1 Sylvie Baillon et Ches Panses Vertes ont suivi un chemin différent avec une tout autre vision esthétique et une autre dynamique (tournée vers des formes et un répertoire très contemporains) que celle de leurs prédécesseurs.
2 Ce type d’emploi de gérance de magasin, précise François Debary, était fréquemment destiné aux veuves de guerre, et leur procurait ainsi des revenus très chiches, mais leur permettait de subsister.
3 Max Lejeune (1909-1995) fut durant quarante ans, de 1947 à 1988, l’inamovible président du conseil général de la Somme, en même temps que député maire d’Abbeville. Fils d’un instituteur amiénois, il fut l’un des plus jeunes députés du front populaire. Anti-pétainiste, mais défenseur de l’Algérie Française après-guerre, il était apparenté SFIO de tendance radicale – donc plutôt centriste, dans la terminologie de la IIIe République. Il s’opposa résolument au congrès d’Épinay de 1971 qui consacra l’alliance avec le PCF, et rallia alors le mouvement réformateur, bientôt absorbé par l’UDF de Valéry Giscard D’Estaing. De la même façon Maurice Vast (1898-1979), maire SFIO d’Amiens de 1959 à 1971, rallia le mouvement centriste en 1965, et fut battu par René Lamps, PCF, en 1971.
4 Le Courrier Picard, 22 mars 1960, à propos de la création des Femmes savantes. L’UFOLEA (Union française des œuvres laïques d’éducation artistique) est la branche artistique et culturelle de la Fédération des œuvres laïques. Fondée en 1933 (la FOL, de son côté est comme l’on sait fondée par Jean Macé en 1866), financée depuis 1945 aussi bien par le ministère de l’Éducation Nationale que par celui de la Jeunesse et des Sports, elle a pour vocation, entre autres, de fédérer les compagnies amateur, et d’en financer les activités. C’est dans ce cadre qu’elle peut détacher un enseignant pour l’affecter à des missions d’encadrement d’activités artistiques. On comprend ainsi la puissance à la fois institutionnelle et militante d’un tel organisme paraministériel. A contrario, lorsqu’en 1966 les « UFO » (Ufolea, Ufocel, Ufoval, Usep), dispositifs nationaux, disparaissent au profit de services à la fois territoriaux et sectoriels (rural, scolaire, etc.), cette puissance est vouée à décliner, ce qu’elle fera jusqu’au début des années 1980. Émerge alors une professionnalisation du secteur de l’animation et des loisirs, qui change radicalement l’esprit et la lettre de l’éducation populaire des origines.
5 On peut citer, parmi les comédiens fidèles de la troupe, Josiane Bardoux, Charles Faroux, Jacques Salomé, Édith Baude, Hubert Kruczynski, Jacques Labarrière ou Françoise Rose. Cette dernière reprit également le flambeau du théâtre picardisant des marionnettes de « Ch’La Fleur » dans une salle spécialement dédiée bâtie à côté de la Maison du Théâtre. « Tous ces gens », dit François Debary, « étaient de braves gens, fortement persuadés de la valeur de l’éducation populaire. Ils se sont glissés – chacun et chacune dans leurs limites et avec leurs contradictions – dans la construction de leur époque, avec leurs espoirs et leurs désespoirs. »
6 André Steiger, originaire de Genève, se forma au théâtre au Centre d’apprentissage d’art dramatique (pas encore ENSATT) de la rue Blanche avant de fonder une troupe à Guéret, et de remporter le concours des compagnies. Fondateur du festival de Bellac, il fut aussi l’un des acteurs importants de la décentralisation, lorsqu’il codirigea la Comédie du Centre-Ouest (à La Rochelle) puis le Théâtre Populaire de Lorraine (à Thionville), avant d’être associé au TNS pour en diriger l’école. Il rencontre le Carquois en 1958 à un stage d’éducation populaire à Péronne.
