Chapitre II. La projection du personnage dans l’avenir
p. 365-381
Texte intégral
La vie qui l’attend compte beaucoup pour l’enfant : entouré d’adultes, il sait que son destin est de grandir et de devenir plus ou moins semblable à eux. Compte tenu de la faiblesse de ses moyens, il ne peut d’abord que vouloir un avenir qu’il se représente plus ou moins confusément, selon les influences qui s’exercent sur lui. Dans la plupart des cas, ce projet commence par des rêveries fondées sur une culture enfantine inculquée ou acquise personnellement, à travers des images et des livres. Puis l’enfant qui grandit commence à percevoir plus personnellement son avenir, échafauder un projet de vie, et tendre à le réaliser en dépit des obstacles. Il y a là tout un programme romanesque.
1.Les modèles
1Les modèles choisis sont rarement ceux de l’entourage très proche ; non pas les parents, mais des relations plus éloignées. Jacques Vingtras, enfant, est fasciné par son oncle Joseph, « un paysan qui s’est fait ouvrier », totalement différent de ses parents qui ont renié la paysannerie pour la petite bourgeoisie. Ce menuisier, compagnon du Devoir, représente pour Jacques un modèle qu’il n’oubliera pas, puisqu’à l’avant-dernier chapitre, encore, on le voit notifier à son père cette volonté de devenir ouvrier1. Le désir d’identification à des proches peut aussi se former très progressivement et être perçu d’abord comme un rejet de leurs modes de vie, qui devient ensuite de l’admiration. Le héros de Loti rencontre au collège de futurs marins, et ses sentiments à l’égard des élèves dont nous savons que, plus tard, il embrassera la carrière, sont complexes :
Deux jours par semaine, pendant les classes d’histoire, j’étais mêlé aux élèves des cours de marine, qui portaient des ceintures rouges pour se donner des airs de matelots et qui dessinaient sur leurs cahiers des ancres ou des navires.
Je ne songeais point à cette carrière-là pour moi-même ; à peine deux ou trois fois y avais-je arrêté mon esprit, mais plutôt avec inquiétude2.
Le romancier crée donc une distance entre l’enfant et les figures qui guident sa vocation. Il s’agira plus fréquemment de personnages historiques que de personnes appartenant au monde de la narration.
Les personnages historiques
2La période qui suit la guerre de 1870 est marquée par un essor de l’enseignement de l’histoire, destiné à fortifier chez les enfants le sentiment patriotique. Un véritable Panthéon de figures proposées à l’admiration des enfants se constitue. Christian Amalvi a étudié la constitution de ces listes de gloires nationales à travers les manuels d’histoire (de l’école laïque et de l’école catholique) et les livres de prix3 ; on les voit aussi dans les romans. C’est Le Tour de la France par deux enfants qui nous en donne le témoignage le plus net. On sait que Julien a reçu en cadeau un livre sur les grands hommes de la France et que de nombreuses notices à leur sujet sont intercalées dans la narration4. Les deux éditions du Tour de la France, l’originale puis la version laïcisée, ne présentent qu’un petit nombre de différences. La catégorie qui domine largement, en suivant le classement de Christian Amalvi, est celle des « écrivains, bienfaiteurs, artistes ». Les choix de Bruno sont révélateurs des conceptions de la IIIème République, valorisant les sciences et les techniques, puisqu’une large place est faite aux inventeurs de génie comme Monge, Riquet, Ambroise Paré, Niepce... Dominique Maingueneau, analysant ce « Panthéon », montre que chaque personnage cité incarne à la fois un état-civil sociologique, voire mythologique, et une « vertu cardinale » ; l’ensemble de ces vertus constitue « une sorte de table des comportements nécessaires et suffisants pour constituer le “bon” citoyen de la IIIème République5 ».
3Bruno insiste particulièrement sur l’enfance de ces grands hommes, qui se signalent soit par une précocité exceptionnelle, comme Lavoisier, qui « dès sa première jeunesse [...] montra un goût très vif pour les sciences » et fut élu « dès l’âge de vingt-cinq ans » membre de l’Académie des sciences, soit par une apparente lenteur d’esprit qui cache le génie, comme Fresnel, lequel
[...] fut d’abord un enfant paresseux ; il était à l’école le dernier de sa classe. Mais il ne tarda pas à comprendre qu’on n’arrive à rien dans la vie sans le travail, et il travailla avec tant d’ardeur pour réparer le temps perdu qu’à l’âge de seize ans et demi il entrait un des premiers à l’Ecole polytechnique6.
Dans les deux cas, donc, le lecteur trouve une possibilité d’identification et une motivation au travail. Les héros de ces notices sont présentés avec simplicité, dans leur milieu familial souvent modeste. Il s’agit donc d’une sélection de figures positives, qui ne recouvre pas tout à fait le dépouillement opéré par Christian Amalvi sur un large corpus, dans lequel souverains et hommes politiques occupent une place plus importante.
