Le discours sur la formation des traducteurs : au-delà des questions linguistiques, ou la quête de pertinence
p. 155-178
Résumé
Depuis que la traduction est entrée dans le contexte universitaire, les traductologues tentent de proposer la meilleure manière de former les futurs traducteurs, montrant ainsi leur souci de faire de leur discipline un champ de recherche en constant développement. Au Canada, cette préoccupation pour l’innovation est très présente dans la formation des traducteurs. Malgré d’excellents progrès dans ce sens, la recherche en pédagogie de la traduction pourrait bénéficier du lien interdisciplinaire qui peut s’établir entre la formation des traducteurs et la riche tradition de recherche en sciences de l’éducation. L’objectif de notre réflexion est, d’une part, de présenter quelques arguments en faveur d’une consolidation des liens interdisciplinaires entre la traductologie et les sciences de l’éducation, et d’autre part, d’insister sur l’importance de fonder la formation des traducteurs sur une meilleure collaboration entre les formateurs de traducteurs et les fournisseurs de services de traduction au Canada.
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Mots-clés : formation des traducteurs, pédagogie de la traduction, sciences de l’éducation, compétences des traducteurs, recherche-action
Texte intégral
1L’évolution des connaissances sur l’enseignement de la traduction connaît une situation similaire à celle du discours traductologique en général, dont l’essor est étroitement lié aux réflexions de bon nombre de traducteurs. En effet, quelques-uns des textes clés de la traductologie font état des idées des traducteurs à propos des énigmes posées par le phénomène de la traduction. Citons à titre d’exemple La tâche du traducteur de Walter Benjamin, texte clé de la traductologie qui résulte des tribulations de l’auteur face aux défis du travail de traduction. Les premières réflexions traductologiques appartiennent à des praticiens qui décrivent ou prescrivent leur manière de traduire. Louis Kelly faisait référence à cette réalité quand il affirmait en 1979 : « Had translation depended for its survival on theory, it would have died out long before Cicero » (Kelly 1979 : 219). Dans le cas de la formation des traducteurs, on pourrait dire que si son évolution dépendait des connaissances produites grâce aux efforts de recherche, elle serait bien en péril. De plus, si l’on accepte que, comme l’affirment Dorothy Kelly et Anne Martin (2008 : 299), la recherche en pédagogie de la traduction n’en est qu’à ses débuts, la question sur la nature des connaissances qui justifient les gestes posés par les formateurs de traducteurs devient des plus pertinentes.
2La notion de discours sera notre point de départ dans l’analyse de l’origine des connaissances sur la formation des traducteurs. Par discours, nous entendons ici à la fois la construction sociale des idées et l’ensemble de productions écrites sur la formation des traducteurs. Des travaux comme celui de Zélie Guével (2008), qui recense quelques-uns des travaux les plus importants sur la formation à la traduction professionnelle de 1980 à 2006, ou ceux de John Kearns (2006), qui propose un répertoire bibliographique des publications consacrées à la formation des traducteurs et des interprètes, indiquent que la formation des traducteurs constitue un domaine de recherche à part entière. Certains pourraient voir dans ce constat une contradiction avec ce que Kelly et Martin, ci-dessus, affirment sur le statut débutant de la recherche dans ce domaine.
3En principe, une bibliographie abondante sur le sujet ne signifie pas nécessairement qu’elle soit le produit d’une forte tradition de recherche. En fait, les connaissances à la base du discours sur la formation des traducteurs sont issues principalement du travail pratique des formateurs, c’est-à-dire de leur expérience comme traducteurs professionnels ou de leur expérience dans les salles de classe. Ces connaissances sont en moindre mesure le résultat d’initiatives de recherche systématique. Avec le temps, des traducteurs devenus enseignants ont élaboré des approches « raisonnées » pour la formation des traducteurs, comme dans le cas de Jean Delisle (1980, 1993, 2003, 2013) et de Christiane Nord (1988). Leurs approches s’inspirent principalement de leur expérience de la traduction et de l’enseignement de la traduction, et dans une moindre mesure, d’initiatives de recherche dans la salle de classe qu’on pourrait qualifier de systématiques. Les cas de Delisle et de Nord sont exceptionnels en ce sens que leurs approches ont traversé les frontières de la salle de classe pour être connues du reste de la communauté traductologique. Pour l’énorme majorité des formateurs de traducteurs, les bons et moins bons coups réalisés dans la salle de classe demeurent de l’ordre de l’expérience personnelle, et restent méconnus de la communauté scientifique.
4L’enseignement de la traduction s’inspire ainsi principalement des connaissances issues d’une longue tradition de pratique qui se transmet de génération en génération. Faute d’une formation spécifique à l’enseignement de la traduction, les nouvelles générations de formateurs procèdent par imitation et par reprise des stratégies utilisées par leurs propres enseignants. Donald Kiraly (2000 : 6) a bien décrit cette réalité lorsqu’il affirmait :
Like most other translator educators, I had also received no special training in translation teaching methods prior to assuming my duties in Germersheim. I was encouraged to sit in on classes run by my colleagues and to pick up ideas on how to teach from them.1
5Cette tradition bâtie sur un ensemble de connaissances expérientielles se passe d’une génération à l’autre et, comme nous allons le voir, semble avoir pour principaux fondements épistémologiques une approche linguistique du travail des traducteurs. S’il est vrai, comme l’affirme Yves Gambier (2012 : 163) que la formation des traducteurs vit une période de transformation des approches centrées sur l’enseignant vers des approches centrées sur les apprenants (ou un mélange des deux), une réflexion sur les fondements épistémologiques du discours sur l’enseignement s’avère essentielle. On est en droit de se demander si le virage actuel vers des approches centrées sur l’étudiant peut vraiment porter ses fruits face à une tradition de formation des traducteurs qui s’appuie toujours en grande partie sur une base de connaissances de nature linguistique.
6L’objectif de cette étude est de jeter un regard critique sur le discours traductologique autour de la formation des traducteurs et d’insister sur l’importance de la production des connaissances autres qu’expérientielles afin d’assurer la pertinence2 des programmes universitaires de formation des traducteurs.
7La discussion s’organise en trois parties. La première nous permettra de dresser un portrait du discours actuel sur la formation des traducteurs. Pour ce faire, nous effectuerons une analyse du contenu des textes consacrés à la formation des traducteurs dans plusieurs ouvrages traductologiques, publiés à partir de 1998. Il s’agit de The Translation Studies Encyclopedia, The Handbook of Translation Studies, The Oxford Handbook of Translation Studies et de The Encyclopedia of Language and Linguistics. Les textes consacrés à la formation des traducteurs dans ces ouvrages offrent une image représentative du discours sur la formation des traducteurs à l’heure actuelle.
8Dans la deuxième partie, les positions de quelques traductologues serviront à passer en revue les fondements épistémologiques du discours sur la formation des traducteurs. Nous constaterons que malgré les progrès indéniables en la matière, la toile de fond de bon nombre des propositions, notamment dans la communauté francophone, reste de nature linguistique. On s’interrogera alors sur l’adéquation d’une formation fondée exclusivement sur des connaissances d’ordre linguistique pour répondre aux exigences d’une formation qui, selon certains experts, serait en transition vers des approches centrées sur les étudiants et sur l’apprentissage.
