1 Voir l’hypothèse présentée par Bernard Sève, L’Altération musicale, ou ce que la musique apprend au philosophe, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2013.
2 François Nicolas, « Généalogie, archéologie, historicité et historialité musicale », Penser l’œuvre musicale au xxe siècle : avec, sans ou contre l’histoire ?, Paris, Centre de documentation de la musique contemporaine, 2006, p. 46.
3 Voir Ibid.
4 Cf. Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 13.
5 Ibid., p. 32.
6 Laure Schnapper, « La musique “dégénérée” sous l’Allemagne nazie », Raisons politiques, no 14, Paris, 2004, p. 173.
7 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 44.
8 Ibid., p. 35.
9 Notons que les deux régimes totalitaires à venir, le nazisme et le stalinisme, renouvelleront cette posture d’accusation envers le « formalisme ».
10 Thomas Mann, soulignant la capacité de la musique à « éveille[r] à la jouissance la plus raffinée du temps » comme à « exercer l’influence de stupéfiants » qui « entraîne […] l’asservissement », relevait aussi, en un sens, la capacité politique de la musique en la qualifiant de « politiquement suspecte ». Cf. Thomas Mann, La Montagne magique [1924], Maurice Betz (trad.), Paris, Le Livre de poche, 1991, p. 173.
11 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 48.
12 Bien qu’il soit contraint de s’exiler aux États-Unis dès 1933 en raison de l’arrivée du nazisme au pouvoir (Schönberg est de confession juive et compose de la musique considérée comme « dégénérée »), Albrecht Betz rappelle : « À la fin de sa vie, Schönberg écrira encore : “Nous, qui vivons dans la musique, nous n’avons pas de place dans la politique et devons la considérer comme quelque chose d’une autre nature. Nous sommes a-politiques et pouvons tout au plus chercher à rester tacitement à l’arrière-plan” », dans Ibid.. Cependant, Alex Ross avance l’hypothèse que son opéra Moïse et Aaron, dont l’écriture est initiée à la fin des années 1920, est en fait une réponse à « l’antisémitisme rampant ». Cf. Alex Ross, The rest is noise : à l’écoute du xxe siècle, la modernité en musique, op. cit., p. 269.
13 Voir Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 204 : « Eisler est impensable sans Schönberg. Les influences de la première et de la deuxième période atonale de Schönberg sont plus fortes que celles de la période dodécaphonique. Eisler rejetait l’évolution de la deuxième école viennoise après la mort de Schönberg, avec sa sérialisation de tous les paramètres de la musique. Il voyait probablement dans l’évolution musicale occidentale des années cinquante une variation de l’art pour l’art sous la forme de la série pour la série. »
14 Soulignons tout de même l’intérêt du musicologue Jean-François Trubert pour le compositeur et citons notamment son article passionnant consacré à Die Maßnahme : Jean-François Trubert, « Quel Gestus pour quelle révolution, Brecht, Eisler et “l’emploi de la musique” », La Révolution mise en scène, op. cit., p. 269-286.
15 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit. ; Hanns Eisler, Musique et société, op. cit., essais choisis et présentés par Albrecht Betz.
16 Laure Schnapper, « La musique “dégénérée” sous l’Allemagne nazie », op. cit., p. 173-174.
17 Cf. Ibid.
18 « L’Hymne national de la fédération de Russie » a connu une histoire similaire. Alors que la « Chanson patriotique » faisait office d’hymne national depuis la fin de l’URSS – l’un des seuls au monde qui soit sans paroles –, Vladimir Poutine décide, en 2000, de reprendre « l’Hymne de l’Union soviétique » et d’en changer le texte. Sergueï Mikhalkov, en accord avec le Kremlin, gomme l’ensemble des références au communisme et à l’URSS, et écrit de nouvelles paroles traversées par un patriotisme mêlé aux références religieuses.
19 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 203.
20 Ibid., p. 180.
21 Nous ne pouvons nier les liens entre la conception du « populaire réaliste » d’Eisler et le « réalisme socialiste » prôné par l’Union des écrivains socialistes ; tous deux se rejoignent sur le rejet de la recherche formaliste, sur l’adresse dédiée aux travailleurs et sur l’objectif pédagogique.
22 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 180.
23 Au sujet du chœur ouvrier et de son histoire, voir l’article de Jean-François Trubert, « Quel Gestus pour quelle révolution ? Brecht, Eisler et “l’emploi de la musique” », op. cit., plus particulièrement la page 274.
