De la subjectivité dans le langage : la voix d’Yves Bonnefoy, traducteur de Hamlet
p. 113-131
Résumé
Cet article traite de la notion de voix qui, quoiqu’employée par de nombreux écrivains ou critiques, n’est que rarement ou partiellement définie, peut-être car elle est au carrefour de diverses disciplines. Il aborde la voix de l’auteur, pour saisir plus précisément ce qu’est la voix du traducteur, en prenant l’exemple des cinq traductions du Hamlet de Shakespeare par le poète contemporain Yves Bonnefoy. Il rapproche la voix du traducteur de la notion de ré-énonciation telle que la développe Barbara Folkart dans Le Conflit des énonciations, pour finalement la définir comme la trace d’une subjectivité ré-énonciative, matérialisée dans une série de décalages avec le texte de départ. Dès lors, il fait apparaître que dans la traduction de la poésie plus particulièrement, ainsi dans la traduction de Hamlet par Bonnefoy, l’acte traducteur peut se faire non plus ré-énonciation mais recréation, c’est-à-dire écriture d’un poème nouveau, dans une autre langue, et dans lequel la voix du traducteur sera audible, de même que sa poétique propre sera sensible. Si bien que la traduction de la poésie engage, plus que tout autre type de traduction littéraire, la voix du traducteur, qui s’inscrit comme sujet dans son texte, et plus encore s’il est poète lui-même.
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Mots-clés : Hamlet, Bonnefoy, voix, retraduction, poétique, ré-énonciation
Texte intégral
1Qu’entend-on exactement quand on parle de « voix », et plus précisément de la voix d’un auteur ou d’un traducteur ? Bien que le mot « voix » soit utilisé par de nombreux écrivains et critiques, il n’est nt jamais défini, qu’il s’agisse de la voix de l’écrivain ou de celle du traducteur. Cet article vise dans un premier temps à préciser ce qu’est la voix du traducteur, en ayant recours aux outils offerts par la linguistique, la sémiotique et la psychologie. Dans un second temps, il examinera la manière dont cette notion est expliquée et pratiquée par Yves Bonnefoy dans ses traductions du Hamlet de Shakespeare. Au fil de cette démarche, nous mettrons l’idée de voix en lien avec celle de ré-énonciation, empruntée à Barbara Folkart (1991) ; nous examinerons si la voix, comprise comme trace de ce que nous appellerons une subjectivité énonciative, se fait nécessairement audible dans le texte, ou si elle relève d’un travail conscient de la part du traducteur, qui cherche à se faire entendre au cœur de la ré-énonciation. Nous explorerons ces notions de voix et de ré-énonciation dans le cadre des traductions de Hamlet par le poète français – Bonnefoy ayant traduit la plus célèbre pièce de Shakespeare à cinq reprises1 – en tentant de montrer en quoi ces traductions rendent palpable le dialogue de Bonnefoy avec Shakespeare, mais aussi comment Bonnefoy découvre et affirme sa propre voix pour faire de la traduction un processus de recréation.
Voix de l’auteur, voix du traducteur
2Agnes Whitfield définit la voix comme la relation du sujet narratif avec son propre texte telle que cette relation se révèle dans le texte lui-meme : « the relationship of the narrative subject to his or her own text, as this relationship is revealed through the formal characteristics of the text itself » (Whitfield 2000 : 3), tout en faisant remarquer le caractère vague de cette notion, que la plupart des traducteurs jugent cependant fondamentale à leur pratique. Barbara Folkart soulève egalement l’ambiguïté de cette notion de voix, « envisagée à la fois comme médium plus ou moins transparent […], ou comme instrument, et comme indice d’une subjectivite, c’est-a-dire comme message, point de vue et interprétation » (Folkart 1991 : 385-386). Retenons le terme de subjectivité, qui apparaît comme un element clé d’une definition de la voix. La voix est en effet la maniere dont une individualite manifesto son être-au-monde dans la matiere verbale et sonore, chaque voix étant unique, singulière. Dès lors, le modus ou la façon de dire, selon Charles Bally (1965 [1932]), contient l’etre. C’est en ce sens que l’on peut aussi la qualifier d’« inanalysable individuant » (Dessons 2004 : 18), ou encore, ce « à quoi se reconnaît la manière d’un auteur » (Bemardet 2008 : 1). C’est l’expression d’un individu, au sens étymologique du terme (le latin exprimere signifiant d’abord « faire sortir de ») et cette expression passe par le corps. La voix révéle en effet que la pensée d’un individu et la manière dont elle prend forme, dans le matériau sonore du verbe, sent inseparables.
3Cette notion d’expression nous amene a avancer l’hypothese que la voix manifeste l’être-au-corps d’un auteur, plutôt que son être-au-monde, car le son passe par le corps. Dans Le Grain de la voix, Barthes parle de la voix comme cette « matérialité du corps, surgie du gosier » (Barthes 1981, dans Coste 1998 : 169) et, au-delà du chant, définit le « grain de la voix » comme ce qui trahit la présence du corps de l’interprete. Le mot « grain » devient alors une metaphore capable d’eclairer toutes les manifestations du sujet – comme le fait remarquer Claude Coste (1998 : 169) ; le grain du chanteur s’étend à tout interprète, et Barthes ecrit : « le “grain” c’est le corps dans la voix qui chante, dans la main qui écrit, dans le membre qui exécute » (Barthes 1981, II : 1441). L’ecrivain inscrit done son corps dans le texte, tout en conservant une position extra-textuelle.
4La dimension sonore ou corporelle n’est cependant qu’un élément de définition de la voix, disons metonymique, dans le cas d’un texte. En effet, lorsque l’on parle d’un texte ecrit, le materiau dans lequel s’inscrit la voix est la langue. Or, quels sont les moyens par lesquels une voix peut rendre sa singularité sensible dans la langue ? Le critique Per Qvale définit la voix en ces termes :
In the broadest sense, the “voice" includes phraseology, repetition, use of metaphor, irony, rhythm, syntax, stylistic levels, what we might call cadences, shifts in rhythm and tempo – without implying that this list is by any means exhaustive. (Qvale 2003 : 57)2
5Une voix donne forme à la langue et à la structure grâce à des marqueurs qui sont autant de traits distinctifs qui vont rendre cette voix reconnaissable. Mais ces marqueurs ne sont pas le fruit du hasard. Ils sont l’expression de l’écrivain, de sa relation avec le monde et avec la langue, et finalement de son être profond. Les mots sont des outils qui découpent le réel, et par la sélection qu’il opère parmi les mots ainsi que leur agencement, un auteur articule le réel d’une certaine manière tout en s’inscrivant dans cette articulation. Comme l’auteur de l’original, le traducteur va lui aussi articuler sa propre perception du texte, en un mouvement herméneutique, dans les mots. La matière verbale devient le lieu de sa signature psychique.
