Un pays de frontière dans la guerre de Cent ans : le nord de l’Artois aux lendemains du traité de Brétigny-Calais
p. 135-158
Texte intégral
1Dans la succession de chevauchées, de sièges, de trêves et de conflits larvés qui constituent la Guerre de Cent Ans, l’Artois se trouve en première ligne à partir de 1347, devenant la voie d’entrée privilégiée des armées anglaises1. Si les années 1347-1360 ont été décisives, et si l’on connaît assez bien la période bourguignonne, en particulier les ravages de la guerre sur l’Artois et le Boulonnais grâce aux recherches d’André Bocquet2, les années 1361-1382 qui correspondent au principat de la comtesse Marguerite de France restent largement négligées. Marguerite de France, fille du roi Philippe V et de Jeanne de Bourgogne, veuve du comte de Flandre Louis de Nevers tué à Crécy en 1346, et mère de son successeur Louis de Male, arrive dans une période clé voyant la mise en place laborieuse du traité de Brétigny confirmé à Calais en 1360, avec une reconnaissance théorique et réciproque de la nouvelle frontière anglo-française du Calaisis. Elle est également au premier plan pour constater l’échec complet de cette trêve avec la reprise des guerres en 1369 et pas moins de trois chevauchées entre 1370 et 13803. C’est en particulier autour de Saint-Omer que se noue ce rapport nouveau et changeant à la frontière. Le roi Charles V, répondant aux Audomarois qui demandaient à être exemptés de guet hors de la ville, justifia ce privilège par ces mots : « ladite ville est assise en pais de guerre et fait frontière contre noz ennemis »4. Entre la puissante autonomie des villes et les interventions royales, l’Artois est un comté bien défini mais aux marges de manœuvre limitées5. En cette terre de frontière désormais aux premiers plans dans le conflit, l’affirmation du pouvoir princier est affaire délicate, dans une zone directement exposée aux destructions, mais aussi aux flux plus ou moins licites : bannis, transfuges ou produits de contrebande. Faire vivre ce pays de frontière, c’est pour le pouvoir comtal prouver son existence même, projeter une vision et une autorité princières sur un espace convoité. Grâce au trésor des chartes des comtes d’Artois, aux archives comptables du domaine, notamment les comptabilités des bailliages de Saint-Omer, Tournehem et Éperlecques, complétées des archives municipales de Saint-Omer, on insistera ici sur les enjeux politiques, économiques et sociaux, en mettant de côté le très vaste dossier des engagements militaires. Il s’agit ici davantage de mesurer les effets de cette « nouvelle frontière » sur l’organisation de la principauté et de ses rapports aux autres pouvoirs, royal et urbain, de déceler les « effets frontière » pour reprendre les réflexions de Denis Menjot6, en mettant en lumière le gouvernement d’une figure négligée de l’histoire artésienne, la comtesse Marguerite, une capétienne farouchement hostile aux Anglais7.
I. Négocier et interpréter la frontière : le nord de l’Artois aux lendemains du traité de Brétigny-Calais (1360-1369)
2L’Artois et ses princes ne sont que très secondairement maîtres du tempo géopolitique. En 1360, c’est le roi Jean le Bon qui lui impose une situation d’amputation (le Calaisis était artésien), d’autant plus aisément que le jeune comte d’Artois Philippe de Rouvres est sous son autorité8. Le traité de Brétigny intervient certes après les ravages des chevauchées de 1355 et 1359 en Artois, mais est surtout la conséquence de Poitiers9. Il semble assez bien accueilli. Il faut dire que la principauté est ravagée assez régulièrement : en 1303-1304 aux lendemains de la défaite française de Courtrai, en 1316 lors de la révolte nobiliaire contre Mahaut à laquelle participe Robert d’Artois, en 1339-1340 lorsque le même Robert attaque l’Artois avec les alliés flamands des Anglais, en 1346-1347 de Calais à Aire pour le siège de Calais, en 1355 durant la chevauchée d’Édouard III qui ravage encore le nord-ouest de l’Artois et brûle Fauquembergues10 ainsi que les églises de Wizernes, « arse des Inglés » et Acquin11, enfin en 1359 dans un pays désormais bien défendu12. S’y ajoute, pour faire bonne mesure, la peste noire bien installée en 1349-1350 dans le pays13, et qui revient en particulier en 1368 à Saint-Omer14 et Tournehem15, entre août 1369 et janvier 1370 à Lillers16. C’est la situation dont Marguerite de France hérite à la mort de son petit-neveu Philippe de Rouvres le 21 novembre 1361, mort qui la fait comtesse d’Artois et de Bourgogne à 49 ans17. En effet, Marguerite de France est la fille du roi Philippe V et de Jeanne II de Bourgogne, elle-même fille de Mahaut d’Artois et d’Othon IV. Philippe de Rouvres ayant hérité de sa grand-mère Jeanne II ses titres de comte de Bourgogne et d’Artois et mourant sans descendance, c’est Marguerite qui lui succède. En réalité, Philippe n’a que brièvement gouverné, et l’Artois est resté dans la main du roi de manière presque continue de 1347 jusqu’au traité de Calais : c’est le 20 octobre 1360 que Jean II déclare Philippe majeur18. La monarchie n’a accepté de céder le comté qu’une fois la situation apaisée, et pourrait aisément reprendre la main… Or Marguerite est au cœur des enjeux d’influence diplomatique concernant un comté susceptible de basculer côté anglais comme français : elle est en effet la veuve du comte de Flandre Louis de Nevers tué à Crécy en 1346 ; leur fils unique Louis de Male a succédé à son père en 1346 mais doit attendre la mort de Marguerite en 1382 pour hériter de ses terres ; or il est tenté par l’alliance anglaise. Militairement, la situation change radicalement avec le traité de Brétigny ratifié à Calais le 24 octobre 1360, mais la démobilisation des « grandes compagnies » fait surgir le spectre d’une invasion, qui obnubile la comtesse : celle du fils de Robert d’Artois, Charles d’Artois19. En réalité, ce sont les autres terres de Marguerite qui en feront les frais : comté de Bourgogne, et plus encore terres en Nivernais et en Champagne20.
3Pour faire entrer la trêve dans les faits, il fallait normaliser la situation à la frontière artésienne, dans les bailliages de Tournehem, Éperlecques, Saint-Omer et Aire. Très tôt l’administration et les villes établirent des contacts pour aplanir les différends. Le 6 septembre 1360, avant même la ratification du traité, le bailli d’Aire et le procureur d’Artois négociaient à Wissant des restitutions de biens21. Saint-Omer surtout était en pointe, jouant d’ailleurs son propre jeu. Économiquement, Saint-Omer était moins liée à Calais et au Calaisis qu’à Gravelines, son débouché naturel22. Mais Calais, bien que dans un état désastreux, avait du potentiel. Et les Anglais cherchaient à s’ouvrir l’arrière-pays. Le 29 août 1362 une délégation comprenant notamment un chevalier anglais, Thomas Kingston, châtelain de Calais et le « maire de l’estaple des laines d’Engleterre » vint à Saint-Omer « comme bon voisin à autre ». Ils proposaient aux Audomarois leurs services « s’ils voloient riens a Calas et es marches », appelant à une reprise du commerce. Ils demandèrent qu’on leur fournît une copie des poids et mesures du grain et du vin de Saint-Omer pour les utiliser à Calais. Les Audomarois l’accordèrent « de grace especial », une expression que les princes avaient tendance à se réserver… L’étape devait être installée le 29 septembre23, soit plus tôt que ce qu’indiquent les historiens anglais24. Les vieux péages ou « travers » sur la Hem qui marquaient l’ancienne limite entre comté de Guînes et Artois se remirent à fonctionner, les environs de Tournehem voyant passer des marchandises notamment en direction du Calaisis, en particulier au pont de Nordausques sur la Hem : les Audomarois obtinrent d’ailleurs son abolition en 1 367 mais durent continuer de payer celui de Mouflon, sur la route de Saint-Omer à Boulogne et Guînes25.
4Pour autant, la ville était méfiante vis-à-vis des Anglais : elle refusa longtemps de céder aux demandes d’Édouard III qui voulait que Saint-Omer s’engage par écrit à respecter la trêve. Le prévôt de Montreuil leur réclama de prêter ce serment en janvier 1361, mais il fallut un mandement de Charles V daté du 18 décembre 1364 pour les y contraindre26. Méfiant, Édouard III avait placé les Audomarois en premier sur la liste des otages de villes27. Les malheureux restèrent d’ailleurs 10 ans près de Warwick, un au moins y mourant28.
