1 Laboratoire d’études de genre et de sexualité, UMR 8238.
2 [https://legs.cnrs.fr/dictionnaire-du-genre-en-traduction/], consulté le 20 juillet 2022. À noter que les problématiques de traduction per se de ce dictionnaire plurilingue, qualifié d’« anti-Dictionnaire », n’apparaissent qu’à la marge dans les contributions. La traduction, dans ce projet, est toutefois considérée comme la condition de l’existence et du développement d’études de genre transnationales ; le texte de présentation du dictionnaire indique ainsi « [placer] la notion de traduction – non seulement linguistique, mais aussi culturelle et politique – au centre d’une réflexion sur les potentialités et les limites des études de genre comme champ de recherche transdisciplinaire et transnational » et « questionner les résistances à la traduction […], contre l’épuisement du sens » (ibid.).
3 D’autres publications déjà anciennes méritent aussi d’être mentionnées : Siting Translation (Tejaswini Niranjana 1992), The Poetics of Imperialism : Translation and colonization from The Tempest to Tarzan (Eric Cheyfitz 1997), Censure et traduction dans le monde occidental (Denise Merckle (éd.) 2002), Apropos of Ideology: Ideology in Translation Studies (Maria Calzada-Perez (éd) 2003), Translation and Conflict (Mona Baker 2006), Translation and Identity (Michael Cronin 2006), Translation and Identity in the Americas (Edwin Gentzler 2008), Enlarging Translation, empowering translators (Maria Tymoczko 2007), Translation and identity in the Americas: New directions in translation theory (Edwin Gentzler 2008), Translation, Resistance, Activism (Maria Tymoczko 2010).
4 « Ces essais […] remettent en question ces points de vue dichotomiques et absolutistes, en partie à cause d’une plus grande complexité et de divergences accrues des conceptions du pouvoir par rapport à celles des décennies précédentes. »
5 Sherry Simon admet que « gender » en 1996 devrait plus être compris au sens de « feminism » (voir entretien). Voir aussi les articles d’Anne-Emmanuelle Berger (« Gender Springtime in Paris : A Twenty-First Century Tale of Seasons », differences : A Journal of Feminist Cultural Studies, vol. 27, nº 2, 2016, p. 1-26 ; « Le genre de la traduction : Introduction », GLAD!, 2020) pour une discussion de l’évolution diachronique, mais aussi synchronique, du sens de « gender ».
6 Voir aussi la discussion très fournie de Cornelia Möser sur « l’invention du genre » dans Féminismes en traduction : Théories voyageuses et traductions culturelles, 2013, Paris, éditions des archives contemporaines, p. 259-280.
7 « Les oppositions qui intéresseront les traductrices féministes québécoises et canadiennes comme Nicole Brossard sont sans contredit les distinctions entre homo et hétérosexualité et entre le féminin et le masculin. Cependant, les féministes poststructuralistes rejetteront la notion structuraliste d’opposition entre ces termes contraires afin de procéder à une création de sens, un mouvement, incluant toutes les nuances et possibilités du continuum, de cet espace entre les signifiés ou les signifiants, qui, pour reprendre la pensée de Derrida, se voit situé dans la structure même du langage. » (Théberge 2015 : 72)
8 Brian James Baer signale deux premières publications de Keith Harvey en 2003, suivies d’un long silence d’une dizaine d’années. Cette « traversée du désert » s’achèvera avec la publication de deux volumes traitant de la traduction de la sexualité (Epstein 2010 et Larkosh 2011). Plus récemment, les études queer et transgender se sont emparées de la traduction avec un numéro spécial de Transgender Quarterly intitulé Translating Transgender (Gramling et Dutta 2016) et la publication de plusieurs volumes traitant du queer en traduction (Epstein et Gillett 2017 ; Baer et Kaindl 2018). Depuis 2018, Baer a publié, chez Routledge, un ouvrage de référence intitulé Queer Theory and Translation Studies (2021), et Douglas Robinson a publié Transgender, Translation, Translingual Address (2019).