Voix, ré-énonciation, continu d’un être et de sa parole
6Revenons sur ce terme clé de subjectivité. Barbara Folkart a creusé cette notion de voix pour la définir comme « isotopie subjective »3, c’est-à-dire « l’ensemble des lieux non-formalisés où l’énonciateur s’inscrit dans l’énoncé qu’il produit » (Folkart 1991 : 387) ; elle note que la voix relève du processus de verbalisation, qui est une « manière de concevoir et d’exprimer le monde et de communiquer sa conception du monde » (ibid). Cette voix se manifeste aussi bien dans la macro-forme discursive que dans la substance4 discursive, si bien que distinguer une voix, c’est « deviner l’existence d’un sous-idiome, ou système idiolectal, qui est le corrélât langagier de l’énonciateur » (Folkart 1991 : 388). Ce sous-idiome, cet idiolecte de l’auteur « constitue un profil (“voice-print”) stylistique, linguistique (ou “idiomatique”), rhétorique, idéologique, etc. », si bien que Folkart en fait une catégorie différentielle, car « la voix d’un auteur se reconnaît comme une déviance » (1991 : 389). On retrouvera donc, d’un texte à l’autre du même auteur, un ensemble de traits caractéristiques de manière constante. On pourrait dire que ces traits expriment sa voix, rendent audible l’écrivain qu’il est.
7Mais la notion de voix est aussi une métaphore, correspondant à un certain nombre de traits stylistiques, linguistiques et rhétoriques récurrents qui différencient l’écriture d’un auteur de celle d’un autre et la rendent identifiable, en font une musique originale et unique. Dès lors, comment distinguer la notion de voix de celle de style ? Il s’agit d’identifier les éléments que la « voix » peut ajouter à ce concept dans le contexte de la traduction. Au-delà de la stylistique, nous aimerions nous situer au carrefour entre linguistique et psychologie pour avancer la notion de subjectivité énonciative, au sens où dans tout discours, donc tout texte, un être se révèle dans son langage : les structures déployées à la surface du texte expriment une certaine conception du monde, un certain découpage du réel, qui sont ancrés dans la profondeur d’une subjectivité. C’est le cas pour un auteur, mais aussi pour un traducteur, qui exprime dans sa traduction non seulement sa propre conception du monde, mais sa propre lecture et son interprétation du texte source, le texte traduit passe par le filtre d’une subjectivité (ré-) énonciative.
8Lorsqu’un sujet s’exprime dans le langage, quelque chose se dit de lui. Derrière tout texte, c’est un être humain qui se cache. Roger Sauter explique ainsi :
[L]a voix, déterminée à partir de ce centre qu’est la corporéité d’un homme, de son passé, son vécu, ses expériences, se concrétise par un ensemble de formes que l’écrivain, parmi toutes celles que lui propose la langue, choisit à l’exclusion des autres. (Sauter 2004 : 46)
9Elle façonne le matériau langagier par des marqueurs qui sont autant de traits particuliers, distinctifs, et qui la rendent reconnaissable entre toutes ; ces marqueurs sont la trace d’une subjectivité, et en eux, c’est un être qui s’incarne. Dès lors, selon nous, il est possible d’expliquer le terme de voix par la notion de subjectivité énonciative : en effet, dans un texte, l’auteur laisse nécessairement les marques de sa subjectivité, c’est-à-dire que, de façon non consciente, il dit son être dans le verbe. C’est ainsi que la psychologie nous permet de dépasser la simple linguistique pour éclairer la notion de voix, qui exprime l’idée que dans tout texte, une subjectivité s’énonce.
10Dans le cas de la traduction, « la notion de voix, ou isotopie subjective, peut servir à caractériser cette présence, dans le traduit du traducteur, “ré-énonciateur énoncé” », explique Folkart (1991 : 384). Cette présence signale qu’une subjectivité énonciative (ou ré-énonciative) s’exprime. Cette fois, ce n’est pas dans le réel, mais dans le texte à traduire que le traducteur opère un découpage, selon sa propre compréhension et sa propre sensibilité. Il opère une sélection dans les informations données par le texte de départ, puis choisit de mettre en valeur des éléments différents, ce qui l’amène à produire une nouvelle narration avec les outils langagiers qui sont les siens. Or, dans cette nouvelle narration, un écart avec l’original se crée, et c’est dans cet écart même que la subjectivité énonciative du traducteur va s’exprimer, que sa voix va se faire audible.
11Cet écart, ou ces écarts sont, selon Barbara Folkart, le résultat d’une série de « filtrages », qui « tant conscients qu’inconscients [...] portent sur les versants aussi bien sémantique et pragmatique5 que sémiologique de l’énoncé » (1991 : 308). Ces filtrages sont à la source même de la différence entre la traduction et l’énoncé original. Un premier filtrage important se produit lors de la réception de l’énoncé par le lecteur-traducteur, mais c’est lors de l’étape de la ré-émission ou re-médiation que le filtrage et les modifications qu’il opère sont les plus importants. C’est ainsi qu’il se produit un « décalage traductionnel » – ce que nous appelons usuellement un écart – qui rend caduque la notion très controversée de « fidélité ».
12De même que le texte original est un énoncé produit par un sujet, la traduction a aussi un sujet à sa source, sujet qui ne peut être « absent » du texte produit, pas plus que transparent6. En témoignent les « décalages » qui se produisent dans le texte ré-énoncé, décalages dont Folkart écrit qu’ils « dévoilent l’opération traduisante comme un travail et comme une production. Bruits d’énonciation, ils témoignent d’un faire producteur » (Folkart 1991 : 308).
La subjectivité (ré-)énonciative du traducteur
13La traduction est définie par Folkart comme un acte ré-énonciateur qui implique « une intervention du sujet ré-énonciateur » (Folkart 1991 : 308). Mais précisons ce qu’est la voix, non plus de l’auteur, mais du traducteur.
