Edward w. Said et Albert Camus : un malentendu ?
p. 239-254
Texte intégral
Les analyses que Said a consacrées à Camus dans un des chapitres de Culture and Imperialism1, paru en 1993, peuvent apparaître comme une tentative visant à relativiser l’importance de Camus, en rappelant notamment comment, derrière l’universalisme consacré par l’attribution du prix Nobel, se laisse deviner en fait, pour qui le lit attentivement, une adhésion aux thèses de « l’Algérie française » et. partant, une implication nette dans le débat colonial qui se développe au cours des années 40-50.
1C’est du moins ainsi que beaucoup de critiques ont reçu ces analyses, y voyant en particulier une confirmation de la différence séparant littérature coloniale et littérature postcoloniale, littérature du « Centre » et littérature de la « Périphérie ». Mais, comme on le verra, le point de vue de Said est plus complexe. Ce dernier, en effet, s’efforce tout d’abord de distinguer l’œuvre de Camus des réceptions auxquelles elle a pu donner lieu. De plus, son souci d’en souligner l’inscription dans le contexte politique et idéologique de la colonisation ne le conduit pas pour autant à adopter une démarche réductrice dans la mesure où les textes de Camus, comme ceux de Jane Austen ou de Kipling, ont à ses yeux une indéniable dimension artistique.
2Dès lors, on est en droit de se demander s’il n’y a pas quelque incohérence ou contradiction dans la démarche de Said dans la mesure où celui-ci, après avoir proposé une lecture pour le moins sévère -pour ne pas dire souvent injuste- et démystifiante de Camus, refuse d’en tirer toutes les conséquences. En ce sens, il est possible de parler de malentendu. Mais ce malentendu ne réside pas seulement dans certaines insuffisances de l’argumentation et des notions utilisées pour souligner la prégnance des catégories coloniales chez Camus. Il tient aussi, me semble-t-il, à une frustration née d’une impossible rencontre entre les deux écrivains, qui se trouvent opposés l’un à l’autre et réunis dans une commune opposition à d’autres dont ils se sentent radicalement séparés.
Said et l’Occident : L’orientalisme
3Pour saisir la portée des analyses que Said a consacrées à Camus dans Culture and Imperialism, il convient au préalable de rappeler le point de vue qu’il développe dans L’orientalisme, car les deux ouvrages sont inséparables. Nourri d’une connaissance très étendue, concernant aussi bien la production littéraire de langue anglaise, arabe, française que les écrits des voyageurs et des savants, L’orientalisme propose de montrer comment l’Occident, à partir du XVIIIe siècle, a inventé un Orient dont la fonction principale renvoie aux intérêts politiques et aux préoccupations idéologiques de l’Occident.
4L’ouvrage est organisé en trois parties. Dans un premier temps, Said retrace le « domaine de l’orientalisme » et, après avoir défini les raisons qui ont conduit l’Occident à vouloir connaître l’Orient, souligne le caractère largement imaginaire de cette « géographie » et de cette représentation. Puis, dans un deuxième temps, il analyse le champ de l’orientalisme en tant que discipline scientifique au XIXe siècle. Il souligne les limites de sa validité et insiste sur l’influence exercée par l’orientalisme sur les écrivains et les voyageurs. Enfin, dans un troisième moment, il étudie « l’orientalisme aujourd’hui », en montrant notamment, d’une part, le rôle respectif de l’Angleterre et de la France, puis, après la deuxième guerre mondiale, des Etats-Unis, d’autre part, l’émergence de « l’expert » qui, comme conseiller des gouvernements occidentaux dans leur politique « orientale », tend à se substituer à la figure du « savant » du XIXe siècle.
5Said rappelle à juste titre comment l’orientalisme, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, se constitue en science selon des procédures, des concepts, un découpage du champ disciplinaire, notamment par rapport aux études portant sur l’Antiquité classique. À cet égard, l’orientalisme doit être distingué de ce qui avait prévalu jusqu’alors et qui relevait de la mode, de la curiosité ou de l’Orient philosophique tel qu’on le trouve chez Montesquieu ou Voltaire. L’orientalisme commence ainsi à partir du moment où on cesse de considérer l’Orient comme un prétexte pour jeter un regard critique sur la société occidentale et où se trouve affirmée une volonté de connaître l’Orient pour lui-même. Ce tournant est constitué par le développement rapide des études portant sur les langues de l’Inde et de sa région : traduction de l’Avesta en zend (1759) puis des Upanishads (1786) par Anquetil-Duperron ; travaux de Silvestre de Saci sur les inscriptions pehlevi (1793), création à Calcutta par William Jones de la Royal Asiatic Society of Bengal (1785) qui éditera les Asiatic Researches ; traduction en allemand puis en français par Charles Wilkins de la Bhagavad Gîta (1785) ; traduction par William Jones de Sacountala (1789) et des Lois de Manou (1794) ; publication par Friedrich Schlegel de Uber die Sprache und Weisheit der Inder (Sur la langue et la philosophie des Indiens) en 1808 ; création des premières chaires de sanscrit, à Paris (1814), puis Berlin (1818) ; publication par Franz Bopp de Du système de conjugaison de la langue sanscrite, comparé avec celui des langues grecque, latine, persane et germanique (1816) et de la Grammaire comparée (1832), traduite en français en 1866.