9 « [Le mot “transnational”] est déjà si omnipresent dans les études culturelles, littéraires et raciales qu’une majeure partie de son poids politique a semble-t-il été évacuée. » Citation corrigée d’après la référence originale.
10 « Dans cet ouvrage, le terme d’“écotraduction” recouvre toutes les formes de pensée et de pratique traductologique qui abordent en toute connaissance les défis des changements environnementaux provoqués par l’être humain. » La publication récente de Vita Traductiva intitulée Traduire les voix de la nature / Translating the voices of nature (2020) invite également à « reconceptualiser la traduction pour tenir compte de la communication humaine et non humaine, et pose les jalons d’une nouvelle pratique traductive » ([https://vitatraductiva.blog.yorku.ca/fr/publication/traduire-les-voix-de-la-nature-translating-the-voices-of-nature/], consulté le 20 juillet 2022).
11 « [L]a traductrice écoféministe a la lourde tâche de transférer le Discours de Mère Nature depuis les langues vernaculaires vers l’anglais, et inversement. »
12 « Le deuxième défi découlait de l’aspect transnational de ce projet, et en particulier de la langue de publication : l’anglais. […] Certes, la domination de l’anglais dans les publications universitaires est un fait établi dans une grande partie du monde, mais ce fait présente autant d’inconvénients que d’avantages, surtout dans les sciences humaines. Parmi les avantages : un accès plus large, dans le monde entier, aux textes universitaires pour un lectorat dont l’anglais est la première ou deuxième langue, voire une langue supplémentaire. […] Toutefois, l’inconvénient de ce type de publication est que le lectorat et les universitaires locaux, ceux qui ne lisent pas l’anglais, sont exclus de cet accès. »
13 Voir en particulier le numéro 9 de la revue écritures, sous la direction de Lucia Quaquarelli et Myriam Suchet, intitulé Indiscipliner la traduction (2017, Presses universitaires de Paris Nanterre).
14 Voir aussi le texte de Susanne de Lotbinière-Harwood dans ce même numéro d’écritures, « Donner corps à la réécriture : une traductrice féministe met l’espace en pratique » (125-138), publié pour la première fois en anglais en 1994, dans lequel la traductrice raconte la manière dont elle a décidé de mettre en scène sa participation à des colloques féministes dans lesquels « [d]es écrivaines célèbres […] étaient réduites à des “têtes parlantes” […] par ces espaces caverneux de conception hiérarchique, leurs voix avalées par le système de son qui semblait retransmettre l’idéologie masculiniste statique de l’architecture plutôt que le sens dynamique des propos des féministes au micro » (ibid. : 127).
15 Le terme d’« agency » a été diversement traduit en français : parfois simplement reporté (« agency »), il est souvent traduit par « agentivité », parfois par « puissance d’agir » ou « capacité d’agir », et parfois même rendu par l’anglicisme « empowerment » (Haicault 2012). Voir aussi Oristelle Bonis, Cynthia Kraus, Gail Pheterson, Isabelle Clair & Jacqueline Heinen, « Translations du genre », Cahiers du Genre, vol. 54, nº 1, 2013, p. 21-44, cité par Grunenwald 2021 : 126.
16 Voir la traduction en français par Alphonse Muambi de l’article de Deul à [http://www.slate.fr/story/207020/tribune-janice-deul-de-volkskrant-traduction-poeme-amanda-gorman-polemique], consulté le 8 juillet 2021.
17 [https://www.atlf.org/au-sujet-de-laffaire-gorman-par-laure-hinckel/], consulté le 8 juillet 2021.
18 [https://www.franceculture.fr/emissions/affaire-en-cours/affaires-en-cours-du-vendredi-05-mars-2021], consulté le 8 juillet 2021.
19 [https://m.facebook.com/andre.markowicz/posts/2957168407828785] et [https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/03/11/andre-markowicz-traducteur-sur-l-affaire-amanda-gorman-personne-n-a-le-droit-de-me-dire-ce-que-j-ai-le-droit-de-traduire-ou-pas_6072706_3260.html], consulté le 8 juillet 2021.
