Chapitre 2
Grandeur de ce nom
p. 111-123
Texte intégral
Si, pour Veuillot, « le grand homme est comme s’il n’avait jamais été », le nom de Ségur, porté par une famille longtemps illustre, retentit encore parce qu’en 1855, une « débutante » de 55 ans, décide de sortir de son obscurité en publiant Les Nouveaux contes de fées. La dédicace qu’elle adresse à ses deux petites filles indique très clairement l’état d’esprit qui est le sien :
A mes petites filles, Camille et Madeleine de Malaret
Mes très chères enfants,
Voici les contes dont le récit vous a tant amusées et que je vous avais promis de publier.
En les lisant, chères petites, pensez à votre vieille grand-mère, qui, pour vous plaire, est sortie de son obscurité et a livré à la censure le nom de la
Comtesse de Ségur née Rostopchine.
1Se réclamant de deux patronymes prestigieux, Ségur et Rostopchine, la comtesse sait qu’elle prend le risque de les compromettre, et si elle décide d’exposer ces noms, se fiant au jugement du public, elle laisse aussi entendre qu’il n’est pas sans importance d’écrire pour les enfants. On la voit prête à assurer ce rôle de grand-mère, dont la société et la littérature semblent avoir besoin conjointement à ce moment-là, puisque, d’horizons différents, viennent pour occuper cette place, des dames qui renoncent à une existence agitée comme George Sand, ou qui commencent une nouvelle vie après avoir élevé leurs enfants loin du monde, comme la comtesse ou comme Zulma Carraud.
2Ainsi, entrant en littérature, la femme continue de jouer son rôle de femme, illustre sans doute la clôture de sa condition, mais ne peut manquer tout simplement de s’illustrer et de dépasser ainsi en grandeur fils et ancêtres. Louis Veuillot lui-même, en contradiction avec ses principes les plus affichés, n’écrit-il pas, après avoir lu Les Mémoires d’un âne, « l’Iliade de Sophie » comme disait Eugène de Ségur : « Voilà donc maman Ségur en train de mettre une gloire toute nouvelle sur ce vieux nom politique et littéraire. Elle enfoncera joliment le grand-papa ou le grand-oncle qui a écrit tant d’histoires, et même aussi l’académicien aujourd’hui vivant ; ses livres auront une bien autre durée et une bien autre popularité. Ils vivront par la grande qualité littéraire, celle qui fait vivre, le naturel1. » En 1865, dans L’Univers, il fera l’éloge public des Contes, et la même année il écrira à la comtesse : « J’aime passionnément ce que vous écrivez ; je suis, je m’en vante, de ces barbons qui font cercle autour de vos contes2. »
3Mais pour dépasser la gloire de ses aïeux, la comtesse commence par s’appuyer sur eux, n’hésitant pas à évoquer dans Les Vacances une anecdote scatologique à propos du Maréchal de Ségur, et à user de l’anagramme Rugès, qui sera repris par sa fille Olga sans son premier roman, Les Débuts du gros Philéas. Ainsi George Sand, si attentive au sort des humbles et à l’éveil de l’esprit démocratique, commençait l’Histoire de ma vie par un long développement sur la gloire de sa famille. Ces deux femmes issues de grandes familles se choisissent une sorte de retraite provinciale d’où elles exerceront leur magistère ; Nohant, Nouettes, c’est comme une déclinaison. La toponymie a de ces éclats de génie, et dans Les Châteaux de France de Juliette Benzoni les deux demeures, à vrai dire modestes, se suivent, ne devant qu’à leurs illustres propriétaires leur présence dans un tel ouvrage. Devenir la bonne dame de Nohant ou la bonne dame des Nouettes, se créer des nœuds et des liens dans une certaine peur du néant, comme l’exprimait si bien Zulma Carraud. Autre coïncidence, celle-ci, à partir de 1848, se trouve une nouvelle demeure dans un autre Nohant, Nohant en Graçay, qu’elle ne quittera plus et où elle devient, littéralement, elle-aussi, une bonne dame de Nohant par ses bonnes œuvres et ses grandes œuvres. Son dernier ouvrage, Les Veillées de Maître Patrigeon, (1868), évoque George Sand, par son titre, qui rappelle Les Veillées du chanvreur, et par sa manière idéalisée de traiter la vie du petit peuple rural.
4Zulma Carraud était née en 1796, Sophie Rostopchine en 1799, et Aurore Dupin en 1804. Appartenant à la même génération, c’est comme s’il leur fallait un lieu pour fixer leur imagination. A de rares exceptions près, l’enfance sera d’ailleurs perdue ou trouvée du côté de la province. Si l’on poursuit cette rêverie sur les noms, on remarque que les traducteurs français d’Enid Blyton ont fait l’île du Club des cinq l’île des Mouettes. Des Nouettes aux Mouettes, on voit s’afficher davantage l’aventure, la mer, mais dans des proportions mesurées, puisque jamais le club des Cinq ne s’aventure au grand large. Notons que le 29 août 1867, une lettre de Louis-Gaston de Ségur, à la suite d’une coquille d’imprimerie, est datée des Mouettes3...