6Parallèlement, dans une autre région du monde, l’expédition d’Egypte, conduite par Bonaparte, de 1798 à 1801, est l’occasion de réactiver les connaissances sur une partie du monde arabe2 et de fonder les bases d’une nouvelle discipline dans les études portant sur l’Antiquité : l’égyptologie. On sait que Bonaparte avait soigneusement préparé la partie scientifique de son entreprise en emmenant avec lui une véritable armée de savants, organisée de façon très méthodique, dans le cadre d’un Institut, et dont la fonction était de réaliser un inventaire complet de tous les aspects de la réalité observée. Cet travail de collecte donna lieu à la publication de la monumentale Description de l’Egypte, publiée en trente-trois volumes entre 1803 et 1828, et dans laquelle on peut voir, comme le dit Said, une « grande appropriation collective d’un pays par un autre »3.
7Pour Said, l’orientalisme doit d’abord être envisagé en terme de positions dans la mesure où, quelle que soit sa variété, il demeure en définitive pour l’Occident « une manière de s’arranger avec l’Orient fondée sur la place particulière que celui-ci tient dans l’expérience de l’Europe occidentale »4. Certes, on peut distinguer un orientalisme « universitaire » et un « orientalisme de l’imaginaire », présent notamment dans la littérature, mais tous deux ont en commun de postuler une opposition ontologique et épistémologique entre Occident et Orient, qui renvoie à un projet ou une pratique de domination. En ce sens, « l’orientalisme est un style occidental de domination, de restructuration et d’autorité sur l’Orient »5. Cependant, ce serait une erreur que de ramener l’orientalisme à une idéologie, c’est à dire à une formation qui aurait pour principale fonction de justifier une situation de domination déjà existante. Pour Said, l’orientalisme a quelque chose de vital pour l’Occident dans la mesure où il contribue au renforcement de son identité et de l’image qu’il a de lui-même : « La culture européenne s’est renforcée et a précisé son identité en se démarquant d’un Orient qu’elle prenait comme une forme d’elle-même inférieure et refoulée »6.
8Cette difficulté – ou impossibilité – à appréhender l’Orient pour lui-même explique les trois caractères essentiels qui, selon Said, marquent l’orientalisme. L’orientalisme, tout d’abord, notamment dans sa forme savante, tend à réduire l’Orient à une réalité textuelle, sans rapport avec l’Orient actuel. Celui-ci devient un corpus qui vient, de façon en quelque sorte intemporelle et déréalisée, s’agréger au corpus des textes classiques de la tradition occidentale. C’est ce que montre bien l’analyse consacrée à l’expédition d’Egypte et à la publication de la Description de l’Egypte7. Dans ce cadre, l’action politique de l’Occident vise en particulier à restaurer l’Orient dans son ancienne grandeur, mais en faisant de l’Occident la seule instance qui puisse légitimement réaliser cet objectif. A quoi s’ajoute, le fait que le texte écrit, en raison de son ancienneté, se trouve doté de plus d’autorité que le présent que vit l’Oriental. Parallèlement, l’orientalisme tend à évacuer l’Oriental comme sujet susceptible de produire du savoir sur l’Orient. Enfin, parce qu’il se développe dans un espace dominé, directement ou indirectement, par l’Occident, l’orientalisme, y compris dans sa forme savante, peut être considéré en définitive comme « une doctrine politique imposée à l’Orient parce que celui-ci était plus faible que l’Occident, qui supprimait la différence de l’Orient en la fondant dans sa faiblesse »8.
9Sans aucun doute, Said a eu le mérite de montrer, en s’appuyant sur une documentation très importante, en quoi l’orientalisme, savant ou littéraire, était demeuré subordonné au projet occidental de domination de l’Orient. Néanmoins, ce livre brillant et érudit n’emporte pas toujours l’adhésion. Said, tout d’abord, en partant du principe selon lequel il existerait une nécessaire subordination des textes aux objectifs politiques des pays auxquels appartiennent les auteurs qu’il examine, laisse de côté la question essentielle de l’éventuelle validité scientifique des énoncés de l’orientalisme. En particulier, il néglige la prise en compte des instances occidentales de consécration scientifique. S’il l’avait fait, il aurait vu que la communauté scientifique n’a jamais admis parmi les siens des auteurs comme Gobineau ou Gustave Le Bon, sans parler de tous les auteurs de fictions ou de récits de voyage, célèbres ou pas, dont les ouvrages n’ont aucun intérêt sur le plan de la connaissance des faits sociaux. Said, d’ailleurs, a perçu ce problème comme on le voit dans le discours qu’il tient sur Raymond Schwab9 : il n’a pas voulu, comme ce dernier, « écrire une histoire-récit encyclopédique de l’orientalisme » occidental, car « le modèle narratif ne convenait pas à mes intentions descriptives et politiques »10. Une telle perspective aurait impliqué, en effet, que la démarche tente de considérer l’orientalisme, au moins à titre d’hypothèse, comme une science dont on pouvait -peut-être- retracer l’histoire, quitte à la disqualifier en tant que science au terme du parcours. Et, du coup, L’orientalisme aurait probablement été difficile à écrire :
Comme je n’avais pas l’intention de faire de mon travail la chronique des études orientales dans l’Occident moderne, je me suis proposé de rendre compte de la naissance, du développement de l’orientalisme et de ses institutions telles qu’elles se sont formées sur un arrière-plan d’histoire intellectuelle, culturelle et politique, jusque vers 1870 ou 188011.