9La troisième partie consiste en une mise en valeur des connaissances pratiques de l’enseignement de la traduction. La salle de classe ou toute autre situation pédagogique3 peut devenir un laboratoire formel de recherche en enseignement de la traduction aux fins de promouvoir un discours de l’enseignement de la traduction fondé autant sur des connaissances pratiques et expérientielles que sur des connaissances partagées, car produites grâce aux initiatives systématiques de recherche. En ce sens, la recherche-action se présente comme un point de départ vers l’établissement d’une tradition de recherche dans la salle de classe en pédagogie de la traduction. De cette manière, les connaissances acquises grâce à la pratique de l’enseignement et aux efforts de recherche pourront aspirer au statut de connaissances partagées, c’est-à-dire des connaissances reconnues et acceptées par la communauté traductologique.
10Dans l’université du XXIe siècle, la pertinence de la formation universitaire semble se mesurer en termes d’utilité instrumentale. Nos étudiants québécois définissent bien cette dernière lorsqu’ils décident d’entreprendre une formation en traduction professionnelle. À la question : « Pourquoi avez-vous décidé d’entreprendre des études en traduction ? », bon nombre d’entre eux répondent : « Parce que les possibilités d’emploi sont bonnes ». L’objectif de la formation dans un tel contexte doit s’aligner à la fois sur les objectifs des étudiants afin de garantir leur insertion dans le marché du travail et sur une formation universitaire qui vise la formation intégrale et humaniste des futurs traducteurs. Pour s’acquitter de leur mandat de formation, les universités sont appelées à produire des connaissances sur l’enseignement et sur l’apprentissage de la traduction. En fin de compte, la formation des traducteurs à l’université se distingue de toutes les autres possibilités de formation par la capacité des universitaires à assurer la production de connaissances partagées sur l’enseignement de la traduction.
11Yves Gambier (2012 : 63) affirme que les traductologues sont loin d’en être venus à un consensus sur une méthodologie de base pour la formation des traducteurs. Nous sommes d’avis que l’uniformisation des méthodes de formation n’est pas l’objectif principal de la recherche en enseignement de la traduction. Comme le note en effet Antoine Berman (1989 : 679), pour le cas du discours traductologique, il faut distinguer plusieurs discours par nature inséparables de leurs contextes historiques et culturels. Chaque institution de formation appartient ainsi à une tradition, qui se reflète elle-même dans la formation des traducteurs. Ainsi, la formation des traducteurs en Allemagne serait fortement influencée par l’approche fonctionnaliste. En France, la formation des traducteurs s’est largement développée autour de deux axes. D’un côté, la traduction dite universitaire avec ses deux formes thème et version, utilisée surtout dans le perfectionnement et l’apprentissage des langues étrangères (voir, par exemple, Ballard 2011) et la traduction professionnelle telle qu’enseignée dans les différentes écoles de traduction et d’interprétation. De la même manière, le profil d’un traducteur formé aux États-Unis répond à des exigences propres au marché états-unien dans lequel bon nombre de traducteurs aux origines linguistiques diverses vont traduire principalement de leur propre langue vers l’anglais, et, dans une moindre mesure, vers d’autres langues comme l’espagnol. Au Canada, la formation des traducteurs répond aux besoins de traduction anglais-français et français-anglais propres au pays, et les initiatives de formation reflètent, encore aujourd’hui, la longue tradition comparatiste initiée par Vinay et Darbelnet (1958) et prolongée dans sa nouvelle mouture par Jean Delisle (1980, 1993, 2003, 2013).
12Pour s’affranchir des traditions, sans toutefois renier leurs contributions, et afin de mettre la formation des traducteurs au diapason des avancées culturelles et sociales, les actions des formateurs peuvent s’inspirer davantage des connaissances partagées. Or, ce n’est pas au sein de la discipline traductologique, telle qu’elle se présente aujourd’hui, que les universitaires intéressés par la formation des traducteurs trouveront les outils pour atteindre un tel objectif. Ils devront encore une fois emprunter des ponts interdisciplinaires.
13La traductologie s’est taillé une place parmi les disciplines universitaires grâce à la confluence de spécialistes d’horizons universitaires divers intéressés par l’étude de la traduction. L’entrée de ces spécialistes dans le contexte traductologique a également exposé la discipline à l’influence de concepts et de méthodes de recherche qui traditionnellement n’étaient pas associées à l’étude de la traduction. Comme l’affirmait déjà Susan Bassnett il y a plus d’une décennie : « Translation studies is more comfortable with itself, better able to engage in borrowing from and lending techniques and methods to other disciplines » (2002 : 3)4. Le discours traductologique est parsemé de concepts empruntés à la philosophie. C’est ce que fait Andrew Chesterman dans Memes of Translation (1997) et dans l’élaboration de sa conception poppérienne de l’évolution des sciences appliquée à la traductologie. Un autre exemple de ces emprunts est fourni par Maria Tymoczko (2007) lorsqu’elle reprend la notion de cluster concept de Wittgenstein afin de proposer une définition large du concept de traduction. Les traductologues ont également emprunté des concepts et des méthodes de recherche propres à la sociologie, comme en témoignent tous les articles du collectif Constructing a Sociology of Translation, dirigé par Michaela Wolf et Alexandra Fukari (2007). Un peu plus proche de notre sujet de discussion, c’est-à-dire, la formation des traducteurs, le collectif dirigé par Gregory Shreve et Erik Angelone, Translation and Cognition (2010), offre un exemple remarquable des progrès faits en traductologie grâce à l’importation des méthodes de recherche propres à la psychologie et aux sciences cognitives. La capacité des traductologues à établir des liens entre la traductologie et d’autres domaines de connaissances a contribué de manière remarquable aux avancées majeures de la discipline au cours des quarante dernières années.
14Aujourd’hui, la traductologie vit une période de « récolte » ponctuée par la prolifération d’un ensemble de publications de référence ou de synthèse des connaissances traductologiques. Des ouvrages de référence, aux titres révélateurs de encyclopedia (The Routledge Encyclopedia of Translation Studies 1998, 2008) ; handbook (Handbook of Translation Studies 1 (2010), 2 (2011), 3 (2012), 4 (2013) ; The Oxford Handbook of Translation Studies (2011)) ; reader (The Translation Studies Reader 2000, 2004, 2012) ; Translation – Theory and Practice : A Historical Reader (2009) ; ou companion (The Routledge Companion to Translation Studies (2009)). Une analyse des entrées consacrées à la formation des traducteurs dans quelques-uns de ces ouvrages nous donne un aperçu révélateur de l’état de la recherche en formation des traducteurs.
