1 Pour une période plus tardive mais pour des faits similaires, Annick Tilliers a recensé les différents lieux dans lesquels les corps des enfants ont pu être abandonnés. Annick Tilliers, Les femmes, l’infanticide et le contrôle social dans les campagnes de la France armoricaine, 1825-1865, thèse d’Histoire, Paris, 2000, p. 451 : « La plupart des enfants sont découverts dans les lieux familiers des inculpés. Viennent en première position le jardin (49 cas), le lit (47 cas), les latrines des fosses d’aisance (25 cas), le grenier (19 cas), le sol de la maison (16 cas), l’armoire (14 cas), le coffre ou banc-coffre (12 cas). Puis se répartit une multitude d’autres caches qui vont de la grange, de l’étable, du pressoir ou de la cave au toit. Hormis les cas où les enfants sont enterrés dans le jardin ou dans le sol de terre battue de la maison, les lieux familiers ne représentent habituellement que des sépultures provisoires. Le grenier, le lit, l’étable ou l’écurie ont généralement servi de cadre à l’accouchement. Les accusées y abandonnent leur enfant – parfois plusieurs jours ou plusieurs semaines – en attendant le moment favorable pour aller l’enterrer à l’extérieur de la maison. Ce qui tend à prouver que, dans la plupart des cas, elles n’ont pas eu le temps de réfléchir à une solution moins compromettante que celle qui consiste à laisser la victime sur les lieux mêmes du crime ».
2 Bernard Jolibert, L’enfance au xviie siècle, éd. Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1981, p. 29.
3 Pour une présentation du fonds d’archives du parlement de Flandre, voir Véronique Demars-Sion, « “Heurts” et malheurs d’un fonds : les tribulations des archives du parlement de Flandre », Revue du Nord, Université Charles-de-Gaulle-Lille 3, Villeneuve d’Ascq, octobre-décembre 2014, n° 407, p. 829-858.
4 Comme le rappelle Jousse, la notion de parricide est extrêmement large : Daniel Jousse, Traité de la justice criminelle de France, éd. Debure père, Paris, 1771, tome IV, p. 1-3 : « Le parricide est le crime de celui qui procure la mort de ses père & mère, aïeul, ou aïeule, ou autres ascendants, soit par violence, ou par poison ; ou de quelqu’autre manière que ce soit […]. Le fils naturel qui tue son père ou sa mère, est aussi coupable de parricide […]. Et il en est de même du gendre, ou du beau-fils, à l’égard de son beau-père, & de sa belle-mère […]. Les pères & mères qui font mourir leurs enfants, ou petits-enfants, sont aussi coupables de ce crime […]. Le père ou la mère qui tuent leur fils naturel, commettent aussi un parricide […]. Et il en est de même du beau-père, ou de la belle-mère qui tuent leur gendre, ou leur belle-fille […]. Les femmes ou filles qui se font avorter ; celles qui exposent leurs enfants, ou qui recèlent leur grossesse dans le dessein de les faire périr, doivent aussi être regardées comme coupables du crime de parricide […]. Le mari qui tue sa femme, ou la femme qui tue son mari, commettent aussi une espèce de parricide […]. Ce parricide est même plus grave que celui d’un enfant qui tue son père. Le frère qui tue son frère, ou sa sœur ; ou la sœur qui tue sa sœur, ou son frère, commettent aussi une espèce de parricide ; quand même ils ne seroient frères & sœurs que d’un simple lien […]. L’oncle, ou la tante qui tuent leur neveu, ou nièce, commettent aussi un parricide […]. Et il en est de même des cousins-germains, ou d’autres collatéraux en égal, ou plus prochain degré […]. Le crime de lèze-majesté au premier chef, peut aussi être regardé comme une espèce de parricide ; & il en est de même de celui qui trahit sa patrie, ou qui procure la mort du Magistrat qui le gouverne […]. Enfin, on peut regarder comme parricide le domestique qui tue son maître, ou sa maîtresse ». Cette notion large de parricide existait déjà au Moyen Âge et provient certainement du droit romain, voir Tanguy Le Marc’hadour, La répression de la criminalité conjugale au xviiie siècle. L’exemple des Pays-Bas français, thèse de droit, Lille, 1996, tome II, p. 615-619.