10En procédant ainsi, Said souligne avec raison quelques errements célèbres, comme, par exemple, les considérations hasardeuses de Renan établissant, dans Histoire générale et système comparé des langues sémitiques (1855), une hiérarchie entre les langues indo-européennes et les langues sémitiques.12 Mais il oublie de rappeler que ce type d’analyse est loin d’avoir fait l’unanimité, car nombreux ont été, au moins depuis Franz Bopp, les linguistes qui ont mis en garde contre la tentation d’établir une équivalence entre langue, civilisation et race13.
11Le problème auquel s’est trouvé en définitive confronté Said et qu’il élude, faute de prendre en compte l’histoire des méthodes et des procédures, est la question de l’autonomie et de la validité de l’énoncé scientifique : un pays qui pratique en Orient une politique de domination et d’hégémonie peut-il produire de la science à propos de l’Orient ? Les savants entendent-ils subordonner d’emblée leur activité à l’ordre politique ? Recherchent-il en priorité auprès de celui-ci leur consécration comme savants ? Sont-ils responsables de l’usage réducteur qui peut être fait de leurs travaux par les responsables mettant en œuvre une politique de domination ?
12Mais le problème se pose tout autant à propos des écrivains. Said, à juste titre, a insisté sur la nécessité de tenir compte du contexte dans lequel ceux-ci ont produit leurs œuvres et il a montré, dans ses analyses consacrées entre autres à Jane Austen, Balzac, Nerval, Flaubert, Kipling, Conrad, comment l’expérience historique et politique de leurs pays respectifs, dans leur volonté de dominer l’Asie ou l’Afrique, pouvait constituer un matériau pour leur imaginaire. Cette expérience a ainsi élargi le champ du possible narratif, thématique, esthétique de nombre d’écrivains, que ce soit au XIXe ou au XXe siècle. D’où la nécessité de les lire en fonction de cet horizon mouvant et violent qui leur était offert, au lieu de les cantonner dans un espace strictement européen, confondu trop souvent avec celui de la « pure » littérature. Là encore, cependant, continue de se poser la question de l’autonomie du littéraire. En effet, quelle que soit la prégnance qu’exercent dans toute leur crudité les « réalités » impériales sur la pratique des écrivains, on est en droit de se demander si le texte littéraire est toujours réductible à un discours dans lequel on pourrait clairement repérer une position favorable à la politique de domination menée par les États occidentaux. Que cette position soit souvent affirmée, il n’est pas question de le nier et l’explicite de bien des textes est souvent accablant. Mais ce qui complique l’analyse, c’est que le matériau fourni par le processus de domination européenne interfère non moins souvent avec une autre logique qui est celle de l’exotisme et qui implique, dans son principe le plus général, une volonté de sortir des cadres de la tradition culturelle et littéraire occidentale. De la sorte, le texte qui utilise comme matériau des réalités impériales tend à être travaillé par une tension entre ce mouvement de rupture par rapport à la tradition occidentale et un mouvement vers un ailleurs, supposé plus authentique, plus chargé de valeurs. Mais, quand cet ailleurs se révèle être, au moment même où on y aborde, un espace déjà détruit par la colonisation, l’esclavage, la ruine de l’économie nationale, il n’est pas certain que la littérature entende désormais se mettre au service de l’impérialisme et célébrer des valeurs que l’on souhaitait abandonner. Son exercice peut viser d’autres buts et revêtir une autre signification.
Procès à Camus ?
13Culture and Imperialism est construit sur une démarche en trois étapes. Dans une premier chapitre, intitulé « Overlapping Territories, Intertwined Histories » (« Territoires imbriqués, histoires jumelles »), Said décrit la constitution de l’espace impérial, en montrant notamment l’ambivalence de certaines images forgées pour le traduire, par exemple l’opposition du pur et de l’impur, étudiée en particulier à partir du cas de Heart of Darkness (1899) de Conrad. Dans un deuxième chapitre intitulé « Consolidated Vision », il s’attache à montrer le lien existant entre écriture romanesque et espace social dominé. C’est dans ce cadre qu’il étudie en particulier les romans de Jane Austen et qu’il analyse l’opéra de Verdi, Aida, créé au Caire en 1871, montrant à cette occasion un exemple très significatif de la façon dont l’impérialisme peut se mettre en scène. Enfin, un troisième chapitre, intitulé « Résistance and Opposition », présente un certain nombre d’analyses sur les réactions développées par les colonisés. Un effort particulier est déployé pour cerner des notions comme celles de « nationalisme », « identité », « collaboration », « aliénation », etc. Ce dernier chapitre est également l’occasion de revenir sur les catégories d’ » imbrication » des territoires et des histoires, et d’esquisser une description des relations entre littératures du « Sud » et littératures du « Nord ».
14À propos de Camus, Said part de ce qui lui paraît être une contradiction ou une erreur de lecture. Camus a acquis, dès son vivant, comme le montre l’attribution du prix Nobel en 1957, le statut d’écrivain universel dont l’œuvre délivre un message humaniste : « Camus is the one author of French Algeria who can with justification be considered of world status.14 » Or, cette œuvre doit d’abord être lue en fonction du contexte socio-politique dans lequel elle a été produite et du groupe social précis auquel appartenait Camus, les Européens d’Algérie :
Camus is particularly important in the ugly colonial turbulence of France’s twentieth-century decolonizing travail. He is a very late imperial figure who not only survived the heyday of empire, but survives today as ‘universalist’ writer with roots in a now forgotten colonialism15.