24 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 49.
25 Bertolt Brecht, Écrits sur le théâtre, vol. 2, op. cit. [L’Arche, 1979], p. 329-330.
26 Notons que, dès 1929, le potentiel d’acteur d’Ernst Busch est remarqué lors de ses interprétations des ballades politiques composées par Eisler. Voir Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 84 : « Son expérience d’acteur et de cabarettiste lui vient en aide quand il doit lancer une pointe dans ces récits sarcastiques dont l’âpre critique sociale contraste souvent d’étonnants mariages avec la forme de la ballade. »
27 Voir Karine Saroh, « Signature(s) partagée(s), de l’idéal égalitaire au collectif totalitaire », op. cit.
28 Voir Hanns Eisler et Theodor Adorno, Musique de cinéma : essai, Jean-Pierre Hammer (trad.), Paris, L’Arche, 1972.
29 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 54.
30 Id., « Introduction », dans Hanns Eisler, Musique et société, op. cit., p. 9.
31 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 22.
32 La politique menée par Ruth Gisher et Arkadij Maslow entre 1924 et 1925 est critiquée par Moscou, c’est pourquoi ils sont remplacés par Enrst Thälmann au bout d’une année seulement. Voir Ibid., p. 41.
33 Ibid., p. 66.
34 Ibid., p. 67.
35 Ibid.
36 Ibid., p. 95.
37 Nous retrouverons cette fonction du musicien avec Luigi Nono qui, quant à lui, la traduit dans un engagement militant important au sein du PCI.
38 Cf. Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 95.
39 Ibid., p. 97.
40 Ibid.
41 Ibid. : « En dépit de gains substantiels aux élections législatives, il reste minoritaire comme parti ouvrier et a peu de possibilités pratiques d’intervenir. Le lien entre combat économique et combat politique menace de se briser. Pour Brecht et Eisler, c’est ce lien qui est en jeu dans La Mère. C’est pourquoi dans leur adaptation du roman de Gorki, la représentation de la situation en Russie s’efface devient les besoins actuels du mouvement ouvrier allemand. »
42 Alex Ross confirme en partie cette hypothèse, avançant que l’intrigue est « probablement influencé[e ][…] par différentes missions accomplies en Chine par Gerhart Eisler, le frère méconnu de Hans [sic], au profit du renseignement soviétique ». Cf. Alex Ross, The rest is noise : à l’écoute du xxe siècle, la modernité en musique, op. cit., p. 283.
43 À la mort de Brecht, Helene Wiegel et Barbara Brecht-Schall auraient, toujours selon Michel Bataillon, refusé toutes les demandes de droits de jouer Die Maßnahme en Europe, contrairement à Stefan Brecht qui, donnant les droits aux États-Unis, a permis que la pièce puisse, pendant de nombreuses années, être vue de l’autre côté de l’Atlantique. Ces informations nous ont été transmises par Michel Bataillon lors du colloque Les Théâtres de Marx organisé à l’ENS de Lyon du 27 février au 2 mars 2018. L’article de Francine Maier-Schaeffer, « “La mort est le masque de la révolution, la révolution est le masque de la mort”, La Décision de Bertolt Brecht à la lumière de sa genèse et de ses réécritures », op. cit., p. 255-256, confirme cette information.
44 Dans la liste des personnages, Brecht précise déjà que les agitateurs « jouent successivement » le jeune camarade et le reste des personnages (le dirigeant de la maison du Parti, les deux coolies, le surveillant, les deux ouvriers du textile, le policier et le négociant). Cf. Bertolt Brecht, La Décision, dans Théâtre complet, Édouard Pfrimmer (trad.), Paris, L’Arche, 2014, p. 210. Cependant, selon Michel Bataillon, le dramaturge préconisait aussi que l’acteur n’interprète pas deux fois de suite la mort du personnage principal (informations collectées lors du colloque Les Théâtres de Marx, op. cit.).
45 Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, Paris, La fabrique, 2008, p. 21.
46 Face à cette hypothèse formulée par Olivier Neveux lors du colloque Les Théâtres de Marx, op. cit., nous avons choisi, en conscience et à partir de nos analyses, de rester ferme quant à notre refus de l’instrumentalisation de l’œuvre par le politique et quant à notre ambition qui est celle d’arracher Brecht et Eisler de l’accusation, justement faite par le postmodernisme, d’art à thèse. Ce débat a du reste renforcé la distance que nos travaux entretiennent avec la ligne neveuiste du théâtre politique, confondu avec le théâtre militant, voire avec le théâtre à thèse.