5 Daniel Jousse, op. cit., tome IV, p. 4 : « En France, la peine du parricide n’est point fixée par les loix : elle se règle par les juges, suivant l’atrocité des circonstances, & la qualité des personnes ».
6 Marc Ortolani, « L’expertise médicale dans le procès d’infanticide devant le Sénat de Nice sous la Restauration », dans Recherches régionales, Centre de documentation des Alpes-Maritimes, 2004, n° 171, p. 21.
7 Marion Trévisi, « Marie Anne Lahaye : une jeune fille seule dans un procès pour infanticide au xviiie siècle », dans Lorsque l’enfant grandit : entre dépendance et autonomie, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2003, p. 323 ; François-Paul Blanc, Les enfants abandonnés à Marseille au xviiie siècle (L’Hôtel Dieu, 1700-1750), thèse d’Histoire économique, Aix-en-Provence, 1972, p. 152-153 ; A. Tilliers, op. cit., p. 192.
8 Mohamed Riou, L’infanticide dans les Alpes-Maritimes (1860-1907), mémoire de master recherche 2e année : Systèmes juridiques, Université Nice Sophia Antipolis, 2010, p. 8.
9 Magdeleine Possetti, Essai sur l’évolution morale et juridique de l’infanticide, mémoire de DES de Droit romain et d’Histoire du Droit, Paris, 1957, p. 14 : « L’Édit de Henri II, nécessité par des impératifs moraux catégoriques, trouve son inspiration profonde dans des motifs religieux, ce texte rayonne de foi chrétienne, on y sent l’influence de l’Église ».
10 Six et Plouvain, Recueil des édits, déclarations, lettres patentes, etc. enregistrés au parlement de Flandres, des arrêts du Conseil d’Etat particuliers à son ressort, ensemble des arrêts de règlemens rendus par cette cour, depuis son érection en Conseil Souverain à Tournai, éd. Derbaix, Douai, 1786, tome III, p. 695-696.
11 Marie-Claude Phan, « Les déclarations de grossesse en France (xvie-xviiie siècles) : essai institutionnel », dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, éd. Armand Colin, Paris, janvier-mars 1975, tome XXII, p. 76 : « Ainsi le recel de grossesse n’est pas punissable et, quand bien même la fille n’aurait donné aucune publicité à son état et à ses couches, il lui suffit de faire baptiser son enfant pour se mettre à l’abri de la loi, l’inhumation en terre sainte ayant le même effet. Le texte ne parle en effet que du défaut de déclaration dont il fait une des conditions de la présomption, sans lui attacher de poids particulier. Il ne porte nullement obligation de faire une déclaration de grossesse comme on l’a dit souvent, et moins encore obligation sous peine de mort ».
12 Véronique Demars-Sion, Femmes séduites et abandonnées au xviiie siècle : l’exemple du Cambrésis, éd. L’espace juridique, Hellemmes, 1991, p. 113-114 : « Ce texte vise donc à enrayer la prolifération des infanticides que le pouvoir royal lui-même impute d’abord aux mères illégitimes ; il constitue l’expression d’une politique criminelle mûrement réfléchie : il est destiné tant à prévenir les infanticides par un effet d’intimidation qu’à en faciliter la répression en solutionnant le problème de la preuve de l’infraction » ; voir également Marc Ortolani, « L’infanticide devant le sénat de Nice sous la Restauration », Rivista di storia del diritto italiano, Rome, 2001, tome LXXIV, p. 147-148.
13 Six et Plouvain, op. cit., tome III, p. 697 : « & pour réparation punie de mort et dernier supplice, et de telle rigueur que la qualité particulière du cas le méritera ».
14 Claude-Joseph de Ferrière, Dictionnaire de droit pratique contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnance, de coutumes & de pratique. Avec les jurisdictions de France, éd. Joseph Saugrain, 4e édition, Paris, 1758, t. I, p. 699, au mot « Grossesse » : « Le roi Henri III, par édit de l’année 1585, afin que cette ordonnance ne pût être ignorée d’aucune fille ou femme, enjoignit aux curés de la publier aux prônes de leurs messes paroissiales, de trois mois en trois mois ; & aux procureurs de Sa Majesté, & à ceux des seigneurs hauts-justiciers, de tenir la main à ce que ladite publication fût faite ».