4Le caractère didactique du livre prime ici nettement sur l’aspect fictionnel. L’insertion des notices se fait par le truchement du livre que Julien transporte partout avec lui ; elles sont composées dans un caractère différent de celui du récit-cadre. Mais la liaison des deux niveaux est faite cependant, à plusieurs reprises, par l’auteur, qui tâche de montrer l’influence morale exercée par ces modèles sur le jeune garçon. Par exemple, juste après avoir lu la vie de Bayard, Julien confesse son manque de courage au moment de son entorse, et avoue : « J’ai eu bien honte de moi tout à l’heure en lisant la vie de Bayard » ; l’effet de la lecture est durable, puisque, plus tard, au chapitre suivant, on découvre les pensées de Julien :
Le petit garçon était bien désolé, mais il se rappela fort à point les résolutions de courage qu’il venait de prendre après avoir lu la vie du chevalier sans peur et sans reproche : il voulut donc faire aussi bonne figure devant cette déception nouvelle que le grand Bayard eût pu faire en face des ennemis7.
Le cas du livre de Bruno est particulièrement remarquable, mais cette façon de présenter les grands hommes comme des modèles qui infléchissent la vie des jeunes héros se trouve en d’autres ouvrages. Le roman de William Busnach, Le Petit Gosse, explique le comportement de Gilbert et son évasion des Enfants Trouvés par son admiration pour Du Guesclin, dont il a lu les exploits dans un livre de prix8. Gilbert se réfère à plusieurs reprises à ce modèle dont la pensée lui donne du courage dans ses nombreuses épreuves. L’intention, ici, n’est pas didactique, le livre s’adressant, semble-t-il, à des adultes, mais c’est un effort de reconstitution de la pensée enfantine.
La vie des saints
5Nous avons vu plus haut, à propos du choix des prénoms, l’importance de l’hagiographie qui fournit des référents communs à l’auteur et au lecteur. Mais les vies de saints sont présentes aussi à l’intérieur de la fiction, pour présenter à l’enfant d’autres modèles. Les saints joignent à leur historicité, que l’on postule, un caractère plus fabuleux par l’intervention fréquente du merveilleux dans les récits. A la frontière de l’Histoire et de la légende, la figure de Jeanne d’Arc prend beaucoup d’importance à cette époque9 ; on ne s’étonnera pas de la trouver proposée comme modèle aux jeunes enfants, puisque en elle s’associent de nombreux éléments éducatifs : son patriotisme, sa ténacité en dépit de tous les obstacles, notamment de la modestie de ses origines, sa condition féminine bravement dominée et, enfin, pour les croyants, sa foi religieuse indéfectible. De ce point de vue, Jeanne d’Arc se présente comme un personnage ambivalent ; Christian Amalvi montre bien que, loin de réconcilier les Français, elle met en évidence leurs dissensions10. Jeanne, personnage historique, dont la mention se veut stimulante en ces temps de revanche, est aussi une sainte dans la vie de laquelle certains éléments font appel au surnaturel. Il y a de quoi inciter certains jeunes lecteurs à la fois au rêve et à l’action.
6Zola a systématisé ce recours à des modèles de saints dans Le Rêve. Désireux de ménager dans Les Rougon-Macquart « la place de l’au-delà11 », il dépouille La Légende dorée, récit de la vie des saints par Jacques de Voragine12, et en extrait tout ce qui peut contribuer à former son héroïne, Angélique la bien nommée. En effet, il ne se contente pas de caractériser son personnage par la ressemblance avec Sainte Agnès, « une petite fille comme elle », sous la statue de laquelle elle a été découverte, il fait d’Agnès et de ses compagnes, vierges et martyres, des modèles à suivre pour la fillette qui aime à se plonger dans la lecture de leur histoire et qui modifie, grâce à leur exemple, son caractère difficile.
Parmi toutes ces saintes, Angélique eut ses préférées, celles dont les leçons allaient jusqu’à son cœur, qui la touchaient au point de la corriger13 .
Cette forme de lecture éducative eut une très grande importance à la fin du XIXème siècle.
7Cependant, les héros n’évoluent pas nécessairement en conformité avec ces modèles, ils peuvent aussi se déterminer en réaction contre eux. Le roman de Mirbeau est tout à fait intéressant à cet égard, car il est nourri de références hagiographiques, avec Saint Sébastien et Saint Roch, comme nous l’avons vu, mais aussi par la valeur symbolique accordée par l’auteur aux « Saints Innocents » martyrisés, massacrés, comme le sera, moralement, Sébastien14. Mais, en même temps que Mirbeau illustre son roman de telles références, il en dénonce le caractère assez malsain pour les enfants selon lui, la sensualité latente de ces récits, le sadisme des descriptions de supplices, la naïveté des récits de miracles et des superstitions15. Il y a là une ambiguïté qui révèle le retentissement chez l’écrivain de la culture reçue dans l’enfance, joint à la volonté d’en montrer les dangers.
Une bibliothèque idéale
8D’autres personnages encore forment l’aspiration de l’enfant vers son avenir. Ce sont ceux que l’enfant a choisis de lui-même dans ses lectures de fiction, hors de la prescription scolaire. Il existe un certain nombre d’ouvrages qui, à cette époque, représentent la culture des enfants, certains livres sont mentionnés avec une grande fréquence, constituant un phénomène d’intertextualité un peu particulier. Dans les romans de l’enfance apparaît une « bibliothèque idéale ». Ce sont tout d’abord des livres d’images ou des livres illustrés qui, pour les enfants les plus imaginatifs, ont une grande force de suggestion. On voit apparaître, à travers les images, moins des modèles humains que la présentation d’autres modes de vie ignorés de l’enfant. Loti montre les étapes de la transformation de son personnage à travers deux illustrations décrites dans Le Roman d’un enfant, et nettement opposées. La première appartient à un livre offert par son frère, Voyage en Polynésie :
En tête, une grande gravure représentait une femme brune, assez jolie, couronnée de roseaux et nonchalamment assise sous un palmier ; on lisait au-dessous : « Portrait de S.M. Pomaré IV, reine de Tahiti ». Plus loin, c’étaient deux belles créatures au bord de la mer, couronnées de fleurs et la poitrine nue, avec cette légende : « jeunes filles tahitiennes sur une plage »16.