5L’administration comtale contribua également à l’apaisement, favorisant la « voie de droit ». L’enchevêtrement des droits, hommages et justices offrait de nombreuses occasions de litiges frontaliers, en raison de l’imprécision du traité. Dans un esprit chicanier très médiéval mais relativement pacifique, se multiplièrent entre 1360 et 1368 les contestations sur ce qui constituait l’avancée extrême de la frontière. Les hommes du comté d’Artois avaient pour eux la justice royale et la connaissance du droit local. Dès juin 1358, dans un contexte pourtant encore militairement tendu, le procureur d’Artois adressait une plainte à la prévôté de Montreuil pour « un cas de nouvelleté » du bailli anglais de Guînes (procédure qui sera encore utilisée sous Marguerite). Le bailli affirmait détenir autorité sur la ville de Louches au sud de Nielles-lès-Ardres29. Le sergent royal se rendit trois fois à Ardres et parvint à contraindre l’officier anglais à rétablir les droits de l’Artois. La restitution symbolique mobilisa plusieurs conseillers d’Artois et une troupe « pour doubtez des Engléz » ! Le plus souvent, on transigeait directement entre agents du comte et autorités anglaises en des « journées », selon un usage bien connu des terres frontalières (en particulier au comté de Bourgogne). En 1363, le corps d’un homme « murdri » fut pris par les Anglais « au dicdame delà Audruicq », zone marécageuse située dans une terre de la comtesse à l’est d’Audruicq. Une délégation artésienne vint à Audruicq « et fu madame restablie par les baillis de Ghines et Adrewi par signe »30. En 1367, les plaintes sont nombreuses et prouvent un certain durcissement. Une délégation véhiculée par quarante chevaux et composée de conseillers, d’un bailli, du procureur et même du chancelier d’Artois est ainsi envoyée à Ardres pour juger par arbitrage de divers conflits similaires. Parmi ces affaires, le vivier de Zutkerque dont les Anglais réclament la possession, les garennes de Tournehem dont la comtesse déplore la dégradation. À l’inverse les Anglais se plaignent de la détention d’un prisonnier au château de Tournehem, contrairement à leur droit31. Ces litiges souvent remportés par la comtesse, bénéficiaient parfois de la médiation du comte de Flandre que les Anglais voulaient ménager32. Signe d’une certaine coopération, on poursuivit conjointement un criminel, qui termina pendu près d’Ardres dans une juridiction commune, le gibet payé par les deux parties marquant en somme la frontière33. Ces rapports étaient même régis par la signature de conventions d’extradition, comme en atteste l’accord passé en novembre 1362 entre le sénéchal de Ponthieu et la comtesse « pour nourir paix, amour et transquilité », et qui prévoyait de capturer et restituer les délinquants ayant passé la frontière34. On est loin d’une violence de « marches » avec des exactions fréquentes, ce qui est conforme à ce qu’on sait par ailleurs des frontières françaises dans leur ensemble, Bretagne exceptée35. Les zones contestées se placent sur une frontière qui n’est certes pas linéaire mais demeure étroite et bien circonscrite (Carte 8). Ces zones feront d’ailleurs l’objet de destructions nombreuses une fois la guerre rouverte.
Carte 8. Les destructions au nord de l’Artois d’après les comptes domaniaux (1360-1382) (J.‑B. Santamaria).

6Car sur le fond, l’interprétation de la frontière était bien différente. Côté anglais, la légitimité du comté d’Artois était elle-même douteuse. Le roi Édouard III n’avait-il pas promis aux Flamands en 1340 de restituer l’Artois à la Flandre comme ayant été « induement de luy aliéné »36 ? Surtout, le traité de Brétigny-Calais posait problème. Le roi d’Angleterre s’estimait maître du « pays de Langle », bande de terre à l’ouest de l’Aa rejoignant le reste de l’Artois au sud. Pour les Artésiens, Langle ne faisait pas partie du territoire de Calais ni de Marck mais avait été acquis en 1248 par le comte d’Artois et rattaché au bailliage de Saint-Omer37. Or le point 4 du traité de Brétigny accordait les terres de Calais « jusqu’au fil de la rivière devant Gravelines et le fil de la rivière autour de l’Engle ». Fallait-il inclure le pays de Langle ? Cette rivière « autour de l’Engle » était-elle l’Aa qui bordait l’est de cette bande de terre, ou l’ensemble plus vague de cours d’eau et de marécages bordant son côté ouest ? Les Anglais avaient tendance à opter pour la solution maximaliste, d’autant que le traité de Londres du 24 mars 1359 leur donnait les terres allant jusqu’à l’Aa (la rivière devant Gravelines) et « montant par le fil de mesme la riviere tout autour Langle », ce qui indiquait qu’on prenait encore l’Aa comme limite38.
7Dès janvier 1362, la rumeur circulait à Saint-Omer que les Anglais voulaient s’en emparer39. Jean le Bon n’y était pas hostile. Dans une lettre qu’elle écrivit au gouverneur de Guînes datée du 10 août 1362, la comtesse demeura intransigeante, alors que Jean le Bon exigeait que « la terre de Langle fust delivré a monseigneur le roy d’Engleterre, comme elle fust et deust appartenir à lui par le traitié de la pais ». Il semble avoir fait peu de cas des intérêts artésiens alors : aux exigences d’Édouard III datées du 15 novembre 1361 qui affirmait « que le roi doit bailler au roi Dengleterre la terre et chastellerie de Langle », il commença par répondre qu’on le ferait si cela était conforme au traité, puis devant l’insistance anglaise, après le 16 décembre 1361, alors que le comté était désormais à Marguerite il cédait : « il plait au roi que la terre de Langle soit delevere a son dit frere le roi Dengleterre »40. La comtesse s’opposa aux deux rois, car le pays « n’est de riens enclavee entre vos bornes, ne aussi la chastellenie de Langle ne fu onques des fiez de le comté de Ghisne mais vint et fu de la terre et chastellerie de Bourbourt ». Surtout, elle précisait que lors d’une assemblée tenue à Wissant lors du séjour de Jean le Bon à Calais, soit en 1360, Gautier de Marigny et Roger de Beauchamp, noble anglais très impliqué dans la négociation du traité41, avaient ordonné restitution de bêtes prises au pays de Langle par les Anglais en raison du fait que cela ne relevait pas du comté de Guînes. Aussi la comtesse demandait au gouverneur d’écrire à Édouard III afin « que nous puissons joir du nostre sans empeschement, quar il nous samble que nous y avons asses mis, comme poes savoir ». L’Artois avait suffisamment payé42 ! La comtesse tint bon, mais Édouard III aussi qui le réclamait encore en mars 1369, quelques semaines avant de le ravager43. À Calais, Jean II avait finalement fait peu de cas des droits de l’Artois, dont il s’était dessaisi quatre jours auparavant en faveur de Philippe de Rouvres.
II. Face aux grandes chevauchées : destructions et gestion domaniale d’un pays de frontière
8En 1369, la rupture totale est consommée entre Anglais et Français44. Marguerite de France a joué un rôle majeur en pressant son fils Louis de Male de marier sa fille Marguerite de Male, héritière de la Flandre, du Nivernais et du Rethélois, ainsi que des terres de sa grand-mère, au frère du roi, Philippe le Hardi, et non à un prince anglais45. Édouard III fait payer cette alliance à l’Artois. Les destructions commencent au pays de Langle, ce qu’ignorent les chroniqueurs, destructions auxquelles réplique Robert de Fiennes qui avait refusé de rendre son château et qui franchit la frontière au pays dit « de Bredenarde » en prenant Audruicq le 2 juin 1369, pour échouer devant Ardres46. Le gros des destructions intervient entre le moment où les Anglais repoussent les Français établis devant Ardres, soit le 1er août, et le 19 août qui voit l’arrivée de Philippe le Hardi au même endroit.
9Froissart est le plus attentif à décrire les localités traversées. Il évoque en 1369 un premier raid, avant l’arrivée de Philippe le Hardi. Une avant-garde distincte de 300 lances franchit alors la « rivière d’Oske » (comprendre la Hem à Ausques ou Nordausques) aux limites du comté de Guînes, en direction de Licques, avant de revenir vers Calais, puis portant l’attaque vers Boulogne pour faire « moult grant damage au plat pays » occasionnant les premières destructions47. L’opération mentionnée par les Grandes Chroniques de France au même moment est quant à elle une manœuvre plus vaste mais tout aussi brutale : l’ensemble de l’armée mené par Lancastre part vers Thérouanne et Aire, puis jusqu’au comté de Saint-Pol et « bouterent les feux par le pays où il passerent »48, avant de refluer, sans doute devant l’avancée de Philippe le Hardi. A lire les chroniqueurs il semble donc que le pillage ait été le fait de deux corps d’armée. Le roi apprend aux environs du 7 août « comment li dus de Lancastre efforciement estoit venus et arivés à Calais, et couroient ses gens tous les jours sus France »49 : il fait partir de Rouen Philippe le Hardi, qui arrive à Abbeville le 9, convoque les garnisons françaises établies autour de Calais à Hesdin où il arrive le 1450. Le 19 août il quitte Hesdin et arrive le 23 août en vue des Anglais « aux champs devant Adre », avant de s’installer le 25 « sur le mont de Tournehem »51. Faute de se résoudre à livrer bataille, Philippe repart le 12 septembre selon Pierre d’Orgemont52, en réalité le 1353, laissant le champ libre à une plus vaste chevauchée qui part « assez tost apres » vers la Normandie en brûlant tout sur son passage54. L’année 1369 est de fait la plus destructrice, comme on le verra.
