Une Scudéry fantastique : Das Fräulein von Scudery d’E.T.A. Hoffmann et ses adaptations pour la scène
p. 293-306
Texte intégral
Mlle de Scudéry est un nom qui bénéficie toujours dans les pays de langue allemande d’une importante notoriété auprès d’un large public ; pourtant la romancière, contrairement aux armées de Louis XIV, n’a jamais franchi le Rhin, et c’est au XIXe siècle qu’elle a définitivement consolidé en Allemagne la célébrité qu’elle avait au même moment perdue en France. Le grand responsable de cette persistante notoriété n’est autre qu’Ernst-Theodor-Amadeus Hoffmann qui la prit pour héroïne éponyme dans une de ses plus célèbres nouvelles fantastiques. Das Fräulein von Scuderi fut publiée pour la première fois en 1818 sous forme de conte séparé dans un almanach1, avant d’être intégrée l’année suivante dans le recueil intitulé Les Frères de Saint-Sérapion (1819-1821), qui connut un grand succès. Même si l’on sait que Mlle de Scudéry a continué à être lue au XVIIIe siècle2, on ne peut néanmoins qu’être étonné de voir la romancière – sans doute un peu passée de mode au début du XIXe siècle, il faut en convenir – intéresser Hoffmann au point qu’il lui a consacré une nouvelle d’une centaine de pages, d’ailleurs une de ses dernières œuvres3, et une œuvre que la critique moderne s’attache à célébrer comme l’acte de naissance d’un genre nouveau, mais appelé à un grand avenir, le roman policier4. Pourquoi Hoffmann a-t-il eu l’idée de transformer l’honorable demoiselle en héroïne d’aventures policières ? Quel rôle lui fait-il jouer, et quelle image en donne-t-il au public ? Enfin comment cette résurrection inattendue a-t-elle pu lancer une seconde carrière pour Mlle de Scudéry, non plus d’auteur mais de personnage littéraire ?
De la fiction galante au fait divers criminel
1Rappelons brièvement l’intrigue de la nouvelle. Nous sommes à l’automne 1680 ; Paris est en proie à une vague de criminalité : l’Affaire des Poisons bat son plein ; tout le monde soupçonne tout le monde et la Justice n’hésite pas à utiliser des mesures d’exception qui ne font que renforcer la crainte ambiante, ce que l’on appellerait de nos jours l’atmosphère d’insécurité. Dans ce contexte angoissant, une série d’assassinats nocturnes inexpliqués, où les victimes attaquées d’un coup de poignard meurtrier sont délestées de bijoux qu’elles venaient d’acquérir, laisse la police sur les dents, car l’agresseur disparaît comme par enchantement en pleine rue. Une nuit, on vient frapper à la porte de Mlle de Scudéry et un jeune inconnu inquiétant laisse une cassette avant de s’enfuir en entendant la maréchaussée approcher. Dans la cassette se trouvent des bijoux magnifiques, sans doute volés, que Mlle de Scudéry, blessée de ce cadeau ignoble, veut rendre à leur propriétaire, le joaillier René Cardillac. Celui-ci refuse leur restitution, en affirmant qu’il les a bien forgés pour elle. Quelques mois plus tard, le même inconnu nocturne qui avait apporté les bijoux maudits, intercepte le carrosse de la demoiselle et la prévient qu’elle doit se débarrasser des bijoux au plus vite. Le lendemain, Mlle de Scudéry ne peut se rendre chez Cardillac, et lorsqu’elle y arrive deux jours plus tard, elle découvre une émeute devant la maison du bijoutier : il a été assassiné pendant la nuit ; la police arrête son apprenti, Olivier Brusson, et pense même arrêter sa fille, la jolie Madelon, que Mlle de Scudéry soustrait aux mains des policiers grâce au respect qu’elle leur impose. Convaincue par la jeune fille de l’innocence de Brusson, Scudéry va mener l’enquête, jusqu’à ce qu’elle découvre que Brusson et son inconnu nocturne ne font qu’un. Persuadée alors de la culpabilité de l’apprenti, elle abandonne sa cause, quand elle apprend que celui-ci demande à lui parler. Afin d’éclaircir définitivement le mystère, elle accepte une entrevue nocturne, sous la garde de la police : Brusson se confesse à la vieille demoiselle, dont il connaît la bonté. Apprenti d’origine genevoise, il a été embauché par Cardillac pour son habileté exceptionnelle, digne de celle de son maître, qui portait l’artisanat du bijou jusqu’à la perfection de l’art. Mais Cardillac a découvert qu’il était amoureux de Madelon et l’a mis à la porte ; c’est ainsi que l’amoureux éconduit, en surveillant la maison de sa belle, a découvert que Cardillac sortait la nuit par une porte secrète pour assassiner ses clients, ne pouvant maladivement pas supporter de voir ses créations lui échapper. Pour acheter le silence de Brusson, Cardillac est venu lui offrir de le reprendre à son service et lui a proposé la main de Madelon, en même temps qu’il lui a expliqué la malédiction dont il était la victime et qu’il a promis d’exorciser. Inquiet pour la vie de Mlle de Scudéry, Brusson a donc cherché à la prévenir du danger qui la menaçait, et à surveiller Cardillac lors de ses sorties nocturnes pour éviter un nouveau crime. C’est ainsi qu’il a vu son maître succomber à un coup de poignard plus rapide que celui qu’il s’apprêtait à donner, et que, pour éviter le scandale et épargner Madelon, il a rapporté le corps à l’atelier et caché la vérité à la police. Scudéry, convaincue par ce récit, essaye alors d’intervenir auprès du lieutenant général de police La Reynie, mais celui-ci reste impitoyable. Une visite du comte de Miossens, qui vient revendiquer la mort de Cardillac dont il avait deviné le double jeu, achève de convaincre la demoiselle de l’erreur judiciaire dont Brusson est victime. Mais Miossens refuse de révéler son crime de légitime défense, par peur des représailles de la terrible Chambre ardente, tribunal d’exception fondé à la suite de l’Affaire des poisons, et dirigée par le redoutable La Reynie. L’avocat Pierre Arnaud d’Andilly, consulté par Mlle de Scudéry, ne voit que la grâce royale pour sauver Brusson, mais Louis XIV refuse d’en entendre parler, tant le crime d’Olivier Brusson contre un homme admiré et respecté de tous plaide contre lui. Mlle de Scudéry décide alors de frapper les esprits : elle se met elle-même en scène, parée de tous ses atours et des bijoux volés, attire ainsi l’attention du roi, et la garde par son récit captivant des derniers événements. Séduit par cette narratrice hors pair et ébranlé par son éloquence, Louis XIV fait prendre des renseignements, et annonce un mois plus tard à Mlle de Scudéry la libération de son protégé, ainsi que la restitution des bijoux volés à leurs propriétaires.
2Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce récit qui mêle intrigue sentimentale et enquête judiciaire, crimes nocturnes et artiste maudit, trouve bien sa source dans la biographie de Mlle de Scudéry. En effet Hoffmann n’invente pas l’histoire des bijoux volés et l’irruption surprenante d’un inquiétant personnage chez la romancière pour lui remettre un mystérieux présent. On sait par des chroniqueurs comme Tallemant des Réaux5, Vaumorière ou Conrart que Madeleine de Scudéry recevait des cadeaux de ses nombreux amis et que pour ne pas froisser sa délicatesse – car ces cadeaux étaient souvent une manière d’aide déguisée à la romancière en mal de fortune –, on dissimulait ces dons sous des formes romanesques6. Concernant plus spécifiquement l’épisode des bijoux, deux sources attestent la fiction galante utilisée par les amis de la romancière. D’une part un texte de Conrart, où l’auteur raconte que le 1er janvier 1665, vers dix heures du matin, elle a reçu
une corbeille de paille brodée, où il y avait une belle bourse de points d’Espagne, un bracelet d’aventurine et une quantité de petits bijoux en filigrane. Ce présent était apporté par un homme de mauvaise mine et sentant son filou, comme de la part des voleurs, en faveur desquels elle avait fait un peu auparavant un placet au roi contre celui de M. de Châtillon-Bouillon7.
3En effet, à l’origine de l’idée de ces généreux voleurs se trouve un cycle poétique datant de 1664 ; la criminalité des rues de Paris avait suscité un placet au roi sur le mode plaisant, où les amants dépouillés des présents qu’ils destinaient à leurs belles se plaignaient de ne plus pouvoir les courtiser tranquillement8. Or Vaumorière raconte comment Scudéry avait répondu à cette « Requête des amants contre les filous » par une « Réponse des filous à la requête des amants » :
Mlle de Scudéry a répondu à ce placet, et les filous se défendirent agréablement par son secours. Ils se moquèrent des amants timides, et dirent que puisqu’ils avaient peur, ils n’étaient pas dignes de ces rendez-vous dont ils parlaient si haut. Ils ajoutèrent même que leur crainte était mal fondée, et que leurs bourses n’étaient pas assez pleines pour attirer les voleurs ; que les présents de leurs maîtresses qu’on leur pourrait prendre, ne consistaient qu’en quelques petits bracelets de cheveux. Qu’ils étaient bien différents des amants qui vivaient sous le règne d’Henri le Grand, d’amoureuse mémoire : que l’on trouvait sur eux les portraits de leurs belles dans des boîtes d’or enrichies de diamants ; si on venait à les leur voler, ils les rachetaient le lendemain plus qu’elles ne valaient, et ne manquaient pas de payer le secret qu’il leur importait que l’on gardât pour les portraits9.
4Le retentissement de ces impertinents vers de l’auteur à succès qu’était Mlle de Scudéry en 1664 fut tel que « tout le monde voulut en avoir des copies », et quelques mois plus tard, le Jour de l’An 1665, on entendit frapper bruyamment à la porte de la romancière :
Le petit Du Buisson que vous connaissez, courut ouvrir, et pensa mourir de peur. Il vit un homme terrible par sa mine, par sa moustache, et surtout par la ceinture de sa culotte garnie de pistolets, de poignards et de baïonnettes, qu’il laissa voir en entrant.
5Le laquais s’enfuit et court avertir la servante qu’il y a « dans la cour un grand diable d’homme qui va [les] tuer ». La servante prévient Mlle de Scudéry, qui la rassure et l’envoie recevoir ce visiteur inattendu pour lui donner les étrennes qu’il vient chercher. Or, loin d’accepter les étrennes, celui-ci offre une corbeille et disparaît sans explication. Dans la corbeille se trouvent une bourse de riches dentelles, un bracelet de pierreries et un billet :
« Illustre Sapho, je viens de la part de mes camarades les filous pour vous donner vos étrennes, et vous offrir la plus jolie bourse que nous ayons volée depuis que vous eûtes la générosité de défendre notre cause ». Mlle de Scudéry connut par le tour des vers, et par cette libéralité faite d’une manière si ingénieuse, que le présent lui venait d’une personne de grande qualité, et d’un esprit fort galant qui a pour elle toute l’estime et l’amitié qu’elle mérite10.