47 À propos de l’efficacité politique du théâtre brechtien, cf. Jacques Rancière, La Méthode de la scène, avec Adnen Jdey, Paris, Lignes, 2018, p. 70 : « Il n’y a pas de conscience révolutionnaire formée. Mais il y a une capacité de mettre à distance les catégories et les modes de perception du consensus et d’entendre d’autres propositions de monde commun et d’agir commun. C’est quelque chose dont l’effet est extrêmement difficile à mesurer. »
48 Cf. Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 141.
49 Ibid., p. 150.
50 Du nom du sénateur Joseph McCarthy qui, sans en être le concepteur, dirige cette campagne anticommuniste. Voir Florin Aftalion, Alerte rouge sur l’Amérique : retour sur le maccarthysme, Paris, J.-C. Lattès, 2006 ; et Thomas Wieder, Les sorcières de Hollywood : chasse aux rouges et listes noires, Paris, Philippe Rey, 2006. Du côté des œuvres qui traitent du sujet, voir Candide (1956) de Leonard Bernstein et Lillian Hellman.
51 Cf. Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 167 ; Selon Michel Bataillon, Ruth Fischer aurait au même moment dénoncé ses frères à la CIA.
52 Hanns Eisler, Musique et société, op. cit., p. 5.
53 Parmi ces nouveaux espaces de composition, Eisler investira celui du cinéma, allant jusqu’à théoriser les relations entre les deux arts. Voir Hanns Eisler et Theodor Adorno, Musique de cinéma : essai, op. cit.
54 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 69.
55 Ibid.
56 Précisons que, selon Ernst Bloch reprenant les termes de Nietzsche, le problème n’est pas tant l’autonomie de la musique par rapport à la société, mais son « inactualité historique ». Nietzsche disait : « De toutes les espèces cultivées, la musique fleurit la dernière. Oui, la musique chante en sourdine comme le langage d’une époque disparue au sein d’un monde nouveau étonné ; elle vient trop tard. » Ernst Bloch, « Philosophie de la musique », L’Esprit de l’utopie [1923], Anne-Marie Lang et Catherine Piron-Audard (trad.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », 1977, p. 58.
57 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 69.
58 Ibid., p. 70.
59 Ibid., p. 69.
60 Nous pouvons ici faire un parallèle avec le théâtre appliqué – lui-même défini par rapport à son parent, l’art appliqué, autrement dit le design –, dont Gilles Jacinto propose une définition qui intègre toutes ses variantes (théâtre en entreprise, à l’école, en prison, en hôpital, comme thérapie, etc.). Gilles Jacinto, « Le théâtre appliqué : introduction historique, théorique et critique », Hispania. Le théâtre appliqué : enjeux épistémologiques et études de cas, Monique Martinez Thomas (dir.), Carnières-Morlanwelz, Lansmann, coll. « Théâtre contemporain 20 », 2017, p. 22 : « Il ne s’agit pas uniquement d’esthétiser un message avec l’intention de le communiquer efficacement, mais bien d’intégrer la pratique théâtrale à des chaînes d’actions différentes, en fonction d’objectifs extérieurs aux enjeux de l’art du théâtre lui-même. »
61 L’adjectif « utilitaire » a volontairement été écarté pour ne pas créer de confusion avec le modèle de la Gebrauchmusik (« musique utilitaire ») représentée par Paul Hindemith à la même époque et critiquée par Eisler. Voir Alex Ross, The rest is noise : à l’écoute du xxe siècle, la modernité en musique, op. cit., p. 253-257.
62 Ce modèle fonctionnel de l’activité artistique qui vise précisément à une transformation sociale a été repris, dans les années 1960 par Augusto Boal dans son « Théâtre de l’opprimé ». Voir Augusto Boal, Théâtre de l’opprimé [1977], Dominique Lémann (trad.), Paris, La Découverte, 1996 ; et l’article de Pierre Lénel, « Théâtre de l’opprimé et intervention sociale. Aux sources de l’éducation populaire ? », Agora débats/jeunesses, no 58, Paris, 2011, p. 89-104.