15 Véronique Demars-Sion, « Un procès en “infanticide” à Lille en 1789 : l’affaire Marie-Christine Vermont », Juges et criminels, études en hommage à Renée Martinage, éd. L’espace juridique, Hellemmes, 2000, p. 68 : « Mais comment ce texte s’est-il appliqué ? Ceux-là même qui y voient l’origine d’une véritable “fureur répressive” contre les mères infanticides sont obligés d’admettre que cette fureur s’est évanouie par la suite et, en réalité, il semble bien que ce texte n’ait jamais fait l’objet d’une application rigoureuse. Les interventions répétées du législateur, obligé de rappeler périodiquement le contenu de l’édit et d’en organiser la publicité, prouvent sa difficulté à se faire obéir ».
16 Six et Plouvain, op. cit., tome III, p. 693-694 : « Nous apprenons néanmoins que depuis quelques temps plusieurs curés de notre royaume ont fait difficulté de publier cet édit, sous prétexte que par l’article XXXII de notre édit du mois d’avril 1695, concernant la jurisdiction ecclésiastique, Nous avons ordonné que les curés ne seroient plus obligés de publier aux prônes, ni pendant l’office divin, les actes de justice & autres qui regardent l’intérêt particulier de nos sujets ; à quoi ils ajoutent encore que Nous avons bien voulu étendre cette règle à nos propres affaires, en ordonnant par notre déclaration du 16 décembre 1698, que les publication qui se feroient pour nos intérêts, ne se feroient plus au prône, & qu’elles seroient faites seulement à l’issue de la messe paroissiale, par les officiers qui en sont chargés ». Voir François-Paul Blanc, Les enfants abandonnés à Marseille au xviiie siècle (L’Hôtel Dieu, 1700-1750), op. cit., p. 154-155.
17 M.-Cl. Phan, « Les déclarations de grossesse en France (xvie-xviiie siècles) : essai institutionnel », art. cit., p. 70 ; Jean-François Fournel, Traité de la séduction, considérée dans l’ordre judiciaire, éd. Demonville, Paris, 1781, p. 368.
18 Six et Plouvain, op. cit., tome III, p. 694 : « Nous avons, par les présentes signées de notre main, dit, déclaré & ordonné, disons, déclarons & ordonnons, voulons & Nous plaît, que l’édit du roi Henry II, du mois de février 1556, soit exécuté selon sa forme & teneur ».
19 Robert Muchembled, Le roi et la sorcière : l’Europe des bûchers xve-xviiie siècle, éd. Desclée, Paris, 1993, p. 154 : « L’infanticide et l’avortement devaient être punis de mort, tant en France […] que dans les Pays-Bas espagnols, où la mère se trouvait noyée en Brabant ou brûlée – comme une sorcière – en Artois » ; Michel Porret, Le crime et ses circonstances : de l’esprit de l’arbitraire au siècle des Lumières selon les réquisitoires des procureurs généraux de Genève, éd. Droz, Genève, 1995, p. 208 : « Ainsi, dès 1550 environ dans toute l’Europe, et, dès le xviie siècle en Nouvelle-Angleterre, la violence homicide contre les nouveau-nés, lorsqu’elle est connue, est réprimée avec sévérité ».
20 Archives départementales du Nord (A.D.N.) 8B2/763 fol. 31 r°-31 v° (Marie Pollet, 10 mars 1682) ; 8B2/763 fol. 95 r°-95 v° (Pétronille von Herseches, 17 octobre 1685) ; 8B2/763 fol. 143 r°-143 v° (Anthoinette Jadin, 24 avril 1687) ; 8B2/761 fol. 164 v°-165 r° (Catherine Capillon, 16 mai 1687) ; 8B2/761 fol. 196 v°-197 r° (Marie-Elisabeth Régnier, 30 septembre 1688) ; 8B2/767 fol. 248 v°-250 r° (Aldegonde Le Mahieu, 23 mai 1697).
