clovis12.

13L’exemple de la pratique de Karl Ferdinand Werner, historien allemand, établi à Paris (où il dirige pendant de longues années l’Institut Historique Allemand), auteur en français du premier volume de l’Histoire de France sous la direction de Jean Favier (Wemer 1984) permet d’expliciter ce paradoxe : ce médiéviste renonce à employer le terme de Völkerwanderung et use du mot ‘invasion’ ou ‘grandes invasions’, mais en l’encadrant de guillemets et en précisant qu’il s’agit davantage d’une « colonisation systématique des IIIe et IVe siècles organisée par l’arnée romaine » (Wemer 1984 : 235 ; 250). Cette présentation s’explique en fait par l’approche résolument romaniste qu’il développe, et la volonté délibérée d’écrire pour un public francophone.

14La médiévistique actuelle, consciente des remises en question allemandes, privilégie maintenant des biais : Stéphane Lebecq en 1990 renonce à l’emploi des formules tant allemande que française pour préférer parler d’« infiltration, plus que d’invasions de peuples étrangers » (Lebecq 1990 : 15), et Régine Le Jan reprend ce terme en l’associant à celui de « pénétration barbare » (Le Jan 2006 : 6-7). Français et Allemands se rejoignent donc pour affirmer que « les gentes du temps des migrations et du haut Moyen Âge ne forment pas des unités ethniques bien établies, mais qu’elles sont plutôt des formations fluides et encore mouvantes » (Goetz 2002 : 133)13.

15Cette présentation rapide de la gloire historiographique du terme Völkerwanderung et de ses aléas permet de faire le constat suivant : le mot apparaît bien chez de nombreux historiens français du XXe siècle, comme un « désignateur culturel » ou culturème, selon la définition donnée par Michel Ballard (Ballard 2003 : 149) : il renvoie à « des référents culturels, c’est-à-dire à des éléments ou traits dont l’ensemble constitue une civilisation ou une culture ». L’analyse traductologique permet ainsi d’expliquer les raisons et la nature du problème posé par ce terme à l’historien-traducteur, qui se trouve effectivement devant un donné particulier de la culture allemande renvoyant à un référentiel propre et non partagé – ici par la culture française. La solution prônée par une partie des historiens français, celle de la préservation de l’étrangéité du terme d’origine, leur apparaît comme la plus valide car le mot semble correspondre à un « trou lexical ». Ce report, par le succès qu’il rencontre (dont on a vu les diverses motivations, entre séduction partisane et complexe d’infériorité de la science française vis-à-vis de son alter ego), connaît une standardisation progressive dans la littérature historiographique jusqu’à devenir un emprunt normé de substitution. Pourtant il s’agit d’un culturème à interférence, car les historiens français qui l’emploient le font en ignorant la connotation existant dans la langue source et en postulant une absence de connotation : c’est la raison majeure de son emploi. Sous la plume de ces savants, Völkerwanderung est un terme scientifiquement neutre, donc préférable à celui d’invasion barbare. Le caractère étonnant de ce phénomène réside dans le fait que ladite Völkerwanderung correspond à un fait qui se rapporte tout autant à l’histoire dite ‘allemande’ (i.e. des territoires qui formeront la future Allemagne) qu’à l’histoire dite ‘française’ (selon la même restriction) ; l’autorité du point de vue allemand ne se justifie absolument pas a priori, surtout dans le cas de l’histoire de l’espace gaulois. Le mode d’intégration de cet emprunt s’effectue avec une connotation différente : Völkerwanderimg acquiert en France un sens différent (distancié) de son usage allemand. Il est privilégié à l’expression ‘mouvement de populations’ qui semble pourtant bien plus apte à désigner ce fait historique mal défini. L’étrangéité du mot même séduit, parce que ce fait est mal connu, et parce que ces ‘populations’ ou ‘peuplades’ sont étrangères. Malgré leur appartenance à une histoire commune, ces mouvements de population de la fin de l’Antiquité constituent des référents culturels divergents pour les deux pays et cette réalité explique la formation d’une différence de désignation (Ballard 2005 : 128) ainsi que la pratique récente des historiens le confirme.