6Mais la mystification des amis de Mlle de Scudéry, origine de la nouvelle, a été connue de Hoffmann par une source différente, de langue allemande, le récit de l’érudit Johann Christoph Wagenseil, qui vécut à Paris en 166511. On peut être assuré de cette source, car Wagenseil copie mal la pointe de Madeleine de Scudéry qui venait clore la prétendue lettre des filous, pointe reprise par Hoffmann comme exemple de l’esprit et du style de Mlle de Scudéry. Elle avait en effet écrit :
Un amant qui craint les voleurs
Ne mérite pas de faveurs.
Et Hoffmann, trompé par Wagenseil, recopie au détriment de la rime :
Un amant qui craint les voleurs
N’est point digne d’amour12.
7Cette erreur, qui ne porte que sur le détail d’un vers, invite cependant plus généralement à douter du fait que Hoffmann se soit réellement intéressé à l’écriture et à la vie de Mlle de Scudéry. En effet, beaucoup de ses références sont erronées : erreur sur la localisation de la maison de Mlle de Scudéry, qui n’a jamais habité la rue Saint-Honoré ; erreur sur la date où l’affaire des filous se déroule puisque le roman se passe en 1680 alors que l’aventure des bijoux et les poèmes datent de 1665 ; erreur sur la carrière de la romancière que la nouvelle présente en 1680 en train de travailler au manuscrit de Clélie13 – alors que ce roman a été publié entre 1654 et 1661 – et qu’à cette date Madeleine de Scudéry a abandonné l’écriture romanesque au profit des conversations morales, etc.
8L’absence manifestement volontaire de souci historique amène alors à se demander quels sens attribuer aux déformations qu’Hoffmann fait subir à l’histoire, et pourquoi l’auteur a attaché tant d’importance à Mlle de Scudéry, au point d’en faire le personnage principal de l’œuvre et de choisir son nom comme titre.
Scudéry détective : création et société
9On pourrait d’abord arguer que Hoffmann essaie de profiter de la notoriété de la romancière française, et espère ainsi allécher le lecteur par une référence toujours prestigieuse en Allemagne. Cependant on peut se demander si cette notoriété était suffisante pour attirer le lecteur, et se rappeler que les autres titres de Hoffmann ne cadrent pas avec une telle interprétation. Des titres comme Le vase d’or, Le chat Murr, ou Les Élixirs du diable, montrent au contraire que la tactique de Hoffmann consistait plutôt à intriguer son futur lecteur en attirant son attention sur le mystère au centre de l’œuvre. De ce point de vue, pour un lecteur averti qui connaît Mlle de Scudéry, la voir devenir une héroïne hoffmannienne est plutôt une surprise, d’autant que les romantiques allemands n’avaient guère de penchant pour le Grand Siècle français : s’ils en admiraient certaines œuvres, ils déploraient l’impérialisme culturel de ce siècle qui prétendait imposer comme règles universelles du goût artistique le canon français, impérialisme du goût dont l’Allemagne avait été particulièrement victime. Dans de telles circonstances, le choix de Mlle de Scudéry apparaît vraiment étonnant, d’autant qu’il faut se rappeler que le titre donné est un titre de nouvelle, ne figurant donc pas sur la couverture du recueil, Les Frères de Saint-Sérapion ; ce qui veut dire qu’Hoffmann n’a pas cherché à profiter d’une aléatoire notoriété, mais a plutôt voulu insister sur le caractère central et mystérieux du personnage de Scudéry.
10Or le portrait que peint Hoffmann de Mlle de Scudéry n’est pas sans ambivalence, puisque son travail d’écrivain n’est quasiment pas évoqué. Seul Brusson y fait référence lors de son apparition menaçante chez elle :
Je sais que votre demoiselle vient de mettre de côté le manuscrit de Clélie auquel elle travaille sans relâche, et qu’elle compose en ce moment quelques vers qu’elle a dessein de lire demain chez la marquise de Maintenon14.
11En fait son activité littéraire semble plutôt se limiter à l’animation des salons : Hoffmann raconte un bon mot par lequel elle convainc le roi de savoir modérer sa justice, mot qui efface « d’un trait toute [une] tirade de vers »15, ou la manière dont elle use de son habileté de conteuse pour sauver Brusson16. Son salon même donne lieu à une description où brillent les plus grands noms de la littérature, mais pas la romancière, qui reste cantonnée au rôle de dame qui reçoit, de salonnière, c’est-à-dire de public :
Comme si tous les beaux esprits de Paris se fussent donné rendez-vous chez elle, elle fut assiégée, durant toute la matinée, de vers, de comédies et d’anecdotes. À peine Chapelle avait-il achevé la lecture d’une scène de tragédie, en assurant malignement qu’il avait bien le projet de battre complètement Racine, que celui-ci entra et le réduisit au silence par une tirade pathétique, jusqu’à ce que Boileau vînt à son tour éclaircir le noir horizon tragique par les étincelles jaillissantes de son humeur caustique [...]17.