21 A.D.N. 8B2/761 fol. 85 r°-85 v° (Marie Soupé, 6 novembre 1682) ; 8B2/767 fol. 84 r°-84 v° (Jeanne-Thérèse Pots, 18 mai 1694) ; 8B2/772 fol. 79 r°-79 v° (Péronne Stoove, 10 avril 1706).
22 A.D.N. 8B2/772 fol. 208 v°-209 r° (Cornille Steven, 21 février 1713).
23 A.D.N. 8B2/761 fol. 196 v°-197 r° (Marie-Elisabeth Régnier, 30 septembre 1688). L’étranglement au poteau était une peine pratiquée dans les anciens Pays-Bas. Voir par exemple Alain Lottin et Laurence Delsaut, Sentences criminelles de la gouvernance de Lille, 1585-1635, Étude, documents et dessins du registre 12 120 des Archives municipales de Lille, Artois Presses Université, Arras, 2012, p. 146. Cette peine était expressément prévue par la coutume de Tournai en cas de parricide, voir Georges de Ghewiet, Institutions du droit belgique par rapport tant aux 17 provinces qu’au pays de Liège, avec une méthode pour étudier la profession d’avocat, éd. C.-M. Cramé, Douai, 1736, p. 551.
24 A.D.N. 8B2/761 fol. 196 v°-197 r° (Marie-Elisabeth Régnier, 30 septembre 1688). L’accusée est déclarée « atteinte et convaincue d’avoir estouffé de ses propres mains deux enfans qu’elle avoit mis au monde ». L’arrêt ne précise pas si les enfants ont été tués au même moment ou si l’accusée est une récidiviste.
25 Marie-Yvonne Crépin, « Tous vilains cas sont reniables : l’aveu dans l’ancienne procédure criminelle », dans Études d’Histoire du droit privé en souvenir de Maryse Carlin, éd. La Mémoire du Droit, Paris, 2008, p. 200 : « Il y a, cependant, une particularité concernant l’attitude des femmes : pour des crimes spécifiquement féminins, tels l’infanticide et l’exposition d’enfant, crimes punis en principe de la peine de mort, l’aveu n’est pourtant pas exceptionnel, sans doute parce que ces femmes ont eu des remords de leur acte ».
26 A.D.N. 8B2/761 fol. 82v°-83 r° (Marie Soupé, 8 septembre 1682).
27 A.D.N. 8B2/772 fol. 79 r°-79 v° (Péronne Stoove, 10 avril 1706). La cour infirme la sentence des premiers juges ordonnant la soumission de l’accusée à la question et la condamne à un bannissement de neuf ans (l’étendue du bannissement n’est pas précisée).
28 A.D.N. 8B2/767 fol. 75 r°-75 v° (Jeanne-Thérèse Pots, 23 avril 1694).
29 Cette forme de condamnation à une peine moindre que la peine de mort est rendue possible grâce à un mécanisme procédural appelé réserve de preuves.
30 A.D.N. 8B2/767 fol. 84 r°-84 v° (Jeanne-Thérèse Pots, 18 mai 1694).
31 A.D.N. 8B2/763 fol. 29 v° (Marie Pollet, 28 janvier 1682) ; 8B2/763 fol. 93 v° (Pétronille von Herseches, 9 octobre 1685) ; 8B2/761 fol. 195 r°-195 v° (Marie-Elisabeth Régnier, 6 août 1688) ; 8B2/767 fol. 75 r°-75 v° (Jeanne-Thérèse Pots, 23 avril 1694).
32 A.D.N. 8B2/772 fol. 79 r°-79 v° (Péronne Stoove, 10 avril 1706) : « d’avoir caché sa grossesse ».
33 A.D.N. 8B2/767 fol. 84 r°-84 v° (Jeanne-Thérèse Pots, 18 mai 1694) : « atteinte et convaincue d’avoir fait un enfant clandestinement prèz d’une meule de foin » ; 8B2/772 fol. 79 r°-79 v° (Péronne Stoove, 10 avril 1706) : « d’avoir […] fait son accouchement en secret ».
34 A.D.N. 8B2/767 fol. 248 v°-250 r° (Aldegonde Le Mahieu, 23 mai 1697) : « atteinte et convaincue d’avoir tué de ses propres mains et sans baptesme l’enffant qu’elle avoit mis au monde ».