15Comme individu, Camus a toujours soutenu le combat mené par les « pieds noirs » contre les Algériens luttant pour leur indépendance. Ses positions sont celles de François Mitterrand, affirmant dans Présence française et abandon : « Sans Afrique, il n’y aura pas d’histoire de France au XXIe siècle »16. Le discours qu’il tient dans les dernières années de sa vie ne présente qu’une particularité par rapport à ce qu’il n’a cessé d’affirmer depuis le début de sa carrière littéraire : « Now his words resonate depressingly with the accents of official Anglo-French-Suez rhetoric »17. Pour Said, toutes les positions de Camus expriment ainsi le point de vue des Européens, partisans du maintien de l’Algérie sous la domination française.
16Comme écrivain, auteur de fictions, Camus d’ailleurs ne dit pas autre chose : « We must consider Camus’s works as a metropololitan transfiguration of the colonial dilemma : they represent the colon writing for a French audience whose personal history is tied irrevocably to this Southern department of France »18. Said illustre son point de vue en s’appuyant plus spécialement sur L’Étranger, La Peste et la nouvelle « La femme adultère » du recueil L’Exil et le royaume. Ainsi, à propos des deux premiers romans, il insiste sur le fait que Camus ne peut – ou ne veut – donner un nom aux « Arabes » qu’il met en scène : qu’il s’agisse de celui dont Meursault est le meurtrier ou de ceux qui, nombreux, sont frappés par l’épidémie de peste à Oran, tous demeurent enfermés dans l’anonymat. Certes, Camus est conscient de la coupure violente qui existe entre le monde arabe et le monde européen et il a imaginé certains personnages européens tentant de franchir cette ligne. C’est le cas, par exemple, de Janine, dans les dernières pages de « La femme adultère », lorsqu’elle quitte la chambre d’hôtel de cette petite ville du Sud algérien où elle dort avec son mari, et gagne la terrasse, située aux confins de la ville. Là, elle vit l’expérience d’une fusion au sein du paysage nocturne et désertique :
The climax of the story, note alors Said, is a remarkable, almost pantheistic communion she has with the sky and the desert. Clearly, I think, Camus’s intention is to present the relationship between woman and geography in sexual terms, as an alternative to her nearly dead relationship with her husband ; hence the adultery referred to in the story’s title19.
17Mais cette « communion panthéiste » traduit tout autant l’échec d’une relation véritable avec le peuple au milieu duquel l’héroïne vit depuis tant d’années. De même, la lecture de la nouvelle « Le renégat [ou un esprit confus] » conduit Said à formuler un commentaire comparable. Le héros de cette nouvelle est un missionnaire capturé par des guerriers d’une tribu du Sud. Ceux-ci l’ont traité cruellement en lui arrachant la langue, mais le prisonnier, loin d’en vouloir à ses tortionnaires, adhère à l’hostilité qu’ils portent au monde européen et leur apporte son soutien lors d’une embuscade qu’ils tendent à des troupes européennes qui les recherchent. Said, là encore, montre les limites de l’attitude de ce « renégat » qui a tenté de franchir la ligne :
This is as if to say that going native can only be the result of mutilation, which produces a diseased, ultimately unacceptable loss of identity20.
18Et Said, s’il avait tenu compte du titre complet de la nouvelle, aurait pu ajouter : une perte de la conscience.
19Le mérite de Said a été de montrer en quoi le rapport à l’Algérie coloniale peut constituer une voie d’accès à l’œuvre de Camus et comment le conflit entre les deux sociétés est à la fois explicitement formulé et dissimulé. Mais, outre le caractère quelque peu décousu de l’exposé de Said, son argumentation est loin d’être toujours convaincante.
20Celle-ci présente tout abord un certain nombre de faiblesses sur le plan factuel. Préoccupé de faire avant tout de Camus un écrivain exprimant les vues des partisans de l’Algérie française, Said passe sous silence les huit articles publiés dans Combat lors du voyage effectué par Camus au lendemain des événements du 8 mai 1945 et dans lesquels ce dernier expose, sans aucune complaisance, et les causes économiques et politiques du soulèvement et la violence et l’ampleur de la répression. Cette occultation est d’autant plus curieuse que ces événements sont mentionnés et que Camus est présenté comme ne les ayant pas vus !21 De même, Said oublie de rappeler que Camus s’est élevé contre l’emploi de la torture, notamment à Madagascar, dans un article de 1947, rappelant à cette occasion que cette pratique était le fait de gouvernements issus de la Résistance au nazisme22 et qu’il est intervenu à plusieurs reprises pour la grâce de condamnés à mort algériens. C’est pourquoi, le rapprochement avec François Mitterrand, responsable, en tant que ministre de l’Intérieur et garde des Sceaux, ministre de la Justice, de plus d’un très grand nombre d’exécutions est absolument irrecevable.
21Ce que Said, en définitive, oublie de rappeler c’est que Camus a été un écrivain anticolonialiste23. Bien sûr, il lui est difficile d’éluder Misère de la Kabylie24 mais il se contente d’y faire allusion, lorsque, opposant les fictions et les essais, il parle des réalités algériennes que Camus dissimulait dans ses fictions et que dans « the various pièces in the Chroniques algériennes he was at pains to explain »25. La lecture de Misère de la Kabylie, un texte qui porte une attention minutieuse aux aspects économiques, démographiques, politiques, rend difficile l’opposition que Said cherche à établir avec le livre de Bourdieu, Sociologie de l’Algérie, paru en 1958.