15Le premier de ces ouvrages à avoir vu le jour est The Routledge Encyclopedia of Translation Studies (1998). Dans sa première édition, les directrices de l’édition, Mona Baker et Gabriela Saldanha, ont inclus un article sur la didactique de la traduction, écrit par Hans J. Vermeer. Ce texte fait l’apologie de l’approche fonctionnaliste tout en dressant un portrait des approches traditionnelles de la formation des traducteurs, influencées par l’apprentissage des langues étrangères. Vermeer soutient que la traduction ne se réduit pas à une simple transposition interlinguistique : elle est la production d’un texte cible capable de fonctionner dans un contexte différent de celui du texte source pour des récepteurs d’une culture différente. Dans ce texte, Vermeer se contente de souligner la progression du discours fonctionnaliste de la traduction sans se prononcer sur l’état de la recherche en pédagogie de la traduction.
16L’article de Vermeer n’est pas repris dans la deuxième édition de Routledge Encyclopedia of Translation Studies. Il y est remplacé par un article intitulé « Training and Education », écrit par Dorothy Kelly et Anne Martin. Contrairement à Vermeer, Kelly et Martin offrent un aperçu de l’histoire de la formation des traducteurs et des interprètes. Elles passent en revue les modèles d’organisation des programmes existants, ainsi que l’état de la formation non institutionnelle. Elles répertorient également les approches théoriques proposées pour la formation des traducteurs depuis plus d’un demi-siècle. Cette entrée encyclopédique fait état de deux courants de pensée qui dominent le discours sur la formation des traducteurs. Le premier prône un profil professionnel (Translator training) centré principalement sur les exigences de la profession, et l’autre (Translator education) prescrit une approche plaçant l’acquisition de la compétence traductionnelle dans le contexte social large de l’éducation universitaire et humaniste (Kelly et Martin 2008 : 294). En ce qui concerne la recherche en pédagogie de la traduction, Kelly et Martin affirment que la recherche empirique est encore, littéralement, dans son enfance (Kelly et Martin 2008 : 299). En d’autres mots, malgré tout ce qui a été dit et fait en enseignement de la traduction, les traductologues sont encore loin d’avoir établi une tradition de recherche dans ce domaine.
17Dans son article « Translator Training » publié dans The Oxford Handbook of Translation Studies, Anthony Pym soutient que trois points sont à retenir en matière de recherche en pédagogie de la traduction. Premièrement, les contributions les plus utiles à la recherche indiquent en quoi la formation des traducteurs a échoué : « Perhaps the most useful contributions indicate the ways current training is failing » (2011 : 485). D’après Pym, la formation des traducteurs n’aurait pas réussi à introduire des tâches d’apprentissage authentiques dans les salles de classe (ibid). Deuxièmement, Pym affirme que par leur conception, les initiatives de recherche réduisent la portée des résultats à l’endroit précis où la recherche a été réalisée. Il est extrêmement difficile de comparer entre elles les méthodes d’enseignement mises en pratique à différents endroits. Cette impossibilité de comparaison s’expliquerait par l’hétérogénéité des programmes, des objectifs de formation, des contextes socio-culturels et des traditions dans la formation des traducteurs. Troisièmement, Pym partage l’opinion de Kelly et Martin (ci-dessus) selon laquelle, afin d’améliorer la formation des traducteurs, il faut mener des études empiriques ayant pour objet non pas le produit de la traduction, mais bien son processus. Pym évoque ainsi les nouvelles opportunités qu’offrent les outils tels que les protocoles de verbalisation à voix haute, les logiciels d’enregistrement des frappes du clavier, les logiciels d’enregistrement de l’activité des écrans d’ordinateur et les logiciels de suivi des mouvements oculaires. Selon Pym, ces outils permettraient, entre autres, d’observer en quoi diffère le processus de traduction chez les traducteurs professionnels et chez les apprentis traducteurs.
18Dans le volume 3 du Handbook of Translation Studies, Yves Gambier signe une entrée intitulée « Teaching Translation/Training Translators ». Dans cet article, l’auteur ne fait aucunement allusion à l’état de la recherche en enseignement de la traduction. Cependant, il indique que le nombre de publications sur la formation des traducteurs ne fait qu’augmenter, sans pourtant mener à la proposition d’une méthode d’enseignement fondée sur des principes pédagogiques et traductologiques solides. Comme noté plus haut, Gambier remarque également que, d’une formation centrée sur l’enseignant, on passe rapidement vers une formation centrée sur les apprenants.
19Gambier abonde dans le sens de Pym en ce qui a trait aux énormes différences institutionnelles entre les programmes de formation. D’abord, les structures et la longueur des programmes limitent majoritairement la formation des traducteurs à une population d’étudiants de niveau maîtrise. Ensuite, la vague de réformes de l’éducation causée par la mondialisation modifie les conceptions et les attitudes envers l’éducation et, bien sûr, envers la traduction. Ces réformes visent avant tout à transformer les universités pour qu’elles répondent aux besoins concrets et immédiats de la société. Finalement, la problématique de la professionnalisation provoque une transformation et une multiplication des tâches que les futurs professionnels seront appelés à accomplir. Ainsi, on ne parle plus seulement de traducteurs et d’interprètes, mais aussi de sous-titreurs, de localisateurs, de gestionnaires de contenu multilingue, entre autres.
20Donald Kiraly et Maria González-Davis signent le dernier texte de la série que nous analysons ici. Il s’agit d’une entrée intitulée « Translation Pedagogy » dans The Encyclopedia of Language and Linguistics, dirigée par Keith Brown et publiée chez Elsevier. Les auteurs synthétisent l’évolution du discours sur l’enseignement de la traduction en faisant la distinction entre la traduction pédagogique, la traduction utilisée comme stratégie d’enseignement ou de perfectionnement des connaissances en langues étrangères, et la traduction professionnelle, c’est-à-dire, celle qui vise la formation des traducteurs à l’exercice de la traduction en tant que service professionnel de communication interlinguistique et interculturelle. Le texte porte particulièrement sur la traduction professionnelle. Kiraly et González-Davis insistent sur l’apport des recherches faites en sciences de l’éducation5 en général, et de la recherche en apprentissage et en enseignement de langues étrangères, en particulier, pour la pédagogie de la traduction. Kiraly et González-Davis soulignent les travaux d’un groupe restreint de traductologues qui ont essayé d’appliquer des avancées de la recherche en enseignement des langues étrangères à la formation des traducteurs. Mis à part leurs propres publications (Kiraly, 1995, 2000, González-Davis, 2003, 2004), les auteurs citent les travaux de Sonia Colina (2003) et de Kirsten Malmkjær (1998) comme des contributions qui ont le potentiel de changer le visage de la recherche en formation des traducteurs. Ils sont d’avis que, malgré les efforts de quelques traductologues, l’apport plutôt discret des sciences de l’éducation à la formation des traducteurs peut s’expliquer, en partie, par la tradition philologique qui a depuis longtemps dominé le discours sur la pédagogie de la traduction (Kiraly et González-Davis 2006 : 83). En effet, ce changement pourrait se concrétiser, par exemple, avec des prises de position relativement à des concepts centraux de la formation de traducteurs, par exemple, le concept de compétence.