5Si l’une puise dans sa condition de mère et de grand-mère les ressorts de son entreprise littéraire, si l’autre au contraire a dû jouer avec le modèle de la masculinité, Sophie Rostopchine et George Sand s’avancent à découvert sur un terrain où l’anonymat est assez souvent la règle. La comtesse de Ségur publie, elle, chez Hachette, l’éditeur de Taine. Elle obtiendra la recommandation des grands prélats lors de la parution de ses ouvrages religieux, Evangile d’une grand-mère, Actes des Apôtres ou Bible d’une grand-mère, mais d’emblée, elle se distingue par une forme d’indépendance d’autant plus exceptionnelle qu’elle ne prononce aucun discours de contestation. Appartenant à l’aristocratie la plus prestigieuse4, les Ségur sont en mesure de ne suivre que la loi de leur famille, qui fournit depuis longtemps de grands commis à l’Etat, avec une relative indifférence à l’égard des pouvoirs successifs, qu’ils traversent sans grand dommage. « Heureuse famille, où il y en a pour tous les goûts et toutes les opinions ! Comme ça au moins, on est sûr de ne jamais sombrer en masse et pour de bon », écrira en 1871 une des nièces de la comtesse, Olga Rostopchine5. A la fois grands militaires, diplomates, littérateurs, le monde nouveau des affaires ne leur est pas étranger, puisque le mari de la comtesse, Eugène de Ségur, est président de la Compagnie des Chemins de fer de l’Est, situation qui le met en relation avec Louis Hachette au moment où celui-ci va s’assurer le monopole des librairies de gare, et créer la « Bibliothèque des chemins de fer », avant la « Bibliothèque Rose ». Loin d’une noblesse enfermée dans un silence boudeur ou cultivant l’ignorance, la famille Ségur a su préserver sa grandeur et la faire connaître. Anatole de Ségur, au hasard d’un livre consacré à son frère, écrit : « Mgr de Mérode, fils des croisés comme Mgr de Ségur »...
6Sans remonter jusqu’à ces lointaines origines, nous ne manquons pas d’informations sur plusieurs générations de Ségur, et ce nom occupe une place considérable dans les Encyclopédies ou les catalogues des bibliothèques. Le paradoxe accompli par la comtesse étant d’avoir en quelque sorte évincé ces ancêtres, il n’est pas inutile de revenir sur une notoriété qui se réfléchissait à coup sûr dans la réception faite à son œuvre puérile. Une œuvre se développant dans et contre l’ombre portée de ces réputations. Ces mêmes réputations, acquises aussi bien dans les armes que dans les lettres, sont en même temps constitutives de l’assurance du jeune garçon ségurien, chevaleresque et réfléchi, maître de lui et des autres, et rappelant, tardivement sans doute, que l’aristocrate ne peut se confondre avec l’image frivole, étriquée, qu’en donne souvent un discours hérité de la période révolutionnaire.
7En amont, la famille de Ségur est fort éloignée de l’esprit ultramontain qui caractérisera les enfants de la comtesse. L’ouvrage de Léon Apt, Louis-Philippe de Ségur, An intellectuel in a revolutionary age, s’attache à recréer les complexités et les perplexités d’une grande noblesse sensible et bienveillante dans un âge révolutionnaire6. Le comte Louis-Philippe de Ségur, (1753-1830), grand-père d’Eugène de Ségur, le mari de Sophie Rostopchine, marque en quelque sorte le passage d’une famille de grands guerriers à la vie intellectuelle. Ses ancêtres ont leur nom lié au fameux « Régiment Ségur », et son arrière-grand-père, Henri-Joseph, marquis de Ségur, était un séducteur célèbre, héros d’un des épisodes les plus fameux dans les annales de la galanterie7. Le père de Louis-Philippe était maréchal de France.