20 « une nouvelle forme de censure, mortelle pour la traduction, pour l’art, pour la vie », Nuria Barrios, « The challenge of translating Amanda Gorman if you are white », El Pais, 12 mars 2021, [https://english.elpais.com/usa/2021-04-21/the-challenge-of-translating-amanda-gorman-if-you-are-white.html], consulté le 9 juillet 2021.
21 Voir également les réactions des féministes universalistes Elisabeth Badinter ou Caroline Fourest dans [https://www.lexpress.fr/actualite/monde/pays-bas-la-traductrice-blanche-d-amanda-gorman-jette-l-eponge-face-aux-critiques_2145953.html], consulté le 8 juillet 2021.
22 À l’exception de diakritik, qui publie une version française de l’article de Canan Marasligil (traduit en français par l’autrice elle-même), « Uncaring » ([https://diacritik.com/2021/03/08/uncaring-reflexions-sur-les-enjeux-de-la-traduction-litteraire/#more-64966], consulté le 8 juillet 2021), initialement publié sur le site du festival International de littérature Read My World le 4 mars 2021 ([https://www.readmyworld.nl/an-editors-note/], consulté le 8 juillet 2021), et de Slate qui publie la traduction complète de l’article de Deul (voir plus haut), permettant au lectorat français de juger des arguments de son autrice dans leur intégralité.
23 La question a fait couler tant d’encre qu’un appel à contributions a très vite été lancé pour donner la parole à des traducteur·ices sur le sujet. Cet appel a donné lieu à la publication à l’automne 2021 de l’ouvrage collectif Faut-il se ressembler pour traduire ? qui met en avant « la pluralité et la singularité des voix […] qui ont bien voulu s’y exprimer » (p. 7) et où l’on retrouve des points de vue aussi divers que ceux de Nicolas Froeliger ou de Tiphaine Samoyault.
24 Alex Marshall, 2021, « Amanda Gorman’s Poetry United Critics. It’s Dividing Translators », The New York Times. [https://www.nytimes.com/2021/03/26/books/amanda-gorman-hill-we-climb-translation.html], consulté le 8 juillet 2021.
25 À propos de subjectivité, on se rappellera qu’en 2016, André Markowicz a traduit et publié une anthologie de la poésie chinoise du viiie siècle, évoquant « la minceur de la ligne de partage entre le métier d’écrivain et celui de traducteur », et expliquant ne pas lire le chinois, ne jamais être allé en Chine et ne pas connaître la culture chinoise (voir [https://actualitte.com/article/37565/reseaux-sociaux/andre-markowicz-la-poesie-chinoise-en-partage] et [https://www-mediapart-fr.ressources-electroniques.univ-lille.fr/journal/culture-idees/130216/andre-markowicz-les-langues-la-traduction-la-transmission], consultés le 8 juillet 2021). Sa traduction est une synthèse, nécessairement arbitraire, de toutes les traductions existantes qu’il a pu lire de ces poèmes dans des langues qu’il comprenait. Ce n’est donc pas la compétence linguistique, mais plutôt la notoriété de Markowitz qui a légitimé le choix des éditions Inculte (2015) de publier cette « expérience poétique » par ailleurs tout à fait captivante. Au-delà de l’anecdote toutefois, cet exemple présente aussi une allégorie assez parfaite de la capacité de la traduction à prendre la parole au nom des personnes que l’on n’entend ou ne lit jamais directement, et que met en question la traductologie féministe et postcoloniale.
26 Voir mes remarques dans le chapitre 4 (197, note 19) sur les choix terminologiques de la traduction de « affirmative action » en France et dans le Canada francophone.
27 « “Je ne dis pas qu’une personne noire ne peut pas traduire le travail d’une personne blanche, ou l’inverse,” m’a dit Janice Deul quand je l’ai rencontrée chez elle à Leyde. “Mais pas ce poème spécifique, récité par cette oratrice spécifique dans ce contexte du Black Lives Matter. C’est ça, le vrai problème.” », Anna Holligan, 2021, « Why a white poet did not translate Amanda Gorman », BBC News, 10 mars, [https://www.bbc.com/news/world-europe-56334369], consulté le 9 juillet 2021.
