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Le théâtre bilingue de l’ouest Canadien : stratégies et enjeux de traduction

p. 173-182


Texte intégral

1Des communautés francophones de l’Ouest canadien, en particulier des provinces de l’Alberta et du Manitoba, milieux majoritairement et juridiquement anglophones1, émerge une dramaturgie bilingue mettant en scène des dialectes particuliers, qui entremêlent le français et l’anglais pour des publics qui comprennent les deux langues. L’usage dramatique de ces dialectes parle des possibilités d’énonciation politiques et poétiques dans ce milieu. Pour traduire ces textes bilingues, il est nécessaire de porter attention aux enjeux révélés par l’usage dramatique du bilinguisme ainsi qu’aux difficultés techniques qu’il soulève pour une traduction destinée à un public anglophone à faible compréhension du français. Dans ce sens, la pièce hybride du dramaturge franco-canadien Marc Prescott, Sex, lies et les F.-M.2, offre à la traduction un défi de taille. Il faudra d’abord explorer les enjeux de ce texte et ses difficultés pour la traduction avant de faire brièvement l’exploration de la stratégie du surtitrage pour y répondre partiellement.

2La pièce Sex, lies et les F.-M., la première de Prescott, est sûrement celle où il entretient le plus d’échange entre le français et l’anglais. On y trouve trois personnages : Il, Elle et Him. L’aventure débute la veille de Noël ; Elle attrape Lui alors qu’il tente de la cambrioler, l’assomme et le ligote en attendant l’arrivée des policiers. Elle, c’est Nicole, une Franco-Manitobaine de vingt-trois ans ; Lui, c’est Jacques, un Franco-Manitobain de vingt-cinq ans. Leur rencontre dans le premier acte leur permet de mettre en scène des confrontations entre des perspectives divergentes de la francophonie minoritaire de ce milieu.

3Ces confrontations sont mises en relief par les façons de parler des personnages : Nicole, qui enseigne le français, utilise habituellement un français normatif, comme dans le passage suivant :

Franchement. Vous ne pensiez pas que j’allais vous laisser partir à cause de votre petite histoire triste ? Petite histoire triste, soit disant en passant, qui se tient pas debout. (Prescott 2001 : 36)

4Le français de Jacques, au contraire, est troué par des mots et des phrases en anglais, comme dans l’extrait suivant :

Come on ! I’m a good shit. O.K. C’est vrai que je vole des cadeaux de Noël, mais c’est parce que j’ai pas une cenne. C’est la première fois que je fais ça. I mean it. Crosse my heart and hope to die. I swear it on my grandma’s grave. (Prescott 2001 : 35, il souligne)

5La différence entre leurs niveaux de langues rappelle les emplois linguistiques stratégiques identifiés par la sociolinguiste canadienne Monica Heller dans une étude à grande échelle sur l’utilisation du français et de l’anglais dans les provinces de l’Ontario et du Québec (1992). Dans cette étude, Heller soutient que le choix de l’usage ou du non-usage du code-switching3 participe d’une stratégie de mobilisation ethnique. Selon elle, l’abstention du codeswitching chez des individus de ces contextes provient soit d’une distance par rapport à la frontière linguistique (comme chez les unilingues), soit d’un désir de maintenir cette frontière. Dans ce cas, l’individu utilise le français comme langue unique par souci politique de contrer l’anglais dominant. Heller note que cette stratégie s’avère particulièrement valable parce qu’elle a mené à la valorisation du français et à la création de ressources contrôlées exclusivement par les francophones. Pour conserver ces ressources, il est donc important de ne pas parler deux langues à la fois, c’est-à-dire dans la même phrase ou dans la même suite de phrases. Ainsi, l’absence du code-switching chez Nicole lui permet d’accéder à son emploi d’enseignante de français et de faire partie, comme le souligne Jacques, de « l’élite non élue de la francofolie franco-manitobaine » (Prescott 2001 : 46). Cette élite se définit par sa mobilisation ethnique, par la fierté d’allégeance au groupe culturel et linguistique qu’articule Nicole : « Oui. Je suis fière. Fière de ma langue. Je suis fière d’être francophone pis je suis fière de ma culture » (Prescott 2001 : 45).