14Dans la mesure où le traducteur est aussi un énonciateur, ou plutôt un ré-énonciateur, il devient possible de définir sa voix : « la voix du ré-énonciateur est l’ensemble des lieux où s’inscrit dans le syntagme la présence de celui-ci, c’est l’isotopie subjective à travers laquelle s’énonce le ré-énonciateur », note Folkart (1991 : 393). La voix du traducteur se manifeste par un ensemble hétérogène de déviances – terme qui englobe les filtrages et les décalages, ou écarts, auxquels ils donnent lieu – avec le texte de départ. Cependant, la voix de ce ré-énonciateur qu’est le traducteur diffère de la voix de l’énonciateur (l’auteur de l’original) sur deux plans : d’une part, le traducteur est tenu de reproduire la « macro-forme discursive »7 du texte de départ telle qu’il l’a reçue ; d’autre part, il est difficile de faire remonter le procès constitué à partir du texte traduit à un système idiolectal qui devrait son originalité au ré-énonciateur. Dès lors,
[n]i l’une ni l’autre des composantes de la voix, ni le système idiolectal, ni la forme discursive du procès engendré à partir de ce système, ne semblent pouvoir être attribués au traducteur au sens où on les attribue à l’auteur. C’est dire que la voix qui parle dans la traduction est une voix qui essaie de contrefaire celle de l’auteur [...].
Il s’ensuit que le ré-énonciateur ne se manifestera dans l’énoncé qu’il produit que sous forme de déviances, tant pragmatiques et référentielles que sémiologiques [...], bref sous forme d’indices de ré-énonciation [...]. Parmi toutes ces déviances, la voix du traducteur se manifeste comme le lieu où celui-ci ne réussit (ni ne saurait réussir tout à fait) à contrefaire la voix de l’auteur. (Folkart 1991 : 393)
15Ainsi, même si la voix du traducteur essaie de « contrefaire » celle de l’auteur, il reste néanmoins qu’elle est palpable dans la série de différences, ou de dissonances qu’elle introduit, dissonances qui se manifestent à tous les niveaux du syntagme. Elle s’insinue dans les « failles du syntagme », et c’est justement « de cette marge de disponibilité que naît le jeu de l’interprète, la possibilité de faire sentir sa voix, de marquer son interprétation » (Folkart 1991 : 396). Le texte de départ est cette partition qui ne devient musique que dans son interaction avec l’interprète, « et la musique qu’elle devient sera, dans un sens très réel, tributaire de l’interprète et des conditions précises dans lesquelles intervient l’interprétation » (Ibid. : 397). Ainsi, l’identité du traducteur, mais aussi son expérience, son bagage culturel, sa biographie, son approche du texte, le moment où il aura lu le texte sont autant d’éléments qui entreront en jeu dans le processus traductif et feront que chaque traduction est unique.
16« Faire producteur », « jeu de l’interprète » : ces expressions nous poussent à affirmer que si la voix se manifeste d’abord de manière inévitable et inconsciente, elle peut aussi participer d’un effort conscient. La voix peut effectivement se révéler travail, et ceci d’autant plus si le traducteur est écrivain ou poète lui-même et souhaite donc à son tour faire œuvre de création, afin de faire entendre sa propre voix dans le traduire. Voilà ce que Bonnefoy a revendiqué, voulant se faire poète à son tour dans ses traductions poétiques8.
La voix selon Bonnefoy traducteur
17Bonnefoy compare la voix de l’auteur qu’il traduit à un instrument de musique unique, tout en précisant que le traducteur devra rendre la musique du poème original avec son propre instrument (Bonnefoy 2000 : 66). Cette comparaison est pertinente au sens où la musicalité est l’un des traits essentiels de la poésie, surtout dans la manière dont la pratique Bonnefoy, en ce qu’il donne une importance très grande au rythme et aux sonorités. Il écrit en effet qu’il faut traduire la matière sonore des mots ; ainsi, dans la traduction, « par de possibles répétitions de telle ou telle donnée sonore, par des allitérations qui s’y marquent, c’est-à-dire bientôt des rythmes, la voix peut venir habiter le son dans l’espace même des mots » (Bonnefoy 2013 : 35). Le rythme est l’une des composantes centrales de cet instrument qu’est la voix et Bonnefoy le définit comme l’inscription du corps dans le langage, manifestation physique de l’être profond. En décidant de traduire la poésie, le traducteur prête alors attention à sa forme sonore :
[Il] a en esprit l’importance du son pour elle, et des rythmes, et donc le rôle fondamental qu’y joue le questionnement des mots comme ils sont et comme ils réclament par dessous les représentations et les significations à quoi le conceptuel les restreint. (Bonnefoy 2013 : 43)
18Pour Bonnefoy donc, traduire, et surtout traduire de la poésie, demande de reconnaître que la poésie, comme le dirait Meschonnic, « se joue dans une tension du sens autant que des mots, des signifiés autant que des signifiants » (Meschonnic 1999 : 26). Il s’agit de traduire une forme-sens9.
19Pourtant, si Meschonnic se concentre presque exclusivement sur le rythme, autour duquel il articule toute sa poétique du traduire, l’inscription du sujet poétique dans sa parole passe pour Bonnefoy, comme l’illustrera la traduction de Hamlet, par d’autres phénomènes : la texture sonore des mots, les assonances, les allitérations, la cadence des phrases. En ce sens, Bonnefoy se veut attentif à toutes les dimensions linguistiques et stylistiques d’une voix, cette incarnation sensible de la parole profonde d’un être dans un matériau verbal et sonore, linguistique et stylistique.
20Examinons plus en détail la pratique traduisante d’Yves Bonnefoy. Celui-ci se place d’abord en position d’accueil de l’étranger, comme le veut Berman, de l’auteur du texte original. Le respect du texte original passe par une écoute attentive de la parole de l’Autre – ou, dirons-nous, de sa voix. Or, le traducteur qui souhaite rendre la voix d’un poète doit être capable de rendre le caractère indissociable d’une pensée et de la forme qu’elle prend, caractère qui est le cœur même de la poésie. La parole poétique vient dire l’être profond du poète, qui se révèle et se prolonge dans une certaine langue de poésie. La voix incarne la présence du poète10. En cela, la poésie est supérieure, pour Bonnefoy, à l’écriture en prose : elle seule révèle la vérité d’une subjectivité. La poésie est « attestation de la présence dans la parole ». Elle révèle « notre besoin d’accéder à l’être » (Bonnefoy 2013 : 36). Elle participe ainsi du continu entre un être et son discours, tel que défini par Meschonnic et repris par Bonnefoy11 ; davantage, elle accomplit ce continu, car elle est la forme prise par une parole, la manifestation concrète d’une pensée singulière. Il s’agit donc pour le traducteur de prêter attention à cet ensemble de traits linguistiques, stylistiques et musicaux qui constituent la voix d’un poète. Le poème est alors avant tout « une écoute du son, une adhésion à un rythme, une montée de la voix dans la parole ». Et le lecteur qu’est le traducteur a lui aussi « un corps, une voix » et c’est avec cette voix qu’il va répondre (Bonnefoy 2013 : 41).