8Avec Louis-Philippe, se produit comme un basculement auquel les historiens sont particulièrement sensibles. Léon Apt évoque une étude américaine d’Harold Nicolson, The Mainstream of the modern world : the âge of reason, the eighteenth century, publiée en 1961 à New-York, qui observe Louis-Philippe de Ségur à travers plusieurs générations de sa famille, et le voit comme le représentant d’une France passant d’une société aristocratique à une société bourgeoise. C’est un complexe dont on retrouve les effets lointains dans le monde de la comtesse. Elevé par sa mère, qui accueille les philosophes les plus en vue, il fréquente aussi les salons de Mme Geoffrin et de Mme du Deffant, et garde un vif souvenir de Voltaire8. D’un autre côté, son père lui facilite une carrière militaire traditionnelle, mais c’est aussi un intellectuel qui écrit beaucoup, et même sur L’Enfance, qui fait le titre d’un de ses ouvrages. Il en montre le caractère avenant, car dans son âge tendre l’enfance ne connaît ni suspicion, ni haine, ni ingratitude, ni envie : l’entrée dans la vie est pleine de fleurs. Et pourtant, ce côté de Fleurville avant la lettre est affecté, comme le montre Léon Apt, d’une sorte de blessure, et la naissance est décrite à la manière d’un trauma qui en fait un abandon de la mère.
9La comtesse de Ségur éludera complètement dans ses romans la question de la naissance et des premières années, ce qui lui permet sans doute d’échapper à toute rêverie romantique et romanesque sur la parenté et la filiation. Un fait remarquable est que chez elle, en dépit de toutes les désorganisations possibles de la famille, l’origine ne suscite aucun doute. Elle n’est en aucun cas la source d’un problème, alors que plus d’un personnage, Sophie, Dourakine, M. Georgey, se sentent ou se disent seuls ou abandonnés. Cette solitude est en quelque sorte signée, elle affecte des individus qui connaissent leurs parents, alors que l’orphelin n’est pas affecté d’un tel sentiment. Au contraire, dans cette famille si prestigieuse, Léon Apt relève à la fois un doute sur la filiation, puisque le frère de Louis-Philippe, Joseph-Alexandre, passait pour le fils naturel du duc de Besenval, et une compétition avec le père. Le poids d’une gloire familiale aussi constante ne pouvait qu’être lourd à supporter, et de pareilles lignées de grands hommes sont exceptionnelles. La figure de celui-ci intrigue : il entretient avec la Révolution des rapports contradictoires, et sa vie est un combat perpétuel entre des valeurs héritées de l’aristocratie et une adhésion aux idées libérales. Intellectuel, il n’en mène pas moins une vie très active qui lui fait traverser tous les régimes successifs aux avant-postes, passant de la guerre d’indépendance en Amérique au rang d’ambassadeur en Russie, de la tourmente révolutionnaire au titre de conseiller d’état et de grand maître des cérémonies sous Napoléon, puis de pair sous la Restauration.
10C’est quelqu’un en même temps qui n’échappe pas à la mélancolie, à ce que Léon Apt appelle « le mal de Ségur » et qui tout en s’intéressant à l’Histoire universelle, dont il fera un abrégé très consistant pour les enfants, voit cette histoire sous l’angle d’un développement de l’enfance à la maturité, écrivant non seulement L’Enfance, mais L’Adolescence et L’Age mûr où il prend ses distances avec l’ambition. Partagée entre la gravité et la légèreté, son œuvre abondante atteste de la diversité de ses intérêts : on y trouve un Abrégé de l’Histoire universelle, ancienne et moderne à l’usage de la jeunesse en 15 volumes (Paris, A. Eymery, 1823), des Mémoires en trois volumes (Eymeri, 1824-1828), des Souvenirs et anecdotes sous le règne de Louis XVI, mais aussi des Contes, fables et chansons (Paris, F. Buisson, an IX, 1801), et de nombreux vaudevilles signés « citoyen Ségur aîné ». Une édition complète de ses Œuvres chez Eymery occupe 33 volumes. On y relève aussi bien des Programmes et cérémonies de fêtes et de mariages que des Lettres à son épouse la comtesse de Ségur, ou un Recueil de famille dédié à la comtesse de Ségur.
11Le côté vaudeville est davantage représenté par son frère cadet Joseph Alexandre, dit « Ségur le jeune », ou encore « Ségur sans cérémonie », (1757- 1805), plus léger et porté vers les mots d’esprits, voire les anecdotes piquantes où il ne dédaigne pas de figurer. Dans les Mémoires de la comtesse de Boigne, le vicomte de Ségur est présenté comme « l’homme le plus à la mode de ce temps » et faisant « d’assez jolis vers de société, dont sa position dans le monde était le plus grand mérite » : « M. de Thiard, impatienté et peut-être jaloux de ses succès, fit à son tour une pièce de vers où il conseillait à M. de Ségur d’envoyer ses ouvrages au confiseur, ayant, disait-il, prouvé qu’il avait tout juste l’esprit qu’on peut mettre dans une pastille9. » Les titres de ses ouvrages indiquent quel fut son souci principal dans la vie, puisqu’à côté de ses Comédies, proverbes et chansons, il laisse un Essai sur les moyens de plaire en amour (1797) ou encore une étude sur Les Femmes, leur condition et leur influence dans l’ordre social, chez les différents peuples, anciens et modernes (an XI-1803), qui montre le rôle important joué par les femmes à certaines époques, notamment dans « la société largement matriarcale qui fleurissait sous Louis XV et Louis XV110 », Gabriel de Broglie a consacré à ce Ségur un livre, Ségur sans cérémonie ou la gaieté libertine, où il examine les rapports entre les deux frères, ces rapports qui, dans une certaine mesure intéresseront la comtesse de Ségur lorsqu’elle décrira Camille et Madeleine dans Les Petites filles modèles, ou Jacques et Paul dans L’Auberge de l’Ange gardien. Ainsi, Ségur le Cadet, Ségur sans cérémonie, se démarquait-il ostensiblement de son aîné en affectant de paraître frivole, tout en affirmant le lien original qui unit et sépare les deux frères11.