63 C’est aussi ce que remarque Muriel Plana à propos du théâtre militant. Muriel Plana, Théâtre et politique : Modèles et concepts, tome I, op. cit., p. 38 : « Son auteur est souvent “collectif” ou s’efface comme individu parce que ce théâtre est une action avant que d’être un discours […]. »
64 La liberté du spectateur est une caractéristique que Muriel Plana souligne dans sa description du théâtre militant. Ibid., p. 39 : « [Il] expose une thèse ou bien critique une thèse, mais [il] demande au spectateur de prendre librement position face à cet exposé. »
65 Nous retrouvons de nouveau cet aspect dans le théâtre militant. Ibid., p. 38-39 : « Résistant à toute sacralisation, voire à toute autonomisation, il travaille à égalité avec les autres activités militantes […]. Dans ce théâtre, contrairement au théâtre engagé et comme dans le théâtre à thèse, l’engagement initial ou le service de la cause extérieure à l’art détermine la forme et conditionne l’esthétique. »
66 Voir la partie suivante.
67 Alex Ross, The rest is noise : à l’écoute du xxe siècle, la modernité en musique, op. cit., p. 279.
68 Voir Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 80.
69 Cf. Alex Ross, The rest is noise : à l’écoute du xxe siècle, la modernité en musique, op. cit., p. 280.
70 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 82.
71 Cf. ibid., p. 108-109.
72 Ibid., p. 109.
73 Notons ici le projet passionnant, non finalisé à ce jour, de Marie Soubestre et Romain Louveau qui vise à enregistrer l’intégrale des 113 lieder composés par Eisler et Brecht.
74 Philippe Ivernel, « Grande pédagogie : en relisant Brecht », op. cit., p. 222.
75 Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 88.
76 Id., « Introduction », dans Hanns Eisler, Musique et société, op. cit., p. 10.
77 Ibid.
78 Ibid.
79 Luigi Nono, « Réponse à sept questions de Martine Cadieu », Écrits, op. cit., p. 225-226.
80 À ce sujet voir Muriel Plana, Théâtre et politique : Modèles et concepts, tome I, op. cit., p. 17-18 : « [L’]art est politique parce qu’il émane d’une société et lui est destiné et qu’il se prononce nécessairement, en tant que discours, à son sujet. [...] nulle œuvre d’art n’échappe a priori à une éventuelle lecture politique. » Cependant, comme la chercheuse le précise, même si toutes les productions artistiques peuvent être appréhendées selon une lecture politique, elles ne sont pas pour autant toutes politiques.
81 Luigi Nono, « Présence historique dans la musique d’aujourd’hui », op. cit., p. 77.
82 Id., « Musique et resistenza », Écrits, op. cit., p. 168.
83 Ibid.
84 Id., « Face au conflit historique de l’époque, le compositeur doit adopter un comportement responsable (entretien avec José Antonio Alcaraz) », Écrits, op. cit., p. 181.
85 Cf. Albrecht Betz, Musique et politique, Hanns Eisler : la musique d’un monde en gestation, op. cit., p. 48 : « La critique politique qu’Eisler adresse à la nouvelle musique est d’abord suscitée par l’isolement de cette dernière, par le fait que son hermétisme et son accès difficile sont présentés comme les signes de sa qualité [...]. »
86 Carl Dahlhaus, Essais sur la nouvelle musique, Hans Hildenbrand (trad.), Genève, Contrechamps, 2004, p. 183.
87 Ibid.
88 Cette thèse est discutée par Stefan Keym au sujet de l’Abstrakte Oper Nr.1 (1953) de Boris Blacher et Werner Egk et du Satyricon (1973) de Bruno Maderna dans son article : Stefan Keym, « De l’opéra abstrait à la forme mobile. Réflexions sur le rapport entre forme et sous-texte politique dans le théâtre musical de Boris Blacher et de Bruno Maderna », Théâtre musical (xxe et xxie siècles). Formes et représentations politiques, op. cit., p. 57-72.
89 Jacques Rancière, « Les scènes de l’émancipation, entretien avec Jacques Rancière 28 mars 2012 », Théâtre/Public, no 208 : Penser le spectateur, Olivier Neveux et Armelle Talbot (dir.), Gennevilliers, Association théâtre public, 2013, p. 14.
90 Intolleranza 1960 a été jouée pour la première fois à La Fenice à Venise le 13 avril 1961 à l’occasion de la Biennale et Al gran sole carico d’amore au Teatro Lirico de Milan dans le cadre de la programmation de la Scala du 4 au 13 avril 1975.