12Pourtant, même si elle ne brille pas comme écrivain, celle qui a donné son nom à la nouvelle est bien le personnage principal du récit. Rares sont les moments où elle n’est pas présente dans l’action, mais surtout, rares sont les moments où elle ne mène pas l’action : c’est grâce à elle que la justice aveugle de La Reynie est maintenue dans des limites acceptables ; c’est par son intervention que Madelon échappe à la prison ; c’est elle qui mène l’enquête pour innocenter Brusson ; elle encore qui obtient de lui les aveux qu’il refusait à la police ; elle toujours qui prend l’initiative de le sauver alors que les apparences l’accablent ; elle surtout qui ose formuler devant le roi la requête en grâce que personne ne voulait lui soumettre par crainte de sa colère ; elle donc qui démêle le mystère et qui sauve Brusson de la potence. Pourtant si Scudéry détective obtient de tels succès, ce ne sont pas à des observations pointilleuses dignes de Sherlock Holmes ou à des déductions psychologisantes façon Hercule Poirot qu’elle les doit, mais à son grand cœur. Sa bonté, et l’universel respect qu’elle inspire, sont en effet des leitmotive de la nouvelle : sa servante La Martinière, pleine de « son amour pour Mlle de Scudéry qu’elle honorait comme une mère », est prête à risquer sa vie pour cette maîtresse « toujours disposée à faire le bien »18. Elle inspire le respect à tous, à Mme de Maintenon dont elle est présentée comme une familière19, comme au roi qui n’hésite pas à solliciter ses avis ; le peuple parisien lui-même connaît sa bonté : quand elle décide de secourir Madelon, « un sourd murmure de satisfaction se prolongea parmi le peuple. Les femmes relevèrent la jeune fille, mille bras s’efforcèrent de la soutenir, et elle fut portée dans le carrosse, comme à travers les airs, au milieu des bénédictions qui s’échappaient de toutes les bouches en faveur de Mlle de Scudéry, dont la générosité arrachait cette enfant au tribunal du sang »20. Et c’est encore cette bonté qui vaut à Mlle de Scudéry la confiance d’Olivier Brusson. En effet, quand son maître Cardillac lui demande de porter à la demoiselle les bijoux qu’il a forgés pour elle, Brusson raconte :
Il me sembla qu’un voile sombre tombait de mes yeux, et que la belle et lumineuse image de mon heureuse et première enfance se ranimait dans toutes ses vives et éclatantes couleurs. Une consolation merveilleuse vint dans mon âme ; c’était comme un rayon d’espoir devant lequel disparaissaient les sombres esprits de la nuit.
13La confiance de Brusson dans l’action bienfaisante de la romancière prend donc une dimension surnaturelle, religieuse, comme il le lui confesse lui-même :
Ne me demandez pas en quoi devaient consister ces moyens, je l’ignore, mais que vous deviez me sauver ainsi que Madelon, c’était une croyance aussi fermement établie en mon âme que ma foi en la bienheureuse Vierge dont j’attends les secours et la consolation21.
14Mlle de Scudéry, sainte Scudéry comme on est tenté d’écrire, n’est pas sans ressentir elle-même le caractère sacré de la mission qui lui échoit :
Mlle de Scudéry resta quelques moments pensive et les yeux baissés. Il lui semblait qu’elle dût obéir à la Providence, qui la choisissait pour découvrir un secret horrible, et elle voyait bien qu’elle ne pouvait plus se libérer des liens mystérieux auxquels elle s’était laissée prendre bien malgré elle22.
15D’ailleurs dans l’enquête qu’elle mène, Mlle de Scudéry se repose bien plus sur ses intuitions intimes que sur les faits. Dès le moment où elle reçoit le somptueux cadeau de Cardillac, elle devine que ces bijoux cachent un sanglant mystère :
Le soleil perçait à travers les rideaux de damas cramoisi qui garnissait la croisée, et les diamants qui étaient restés sur la table éclataient d’une teinte rougeâtre. Mlle de Scudéry détourna les yeux avec horreur, et commanda à La Martinière d’emporter cette horrible parure, encore teintée du sang des victimes dont elle avait causé le meurtre23.
16Elle explique d’ailleurs sa répugnance à Mme de Maintenon, et son pressentiment est alors encore plus précis, puisqu’elle indique explicitement Cardillac comme source de son inquiétude, sans pouvoir évidemment justifier ses craintes à l’égard d’un homme que rien ne désigne comme un criminel :
Je frémis en voyant [les bijoux], car ils me semblent teints de sang au milieu de leur éclat. Et, je dois l’avouer, la conduite de ce Cardillac a quelque chose d’inquiétant et de funeste. Je ne puis me défendre d’un sombre pressentiment ; il me dit qu’un horrible, qu’un effroyable mystère est caché sous cet événement ; j’ai beau me remettre chaque circonstance sous les yeux, je ne puis m’expliquer en quoi ce mystère consiste, et pourquoi l’honnête et digne maître René, le type d’un bon et pieux bourgeois, me semble receler des projets criminels, des desseins condamnables24.