21Cet instrument qu’est la voix possède « des sons, des rythmes en puissance, des virtualités d’émotions qui ne sont qu’à cet instrument » ; il va dès lors s’agir pour le traducteur de « pratiquer l’instrument de l’autre » (Bonnefoy 2000 : 68), ce qui suppose une écoute attentive et intime de cet instrument. Cependant, traduire, c’est aussi tenter de faire résonner cette voix à l’aide d’un instrument différent, d’abord en ce que le langage musical auquel il a recours n’est pas le même. Une voix, en effet, est reconnaissable aussi parce qu’elle s’exprime dans une certaine langue. En tentant de la transposer dans une autre langue, le traducteur perd évidemment certaines de ses composantes essentielles. Certains éléments seront préservés, d’autres résonneront différemment.
22C’est ainsi que traduire la voix de Shakespeare12 consiste probablement moins à tenter de mimer cette voix dans une autre langue qu’à recréer ce continu qui est son noyau définitionnel. Il va s’agir pour le traducteur ayant écouté attentivement la voix du poète qu’il souhaite traduire, de lui répondre et de laisser entendre sa propre voix.
23Rappelons ici la position originale d’Yves Bonnefoy, pour qui Shakespeare est un poète avant d’être un homme de théâtre13 ; Hamlet est une œuvre poétique. Par cette esthétique particulière, Bonnefoy semble ignorer la dimension théâtrale du texte, ce qui le situe aux antipodes de Jean-Michel Déprats, par exemple, qui cherche d’abord à traduire pour la scène. En effet, pour Déprats, traduire Shakespeare consiste à recréer un « matériau dramatique vivant », c’est respecter la finalité des textes de théâtre, à savoir leur faire
prendre corps et voix dans l’espace et le mouvement de la représentation. Traduire un texte de théâtre, ce n’est pas produire un texte pour la lecture mais traduire une parole qui va être prononcée et agie par un comédien. (Déprats 1998 : 50)
24Certes, Déprats et Bonnefoy se rapprochent dans l’importance qu’ils donnent au rythme du texte, et le rythme est l’élément qui lie la poésie et le théâtre (tous deux ancrés dans une tradition orale), et par son travail approfondi sur celui-ci, Bonnefoy prend en compte sans l’avouer l’oralité du texte shakespearien. C’est sans doute ce qui a permis que sa traduction de 1988 soit jouée au festival d’Avignon, dans une mise en scène de Patrick Chéreau. Il reste cependant que Bonnefoy rejette toute réflexion sur la représentation et la mise en scène, ignorant l’aspect multidimensionnel de l’art théâtral qui, comme le souligne Louise Ladouceur, est composé d’éléments linguistiques, visuels et sonores, si bien qu’« il est impossible d’isoler le signe linguistique des autres systèmes de signes auxquels l’associe le spectacle » (Ladouceur 2005 : 55). Ainsi, par un travail essentiellement textuel et poétique, il a produit des traductions destinées à être lues plutôt qu’à être jouées, adoptant une position marginale par rapport aux autres traducteurs de Hamlet.
25Mais revenons à l’écoute que Bonnefoy fait du texte shakespearien et à la réponse que cette écoute provoque. Ce processus met en place un dialogue avec Shakespeare au fil duquel le traducteur qu’est Bonnefoy va tenter d’articuler à son tour son existence et son langage, de laisser s’incarner sa pensée profonde dans une parole de poésie, de recréer un continu entre un sens et une forme. La traduction ne consiste-t-elle pas, justement, à articuler une réponse au poème original ?
26Le traducteur doit s’engager dans l’acte de traduire. Selon Henri Meschonnic, à la subjectivité présente dans le texte original doit répondre la subjectivité du traducteur, afin qu’à un texte réponde un autre texte (Meschonnic 1999 : 27). Et c’est bel et bien avec sa voix propre, qui se manifestera dans la substance et la forme du texte à travers une série de caractéristiques langagières – ce qui correspond finalement à une poétique – que le traducteur doit répondre. « Plus le traducteur s’inscrit comme sujet dans la traduction, plus, paradoxalement, traduire peut constituer le texte. C’est-à-dire, dans un autre temps et une autre langue, en faire un autre texte. Poétique pour poétique » écrit Henri Meschonnic (1999 : 27). C’est cette inscription qui fait « [l]a force d’une traduction réussie » (ibid. : 57). De même, pour Bonnefoy, le traducteur doit faire entendre sa propre voix dans la traduction et rendre sa présence sensible dans le texte traduit : « Le traducteur ne doit absolument pas se garder d’être lui-même », écrit-il (Bonnefoy 2013 : 47). Ou encore « la traduction de la poésie se doit d’être poésie autant que ce poème a pu l’être » (ibid. : 53).
La voix de Bonnefoy traducteur dans ses traductions de Hamlet
27Répondre à l’original avec sa propre voix, c’est bien ce que fait Bonnefoy, à tous les niveaux (lexical, syntaxique, poétique) dans ses cinq traductions de Hamlet. Prenons des exemples dans le cadre de la traduction du fameux monologue de Hamlet, à l’acte III, scène 1, qui sont des indices de ré-énonciation trahissant la voix de Bonnefoy. Au niveau lexical, si Bonnefoy donne souvent aux termes anglais leurs équivalents français, on peut être surpris par trois occurrences où un terme apparenté existe en français, et où Bonnefoy opte cependant pour un synonyme. C’est le cas des mots « conscience » (v. 82) et « resolution » (v. 83), traduits respectivement par « réflexion » et « décision » dans les cinq traductions, ou encore de « enterprises » traduit par « projets » (v. 85).
28Au niveau poétique, prenons l’exemple de la manière dont Bonnefoy traite les sonorités entre les vers 65 à 69 :
When we have shuffled off this mortal coil,
Must give us pause. There’s the respect
That makes calamity of so long a life.
For who would bear the whips and scorns of time [...]
29En anglais, des sonorités sifflantes ([s]) et fricatives ([f]) plutôt douces, alternent avec des sons plus durs comme le [t], le [k], le [g] et le [p]. En français, c’est sur ces dernières sonorités plus dures que Bonnefoy met l’accent : le [k], le [d], le [r], le [t], le [p], ainsi que le [v], plus dur que le [f] ou encore les doubles consonnes comme -dr, -vr, -fr :
Car l’anxiété des rêves qui viendront
Dans ce sommeil des morts, quand nous aurons
Réduit à rien le tumulte de vivre,
C’est ce qui nous réfrène, c’est la pensée
Qui fait que le malheur a si longue vie.