91 Si Luigi Nono n’annonce pas explicitement la destination ouvrière de ses œuvres, son engagement politique au PCI, l’ambition de transformation sociale qu’il associe à sa création et les actions de médiation mises en place – que nous allons aborder en suivant – nous poussent à supposer une adresse, sinon spécifiquement ouvrière, au moins ouverte aux publics considérés comme « populaires ».
92 Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, thèse de doctorat sous la direction de Jean-Paul Olive, soutenue en décembre 2015 à l’université de Paris VIII, p. 290.
93 Luigi Nono cité par Fabien San Martin dans ibid., p. 291.
94 Cf. Luigi Nono, « La fabbrica illuminata », Écrits, op. cit., p. 628.
95 Luigi Nono, « Le musicien à l’usine », Écrits, op. cit., p. 237-240.
96 Cf. note rédigée par Laurent Feneyrou dans Luigi Nono, « Sur Schoenberg, conférence à Reggio Emilia », Écrits, op. cit., p. 395 : « Créé en 1972, au cours d’une rencontre, chez Maurizio Pollini, entre Claudio Abbado, Vittorio Fellegara, Armando Gentilucci, Giacomo Manzoni, Luigi Nono et Luigi Pestalozza. Musica/Realtà entendait s’adresser à un public exclu des circuits traditionnels, celui des conseils ouvriers et des associations de quartier, ouvrait ainsi un dialogue avec la réalité sociale et politique de la région. Le premier cycle, du 2 mai au 15 juin 1973, proposa concerts, colloques, expositions et introductions aux œuvres dans les écoles, mais aussi auprès des travailleurs, et se tint dans des usines ou dans des bibliothèques. S’il connut le succès de 1973 à 1976, avec la participation bénévole de nombreux musiciens de talent, Musica/Realtà déclina à partir de 1977 et se réduisit à la revue du même nom, née en 1980. Musica/Società de Florence ou Musica/incontro d’Avellino s’inspirent de ce modèle. »
97 De nos jours, ce projet est poursuivi notamment par la cheffe d’orchestre Zahia Ziouani (femme issue de l’immigration algérienne). Directrice artistique de l’Orchestre Symphonique Divertimento, elle s’attache à associer aux tournées dans les lieux institutionnels et reconnus, des concerts dans des salles polyvalentes de quartiers. Le choix des œuvres programmées est aussi relatif à un positionnement politique et reflète le multiculturalisme qui traverse la société française. Voir Zahia Ziouani, La Chef d’orchestre, Paris, Anne Carrière Éds, 2010.
98 Son engagement dans la vie politique vénitienne et italienne, au sein du PCI et au coeur de la période trouble du « compromis historique », est développé dans Karine Saroh, « De l’utopie esthétique à l’utopie politique : le théâtre musical de Luigi Nono », op. cit., p. 117-118.
99 Pour plus d’informations, voir Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 316.
100 Cette œuvre, selon nous, peut être considérée comme une réponse aux reproches que Pascal Quignard adresse à la musique. Pascal Quignard, La Haine de la musique, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2002, p. 197 : « Depuis ce que les historiens appellent la “Seconde Guerre mondiale”, depuis les camps d’extermination du IIIe Reich, nous sommes entrés dans un temps où les séquences mélodiques exaspèrent. Sur la totalité de l’espace de la terre, et pour la première fois depuis que furent inventés les premiers instruments, l’usage de la musique est devenu à la fois prégnant et répugnant. […] » et p. 200 : « Il faut entendre ceci en tremblant : c’est en musique que ces corps nus entraient dans la chambre. »
101 Voir Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 299.
102 Voir Ibid., p. 288-289.
103 Ibid., p. 290 : « Ainsi les rencontres, à partir des années 1960, avec les ouvriers d’usines italiennes […] et la participation à certaines de leurs luttes ainsi qu’à celles des étudiants (notamment en 1968) témoignèrent-elles d’un double désir pour le compositeur : se joindre concrètement à ceux qui étaient alors aux avant-postes du combat anti-capitaliste [...]. Dès lors, Nono tâcha de s’employer au quotidien à réduire toute distance entre musicien et non-musicien, intellectuel et travailleur manuel, ce dont attestent tout à la fois l’intérêt qu’il portait aux techniciens qui concouraient à la réalisation de ses œuvres lors de concerts et l’estime dans laquelle il les tenait, se souciant toujours de leurs conditions de travail et se solidarisant avec eux dans leurs revendications syndicales […]. » Précisons que la fin de la division du travail, ainsi que de « toutes les divisions » est, selon Alain Badiou, une des conditions du communisme ; cf. la rencontre animée par Olivier Neveux le 28 mars 2018 à l’occasion du colloque Les Théâtres de Marx, op. cit.