28 Joëlle Gayot, « Affaire Amanda Gorman. N’est-on jamais mieux traduit que par les siens ? », Télérama, 12 mai 2021, [https://www.telerama.fr/livre/affaire-amanda-gorman.-nest-on-jamais-mieux-traduit-que-par-les-siens-6874056.php], consulté le 9 juin 2021.
29 Tiphaine Samoyault, 2021, « Qu’est-ce qu’une traduction raciste ? », séminaire Confluences (CREA, Université Paris Nanterre), 24 mars.
30 Lise Wajeman, « Tiphaine Samoyault : “La traduction n’est pas une langue” », Médiapart, 12 mars 2020.
31 [https://www.editions-ixe.fr/ixe/], consulté le 10 juillet 2021.
32 Voir [http://www.heteroclite.org/2019/09/isabelle-cambourakis-sorcieres-collection-58247], consulté le 9 juillet 2021.
33 Hellsegga (2021, Cambourakis) est une traduction-réécriture écoféministe et collaborative de la nouvelle de Poe intitulée « A Descent Into the Maelström » (1841).
34 Nino S. Dufour s’identifie par le pronom non-binaire iel, que je reproduis donc ici.
35 Cette traduction a été publiée par un collectif de traducteur·ices militant·es pour la maison d’édition associative Hystériques & AssociéEs créée par Noémie Grunenwald / Noomi B. Grüsig.
36 On pourrait aussi analyser cette réécriture de la langue comme forme de traduction intralinguistique (Jakobson 1959).
37 Une analyse plus précise de certains de ces textes pourra faire l’objet de publications ultérieures.
38 Noémie Grunenwald explique qu’elle s’est tout d’abord lancée dans la traduction pour rendre accessibles des textes et des idées qui n’avaient pas traversé l’Atlantique : « Je voulais lire des textes que je ne trouvais pas, partager des textes que je trouvais, et dire certaines choses déjà très bien dites par d’autres mais en anglais. » (Grunenwald 2021 : 16-17)
39 Ce collectif de traducteur·ices n’existe malheureusement plus à ce jour.
40 Comme le suggère un texte rédigé par les étudiant·es du Master de traduction d’Aix en Provence ([https://mondedulivre.hypotheses.org/7289], consulté le 10 juillet 2021) consacré à la collection « Sorcières » des Éditions Cambourakis.
41 Voir [https://www.fabula.org/actualites/editer-et-traduire-le-genre_94417.php], consulté le 10 juillet 2021 et le site des Jaseuses, [https://lesjaseuses.hypotheses.org/], consulté le 20 juillet 2022.
42 L’édition féministe en quête de légitimité : capital militant, capital symbolique (1968-2001), 2007, thèse de doctorat en Langues et littératures françaises, sous la direction de Jean-Marie Privat, université de Metz.
43 L’édition féministe en traduction : une modalité de circulation internationale du féminisme, 22 janvier 2021. [http://triangle.ens-lyon.fr/spip.php?article9581], consulté le 20 juillet 2021.
44 Ce texte a été traduit par Franck Lemonde en 2014 dans le numéro 7 d’écritures intitulé Traduire le postcolonial et la transculturalité - enjeux théoriques, linguistiques, littéraires, culturels, politiques, sociologiques (Presses universitaires de Paris Nanterre), sous le titre « La politique de la traduction ».
45 Note : la référence « Spivak 1993 » figure sous l'entrée « Spivak 1993a » dans la bibliographie de Simon présente dans cet ouvrage.
46 Diouf Mamadou (éd.), 1999, L’historiographie indienne en débat. Colonialisme, nationalisme et sociétés postcoloniales, Paris, Karthala.
47 Il ne faut pas perdre de vue non plus qu’il s’agit ici de proposer une historiographie dans un contexte d’études africaines déjà marginales dans l’édition française – et donc de ne pas réduire encore son public-cible. (Merci à Daniela Ginsburg, qui m’a rappelé cet argument essentiel au débat.)