30C’est le cas des versions de 1957, 1962 et 1965. En 1978 et 1988, la traduction change quelque peu (le passage modifié est signalé en gras) :
Car l’anxiété des rêves qui viendront
Dans ce sommeil des morts, quand nous aurons
Chassé de nous le tumulte de vivre,
Est là pour retenir, c’est la pensée
Qui fait que le malheur a si longue vie.14
31Mais l’abondance des sonorités dures est aussi forte que dans les versions précédentes. Ainsi, le poète interprète ce passage à sa manière et met en avant le côté sévère, désespéré du personnage de Hamlet, par le biais des sonorités dures. Il interprète donc le texte et son personnage principal.
32Le jeu avec les sonorités est donc l’occasion d’autres déviances – ou dissonances – avec l’original.
33Bonnefoy est en quête de sa propre manière de respecter Shakespeare. Mentionnons un autre trait distinctif de la traduction de Bonnefoy : au niveau lexical, son langage est souvent plus soutenu que celui de Shakespeare. Bonnefoy semble avoir du mal à rendre le côté « trivial », qui est cependant l’une des caractéristiques les plus importantes de l’anglais de Shakespeare. Il note en effet combien la poésie anglaise « s’engage dans le monde du relatif, de la signification, de la trivialité (le mot est intraduisible), de l’existence de tous les jours, d’une façon presque impossible en français dans la poésie la plus “haute” »15. Ainsi, Bonnefoy utilise une diction plus soutenue – et parfois même désuète – que celle de Shakespeare ou d’autres traducteurs contemporains. Ainsi, dans le monologue de la reine qui se lamente sur la mort d’Ophélie (acte IV, scène 7, vers 163-180), on trouve les expressions « grosser name » et « cold maids » (vers 167-168). Or, chez Bonnefoy, la trivialité de ces termes est absente : « grosser name » devient « un mot plus libre » et « cold maids » devient « chastes vierges » (traduction de 1988). Les connotations très crues de l’anglais sont gommées. Par contraste, Jean-Michel Déprats traduit par « nom grossier » et « froides vierges » sans gommer les allusions sexuelles (Déprats 2004, v. 167-168). André Markowicz, qui écrit « dont les pâtres parlent grossièrement » et « que nos vierges appellent froidement » (Markowicz 1996, v. 167-168), conserve donc les connotations sexuelles, même si elles sont quelque peu atténuées par l’usage de l’adverbe. Déprats comme Markowicz diffèrent donc de Bonnefoy, qui est le seul à faire fi des allusions triviales.
34Par ailleurs, Bonnefoy transforme souvent des adjectifs ou des verbes en noms16, ce qui correspond au procédé de la transposition, et il utilise souvent une structure tirée de sa propre poésie : celle de deux noms liés par la ligature de, ainsi que l’a fait remarquer Jérôme Thélot (1983 : 132). La traduction de « damned ghost » par « spectre de l’enfer » (acte III, scène 2, vers 76) ou celle de « the strong law » par « la rigueur de la loi » (acte IV, scène 3, vers 3 – traductions de 1957 à 1978) sont des exemples des déviances qu’il fait ainsi subir au texte. Il a aussi tendance à préférer les noms singuliers aux noms pluriels : là encore, cet attrait pour les « grands noms singuliers » censés exprimer les substances, vient de sa propre écriture poétique (Thélot 1983 : 130). C’est là un autre indice de ré-énonciation.
35Cependant, si l’usage des substantifs est un trait de la poétique de Bonnefoy, il est aussi, selon notre poète, l’une des tendances de la langue française, qui a une prédilection pour le monde de l’intelligible, tandis que l’anglais est davantage attiré par le monde sensible. Le français est racinien, une langue d’essences, selon Bonnefoy. En effet, selon lui, ce que révèle la langue française « c’est que ses mots connotent pour la plupart, non des aspects empiriquement définis » – ce qui est le cas de l’anglais – « mais des entités qui ont l’air d’exister en soi, comme support d’attribut qu’auront à déterminer et différencier les diverses sortes de connaissances » (Bonnefoy 1992 : 260). Les aspects et le sensible d’un côté, les entités ou les essences de l’autre : on comprend aisément comment, alors que l’anglais choisira les adjectifs, le français se tournera vers les substantifs pour décrire une même réalité, à en croire Bonnefoy. Ainsi, en transposant verbes et adjectifs en substantifs, il va dans le sens de la langue d’arrivée, de sa langue, le français selon la conception mais aussi la pratique qu’il en a, puisque ses traductions comme son œuvre révèlent une nette abondance de substantifs. Jérôme Thélot note à ce sujet que « puisqu’elle vise l’intériorisation des substances, l’œuvre de Bonnefoy accorde au substantif la prédominance sur les verbes et les adjectifs » (Thélot 1983 : 130). Cette conception racinienne de la langue marque distinctivement son énonciation comme sa ré-énonciation.
36Au niveau syntaxique, le texte des traductions de Bonnefoy se caractérise assez nettement par sa concision. Alors que la structure du français fait qu’une traduction d’un texte anglais se révèle souvent plus longue que l’original, ce n’est que très rarement le cas des traductions de Bonnefoy. Les phrases françaises sont, en effet, soit de longueur très semblable à celle des phrases anglaises, soit, chose surprenante, plus courtes. Bonnefoy travaille donc dans le sens de la brièveté, de la densité de sa traduction, et ce, en abrégeant, en condensant l’original. Ainsi, dans le monologue de Hamlet, deux termes ou davantage sont condensés en un seul17, de sorte à produire un maillage lexical plus serré. Bonnefoy choisit donc de modifier le texte source et, en cela, manifeste sa présence de traducteur, tout en affirmant son désir d’en faire un nouveau texte en français.
37En matière de poétique, Bonnefoy emploie volontiers des stratégies de compensation, c’est-à-dire que s’il ne respecte pas un procédé poétique utilisé par Shakespeare à un certain moment du texte, il le recrée soit quelques lignes plus loin, soit différemment. Ce phénomène vient là encore signaler la présence de sa voix ré-énonciatrice. Ainsi, il ne respecte pas toujours les enjambements là où ils apparaissent dans le texte shakespearien pour les recréer un peu plus loin. Quant aux sonorités, il arrive que Bonnefoy renforce une allitération ou une assonance créée par le texte original ; dans d’autres cas, il va remplacer une allitération ou une assonance en utilisant une consonne ou une voyelle différente, selon une technique de compensation. Prenons l’exemple de l’acte IV, scène 7 : aux vers 171-172, une assonance en [i] est produite par les mots « weedy », puis « weeping », renforcés par « trophies » et « in » ; dans l’impossibilité de recréer cet effet sonore, Bonnefoy opte pour une allitération en [f] dans les versions de 1978-1988, suggérée par le texte shakespearien (« trophies », « herself »), grâce aux mots « Ophélie »18 and « trophées », et la complète par une allitération en [s], présente dans toutes les versions : en 1957 et 1962, Bonnefoy écrit « Et elle et ses trophées agrestes sont tombés/ Dans le ruisseau en pleurs », avant d’opter pour « Et Ophélie et ses trophées agrestes/ Sont tombés où l’eau pleure » (1978-1988). Les choix lexicaux de Bonnefoy semblent vouloir suggérer, par leurs sonorités, le bruit du feuillage et celui de l’eau du ruisseau. Bonnefoy respecte donc les qualités poétiques de l’original en les recréant dans sa propre langue et avec sa propre voix de poète.