35 A.D.N. 8B2/772 fol. 208 v°-209 r° (Cornille Steven, 21 février 1713).
36 Denis Ulrich, « La répression en Bourgogne au xviiie siècle », Revue historique de droit français et étranger, éd. Sirey, Paris, 1972, tome 50 (3), p. 402.
37 Yvonne Bongert, « L’infanticide au siècle des Lumières (à propos d’un ouvrage récent) », Revue historique de droit français et étranger, éd. Sirey, Paris, avril-juin 1979, tome 57 (2), p. 255 ; Christine Barberot, L’homicide au xviiie siècle d’après les arrêts du parlement de Paris, thèse de Droit, Paris, 1979, p. 96 ; Sophie Bajou, L’infanticide au xviiie siècle, d’après les arrêts du parlement de Paris (1750-1780), mémoire de DEA en Histoire du Droit, Paris 2, 1987, p 44.
38 Marie-France Brun-Jansen, « Criminalité et répression pénale au siècle des Lumières. L’exemple du Parlement de Grenoble », Revue historique du droit français et étranger, éd. Dalloz, juillet-septembre 1998, tome 76 (3), p. 366-367.
39 Christiane Plessix-Buisset, Le criminel devant ses juges en Bretagne aux 16e et 17e siècles, éd. Maloine, Paris, 1988, p. 256 ; Marie-Yvonne Crépin, « Le jugement de plus ample informé, un moyen de continuer la procédure ? », Procéder : pas d’action, pas de droit ou pas de droit, pas d’action ?, Cahiers de l’Institut d’Anthropologie Juridique n° 13, Presses Universitaires de Limoges, 2006, p. 205-206.
40 Emmanuelle Teixidor Concone, L’homicide dans la jurisprudence du Conseil Souverain de Roussillon, 1660-1790, thèse de Droit, Perpignan, 2004, p. 114-120.
41 Christine Barberot, L’homicide au xviiie siècle d’après les arrêts du parlement de Paris, thèse de Droit, Paris, 1979, p. 96 : « Dans les registres servant à faire les rapports de Messieurs les Médecins et les Chirurgiens du Châtelet concernant les cadavres apportés à la basse-geôle, la distinction est toujours faite entre le cadavre d’un fœtus (jusqu’à 8 mois de conception), et le cadavre d’un enfant né à terme. En l’absence de signes extérieurs de violence ou de non ligature du cordon ombilical, les experts précisent si l’enfant semble né vivant, auquel cas il y a encore présomption d’homicide » ; voir également Didier Riethmuller, L’infanticide en Bretagne au xviiie siècle, thèse de Droit, Rennes, 1983, p. 37-38 et Alexandrine Brugat, Ordre public et sexualité dans le ressort du Conseil Souverain de Roussillon de 1660 à 1789, thèse de Droit, Perpignan, 2000, p. 211-214.
42 Pourtant, au cours du xviiie siècle, la pratique de la cour évoluera conformément à celle du parlement de Paris : délaissant la condamnation à mort sur la base d’une présomption simple, elle réservera la peine de mort aux mères infanticides dont la culpabilité est pleinement prouvée. V. Demars-Sion, « Un procès en “infanticide” à Lille en 1789 : l’affaire Marie-Christine Vermont », art. cit., p. 84-86 : « En résumé, à Paris, au xviiie siècle, la jurisprudence du parlement d’abord puis celle des juges inférieurs restreint de plus en plus l’application de l’édit d’Henri II car elle refuse d’assimiler l’infanticide présumé à l’infanticide prouvé. D’une manière générale, au cours du dernier siècle de l’Ancien Régime, la situation semble s’être inversée : encore puni en début de période “comme un meurtre qualifié”, l’infanticide en arrive à être considéré en fin de période “comme un simple homicide voire même comme un homicide privilégié”. La pratique du Nord confirme cette évolution […]. La position du parlement de Flandre à la fin de l’Ancien Régime est donc très claire : comme à Paris, en cas de recel de grossesse et d’accouchement, la peine de mort est écartée et remplacée par une peine intermédiaire (fouet, marque, bannissement…), la cour réservant le dernier supplice aux seules mères jugées responsables du décès de leur enfant ».