12Louis-Philippe avait eu deux fils, Octave, le père d’Eugène, et Philippe-Paul, qui servit dans les armées de Napoléon et fit notamment la campagne de Russie, avant de se tourner lui aussi vers les Lettres et d’entrer à l’Académie française. Il sera le plus célèbre de sa génération, se faisant connaître plus particulièrement pour sa relation d’événements qui touchent au plus près de l’ Histoire universelle et de la vie de Sophie Rostopchine puisqu’il écrira en 1824 l’Histoire de Napoléon et de la grande armée en 1812, puis Un aide de camp de Napoléon. Ses Histoires et Mémoires, parus seulement après sa mort, contiennent encore des détails jugés intéressants sur l’empereur.
13Jacques Chenevière peut donc dire d’Eugène de Ségur qu’il est « un pur français, de grande lignée » : « la gloire du nom et des alliances, peu de fortune mais jolie tournure, vingt et un ans, et de si noble visage qu’il n’avait, disait Rostopchine, que le défaut d’être trop beau. Arrière-petit-fils du chancelier d’Aguesseau et du marquis de Ségur, maréchal de France sous Louis XVI ; petit-fils de l’ambassadeur de Russie. Un Ségur qui, lorsqu’il hérita de la Pairie, ne prit pas le titre héréditaire de marquis pour ne point paraître blâmer celui qui avait cru devoir accepter de Napoléon un titre de comte12. » En somme, un art de concilier les contraires que Sophie Rostopchine empruntera, car ses récits ont ceci de particulier qu’ils combinent les valeurs du passé et du présent, le sentiment de la lignée et la noblesse des humbles, rapprochant même le château et l’usine ; ainsi, la comtesse n’éprouve-t-elle pas vraiment d’antipathie à l’égard d’un patron comme M. Féréor, et l’on verra que le monde industriel dominé par ce dernier est considéré d’un point de vue qui l’apparente au système de la Cour.
14Au fur et à mesure de l’avancement de l’œuvre, s’imposeront d’autres milieux que celui des petites filles modèles. La part faite aux classes laborieuses s’accroît, mais, ne serait-ce que par la dédicace ou même par l’effet des premiers romans qui tracent comme un modèle de vie, les Ségur continuent de s’y donner en représentation. Cette famille publique « sert » l’Etat de multiples façons tout en se servant elle-même et en se servant de la plume, en partie pour écrire sur elle-même, jouant d’un balancement entre l’intimité et de la civilité, du privé et du public, aspirant au for intérieur mais toujours prête à le présenter comme le bien de tous, exposé au regard des inférieurs. Elle illustre donc une pratique littéraire dédaignée par les histoires de la Littérature, une pratique que l’on pourrait qualifier d’Ancien Régime, où la respectabilité du nom est en quelque sorte garante de la qualité des ouvrages. Mémoires ou Histoires constituent les genres privilégiés pour ces « hommes de lettres », dans un rôle qu’illustrera encore Pierre de Ségur, petit-fils de la comtesse et troisième académicien de la famille.
15Le chanoine Cordonnier, qui a écrit une biographie de la comtesse en s’appuyant sur les témoignages de sa famille, notamment de ses petites-filles, Elisabeth de Moussac, Jeanne et Françoise de Pitray, insiste sur le caractère uni de la famille de Ségur, qui a permis à la jeune comtesse de rencontrer Philippe de Ségur et d’entrer sans doute en relation intellectuelle avec lui. D’après le chanoine, Philippe de Ségur professait une telle admiration pour son frère aîné Octave, le beau-père mort de Sophie, « qu’il avait toujours sur lui la miniature de celui-ci, qu’il la porta même sur les champs de bataille du 1er Empire et à travers les flammes de Moscou »13. Les encyclopédies n’ont pas gardé le souvenir de cet Octave de Ségur, qui ne répugna cependant pas à prendre la plume, publiant des Lettres élémentaires sur la chimie (1803), et surtout traduisant avec son épouse des romans anglais, Belinda de Miss Maria Edgeworth, Ethelwina de T.J. Horstley, et la Flore des jeunes personnes, de Priscilla Wakefield.