6Mais parce que les ressources des francophones sont limitées, le groupe de ceux qui y ont accès devient exclusif. C’est cet aspect que dénonce Jacques, à la fois par son discours et par son code-switching. Si l’élite exclusiviste se distingue par l’usage tout aussi exclusif du français, le recours au code-switching servira par ailleurs à se distinguer de cette élite. L’utilisation stratégique du code-switching permet aux individus de traverser les frontières linguistiques ou de les mettre à niveau (Heller 1992 : 133). Chez Jacques, le code-switching a une valeur de liberté individuelle dans ces réseaux. Il lui permet l’inclusion, mais aussi la rébellion contre le vieux cadre élitiste. Jacques emprunte aux vernaculaires oraux stigmatisés par le français des élites tout en maniant les outils de l’anglais qui lui sont disponibles. Il est « Jacques ! Ou Jake. Comme tu veux. Moi, je m’en sacre comme de l’an quarante » (Prescott 2001 : 29, il souligne).

7Pour donner cet aspect positif à un phénomène linguistique historiquement stigmatisé, il mise beaucoup sur le jeu offert par le bilinguisme. Dans un des extraits cités précédemment, Jacques disait « C’est la première fois que je fais ça. I mean it. Crosse my heart and hope to die. I swear it on my grandma’s grave » (Prescott 2001 : 51, il souligne). L’inclusion d’une prononciation française pour l’un des mots de l’expression anglaise « Cross my heart and hope to die » subvertit l’anglais et révèle un jeu lexical. C’est ce que Kathryn Woolard appelle la bivalence, c’est-à-dire « the use by a bilingual of words or segments that could “belong” equally, descriptively or prescriptively, to both codes » (Woolard 1998 : 7). Laurence Véron, qui décrit les phénomènes interlinguistiques dans la littérature francophone de l’Ouest canadien, insiste d’ailleurs sur cette dimension dans Sex, lies et les F.-M. :

on peut par exemple relever deux jeux de mots qui se comprennent surtout en rapport avec leur équivalent dans la langue anglaise et qui laisseraient peut-être perplexes bien des francophones.
(1) – Donne-moi un coup de main – Elle applaudit ;
(2) – (Lui) Qu’est-ce que tu vas faire avec moi si la police y viennent pas ?
– Ils vont venir
– Que-cé qu’tu veux dire par « venir », au juste ? (Véron 1994 : 278)4

8Selon Heller, cet humour tissé par le doublage linguistique a plusieurs fonctions. Si l’humour est « an excellent resource for neutralising tension and creating role distancing, it also points to the benefits of bilingualism shared among those on the [sociological] language border » (Heller 1992 : 138), ce jeu exclusif sur les équivalences et les non-équivalences alimente le dialogue entre les deux personnages. Tout en insistant sur la distance entre leurs perspectives, il travaille à réduire peu à peu le froid entre eux. Malgré la prise de position stratégique de Nicole, elle se trouve, comme Jacques, sur la frontière linguistique et participe donc au même jeu du bilinguisme.

9Si le premier acte de la pièce mise sur la différence entre les positionnements internes du bilinguisme, le deuxième acte, lui, établira une solidarité entre les deux partis en se faisant un ennemi commun (traditionnel) : l’unilinguisme anglais. Par un tour de force, Nicole et Jacques se retrouvent tous deux ligotés au début de l’acte alors qu’un cambrioleur anglophone attaque une nouvelle fois la maison de Nicole. Puisque ce personnage ne parle que l’anglais et ne comprend pas le français écrit ou parlé par les autres personnages, c’est tout le plateau qui se transforme pour l’accommoder et lui résister. Sa présence force les deux autres personnages à parler en anglais pour interagir avec lui. Dans le passage suivant, le cambrioleur confronte Jacques pour son intrusion dans son territoire :

Him, à Lui
You realize of course that you were working my section of the neighborhood ?
Lui
What are you talking about ?
Him
Man, you must be new. I guess you didn’t know that there’s kind of an unofficial association that determines who gets what area of the city and it warehouses the stuff until the shit cools down and until a decent fence is set up.
Lui
You’ve gotta be kidding (Prescott 2001 : 63, il souligne).

10La communication implique ici une accommodation de la part de Jacques à la langue unique du cambrioleur, comme ce dernier laisse entendre qu’il faut s’accommoder au réseau (de cambriolage) déjà existant.

11Le deuxième acte fait aussi place à la traduction rendue explicite sur la scène. C’est le cas de l’extrait suivant, où le cambrioleur demande à Jacques de lui traduire le journal intime de Nicole, qu’il ne peut pas lire parce qu’il est rédigé en français.