On imagine le trouble que peuvent susciter ces visions exotiques et sensuelles chez l’enfant élevé d’une façon très austère. Or, entre les deux allusions faites à ces gravures qui évoquent lumière et plaisirs, le narrateur intercale une description tout à fait différente, celle d’une Bible de sa grand-mère :
Jusqu’au dernier crépuscule, je tournais les feuillets jaunis, je regardais les vols d’anges aux grandes ailes rapides, les rideaux de ténèbres présageant les fins de mondes, les ciels plus noirs que la terre, et, au milieu des amoncellements de nuées, le triangle simple et terrible qui signifie Jéhovah17.
L’entrecroisement de ces descriptions d’images est significatif du choix de vie qui constitue le problème essentiel de ce livre, il en est la figuration concrète.
9C’est par les contes de fées tout d’abord que l’enfant entre dans le monde de la fiction. Transmis par tradition orale, parfois, ils soutiennent le jeu de l’imagination, pouvant laisser croire que la vie fait place au merveilleux, qu’on peut devenir un autre. Le Tour de la France par deux enfants, livre sérieux qui s’attache à combattre les idées irrationnelles, a beau rejeter les contes de Perrault comme bien inférieurs aux histoires vraies18, les contes figurent souvent dans l’itinéraire affectif et intellectuel des jeunes héros. C’est encore chez Loti que nous trouverons un exemple longuement développé. L’enfant a entendu raconter Peau d’Âne et en fait le point de départ de toutes ses créations, dans son petit théâtre de marionnettes ; le narrateur insiste beaucoup sur l’importance prise par « cette féerie, qui a été une des choses capitales de [s]on enfance19 ». Remarquons que ce conte est fondé sur une transformation. Bien avant que Bruno Bettelheim n’analyse la valeur des contes de fées dans la formation de l’enfant20, parents et enfants en avaient intuitivement perçu l’immense intérêt.
10En revanche, l’enfant qui grandit en vient à rejeter les contes, qui ne lui fournissent plus, sans doute, de modèles satisfaisants21. Passée l’étape où l’on rêvait d’être un autre, vient celle où l’on rêve d’amour. De nombreux héros sont présentés, au seuil de l’adolescence, comme fascinés par certains romans, parmi lesquels Paul et Virginie occupe une place de choix. Le statut de cette œuvre, au XIXème siècle, semble assez particulier, car il s’agit d’une lecture permise, mais dont le retentissement est peut-être tout autre que ce qu’escomptaient les éducateurs. Dès le romantisme, les écrivains avaient montré son pouvoir de fascination22. Goncourt, évoquant la formation sentimentale de Chérie, donne une grande place au roman de Bernardin de Saint-Pierre. La lecture, pourtant tout à fait autorisée, de Paul et Virginie la trouble profondément :
Ce gracieux et touchant amour des deux enfants commençant au berceau, ces courses par les bois, les deux têtes sous le même jupon bouffant, ce tendre emmêlement de leurs petites existences, et les fuites de Paul devant les grandes vagues au milieu des cris de l’effroi aimant de Virginie, et la soudaine réserve de Virginie à l’égard de Paul, que Chérie, lors de sa formation, se rappelait avoir éprouvée pour les petits garçons de son entourage [...] et cette prose, enfin, [...] qui fait du petit chef-d’œuvre un manuel d’amour pour les jeunes filles, produisaient, chez Chérie, un effet jusqu’alors inconnu par elle23.
Les romanciers s’accordent donc à voir, en ce livre considéré comme innocent, un ferment de trouble amoureux, qui contribue à donner aux jeunes lecteurs une intuition des plaisirs de l’amour qui les attendent dans leur vie d’adulte, et à en créer le désir.
11Si Paul et Virginie exerce une influence plutôt sur les jeunes filles, il y a un autre ouvrage très fréquemment mentionné dans les romans, Robinson Crusoé, qui semble concerner surtout les jeunes garçons. Cette référence intertextuelle présente un double intérêt. Grande est l’influence prêtée à ce livre sur les rêves d’évasion des enfants ou des adolescents. Jacques Vingtras découvre, à travers le livre de Defoe, un monde imaginaire qui lui permet d’échapper, par la rêverie, à sa triste condition24. Cette lecture suggère aussi, en relation avec les désirs de croissance de l’enfant, l’autonomie du héros : Robinson dans son île survit par ses propres moyens, il ne dépend de personne et exerce une totale maîtrise sur son territoire. Il est donc tout à fait compréhensible que les romanciers de l’adolescence fassent une large place à cet ouvrage dans la formation des héros. Danielle Dubois, étudiant la robinsonnade, y voit « l’occasion, plaisante, d’offrir un modèle de conduite : pour se maintenir en vie, dans un dénuement et un isolement complets, le héros doit compter sur son courage personnel, sans désespérer de la Providence25 ». La récurrence de cette référence est frappante. Outre les héros du roman de Jules Verne qui revivent véritablement la situation de Robinson26, ceux dont la vie est moins aventureuse se délectent aussi de cette lecture et en font le point de départ de leurs jeux27.