16Les biographes de la famille Ségur dissimulent souvent le véritable destin de cet homme, de même qu’ils oublient la mésentente entre Eugène de Ségur et Sophie, mais les Mémoires de la comtesse de Boigne nous révèlent un épisode qui n’avait pas manqué d’émouvoir cette illustre famille. C’est une histoire romanesque, de celles que la comtesse et ses enfants s’attacheront à rendre impossibles, dans leur rejet et de la galanterie d’Ancien Régime et du Romantisme, ce que le camp clérical appellera « le fléau du Romantisme ». Mme de Boigne nous dit que Mme Octave de Ségur se trouvait, « mais sans prétention sur son cœur », au nombre des adoratrices de M. de Chateaubriand. Née d’Aguesseau, elle avait épousé par amour son cousin germain, avec qui elle traduisait des romans anglais. Mais celui-ci, terriblement jaloux, disparaît après l’avoir trouvée en compagnie d’un autre homme, se fait soldat à Boulogne, suit la grande armée en Allemagne, se fait oublier pour ne réapparaître qu’en 1814, après avoir été fait prisonnier en Hongrie. « Sa femme fut désolée de ce retour », écrit Mme de Boigne. Pourtant, se reprenant bientôt de passion pour lui, elle emploie toutes les ressources de la coquetterie pour le reconquérir et ils retrouvent un bonheur, quelque peu agité. Elle refuse de le suivre à Paris comme il le veut, il insiste une dernière fois : « Enfin, il lui écrivit que si elle n’était pas à Paris avant 6 heures tel jour, elle s’en repentirait toute sa vie. Elle n’arriva pas, et à 9 heures Octave se précipita dans la Seine14. » Liée à la grande Histoire, cette famille nourrit donc la petite histoire, et l’anecdote se retrouvera, sous forme d’une intrigue policière, dans Historia : « La Mystérieuse disparition d’Octave de Ségur »15.
17Autre temps, autres mœurs : les descendants de la comtesse de Ségur continueront d’illustrer la famille, mais en se rangeant avec détermination dans le camp du catholicisme social, intolérant à l’égard des idées laïques ou même protestantes, mais tourné du côté des pauvres. Deux des fils de la comtesse avaient publié avant même qu’elle ne commence à écrire, et le Dictionnaire universel des contemporains, de Vapereau, publié chez Hachette, ne cite pas encore la comtesse en 1880, alors qu’il accorde une place importante au fils aîné, Louis-Gaston, Monseigneur de Ségur. Après avoir étudié la peinture chez Delaroche, celui-ci était entré de bonne heure dans les ordres, devenant auditeur de rote à Rome, prélat à la Maison du Pape, chanoine évêque du chapitre de Saint-Denis, membre particulièrement actif du parti ultramontain. Homme de plume infatigable, il peut être considéré comme l’auteur religieux contemporain le plus lu, pour la période 1851-187016.
18Sa participation aux Petites-Lectures est tout à fait représentative de l’« activisme » du personnage et de la politique ultramontaine, fondée sur une religion « christocentrique » d’amour et de pardon, dirigée vers l’ouvrier. Ces Petites-Lectures s’inscrivent dans l’action de la Société de Saint-Vincent de Paul, laquelle « se proposa dès son principe un autre but que celui de l’assistance matérielle des pauvres »17, et songea à des publication morales et chrétiennes faites spécialement pour le peuple :
Les petites lectures, ainsi que leur nom l’indique, sont une publication petite entre les petites, quelque chose qui rappelle ce que sont les Frères Mineurs de Saint François d’Assise dans la grande famille des ordres religieux. Elles sont pauvres par l’impression, par le papier, comme les pauvres mêmes pour lesquels elles sont faites.
Elles se composent aujourd’hui encore, comme dès le principe, de quelques pages de petit format.
19Parmi les rédacteurs les plus zélés, se distingue l’abbé de Ségur, qui « aimait les petits et les pauvres » et leur parlait avec une « simplicité naïve et joyeuse », mêlait le plaisant au sévère, pratiquait l’histoire qui appelle l’éclat de rire, et savait surtout être clair18. L’énumération de ces qualités rappelle celles qui sont communément attribuées à la comtesse. « C’est lui qui imprima aux Petites-Lectures ce cachet de simplicité, de dévotion joyeuse, de rondeur militaire qui en assura le succès », ajoute son frère qui relève encore dans la correspondance un refus d’adoucir certaines expressions qui font le « sel » de « la soupe » : « le principal mérite de mes petits articles est que je mets les points sur les “i”, que je vais droit au fait. » On retrouve dans les rapports de la comtesse avec son éditeur le même type de débat, et il n’est jusqu’à l’appellation de « Petite-Lecture » qui ne pousse au rapprochement, tant la manière de s’intéresser à ce qui est petit semble commune à la mère et au fils. On notera cependant qu’en l’occasion c’est le peuple qui est le plus petit, le plus mineur...