38Prenons enfin l’exemple du pentamètre iambique : alors que le mètre de la poésie shakespearienne repose sur les accents, la métrique française est fondée sur les syllabes. Ce trait la rend impropre, selon l’approche racinienne qui est celle de Bonnefoy, à rendre le caractère très rythmé du texte original. Cependant, Bonnefoy s’efforce de rendre le rythme du pentamètre iambique et surtout les accents qu’il fait porter sur certains termes par d’autres moyens, qui sont autant d’écarts avec l’original. Cela peut prendre la forme d’un habile choix lexical, de la ponctuation, qui lui permet de mettre en valeur certains termes ou de créer un rythme particulier, ou encore d’une combinaison de la syntaxe, de la ponctuation et du lexique. Ainsi, à l’acte III, scène 3, le vers 94, « Ah that his soul may he as damned and black », comporte des accents sur « damned et black », deux adjectifs également mis en valeur par la sorte de « découpage » produit par les consonnes -d et -b. Bonnefoy rend cela en intervertissant l’ordre des adjectifs, mais aussi en insérant l’adverbe « alors », qui marque une pause entre ces deux adjectifs ainsi soulignés : « Et que son âme soit aussi noire, alors, et maudite » (traductions de 1978 et 1988).
39En outre, Bonnefoy choisit à dessein le vers libre, car il juge impossible d’imposer un cadre rigide comme l’alexandrin à la poésie de Shakespeare. Plus précisément, il opte pour l’hendécasyllabe, vers de Il pieds qui permet de rendre quelque chose du pentamètre iambique, d’en suggérer le rythme, tandis que les variations autour de ce mètre irrégulier (tantôt allongé en un alexandrin ou un vers de treize syllabes, tantôt raccourci en un décasyllabe) recréent le caractère imprévisible de l’iambe. En outre, le vers de Il pieds restitue l’hésitation, l’oscillation entre réel et idéal que Bonnefoy lit dans le pentamètre iambique de Shakespeare.
Quand on le coupe après le sixième, il commence avec une indication de l’idéal, mais c’est pour s’achever, après ces cinq syllabes qui ramassent et laïcisent, comme un fait ouvert à l’avenir d’autres faits. [...] Le vers de onze pieds [...] sera l’ombre portée de la régularité impossible dans le champ de la traduction. (Bonnefoy 1998 : 205)
40Ainsi, il a adopté l’hendécasyllabe dans sa traduction de Hamlet, car ce vers exprime la double polarité à l’œuvre dans l’œuvre shakespearienne, entre l’idéal d’un côté et le réel de l’autre, entre la régularité formelle et la perfection, entre la clôture et l’ouverture. Toutefois, il faut mentionner que l’hendécasyllabe est un mètre impair que Bonnefoy a aussi adopté dans sa propre poésie, suite à ses traductions de Shakespeare. Il impose donc sa propre poétique au texte traduit, mais cette poétique – ou plutôt cette voix poétique – a pris forme grâce à la traduction de Shakespeare.
L’autonomie de la voix du traducteur
41Bonnefoy nous laisse entendre la voix de Shakespeare en la réincarnant dans une autre forme poétique. Tout se passe comme si, au fil des traductions, Bonnefoy répondait à Shakespeare avec sa langue et sa poétique. Bonnefoy traduit en poète et produit un nouveau texte de poésie. Si la voix de l’auteur constitue une déviance, la voix du traducteur est une déviance de la déviance, une série de micro-déviances sporadiques, mais qui peuvent acquérir une certaine systématicité ; et précisément,
lorsque se fait jour une certaine systématicité de la déviation, lorsque la voix du traducteur conquiert une certaine autonomie, c’est que la traduction, sortant de ce degré zéro de la réappropriation qu’est le mimétisme, s’est faite confiscation, recréation ou même création. (Folkart 1991 : 398)
42Or, voici précisément ce que l’on constate dans la traduction de Hamlet : Bonnefoy a imposé une série de déviances19 au texte original, de sorte que ce n’est pas la voix de Shakespeare que l’on entend, et cela ne peut l’être ; c’est la voix de Shakespeare filtrée et ré-énoncée par Bonnefoy. Bonnefoy, en ré-énonciateur, rend palpable sa voix dans le texte, qui se distingue par un certain nombre de déviances, d’indices, la constituant en système. Ainsi l’abondance de substantifs et de structures nominales, le rejet du vocabulaire trivial, la densité lexicale, la clarté de la syntaxe, l’abondance d’allitérations et d’assonances sont autant de ces déviances. Et c’est cette systématicité qui nous amène à conclure que sa traduction est ré-énonciation, re-création. Non seulement sa voix se distingue de celle des autres traducteurs de Hamlet, comme Jean-Michel Déprats, André Gide, ou encore André Markowicz, mais elle possède une identité bien distincte, une musique qui lui est propre, audible à travers son lexique, sa syntaxe, son rythme, ses sonorités.
43Par ailleurs, même si Bonnefoy s’efforce de rendre audible la voix de Shakespeare, dans cette ré-énonciation qu’est la traduction, il ne peut manquer de faire entendre sa propre voix. C’est en ce sens que la notion de ré-énonciation nous a paru pertinente pour éclairer la pratique de Bonnefoy. Bonnefoy ne se contente pas d’une recherche d’équivalence, mais s’efforce de créer un texte nouveau.
44En outre, dans le cas de Hamlet, Bonnefoy ne fait pas une seule, mais plusieurs ré-énonciations. Or, dans chacune d’elles, les indices de ré-énonciation diffèrent, les déviances imposées au texte original ne sont pas nécessairement les mêmes. Il n’y a donc pas une seule systématicité, mais des systématicités multiples, ou croisées, la voix de Bonnefoy se modifiant sans cesse. Bonnefoy semble chercher le timbre de sa voix au fil des traductions/ ré-énonciations, ce en quoi l’on peut également voir une certaine prise d’indépendance, un mouvement de la ré-énonciation vers l’énonciation... ou la création. C’est ainsi qu’il s’approprie, en poète, le texte de Shakespeare, et en fait un texte nouveau en français, un texte d’Yves Bonnefoy.