12Il existe donc une culture enfantine spécifique, organisée autour de quelques ouvrages auxquels les romanciers font une place privilégiée. Ces livres constituent un élément essentiel de la formation de la personnalité, et donc de l’évolution de l’enfant. Que cette culture soit absente, et l’impression produite est celle d’un enfant qui n’est pas vraiment un enfant, qui brûle les étapes, comme Petit Bob qui méprise un peu Jules Verne, mais se passionne pour Guillaume Tell, Alexandre Dumas, les tragédies de Corneille, les faits divers du Figaro, les critiques dramatiques de Sarcey dans Le Temps et les lectures clandestines dans la bibliothèque de ses parents. Les jugements littéraires portés dans le livre de Gyp correspondent plus à ceux de l’auteur qu’à ceux d’un enfant de huit ans ; c’est une façon amusante de parler de l’actualité littéraire, mais cet exemple montre a contrario l’importance, dans les autres romans, de la mention des livres aimés par les jeunes, qui permettent une véritable construction de leur personnalité.
2.La représentation de l’avenir
Le jeu, représentation du monde
13Dans la représentation que l’enfant se fait du monde adulte, jeux et jouets interviennent fréquemment, comme un moyen de mimer les activités des grandes personnes, ou de s’y insérer progressivement. Il est un objet privilégié d’une grande valeur affective, c’est la poupée, jouet de toute époque, figurant en bonne place aux côtés de nos personnages enfantins. Mais pas tous cependant : elle est l’apanage des petites filles, et Anatole France raconte avec beaucoup d’humour, dans Le Crime de Sylvestre Bonnard, comment un jeune garçon, fasciné par une poupée vue dans une vitrine, encourt les foudres d’un vieil oncle militaire :
« Acheter une poupée à un garçon, sacrebleu ! s’écria mon oncle
d’une voix de tonnerre. Tu veux donc te déshonorer !28 »
Dans la mentalité du temps, la poupée est forcément associée au féminin et figure dans les romans comme accessoire presque obligé du personnage de petite fille. Vingt-neuf occurrences de ce mot figurent dans Une page d’amour, où Jeanne, abandonnée et triste, reporte ses sentiments sur une poupée disloquée, et meurt en la serrant dans ses bras29. La poupée est une représentation miniaturisée du corps de la petite fille. On obtient donc un effet de mise en abyme, et le traitement réservé à la poupée apparaît comme un transfert de ce que vit l’enfant, les pages de Zola concernant Jeanne Grandjean sont caractéristiques à cet égard30. Goncourt, dans Chérie, analyse longuement ce rapport complexe de la petite fille à sa poupée. L’auteur commence par une réflexion de portée générale :
La poupée ! ce besoin irrésistible de la petite fille [...] cette espèce de jaillissement de l’instinct maternel !
puis, revenant à la narration, il montre le côté mystérieux des attachements de Chérie pour telle ou telle de ses poupées, et pas forcément parmi les plus belles ou les plus chères. Cette petite fille esseulée se crée un monde imaginaire qui lui permet de mettre en scène ses propres inquiétudes : Goncourt, bien des chapitres plus loin, montre Chérie devant les premières interrogations sur la sexualité, sur la nuit de noces en particulier :
Devant l’épouvantable perspective, tous les soirs, la petite Chérie, comme préparation in anima vili, déshabillait sa poupée, à laquelle elle avait fait faire une robe de mariée, et la couchait toute dévêtue, d’après le programme de sa conception du mariage31.
La poupée sert donc d’exutoire à certaines angoisses. Elle est aussi, traditionnellement, la préparation imagée de la petite fille à son futur rôle maternel, introduisant dans les romans ou les récits pour enfants une ouverture sur l’avenir. Pour un petit enfant, des jouets petits : les romans définissent souvent par eux un monde en réduction qui permet de mimer le monde adulte.
14Le jeu marque les étapes de la socialisation du héros enfantin : qu’on voie comment Jacques Vingtras passe de distractions d’enfant solitaire à des amusements collectifs avec toute la « marmaille » de Saint-Etienne32. Le détachement progressif par rapport aux jeux de l’enfance est un moyen de montrer comment l’enfant grandit, matériellement et moralement ; c’est encore Goncourt qui nous en donne la nette perception, dans un passage au présent, à valeur généralisante :
Alors la fillette, vis-à-vis de ses petites camarades, joue à la grande fille, s’écarte de leurs poupées et de leurs amusements, se tient courbée sur un livre qu’elle fait semblant de lire, travaille à une tapisserie, et, sérieuse, réfléchie, affecte de faire œuvre de femme33.
Pauline, dans La Joie de vivre, si proche de Chérie et si différente à la fois, n’a jamais aimé les jouets d’enfant. A sa première apparition, dans Le Ventre de Paris, elle tenait un chat dans ses bras ; dès le début du second roman où elle est représentée, Zola la montre dans la même attitude : « Pauline [...] avait saisi entre ses bras la Minouche, qu’elle berçait et caressait, ainsi qu’une poupée34 ». Ce personnage aime la vie, toutes les pages du roman le disent d’une façon ou d’une autre, et ici préfère le vivant à son simulacre. Ce début du roman la montre maternelle, comme elle le sera avec les enfants de Bonneville, avec le petit Paul au dernier chapitre. Son destin est ainsi préfiguré. De la représentation à échelle réduite du monde des adultes, jusqu’à l’accession à ce monde adulte même, le jeu, attentivement dépeint par beaucoup d’écrivains, permet donc de concrétiser les étapes de la croissance, de révéler en fin de compte la personnalité naissante.