20Cette contribution aux Petites-Lectures ne représente qu’un aspect de l’activité de Mgr de Ségur. Dans son œuvre immense, on trouve beaucoup de livres pour les enfants et pour les apprentis, La Religion enseignée aux petits enfants, Le Jeune ouvrier chrétien, Aux apprentis... Entre 1864 et 1872, il publie chez Tolra et Haton une série de fascicules sous le titre générique de Aux enfants : Mois de Marie, La Sainte Vierge, La Confirmation, Conseils pratiques sur la communion, sur la confession, sur la piété, sur la tentation et la prière... Mais ce sont aussi des écrits sur Jésus, le Concile, les Francs-Maçons, les Ennemis des Curés, l’Enfer... « Nos Francs-Maçons marchent bon train, écrit-il en 1867 à sa sœur Sabine ; en moins de quinze jours, 14000 exemplaires, quatre éditions. L’ennemi enrage... »19 Sept cent milles exemplaires de ses Réponses aux principales objections contre la religion auront été vendus en France et en Belgique, pour un total général de plus d’un million, en comptant les éditions étrangères. D’abord refusé par tous les libraires catholiques, le manuscrit avait été publié à ses frais par la comtesse, chez Lecoffre. Comme si, avant de faire elle-même carrière dans les lettres, la comtesse de Ségur l’avait d’abord vécue par procuration, à travers son grand homme de fils, de la même manière que Zulma Carraud avait participé de tout son être à la création balzacienne, tout comme encore la propre sœur de Balzac, dont Le Voyage en coucou constitue l’argument d’Un début dans la vie.
21Cette satisfaction, la comtesse la connaît également grâce à un autre fils, Anatole, né en 1823 et qui, en véritable polygraphe, aborde tour à tour des sujets religieux, politiques, pratiques et « littéraires », toujours engagés : Vie du Comte Rostopchine ; Les Martyrs de Castelfidardo, un ouvrage à la gloire des troupes pontificales commandées par le général Lamoricière et mises en déroute le 18 septembre 1860 par l’armée piémontaise de Cialdini ; Vies de Saint François d’Assise, de Saint François de Sales ; Souvenirs et récit d’un frère, un livre consacré à Louis-Gaston de Ségur et qui constitue une source d’informations essentielles sur le langage et l’état d’esprit du parti ultramontain. Il écrivit aussi plusieurs volumes de poésies, deux volumes de fables20, un drame religieux, Sainte-Cécile, représenté au Théâtre français. « C’était là un bagage qui lui permettait de briguer l’entrée à l’Académie. Celle-ci lui eût ouvert ses portes volontiers, si la Compagnie habituée à trouver chez ceux qui la composent une aménité de paroles et de procédés qui est légendaire sous la Coupole, n’avait pas été quelque peu effrayée des opinions intransigeantes du candidat. Elle referma doucement mais fermement la porte devant ses tentatives21. »
22Anatole de Ségur avait pourtant reçu un prix Montyon de 2000 frs pour son poème tragique, Sainte-Cécile, « une œuvre d’art et d’élévation morale, une étude poétique animée surtout par l’âme, un drame chrétien », selon le rapport de l’Académie. L’auteur aimait aussi s’adresser aux soldats et aux enfants : La Caserne et le Presbytère, contes et récits parus chez Sagnier et Bray en 1853, illustrent à leur manière l’union du sabre et du goupillon, mais ses Fables semblaient convenir à des éditeurs fort différents, puisque d’abord publiées en 1847 chez Michel-Lévy frères, elles furent reprises aussi bien par Hetzel, en 1864, que par Bray et Retaux en 1878. La comtesse de Ségur ne manquera pas d’adresser quelques clins d’œil discrets à ce fils chez qui elle semble avoir trouvé le véritable nom, rapidement énoncé, de Gribouille, Babylas, qui rappelle une des toutes premières publications d’Anatole, Babylas, ou l’esprit vient en mangeant (1854)22. Nous avons déjà vu Moutier, dans L’Auberge de l’Ange gardien, se plonger dans la lecture des Mémoires d’un troupier, jusqu’à en oublier le monde qui l’entoure et à faire rire Elfy : « Serait-il mort ? On dirait qu’il dort debout. » L’auteur ne précise pas que ces Mémoires si passionnantes sont d’un de ses fils, dont elle fait la réclame en toute innocence, comme elle le fait pour son frère aîné Gaston, dans les premières lignes de Jean qui grogne et Jean qui rit : au moment de partir pour Paris, Jean n’emmène que deux livres, Manuel du chrétien, Conseils pratiques aux enfants. « Il n’y en a guère, il est vrai, mon ami ; mais ils sont bons », et Jean espère bien rencontrer « le bon prêtre qui a fait ces livres », encouragé par sa mère : « Et tu feras bien, mon ami ; il doit être bon, cela se voit dans ses livres. Et il aime les enfants, cela se voit bien aussi. »