17L’importance que Hoffmann a attachée à la figure de la pieuse mais guère artiste Mlle de Scudéry prend en fait sens dans son opposition à celle du joaillier Cardillac. À l’inverse de Mlle de Scudéry, les capacités créatrices de Cardillac sont en effet soulignées dans le texte dès le premier portrait qui lui est consacré, puis à chaque fois qu’il réapparaît25. Cependant Cardillac exerce son art comme une malédiction, puisqu’il est incapable de se séparer de sa création, de la donner à ses clients, et que lorsqu’il y est contraint, il tue pour se la réapproprier. Ce délire pathologique de possession trouve son origine dès avant la naissance de maître René, dans les circonstances qui ont entouré sa conception :
Des hommes savants parlent beaucoup des impressions bizarres dont les femmes sont frappées durant leur grossesse et de l’influence que ces impressions exercent sur l’enfant qu’elles portaient dans leur sein. On m’a raconté une étrange histoire qui arriva à ma mère. Dans les premiers mois de sa grossesse, elle assistait avec d’autres femmes à une fête brillante que la cour donnait à Trianon. Ses regards tombèrent sur un cavalier vêtu à l’espagnole qui portait à son cou une chaîne de pierreries dont elle ne pouvait détourner les yeux. Tout son être s’embrasa d’un seul désir, celui de posséder cette chaîne qui lui semblait un objet surnaturel. Plusieurs années auparavant (ma mère n’était pas encore mariée alors), le même cavalier avait tenté de faire succomber sa vertu, mais elle l’avait repoussé avec horreur. Ma mère le reconnut ; mais en cet instant, au milieu de l’éclat de ses diamants, il lui semblait un être d’un ordre relevé, un modèle de beauté. Le cavalier remarqua les regards ardents et passionnés de ma mère ; il se flatta d’être plus heureux auprès d’elle, et fit plus encore ; il réussit à l’entraîner loin de ses amies, dans un lieu retiré du parc. Là. il la serra avec ardeur dans ses bras ; ma mère porta involontairement les mains à la chaîne : mais, au même moment, il tomba et entraîna ma mère qui tomba avec lui. Soit qu’il eût été subitement frappé d’un coup de sang, soit toute autre cause, bref, il était mort.
En vain ma mère chercha-t-elle à se débarrasser de ces bras raidis par la mort qui la serraient étroitement, elle poussa des cris perçants, et enfin on accourut à sa voix, la délivrer de cet effroyable amant. L’horreur qu’elle éprouva lui causa une longue maladie. On la regarda comme perdue, ainsi que moi ; cependant elle guérit, et l’accouchement fut plus heureux qu’on n’eût osé l’espérer. Mais l’effroi de ce terrible moment m’avait frappé. Ma mauvaise étoile s’était levée et avait lancé sur moi une étincelle qui a allumé en mon âme une des plus singulières et des plus funestes passions26.
18Cardillac, enfant d’un désir maladif et de la fièvre de l’or, né – semble-t-il – d’une étreinte illégitime et fatale, est donc frappé dès avant sa naissance par une malédiction où l’on retrouve les éléments de sa déchéance : le désir irrépressible de possession27, l’attrait pour l’or, la violence meurtrière. Cette figure effrayante du joaillier assassin semble incarner symboliquement la figure du créateur qui refuse de se séparer de sa création, qui ne sait pas la livrer au public. Le lien narcissique qui le relie à son œuvre est trop fort pour être rompu, et l’obligation commerciale que fait peser la vénalité des œuvres d’art est vécue comme une spoliation, un arrachement non consenti auquel l’artiste répond par le meurtre, symbole de la violence qu’il éprouve contre une société castratrice. La malédiction diabolique qui frappe Cardillac, portrait d’artiste maudit qui participe à la série que peint Hoffmann au fil de ses œuvres, ressemble donc à la malédiction qui frappe le devenir de l’art dans une société où il est objet de commerce.
19La figure de Madeleine de Scudéry, pendant du portrait de Cardillac dans le diptyque, prend en retour un sens nouveau. Certes elle brille plus par sa bonté que par son talent, mais comme elle donne librement et gratuitement sa création au public dans les salons, lieu d’art gratuit, elle reçoit reconnaissance littéraire et respect, et exerce en société une sorte de magistère d’autorité morale. Face à Cardillac, artiste maudit et assassin sanglant, Scudéry figure la création apaisée – dont il n’est d’ailleurs pas sûr du tout qu’elle corresponde à l’idée hoffmannienne de l’artiste. L’action bienfaisante de la modeste et un peu mièvre Mlle de Scudéry s’exerce pourtant au sein d’une société qu’elle remet en cause comme Cardillac, mais par des moyens bien différents. En effet si l’action de Scudéry trouve son origine dans les ressources de sa charité, elle s’inscrit également dans l’opposition à l’organisation politique régnante. La description de Hoffmann n’épargne pas en effet la « molle et somptueuse cour de Louis XIV »28 où règnent la corruption des mœurs et la lâcheté, tandis que le meurtre se répand dans les rues comme à l’intérieur des familles. Le galant comte de Miossens par exemple, qui a deviné sous l’honnête bijoutier Cardillac le tueur en série qui ensanglante la capitale et qui l’a tué, refuse d’endosser la responsabilité de cette mort : « Permettez-moi, mademoiselle, de vous faire observer qu’une telle déclaration pourrait entraîner, sinon ma ruine, du moins le procès le plus fâcheux pour moi », déclare-t-il à Scudéry. En effet la justice expéditive que le roi exerce depuis l’Affaire des Poisons par le truchement de la Chambre ardente, impitoyable tribunal d’exception, est régulièrement mise en cause dans la nouvelle. Hoffmann écrit ainsi :
Il est certain que le zèle aveugle du président La Reynie donna lieu à des actes de violence et à des cruautés. Ce tribunal prit le caractère de l’Inquisition, le plus léger soupçon suffisait pour motiver un emprisonnement rigoureux, et souvent c’était au hasard qu’on laissait le soin de prouver l’innocence du condamné. [...] Le sang des coupables et des suspects coula à flot sur la place de Grève29.