La vie devant soi
15Certains enfants, pourtant, se refusent à se représenter l’avenir, ou en sont incapables. Cette incapacité est souvent notée comme l’indice d’un esprit troublé ou perturbé. Ainsi parle Jean Mintié, le héros du Calvaire, de Mirbeau :
Les enfants se disent : « Je serai général, évêque, médecin, aubergiste. » Moi je ne me suis rien dit de semblable, jamais : jamais je ne dépassai la minute présente ; jamais je ne risquai un coup d’œil sur l’avenir35.
Le héros-narrateur devenu adulte signale cette aboulie comme un indice de la faiblesse généralisée que montrera le personnage dans la suite du roman. L’œuvre pourrait alors ne se développer que comme un présent constant, et toute une dimension de la personnalité, celle qui pousse l’être en avant, se trouverait occultée. Il s’agit tout de même d’un cas assez rare.
Mais quand l’enfant tend à se représenter ce qui l’attend, il se heurte à une difficulté majeure, qui est celle de l’inconnu. Goncourt le montre à propos de Chérie :
La pensée de la jeune fille de seize ans ne va jamais à son passé, s’arrête très peu à sa vie présente [...] : elle est tout entière à l’avenir, à l’attente de l’inconnu hasardeux que lui ménage l’année suivante, ou l’année d’après, ou l’autre année enfin, à l’appel presque craintif du bouleversement heureux ou malheureux, apporté prochainement dans son existence par le mariage ; cela dans un émoi anxieux durant de longs mois, et qui a quelque chose des transes d’un joueur devant un retournement de cartes36.
Le mystère soigneusement entretenu par les éducateurs, pour les jeunes filles, autour des réalités du mariage, qui par ailleurs apparaît pour une jeune fille du milieu de Chérie comme le seul projet de vie possible, crée cette attente et cet état d’incertitude et d’angoisse. Le personnage en est troublé et quelque peu perturbé dans son développement.
16La représentation de l’avenir, procédant logiquement du connu à l’inconnu, ne peut donc être qu’identification à un modèle ou création bien imprécise. Loti le montre à de nombreuses reprises dans Le Roman d’un enfant, en employant plusieurs fois la même image :
Je n’y voyais pas clair sur l’horizon de ma route ; je n’arrivais pas à me représenter l’avenir d’une façon quelconque ; en avant de moi, rien que du noir impénétrable, un grand rideau de plomb tendu dans des ténèbres...
On lit de nouveau, quelques chapitres et quelques années plus tard :
Ma crainte ennuyée de la vie et de l’avenir s’augmentait toujours ; en travers de ma route noire, le voile de plomb demeurait baissé, impossible à soulever avec ses grands plis lourds37.
L’avenir est donc figuré par l’image classique de la route, dont nous avons vu plus haut la valeur symbolique ; mais, l’image est enrichie par la métaphore du « voile de plomb », qui associe la pesanteur et la couleur sombre, s’insérant dans le jeu d’oppositions entre obscurité et lumière qui parcourt toute l’œuvre. Ainsi est illustrée une véritable angoisse enfantine devant l’avenir. Bourget, en 1885, déplore chez ses contemporains un pessimisme généralisé, manifesté par l’absence de volonté, qu’il dénonce chez les héros de Zola, Daudet, Huysmans, Goncourt38 : cette attitude, prêtée à un héros enfant, est encore plus frappante.
17Si le héros a quelque difficulté, compréhensible, à formuler ce qui n’est pas encore, le romancier a beau jeu, lui, de poser quelques jalons sur cette route obscure. Le savoir d’un narrateur hétérodiégétique lui permet d’anticiper sur l’ordre du récit, et de guider le lecteur vers la suite. Daudet le fait souvent, par exemple à propos de l’entrée de Jack en pension et de sa première rencontre avec d’Argenton :
De tous ceux qui se trouvaient là, l’enfant devait souffrir, mais de celui-ci bien plus encore que des autres. On eût dit qu’il s’en doutait. Rien qu’à le voir entrer, il avait instinctivement deviné l’« ennemi », et ce regard dur en croisant le sien l’avait glacé jusqu’au fond du cœur.
Oh ! que de fois, dans les tristesses de sa vie, il devait le rencontrer, cet œil d’un bleu éteint [...]39 .
L’emploi, à deux reprises, du verbe « devoir », insiste fortement sur ce savoir du narrateur, qui guide le lecteur, au détriment d’un suspens que Daudet ménage fort peu. On signale la crainte instinctive du héros ; le lecteur en sait donc plus que le personnage, qu’il va voir irrémédiablement aller vers sa perte. Le procédé peut sembler un peu lourd : Mirbeau l’améliore, dans Sébastien Roch, en faisant formuler de tels avertissements par d’autres personnages, particulièrement clairvoyants. Au cours de la première année passée par l’enfant au collège, l’un des personnages les moins négatifs de ce récit, le Père de Marel, formule ses pensées à propos de Sébastien : «– Pauvre petit diable !... trop de tendresse !... trop d’intelligence !... trop5 de tout !... Il sera bien malheureux, un jour40 ». L’effet d’annonce est ici atténué et guide simplement le lecteur vers une observation plus attentive des réactions psychologiques de l’enfant.