48 Sur les 64 occurrences de « subaltern » dans le texte de Spivak (hors préface et annexe), 25 renvoient à des concepts ou des sujets non-animés. À ce décompte, on peut ajouter 8 reports de « subaltern » dans le syntagme « subaltern studies », non-traduit. On compte 3 occurrences de pluriels épicènes dans des phrases affirmatives, et 3 « subalternes » au masculin dans des formes interrogatives.
49 On ne compte que 2 masculins spécifiques, pour 11 masculins génériques (toutes des formes épicènes en anglais). Il y a en revanche 17 féminins spécifiques, et 1 féminin que nous considérons comme générique (le titre).
50 On trouve 9 occurrences de « la femme subalterne », 2 occurrences de « la subalterne en tant que femme », toutes des traductions littérales de l’anglais qui spécifie le féminin, et 1 occurrence de « la subalterne » dans la conclusion de l’article, qui traduit l’épicène anglais « the subaltern ». À cette dernière occurrence, il faut ajouter le féminin pluriel du titre : « Les subalternes peuvent-elles parler ? ».
51 Même si l’on admettra que la première proposition est stylistiquement lourde et que le choix de topicaliser un sujet différent dans les suivantes modifie radicalement le sens de la question de Spivak.
52 Source : [https://blog.sinplastico.com/por-que-hablamos-en-femenino-generico/] et [https://blog.sinplastico.com/fr/feminin-generique/], consulté le 17 février 2021.
53 Source : Mediapart, 25 septembre 2020, [https://blogs-mediapart-fr.ressources-electroniques.univ-lille.fr/les-invites-de-mediapart/blog/250920/au-dela-de-l-e-criture-inclusive-un-programme-de-travail-pour-la-linguistique-d-aujour], consulté le 18 février 2021.
54 Source : [https://robertelarousse.fr/], consulté le 18 février 2021.
55 [https://www.academie-francaise.fr/actualites/declaration-de-lacademie-francaise-sur-lecriture-dite-inclusive], consulté le 10 juillet 2021.
56 « Quelques organismes expérimentent l’emploi du féminin dit générique, c’est-à-dire du féminin utilisé comme genre neutre dans les textes. Dans le cas d’organismes regroupant uniquement ou presque exclusivement des femmes, par exemple, le féminin a la même valeur que le masculin neutre et est utilisé pour désigner l’ensemble des membres ou une personne indéterminée :
Notre association est à la recherche d’une coordonnatrice.
Il importe de préciser que le féminin dit générique est une notion tout à fait nouvelle, donc absente des grammaires et ouvrages de langue courants. Cette technique avant-gardiste est restreinte à certains milieux. » Source : [https://www.btb.termiumplus.gc.ca/redac-chap?lang=fra&lettr=chapsect9&info0=9.1.9], consulté le 17 février 2021.
57 Sapiro Gisèle et Godechot Olivier, 2021, « Inclusive : une autre écriture est possible », L’Obs, 10 mars, [https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20210308.OBS41110/inclusive-une-autre-ecriture-est-possible.html], consulté le 10 juillet 2021.
58 Carolyn Shread, dans « Translating the Emergence of the Point Médian, or Clitoridian Anarchy in the Text », sa préface à la traduction de l’ouvrage de Catherine Malabou, Le plaisir effacé : clitoris et pensée (2020, trad. 2022), file la métaphore du point médian comme « clitoris textuel » (xii), voyant dans ce nouveau signe inconnu de l’anglais un « moment de révolte » (xii). Sa lecture psychanalytique suggère ainsi le rapport symbolique de cette marque typographique contestée à la revendication textuelle d’un féminin que l’on ne saurait voir.