104 Luigi Nono, « Entretien avec Luigi Nono », Écrits, op. cit., p. 301.
105 Carl Dahlaus, Essais sur la nouvelle musique, op. cit., p. 203.
106 En cela, elle répond aux mêmes caractéristiques que celles qui sont énoncées par Muriel Plana au sujet de l’art engagé. Muriel Plana, Théâtre et politique : Modèles et concepts, tome I, op. cit., p. 36-37 : « L’art engagé suppose que son auteur exprime volontairement et librement dans son art une idéologie ou une philosophie dont il est parfaitement conscient, qu’il présente comme telle et qu’il revendique, en exposant dans son œuvre des idées dont il pense qu’elles sont vraies, et qui sous-tend et suscite, entre autres, son activité artistique. Pour ce théâtre, l’art n’est pas indépendant de la situation de l’auteur dans la société et dans l’histoire de sorte que l’œuvre exprime nécessairement une idéologie, une philosophie, des convictions politiques. Toutefois, l’art reste sacralisé en tant que tel et relativement autonome dans sa forme, laquelle est pensée comme individuelle, personnelle, relative et obéissant aussi à un ensemble de lois strictement artistiques. »
107 Cf. Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 293.
108 Voir Luigi Nono, « Le débat du comité central du PCI sur le compte rendu de Massimo D’alema », Écrits, op. cit., p. 420-421.
109 Voir Luigi Nono, « [Réponse à Andreï Volkonski] », Écrits, op. cit., p. 437-439.
110 Luigi Nono, « Appel pour Solidarność », Écrits, op. cit., p. 492.
111 Luigi Nono, « L’Erreur comme nécessité », Écrits, op. cit., p. 495-497.
112 Philppe Albéra, « Les chemins de Luigi Nono », dans Écrits, op. cit., p. 15.
113 Voir Karine Saroh, « Prometeo, tragedia dell’ascolto de Luigi Nono ou la tragédie musicale de Venise », op. cit.
114 Carl Dahlhaus, Essais sur la nouvelle musique, op. cit., p. 199.
115 Muriel Plana, Théâtre et politique : Modèles et concepts, tome I, op. cit., p. 39.
116 Ibid., p. 40.
117 Ibid., p. 39.
118 Propos d’Alain Badiou receuillis lors d’une rencontre animée par Olivier Neveux le 28 mars 2018 pour le colloque Les Théâtres de Marx, op. cit.
119 Cf. la même rencontre.
120 Voir « Un théâtre utopique (fantasmatique) » dans Muriel Plana, Théâtre et politique : Pour un théâtre politique contemporain, tome II, Paris, Orizons, coll. « Universités / Comparaisons », 2014, p. 31-35. Les quatres autres critères sont : « critique », « expérimental », « philosophique » et « dialogique ».
121 Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 338.
122 Au sujet de l’autonomie de la musique instrumentale dite « absolue » depuis l’ère du romantisme, voir Carl Dahlhaus, L’Idée de la musique absolue [1978], Martin Kaltenecker (trad.), Genève, Contrechamps, coll. « Essais historiques ou thématiques », 2006.
123 Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 340.
124 Voir la théorie du dispositif dans Philippe Ortel (dir.), Penser la représentation 2. Discours, image et dispositif, Paris, L’Harmattan, 2008.
125 Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, op. cit., p. 113.
126 Muriel Plana, Théâtre et politique : Pour un théâtre politique contemporain, tome II, op. cit., p. 32.
127 Au sens large de l’engagement à penser l’avenir ou à agir pour une transformation sociale.
128 Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 345.
129 Carl Dahlhaus, Essais sur la nouvelle musique, op. cit., p. 203. Voir supra..
130 Exception faite par certains compositeurs qui ont mis au point, notamment grâce à la notation anglo-saxone et allemande, des effets de signification. Citons tout simplement le motif B.A.C.H (si bémol – la – do – si bécarre) de Bach, transposé plus tard en D.S.C.H (ré – mi-bémol – do – si bécarre) par Dimitri [S]chostakovitch, ou encore les Variations sur le nom « Abegg » de Schumann (1929-1930), etc.