18Lorsqu’il s’agit d’un narrateur homodiégétique, on est moins surpris que son savoir se manifeste dans le récit41. De telles prolepses, selon le mot de Gérard Genette42, semblent naturelles de la part d’un narrateur plus informé que ne l’était son propre personnage. Cette vision de l’avenir peut être attribuée à une intuition de l’enfant ; ainsi Loti raconte comment son personnage, enfant, est effrayé d’un dessin qu’il a fait lui-même :
Certainement, pendant cette minute furtive, j’eus la prescience complète de ces serrements de cœur que je devais connaître plus tard au cours de ma vie de marin43.
Cela ne va pas, parfois, sans une certaine maladresse, comme si le narrateur se laissait entraîner par son savoir. Malot fait établir par Rémi un parallèle entre Mattia et lui :
Il était Italien, et il avait une insouciance [...] que n’ont pas les gens de mon pays, plus disposés à la résistance et à la lutte.
« Quel est donc ton pays ? me direz-vous, tu as donc un pays ? »
Il sera répondu à cela plus tard. Pour le moment je l’ignorais, et j’ai voulu dire seulement que Mattia et moi nous ne nous ressemblions guère44 .
Cette réponse est un peu embarrassée ; il faut en effet choisir une perspective narrative qui fasse nettement la part entre l’ignorance du héros et le savoir du narrateur, et il n’est pas simple de s’y tenir.
19Il y a donc deux positions narratives bien distinctes : ou bien le récit ne fait aucune place à la connaissance de l’avenir, et le lecteur doit adopter totalement le point de vue de l’enfant, amené à découvrir peu à peu et à construire sa vie future, ou bien le narrateur suggère parfois ce qui va arriver, sacrifiant l’effet de suspens, mais créant plus de pathétique par l’annonce de malheurs à venir. La première des deux attitudes serait plus logique, mais elle est rarement tenue d’un bout à l’autre d’un récit.
Vocation ou projet
20Il y a deux types de héros dans les romans de l’enfance : ceux qui, comme nous venons de le voir, se refusent à envisager ce qui est devant eux, et ceux qui formulent un véritable projet. On parle parfois, pour les projets d’avenir de l’enfant, d’une « vocation » ; ce mot appartient en fait au vocabulaire religieux, puisque son étymologie évoque un appel, comme l’appel de Dieu à ses élus. Nous distinguerons la « vocation », imposée à l’enfant ou à l’adolescent par autrui, du « projet », présenté comme une création du personnage, parfois même en réaction contre son entourage.
21Dans les romans les plus simples, la vocation est souvent présentée très clairement, et le héros va droit à sa réalisation. On ne compte plus dans les romans pour la jeunesse, et dans les romans populaires, surtout après 1870, le nombre de jeunes garçons qui, en accord avec leur famille, veulent entrer à Saint-Cyr pour devenir militaires et défendre la patrie, et qui y parviennent ou sont en bonne voie d’y parvenir. Le héros subit la pression idéologique de l’époque et de son milieu, ce que dénonce Mirbeau à travers le personnage de Jean de Kerral45. Les choix opérés pour un enfant par ses parents sont une terrible contrainte, s’il est de caractère faible. Un personnage secondaire de L’Evangéliste, de Daudet illustre bien cette situation. Maurice Lorie est destiné par son père à l’Ecole Navale :
« Vous voulez en faire ?... demanda Mme Ebsen.
« Un marin », dit le père sans hésiter... « A seize ans, il entrera à Navale... » et se tournant vers le jeune garçon affaissé sur sa chaise, il le redressa d’un geste crâne : « Hein ? Maurice, le Borda ! »
L’enfant, toujours affublé d’une casquette, subit sans mot dire cette « vocation » qui n’est en rien la sienne. Il se laisse enfermer dans un rôle artificiel, par la volonté de son père :
Quand il vit arriver les mathématiques, la trigonométrie, aussi peu de son goût que l’Océan et les aventures, sa légende était faite, partout on l’appelait le marin, il n’osa plus protester. Dès lors, sa vie fut empoisonnée46.
Ce personnage n’est qu’un comparse, aliéné par une « vocation », ce qui est précisément le thème principal de l’œuvre47. Maurice figure, à son niveau enfantin, le même type de victime que la protagoniste. Les romans présentant une telle contrainte sont donc, ou bien totalement conformistes, ou dénonciateurs de cette atteinte à la liberté. Le récit de la lutte menée par le personnage pour échapper à cette emprise sociale ou familiale constitue un programme romanesque riche de possibilités. Maurice reste soumis, Sébastien Roch se réfugie dans le repli sur soi et l’acceptation de la mort. Mais d’autres personnages élaborent peu à peu leur projet d’avenir.
22La fantaisie trouve sa place dans la présentation des premiers rêves d’enfants concernant leur future profession. Dans Petit Bob, Gyp prête à son héros des idées originales : « peintre de femmes », artiste de cirque, auteur de tragédies48 ; sans chercher la vraisemblance psychologique, l’auteur s’amuse de ces projets hétéroclites et incompatibles avec le milieu social de l’enfant. Lazare, dans La Joie de vivre, hésite entre la médecine, la musique, la poésie, mais ne sera jamais qu’un raté. Jacques Vingtras vit à la fois de tels rêves et l’obéissance aux intentions de ses parents. Enfant, il rêve de se faire paysan, puis cordonnier, puis forgeron. Mais il accepte de partir pour Paris préparer l’école normale, et, dans un premier temps, se soumet :
La nuit, dans mon lit d’écolier, je me demande ce que je deviendrai, moi que l’on destine à une école dans laquelle j’ai peur d’entrer, moi qui n’ai pas, comme ces volailles, ma volonté, mon but, et qui n’aurai pas de fortune49.