22Par ailleurs, le mode de lecture des textes utilisé par Said manque de rigueur. En particulier, il isole des énoncés dont il retient le caractère explicite et dans lesquels il pense repérer une signification idéologique claire. Mais, en procédant de la sorte, il laisse de côté la question de la structure des œuvres. Ainsi, il ne s’interroge pas beaucoup sur la façon dont est organisée « La femme adultère » et sur le sens possible de la traversée des différents espaces par l’héroïne. Ni, non plus, sur le lien que l’on peut établir entre L’exil et le royaume et Actuelles III, chroniques algériennes, 1939-1958 : que signifiait ce retour et ce recours à l’Algérie ? De même, à propos de L’étranger, il était possible d’aller au-delà de la question – sans aucun doute significative – de l’anonymat de la victime de Meursault : l’écrivain n’a pas donné de nom à celle-ci mais il a voulu que son meurtrier soit condamné à mort. Là encore, Said est quelque peu gêné par ce choix romanesque et il tente de s’en sortir en soulignant le caractère invraisemblable de l’épisode de la comparution de Meursault devant la cour d’assises et de sa condamnation :
Falsely constituted law court. [...] A most unlikely place to try a Frenchman for killing an Arab26.
23Mais, plutôt que de s’étonner, il aurait été peut-être plus intéressant de rappeler à quel point, y compris dans son combat abolitionniste, le motif de la peine de mort et de la guillotine est quelque chose de central dans l’œuvre de Camus.
24Sans doute, aucune œuvre de Camus ne parvient à faire de l’Autre un héros et le sujet d’une parole. Mais, justement, c’est cette impossibilité qui fut aussi largement présente chez Faulkner – un écrivain dont Camus se sentait proche – qui pose problème. S’explique-t-elle parce que Camus fut totalement déterminé par le groupe social auquel il « appartenait »– terme bien ambigu – et dont il ne pouvait qu’exprimer, de façon plus ou moins explicite, les positions idéologiques ? Ou s’explique-t-elle parce que l’espace qui sert de cadre à ses fictions et essais « algériens » est un espace qui n’a pu devenir un pays, un état de droit ? Si tel est le cas, alors on peut admettre que la colonisation, dans son injustice foncière, est au cœur de l’œuvre de Camus dont le projet semble bien être en définitive de représenter cette impossibilité de dépasser le stade du clan pour construire une société. C’est ce que montre en particulier le dernier texte écrit par Camus, Le Premier homme27, et qu’il n’eut pas le temps de terminer. On est donc passablement loin du projet formulé par Said, lorsqu’il proclamait la nécessité de « questionner » et « déconstruire28 » le cadre géographique de L’Étranger, de La Peste, de L’Exil et le royaume.
25Enfin, l’analyse proposée par Said présente un certain nombre de limites dans sa façon de se référer au contexte socio-politique de l’œuvre de Camus et, plus spécialement, à la colonisation. À juste titre, Said rappelle, en se fondant, à la suite de Mostefa Lacheraf29, sur des témoignages d’officiers qui en ont été les acteurs ou de témoins comme Tocqueville, le caractère extrêmement violent de la conquête de l’Algérie et la volonté de « détruire » celle-ci pour pouvoir l’occuper :
The core of French military policy as Bugeaud and his officers articulated it was the razzia, or punitive raid on Algerians’villages, their homes, harvests, women and children30.
26Mais il n’en tire pas toutes les conséquences quant à la forme que devait y prendre la colonisation. En particulier, il n’insiste guère ni sur la destruction de la paysannerie, qui avait tant frappé Camus en 1939, dans Misère de la Kabylie, ni sur le système politique colonial fondé sur un système de clans et marqué, de 1830 à 1962, par une incapacité à construire un État.
« Nous autres Américains » ou les plaisirs de la République des Lettres
27L’analyse que Said consacre à Camus se situe dans le prolongement direct de ce qu’il a pu écrire sur J. Austen, Flaubert, Conrad, Kipling. Entre 1850 et 1960, les écrivains européens ont vécu dans un contexte profondément marqué par la colonisation et l’impérialisme31. L’intérêt de la réflexion menée par Said a été de montrer l’incidence profonde de cette expérience historique, non seulement sur les écrivains qui entendaient se référer explicitement à l’espace colonial, mais aussi sur ceux qui pensaient pouvoir se situer en dehors ou au dessus des préoccupations propres à l’entreprise coloniale. Ce qu’il dit de Camus vise ainsi à replacer ce dernier dans un contexte particulièrement violent, que bien des lecteurs se refusaient à voir mais auquel lui-même était particulièrement sensible.
28Mais Said écrit dans une tout autre époque que Camus ou, a fortiori, Kipling. Orientalism paraît en 1978, The World, the Text, and the Critic en 1984 et Culture and Imperialism en 1993. Ces livres ont été écrits dans un contexte mondial d’où la colonisation, sous la forme qu’elle avait eue jusqu’aux années 50, a disparu mais qui demeure marqué profondément par les disparités entre le « Nord » et le « Sud ». De plus, le centre de gravité du monde n’est plus depuis longtemps en Europe, comme on pouvait encore le penser à l’apogée de l’ère victorienne : la deuxième guerre mondiale a consacré le leadership des États-Unis d’Amérique, ce pays qui a toujours refusé d’avoir des colonies...