16Là encore, la traductologie permet de comprendre un emploi mal maîtrisé des historiens français, et tout à fait significatif historiographiquement : Völkerwanderung n’est pas ‘intraduisible’, mais une partie des historiens français a choisi de ne pas le traduire et de le préférer à l’expression d’usage française. Et ce processus produit un hiatus entre historiens français et allemands, puisque leur usage du même mot, au lieu de les rapprocher, les éloigne : les défenseurs d’une vision continuationiste germaniste (conception linéaire d’un peuple germanique-allemand) en privilégient l’emploi en Allemagne, alors qu’en France, ce sont les défenseurs d’une rupture civilisationnelle.

17La réflexion théorique engagée de manière rigoureuse et systématique par les traductologues offre ainsi une boîte à outil méthodologique et une réserve conceptuelle pour le travail de l’historien, dont celui-ci a donc tout intérêt à se saisir : « Discipline empirique ayant deux objectifs : décrire les phénomènes traductionnels et élaborer des théories permettant de les expliquer et de les prévoir »14, elle clarifie les notions de mutation sémantique, de connotation, de standardisation d’un terme, de paradigme culturel et d’historicité, notions linguistiques que les traductologues ont étudiées dans le contexte même du phénomène de la traduction, celui de la re-traduction, des interférences et de la question des niveaux de langues (telle que la définit la socio-linguistique15). Les problèmes de l’interprétation et de la préservation éventuelle de l’étrangéité d’un terme d’origine doivent être pris en considération par les historiens tant dans leur travail même sur les sources que dans leurs lectures historiographiques en langue étrangère, et se saisir de cette nouvelle matière constitue peut-être une opportunité majeure de précision et de rénovation des discours historiographiques, comme l’a été ces dernières années le nouveau paradigme des ‘représentations’. L’analyse de Michel Ballard est à ce titre tout à fait parlante : « La traduction effectuée est un figement d’interprétation et de reformulation ». Tel est aussi le travail de l’historien. Et il poursuit : « le traductologue peut réactiver le processus en générant une autre traduction ou en consultant d’autres traductions » (Ballard 2006 : 185). Chaque historien actualise et modifie la vision de telle question historique, vis-à-vis de ses prédécesseurs et en fonction de la société contemporaine, selon l’approche d’Hans-Wemer Goetz de l’historien gegenwartsorientiert – déterminé par le présent (Goetz 1999 : 24).

18L’altimédiéviste se trouve finalement placé au centre d’un triangle formé par les sources des IIIe-VIe siècles, représentations partielles et orientées, et les reconstructions modernes, allemande d’une part (Völkerwanderung) et française de l’autre (Invasions barbares). Plus qu’un reconstructeur des faits passés, l’historien apparaît donc davantage comme le traducteur d’un récit absent dont il ne possède que des indices.

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Notes de bas de page

1 « Le culte de la traduction dite élégante, qui ne fut qu’un culte de la traduction conforme aux bienséances d’une forme sociale donnée, a survécu jusqu’à la fin du XIXe siècle ».

2 L’auteur explique ce choix dans la préface des Récits des temps mérovingiens (1840), p. 1,n. 1.

3 G. Mounin insiste en outre sur l’importance de la mutation saussurienne « de la nomination comme système » (Mounin 1994 : 25) et sur celle de la redécouverte de l’œuvre d’Humboldt par la pensée structuraliste (44).

4 Programme de formation-recherche coordonnée 2004-2006 EHESS/CIERA (A. Escudier, M. Wemer, Ph. Buttgen, Chr. Duhamelle, J.U. Schneider).