7 L’édition de Laon du Courrier Picard titre après la création : « Erik XIV, joué par le stage d’art dramatique, a enthousiasmé le public Laonnois », puis évoque un Pierre Debauche « hallucinant, tour à tour touchant et monstrueux ». Sont cités également Jeannine Giudici, Serge Bourrier, ou Claude Cromer, « un jeune laonnois employé aux PTT, qui, débutant, accomplit des progrès remarquables depuis le début du stage et sera certainement un élément de valeur du groupe d’art dramatique de Loisirs et Culture » (comprendre : le Carquois). Source : archives personnelles de François Debary.
8 The Shoemaker’s Holiday (improprement traduit par Les Vacances du cordonnier, car le concept de vacances n’existe pas au xvie siècle !) est la pièce la plus connue de Thomas Dekker (1572-1632). Cet élisabéthain proche de Middleton ou Webster a écrit une vingtaine de pièces, des comédies pour l’essentiel, marquées par leur tonalité satirique.
9 Le Travailleur, 29 avril 1961. Archives personnelles de François Debary. Le « Picardy » était une salle de cinéma et de théâtre qui remplaçait le Théâtre d’Amiens, détruit durant la guerre, et dont il ne restait que la façade de l’architecte Rousseau (xviiie). Le Théâtre d’Amiens avait en 1900 un cahier des charges très rempli qui alternait les spectacles des nombreuses troupes locales et les avant-premières parisiennes ; c’est dans ce contexte que fut créé Le Duel d’Henri Lavedan qui échauffa les esprits au point qu’il fallut faire intervenir les forces de l’ordre. Le Picardy a gardé ce souci de faire jouer les troupes locales. C’était une grande salle de cinéma avec parterre et balcons. La scène était peu profonde, elle avait peu de dégagements, mais pouvait recevoir des décors importants, et était malgré tout flanquée de quelques loges. Elle a été transformée après la construction de la MCA en complexe à trois salles, puis en magasins d’ustensiles de cuisine et de tissus. C’était une propriété privée datant de la reconstruction.
10 Fils de Tristan Bernard, romancier et dramaturge, ami de Guitry ou Arletty, Jean-Jacques Bernard fut président de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) de 1957 à 1959.
11 Pour cette citation et la suivante : courrier du ministère de l’Éducation nationale, signé par le ministre, et adressé via l’inspection académique à Jacques Debary, datant du 24 juillet 1957. Source : archives personnelles de François Debary.
12 Il est né en 1931.
13 Labarrière et Kruczynski ont été détachés à l’UFOLEA très tôt dans leur carrière et le sont restés, le premier jusqu’à sa retraite (à cinquante-cinq ans, en 1986) et le second jusqu’à ce qu’il disparaisse dans un accident de la circulation, à Toulouse.
14 Turcaret, malgré tout, est monté fin 1962, avant que ne soit repris La Cerisaie, en 1966. Beaucoup plus tard, en 1987, on trouvera Le Prix Martin de Labiche, mais on est alors dans le registre comique familier de la troupe.
15 Monsieur Bonhomme et les incendiaires de Max Frisch.
16 Pour récapituler les créations du Carquois sous la direction de Jacques Labarrière : Turcaret (1962), Les Murs avaient des briques (1968), Mort à cagna (1968), La Cruche cassée de Kleist (1974), La fortune de Gaspard d’après la Comtesse de Ségur (1975), Les Mystères de Paris d’après Eugène Sue (1977), Le Citoyen Lafleur de et mis en scène par Jacques Labarrière (1980), Monsieur bonhomme et les incendiaires, de Max Frisch (1979-1980), La Folle envie, d’après Boule de suif de Maupassant (1981), Françoise Pelluhette de et mis en scène par Jacques Labarrière (1981), Parades intimes pour gens de bien (création collective, jouée à la MCA en 1982), Mille Francs de récompense de Hugo (1983), Les Fanes amères d’Antoine Auguste Parmentier, de et mis en scène par Jacques Labarrière (1983), Chez Pierrot de Jean-Claude Grumberg (1984, repris aux Rencontres Charles Dullin du théâtre Romain Rolland de Villejuif, animé par Alain Mollot), Portrait d’un jeune homme ou le chevalier de la Barre (de Jacques Gabriel, 1985), L’An mil, de Jules Romains (texte de 1947, création en 1987, avec une scénographie de Claude Catulle).