21D’après Kiraly et González-Davis, en ce qui concerne la discussion relative à la compétence chez les traducteurs, deux courants se distinguent clairement. D’un côté se placent ceux qui adhèrent au concept de compétence traductionnelle que Kiraly et González-Davis définissent comme :
the ability to produce a text in one language on the basis of a text written in another language, with literary and cultural studies playing a separate and superordinate role in the educational process. (2006: 82)6
22De l’autre côté se placent ceux qui adhèrent à la notion de compétence du traducteur proposée par Kiraly (2000 : 13). Kiraly et González-Davis définissent la notion de compétence du traducteur de la manière suivante :
The superset of skills that translators can be expected to need in professional life today, including: linguistic but also interpersonal, (inter) cultural, technical, subject-matter, entrepreneurial, and research subcompetences. (2006 : 82)7
23La différence entre compétence traductionnelle et compétence du traducteur reflète les tensions qui dominent le discours sur la formation des traducteurs. La première formulation, selon Kiraly et González-Davis (2006), tendrait à revendiquer pour les universitaires le rôle de formation des traducteurs, en soulignant l’apport des études littéraires et culturelles. La deuxième répondrait pour sa part à la mise en valeur des connaissances et des habilités que les nouveaux traducteurs doivent déployer pour réussir leur entrée sur le marché du travail.
24Pour mieux connaître le travail des traducteurs professionnels, Kiraly et González-Davis soulignent la contribution des études empiriques sur le processus de traduction à une connaissance raffinée des stratégies de traduction appliquées, tant par les traducteurs expérimentés que par les traducteurs novices. Encore une fois, et comme dans le cas de Pym (ci-dessus), les auteurs ne se prononcent pas sur l’incidence de ces nouvelles connaissances sur la réalisation des activités d’apprentissage et d’enseignement dans les salles de classe. Les connaissances acquises grâce à la recherche sur les processus cognitifs de la traduction n’auraient manifestement pas fait leur chemin jusqu’à la salle de classe.
25À la lumière de ces réflexions, les échanges interdisciplinaires entre la traductologie et les sciences de l’éducation ouvrent la porte à de nouvelles idées, de nouveaux concepts, à d’autres approches d’enseignement, ainsi qu’à une remise en question des idées qui dominent le discours sur la pédagogie de la traduction. Mais la recension de ces textes permet également de confirmer que le discours sur la formation des traducteurs n’a pas bénéficié des connaissances qui peuvent être tirées de ce qui se passe à l’intérieur de salles de classe. En ce qui a trait à la formation des traducteurs, les traductologues n’ont pas suivi le processus d’exploration et d’importation des concepts et des méthodes susceptibles d’amener le discours sur la formation des traducteurs à un niveau supérieur de sophistication avec la même diligence que celui dont ont bénéficié les discours sociologique, philosophique, éthique ou linguistique de la traduction. Finalement, à la lecture de ces textes, on peut conclure que les connaissances qui façonnent le discours sur la formation des traducteurs ne sont que partiellement tirées des initiatives de recherche dans les salles de classe et proviendraient, largement, des connaissances issues de la pratique de la traduction. De même, l’hétérogénéité des origines disciplinaires des responsables de la formation des traducteurs pourrait expliquer l’absence d’une tradition forte de recherche en pédagogie de traduction.
26Il existe un certain consensus pour dire que, depuis les années 1930, la formation en traduction est devenue la responsabilité des universitaires (Kelly 2005 : 8). Vers 1950, la formation des traducteurs faisait déjà partie des programmes universitaires en Allemagne, en Autriche, en France et en Suisse. Depuis la création de ces premiers programmes, la responsabilité de l’organisation des programmes universitaires de formation des traducteurs a incombé à des universitaires aux origines disciplinaires et aux intérêts de recherche divers. Un premier groupe de traducteurs et d’interprètes de métier a ainsi cédé sa place, vers 1960, à un groupe d’universitaires venant principalement du domaine de la linguistique ; ces derniers ont à leur tour été remplacés, dans les années 1970, par un groupe hétérogène d’universitaires au sein duquel se démarquaient particulièrement les critiques littéraires et des experts en littérature comparée (Kelly 2005). La grande contribution de ce dernier groupe est sans conteste la consolidation disciplinaire de la traductologie. La création d’un bon nombre de programmes de doctorat en traductologie, principalement en Amérique du Nord et en Europe, annonce alors l’entrée en scène d’un autre groupe d’universitaires responsables de la formation des traducteurs. Pour la première fois, la formation des traducteurs tombe dans les mains d’un nombre grandissant d’universitaires ayant fait des études doctorales en traductologie.
27Malgré cette succession d’universitaires aux intérêts de recherche diversifiés, on note que les aspects linguistiques restent la principale base de connaissances sur laquelle prend appui le discours sur la formation des traducteurs. En 1985, André Lefevere soulignait le fait que l’enseignement de la traduction dépassait rarement les aspects linguistiques de celle-ci :
Translation is mainly taught on the locutionary level and this fact explains, in its turn, why so many textbooks purporting to teach translation turn out, after some scratching of the surface, to be little more than a rehash of currently dominant linguistic theories, combined with a dosage of stylistics and remedial language teaching. (Lefevere 1985 : 239)8
28Sherry Simon, ici citée in extenso (1989 : 10), met également en évidence le rôle très actif de la linguistique tant dans l’évolution de la traductologie que dans la formation des traducteurs à l’université, tout particulièrement au Québec, lorsqu’elle soutient que :
La linguistique est devenue la discipline maîtresse de la traduction à partir des années 60, et les écrits sur la traduction au Québec reflètent bien l’importance de ce courant intellectuel. Ensuite divers éléments de la sociolinguistique sont venus soutenir la pédagogie de la traduction. À partir des années 80, on voit apparaître une diversité toute nouvelle dans les perspectives disciplinaires à partir desquelles la traduction est abordée. L’herméneutique, la psychanalyse, la linguistique appliquée, les théories du texte, la mathématique computationnelle, la logique, l’intelligence artificielle, toutes se joignent à la linguistique pour relever le défi de l’analyse des difficultés du processus de la traduction.
29Les propos de Lefevere et de Simon indiquent que les bases épistémologiques de l’enseignement et de l’apprentissage de la traduction au cours des trente dernières années s’inspirent de connaissances de nature linguistique. Cependant, notons que ces deux traductologues ne sont pas nécessairement connus pour leurs préoccupations ou leur expertise en pédagogie de la traduction. Il est donc pertinent de voir ce qu’une traductologue reconnue par ses travaux en enseignement de la traduction a à dire sur les bases théoriques de la formation des traducteurs.