Him
Cool. Here. (Il ouvre le journal devant Lui.) Translate.
Elle
No ! It’s personal. Please ! I’m begging. It’s not even any good.
Him
I’il be the judge of that. (A Lui.) Here. Can you translate ?
Elle
No !
Lui
Fais-moi confiance. (Lui lit un passage.) Hang on here. (Lisant.) « J’ai rêvé de Paul hier soir et nous étions à l’Hôtel Fort Garry ». Euh... I dreamt of Paul last night. We were at the the Fort Garry Hotel... in the dining room. He was very... uh, very... handsome.
Elle
T’as pas besoin de l’embellir. Lui
Come on. T’as jamais entendu parler de la licence poétique ? Him
What’s the problem ? Elle
He’s doing a shitty translation job. (Prescott 2001 : 72, il souligne)

12Si Nicole se montre à l’encontre de l’embellissement par la traduction ici, elle sera plus tard soulagée par la censure dont certaines parties plus intimes de son journal feront l’objet. Cette mise en scène de la traduction parodie le rôle souvent attribué aux personnes bilingues. Si l’unilingue prend pour acquis que le traducteur lui fera une version parfaitement fidèle du message original, c’est qu’il le considère comme presque « invisible » et se rend rarement compte de ses motivations (Venuti 2004). Selon le traductologue Lawrence Venuti, cette invisibilité provient des stratégies de traduction populaires dans le monde anglophone présentement, des stratégies qui facilitent la lecture et la domestication de textes étrangers. Le cambrioleur anglophone de Prescott s’attend à ce que Jacques, comme traducteur « invisible », lui rende une version fidèle et facile à comprendre dans sa langue. Jacques, de son côté, choisit de traduire comme il le veut, en embellissant et en camouflant, dans une traduction infidèle, mais stratégique.

13Dans la représentation linguistique des deux langues, les personnages francophones ont une meilleure maîtrise de l’anglais soutenu que le cambrioleur anglophone. Ils réussissent à déjouer le cambrioleur par des trucs du bilinguisme comme la traduction inachevée (Simon 1994). La valeur attribuée ici au bilinguisme est celle d’un supplément rentable sur le plan économique et social, car il offre plus de façons de communiquer dans le marché linguistique et plus d’accès à ses ressources. Mais pour Prescott, le bilinguisme n’a cette valeur supplémentaire que dans la mesure où il peut se décrisper et permettre la diversité linguistique et sociale. Cette valorisation du jeu interlinguistique du bilinguisme va à l’encontre de la vision traditionnelle du bilinguisme prônée par les élites culturelles. Celles-ci prônent habituellement les monolinguismes parallèles, donc l’utilisation des deux langues dans des contextes séparés, et ce, pour mener éventuellement au bilinguisme additif. Par bilinguisme additif, on entend « l’acquisition d’une langue seconde sans menacer le maintien de la langue première résultant ainsi dans des compétences langagières élevées dans les deux langues » (Rocque 2007)5. Mais au lieu de gagner sa valeur additionnelle par le haut niveau de chaque langue, le bilinguisme de Prescott la gagne par sa perméabilité au jeu collectif et à la créativité individuelle.

14Sex, lies et les F.-M. donne à voir une forme particulièrement audacieuse de bilinguisme sur scène. On y trouve des contributions significatives du français et de l’anglais sur les plans de l’accent, de la syntaxe et du lexique. Les personnages s’échangent des textes dans les deux langues et aussi entre ces langues, en jouant sur les différentes compréhensions disponibles pour les bilingues. De surcroît, les langues sont mises en équité par leur contribution au bilinguisme, auquel est attribuée une valeur additionnelle qui le rendrait supérieur à l’unilinguisme anglais. L’unilinguisme du troisième interlocuteur (le cambrioleur) peut forcer les bilingues à parler la langue anglaise, mais le français permet aux autres personnages une certaine imperméabilité. Cette niche de la traduction n’est possible que dans la mesure où, chez les bilingues, il y a un certain refus de tout traduire, c’est-à-dire de s’exprimer en anglais seulement en présence de l’anglophone. Comme le note Michael Cronin,

It is resistance to translation, not acceptance, that generates translation. If a group of individuals or a people agree to translate themselves into another language, that is if they accept translation unreservedly, then the need for translation soon disappears. For the translated there is no more translation (Cronin 2000 : 95. Il souligne).

15Face à un texte aussi imbu de ce refus de la traduction, comment passer à la traduction ? La traduction devra, paradoxalement, passer par le même refus de la traduction, dans la traduction inachevée, c’est-à-dire une traduction qui conserve des extraits non traduits (Simon 1994). Il n’est plus seulement question d’éviter les gallicismes, les calques et les accents qui donnent aux textes et aux performances une altérité sans fonction, mais aussi de ne pas réduire la traduction à une assimilation vers l’anglais des dialogues bilingues. La traduction devra tenir compte du jeu supplémentaire du bilinguisme et de la traduction. Elle devra aussi tenir compte de la spécificité de la traduction d’un texte de théatre : un texte qui est reçu et jugé dans l’immédiateté de la performance par le public, qui ne peut pas suspendre la lecture du texte afin de consulter des outils linguistiques.