29Au plan personnel, comme le révèle son autobiographie, Out of Place32, parue en 1999, Said qui est né en 1935 à Jérusalem a vécu ses années d’enfance et de jeunesse au Caire, se rendant régulièrement au Liban tous les étés pour y passer les vacances avec ses parents. La chute de la Palestine, en 1947, peut apparaître comme une première manifestation dans sa vie du principe de réalité politique : une partie du monde d’où il vient lui est désormais fermé. Le deuxième événement sera l’installation en 1952 du régime nassérien qui vient lui aussi restreindre l’espace du narrateur : « We were all infected with the spirit and rhetoric of what Gamal Abdel Nasser said he was doing for his people33 ». Néanmoins, ce qui frappe tout au long de Out of Place, c’est la façon dont le narrateur souligne combien, en dépit de la pression des événements34 et du caractère colonial de la société dont il fait parfois l’expérience, à l’école notamment, il vit dans un monde qui semble largement échapper aux déterminations de la géographie et de l’histoire.
30À cet égard, Said, tout au long de son autobiographie, insiste sur trois aspects essentiels. Il montre d’abord à son lecteur la dimension cosmopolite de son expérience d’individu, vivant entre l’Egypte et le Moyen Orient : mélange des familles, des lieux de résidence, des langues, des religions, des colonisateurs. Comme il le note dans les dernières lignes de l’ouvrage, cette intrication généralisée peut conduire au scepticisme, voire au sentiment inconfortable d’être toujours quelque peu « out of place », mais elle a la vertu de prémunir contre toute logique identitaire. Ce cosmopolitisme se trouve d’autre part renforcé par le rôle joué par le père. Celui-ci, en effet, né en 1895, également à Jérusalem, avait effectué un premier séjour aux États-Unis, avant la première guerre mondiale au cours de laquelle il s’engagea dans les troupes américaines et combattit en France. Il devait séjourner de nouveau aux États-Unis après la guerre. Il devait garder tout au long de sa vie une grande admiration pour ce pays où il estimait qu’il avait appris ce qui lui avait permis de créer au Caire la grande entreprise de matériel de bureau. Standard Stationery. Ce qui le conduisait d’ailleurs à affirmer fréquemment qu’il se sentait pleinement américain et à vouloir que ses enfants le soient aussi.
31Enfin, la mère, de son côté, contribue largement à cette internationalisation de l’horizon du narrateur. C’est à elle qu’il doit les premiers éléments de sa culture musicale et on lira à cette occasion les développements dans lesquels le narrateur évoque le début de sa fréquentation de l’opéra du Caire et la lecture de l’ouvrage qui ne le quitte jamais : le Complete Opera Book de Kobbé35. Aussi bien que de sa culture littéraire et, là encore, pour ne retenir qu’un seul exemple, on se reportera au long passage sur la découverte de Hamlet36.
32Sous l’effet de ces influences, se met ainsi en place dans l’esprit du narrateur une opposition entre deux types de réalité : la réalité politique et sociale dont il a l’expérience, perceptible par exemple dans la façon dont les gens se trouvent classés en fonction de leur nom ou de leur pratique de l’anglais et la réalités musicale et littéraire qui semble accessible à tous et être une source de joie profonde. La musique occupant à cet égard une place privilégiée, parce qu’étant au-delà du sens :
I remember how with considerable impatience I once dismissed a cousin’s amateurish speculation that the Fifth’s motto was ‘Fate’s knocking at the door’. What I discerned in the piece, thanks to Furtwängler, was something I believed instinctively to be without any such concept. « Music is music »37.
33Cette opposition explique sans doute le sens que devait revêtir chez Said l’expérience américaine, à travers le premier voyage effectué avec ses parents en 1948, puis ses séjours comme étudiant, à Mount Hermon School de 1951 à 1953, à Princeton de 1953 à 1957, enfin à Harvard de 1958 à 1963. L’Amérique était le pays où le narrateur retrouverait peut-être ce qui avait disparu de l’Egypte ou du Moyen Orient, ce monde de haute culture dont lui parlait Malik quand il lui disait :
During the summer of 1930-something [...], I used to sit by the banks of the Nile and I read through all of Hardy and Meredith. But I also read Aristotle’s Metaphysics and Aquina’s Summ38.
34Mais, pendant longtemps, la réalité devait se révéler sensiblement différente : l’Amérique des campus, c’était le pays des classes moyennes, à l’horizon borné, incapables d’imaginer qu’il y eût d’autres mondes, d’autres langues, d’autres cultures et que l’on pût connaître l’expérience d’être « out of place ». Said insiste sur l’impression d’étouffement qu’il éprouva au sein de ces milieux conformistes, épris de respectabilité sociale et persuadés, en ce climat de Guerre froide, que l’Amérique était le champion du Bien. Il souligne la tendance à une appréhension toujours aseptisée de la réalité politique :
In fact there was no left presence of any sort at Princeton. Marx was barely read or assigned, and for most of us Gordon Craig’s big final lecture on Hitler [...] in History I was the closest we came to contemporary history39.
35Mais ce monde se révèle au fil des années moins homogène pour le narrateur. Des rencontres avec des gens – américains ou pas – qui vont jouer un rôle de passeurs, des lectures aussi, élargissent peu à peu l’horizon, le rendent plus complexe, donc plus passionnant. Tout un travail s’opère alors dans deux directions apparemment opposées. D’un côté, le narrateur découvre tout ce qui peut le séparer, notamment en tant qu’Américain originaire de la Palestine, du pays dans lequel il vit et de la condamnation qu’on est en droit de porter sur la politique menée par les États-Unis au Moyen Orient ; de l’autre, il découvre tout ce qui peut le séparer de certains de ceux avec lesquels il partage une origine commune :
It was in those Washington discussions that the inherent irreconcilability between intellectual belief and passionate loyalty to tribe, sect, and country first opened in me. and have remained open40.