5 La dernière en date : Atelier « Uebersetzen als geschichtswissenschaftliches Problem/ Traduire : un problème pour l’historien », Mission Historique Française en Allemagne/ Polnische Historische Mission Göttingen/Georg-August-Universitat Göttingen, 2-3 fév. 2007.

6 « Grossen Bewegung der germanischen Völker am Ausgang des Altertums » : « Völkerwanderung », Deutsches Wörterbuch von Jacob und Wilhelm Grimm, http://gennazope.uni-trier.de/Projects/WBB/woerterbucher/dwb.

7 « Viele Deutsche Völker, Wandalen, Sueven, u. a., haben vom Umherschweifen, Wandeln, den Namen » : de nombreux peuples allemands, les Vandales, les Suèves, tirent leur nom de l’idée de vagabonder, errer.

8 « Da standen die Deutschen da in alter Kraft, Tapferkeit und Einfalt. Die Welt lag vor ihnen : sie waren die Herren der Welt, sobald sie es sein wollten. Sie wurden die Herren der Welt ! In alle Länder Europas trugen sie deutsches Leben und deutsche Sitte und verpflanzten die deutsche Verfassung hierhin und dorthin : alle Völker Europas verdanken ihre Gesetze und Rechte und den Grund ihrer ganzen gesellschaftlichen Verfassung den Deutschen » (les Allemands se tenaient là dans leur force ancestrale, leur bravoure et leur simplicité. Le monde s’étendait devant eux : ils étaient les seigneurs du monde, s’ils le voulaient. Ils seraient les seigneurs du monde ! Ils apportaient la vie et les coutumes allemandes dans tous les pays d’Europe et ils implantaient ici et là la constitution allemande : tous les peuples d’Europe seraient redevables de leurs lois et de leurs droits et du fondement de l’ensemble de la constitution sociale des Allemands) : le passage est cité par Kl. Rosen, Die Völkenvanderung (2002), p. 1 11

9 F. Dahn, historien, romancier et polémiste, est l’auteur de très nombreux ouvrages dont le caractère commun est son nationalisme racial : par exemple in Urgeschichte der germanischen und romanischen Völker, p. 3 : « Der Name ‘Arier’, welchen sich diese Völker beilegten, wird erklart als : ‘die Herren’, ‘die Edeln’ im Gegensatz zu den Nachbam anderer Rassen » (le nom d’arien, qui désigne ces peuples, signifie ‘les seigneurs’ ou ‘les nobles’, en opposition à leurs voisins issus d’autres races).

10 « Wahrend der moderne Völkerwanderungsbegriff die völkische Identitat der Wandervëlker unbefragt voraussetzte, verlor far die Antike mit der Aufgabe der territorialen und klimatischen Einordnung und der ànderung der Lebensweise der ethnische Sammelname seine Evidenz ».

11 Cette polémique est explicitée par W. Pohl (Pohl 2002 : 13-22). Elle relève notamment de la position des historiens et archéologues vis-à-vis de la thèse de l’ethnogénèse initialement développée par R. Wenskus.

12 Recension de la conférence in Geschichte in Wissenschaft und Unterricht (1956), p. 700-705, et Bulletin de la Société française d’Histoire-Géographie 150 (1956), (Bauvois 2002 : 174).

13 « Dass die gentes der Volkerwanderungszeit und des frühen Mittelalters keine festen ehtnischen Einheiten bildeten, sondem historische, nâmlich wandelbare und tatsachlich höchst labile Gebilde waren ».

14 Définition de la traductologie selon J. Holmes, citée par D. Gile (Gile 2006 : 107).

15 En ce qui concerne cette thématique il faut souligner que c’est bien la prise en compte des avancées de la socio-linguistique qui a permis le renouvellement considérable de la question du passage et/ou de la co-existence du latin et des langues vernaculaires au très Haut Moyen Age : les travaux de M. Banniard (Banniard 1992) ont ainsi rendu caduque la lancinante question historiographique énoncée par F. Lot « Á quelle époque a-t-on cessé de parler latin en Gaule ? » (Lot 1931).

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