10En 1370, la chevauchée de Robert Knolles passe par Guînes, Ardres, en direction du sud-ouest vers Fauquembergues qui est brûlée (en passant probablement à Tournehem), de là vers Thérouanne, trop bien défendue, Arras, où se trouve la comtesse, puis la Picardie55. A l’été 1373 Froissart retrace l’itinéraire de l’armée menée par Jean de Gand, duc de Lancastre, et le duc de Bretagne. Avançant de 2 à trois lieues par jour, elle part « un merkedi matin » à bannières déployées, passe devant Guînes, à Ardres, La Montoire, avant de loger sur « belle rivière qui keurt à Hoske », la Hem encore. Leur ost campe alors sur une zone allant de Licques à Bavelinghin (Bouvelinghem), localités distantes de 10 km. Le jeudi ils passent « au dehors de Saint Omer » jusqu’aux barrières, et s’installent « sus les mons de Horfaut » (Helfaut, au sud de Saint-Omer), repartant le vendredi pour Thérouanne. De là ils atteignent Aire, le comté de Saint-Pol, Doullens, puis Arras et le Mont-Saint-Éloi avant de partir vers la Somme à Bray56. Les Français résistent et reprennent même Ardres le 7 septembre 1377, puis Audruicq le lendemain57. En juillet 1380, nouvelle chevauchée du comte de Buckingham devant Ardres avant de camper à Ausques (Nordausque), la « tour de Flolant », sur la Hem (sans doute le château de Vroland sur la commune de Recques-sur-Hem, juste au nord de Nordausque), Éperlecques, avant de descendre devant Saint-Omer, « Esquelles » (Esquerdes, où est franchie l’Aa) puis Thérouanne, puis de remonter vers le nord et de franchir l’Aa à « Wicernes » (Wizernes, aux pieds du Mont d’Helfaut, sur la rive nord de l’Aa), suivant d’abord la route de Saint-Omer, ensuite abandonnée pour obliquer au sud-est vers Lillers, Bruay-la-Buissière, vers le nord-est à Béthune, enfin plein sud vers Arras58. Un itinéraire en zigzag où les Anglais testent visiblement les places les unes après les autres. Les comptes manquent durant cette décennie pour l’est de l’Artois à Lens, Béthune, Arras.
11Ils éclairent en revanche la situation au nord-ouest : la destruction du plat-pays y est patente.
12La situation n’était pas si catastrophique aux lendemains de Brétigny-Calais. L’essentiel des destructions concernait le pays de Langle « tout exiliés des werres [guerres] ». L’office de bailli, traditionnellement affermé, n’y était plus pourvu. La situation est voisine à Nordausque et pour quelques revenus situés dans le comté de Guînes mais relevant de l’Artois, mais les dégâts semblent réduits59. On voit cependant le domaine amputé début 1362 des viviers de Bresmes et Ardres, ainsi que de la garenne de Guînes, qui relevait en théorie encore du domaine artésien : malgré la trêve, il est devenu impossible de percevoir des droits comtaux au-delà de la frontière60. Reste que l’amélioration est sensible. En 1365, on rétablit l’affermage du bailliage de Langle et on remet en état des écluses, même si le moulin reste détruit61. Fin 1368, l’ensemble des rentes domaniales sont désormais perçues62 : le pays se reconstitue. Lorsque la guerre reprend, le pays de Langle est ravagé très tôt, entre Pâques (1er avril) et Ascension (10 mai) 1369, sans doute en réponse aux attaques françaises sur le Ponthieu, et bien avant l’arrivée de la grande armée de Lancastre. Là, les fermiers « s’en sont fuys pour la guerre, et ne les scet l’en ou trouver »63. Cette première opération mineure cible évidemment cette terre contestée. Puis entre mai et novembre, certainement durant le mois d’août, l’ensemble des revenus s’effondre au nord-ouest de l’Artois : sur 114 rentes du bailliage de Saint-Omer, 45 sont touchées « pour cause des werres »64. Le zonage est clair. En premier, le bailliage de Langle où la mention de nombreux héritages échus de bâtards indique une brusque mortalité, bien plus qu’ailleurs : on ne s’est pas contenté de brûler, on a tué. Saint-Folquin, Saint-Omer-Capelle, Sainte-Marie-Kerque sont frappés. La zone de défense autour des châteaux de La Montoire, Éperlecques et Tournehem est également ravagée65. C’est bien là que les Anglais sont passés, certes sans prendre les châteaux. Ensuite, deux terrains d’action se dessinent : la rive gauche (nord) de l’Aa, où on peut suivre les dégâts (triangles gris sur la carte), depuis la Montoire, le sud de Tournehem, Éperlecques, Moulle, jusqu’à Tilques, c’est-à-dire à 5 km de Saint-Omer, puis Leulinghem et Assinghem. La trajectoire rappelle celle décrite par d’Orgemont et la route est celle de Thérouanne. Le second tracé suit la Hem, confirmant les propos de Froissart. Au total, entre la Hem et l’Aa, presque rien ne reste debout, sans qu’on puisse préciser si c’est l’œuvre de deux armées. C’est en tout cas une entreprise systématique66. Si en Boulonnais, vers l’ouest, les dégâts sont considérables (surtout à Licques), à l’est, l’Aa marque une limite. Peu de dégâts au sud de Saint-Omer entre Lys et Aa, alors qu’au bailliage d’Aire et à Thérouanne, par le sud donc, les Anglais sont remontés, sans doute au sud de la Lys (présence attestée à Lambres). La zone épargnée est donc formée de Clairmarais, protégée par les marais et la forêt, la ville de Saint-Omer, et le pays sud d’Helfaut à Wardrecques. Cette contrée reste dangereuse : les bûcherons abandonnent ainsi le travail dans le bois de Beaulo ou Biaulo, craignant pour leur vie67. Aucune autre chevauchée n’aura autant d’impact. Les Anglais sont venus pour brûler : le receveur d’Hesdin mentionne ainsi « l’issue des Englés qui avoient ars en le conté de Saint Pol » et ailleurs. L’ost de Philippe le Hardi achève le travail en remontant, ses gens détruisant une grande part des blés et avoines, en particulier aux environs d’Hesdin, jusque-là relativement épargnés68.
13La chevauchée de Knolles en 1370 ne change pas grand-chose. Elle a élargi les destructions vers Aire, Lillers (ravagée), et surtout Arras et Bapaume. Mais en Audomarois, les destructions qui s’ajoutent sont peu nombreuses. Quelques-unes à Disque, Lumbres, Éperlecques, Leulinghem. Il ne reste plus beaucoup à piller ; mais l’activité reste au point mort « pour cause des presentes guerres »69. Une très légère reprise se dessine en 1371-1372, au pays de Langle notamment70. Elle est brisée par la chevauchée de 1373. Dans le reste de l’Audomarois, guère de répit. Les sites ravagés restent en friche, ne rapportant toujours rien. La chronologie donnée par Froissart indique que les Anglais avancent alors assez vite en Audomarois : partis le 4 août de Calais, ils ravagent l’abbaye de Licques, campent le 5 près de Saint-Omer puis se retrouvent à 20 km à l’est de Thérouanne le 6. Les comptes domaniaux l’expliquent aisément : il n’y plus rien à piller, à la différence de l’Arrageois où l’ost peut rester deux jours. Un détail met cependant en cause la précision de Froissart, pourtant souvent utilisé par les historiens71. Le chroniqueur fait dormir l’ost à Helfaut le 5 août. Or les comptes nous apprennent que la dizaine de propriétés, maisons, manoirs, champs sur lesquels la comtesse perçoit des revenus à Helfaut, ainsi qu’une dizaine d’autres aux environs, demeurent miraculeusement intacts au passage de ces 10 000 soldats72. Tout ce quart sud-est de l’Audomarois centré sur les monts de Helfaut est épargné, aucune maison brûlée, même les prés ne sont pas fauchés…
14Mais les officiers domaniaux ne se découragent pas, même si les habitants ont du mal à suivre ! En 1375 le bailliage de Langle est affermé à un fermier optimiste qui fait cependant préciser que si la « guerre fust ou pais, ou triewes rompues [...] il seroit quitte »73. Ce qui arrive bien entendu immédiatement. En 1378 encore, à Langle, des terrains demeurent vagues car « nuls ne ose habiter »74. Partout dans le bailliage de Saint-Omer des terres ne trouvent pas preneur et la carte de 1369 est encore d’actualité dix ans plus tard, avec une quarantaine de localités ne rapportant plus rien. Le pays est « wasté pour le cause des guerres »75, même si on observe des tentatives pour reconstruire des écluses au pays de Langle, ce qui relève d’un certain acharnement dont les motifs semblent peu économiques76 ! Le pays est tellement ravagé que la chevauchée de 1380 n’y modifie guère la situation77. Cela confirme le tableau rapidement dressé par Sumption d’un Artois aux champs abandonnés, aux maisons détruites après trente ans de raids78.
