Introduction
p. 267-268
Texte intégral
Dans leurs textes théoriques, beaucoup de romanciers ont dit l’importance qu’ils donnent à l’espace pour caractériser le personnage et faciliter sa compréhension par le lecteur. On sait comment, chez Balzac, la mention détaillée du cadre de vie a pour fonction d’expliquer l’homme par son environnement, qui est à la fois cause et effet de la personnalité qui l’habite. En effet, l’espace structure le personnage, mais aussi est structuré par lui. Chez les naturalistes et leurs contemporains, le cadre de vie apparaît plus intimement encore mêlé à l’action romanesque. Dans un article de 1880, Zola dresse un rapide historique de la description, mais signale que ce mot est devenu, à son époque, « impropre », puisque le but du romancier n’est plus de « décrire pour décrire », mais de « déterminer et compléter ». Et il insiste :
Nous estimons que l’homme ne peut être séparé de son milieu, qu’il est complété par son vêtement, par sa maison, par sa ville, par sa province ; et, dès lors, nous ne noterons pas un seul phénomène de son cerveau ou de son cœur, sans en chercher les causes ou le contrecoup dans le milieu. De là ce qu’on appelle nos étemelles descriptions1.
On comprend que la mention de l’espace ne réside pas dans une description, inaugurale ou non, placée en des points stratégiques du texte, mais qu’elle est intimement mêlée à l’intrigue romanesque, dont elle devient indissociable. Le cas du personnage enfantin pose, ici encore, un problème particulier. L’espace en effet donne la mesure du pouvoir d’un être sur le monde. Les adultes évoluent dans un univers à leur taille, conçu par et pour des « grandes personnes ». L’enfant, lui, n’est pas à la même échelle. Le monde est trop grand pour lui, que ce soit au sens matériel ou au sens moral. Ses moyens forcément limités ne lui assurent pas la maîtrise de cet espace. On voit donc poindre un sujet romanesque fondamental : l’appropriation progressive par l’enfant du monde qui l’entoure.
Notes de bas de page
1 « De la description » dans Le Voltaire, 8 juin 1880. Repris dans Du roman, éd. Complexe, 1989, p. 59-66. Zola tient en particulier à justifier ici les cinq descriptions de Paris qui jalonnent Une page d’amour.
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