30Dans un article publié dans la revue The Interpreter and Translator Trainer en 2007, Mariane Lederer dénombre les modèles théoriques de la formation des traducteurs depuis les années 1960. Elle mentionne, en premier lieu, un modèle inspiré des théories linguistiques divisé en trois volets : 1. La théorie littérale, associée à l’approche grammaticale en enseignement des langues étrangères. 2. L’analyse contrastive et l’application des principes de la stylistique comparée à la formation des traducteurs. 3. La linguistique textuelle et ses sept niveaux de textualité (cohésion, cohérence, intentionnalité, acceptabilité, informativité, situationalité, intertextualité) proposés par Beaugrande et Dressler (1981). En deuxième lieu, Lederer critique l’approche fonctionnaliste, arguant qu’elle confère une importance exagérée aux aspects extérieurs au processus de traduction au détriment de la place accordée aux aspects psychologiques de la traduction. En troisième lieu, Lederer fait mention du modèle de traitement de l’information, ou cognitif, utilisé principalement dans la formation d’interprètes avec quelques applications à la formation des traducteurs. La dernière approche théorique de formation des traducteurs dans la liste dressée par Lederer est, sans surprise, la théorie interprétative de la traduction, qu’elle-même a développée avec Danica Seleskovitch. Cette théorie prend en considération les processus psychologiques généraux de la compréhension et de la production discursive, ainsi que la fonction tant du texte source que du texte cible, dans le but de mettre en relief le rôle des traducteurs lors du passage interlinguistique du sens (Lederer 2007 : 20-21).
31Malgré leur appartenance à des traditions traductologiques et des courants de pensée traductologique très différents, Lefevere, Simon et Lederer soulignent ainsi le rôle central joué depuis toujours par les aspects linguistiques dans la formation des traducteurs.
32Ce n’est que vers la deuxième moitié des années 1990 que des principes, des concepts et des méthodes de recherche propres aux sciences de l’éducation font leur entrée dans le discours traductologique. L’un des principes éducatifs dominants stipule alors que la formation ne se déroule pas en vase clos, et que toute initiative de formation est déterminée par le contexte social dans lequel s’inscrivent les institutions de formation, les enseignants et les apprenants.
33Au Canada, la formation des traducteurs et la promotion de la profession ont ouvert les portes des universités à l’étude de la traduction. Au Québec, la traductologie en tant que discipline universitaire s’est consolidée au moment où la société québécoise a confié à l’université le mandat de former les professionnels de la traduction. Comme l’affirmait Sherry Simon en 1989, en parlant du cas québécois : « L’étude de la traduction au Québec a été abordée en grande partie dans le contexte des besoins pressants de la formation des traducteurs et dans celui de la promotion de la profession » (Simon 1989 : 9).
34Ce contexte de « besoins pressants » place les formateurs de traducteurs au sein d’un système complexe d’interdépendance dans lequel chaque partie prenante a une fonction particulière à remplir. C’est ce système que Gregory Shreve (2000) nomme « l’écologie de l’industrie de la langue ». Il en distingue cinq parties prenantes : les producteurs, les fournisseurs, les facilitateurs, les constructeurs d’outils et les formateurs. Les producteurs (the producers) sont le plus souvent les consommateurs de traduction. Au Canada, il s’agit des grands commanditaires de services linguistiques comme les agences gouvernementales tant fédérales et provinciales, ainsi que les grands fournisseurs de services publics, les institutions financières, et bien d’autres. Les fournisseurs (the providers) sont les entreprises et les individus qui satisfont les besoins en communication interlinguistique et interculturelle des producteurs. Au Canada, le fournisseur de traduction le plus important est sans aucun doute le Bureau de la traduction. Toutefois, il existe aussi un grand nombre de cabinets de traduction et de sociétés spécialisées dans les services linguistiques. Les fournisseurs des services de traduction constituent le segment de l’industrie qui connaît le mieux les besoins des consommateurs de traduction. Les facilitateurs (the facilitators) sont les organismes, les associations ou les réseaux établis pour la conception de normes, de standards et d’accords pour permettre l’unification des critères. Il s’agit d’organisations comme l’IS09 et, au Canada, des associations professionnelles comme l’AILIA10, l’OTTIAQ11 et l’ATI012. Les constructeurs d’outils (the tool-makers) sont les sociétés qui conçoivent, produisent et commercialisent des outils essentiels au travail des langagiers. Shreve (2000) fait référence de façon explicite aux producteurs d’outils informatiques parce que c’est grâce à ces outils que tout l’écosystème a pu s’adapter afin de relever les défis de la numérisation des données. Les formateurs (the trainers) forment la cinquième composante de cette écologie de l’industrie de la langue. Le rôle de formateur a été et doit être rempli par les universitaires, même si d’autres types de formation sont possibles (Pym 2011 : 481-482). Le rôle des formateurs est d’offrir à l’industrie de la langue des professionnels capables d’intégrer la communauté de pratique professionnelle des traducteurs.
35Pour garantir le fonctionnement de l’écosystème tel que décrit par Shreve (2000), les traductologues ont la responsabilité, d’abord, de structurer et de diriger la formation des traducteurs et, ensuite, de produire des connaissances sur l’apprentissage et sur l’enseignement de la traduction. Selon la métaphore de l’écosystème, lorsqu’une des parties prenantes ne remplit pas adéquatement son rôle, l’écosystème se déstabilise. Il doit alors s’adapter à de nouvelles conditions, sans quoi il est condamné à disparaître. Les tensions toujours présentes entre les formateurs et les fournisseurs (les employeurs) qui doivent accueillir les nouveaux diplômés peuvent créer un déséquilibre dans le fonctionnement de l’écosystème.
36On entend souvent dire de la part des employeurs de traducteurs que l’université ne prépare pas les étudiants à la vraie vie. Dans le cadre d’une étude sur les aspects économiques de la traduction, Maeve Olohan (2007 : 59) conclut que les objectifs de formation des universitaires ne semblent pas s’aligner sur les attentes des employeurs :
Surveys which include employers of translators have shown us that the typical graduate from translator training delivered at university is not as well equipped for the professional context as might be expected by those employers.13
37Dans le cas de la formation des traducteurs au Canada, ces critiques, jusqu’à une époque très récente, ne se traduisaient pas en actions concrètes. Il en a été autrement au cours des dernières années. La pression exercée sur l’université par la consolidation de l’industrie de la traduction s’est matérialisée en actions concrètes comme :
La modification des conditions d’embauche au Bureau de la traduction (cette problématique a été étudiée en profondeur par Annie Brisset (2008)) ;
L’adoption par l’Office des normes générales du Canada d’un standard canadien pour les fournisseurs de services de traduction.
38Le rôle plutôt passif des universités et des universitaires dans la proposition ou la mise en place de ces deux initiatives qui touchent directement le secteur langagier canadien confirme, au moins au Canada, que la brèche entre les institutions de formation des traducteurs et les autres parties prenantes de l’industrie ne fait que se creuser. Exclus des instances décisionnelles du secteur langagier, les formateurs risquent de voir leur rôle remis en question. Afin de maintenir leur pertinence au sein de l’écologie de l’industrie de la langue dont parlait Shreve, les formateurs de traducteurs à l’université doivent mettre en valeur leur capacité de faire avancer les connaissances sur la formation des traducteurs.