15Autre terrain d’observation, le bailliage de Tournehem. Avancée extrême, détachée du comté de Guînes et voisine du pays de Bredenarde (Audruicq notamment) passé à l’Angleterre, la contrée pointait vers le nord avec le château de La Montoire, avancée ultime des Français. Ici, la série des comptes reprend à partir de 1355 après une lacune de dix ans peut-être révélatrice d’une situation terrible. À partir de cette date les mentions décrivent les éléments du domaine avec un leitmotiv : « il est ars et exiliés », « nieant car il fu ars des Englés » : 20 % des recettes ordinaires sont encaissées correctement79. Les revenus situés autour du château de La Montoire ne sont plus collectés parce qu’ils sont « devers Montoire » : cette zone est désertée80. La chevauchée de 1355 achève les destructions, le four étant anéanti : comme le note sobrement un examinateur du compte « [le receveur] affirme que environ la Toussaint le roy d’Engleterre passa par le païs et y gasta grant partie ». On le croit volontiers81. En 1361, on supprime même la recette distincte de La Montoire, fusionnée avec le bailliage de Tournehem82. C’est cependant le creux de la vague. Même autour de La Montoire, les années 1360 sont bonnes : on y afferme progressivement les prés dès 1362 et leur rapport est multiplié par trois, même si nombre de bâtiments restent détruits83. En 1369 seuls 6 des 22 revenus ordinaires du bailliage de Tournehem sont abandonnés : les autres sont de faibles rapports mais ont été rétablis84. Cette reprise montre là encore un effort pour tenir le pays et le reconstruire, mais la tâche est inachevée. Seule la forêt rapporte encore 400 écus. On manque de bras : à cette date certaines terres sont abandonnées, notamment par un homme emprisonné à Calais qui « perdi tout le sien ». Une terre à Gondebaussart « gist waste et ne le troeve on a cry a censir ». Plusieurs moulins demeurent détruits, celui de Welle, de Ghemy, celui de Recques, toujours « ars des Englés » : les moulins sont des investissements lourds que l’on hésite à rebâtir85. Le compte garde cependant mémoire des terres perdues et donc des droits comtaux, y compris côté anglais86. La série comptable s’arrête en 1369, mais un document rédigé à la Chandeleur 1370 indique que la recette ne rapporte presque plus rien : « et n’en porra on riens avoir lesdites guerres durans pour ce que nulz ne oze reparer ne habiter es lieux qui les doivent »87.
16Le bailliage d’Éperlecques permet de confirmer ces dégâts, mais aussi de les nuancer. Là encore, en 1355, les rentes ne sont presque plus perçues car « il y a longhement eu moult de terres wastez pour les guerres et ne les tenoit aucuns »88. Le commerce et les tonlieux installés à l’ancienne frontière entre comtés de Guînes et d’Artois sont à l’abandon, le moulin démonté et sauvé en 1355 est détruit lors de la chevauchée de 1359 lorsque Lancastre vient loger à Éperlecques89 ! La recette ne rapporte plus rien en 136090, hormis le bois de Biaulo. Mais la reprise est bien plus rapide qu’à Tournehem. Signe de confiance, la comtesse fait même reconstruire en 1366 le moulin à eau, occasionnant la visite du chancelier91 ; on restaure également à grands frais le vivier92. La reprise du conflit anéantit pourtant l’effort. Sur 33 recettes, seules 2 sont encaissées entre Ascension et Toussaint 136993. Ici aussi, après une reprise, l’année 1373 brise la reconstruction, l’ost de Jean de Gand ayant particulièrement ravagé les environs, s’en prenant de nouveau au moulin qui n’est cependant pas totalement détruit, tandis que des troupes s’installent plus d’un mois : le receveur mentionne en effet que le moulin n’a pu fonctionner durant « VI sepmaines quand l’ost d’Engleterre vint daerrainement oultre mer et qu’il estoient logiet ou pays »94. Jusqu’en 1375 l’agent du receveur n’ose récolter les rentes ni ramener les revenus à Saint-Omer, où réside le receveur. Les environs semblent en grande partie abandonnés95. La reprise est cependant nette en 1376 où 95 % des revenus sont de nouveau perçus96. La comptabilité a ensuite disparu, mais la situation des années 1390 montre un pays en assez bon état97. Étonnante résilience !
17C’est que tenir le pays passe aussi par le maintien d’une présence de la population et de l’activité. Le pouvoir comtal a constamment œuvré pour éviter de transformer ces terres frontalières en no man’s land, effort certes mesuré de la part d’un pouvoir prudent, qui compte surtout sur les habitants et ne dépense que de petites sommes. Cette prudence est justifiée, vu la régularité des destructions. Il semble que les Anglais aient cherché à ruiner le pays, en usant largement du feu. La liste des incendies est impressionnante et concerne toutes sortes de biens : les moulins sont systématiquement visés, mais aussi des bâtiments appartenant à des baillis et châtelains98, des champs et des tenures brûlés et ravagés99, des villages anéantis par le feu, à l’instar du village d’Alquines « arse et destruite par les anemis »100 et qui était encore quasiment abandonné 15 ans plus tard101. L’hypothèse d’une insincérité des comptables n’est guère fondée, car leurs déclarations sont corroborées par des enquêteurs102.
18Mais les effets de cette politique sont limités du point de vue comtal. Pour comprendre comment la comtesse a pu en conscience prendre le risque, en 1369, d’exposer son pays à la guerre anglaise, puis réussir à endurer de telles destructions, il faut mesurer les impacts de la guerre sur ses finances. Tout d’abord, les bailliages les plus exposés, Tournehem et Éperlecques comptaient chacun pour 5 % des revenus du domaine au début du XIVe siècle103. Lors de l’avènement de Marguerite, leur niveau était tombé encore plus bas : si la chute de revenus d’Éperlecques est nette en 1369 (de l’ordre de 40 %), elle concerne donc de petits montants : de 200 livres par an, tombant à 117 livres en 1369-1370104. Saint-Omer pesait davantage, de 2 000 à 5 000 livres par an. Ce montant ne reflétait d’ailleurs même pas l’importance économique de la ville, n’étant guère éloigné d’autres gros bailliages centrés sur des villes plus secondaires. Au début des années 1360, Béthune rapportait encore près de 3 000 livres105. À la fin du principat de Marguerite les bailliages d’Hesdin et Saint-Omer rapportent quasiment autant106. De sorte que le risque financier était dilué pour la comtesse.
19En outre, l’étude de la structure des revenus et leur évolution révèlent une faible exposition aux risques de la guerre même dans les quelques bailliages les plus menacés. En 1370-1371107, la recette de Saint-Omer monte à 4 313 livres. 1 680 proviennent des assises, 1 175 des ventes de bois, 556 des exploits de justice, contre 248 des rentes domaniales et cens. Une grande part des revenus étaient essentiellement urbains : exploits de justice récoltés par le bailli, dépendant de l’échevinage de Saint-Omer, et plus encore les assises, taxes sur la consommation urbaine, « le plus bel et le meilleur membre de ladicte comté d’Artois » selon les commissaires envoyés par Philippe le Hardi en 1385108. Dans les bailliages d’Éperlecques, Tournehem et Saint-Omer, les revenus perçus sous forme de rentes foncières étaient très faibles (6 % en 1370-1371 à Saint-Omer). En dehors des villes, l’essentiel des recettes ordinaires venait de forêts : Éperlecques, Rihoult (ou Clairmarais), Mentque-Nortbécourt. Pour le dire cyniquement, la comtesse pouvait survivre à ces chevauchées. Les coupes de bois avaient d’ailleurs une certaine résistance à la guerre, même dans les pires années, compensant les autres revenus : atteignant déjà 1 200 livres en 1360-1362, elles grimpent à 1 795 écus en 1368. La demande devait être forte en ces temps de reconstruction : en 1370 les coupes rapportaient même davantage qu’en 1362. Certes, lorsque la guerre s’éternisa ces revenus finirent par être à leur tour touchés. Encore peut-on se demander s’il n’y eut pas des surcoupes, comme ce fut le cas à Éperlecques où il fallut déboiser les abords du château « pour les perilz des embuskes »109.