La ré-énonciation comme appropriation et re-création
45Les traducteurs-poètes ne peuvent traduire des poèmes sans « les agréger à leur propre recherche » écrit Bonnefoy (2000 : 9). Bonnefoy fait œuvre de ré-énonciation, de re-création, et s’approprie le texte de départ. Or, comme l’a montré Barbara Folkart, le traducteur fait nécessairement sien le texte qu’il ré-énonce. Et la traduction poétique, cas bien particulier, en ce qu’elle n’est pas seulement remédiation d’un contenu propositionnel mais re-création de la sémiotique du texte de départ, « exige du ré-énonciateur une inventivité analogue à celle de l’énonciateur » (1991 : 222). Au faire interprétatif succède le faire re-créatif, qui, comme la création, est une interaction du sujet traduisant avec la matière à sa disposition, c’est-à-dire la langue et le polysystème d’arrivée ; ce faire re-créatif, qui produit des solutions inédites, ne saurait être considéré comme une pratique « objective » (1991 : 375). Le sujet qui interprète, remédiatise, et re-crée le texte de départ à travers le médium de sa langue-culture s’inscrit dans le texte d’arrivée, use de certains matériaux linguistiques et stylistiques qui lui appartiennent en propre20. Les décalages et les filtrages qui apparaissent dans le texte d’arrivée attestent du travail recréateur effectué par le traducteur. Une nouvelle poétique est donc à l’œuvre dans la traduction.
46Folkart définit la traduction comme un travail, et qui dit travail dit irréversibilité : la ré-énonciation traductionnelle est une opération irréversible et singulière. Elle est une intervention d’un sujet traduisant dont la présence se fait palpable, dans l’épaisseur même de la traduction. Tout texte possède sa propre organicité, sa propre cohérence, et un poème, où chaque élément formel fait sens, plus encore. Cette organicité est inévitablement détruite par le changement de médium linguistique. Il s’agira dès lors de re-créer une organicité et une cohérence semblable, c’est-à-dire d’écrire un texte nouveau. Et la production d’un texte véritable suppose que le traducteur s’approprie le texte de départ, qu’il fasse sienne sa visée, qu’il recrée son vouloir-dire. En fait, en s’appropriant l’original pour ultimement énoncer un « texte véritable » (Folkart 1991 : 436), re-créer un poème nouveau, qui possédera sa propre cohérence et sa propre organicité, en choisissant de faire entendre sa propre voix, peut-être le traducteur est-il le plus respectueux du texte original, dont il réactualise le vouloir-dire dans une autre langue et une autre poétique. Telle est précisément la position de Bonnefoy.
47Selon Bonnefoy, la tâche du traducteur est de « recommencer en la personne qu’il est le mouvement par lequel le poète avait déjà su porter, dans sa signifiance sans fond, l’unicité de son dire » (Bonnefoy 2000 : 37). Il doit faire à son tour acte de création, inventer sa propre poétique. Bonnefoy décrit l’acte de traduire comme une seconde « traversée », au sens où comme l’auteur de l’original, il traverse le langage pour mettre en mots une œuvre :
Et au lieu d’être comme avant, devant la masse d’un texte, nous voici à nouveau à l’origine, là où foisonnait le possible, et pour une seconde traversée, où l’on a le droit d’être soi-même. Un acte, enfin ! (Bonnefoy 1990 : 153)
48Lors de cette seconde traversée, le traducteur a le droit d’être lui-même, et en toute bonne conscience, selon Bonnefoy. Cette seconde traversée correspond à un nouveau commencement, à la naissance d’un second poème. Bonnefoy définit la traduction comme un acte de poésie ; traduire un poème, c’est « la répétition de cet acte de donner forme, de créer qui a été cause de l’œuvre » (Bonnefoy 2000 : 47). Une telle comparaison nous donne à comprendre que la traduction poétique n’a rien à voir avec l’imitation et va plus loin que l’interprétation : elle est création. De plus, la traduction ne devrait pas être considérée inférieure à l’original. La traduction d’un poème est aussi un poème, selon Bonnefoy, une création à part entière, qui n’a pas de dettes envers l’original, et ce d’autant plus qu’elle est l’œuvre du poète-traducteur qui s’inscrit en elle autant que l’auteur l’avait fait dans l’original. Elle n’est pas re-création au sens de création seconde, vouée à être asservie à l’original, mais création, car elle possède sa propre autonomie : « Quant à être self-sufficient, la traduction y est obligée, puisque c’est la condition de sa genèse, laquelle est poème et implique la présence d’un être avec toute sa liberté » (Bonnefoy 2000 : 66). Une fois la traversée de la traduction accomplie, le poème qui naît sur la rive du traducteur lui appartient en propre, à en croire Bonnefoy. Il est donc inévitable, mais aussi nécessaire que le traducteur fasse entendre sa propre voix dans la traduction.
Conclusion
49La notion de voix vient exprimer une continuité entre un sens et une forme, une expérience et une parole, un être et une matière verbale et sonore. La voix est une subjectivité devenue audible dans le verbe. Ainsi, dans le cas de Hamlet traduit par Bonnefoy, notre traducteur a mené un dialogue constant avec Shakespeare dans l’objectif de mieux entendre la voix de Shakespeare, mais aussi de mieux définir sa voix de poète-traducteur. En effet, l’écriture de Bonnefoy acquiert sa propre organicité au fur et à mesure des cinq traductions, de même que son texte gagne en autonomie pour se faire œuvre nouvelle en langue française. De là, Bonnefoy nous amène à envisager la traduction poétique non pas comme seule ré-énonciation, mais comme une re-création, ou plutôt la création d’un poème nouveau. Bonnefoy fait partie de ces écrivains-traducteurs qui ne séparent pas leur pratique traduisante de leur propre activité créatrice. Ainsi, si sa voix est audible et identifiable, par différenciation avec celle d’autres traducteurs, ce phénomène ne relève pas seulement de l’inévitable inscription du sujet traduisant dans son texte, mais d’un désir conscient et avoué de faire œuvre poétique nouvelle.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 En 1957, 1959, 1962, 1978 et 1988. Voir bibliographie.
2 « Au sens large, la "voix" comprend la phraséologie, la répétition, l’usage de la métaphore, l’ironie, le rythme, la syntaxe, les registres stylistiques, ce que l’on pourrait appeler les cadences, ainsi que les changements de rythme et de tempo – sans que l’on puisse prétendre au caractère exhaustif de cette liste » (notre traduction).