39Ainsi, pendant que la branche théorique de la traductologie au Canada se développait exponentiellement, les bases épistémologiques de la formation des traducteurs sont restées celles que critiquait André Lefevere en 1985, puis Simon en 1989 et Lederer en 2007. Le meilleur exemple de cette perpétuation des fondements linguistiques du discours sur la formation des traducteurs au Canada est la pérennité du manuel La traduction raisonnée de Jean Delisle, dont la troisième édition a vu le jour au mois de décembre 2013. Il serait difficile de trouver un ouvrage didactique qui résiste avec autant de succès au passage du temps. Or ce manuel est conçu selon une typologie de difficultés de traduction (difficultés d’ordre lexical, syntaxique et rédactionnel) de nature linguistique.
40La traduction professionnelle implique bien sûr avant tout un travail sur la langue. Il est donc tout à fait normal que les aspects linguistiques occupent une place importante dans la formation des traducteurs. Cependant, l’évolution de la profession et l’essor de l’industrie de la langue demandent que la formation des traducteurs fasse davantage de place à des aspects de la formation autres que linguistiques.
41Le discours sur la formation des traducteurs commence à peine à reconnaître une dimension de la compétence du traducteur qui n’est pas de nature cognitive. La dimension cognitive de la traduction doit s’entendre comme les connaissances de type linguistique, culturel, thématique, instrumental ou technologique nécessaires à la traduction. Cette dimension est tributaire des connaissances que les formateurs commencent à tirer à la fois de l’industrie de la traduction et des apports de la pratique même de l’enseignement de la traduction. Dans les prochains paragraphes, nous nous intéressons aux liens qui peuvent s’établir entre les formateurs des traducteurs et l’industrie de la traduction afin d’adapter la formation des traducteurs aux exigences autres que cognitives de l’exercice professionnel de la traduction.
42En 2004, Lynne Bowker a présenté les résultats d’une analyse des offres d’emploi diffusées pendant une période de deux ans au Canada. Cet article met en évidence l’ensemble d’aptitudes et de compétences que les employeurs de traducteurs recherchent chez les futurs traducteurs. D’une certaine manière, la dimension cognitive est à l’exercice professionnel de la traduction ce que le calcul est à exercice du génie civil. Il va de soi que le traducteur doit posséder les connaissances de base pour faire de la traduction. En ce sens, les employeurs tiennent pour acquise la compétence traductionnelle et pointent vers des aptitudes qui sont laissées de côté dans la formation traditionnelle des traducteurs, des aptitudes personnelles comme la curiosité intellectuelle, la capacité de travailler en équipe, l’adaptabilité, la disponibilité, la motivation, le bon jugement, entre autres (Bowker 2004 : 969). Ces aptitudes sont, certes, communes à toutes les professions, mais la didactique de la traduction devrait les intégrer en fonction de particularités de la profession.
43Au Canada, les stages de traduction constituent un excellent pont entre les formateurs et les employeurs. Dans les filières coopératives qui offrent aux étudiants la possibilité de faire trois stages en alternance avec les cours réguliers, les étudiants doivent écrire un rapport à la fin de chaque stage. Ces rapports, utilisés principalement comme stratégie d’évaluation, renferment des renseignements importants pour la pédagogie de la traduction, étant donné qu’ils offrent un portrait des aspects de l’industrie qui restent moins connus des universitaires.
44Afin de mieux comprendre les liens entre formation et performance professionnelle, nous avons étudié (Echeverri 2008) les facteurs cognitifs ou métacognitifs qui favorisent l’intégration de nouveaux diplômés sur le marché du travail. Nous avons repris le concept de métacognition défini par John Flavell comme la connaissance et la conscience cognitive des phénomènes cognitifs eux-mêmes : « knowledge and cognition about cognitive phenomena » (Flavell 1977 : 906). Certains chercheurs intéressés par le concept ont étudié la métacognition en tant que mécanisme de contrôle des processus cognitifs (Brown 1987 : 65) ; d’autres se sont penchés sur les aspects sociaux ou interpersonnels de la métacognition (Paris et Winograd 1990 : 21). Pour notre part, nous avons conféré un sens large à la notion de métacognition et nous l’avons définie comme la connaissance qu’une personne possède de l’état de ses propres connaissances et de ses capacités cognitives, ainsi que le contrôle que cette même personne peut exercer sur ses processus cognitifs du point de vue social, affectif et motivationnel. Nous sommes ainsi arrivés à la description de dix facteurs métacognitifs : les relations interpersonnelles, l’auto-évaluation, l’adaptation, la motivation, l’autogestion, la confiance en soi, la prise de conscience, la révision, la responsabilisation et les stratégies. Par opposition à la cognition simple, la métacognition comprend donc ici l’ensemble des connaissances linguistiques, culturelles, spécialisées ou instrumentales essentielles à une intégration au marché du travail (Echeverri 2008).
45Ce répertoire de facteurs métacognitifs de la traduction suggère qu’une formation à la traduction construite principalement sur une base épistémologique de nature linguistique, ou dans laquelle seuls les aspects relatifs à la compétence traductionnelle sont pris en compte, laisse de côté une composante de la compétence du traducteur pourtant essentielle à l’intégration des nouveaux diplômés au marché de la traduction. Pour rester pertinente, la formation de traducteurs doit évidemment tenir compte de ce qui se passe sur le marché de la traduction. Or une telle pertinence demande une coopération étroite entre les employeurs de traducteurs et les formateurs. Plusieurs études ont d’ailleurs déjà été menées avec cet objectif, portant par exemple sur la satisfaction des attentes des employeurs face aux prestations des nouveaux diplômés (Mauriello 1999), sur les aptitudes recherchées chez les nouveaux diplômés (Bowker 2004), et sur les types d’activités professionnelles (traducteur indépendant ou salarié) (Olohan 2007). D’autres études se sont intéressées aux nouvelles conditions relatives aux connaissances informatiques (Doherty et Moorkens 2013 ; Bowker et Marshman 2010). Ces aspects constituent la base des connaissances spécifiques au monde de la traduction professionnelle que les diplômés des programmes de traduction doivent aussi déployer au moment d’intégrer le marché du travail.
46Parmi tous les sujets qui peuvent être étudiés en collaboration avec l’industrie, on relèvera également l’étude de l’évolution des tâches que les nouveaux diplômés sont appelés à accomplir. Sans laisser de côté le savoir-faire des universitaires relativement à la compétence traductionnelle, la formation doit tenir compte, par exemple, des pratiques industrielles courantes : la gestion des documents, la gestion des corpus textuels et la constitution d’équipes de travail, entre autres. Encore une fois, afin de maintenir la pertinence de la formation, le renforcement des liens avec les autres parties prenantes de l’industrie de la langue reste essentiel. Mais on ne peut ignorer la dynamique historique de la valorisation des connaissances au cours de plusieurs décennies de pratique d’enseignement de la traduction à l’université.