20Aussi, l’observation des revenus du bailliage montre qu’à partir de 1364-1365 le redressement des ventes de bois et les assises firent remonter les revenus à 5 000 livres par an, tandis que la reprise des guerres n’éroda que lentement les recettes. La chevauchée de 1370 n’eut pour ainsi dire aucun effet. La marginalité du domaine ancien, et le basculement vers un État de finances reposant davantage sur la fiscalité mettaient en partie la comtesse à l’abri du besoin, d’autant que la royauté allait elle aussi contribuer en reversant une part des aides à la comtesse. On comprend mieux pourquoi la comtesse (imitant le roi) s’était résolue à une politique défensive sacrifiant le plat pays…
III. Faire vivre la frontière : allégeance, identités, contrôle des populations dans l’espace audomarois de 1369 à 1382
21La capacité de résilience de l’Artois s’incarne dans la figure de la comtesse, dont l’administration assure l’emprise. Pour faire vivre son pays de frontière, exprimer son autorité et en délimiter géographiquement l’assise, Marguerite de France devait affirmer un contrôle sur les Artésiens, mais aussi sur les échanges traversant le comté, tout en manifestant sa compassion pour ses sujets pour mieux assurer leur allégeance. Récompenser les bons et punir les mauvais était une belle mise en scène du pouvoir princier, mais ce manichéisme posait plus de problème pour le commerce.
22La question de l’appartenance politique devint en effet cruciale, surtout à partir de 1369, dans un pays où les années 1347-1360 avaient entraîné de nombreux déplacements de population. Froissart indique ainsi que la plupart des Calaisiens (« la grignour partie ») trouvèrent refuge à Saint-Omer110. En janvier 1352, la prise de Guînes par trahison111 entraîna un nouveau reflux : le 31 janvier 1352, pas moins de 51 personnes se firent enregistrer à Saint-Omer : 16 venant de Guînes, deux de localités voisines (Hames-Boucres) les autres essentiellement du Calaisis (3 de Calais, 5 de Coulogne, 3 de Marck) ou d’Audruicq, du pays de Langle, d’Éperlecques, Tournehem, et même quelques Normands112. La royauté encouragea la ville à accueillir ces réfugiés, de bons Français refusant de se soumettre à Édouard III. En 1369 Philippe le Hardi autorisa en tant que lieutenant du roi les magistrats de Saint-Omer à recevoir à bourgeoisie les habitants des places anglaises, en premier lieu de Guînes, Calais et Marck, et le roi leur proposa encore en 1372 de venir résider à Saint-Omer ou en d’autres lieux113 : une telle politique s’expliquait aussi par le contexte de dépression démographique due à la Peste noire. Ces décisions échappaient cependant à la comtesse. En revanche son administration comtale veillait à empêcher le mouvement inverse, la désertion vers les terres anglaises. Elle choisit même de réduire l’usage du bannissement. Parmi bien d’autres, un certain Gillekin de Melles vit sa peine réduite à 6 livres en 1369 « pour che qu’il estoit poures (pauvre) et que on se doubtoit qu’il ne allaist avec les Englés »114. Le dépeuplement inquiétait déjà avant 1369. Saint-Omer se plaignait au roi en 1366 d’être « grandement decheue, empiree et apourie de peuple et de chevance », les gens du plat pays étant rentrés dans leur village, conséquence de la paix relative, d’autres étant partis « demourer sous notre très cher frère le roi d’Angleterre à Calais, à Guine, en la terre de Merck ou ailleurs ». Un tiers de la ville était inhabité « et tournent les maisons en ruyne ». Il fallait donc réduire la part de la ville dans les aides115. En 1368 nouvelle réduction fiscale car la ville était appauvrie et qu’y sévissait « grant mortalité »116. Ces mesures incitatives purent se doubler d’interdictions aux nobles et non nobles de sortir du pays, dans un but militaire117.
23Reste que malgré les souhaits des gouvernants, carte de la population et carte des fidélités ne coïncidaient pas toujours. La population calaisienne était, dit-on, en grande partie anglaise, en raison de l’expulsion des « autochtones ». Mais pas les autres villes et villages du Calaisis anglais, où la population était surtout locale : en vertu du traité, les habitants des pays désormais anglais devaient être fidèles à Édouard III sans craindre pour leurs biens. Ce fut le cas jusqu’en 1369, ceux qui étaient passés sous domination anglaise étant alors présentés dans les sources artésiennes de façon neutre, les gens « desouls Engleterre »118. Or la frontière étant relativement récente, ces gens pouvaient avoir conservé des biens à cheval sur les deux territoires, notamment entre Calais et Saint-Omer, sans en être inquiétés en vertu du traité de Brétigny qui interdisait de confisquer les biens119. À partir de 1369, les sujets fidèles à Édouard III furent considérés comme traîtres et « englois », terme renvoyant à une appartenance politique et non ethnique, comme on va le voir. Cette identité assignée par les autorités comtales et royales, ainsi que par les échevinages, était un motif de confiscation. La chasse était ouverte, la moitié de leurs biens revenant aux délateurs120. En 1372 ce furent les héritiers d’une certaine Agnes Betres, morte à Saint-Omer qui furent déclarés « Englés et ennemis du royaume de France »121 ; ou encore « Antoine Steen, dit de Niewena, englés ennemis du roy nostre seigneur demourant à Calais »122. On vit parfois de véritables épurations « foncières » : au pays de Langle, repris après 1369, plusieurs fiefs et biens furent confisqués et revendus, comme celui de Jean de Vignacourt, vendu 426 livres en 1371 à Raymond de Gravelines ou celui de Willaume de la Porte « apres ce qu’il fu prins des Englés »123.
24Ces gens n’étaient pas Anglais, à l’instar de ce « curé d’Arde, Englés et ennemis du roy » dont le frère Eustache d’Ardres était mort à Saint-Omer en 1373124. Mais ils se comportaient comme tels, « comme Englés » à l’instar d’un Brugeois arrêté à Saint-Omer, dont la comtesse tira 3 francs de rançon125. Ils avaient choisi le camp d’Édouard III en restant « ou pays des Englés »126, votant en quelque sorte avec leurs pieds : ainsi Hams Kiebe, qui ne put hériter de Jehan Kiebe du fait des poursuites du bailli de Saint-Omer devant l’échevinage parce qu’il « estoit demouré a Calais et ennemi du roy »127. On trouvait d’ailleurs parmi les Calaisiens des habitants du cru rapidement qualifiés d’Anglais, car la ville n’avait pas été entièrement anglicisée : Antoine Steen dit de Niewena était surnommé d’après l’ancien nom du Nieulet, cours d’eau près de Marck. Enfin, la compromission avec l’ennemi fut également réprimée. En 1383 les biens de ceux « tenans les parties des Englés » dans le bailliage d’Aire sont tous confisqués128. On punit jusqu’à la fréquentation amoureuse des Anglais, assimilée à une trahison : la comtesse confisqua ainsi une maison à Saint-Omer dont la propriétaire était « une femme englesque nommee Mehaut, lequelle estoit amie a I’Englais nommé Thumas Yart »129. La rumeur, la réputation assignaient probablement une telle identité. Contrôle accru des comportements en temps de guerre ? Le fait semble confirmé par l’augmentation du nombre de pendaisons dans certaines localités sensibles comme Aire-sur-la-Lys entre 1367 et 1371130. Enfin, la comtesse n’agissait pas seule : le lieutenant du roi Philippe le Hardi désigna le 15 septembre 1369 quatre sergents pour saisir les biens de rebelles des comtés de Guînes et Ponthieu, en Boulonnais, en Ponthieu et ailleurs, pour les distribuer à son chambellan Jean vicomte d’Aunoy131.
25En revanche les fidèles et malheureux sujets de Marguerite étaient dignes de son affection. Ils étaient restés Français, à la différence des traîtres « Englés ». Dédommager les victimes, compenser les pertes relevait d’un mélange d’expression de la grâce, de la charité, et de calcul, tous assumés. Pour éviter le dépeuplement, la comtesse devait manifester ses largesses.