131 Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 345-346.
132 Voir Luigi Nono, « Catalogue et notice », Écrits, op. cit., p. 626-633 et « Fondazione Archivio Luigi Nono », op. cit. [http://www.luiginono.it/opere/la-fabbrica-illuminata/#tab-id-1], consulté le 22 juillet 2020.
133 Id., « Réponse à sept questions de Martine Cadieu », op. cit., p. 227.
134 Jacques Rancière le confirme : « Ce qu’une intervention artistique peut produire, ce en quoi elle peut être politique, c’est une modification du visible, des manières de le percevoir et de le dire, de le ressentir comme tolérable ou intolérable. » Cf. Jacques Rancière, « L’art du possible [2007] », op. cit., p. 590-591.
135 Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 347 : « Chez Nono, tout le travail sur la perception tel que nous l’avons décrit au cours de notre première partie s’inscrit donc pleinement dans un projet de transformation du monde, si l’on suit Marcuse ; et, en ce sens, celles de ses œuvres qui paraissent les moins engagées politiquement mais qui œuvrent à élargir, par exemple, la palette sonore des instruments pour lesquels elles ont été composées ont, tout autant que les autres si ce n’est plus, à voir avec la révolution. » Cette position postmoderniste sur l’art politique est aussi celle défendue par Élise Van Haesebroeck. Voir Élise Van Haesebroeck, Identité(s) et territoire du théâtre politique contemporain : le Groupe Merci, le Phun, le Théâtre du Radeau et Claude Régy, thèse de doctorat dirigée par Arnaud Rykner, soutenue en 2008 à l’université Toulouse-Le Mirail.
136 Voir « Une transformation du monde qui passe par sa désémantisation et sa resémentisation : l’exemple des Canti di vita e d’amore », dans Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 350-353.
137 Carl Dahlhaus, Essais sur la nouvelle musique, op. cit., p. 188.
138 Fabien San Martin, De nouveaux mondes : perception, altérité et utopie dans la musique de Luigi Nono, op. cit., p. 350 : « Un art révolutionnaire devra dès lors s’atteler à ces deux tâches aussi politiques qu’esthétiques : la déstructuration du langage et la réforme de la perception sensible du monde. Et c’est précisément là une bonne partie du programme musical du compositeur vénitien qui est aussi une de ses dimensions politiques. »
139 Voir Ibid., p. 350-351.
140 Olivier Mille, Archipel : Luigi Nono, op. cit. (00:13:06) : « En 55, Il canto sospeso est un succès. Le texte politique révolutionnaire va devenir toujours plus important dans la musique de Nono, non pas comme un porteur de message littéral, mais comme une matière expressive et sonore. »
141 Il Mattino, 28 mai 1975, archive consultée à la « Fondazione Archivio Luigi Nono », : « Polémique : la programmation d’une œuvre si ouvertement idéologique en période préélectorale considérée comme inopportune par certains et le coût excessif du spectacle relevé par d’autres […]. » Notre traduction.
142 Ibid. Notre traduction.
143 Ibid. : « Il en résulte une couleur nettement idéologique qui reste toutefois limitée à la lecture du texte littéraire de l’œuvre […]. » Notre traduction. Même si nous ne pouvons affirmer que ce soit le cas lors de chaque exécution d’Al gran sole, notons que, pour la version de 2009 jouée à l’Oper Leipzig (reprise de 2004 à Hannover), dirigée par Johannes Harneit et mise en scène par Peter Konwitschiny, un livret dans lequel on pouvait lire le texte en italien et sa traduction allemande était à la disposition du spectateur. Ces informations, ainsi que le livret, nous ont été généreusement transmis par Stefan Keym, spectateur de cette représentation.
144 Il Telegrafo, Livorno, 28 mai 1975, archive consultée à la « Fondazione Archivio Luigi Nono » : « Le leader de la Démocratie Chrétienne, l’avocat Massimo De Carolis, à qui l’on doit l’une des initiatives qui ont perturbé la veille du spectacle : la demande de retirer l’œuvre de Nono de la programmation de la Scala pour raisons politiques. » Notre traduction.
145 Ibid. Notre traduction.