47Dans la perspective de la compétence traductionnelle, la recherche en pédagogie de la traduction fait preuve d’un grand dynamisme. Les formateurs de traducteurs possèdent une bonne connaissance de ce que les futurs traducteurs doivent apprendre. Les travaux du groupe PACTE (Beeby et al. 2008) sur les connaissances et sur l’efficacité du processus de traduction en sont un bon exemple. De la même manière, comme le soutient Pym (2011 : 486), grâce à toutes les initiatives de recherche sur le processus de traduction, les responsables de la formation des traducteurs disposent de connaissances sur le processus de traduction d’une grande valeur heuristique. Ces travaux de recherche démontrent une certaine intention de produire des connaissances relatives à la formation des traducteurs au moyen d’initiatives qui se déroulent à l’extérieur des salles de classe. Cependant, en pédagogie de la traduction, on ne semble pas déceler un effort continu et systématique de recherche à l’intérieur des salles de classe pour mettre en valeur le savoir-faire des formateurs.
48La pratique de l’enseignement de la traduction au cours des six dernières décennies a produit un ensemble de connaissances qui restent expérientielles et la plupart du temps personnelles. Par cela, il faut entendre que ces connaissances peuvent difficilement avoir le statut de connaissances partagées. Elles surgissent comme des réponses concrètes à des problèmes ponctuels qui font surface à l’intérieur des salles de classe. La difficulté des chercheurs à pénétrer à l’intérieur des salles de classe se présente comme un des principaux obstacles à la recherche sur les pratiques d’enseignement de la traduction. Comme le constatait Jean Delisle en 1988, en enseignement de la traduction, on ne sait que très peu ce qui se passe dans les salles de classe.
Sait-on seulement ce qui se fait concrètement dans une salle de classe ? Sait-on comment s’enseigne la traduction d’une école à l’autre ? Je serais bien embêté de dire comment mes collègues des autres universités enseignent la traduction économique et, eux ne savent probablement pas non plus comment je procède. (Delisle 1988 : 204)
49La communauté traductologique a certes une idée de ce qui se passe à l’intérieur de salles de classe de traduction. Cependant, cette information ne repose pas sur des protocoles d’étude rigoureux incluant par exemple la participation d’un tiers qui, par l’observation des activités menées en classe, pourra confirmer ce que l’ enseignant-chercheur affirme pour sa part sur les méthodes d’apprentissage et d’enseignement adoptées. Les rapports de l’enseignant-chercheur sur son propre enseignement, comme le constate Pym, se limitent à confirmer le fait bien connu qu’une attention plus soutenue envers certains contenus de cours permet de produire de meilleurs résultats pédagogiques pour cette même activité : « Many studies discover that specifie lessons on the theory and practice of skill X resuit in enhanced performance involving skill X, which would seem too fairly obvious » (Pym 2011 : 485)14.
50La recherche à l’intérieur de salles de classe permettrait donc de valoriser la pratique de l’enseignement comme une source de connaissances. C’est dans cette optique que, depuis le début des années 2000, certains traductologues ont adopté les principes de la recherche-action. Kiraly (2000 : 6) insiste en particulier sur le fait que les futurs formateurs de traducteurs devraient faire davantage de recherche dans la salle de classe. S’appuyant sur son expérience dans le domaine de la didactique de langues étrangères, Kiraly présente la recherche-action comme un moyen de provoquer, dans la formation des traducteurs, un changement similaire à celui qu’a vécu la didactique des langues étrangères. En effet, avant les années 1980, cette discipline reposait principalement sur une épistémologie héritée de la linguistique. Grâce aux liens que les chercheurs ont établis avec les sciences de l’éducation, les portes se sont ouvertes à des considérations plus larges sur l’apprentissage et sur l’enseignement. Dans ce domaine, il est maintenant pratique courante de fonder toute démarche pédagogique sur une théorie de l’apprentissage. Ainsi, en plus d’avoir une excellente connaissance des langues qu’ils devaient enseigner, les instructeurs ont une bonne connaissance des différentes formes que peut prendre l’apprentissage, et en particulier l’apprentissage des langues.
51La recherche-action est de fait particulièrement indiquée pour aborder une problématique comme l’enseignement de la traduction. Telle que définie par Cohen et Manion (1994 : 186) la recherche-action consiste en une intervention à petite échelle sur le fonctionnement du monde réel et une évaluation exhaustive des effets d’une telle intervention. D’après Jean-Marie Van der Maren (2007 : 26) la recherche-action :
s’intéresse à des systèmes (école, classe, groupe, service, département, individu) dont le fonctionnement est perturbé ou insatisfaisant. Après l’analyse de la situation, elle tente de corriger le fonctionnement en modifiant les conduites (comportements, perceptions, tâches, organisation) de certains éléments du système sans pour autant remettre en cause ses finalités et ses objectifs.
52De plus, la recherche-action peut prendre une multitude de formes et suivre un nombre d’étapes différent selon les responsables et les caractéristiques de chaque projet de recherche. En général, comme le note Zuber-Skerrit (1996 : 99), on observe les quatre étapes suivantes : 1. Réflexion : décèlement et analyse de la situation qui doit être modifiée. 2. Planification : définition d’un plan d’action qui tient compte des aspects tels que la faisabilité et les résultats attendus. 3. Action : mise en pratique des actions prévues dans le plan d’action. 4. Observation : analyse des résultats des actions entreprises. L’évaluation des résultats permet normalement de mettre en lumière d’autres problèmes, et de déclencher un nouveau cycle de recherche. La recherche-action se présente ainsi comme une méthodologie de recherche expérimentale et elle permet de déceler des problématiques et des thématiques méritant l’application de méthodes de recherche complexes. Elle offre donc un modèle permettant d’étudier de manière systématique les pratiques de formation des traducteurs.
53Dans la mesure où elle vise à apporter une solution à des problèmes ponctuels, la recherche-action représente un outil efficace pour favoriser la recherche en salle de classe, ou dans n’importe quel type de situation pédagogique. Une recherche-action peut être ainsi conçue pour répondre aux questions que peuvent se poser les enseignants, par exemple : quel est l’effet du travail en équipe dans la motivation des étudiants de traduction ? Quel rôle les manuels de traduction doivent-ils jouer dans la salle de classe ? Comment encourager la participation active des étudiants dans les exercices pratiques de traduction ? Comment responsabiliser les étudiants face au déroulement des séances de classe ? Quel est l’effet de la rétroaction sur les apprentissages ? Quelle est la nature des interactions entre les apprenants à l’intérieur de la salle de classe ? Quelle est la nature des interactions entre le formateur et les étudiants ? etc. Face aux questions innombrables que peuvent se poser les formateurs, des initiatives de recherche systématiques telles qu’en permet le modèle de la recherche-action permettront de constituer un nouveau corpus de connaissances partagées, portant à la fois sur la manière de former les traducteurs et sur les compétences que ces derniers doivent acquérir.