26La comtesse se pencha sur les cas les plus graves de destruction. Les dons les plus ciblés favorisent cependant surtout ses proches : châtelain de Rihoult recevant du bois « pour refaire et remaisonner ses maisons qui ont esté arses par les anemis du royaume »132, baillis133, sergents du parc d’Hesdin134, cumulent les dons, surtout en bois. Les établissements ecclésiastiques sont également dédommagés. En 1374, les chartreux du Val-Sainte-Aldegonde obtiennent des compensations135. L’abbaye de Licques, très exposée, est dispensée du paiement des rentes dues au domaine en 1377136. Marguerite entend éviter que les chartreuses de Gosnay « pour les grant pertes qu’elles ont eu [...] pour le fait des guerres, dont elles sont tellement apovries [...] delaissent le divin service »137. Pour les plus humbles, cependant, l’effort n’était guère à la hauteur. Les agents comtaux sacrifièrent même les plus miséreux, contre toutes les recommandations des miroirs des princes. Ainsi, en 1378, les distributions d’aumônes à Saint-Omer, fondées par Mahaut d’Artois furent-elles annulées par le receveur qui nota simplement : « niant paiié pour les guerres »138. Pour les villages et petites villes, on se contenta d’exemptions, d’autant plus aisées à accorder qu’ils étaient incapables de payer. En 1369, il s’agit de Lillers dont Marguerite n’est pas la dame, mais auquel elle fait grâce d’un cens de maltôte sur le vin en raison du « mortuoire qui dura de l’entrée d’aoust juques a la Candeleur et aussi pour cause des guerres qui adont estoient au pais »139. En 1370 Alquines « arse et destruite » voit ses rentes réduites pour éviter les désertions, réduction reconduite en 1376 et 1382140.
27Dans cette partie complexe, les bonnes villes d’Artois141 et en particulier Saint-Omer souffraient, mais avaient des atouts. L’action était logiquement plus soutenue en faveur de ceux qui paraissent plus importants à la comtesse et dont la défense relevait du « bien publique ». Ainsi la ville d’Aire « qui est en frontiere des ennemis » était une des « bonnes villes et grosses du pais » et se vit donc dotée d’une nouvelle foire « non pas seulement pour leur prouffit singulier mais pour le bien publique », afin de mieux assurer sa défense et sa survie142. Les bonnes villes de frontière avaient un intérêt allant au-delà d’elles-mêmes, à relever du bien commun. C’était surtout le cas de Saint-Omer, principale ville face aux Anglais. Le commerce du grain y était d’ailleurs devenu vital en raison du déclin de la draperie143. Les bourgeois avaient également beaucoup investi dans la terre autour de la ville144. Comtesse et royauté rivalisèrent pour défendre les intérêts de la ville : à partir des années 1360, les habitants obtinrent de pouvoir faire charrier leurs blés en Artois avant et après les périodes diurnes pour engranger plus sûrement. La royauté en était à l’initiative145, et la comtesse ne fit que le confirmer146. L’interdiction de commercer avec l’ennemi établie en 1369 révéla une situation contradictoire : le 11 décembre, la comtesse interdit la vente de blé aux étrangers à Saint-Omer. Des Flamands y venaient acheter pour vendre à Calais147 ; elle ne faisait qu’appliquer une lettre royale du 7 interdisant la vente de marchandises en Flandre et à l’ennemi148. Le roi avait déjà interdit le 6 septembre l’entrée de Saint-Omer aux Anglais, qui venaient visiblement y faire affaire même après la reprise des hostilités149. Certes, en retour, un très modeste commerce pouvait survenir des dépouilles de guerre : on négociait à Saint-Omer les chevaux pris aux Anglais150, mais aussi des biens de leurs adhérents ; ornements de messes, ou affaires personnelles étaient vendus au marché151. Maigre consolation… De toute façon, le commerce des denrées continua. Aux moindres trêves, comme en 1376, les Anglais mais aussi les résidents du Calaisis revinrent « à grant foison » acheter blé, avoine et vin, venant par groupe de 20 ou 30. Le roi décida désormais de ne les laisser qu’en petit groupe, plutôt que de les interdire152. Les autorités savaient parfaitement que l’arrêt du commerce fragilisait les capacités défensives et démographiques. Ce balancement incessant persista sous les ducs de Bourgogne. En 1411, la royauté finit par reconnaître que la position de frontière de la ville, qui vivait du commerce du grain avec Gravelines, exigeait la levée de toute interdiction de vente, lesquelles entraînaient troubles et désertions et favorisaient des ventes sauvages à Éperlecques, Houlle, Moulle, Watenes. Dans l’intérêt de la défense du royaume, il fallait donc laisser les Audomarois vendre leur blé à qui ils voulaient, y compris aux ennemis du roi 153.
28Car tous avaient intérêt à voir Saint-Omer en bon état pour réparer les murailles, payer les aides, et fournir du numéraire pour la solde154. Saint-Omer était le centre névralgique où on stockait l’or du roi155, où les capitaines, nobles et châtelains des châteaux d’Éperlecques, Tournehem, La Montoire pouvaient financer leurs dépenses156 et trouver vivres et munitions157. Il ne fallait pas tuer la poule aux œufs d’or. Et sur ce plan, la ville sut mener sa partie entre le roi et la comtesse, qui n’y eut jamais les mains libres. En modulant le paiement de la composition d’Artois, montant fixe remplaçant l’aide royale, Charles V avait une grande marge de manœuvre. Ce « pays de frontières » supposait des aménagements du droit général et donc des exemptions fiscales158. Écoutant les requêtes des habitants, Charles V réduisit à plusieurs reprises la part de la ville, arguant précisément du statut de bonne ville et du pays de frontière, de la nécessité de maintenir les murailles et le commerce malgré la guerre et les épidémies, et ce sans en référer au cadre artésien mais à sa place déterminante dans le royaume159. Une perte d’influence dont la comtesse reçut cependant le prix, obtenant sa part des aides : en 1380 elle perçut ainsi 8 000 francs sur les aides « pour la garde de ses forteresses de son pays d’Artois estans en frontiere de Calais et de Guines »160. Elle était en sorte placée sur le même plan que la ville aux yeux du roi, celle d’auxiliaire voire de garde-frontière.
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29Après 1360, la frontière calaisienne est devenue un point central de la politique de Marguerite de France, bien que la comtesse n’ait nullement les ambitions d’en faire un instrument d’affirmation de sa souveraineté. La limite entre pays anglais et français s’affirme progressivement, par la voie du droit, par la désignation d’un statut séparé aux habitants, par la délimitation d’une zone d’influence davantage coupée en deux, réduisant les chevauchements domaniaux. Sur ce point, pouvoir royal, comtal et échevinal peuvent le plus souvent coopérer. Cette ligne n’empêche pas les échanges, particulièrement les flux de population et la marchandise, malgré les tentatives de les encadrer : car cette fois les intérêts urbains doivent être pris en compte.
30Militairement, cette ligne ne tient pas face à une armée, et la frontière devient rapidement un espace en profondeur, sans présenter pour autant les allures d’une marche vague entre deux pays. Plus en arrière encore, se pose la question des pouvoirs, de la protection des populations, et de l’argent. Entre le roi et les villes, la comtesse ne maîtrise que très partiellement les opérations, et apparaît très loin d’exercer une quelconque indépendance sur ce pays en guerre, ce qui ne l’empêche pas d’œuvrer avec ténacité pour empêcher de transformer les frontières de l’Artois en marches désolées, en no man’s land ; les périodes de reprise sont cependant brisées par de nouvelles chevauchées, affectant très souvent les mêmes villages. Situation inverse pour Saint-Omer, qui tisse une relation spéciale avec la monarchie à la faveur d’un conflit dont elle est clairement victime sur le plan économique, bien qu’elle ait su résister. Elle en tire aussi des aménagements favorables au commerce. Les oubliées de la politique élaborée entre la royauté, la comtesse et les villes, sont évidemment les campagnes. La polarisation politique et économique de la zone de frontière entraîne une recomposition de l’équilibre des pouvoirs qui favorise la bonne ville et le roi ; la comtesse tire cependant profit de leurs moyens financiers respectifs, devant en conséquence adopter une posture politique relevant davantage de l’équilibriste que de la souveraine.
Notes de bas de page
1 Sur les débuts de la Guerre de Cent Ans : Philippe Contamine, Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Études sur les armées des rois de France (1337-1494), Paris et La Haye, Mouton, 1972. Jonathan Sumption, The Hundred Years War, t. I, Trial by Battle [1328-1347], Londres, Faber and Faber, 1990 ; t. II, Trial by Fire [1347-1369], Londres, Faber and Faber, 1999.
2 André Bocquet, Recherches sur la population rurale de l’Artois et du Boulonnais pendant la période bourguignonne (1384-1477), Arras, Commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, 1969.
3 J. Sumption, The Hundred Years War, t. III, Divided Houses [1369-1399], Londres, Faber and Faber, 2009, p. 37-60 et p. 187-191.
4 Paris, 29 juin 1370, AMSO, BB 167.
5 Christelle Balouzat-Loubet, Le gouvernement de la comtesse Mahaut en Artois (1302-1329), Turnhout, Brepols, 2014, notamment p. 126-165.