23Dans Souvenirs et récit d’un frère, Anatole de Ségur reproduit une lettre de la même armée 1865, adressée à Louis-Gaston par un de ses anciens communiants : « Depuis le 20 février 1849, je ne fais que de chercher après vous. C’est le jour que vous m’avez fait faire ma première communion à l’abbaye militaire où vous étiez aumônier de la prison. Je crois que c’est bien vous, attendu que j’ai un garçon de quatorze ans qui fait partie de la maîtrise, qu’il était en train de lire le journal L’Ouvrier et que j’ai vu la signature L.– G. de Ségur, chanoine de Saint-Denis. Ça m’a sauté aux yeux et je me suis dit : “Ça doit être ce brave aumônier que je cherche depuis si longtemps”... »
24Fière de ses enfants qui l’ont précédée dans la voie de l’écriture, l’auteur leur rend un hommage à la fois discret et appuyé, qui manifeste une influence subie au moins dans le choix de certains sujets. Dans son article sur les Contes, Louis Veuillot avait souhaité qu’elle transportât ses personnages en dehors des splendeurs des châteaux, en songeant à la condition démocratique de ses lecteurs23 ; son fils Gaston se donne comme public privilégié celui des apprentis, et s’occupe d’un journal significativement appelé L’Ouvrier, « un pauvre petit journal coûtant trois francs par an [...] et qui récolte des articles par charité », pour lequel la comtesse demande à Templier l’autorisation de publier sa comédie Le Forçat ou à tout péché miséricorde24. Les personnages de Jean qui grogne et Jean qui rit sont les lecteurs mêmes que convoite Gaston, et auxquels elle fait l’honneur d’une mise en scène. Ainsi le public de la « Bibliothèque rose » s’élargit-il à ces petits apprentis pour qui la comtesse ne cesse de réclamer des exemplaires de ses ouvrages à son éditeur, des exemplaires brochés et non luxueusement reliés, qui nous mènent « loin du mythe un peu niais de la grand-mère écrivant pour ses petits-enfants »25.
25Le lien de l’auteur avec ses descendants doit donc se chercher moins dans la chronique familiale que dans le maniement de la plume, dans cette écriture croisée menée sous le signe du troupier, de sa bravoure, de sa simplicité et de sa franchise. Précisément, Les Mémoires d’un troupier de son fils Anatole lui donnaient l’exemple d’une narration prétendument faite par un homme du peuple (« M’est avis qu’en toutes choses il faut commencer par le commencement »), qui observe les grands événements par le petit bout de la lorgnette, et qui se distingue des gens « qui commencent leurs mémoires par le récit de faits accomplis longtemps avant leur naissance, et qui décrivent leur entrée en ce monde comme s’ils en avaient été les témoins attentifs et désintéressés »26.
26Tout en se moquant implicitement d’une autobiographie comme Histoire de ma vie de George Sand, Anatole de Ségur s’inscrit pourtant, au moins avec discrétion, dans une certaine veine sandienne, et son récit n’est pas exempt d’un réalisme dans les petits détails de la vie rustique, quand il oublie de moraliser. Le tirage au sort, le jour du conseil de révision, sont évoqués avec précision et l’on trouve un père Thomas plus enjoué que dans La Fortune de Gaspard, mais d’une aisance tout à fait identique. Le livre fournit aussi un épisode qu’on retrouvera dans Le Mauvais génie, celui du soldat qui outrage un officier sous le coup de l’ivresse et qui est traduit devant le conseil de guerre. Anatole avait lui-même trouvé le sujet chez son frère Gaston qui, entre autres fonctions, avait exercé celles d’aumônier militaire27. Moutier souligne déjà l’intérêt de l’anecdote :
Je n’aurais jamais cru qu’un livre pût amuser et intéresser autant. J’en étais à la salle de police ; c’est que c’est ça, tout à fait ça ! Je n’y ai été qu’une fois, et pour un faux rapport sans qu’il y ait eu de ma faute...