59 Noémie Grunenwald (2021) fait cet inventaire des stratégies qu’elle utilise dans ses traductions :
« J’utilise beaucoup l’écriture dite « inclusive » en traduction : les doublons féminin/masculin pour les noms et pronoms (« les éducateurs et les éducatrices » plutôt que « les éducateurs », « elles et ils » plutôt que « ils »), l’accord de proximité (« les hommes et les femmes sont égales »), les substantifs féminins qui ne sont pas juste des masculins auxquels il suffit d’ajouter un « e » (« autrice », « professeuse », « ambassadrice », « plombière »...), le remplacement du titre par la fonction (« la vice-présidence » plutôt que « le vice-président » ou « la vice-présidente ») ou encore les épicènes (par exemple, pour un groupe mixte, « superbes » ou « magnifiques » plutôt que « beaux »). Quand le cadre éditorial l’autorise, je me fais également plaisir avec des « e », des « rice » et des « euses » en majuscules ou derrière des tirets, des barres obliques ou des points médians (« les traducteur-rices professionnel∙les sont ravi/es d’apprendre de nouvelles techniques et impatientEs de les essayer »). Si possible, j’utilise aussi des termes nouveaux et hybrides qui, même s’ils surprennent parfois au premier usage, finissent rapidement par habiller les textes d’une nouvelle musicalité (« celleux » pour « celles et ceux », « cellui » pour « celle et celui », « elleux » pour « eux et elles », « iels », « els » ou « illes » pour « elles et ils », etc.). Enfin, je suis terriblement impatiente d’essayer le féminin générique italisé (« les traductrices » pour dire « les traducteurs et les traductrices »), comme nous y invitent Gisèle Sapiro et Olivier Godechot, soucieuses de nous faire économiser de l’encre et d’épargner les règles de grammaire.
Je pioche des idées dans de vieilles brochures photocopiées, dans des textes du MLF, chez les autrices et les traductrices que je lis, chez les gouines illiZibles. Je m’inspire d’autres langues. Je reproduis ou je révise. J’essaie des trucs. Comme tant d’autres praticiennes de la langue, dont l’audace et la créativité me laissent penser que les horizons de l’écriture dite « inclusive » continueront de s’élargir. Alors on pourra multiplier les propositions, développer et affiner les formes. » (Grunenwald 2021 : 97-98)
60 [https://simonae.fr/articles/nommer-exister-alpheratz-troisieme-genre], consulté le 10 juillet 2021.
61 Édité par Vent Solars, petite maison d’édition associative.
62 Voir Mayault Isabelle, 2021, « Typographes, graphistes, artistes… Ces « hacktivistes » qui inventent une langue sans féminin ni masculin », Le Monde, 18 juin 2021, [https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/06/18/typographes-graphistes-artistes-ces-hacktivistes-qui-inventent-une-langue-sans-feminin-ni-masculin_6084705_4500055.html], consulté le 10 juillet 2021.
63 Dans Homo Inc.orporated¸ critique de la gestion nationale et néolibérale des politiques d’égalité, Sam Bourcier, à rebours (ou peut-être en amont) des discours de visibilisation, remet toutefois en cause cette codification et ce système de références prônés par les féministes, en partie également parce qu’ils correspondent à ceux d’une université qui n’échappe pas à la critique :
« À la différence des Queer Zones, on ne trouvera pas de rez-de-chaussée de page rempli de notes et de références. Celles-ci ont servi en leur temps à visibiliser des univers critiques et politiques indispensables et non traduits à tous les sens du terme. Mais il est temps de changer de politique de la citation et de rompre avec la codification des partages de savoir dont celle de l’université. » (Bourcier 2017 : 9)
64 Rappelons que c’est dans la même logique que les traducteur·ices ont décidé d’appliquer les règles de grammaire et d’orthographe simplifiées, au-delà des transformations nécessaires pour éviter de « calquer les biais excessivement genrés de la langue française » (Feinberg 2019 : 9).
65 Quatrième de couverture de Mon Fils en rose. Le livre d’Andalzua, publié en 1987, est un textes hétérolingue qui fait partie des textes fondateurs des études décoloniales. Sa traduction paraît en 2022, trente-cinq ans après cette première publication.
66 [https://translature.com/], consulté le 20 juillet 2021.
67 Entretien personnel réalisé le 29 juin 2021.
68 Voir par exemple : Gabriel Stanovsky, Noah A. Smith et Luke Zettlemoyer, 2019, « Evaluating Gender Bias in Machine Translation » Proceedings of the 57th Annual Meeting of the Association for Computational Linguistics, July 2019, Florence, Italy, [https://aclanthology.org/P19-1164], consulté le 20 juillet 2021.
69 « Parfois, le fait-même de traduire […] est la première avancée militante. »