6 Denis Menjot, « La ville frontière, un modèle original d’urbanisation ? », Denis Menjot (éd.), Les villes frontières. Moyen Âge, époque moderne, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 5-16.
7 Sur son action diplomatique : Jean-Baptiste Santamaria, « Chantage maternel, patriotisme capétien ou réalisme diplomatique ? Le rôle de Marguerite de France, comtesse d’Artois et de Bourgogne, dans le mariage de Marguerite de Male et Philippe le Hardi », Publication du Centre européen d’études bourguignonnes (XIVe-XVIe s.). Rencontres de Calais (20 au 22 septembre 2012). Négociations traités et diplomatie dans l’espace bourguignon, n° 53, 2013, p. 29-50.
8 Ernest Petit, Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, t. 5., Dijon, Darantière, 1894, p. 359.
9 Françoise Autrand, Charles V, Paris, Fayard, 1994, p. 381-413.
10 C. Balouzat-Loubet, Le gouvernement…, op. cit., p. 173-175 ; Bertrand Haquette, L’Aire des Las Viesville. Bailliage et lignage en Artois à la fin du Moyen Âge, Thèse de doctorat de l’Université de Lille 3, Lille, 2013, t. 3, p. 84 et 369.
11 Aujourd’hui Acquin-Westbécourt, Pas-de-Calais, ar. Saint-Omer, c. de Lumbres. Émile Molinier, Étude sur la vie d’Arnoul d’Audrehem, maréchal de France, 130.-1370, Paris, Imprimerie Nationale, 1883, p. 228-229.
12 « toutes les villes, les cités et li chastel estoient trop bien gardé car chascune bonne ville de Pikardie prendoit et recevoit chevaliers et escuiers a ses fres ». Jean Froissart, Chroniques, Siméon Luce (éd.), t. 5, Paris, Société de l’histoire de France, 1874, p. 202.
13 Une « mortalité » sévit à Hesdin en 1349-1350. ADPdC, A 85.24.
14 AMSO, BB 46.10 ter.
15 Certaines rentes n’y sont pas payées « pour le grant mortalité qui a esté oudit pays ». ADN, B 16081.
16 ADN, B 15770.
17 Encore que son année de naissance ne soit pas connue. Elle aurait eu 8 ans (vix octennis) lors de son mariage en 1320. E Floribus chronicorum seu catalogo Romanorum pontificum, Joseph-Daniel Guigniaut et Natalis de Wailly (éd.), Recueil des historiens de France, t. 21, Paris, 1855, p. 690-734, p. 730.
18 E. Petit, Histoire…, op. cit., t. 5, p. 359.
19 Sa venue est annoncée à diverses reprises, notamment en 1361 et 1367. ADN, B 13877 et 15793.
20 Aimé Cherest, L’Archiprêtre : épisodes de la guerre de cent ans au XIVe siècle, Paris, A. Claudin, 1879, p. 67 ; Pierre Gresser, La Franche-Comté au temps de la guerre de Cent ans, Besançon, Cêtre, 1989, p. 171-175.
21 ADN, B 15770.
22 Alain Derville, Saint-Omer. Des origines aux débuts du XIVe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires de Lille, 1995, p. 170.
23 « Le rois d’Engleterre avoit ordené que l’estpale seroit a Calais a commenchier a le Saint Michiel prochain ». AMSO, Registre de Renouvellement de la loi n° 6, f° 35 r.
24 On lit ordinairement que la décision fut prise le 9 février 1363. Susan Rose, Calais. An English town in France. 1347-1558, Woolbridge, Boydell and Boydell, 2008, p. 44.
25 Aimé Courtois et Delmotte, « Rapport sur les fouilles faites en 1847 et 1848 au Mouflon », Mémoires de la société des antiquaires de Morinie, 1849-1850, t. 8, p. 538-582, p. 542.
26 AMSO, BB CLIII. 9 et CLXIII. 25.
27 Le roi Jean insista d’ailleurs pour que les otages soient promptement envoyés, comme le montre sa lettre du 13 novembre 1360, mandement auquel la ville mit du temps à obtempérer. AMSO, BB CLXIII.
28 Les deux otages arrivèrent le 26 février 1361. Ils résidaient dans le comté de Warwick. Il fallut en remplacer un, mort en 1364. Le second fut remplacé en 1365 et put rentrer chez lui. Le 29 novembre 1370 les deux otages qui les avaient remplacés, et dont la rançon avait été payée, obtinrent leur lettre de congé. AMSO, BB XLVI et CLXIII.
29 ADN, B 16073.
30 ADN, B 16087.
31 ADN, B 17592.
32 En juillet 1367, deux représentants du comte vinrent à Ardres « a lequelle journee furent toutes les informations jugies au prouffit de madame ». ADN, B 17592.
33 Aimé Courtois et Eugène Tailliar (éd.), Le livre des usaiges et anciennes coustumes de la conté de Guysnes, Saint-Omer, Société des Antiquaires de la Morinie, 1856, P. XX, s’appuyant sur un compte du bailliage de Tournehem en 1364.
34 « se aucuns des subges de nostre dite dame de son dit conté d’Artois et du ressort meffait ou perpetré crime ou delit en ladite conté d’Artois ne sur ses subgets et depuis se retraient en nostre pooir, nous les prandrons et ferons prandre et les renvoierons devers nostre dite dame ». ADCO, B 401, f° 11 r. Une « semblable lettre » fut envoyée au sénéchal de Ponthieu de la part de la comtesse.
35 Léonard Dauphant, Le royaume des quatre rivières. L’espace politique français (1380-1515), Paris, Champ Vallon, 2012, p. 256.
36 Lettre d’Édouard III en faveur des Flamands, datée du 29 janvier 1340, qui prévoyait aussi de restituer Lille, Douai et Orchies, alors dans les mains du roi de France. ADN, B 265 n° 7373.
37 Robert-Henri Bautier et Jeannine Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale du moyen âge, II, Les États de la maison de Bourgogne. Archives des principautés territoriales, t. 1, Paris, éditions du CNRS, 1984, p. 329, n. 7.
38 Eugène Cosneau, Les grands traités de la guerre de Cent ans, Paris, Picard, 1889, p. 1-32 puis 33.
39 ADN, B 15774.
40 Pierre Chaplais, « Some documents regarding the fulfilment and interpretation of the treaty of Bretigny (1361-1369) », Camden Miscellany, t. XIX, Londres, Royal Historical Society, 1952, p. 1-84.
41 Roland Delachenal, Histoire de Charles V, t. 2, Paris, Picard, 1909, p. 196. Le premier pourrait être un autre anglais présent à Calais, Gautier de Masny et non de Marigny.
42 ADCO, B 401, f° 2 v.
43 AN, J 655 n° 37.
44 J. Sumption, The Hundred Years War…, op. cit, t. III, p. 18-60.
45 S’opposant violemment aux velléités anglophiles du comte de Flandre. J.-B. Santamaria, « Chantage maternel… », op. cit.
46 J. Sumption, The Hundred Years War…, op. cit, t. III, p. 35-42 ; Aimé Courtois et Eugène Tailliar (éd.), Le livre des usaiges…, op. cit., p. 164.
47 Froissart, Chroniques…, op. cit., t. 7, Paris, 1878, p. 164.
48 Les Grandes Chroniques de France. Chronique des règnes de Jean II et de Charles V, Roland Delachenal (éd.), t. 2, Paris, 1916, p. 132.
49 Froissart, Chroniques…, op. cit, t. 7, p. 164.
50 Ernest Petit, Itinéraires de Philippe Le Hardi et Jean sans Peur, ducs de Bourgogne (1363-1419), Paris, 1888, p. 58.
51 E. Petit, Itinéraires…, op. cit., p. 58.
52 Les Grandes Chroniques…, op. cit., t. 2, p. 135.
53 Le départ de Philippe pour Hesdin a lieu le 13 septembre. E. Petit, Itinéraires…, op. cit., p. 59.
54 Les Grandes Chroniques…, op. cit., t. 2, p. 135.
55 Froissart, Chroniques…, op. cit., t. 7, p. 232-233.
56 Froissart, Chroniques…, op. cit., t. 8, Paris, 1888, p. 147-151.
57 J. Sumption, The Hundred Years War…, op. cit, t. III, p. 292.
58 Froissart, Chroniques…, op. cit., t. 9, Paris, 1894, p. 239-245.
59 ADN, B 15770. Compte du bailliage de Saint-Omer fini à la Toussaint 1360.
60 ADN, B 15776.
61 ADN, B 15791 ; ADPdC, A 93.
62 ADN, B 15795.
63 ADN, B 15796.
64 ADN, B 15797.
65 ADN, B 15797-15799.
66 Depuis Éperlecques on suit Houlle, Moulle, Serques, Tilques, puis le mouvement en écharpe repart vers l’ouest : Estrehem, Leulinghem, Cormette, Moringhem, Mentque-Nortbécourt, Boisdinghem, Westbécourt, jusqu’à la Hem via Alquines, pour atteindre Audenfort et Hocquinghem. Vers le sud, Lumbres, Elnes, Assinghem, puis Thérouanne et Lambres.