27C’est donc comme si Moutier lisait en fait ses propres aventures ; ainsi que le héros de ce livre, il figure bien ce peuple qui depuis Napoléon et pour la première fois de l’Histoire, comme l’écrivait Lukacs, est intimement mêlé au cours des événements qui transforment le monde. D’ailleurs, ayant tiré « un mauvais numéro » qui l’obligera à faire la guerre, le narrateur en est accablé, tout en se réjouissant d’être conduit vers de grandes choses : ainsi participera-t-il à la campagne de Crimée, racontant la bataille de Sébastopol, le courage des Anglais surpassé cependant par celui des Français, et notamment par celui des zouaves, la reconquête du drapeau, la prise et la destruction de Malakoff... Tous ces événements, on les trouve résumés dans L’Auberge de l’Ange gardien, la comtesse suivant très exactement le récit de son fils. On notera simplement une anomalie amusante : c’est que Moutier lit ce livre lors de sa première arrivée à l’auberge, et qu’il ne part qu’ensuite pour la guerre de Crimée... Revenu trois ans plus tard, il raconte alors sa campagne, ou plutôt celle qu’a vécue son humble modèle. Cette étourderie de la comtesse confirme, s’il le fallait, que son inspiration est puisée dans les textes autant que dans la vie, comme le montrera encore, dans Le Général Dourakine, l’utilisation des Souvenirs d’un Sibérien de Rufin Piotrowski.
Notes de bas de page
1 Lettre du 25 décembre 1860 à la vicomtesse de Pitray, reproduite dans Sophie Rostopchine, comtesse de Ségur, racontée par sa petite-fille.
2 23 octobre 1865, Correspondance, Tome VII (août 63-janvier 66), p. 359.
3 Lettres de Monseigneur de Ségur à ses filles spirituelles, p. 89.
4 Voir Victor de Ségur-Cabanac, Histoire de la maison de Ségur dès son origine, 876. Marquis, comtes et vicomtes de Ségur en Limousin, en Guienne, en Périgord, en l’Ile de France, en Champagne, en Autriche et en Hongrie, Brünn, impr. de G. Karafiat, 1908.
5 Lettre citée par Marthe de Hédouville dans Les Rostopchine.
6 « A génération of high-born but sensitive and benevolent noblemen who lived in a revolutionary age », Léon Apt, Louis-Philippe de Ségur, An intellectuel in a revolutionary age, page de couverture.
7 « A notorious lover, the hero of at least one épisode famous in the annals of gallantry », Id., p. 1.
8 Voir aussi la notice qui lui est consacrée par Larousse.
9 Comtesse de Boigne, née d’Osmond, Mémoires (récits d’une tante), Tome 1 (1797- 1814), p. 63. L’auteur narre la vengeance du vicomte, exercée en Normandie aux dépens de la maîtresse de M. de Thiard, femme respectée qu’il engrossera, abandonnera et livrera à la moquerie publique, sans que ces faits « parussent autre chose qu’une malice spirituelle ». On a évoqué le nom de ce Ségur comme un des modèles possibles du Valmont des Liaisons dangereuses, et certains lecteurs ne manquent pas de retrouver au château de Fleurville quelques parfums de scandales.
10 Voir Léon Apt, p. 3.
11 Gabriel de Broglie, Ségur sans cérémonie ou la gaieté libertine, p. 12.
12 Jacques Chenevière, La Comtesse de Ségur née Rostopchine, p. 31.
13 La Comtesse de Ségur, l’idéale grand-mère, p. 46-47.
14 Comtesse de Boigne, Mémoires, Tome 1, p. 308-311.
15 Article d’André Gavoty, dans Lisez-moi Historia d’avril 1947.
16 Claude Savait, « Le Livre religieux », Histoire de l’édition française, Tome III, p. 407.
17 Anatole de Ségur, Monseigneur de Ségur, p. 115-117.
18 Anatole de Ségur, Id.
19 29 août 1867, Lettres de Mgr de Ségur à ses filles spirituelles.
20 Louis Veuillot, dans la Revue du monde catholique du 10 déc. 1865, a publié un article élogieux sur les Fables d’Anatole.
21 Chanoine Cordonnier, La Comtesse de Ségur, l’idéale grand mère, p. 58.
22 Une de ses fables s’intitule également Jean qui pleure et Jean qui rit (Fables, Michel Lévy, 1847).
23 « Les Contes de Madame de Ségur », L’Univers, 31 décembre 1859.
24 Lettre 78 du 3 janvier 1865, Lettres à son éditeur, p. CII.
25 Laura Kreyder, L ’Enfance des saints et des autres, p. 49.
26 Anatole de Ségur, Les Mémoires d’un troupier, Bray et Rétaux, p. 1.
27 Voir Monseigneur de Ségur, Tome 1, p. 66.
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