20Plus tard lors d’un entretien avec La Reynie, Scudéry constate que « devant cet homme terrible, il n’était pas de loyauté, ni de vertu ; il cherchait le meurtre et les crimes au fond de tous les cœurs »30. La Chambre ardente, « tribunal de sang » (p. 96) semble même dépasser par son intransigeance les exigences du roi31. Cependant la justice telle que l’incarne Louis XIV n’apparaît guère plus sûre : il confond lui aussi le suspect et le coupable, se contente des apparences sans chercher de preuve, refuse d’écouter la défense, et si Scudéry obtient la possibilité de parler enfin pour Brusson, c’est à la faveur d’une mise en scène ingénieuse et grâce à son habileté de conteuse32. Entre justice expéditive et justice aléatoire, férocité d’un tribunal d’exception et bon plaisir du prince, la société louis-quatorzième telle que la peint Hoffmann apparaît comme une représentation de l’arbitraire juridique et de la déchéance sociale qu’entraîne le despotisme politique. Les désordres qui menacent l’ordre social sont présentés comme le contrecoup des abus d’un pouvoir absolu. Dans un tel contexte, Cardillac et Mlle de Scudéry incarnent les deux positions possibles de l’artiste face à une telle société : Cardillac vise sa destruction, tandis que Scudéry œuvre à sa transformation33. La nouvelle d’Hoffmann, élaborée à la fin des années 1810, s’inscrit donc dans le contexte politique du début du XIXe siècle en Allemagne. Scudéry détective n’y est pas une préfiguration de Miss Marple, la vieille demoiselle qui, chez Agatha Christie, résout les énigmes en prenant le thé au coin du feu, mais plutôt l’incarnation d’une figure d’opposition constructive et socialement responsable de l’artiste, en regard de la tentation destructrice que fait naître la radicalité de l’engagement artistique. Entre l’anecdote biographique dont Hoffmann s’est lointainement inspiré et la réalisation littéraire qu’il en donne, il serait illusoire de chercher des points de rencontre où l’on verrait la Scudéry du XVIIe siècle venir à la rescousse de son avatar du XIXe siècle. Le dix-septiémiste est plutôt content, et un peu étonné, devant cette belle infidèle, qui a l’immense mérite de faire revivre fantasmatiquement sa lointaine ancêtre et de lui avoir assuré une étonnante postérité littéraire durant tout le XIXe siècle, et même un peu au delà.
Les enfants de Mlle de Scudéry et d’E.T.A. Hoffmann
21Car le plus surprenant sans doute, c’est que la nouvelle d’Hoffmann donna de multiples enfants posthumes à Mlle de Scudéry. Dès 1823 une adaptation théâtrale de Johann August Lewald intitulée Das Fräulein von Scuderi oder der Raubmörder von Paris fut jouée à Munich et reprise l’année suivante à Vienne sous le titre Der Diamantenraub zu Paris34. Parallèlement la nouvelle essaimait également en France : dès 1823 elle était en effet traduite en français, ou plutôt plagiée, par Henri Delatouche et devenait un roman de plus de 250 pages sous le titre de Olivier Brusson. On y retrouve Mlle de Scudéry en « bonne demoiselle déjà fort vieille », dont voici l’amusant portrait :
L’année 1680 finissait et elle avait soixante-treize ans. Mais cet âge n’avait pas diminué l’activité de son esprit. Elle avait le corps droit, la taille élancée, et, bien qu’un peu dépourvue d’embonpoint dans sa haute stature, quand elle avait mis du fard et sa robe de damas vert [on avait coutume] de lui adresser quelques compliments respectueux, qui ne se rapportaient nullement au mérite de ses ouvrages35.
22Et le lecteur comprend d’ailleurs vite pourquoi on évite de la complimenter sur ses ouvrages, puisque quand La Reynie se moque de la Carte de Tendre36, alors « Mademoiselle de Scudéry se trouva un peu confuse des spéculations de son esprit, regretta le temps qu’elle y avait employé, et soupçonna que quelques-uns de ses chefs d’œuvre pourraient bien n’être que des sottises ». Le portrait que Henri Delatouche a joint à son roman témoigne du même mépris pour celle qu’il réduit à n’être qu’une vertueuse vieille fille37, ce qui explique peut-être pourquoi le titre est devenu Olivier Brusson. Mais Delatouche a également transformé sensiblement l’histoire au détriment de Mlle de Scudéry, puisqu’elle ne réussit pas à obtenir la grâce royale, et que Marguerite meurt de chagrin après avoir sacrifié sa vertu à La Reynie pour sauver Olivier... – chacun appréciera.
23Cette issue ô combien pathétique donna sans doute des idées puisque l’année suivante parut en librairie un mélodrame en trois actes d’Antony B. et Léopold, intitulé cette fois Cardillac ou le quartier de l’Arsenal38. Il fut joué pour la première fois le 25 mai 1824 à l’Ambigu-Comique, avec une musique de M. Adrien et des ballets de M. Télémaque. Cette fois-ci l’intrigue était fidèle au schéma hoffmannien, et Mlle de Scudéry jouait le rôle central en sauvant le couple. Quant à la première traduction fidèle de la nouvelle par Loeve-Veimars en 1830, elle eut suffisamment de succès pour que le nom de Cardillac devienne une métaphore de la passion de l’artiste-collectionneur sous la plume de Flaubert, qui publia en 1837 dans la revue Le Colibri une nouvelle intitulée « Le Bibliomane ou le nouveau Cardillac »39.