54Pour conclure, on rappellera la place considérable et le rôle dynamique de l’enseignement de la traduction dans la littérature traductologique. Cette présence et ce dynamisme s’expliquent par le fait que la majorité des traductologues participent à différents degrés à la formation des traducteurs. Cependant, la question de l’enseignement et de l’apprentissage de la traduction ne s’est jamais concrétisée par l’établissement d’une tradition de recherche en pédagogie de la traduction. La recherche sur la formation des traducteurs est encore un domaine en voie de développement, dont les résultats commencent à peine à influencer les conceptions dominantes de l’apprentissage et de l’enseignement de la traduction. Il en résulte que la formation des traducteurs tend toujours à s’appuyer sur des connaissances de nature expérientielle issues de la pratique tant de la traduction que de l’enseignement de la traduction.
55Jusqu’à présent, l’impossibilité de transposer la recherche à l’intérieur des salles de classe ou de tout autre type de situation pédagogique a empêché la communauté traductologique de tirer pleinement profit de l’expérience accumulée par les praticiens de l’enseignement de la traduction. La salle de classe, point de contact entre l’enseignement et l’apprentissage, reste un endroit plutôt fermé à la recherche. Pour l’ouvrir, on pourrait envisager dans un premier temps la multiplication d’initiatives de recherche-action, afin de déterminer les aspects de la formation susceptibles à leur tour de donner lieu à des projets de recherche plus structurés. À moyen et à long terme, le discours sur la formation des traducteurs pourra ainsi prendre appui tant sur des connaissances issues de la pratique de l’enseignement que sur les connaissances issues de ces initiatives de recherche.
56Mais pour qu’un tel état de choses se produise, la formation des traducteurs devra rester une affaire d’universitaires. Depuis presque soixante-dix ans, les universitaires (responsables de cette formation) ont su répondre aux besoins de la société afin de lui offrir les professionnels dont elle a besoin pour satisfaire la demande en communication interlinguistique et interculturelle. Même si la pertinence de la formation universitaire a toujours été plus ou moins remise en question par les acteurs sociaux accueillant les nouveaux diplômés des programmes de traduction, les critiques traditionnelles s’accompagnent aujourd’hui d’actions concrètes qui peuvent conduire au déplacement de la responsabilité de la formation vers d’autres acteurs que les universités. Les conséquences d’une telle éventualité pour l’institutionnalisation de la traductologie seraient considérables, en particulier dans le contexte canadien où l’essor de la traductologie, comme le notait Sherry Simon en 1989, est lié à la formation des traducteurs et à la promotion de la profession. Pour se distinguer des autres composantes de l’écosystème de la traduction, les universitaires doivent donc continuer à se différencier en tant que producteurs des connaissances sur la formation des traducteurs, dans un dialogue constant avec les employeurs et autres membres de l’écosystème.
57La recherche sur la formation des traducteurs reste un devoir inachevé des traductologues. Puisqu’il s’agit d’un effort éducatif, on peut s’attendre à ce que les sciences de l’éducation jouent un rôle plus important dans l’établissement d’une forte tradition de recherche en pédagogie de la traduction. La salle de classe, ou la situation pédagogique, constitue ainsi la prochaine frontière à franchir, et la recherche-action se présente comme point de départ et comme instrument de base pour valoriser et mettre à profit les connaissances accumulées durant plus de soixante-dix ans de pratique en formation universitaire des traducteurs.
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Notes de bas de page
1 « Comme bien d’autres enseignants, je n’ai pas reçu de formation spéciale pour la formation de traducteurs avant de commencer à enseigner à Germersheim. On m’a conseillé d’observer les cours de mes collègues et d’essayer de m’inspirer de leur façon d’enseigner » (notre traduction).
2 La pertinence entendue comme le lien entre les apprentissages visés et les exigences du marché.
3 La situation pédagogique est un écosystème social composé de quatre sous-systèmes interreliés (Sujet, Objet, Agent, Milieu), chacun d’eux nécessitant la participation des personnes, le déroulement d’opérations et la disponibilité de moyens (Legendre 2005 : 1240). Aujourd’hui plus que jamais, l’apprentissage et l’enseignement ne sont pas limités par l’espace physique que représente une salle de classe compte tenu des modifications apportées à l’enseignement par les technologies de l’information.
4 « La traductologie est plus à l’aise avec elle-même, elle se livre avec plus de confiance à des échanges de techniques et de méthodes de recherche avec d’autres disciplines ».
5 Le concept de sciences de l’éducation, selon la définition de Raynal et Rieunier (1997 : 443), est la discipline qui s’intéresse à tous les sujets relatifs à l’éducation : l’échec scolaire, l’économie de l’éducation, la sociologie de l’éducation, la didactique des disciplines, la formation des formateurs, la relation formation/emploi, la formation professionnelle, entre autres.
6 « La capacité de produire un texte dans une langue à partir d’un texte écrit dans une autre, dans le cadre d’une formation influencée par les études littéraires et culturelles ».
7 « L’ensemble des compétences dont un traducteur aura besoin dans la vie professionnelle d’aujourd’hui, c’est-à-dire les compétences linguistiques, bien sûr, mais également interpersonnelles, (inter) culturelles, techniques, d’entrepreneuriat et de recherche ».
8 « La traduction est enseignée avant tout au niveau locutoire. Voilà pourquoi bon nombre de manuels dits de traduction n’offrent finalement (du moins après un survol assez sommaire) qu’une reprise des théories linguistiques dominantes, auxquelles on ajoute une petite dose de stylistique et un peu de rattrapage linguistique ».
9 International Organization for Standardization – Organisation internationale de normalisation – www.iso.org.
10 Association de l’industrie de la langue – www.ailia.ca.
11 Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec – www.ottiaq.org.
12 Association des traducteurs et interprètes de l’Ontario – www.atio.on.ca.
13 « Les sondages auprès des employeurs de traducteurs nous ont montré que la formation des diplômés typiques de programmes de formation universitaires n’est pas à la hauteur des attentes du marché ».
14 « Bon nombre d’études nous apprennent que des leçons spécifiques sur la théorie et la pratique d’une compétence X produisent de meilleurs résultats en qui concerne cette compétence X, ce qui est tout à fait normal ».
Auteur
Est professeur agrégé au Département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal. Sa recherche porte sur l’enseignement de la traduction, l’histoire de la traduction et la méta-traductologie. Il s’intéresse particulièrement aux approches d’apprentissage centrées sur l’étudiant et aux aspects métacognitifs de la traduction et de son apprentissage. En ce moment, il travaille à la création d’une base de données bibliographiques consacrée aux textes traductologiques traduits en anglais, en français et en espagnol depuis 1970.
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Pour une interdisciplinarité réciproque
Recherches actuelles en traductologie
Marie-Alice Belle et Alvaro Echeverri (dir.)
2017
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 1
Michaël Mariaule et Corinne Wecksteen (dir.)
2011
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 2
Michaël Mariaule et Corinne Wecksteen (dir.)
2012
La traduction dans les cultures plurilingues
Francis Mus, Karen Vandemeulebroucke, Lieven D’Hulst et al. (dir.)
2011
La tierce main
Le discours rapporté dans les traductions françaises de Fielding au XVIIIe siècle
Kristiina Taivalkoski-Shilov
2006
Sociologie de la traduction
La science-fiction américaine dans l’espace culturel français des années 1950
Jean-Marc Gouanvic
1999