1. Boom ! et le surtitrage ludique

16L’exemple de Boom ! permet de mieux déplier les possibilités d’une telle traduction. Lors des présentations de cette pièce bilingue en français et en anglais au Festival de théatre Fringe 2007 à Edmonton, en Alberta, au Canada, Isabelle Rousseau, Anna-Maria Lemaistre et Mireille Moquin ont fait usage du surtitrage. La pièce porte sur la vie et la thérapie d’une jeune fille, Hannah, qui s’éveille aux impacts du boom économique en Alberta. Le texte de Boom ! fait appel, au départ, au bilinguisme, et sa traduction par surtitrage simultané renforce cette forme au lieu de la neutraliser. Il faut noter que les surtitres étaient prévus d’emblée pour la présentation de cette pièce, et qu’elle n’a jamais été jouée sans eux.

17On remarquera ici que le surtitrage commence à percer comme moyen de diffusion des pièces en français dans l’Ouest canadien. Il se justifie souvent par un désir de rejoindre des publics à l’extérieur des communautés francophones et donc d’augmenter le potentiel de diffusion des théatres de ces communautés. Le surtitrage en anglais et en français du texte bilingue de Boom !, par contre, se distinguera de ce genre de surtitrage plutôt conventionnel. Il se fera par moment fidèle, à d’autres subtilement infidèle, pour raconter des histoires qui varient légèrement selon les ressources linguistiques du spectateur. Ainsi, l’histoire aurait une signification différente pour le spectateur qui l’interprète à partir de la version française, pour celui qui le fait à partir de celle en anglais et pour un troisième qui maîtriserait les deux langues.

18Le prochain passage comprend des exemples de cette transposition créatrice. Le rôle protecteur de la fée apparaît dans différentes lignes et on ne fait mention de la peur que dans la version anglaise. En outre, l’image de la prairie situe le texte anglais dans une géographie plus albertaine que celle du texte français. Dans ce dernier, il n’y a aucun positionnement géographique.

Elle voulut tellement la protéger
Si seulement elle avait une fée
Sur qui elle pourrait déverser
Toute son obsessionalité (Rousseau, Lemaistre et Moquin 2007a : 3)
Ghislaine wished she had a fairy
To protect her from all things scary
She felt so confused on the prairie
She started to feel cuckoo-berry (Rousseau, Lemaistre et Moquin 2007b : 2)

19En outre, si l’« obsessionalité » ne fait que s’amorcer en anglais, elle est déjà très présente en français. Cette transposition fait varier légèrement les perceptions à la fois chez ceux qui comprennent les deux versions et chez ceux qui n’en comprennent qu’une. La paranoïa vient plus tard en français, dans le passage suivant :

Elle devint trop paranoïaque
Elle craignait de subir une attaque
Si sa fille se mettait au crack
Si un jour elle prononçait « tabamak » (Rousseau, Lemaistre et Moquin 2007a : 3)
She started to act like a quack.
What if someone attacked ?
What if her daughter smoked crack,
Or always fucked around bare back ? (Rousseau, Lemaistre et Moquin 2007b : 2)

20Dans les textes français et anglais, on a une compréhension différente des comportements vulgaires ; on y note surtout une différence de degré de vulgarité. Si la version française révèle un humour blasphématoire, c’est un humour à caractère sexuel qu’évoque la version anglaise. La mise en évidence de ces différences révèle un certain humour qui ne peut être apprécié que par ceux qui ont accès aux deux textes côte à côte. Cet humour rappelle celui de Sex, lies et les F.-M., où il y avait aussi une différence remarquable entre les versions dans les deux langues. La différence voulue entre le texte en performance, les surtitres et leurs langues respectives, met en valeur un genre de réciprocité entre les deux. Pour un spectateur qui ne comprend que l’une des langues énoncées sur scènes, les surtitres sont essentiels ; pour un spectateur qui comprend les deux, les surtitres fournissent un supplément qui lui permet de jouer sur les messages différents livrés dans l’une et l’autre langue.