67 ADPdC, A 985.1.
68 ADN, B 15276.
69 ADN, B 15800.
70 ADN, B 15804.
71 David Nicholle, The Great Chevauchée. John of Gaunt’s Raid on France 1373, Oxford, Ospray, 2011, p. 37.
72 « une masure gisant a Hellefaut », « plusieurs pieces de terre gisant a Helleufaut » ADN, B 15804.
73 ADN, B 15810-15811.
74 ADN, B 15813.
75 Le compte clos à la Toussaint 1379 dresse la même liste de localités dévastées, hormis à Serques et surtout Tilques ; sans doute pillée superficiellement. ADN, B 15815.
76 Les écluses « loiste et bouste mardique et cours deau à Langle et pêcheries en la grande rivière de Langle » sont remises à cens. Le contrôle et l’entretien de ces écluses sont visiblement vitaux autant que symboliques pour marquer le contrôle de ce pays disputé. ADN, B 15813.
77 Aucun changement dans la liste des destructions entre Ascension et Toussaint 1380 ! ADN, B 15816-15819.
78 J. Sumption, The Hundred Years War, t. III, p. 387.
79 ADN, B 16062.
80 Ibid.
81 ADN, B 16063.
82 Mandement du 8 juillet 1361. ADPdC, A 90.
83 Passant de 12 à 40 livres de rapport. ADN, B 16084 à 16087.
84 ADN, B 16101.
85 Ibid.
86 Ibid.
87 ADPdC, A 736.
88 Compte fini à l’Ascension 1355. ADN, B 15134.
89 ADN, B 15135 et 15147.
90 ADN, B 15148-15149.
91 Don de 4 lots de vin aux ouvriers en août 1366. ADN, B 15788.
92 Gros travaux entre Ascension et Toussaint 1368. ADN, B 15174.
93 ADN, B 15180. Ascension-Toussaint 1369.
94 ADN, B 15188. Ascension-Toussaint 1373.
95 « pour ce qu’on n’i osoit aler pour les guerres et ensemt celui qui les recevoit au lieu n’oisit venir au receveur a Saint Aumer ». ADN, B 15193.
96 ADN, B 15198, Toussaint 1376-Chandeleur 1377.
97 ADN, B 15843. 24 juin 1393-24 juin 1394.
98 En 1370, des bâtiments appartenant à l’ancien bailli de Saint-Omer Jean de Créquy sont brûlés, ainsi que ceux du châtelain de Rihoult. ADPdC, A 97.
99 Notamment au pays de Langle et autour d’Éperlecques, comme on l’a vu.
100 Mandement de la comtesse du 25 mai 1370. ADPdC, A 739.
101 Lettre de Philippe le Hardi du 31 mai 1384. ADPdC, A 106.
102 Ainsi, en 1377, la comtesse fit vérifier les déclarations du receveur d’Hesdin dont les revenus étaient en chute : l’état des destructions était bien réel. ADPdC, A 991.6.
103 Bernard Delmaire, Le compte général du receveur d’Artois pour 1303-1304, Bruxelles, Palais des Académies, 1977, P. LXXX-LXXXIX.
104 Ce sont surtout des revenus issus de vente de céréales, notamment d’avoine. ADN, B 15177-15179.
105 ADN, B 14590-14592.
106 Saint-Omer fournit 3 939 livres en 1380, Hesdin légèrement plus en 1381-1382. ADN, B 15283.
107 ADN, B 15800-15802.
108 ADN, B 881, n° 11574.
109 ADN, B 15180. Ascension-Toussaint 1369.
110 Froissart, Chroniques…, op. cit., t. 4, Paris, 1873, p. 65.
111 Durant l’Épiphanie 1352. Les Grandes chroniques…, op. cit., t. 2, p. 5-6.
112 Mesure du 6 septembre 1369, entérinée par le roi le 1er février 1370. AMSO, BB LIX 6.
113 AMSO, BB LIX.7
114 ADPdC, A 987.4. La mesure est loin d’être isolée, et prise sur demande du procureur comtal.
115 Lettre royale. AMSO, BB 46.7.
116 AMSO, BB 46.10 ter.
117 Hesdin, 11 août 1364. AMSO, BB 167.
118 Ainsi des habitants de Surques en 1363, place d’ailleurs fort éloignée au sud-ouest de Calais mais dépendant de la châtellenie d’Ardres et considérée comme anglaise. ADN, B 16087.
119 « item est accordé que nul homme, ne pais, qui ait esté en l’obéissance d’une partie, et vendra par cest accort, à l’obéissance de l’autre partie ne soit empeschié pour chose faite ou temps passé » E. Cosneau, Les grands traités…, op. cit., p. 33.
120 Car « aultrement il ne l’eussent point acusé » comme l’ont fait les délateurs d’Evrart le Brune en 1372. ADN, B 15805.
121 ADN, B 15804.
122 En 1371. ADN, B 15801.
123 Visiblement, ces deux nobles étaient considérés comme partisans des Anglais, voire Anglais. ADN, B 15801.
124 Chandeleur-Ascension 1372. ADN, B 15806.
125 En 1373-1374. ADN, B 15810.
126 En 1373, c’est la « femme Willaume Balle, englesse demourant à Arde ou pays des Englés ennemis du roy », dont les biens sont trouvés à Saint-Omer en la maison d’un certain Jean Finart d’Ardres. De multiples monnaies y sont trouvées (nobles, écus, mailles, royaux, lions…), pour 150 francs partagés avec le délateur. ADN, B 15809.
127 Le délateur, Pierre de Caudebronne, officier de la comtesse, reçut 4 des 40 livres de l’héritage. ADN, B 15801.
128 ADPdC, A 795.
129 ADN, B 15812.
130 12 pendaisons, soit autant en 5 ans que durant les 68 années précédentes ! B. Haquette, L’Aire…, op. cit., t. 3, p. 403.
131 ADPdC, A 96.
132 ADPdC, A 97.
133 De Saint-Omer notamment. ADPdC, A 97.
134 4 mai 1377. ADPdC, A 765.
135 Leurs revenus ayant baissé en raison des guerres. ADCO, B 485 bis.
136 ADPdC, A 765.
137 Mai 1374. ADPdC, A 99.
138 ADN, B 15814.
139 1369. ADPdC, A 880.
140 25 mai 1370. ADPdC, A 739.
141 Liste des bonnes villes variable, allant jusque 12 : sept principales, Arras, Saint-Omer, Aire, Hesdin, Béthune, Lens, Bapaume, auxquelles peuvent s’ajouter Lillers, Saint-Pol, Pernes, Houdain, Aubigny. 1396, AMA, BB 3, f° 119 v.
142 Mai 1374. ADCO, B 485 bis 65.
143 Alain Derville, « Le grenier des Pays-Bas méridionaux », Revue du Nord, t. 69, 1987, p. 267-280.
144 A. Derville, Saint-Omer…, op. cit., p. 222-240.
145 Dès le 2 juillet 1363, par mandement du dauphin. AMSO, BB CCLCII. 3.
146 Avant les moissons : le 3 août 1364, le 5 juin 1364, le 4 juillet 1370 « pour les doubtes que ores sont des ennemis ». AMSO, BB 144.1.
147 11 décembre 1369. AMSO, BB 216.
148 AMSO, CCLXXXI.6.
149 AMSO, CXLIV.10.
150 En 1372. ADN, B 15805.
151 ADN, B 15809.
152 Paris, 15 avril 1376. AMSO, BB 144.11.
153 Paris 16 janvier 1411. AMSO, BB 216.
154 En 1356, c’est là que les gens de guerre sont payés par Arnoul d’Audrehem. É. Molinier, Etudes…, op. cit., p. 230-231.
155 400 000 écus mis aux coffres de l’abbaye Saint-Bertin en juillet 1360 ! Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Paris, Fayard, 1980, p. 279.
156 Les paiements pour soldes et travaux du capitaine du château de Tournehem sont souvent payés par la recette de Saint-Omer en 1369-1371. ADN, B 15803.
157 Le château de Tournehem sert en 1372 d’arsenal pour alimenter les autres châteaux, notamment en viretons. ADN, B 15805.
158 Réductions pour l’Artois en tant que « pays de frontières » de la part du roi le 8 novembre 1375, en raison des destructions et chevauchées. AMSO, BB 46.17.
159 Déjà en 1365 (AMSO, BB 46.5), encore en 1376 (AMSO, BB 46.17 bis) et 1377 (AMSO, BB 46.21).
160 ADPdC, A 102.
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