C’est peu après ce moment de doute que Jacques franchit une étape déterminante et ose dire à sa mère d’abord, à son père ensuite, qu’il ne veut pas devenir professeur comme son père, mais ouvrier. Il faudra bien des concessions pour qu’il obtienne sa liberté, mais la fin du roman est optimiste et montre l’aboutissement de ce long processus par lequel Jacques est devenu un homme libre : « Sans métier, sans argent, c’est dur ; mais on verra. Je suis mon maître à partir d’aujourd’hui ». Le roman se clôt sur une perspective d’avenir, non seulement professionnelle, mais aussi idéologique. Jacques a trouvé une cause à laquelle se consacrer, celle des Droits de l’enfant50. Ce dénouement a été préparé dès le chapitre XIX, consacré à la mort de Louisette ; le projet de Jacques est un aboutissement plausible de sa dépendance antérieure. Par cette fin du roman, Vallès donne sens, rétrospectivement, au long et douloureux cheminement qui mène son héros de l’aliénation à la liberté. Le temps, avec ses moments de latence et ses étapes critiques, est une composante essentielle de L’Enfant51.
23A partir de ces représentations de l’avenir bien des pistes romanesques se trouvent ouvertes : la fidélité à ces modèles ou leur rejet, la réussite du projet formulé ou son échec, permettent de déterminer des différences entre les romans : les œuvres à visée éducative, comme Le Tour de la France par deux enfants, ou qui s’adressent à un public populaire, suivent la voie sans faille d’un projet construit, formulé, réussi ; en revanche, des œuvres pour les adultes, plus tardives, et surtout plus iconoclastes, comme Le Roman d’un enfant, ou Sébastien Roch, présentent la réalisation d’une destinée tout à fait différente de ce que le héros avait pu imaginer ou s’entendre suggérer. La modalité du « vouloir » est donc un premier critère qui différencie les romans du point de vue du temps vécu par le personnage.
Notes de bas de page
1 L’Enfant, II, p. 151, XXIV, p. 380.
2 Le Roman d’un enfant, LV, p. 195.
3 Christian Amalvi, « Les personnages exemplaires du passé proposés à l’admiration de la jeunesse dans les livres de lecture et de prix de 1814 à 1914 » dans Le Livre d’enfance et de jeunesse en France, p. 241-258.
4 Elles sont introduites le plus souvent par une motivation géographique : on présente les célébrités de la région traversée. Ces notices ont été analysées par Maurice Crubellier, dans L’Enfance et la jeunesse dans la société française, 1800-1850, Armand Colin. 1979.
5 Dominique Maingueneau, Les Livres d’école de la République, 1870-1914, discours et idéologie, Le Sycomore, 1979, p. 133.
6 Le Tour de la France par deux enfants, p. 840 et p. 795.
7 Ibid., p. 730 et 732.
8 Le Petit Gosse, chap. V.
9 L’étude que lui a consacrée Michelet dans son Histoire de France en 1841 parue en 1853 dans la « Bibliothèque des chemins de fer » chez Hachette a connu une grande diffusion. En revanche la canonisation de Jeanne par l’Eglise n’interviendra qu’en 1920.
10 Article cité, p. 254. Bruno a maintenu Jeanne d’Arc (la seule femme de son Panthéon) dans l’édition de 1906 mais en la dénommant Jeanne Darc [sic], comme le faisaient Larousse dans son Dictionnaire, et les rationalistes de l’époque.
11 Lettre à Van Santen Kolff, citée par Henri Mitterand, RM IV, p. 1623.
12 Un dominicain italien du XIII siècle. Pierre Larousse montre un profond mépris pour sa « crédulité inconcevable », Dictionnaire..., à l’entrée « Légende dorée ».
13 Le Rêve, RM IV, I, p. 815 et II, p. 839. Les saints et surtout les saintes sont présentés dans le roman par séries, les adolescentes, les « mortes heureuses » (p. 866), les bénéficiaires ou auteurs de miracles.
14 L’ancêtre Jean Roch restaura à Pervenchères le chapiteau « représentant le massacre des Innocents » (p. 690). Comment ne pas voir la réapparition de ce motif dans le rêve où Sébastien imagine tous les élèves soumis aux vices du Père de Kern ? « Ce fut une mêlée horrible de petits corps nus, de petites gorges râlantes, un bruit de chairs piétinées, de membres rompus, quelque chose de sourd, de rauque, comme un meurtre » (p. 906). Le thème du martyre parcourt tout le roman.
15 Voir par exemple les p. 837, 838, 868, 901, 911. On verra en 1903 la même critique dans Vérité de Zola (I, p. 208-209), loin des attendrissements du Rêve.
16 Le Roman d’un enfant, XXII, p. 107 : « C’est le seul livre que j’aie aimé dans ma première enfance. » Quelques pages plus loin, il revient sur cette image décidément troublante qu’il a entrepris de peindre (XXVI, p. 116).