43 M. Porret, op. cit., p. 213 : « La vie du nouveau-né étant considérée comme une valeur sacrée, le droit pénal qualifie donc de crime l’“exposition” des nourrissons que certains juges analysent comme une tentative déguisée d’homicide ».
44 Pierre-François Muyart de Vouglans, Institutes au droit criminel, éd. Le Breton, Paris, 1757, p. 534 : « Mais dans notre usage actuel, l’on distingue deux sortes d’expositions d’enfans ; l’une faite en des lieux écartés par les filles & femmes aussi-tôt après leur délivrance, dans la vûe de faire périr leurs enfans, en les laissant dévorer par les bêtes […] L’autre exposition est celle qui se fait en des lieux fréquentés, dans l’espérance que quelqu’un trouvant ces enfans sur leur chemin, les fera porter aux hôpitaux destinés pour leur servir d’asyle ». Voir A. Brugat, op. cit., p. 53-54.
45 D. Jousse, op. cit., tome IV, p. 23. Les termes employés « font exposer » impliquent la présence d’un complice, souvent nécessaire à la réalisation de ce crime, comme l’illustre à plusieurs reprises la jurisprudence du parlement de Flandre.
46 Cl.-J. Ferrière (de), op. cit., tome I, p. 581 au mot « Exposition ». Sur ce point, Magdeleine Possetti apporte des précisions. M. Possetti, op. cit., p. 32 : « De moins en moins l’exposition est punie, car, à tout prendre, mieux vaut encore cette dernière que l’infanticide. Cette nécessité de prévenir un plus grand mal […] adoucit la rigueur de la répression. À la fin du xviiie siècle, on en arrive à se contenter seulement de fouetter et flétrir ceux qui sont convaincus de ce crime. Des peines sont prévues également par l’usage pour les complices (en l’espèce le plus souvent, les sage femmes) : le carcan avec écriteau marquant la qualité des coupables ».
47 Id., p. 30 : « Cet abandon est en soi moins cruel qu’un meurtre puisque n’est pas exclue la possibilité que des âmes charitables, si elles en ont connaissance, recueillent ces enfants. Mais, le plus souvent, ils périssent avant qu’on ne les trouve, si bien que l’exposition revient à un véritable infanticide, infanticide commis par omission ».
48 D. Jousse, op. cit., tome IV, p. 23-24.
49 Edmond Poullet, Histoire du droit pénal dans le duché de Brabant, Mémoire en réponse à la question suivante : Faire l’histoire du droit pénal dans le duché de Brabant depuis l’avènement de Charles-Quint jusqu’à la réunion de la Belgique à la France, à la fin du xviiie siècle, éd. Hayez, Bruxelles, 1870, p. 447 : « Ce crime était puni d’après les circonstances, et d’après le danger plus ou moins grand qu’avait dû courir la vie de l’enfant exposé. Si l’agent criminel avait exposé l’enfant dans un lieu désert, ou si par l’exposition il avait causé la mort de l’enfant, il pouvait encourir la peine de mort. Dans toutes autres circonstances il encourait les peines de la fustigation et du bannissement ».
50 A.D.N. 8B2/772 fol. 49 r° (Marie-Marguerite Herman, 6 mars 1705).
51 Isabelle Arnal-Corthier, Les infractions contre les personnes et les mœurs devant le Parlement de Toulouse de 1670 à 1789, Quelques aspects de l’activité du Parlement de Toulouse, juridiction d’appel, thèse de Droit, Toulouse, 1999, p. 354 : « Le Parlement se montre, lui, vraiment clément […] on n’hésite pas à renvoyer hors de cour les femmes dont la responsabilité n’est pas bien établie (lorsque c’est le père qui a exposé le nouveau-né). C’est le signe évident qu’il n’y a pas, aux yeux de la Cour Souveraine, de commune mesure entre l’infanticide et l’exposition, celle-ci constituant un pis-aller presque acceptable ».
52 Voir Gwenaëlle Callemein, L’empoisonnement devant la justice criminelle française en application de l’édit sur les empoisonneurs (1682-1789), thèse de Droit, Université Nice Sophia Antipolis, 2015.