24Mais ce n’est pas tout : la pièce française fut à son tour traduite en allemand une première fois par W. Stich et jouée à partir du 14 novembre 1824 au Berliner Hoftheater, puis retraduite par Gerhard Siebels et représentée en 1827 à Aix-la-Chapelle sous le titre de Cardillac, der Raubmörder zu Paris oder die Ruinen von St. Paul. En 1847 une nouvelle adaptation de la nouvelle au théâtre est donnée par C.C. von Leonhard40. En 1848, une nouvelle version en cinq actes par Otto Ludwig est jouée au Dresdner Hoftheater41 ; cette version remaniée à différentes reprises (par Heinrich Gutzkow, A. von Berger, Wilhem Buchholz) et recentrée autour du personnage de Cardillac est jouée encore à Vienne, à Berlin, et en 1891 à Munich – cette mise en scène de Joseph Lewinsky, où ce dernier jouait le rôle-titre ayant donné lieu à une grande tournée42. Mais ce n’est toujours pas tout : la fille du dramaturge, Cordelia Ludwig, sous le pseudonyme de C. Fides, remania aussi la pièce de son père qui fut à nouveau jouée en 1894 et en 1904 au Wiener Burgtheater sous le titre de Cardillac. En 1912 Cärl Bömly mit en scène à Berlin une adaptation d’O. Ludwig en redonnant à la pièce son titre original, et en 1916 ce sont deux mises en scène qui sont réalisées, l’une par Georg Altmann au Kleines Theater de Berlin, l’autre par Emil Schering à Munich.
25Et à cela il faut encore ajouter deux opéras, l’un comme l’autre intitulé Cardillac : l’un au Théâtre Lyrique de Paris le 11 décembre 1867, sur un livret de Nuitter-Beaumont, et avec une musique de Lucien Dautresme ; l’autre en 1926 sur un livret de Ferdinand Lion et avec une musique de Paul Hindemith, qui quelques années plus tard écrira lui-même un autre livret pour le même opéra. On aimerait entendre comment chante le personnage de Mlle de Scudéry, mais hélas, Mlle de Scudéry a disparu ! Elle ne figure pas dans la distribution, car l’opéra est centré sur le drame de Cardillac, créateur possédé quasi diaboliquement par son œuvre, à tel point que dans le troisième acte il s’identifie à Lully et, pris dans un délire mégalomaniaque, proclame ses crimes avant de mourir sur scène...
26Ainsi, si l’on fait le compte des adaptations et des mises en scène nées de la nouvelle de Hoffmann, on trouve plus d’une quinzaine de versions (treize en Allemagne et trois en France), ayant chacune connu au moins une série de représentations. La postérité que Hoffmann donna à Mlle de Scudéry trahissait sans doute complètement la « vérité historique », en particulier en minorant jusqu’à presque l’ignorer l’engagement littéraire de Mlle de Scudéry ; mais il n’empêche que ces enfants plus ou moins illégitimes assuraient la transmission d’une mémoire, à laquelle la France était, à quelques érudits près, beaucoup plus infidèle. L’ambivalence de la nouvelle, qui utilise le prestige de la référence au Grand Siècle, tout en se gardant bien d’y souscrire, fait de Mlle de Scudéry un personnage certes sympathique mais tout de même un peu mièvre. Elle garde cependant l’incontestable mérite d’avoir fait entrer Mlle de Scudéry dans le cercle finalement très étroit de ces auteurs si fameux qu’ils ont finis par devenir eux-mêmes sujets de fiction, auteurs non plus seulement à lire, mais légendes à écrire.
Notes de bas de page
1 Das Taschenbuch für das Jahr 1820, der Liebe und Freundschaft gewidmet, Francfort.
2 Voir par exemple A. Niderst, « Scudéry de 1660 à 1789 » ; H. Bots, « La Fortune des Scudéry dans les Provinces Unies aux XVIIe et XVIIIe siècles » ; C. Wentzlaff-Eggbert, « Les Scudéry en Allemagne », et la contribution de V. Kapp ici même.
3 Hoffmann meurt à Berlin en 1822.
4 Voir C.A. Lee, « E.T.A. Hoffmann’s Mademoiselle de Scudéry as a forerunner of the detective story ».
5 G. Tallemant des Réaux. Historiettes, II, p. 684-696.
6 « Le mystère que l’on mettait dans ces cadeaux, et qui avait d’abord pour principal objet d’empêcher un refus, devint bientôt une mode, une espèce de jeu d’esprit destiné à exercer l’imagination des donateurs en même temps que celui de la donataire », Rathery et Boutron, Mlle de Scudéry, sa vie et sa correspondance, p. 101.