17 Ibid., XXIV, p. 114.
18 Le Tour de la France par deux enfants, LXXXII, p. 754. Le chapitre XXIII, consacré au machinisme, a pour épigraphe : « La prétendue baguette des fées était moins puissante que ne l’est aujourd’hui la science des hommes » (p. 613).
19 Le Roman d’un enfant, XXXV, p. 144. 11 y revient dans plusieurs des chapitres suivants.
20 Bruno Bettelheim, The Uses of Enchantment, 1976, trad. Psychanalyse des contes de fées, Robert Laffont, 1976.
21 Bob est surpris que sa tante Jane lui ait offert La Fée malfaisante. « J’crois bien qu’elle s’aura trompé d’livre...[...] Parce que c’est un livre pour les enfants, ça ! [...] Ça m’amuse plus, ben, ça m’amuse plus, quoi ? J’y peux rien. Dumas m’amuse. » (Petit Bob, p. 114).
22 Balzac, dans Le Curé de village (1839), imagine que Véronique Graslin a lu le « fatal volume » à l’âge de dix-huit ans et qu’il est la première cause de sa perte : « Pour toute autre, cette lecture eût été sans danger ; pour elle, ce livre fut pire qu’un livre obscène. [...] Elle rêva d’avoir pour amant un jeune homme semblable à Paul. Sa pensée caressa de voluptueux tableaux dans une île embaumée » (I, éd. Nelson, s.d., p. 29). On connaît l’influence du même ouvrage sur Emma Rouault, pensionnaire (Mme Bovary, I, 6).
23 Chérie, XLIV, p. 150.
24 L’Enfant, chapitre XI.
25 Danielle Dubois : « La robinsonnade, un détournement de texte », Revue des sciences humaines, n° 225, « L’enfance de la lecture », 1992-1, p. 118.
26 Deux ans de vacances, p. 42, 64, 185, 204, 234, 381, 394, entre autres.
27 Voir par exemple L’Enfant, chap. XI, La Joie de vivre, p. 838 et 871, Le Roman d’un enfant, XIV, p. 82. Déjà, dans Le Petit Chose, Alphonse Daudet avait développé cette idée.
28 Le Crime de Sylvestre Bonnard, Calmann-Lévy, 1881, Œuvres, I, « Pléiade », p. 165.
29 Une page d’amour, 1878, RM II.
30 On trouve le même symbolisme dans La Curée, où le mot figure onze fois, tantôt au sens propre, tantôt au sens figuré pour désigner ce qu’est devenue Renée.
31 Chérie, X, p. 49, LXXI, p. 256.
32 L’Enfant : on peut comparer VIII, p. 189 et X, p. 204, par exemple.
33 Chérie, XL, p. 140.
34 La Joie de vivre, I, p. 827. C’est nous qui soulignons.
35 Mirbeau, Le Calvaire, I, p. 46.
36 Chérie, LXI, p. 218.
37 Le Roman d’un enfant, XXII, p. 108 et XXXIII, p. 135.
38 Essais de psychologie contemporaine, 1885, p. 333.
39 Jack, I, 2, p. 31.
40 Sébastien Roch, 1, 3, p. 822.
41 Nous avons vu au chapitre précédent qu’on s’étonne quelquefois de l’occultation de ce savoir, par exemple lorsque le narrateur de Sans famille ne dit pas que la dame de la péniche, Mme Milligan, est sa mère.
42 Figures III, p. 105.
43 Le Roman d’un enfant, IX, p. 69. On trouve le même emploi de « devoir » que chez Daudet, dans l’exemple cité plus haut.
44 Sans famille, XXIV, p. 375.
45 Sébastien Roch, I, 3, p. 775-776 : « Papa dit qu’il n’y a pas de milieu, aujourd’hui, pour des nobles, ou bien ne rien faire... ou bien entrer à Saint-Cyr... Papa ne fait rien, lui... » Ce dialogue est censé avoir lieu en 1863. Dans un autre genre, voir Sœur Louise, de Charles Deslys (Dentu, 1878).
46 Daudet, L’Evangéliste, III, p. 249 et IV, p. 261. On voit encore le retour de ce motif aux chapitres XII, p. 349, et XVII, p. 399 ; le narrateur commente : « Pauvre élève du Borda, victime de la vocation !... ».
47 Le roman raconte comment Eline Ebsen, une jeune fille bien équilibrée, tombe sous la coupe de fanatiques religieux qui arrivent à la détacher complètement de sa famille et à façonner tout autrement sa personnalité.
48 Petit Bob, p. 16, 21, 209.
49 L ’Enfant, XXII, p. 339. « On appelle volailles ceux qui se destinent aux écoles à uniforme » (p. 338). Jacques les rencontre dans les cafés le dimanche.
50 ibid., p. 388 et 383.
51 Toutes proportions gardées (le milieu social est tout à fait différent), on peut lire aussi le Roman d’un enfant comme l’histoire d’une libération, où l’enfant a affirmé vouloir devenir pasteur, missionnaire, puis a accepté qu’on fasse de lui un ingénieur, pour proclamer en fin de compte son indépendance dans le projet de devenir officier de marine. Voir les p. 80, 134, 193, 217. La prise de conscience de son évolution est tardive : « Je comprenais pour la première fois de ma vie tout le chemin déjà parcouru dans ma tête par ce projet à peine conscient de m’en aller aussi » (LXXIV, p. 235).
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