21Le surtitrage de Boom ! tente d’explorer le potentiel de la traduction en performance. Car, au théatre, il faut toujours prendre en compte les deux aspects fondamentaux du scénario, celui de la page et celui qui est joué sur la scène. C’est justement dans cette relation que s’ouvre et se délimite un autre espace pour tenter la traduction : celui du plateau et des possibilités audiovisuelles qu’il offre au défilement des langues. Ainsi, les surtitres forment des outils de traduction en performance, et font bénéficier des ressources de la performance pour concevoir une traduction spécifique au théatre. Pour éviter d’évacuer la dualité linguistique des textes dramatiques bilingues, le cas de la traduction par surtitre de Boom ! nous montre les balbutiements d’une stratégie de diffusion et d’inclusion à grand potentiel. Cette utilisation du surtitrage imagine la possibilité de renouveler le bilinguisme du texte par une tentative de traduction en performance qui ferait varier l’expérience théatrale des spectateurs selon leurs ressources linguistiques. Le cas de Sex, lies et les F.– M. devra, selon moi, nécessairement faire appel à une performance bilingue. À cette performance pourraient s’ajouter des surtitres comme ceux de Boom !, qui mettraient en valeur le ludisme des langues en inclusion et en exclusion. Cette traduction devra rester partielle ou inachevée, une traduction qui ne dit pas tout et qui met véritablement l’accent sur la valeur supplémentaire du bilinguisme. Comme la notion du supplément que Bhabha emprunte à Derrida, cette valeur supplémentaire mettra en évidence les lacunes inhérentes aux monolinguismes considérés comme déjà complets. Malgré un effort pour faire comprendre Sex, lies et les F.-M. à un public anglophone, il faudra se résoudre à ce que ce public reste en partie dans l’incompréhension. La traduction devra miser sur le jeu des langues et de la performance : des surtitres anglais pourraient ainsi s’ajouter à la performance bilingue. Mais la grande difficulté pour ces surtitres, ce sera de représenter les variétés de français propres à Jacques et à Nicole, et les jeux d’humour qu’elles entraînent. L’humour de la traduction inachevée entre les personnages bilingues et le cambrioleur anglophone pourra cependant aussi être transmis par le surtitrage, car le surtitre pourrait traduire vers le français, et pas nécessairement fidèlement, les propos anglais du cambrioleur. C’est ce type de déviation qui donnera un supplément au bilinguisme et qui participera à une stratégie de traduction pour Sex, lies et les F.-M., mettant en valeur le potentiel prometteur de cette pièce au bilinguisme audacieux pour une traduction ludique.

Bibliographie

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Bibliographie

Corpus primaire

Prescott Marc, Sex, lies et les F.-M., dans Big, Bullshit, Sex, Lies et les Franco-Manitobains : pièces de théätre, Saint-Boniface, Les Éditions du Blé, 2001.

Rousseau Isabelle, LeMaistre Anna Maria & Moquin Mireille, Boom !, manuscrit non publié, 2007a.

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Corpus secondaire

Cronin Michael, Across the Lines : Travel, Language, Translation, Cork, Cork University Press, 2000.

10.1080/01434632.1992.9994487 :

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10.7202/900369ar :

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Leclerc Catherine, « Des langues en partage ? Cohabitation du français et de l’anglais en littérature contemporaine », thèse de doctorat, Montréal, Université Concordia, département de Humanities, 2004.

Rocque Jules, L’École française au Manitoba, http://rdallaire.dsfm.mb.ca/temp/bilinguisme.pdf. (consultée le 12 décembre 2007)

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Venuti Laurence, « Translation, Community, Utopia » in Lawrence Venuti (ed.), The Translation Studies Reader, 2e éd., New York, Routledge, 2004 [2000], p. 482- 502.

Véron Laurence, « La production théatrale universitaire au Manitoba français : la voix d’une minorité francophone ou des voix francophones minoritaires ? » in André Fauchon (éd.), La Production culturelle en milieu minoritaire, Winnipeg, Presses universitaires de Saint-Boniface, 1994.

10.1525/jlin.1998.8.1.3 :

Woolard Kathryn A., « Simultaneity and Bivalency as Strategies in Bilingualism », Journal of Linguistic Anthropology, 1998, 8 : 1, P- 3-29.

Notes de bas de page

1 Environ 2 % de la population a le français comme langue maternelle.

2 F.-M. pour les Franco-Manitobains – des francophones d’une province majoritairement anglophone de l’Ouest canadien, le Manitoba.

3 Heller définit le code-switching comme l’alternance des codes français et anglais dans le même énoncé.

4 Véron ne spécifie pas les pages d’origine de ces citations de Prescott.

5 Cf. Landry (1982 : 223-244), pour le concept du bilinguisme additif.

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