3 Folkart définit l’isotopie comme « ensemble de lieux textuels manifestant un trait (sémantique, lexical, phonémique, phonétique rythmique, etc.) dont la récurrence fait sens. L’isotopie peut être envisagée comme le paradigme dont la projection sur l’axe syntagmatique contribue à fonder la signifiance et la cohérence du texte » (1991 : 445). Quant à l’« isotopie subjective (voix) », c’est « l’ensemble des lieux (subjectivèmes) s’indexant sur une seule subjectivité. [...] » (Folkart 1991 : 446).
4 De la substance, Folkart nous dit qu’elle est : « La matière mise en forme par une sémiotisation qui la récupère et la travaille. [...] Au niveau du discours, la substance, c’est le syntagme tel qu’il se livre à l’observation (les structures déployées à la surface du texte), par opposition à sa sous-jacence enfouie, la macro-forme discursive. Manifestons, la substance actualise la forme sous-jacente (manifestatum) qui l’intègre au système ou au syntagme » (Folkart 1991 : 453).
5 La pragmatique a été définie comme l’étude des relations entre le langage et le contexte dans lequel il est employé. Stalnaker en offre la définition suivante : « Syntax studies sentences, semantics studies propositions. Pragmatics is the study oflinguistic acts and the contexts in which they are performed [Les phrases sont l’objet de la sémantique, les propositions celui de la sémantique. La pragmatique est l’étude des actes linguistiques et des contextes d’énonciation] » (Stalnaker 1972 : 383, notre traduction).
6 « Face aux mythes de l’absolu, de la traduction transparente et du traducteur-absence, l’épaisseur de la traduction atteste, d’une part, que le traducteur y met du sien (et de son univers), d’autre part que la transparence et l’objectivité sont des visées, pas des états de fait » (Folkart 1991 : 375).
7 Folkart définit la macro-forme discursive comme « la constellation de formes soustendue aux structures déployées à la surface d’un texte. Cette forme des formes peut être envisagée comme une matrice constituée par l’ensemble des isotopies dont est sillonnée le texte » (Folkart 1991 : 446).
8 II est d’ailleurs intéressant de remarquer l’importance de la notion de voix – et du mot « voix »– dans l’œuvre poétique de Bonnefoy. Ce dernier a intitulé plusieurs poèmes « Une voix », a écrit un poème en hommage à Kathleen Ferrier qu’il a appelé « À la voix de Kathleen Ferrier », et a fait paraître un livre sous le titre La Poésie à voix haute. De cette importance de la voix chez Bonnefoy témoignent un certain nombre d’études récentes, parues notamment dans le collectif Yves Bonnefoy. Écrits récents (2000-2009) (Labarthe et al. 2011).
9 On peut aussi faire un parallèle avec Henri Meschonnic au sujet du rythme, dans la mesure où ce dernier définit le rythme comme le continu en acte dans le langage. Le rythme est, selon lui, essentiel à toute poétique du traduire, car il permet de dépasser le discontinu du signe, de ne plus opposer forme et sens.
10 Qu’est-ce que la voix ? demande Bonnefoy. « L’expression de notre pensée ? Non, bien plutôt la présence sous celle-ci d’un corps aussi immédiat que ce son ou ce bloc de pierre [...] » (2013 : 35).
11 Si le discours est l’activité d’un homme « en train de parler » (Humboldt), cette énonciation « entraîne une activité du sujet qui, de sujet dans l’énonciation, peut devenir une subjectivation du continu dans le continu du discours, rythmique et prosodique » (Meschonnic 1999 : 12).
12 Cette notion peut être contestable et pose certaines difficultés du point de vue historique, du fait du débat sur la dimension individuelle ou collective de l’écriture shakespearienne. Pour Bonnefoy, Shakespeare a produit ses œuvres seul, il représente une sensibilité individuelle et en aucun cas un travail collectif. Tel est ce qu’il affirmait au cours de notre entretien avec lui le 19 décembre 2006 au Collège de France, soutenant que les pièces de Shakespeare sont les œuvres d’un seul homme. Cette approche influence nécessairement sa traduction.
13 Dans ses essais sur Shakespeare et sa traduction, Bonnefoy appelle ce dernier un « poète » et non un dramaturge. Voir par exemple Bonnefoy 1998 : 178.
14 Dans les deux extraits cités, c’est nous qui soulignons.
15 Cependant, Bonnefoy note que, si la poésie française n’a pas de Mercutio, celui-ci peut y apparaître pour rappeler à la poésie française son devoir de trivialité (Bonnefoy 1992 : 259).
16 Exemples d’adjectifs transformés en noms : à l’acte I, scène 3, vers 48, l’adjectif « thorny » est traduit par « ronces » dès 1978 ; « a more removed ground » est rendu par « un lieu plus à l’écart » dès 1978 également (acte I, scène 4, vers 61). Du côté des verbes transformés en noms, on remarque que l’expression « against the burning zone » (acte V, scène 1, vers 265) est traduite par « en la région du feu » (1957-1965) puis « aux demeures du feu » (dès 1978) : donc le participe présent « burning » est remplacé par un nom dans toutes les versions. Dans la phrase « There’s such a divinity doth hedge a king » (acte IV, scène 5, vers 121), le verbe « hedge » est remplacé par le nom « haie » : « une haie si sacrée protège les rois » (traductions de 1957 à 1978).
17 Exemples : « natural shocks » (v. 61) est traduit par le seul mot de « blessures » (dans toutes les versions). L’expression « proud man », au vers 70, devient « l’orgueil ».
18 Dans les versions antérieures, le texte comportait « elle » et non « Ophélie », et l’allitération en [f] était donc absente.
19 Nous n’envisageons pas ces déviances comme problématiques, l’approche de Folkart étant bien moins normative que celle de Berman avec ses « tendances déformantes » (voir Berman 1985 et 1999) ; au contraire, les déviances sont ce qui permet le phénomène « positif » de la ré-énonciation qui est production, re-création, et où une voix nouvelle se fait entendre.
20 Certes, ces choix peuvent être conventionnels (on parlera de sociolecte), ou bien ils peuvent être personnels (et on est alors face à un idiolecte). Notons par ailleurs que réapparaît ici le lien étroit entre création et appropriation.
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Pour une interdisciplinarité réciproque
Ce livre est cité par
- Brisset, Annie. (2019) La traductologie canadienne au fil des publications (1970-2017)1. TTR, 30. DOI: 10.7202/1060021ar
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