17 François Debary a été assistant et dramaturge sur deux spectacles, La Cruche cassée et 1 000 francs de récompense.
18 C’est finalement Philippe Tiry, proche de Malraux, et venant du Centre dramatique de Provence à Aix, qui prit la direction de la MCA. Pour l’anecdote, cette direction avait également été proposée à Jacques Debary, qui la refusa – sans doute pour protéger aussi bien sa carrière d’acteur que seconde vie à Paris, comme son fils le comprit plus tard.
19 Maryse Benoit était responsable des bibliothèques à la ville d’Amiens, et Catherine Carpentier venait du service culturel.
20 Peter Hall fut le créateur d’En attendant Godot dans sa version anglaise en 1955, et le premier directeur d’une Royal Shakespeare Company refondée en 1962, avant d’être l’une des grandes figures de la mise en scène britannique jusque dans les années 1990. Joan Littlewood (1914-2002) est une metteure en scène et pédagogue de théâtre qui joua un rôle essentiel dans l’invention d’un travail théâtral nouveau fondé sur les principes de laboratoire et de collectif. Ces expériences connaissent alors des années fastes, à une époque où le Prince Philip finance par des bourses royales aussi bien de jeunes designers que des troupes théâtrales ; c’est du reste dans ce contexte qu’émerge la génération des « angry young men » des années 1950 !
21 François Debary est invité en 1980 par Didier Chappée à écrire une pièce pour sa compagnie, et en reprend bientôt les rênes à sa demande.
22 François Debary a lui-même enseigné la philosophie à l’École Normale puis à l’IUFM, après avoir suivi des études universitaires en philosophie à l’université – qui ne s’appelait pas encore « Picardie-Jules Verne » –, où il a été formé et influencé par de grandes figures humanistes telles que Madeleine Madaule, Dominique Lecourt, Bernard Rousset ou Jacques Brunchwig. Ce dernier – pour prendre son exemple parmi d’autres –, universitaire, proche des Vidal-Naquet, réfugié en zone sud dans la Drôme (à Dieulefit, « village de justes ») pendant la guerre avant d’entamer une carrière d’helléniste, fut un grand historien de la philosophie antique. François Debary ne tarit pas d’éloges et d’anecdotes sur ces enseignants d’un progressisme parfois iconoclaste (plusieurs furent althussériens), brillants, animés par la passion de la transmission.
23 Alain Van Der Malière (né en 1941) fut comme l’on sait une haute et très estimée figure de l’administration publique française dans le domaine culturel. Ancien Professeur de lettres, il dirigea la Maison de la Culture du Havre avant d’être successivement conseiller à l’action culturelle à la DRAC Picardie, DRAC dans le Nord–Pas-De-Calais, directeur des théâtres au ministère, et enfin DRAC en Île-de-France. Brièvement conseiller d’Aurélie Filipetti en 2013, il est aujourd’hui président d’honneur des Francophonies en Limousin. En Picardie, son soutien fut décisif dans la création et l’ouverture de la Maison du Théâtre à Amiens.
24 C’est alors la période de l’essor des options théâtre en partenariat culture/éducation dans l’enseignement secondaire.
25 Son fils François, autant que Pierre-Étienne Heymann, soulignent combien Jacques considérait à l’époque que ce travail à la télévision s’inscrivait pleinement dans les missions de service public qui lui tenaient à cœur.
26 Et sans doute aussi sous le coup de l’influence du lourd roman familial entourant la mort de son père : François Debary rapporte ainsi que les parents de son grand-père (le père de Jacques, donc), mort en décembre 2014, attendirent jusqu’à la fin de la guerre pour annoncer cette mort à leur belle-fille et à ses enfants.