36Les États-Unis ont été ainsi pour Said le lieu de la confrontation à une double exigence : celle de la solidarité sociale, politique, et celle de la recherche. Peut-être est-ce le paradoxe de ce pays que de les offrir constamment à un tel degré d’intensité. C’est pourquoi, le discours que tient Said à son égard oscille entre l’amour et la critique, sinon la haine. Mais le propos qui est le sien va bien au-delà dans la mesure où il a le courage d’affirmer que l’exigence intellectuelle doit l’emporter sur l’exigence politique parce que cette dernière, par elle-même, ne constitue pas nécessairement une raison. C’est le point de vue qu’il développe en particulier – et on n’a pas manqué de le lui reprocher – dans Des intellectuels et du pouvoir41, paru en 1994.
37En outre, comme il l’explique dans l’« Introduction » de Culture and Imperialism, l’espace social américain offre un autre paradoxe : en dépit de son extraordinaire diversité, les États-Unis forment à l’évidence une nation cohérente42. Et, en même temps, une ville comme New York, où l’essentiel du livre a été écrit, est « the exilic city par excellence ; it also contains within itself the Manichean structure of the colonial city described by Fanon »43. Mais, à la différence de la partition propre à l’espace colonial, la partition décrite ici correspond à un processus qui ne cesse de changer, parce que de nouveaux groupes apparaissent et que les anciens doivent changer pour survivre. Parlant de sa propre expérience, Said se définit comme un « Arab with a Western education » et ajoute aussitôt :
During my lifetime, however, the parts of the Arab world that I was most attached to either have been changed utterly by civil upheavals and war, or have simply ceased to exist. And for long periods of time I have been an outsider in the United States, particularly when it went to war against, and was deeply opposed to, the (far from perfect) cultures and societies of the Arab World44.
38Ces réflexions expliquent en particulier la méfiance que manifeste Said à l’égard des notions d’identité et de tradition. À celles-ci, il oppose plutôt celles de texte et de lecture. Bien sûr, comme nous l’avons vu à propos de l’orientalisme et de Camus, il affirme la nécessité de replacer les œuvres – littéraires ou scientifiques – dans le contexte au sein duquel elles ont été produites. À cet égard, il a insisté sur l’incidence qu’avait eue l’expérience de la colonisation sur les écrivains européens. Mais ce mouvement de contextualisation tend aussi à s’accompagner d’un mouvement de simple lecture de ces mêmes œuvres. Tout se passant alors comme si le comparatiste qu’est Said voulait faire coexister, dans l’espace intemporel de la « République des Lettres », ces textes venus d’époques et d’horizons les plus divers. C’est en cela que Said rappelle Barthes : il hésite entre l’impératif (universitaire) de la contextualisation et le plaisir du rapprochement entre les textes ou des œuvres musicales. De ce point de vue, on peut penser que l’ouvrage de Kobbé sur l’opéra est une sorte de modèle ou d’opérateur de la démarche critique de Said.
39Bien sûr, une telle démarche n’est pas totalement innocente et, s’il fallait dessiner les grandes lignes de la bibliothèque imaginaire de Said. on pourrait noter deux grandes caractéristiques : d’une part, la littérature anglaise est incomparablement mieux représentée que la littérature américaine ; d’autre part, si la littérature française du XIXe et du XXe siècle est bien représentée, on constate une mise à l’écart de Camus. Une interprétation peut être suggérée de ce double caractère. Valoriser la littérature anglaise, y compris en montrant que Conrad ou Kipling ne peuvent se réduire au statut d’écrivains « impériaux », est sans aucun doute une façon de montrer qu’un lecteur venu de la « périphérie » est capable, plus qu’un Américain, de s’approprier le patrimoine littéraire du « centre ». Quant à la place faite à Camus, elle correspond sans doute au refus d’admettre qu’un écrivain, issu de la population européenne de l’Algérie coloniale, ait pu échapper à ses déterminations sociales et produire une œuvre « universelle ». Mais la place de Camus dans la bibliothèque saïdienne tient peut-être aussi à la relation entre écrivain de langue anglaise et écrivain de langue française. « Mais ceci est une autre histoire ».
Notes de bas de page
1 Said traite de Camus dans la septième partie du chapitre III de l’ouvrage, intitulée « Camus and the French Imperial Experience », p. 204-224. De larges extraits de ce développement ont été traduits en français dans l’article « Un homme moral dans un monde immoral : Albert Camus ou l’inconscient colonial », in Le Monde Diplomatique, n° 560, novembre 2000, p. 8-9, à l’occasion de la publication en France de Culture et impérialisme, Paris, Fayard/Le Monde Diplomatique, 2000, 576 p.
2 A la différence des mondes indiens (ainsi que des mondes japonais et chinois), la connaissance de la langue arabe est ancienne en Europe et l’on ne peut donc à cet égard parler de « langue perdue », comme on le fera pour le sanscrit, par exemple.
3 Said, E.-W., L’orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, traduit de l’américain par Catherine Malamoud, préface de Tzvetan Todorov, postface de l’auteur traduite par Claude Wauthier, Paris, Seuil. 1997, p. 102.