7 Manuscrit Conrart, tome XI, p. 421, cité par Rathery et Boutron, op. cit., p. 102.
8 Voir ce cycle poétique cité par Rathery et Boutron, op. cit., p. 511-516.
9 Vaumorière, Lettres sur toutes sortes de sujets, Paris, Guignard. 1699 (3e éd.), p. 368.
10 Ibid., p. 369-371.
11 Ce récit pend place dans une chronique s’intitulant De Sacri Romani Imperii Libera Civitate Noribergenso – Commentatio accedit de Germaniae Phonascorum, dans le premier chapitre, « Von der Meistersinger Origine, Praestentia, Utilitate, et Institutis, Sermone vernaculo Liber », p. 561. Outre cette chronique. Hoffmann s’inspire du Siècle de Louis XIV de Voltaire – ouvrage dont la première édition fut faite à Berlin –, du roman de Mme de Genlis, La Duchesse de La Vallière – qui fut traduit en allemand et édité à Leipzig en 1807 –, et du recueil judiciaire de Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes (1737) qui fut également traduit en allemand.
12 E.T.A. Hoffmann, Mademoiselle de Scudéry, p. 37. Le distique est cité en français dans le texte allemand.
13 Ibid., p. 16.
14 Ibid., p. 16.
15 Ibid., p. 37. Un autre exemple p. 50 : « L’entrevue de maître René avec Mlle de Scudéry inspira à celle-ci des vers fort agréables, qu’elle lut le lendemain au roi dans les appartements de Mme de Maintenon [...]. Le roi rit beaucoup, et jura que Boileau-Despréaux avait trouvé son maître. »
16 Ibid., p. 105.
17 Ibid., p. 53.
18 Ibid., p. 14 et 17.
19 Ibid., p. 37 et p. 41.
20 Ibid., p. 57.
21 Ibid., p. 91-92.
22 Ibid., p. 71.
23 Ibid., p. 40.
24 Ibid., p. 50.
25 Ibid., p. 41-44, p. 77, p. 87, par exemple.
26 Ibid., p. 85-87. L’influence que Hoffmann accorde ici aux événements qui ont entouré la grossesse est conforme à la tradition médicale qui a longtemps prévalu, selon laquelle le fœtus peut être atteint par la puissance du désir et de l’imagination de la mère. Ambroise Paré par exemple l’expliquait dans son traité Des Monstres et Prodiges [1573], Paris-Genève, Slatkine, 1996, chapitre IX, « Exemple des monstres qui se font par imagination ». p. 93-99.
27 Nous désignons par là l’incapacité de Cardillac de se séparer de ses créations (sa fille y compris). Mais le modus operandi du meurtrier (un coup de poignard en plein cœur) peut aussi être considéré comme la manifestation de son désir effréné de possession.
28 E.T.A. Hoffmann, Mademoiselle de Scudéry, p. 30.
29 Ibid., p. 29-30
30 Ibid., p. 65.
31 Voir p. 34-37.
32 D’ailleurs, la grâce presque obtenue manque d’être refusée à cause de la beauté de Madelon, qui rappelle mal à propos celle de la duchesse de La Vallière : Louis XIV, qui ne veut pas devant la prude Mme de Maintenon avoir l’air de céder à ses anciens démons, hésite un moment avant d’accorder sa grâce.
33 Les liens objectifs entre les deux artistes sont d’ailleurs soulignés par le fait que Cardillac respecte infiniment Scudéry, au point que certains croient même qu’il en est amoureux. Voir p. 45-48.
34 Les premières eurent lieu respectivement le 22 février 1823 et le 19 mai 1824. Voir H.L. Schilling, Paul Hindemiths’ Cardillac, p. 24-26.
35 Henri Delatouche, Olivier Brusson, p. 6. Dans une lettre il expliquait ainsi à une lectrice amie son travail : « Ne me demandez point comment ces aventures sont venues à ma connaissance. Un abrégé des faits écrits dans une langue singulière, sans couleur des temps et sans observation des mœurs, m’avait été remis par un philosophe étranger. J’en ai transcrit cette espèce de traduction en développant, au courant d’une plume souvent distraite, toutes les actions et tous les caractères que j’affectionnais, à mesure que je faisais connaissance avec eux » (ibid, p. 3).
36 « Tendre sur Amour [sic]... Tendre sur Estime... Tendre sur Reconnaissance... C’est vraiment charmant ! ». Cependant « Clélie, Artamène, Célanire, Almahide » sont cités (p. 113).
37 Ibid., p. 271-274.
38 Antony et Léopold, Cardillac ou le quartier de l’Arsenal, Paris. Bezon Libraire. 1824. Il s’agit vraisemblablement d’un pseudonyme pour Antoine Nicolas Béraud.
39 G. Flaubert, Le Colibri, 12 et 28 février 1837 (in Bibliomanie, Les Livrets du bibliophile n° 7, Maestricht-Paris, Stols-Aveline, 1926). Le bibliomane en question est un ancien moine espagnol, tellement fou de livres qu’il tue pour s’approprier une Bible ancienne. Pour le disculper son avocat exhibe lors du procès un second exemplaire ; effondré le vieux fou avoue ses crimes, s’empare du livre qui aurait dû le sauver et le détruit : « Je vous disais bien que c’était le seul en Espagne ! », conclut-il...
40 Pour toutes ces adaptations de la nouvelle d’Hoffmann, voir K.W. Barthel, Die dramatischen Bearbeitungen der Novelle E.T.A. Hoffmann “Das Fräulein von Scuderi” und ihre Bühnenschicksale, Greijswald, 1929.
41 O. Ludwig, Gesammelte Schriften, Leipzig, Wilhem Grunow, 1891, t. III, p. 1-286.
42 Voir H.L. Schilling, op. cit., p. 28.
Auteur
Université Michel de Montaigne – Bordeaux III
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