4 Id., Ibid., p. 13.
5 Id., Ibid., p. 15.
6 Id., Ibid., p. 16.
7 Voir en particulier le développement sur cet épisode, p. 98-106. Sur le projet de Bonaparte, voir également, Amselle, J.-L., Vers un multiculturalisme français. L’empire de la coutume, chap. Il, « Aux sources du multiculturalisme français : l’expédition d’Egypte », Paris, Aubier, 1996, p. 55-84. L’auteur montre comment cet épisode repose sur « trois logiques contradictoires quoique étroitement dépendantes » que l’on retrouvera tout au long de l’histoire coloniale française : « celle de la régénération, celle du droit naturel, celle enfin des classifications raciologiques et linguistiques » (p. 55).
8 Said, E.-W., L’orientalisme, op. cit., p. 234.
9 Schwab, R.. La Renaissance orientale, Paris, Payot, 1950. Cet ouvrage est à la fois une histoire de l’orientalisme occidental et une histoire de l’influence jouée par cette connaissance de l’Orient sur la pensée romantique.
10 Said, E.-W., L’orientalisme, op. cit., p. 29.
11 Id„ Ibid., p. 231. En fait, Said a du mal écarter le livre de Schwab et il y revient de façon nuancée dans The World, the Text, and the Critic, en lui consacrant tout un chapitre, intitulé « Raymond Schwab and the Romance of Ideas ». Cf. Said. E.-W., The World, the Text, and the Critic [1984], London, Vintage, 1991, p. 248-247. Il aborde encore l’œuvre de Schwab, dans Culture and Imperialism, op. cit., p. 23.
12 Cf. le développement consacré à Renan, in L’orientalisme, op. cit., p. 153-175.
13 Sur la position de Renan concernant les langues indo-européennes, cf. Olender, M., Les Langues du Paradis, Paris, Seuil, 1989. Le chapitre sur Renan, « Entre le sublime et l’odieux », p. 75-126.
14 Camus, A., Culture and Imperialism, op. cit., p. 207-208.
15 Id., Ibid., p. 208.
16 Id., Ibid., p. 216.
17 Id., Ibid., p. 216.
18 Id., Ibid., p. 223.
19 Id., Ibid., p. 213.
20 Id., Ibid., p. 215.
21 Id., Ibid., p. 215.
22 Camus, A., « La contagion », in Combat, 10 mai 1947, repris dans Essais, Actuelles I, Chroniques 1944-1948 [1950], introduction par Roger Quilliot, édition établie et annotée par Roger Quilliot et Louis Faucon, 1965, p. 321-323.
23 Sur l’anticolonialisme de Camus voir Mouralis, B., République et colonies. Entre histoire et mémoire : la République française et l’Afrique, « L’Algérie de Camus ou la nostalgie de l’espace républicain », Paris, Présence Africaine, 1999, p. 89-157.
24 Il s’agit d’une série d’articles parus dans Alger Républicain, du 5 au 15 juin 1939, repris dans Actuelles III, Chroniques algériennes, 1939-1958 [1958]. Voir Camus, A., Essais, op. cit.
25 Said, E.-W., Culture and Imperialism, op. cit., p. 213.
26 Id., Ibid., p. 223.
27 Camus, A., Le premier homme, précédé d’une note liminaire de Catherine Camus, Paris, Gallimard, coll. Cahiers Albert Camus, n° 7, 1994, 334 p. Pour une lecture dans cette perspective du Premier homme, voir Mouralis, B., République et colonies, op. cit. Il est curieux qu’à l’occasion de la traduction française de Culture and Imperialism, Culture et impérialisme, Paris, Fayard/Le Monde Diplomatique, 2000, l’éditeur n’ait pas demandé à l’auteur de tenir compte, au moins dans une note liminaire, de ce dernier texte de Camus, fondamental par rapport à la question du rapport de l’écrivain à la colonisation.
28 Said, E.-W., Culture and Imperialism, op. cit., p. 211.
29 Cf. Lacheraf, M., L’Algérie, nation et société [1965], Alger. SNED, 1978.
30 Said, E.-W., Culture and Imperialism, op. cit., p. 220.
31 Deux termes que Said tend à employer indifféremment et qui, à mon avis, ne renvoient pas au même projet politique.
32 Said, E.-W., Out of Place. A Memoir, London, Granta Books, 1999.
33 Id., Out of Place, op. cit., p. 262. On notera l’emploi du mot « rhetoric ».
34 Parmi ceux-ci, on retiendra le départ précipité de la famille en voiture en 1942. lorsque Le Caire est menacé par les forces de l’Axe. Mais quelques semaines plus tard, c’était le retournement de El Alamein. en novembre.
35 Voir en particulier, Said, E.-W., Out of Place, op. cit., p. 35, 96, 97.
36 Id., Ibid., p. 51-54.
37 Id., Ibid., p. 102.
38 Id., Ibid., p. 265.
39 Id., Ibid., p. 279.
40 Id„ Ibid., p. 280.
41 Said, E.-W. Des intellectuels et du pouvoir, traduit de l’anglais par Paul Chemla et revu par Dominique Eddé, Paris, Seuil, 1996. Cet ouvrage reprend le texte des six conférences Reith faites par Said à la BBC en 1993.
42 Id., Culture and Imperialism, op. cit., p. XXIX-XXX.
43 Id., Ibid., p. XXX.
44 Id., Ibid., p. XXX.
Auteur
Université de Cergy-Pontoise
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