Mission et traduction dans l’ordre des Dominicains espagnols au XVIe siècle1
p. 39-56
Résumé
Les missionnaires dominicains qui ont accompagné les conquistadors espagnols en Amérique au XVIe siècle ont dû faire face à une réalité inattendue en raison de l’ignorance des langues et des cultures autochtones. La perception des Indiens, les conflits avec le projet politique et militaire de la couronne espagnole, avec l’Église et même aussi avec d’autres ordres, ont été fort présents dans leur système de prédication. À l’aide de la description des langues indigènes et de la traduction des œuvres catéchétiques, liturgiques, scientifiques, littéraires, artistiques, etc., ils ont réussi l’approche et l’inculturation de ces peuples. Les méthodes de traduction suivies pour l’élaboration de leur œuvre, ainsi que les conséquences de leurs procédés d’évangélisation, font l’objet de ce travail.
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Mots-clés : Missionnaires, Dominicains, Indiens, traduction, perception
Texte intégral
Avant-propos
1Les missionnaires et les indigènes du Nouveau Monde ont dû vivre quelque chose d’identique à l’esprit de la Pentecôte. En effet, ils ont réussi à se comprendre même s’ils ne partageaient ni les mêmes langues ni les mêmes cultures et qu’ils avaient encore moins conscience de leur existence mutuelle. En réalité, le contexte dans lequel s’est produite cette rencontre ne semble pas non plus très différent de celui qui est raconté dans les Actes des Apôtres. Les ordres mendiants, qui avaient vu le jour au XIIIe siècle, tel un appel de l’Évangile et en réaction à une période de crise et d’incrédulité religieuse, étaient au XVIe siècle en pleine réforme des abus, appelant à un retour au sens authentique de l’Évangile et aux temps apostoliques au sein des couvents. Les hommes de la nouvelle église, avant la découverte du Nouveau Monde, ont vu dans ces terres un nouveau défi et un véritable scénario à travers lequel ils transmettraient les valeurs du christianisme.
1. L’ordre dominicain
1.1. Identité dominicaine
2L’ordre des Prêcheurs a marqué une nouveauté radicale au moment de sa fondation en 1216, il y a 800 ans, par l’Espagnol Domingo de Guzman Garcés (que nous nommerons désormais Saint Dominique de Guzman). Les nouveaux moines « prédicateurs » étaient destinés à prêcher la parole de Dieu pour le salut des hommes2, incluant la dévotion à la Sainte Vierge du Rosaire comme un moyen d’orienter les âmes vers Jésus.
3Du point de vue dominicain, la tâche apostolique est, comme l’a noté Hinnebusch, « d’étudier, d’enquêter et de découvrir de meilleures formes plus efficaces et plus modernes de diffuser le message de l’Évangile » (2000 : 9). Le surnom de « Dominicains » (dominus canis) – les chiens de Dieu – résume également son esprit et sa nature. La prédication est leur mission par excellence mais aussi leur devoir. Cependant, pour imiter la vie du Christ et celle des apôtres, seuls les hommes matures et bien préparés devaient être envoyés. La quête de la vérité nécessitait une solide formation. Ainsi, pour intégrer l’Ordre, il n’était pas tellement important de pouvoir s’appuyer sur de solides ressources matérielles ou de se prévaloir d’une bonne origine sociale. Le critère était principalement intellectuel : ne pouvaient accéder à l’Ordre que ceux qui savaient le latin, c’est-à-dire ceux qui avaient acquis une formation académique préalable. Le résultat final de cette sélection et l’accent mis sur les études philosophiques de l’institution et en particulier sur la théologie firent que l’Ordre devint un véritable centre d’apprentissage ou institut de chercheurs. Depuis le début, les étudiants ont toujours joui, par rapport à leurs camarades, de dispenses de l’observance du culte et de certaines activités communautaires.
1.2. Les Dominicains et le Nouveau Monde
4La mission dominicaine en Amérique commence le 11 février 1509, lorsque le roi d’Espagne accorde la permission à l’Ordre de transférer quinze moines vers les Indes à destination de l’île dite l’Hispaniola (future île de Saint-Domingue). Si Frère Dominique de Mendoza avait été le promoteur de la campagne, il a été remplacé par Frère Pierre de Cordoue, le premier ayant été appelé à Rome pour finaliser les démarches devant le Maître Général de l’Ordre, Frère Thomas de Vio Cayetano3. Les quinze religieux étaient divisés en trois groupes qui ont embarqué à quelques mois d’intervalle, entre 1510 et 1511. À bord du premier navire voyagèrent quatre frères de San Esteban : Pierre de Cordoue, Antoine Montesinos, Bernard de Santo Domingo et le laïc Dominique de Villamayor, qui est retourné en Espagne peu après. La deuxième expédition a été menée par Thomas de Berlanga accompagné de Thomas Fuentes, François de Molina, Pierre de Medina, Paul Trujillo et un profane, la troisième par Frère Dominique de Mendoza accompagné de six frères. Les premiers frères sont restés chez un certain Pierre Lumbreras (un Espagnol de Santo Domingo), logés dans une cabane, qui était pour eux le grand couvent de Salamanque4.
1.3. L’expansion en Amérique
5Après leur arrivée à l’Hispaniola en 1510, les Dominicains prolongèrent leur mission en Amérique les années suivantes : ils s’établirent d’abord à Cuba en 1512, à Margarita et au Venezuela en 1516, à Panama en 1519, au Pérou en 1524, au Mexique en 1526, en Amérique centrale et en Nouvelle-Grenade en 1529, en Équateur en 1534, au Chili en 1540, en Floride en 1542 et en Argentine en 1550. Ils ont fondé, tout au long du XVIe siècle, les provinces de Santa Cruz de las Indias (1529), Santiago, Mexique (1532), San Juan Bautista del Perú (1540), San Vicente de Guatemala et San Antonino Nouveau Royaume de Grenade (1551), Hippolyte de Oaxaca (1580), Santa Catalina de Quito et San Lorenzo Martir du Chili (1586).
1.4. Le conflit avec les conquérants, le clergé séculier et les autres ordres
6Le projet missionnaire de ces Dominicains n’a pas tardé à entrer en conflit avec le projet politique et militaire, avec l’Église et même avec d’autres ordres. Les écrits de Bartolomé de las Casas dénonçant les atrocités commises contre les Indiens5 et le sermon de Montesinos du 21 décembre 15116, qui était certainement le travail de la communauté entière, accompagné d’actes tels que celui de refuser l’absolution à ceux qui sont allés à confession sans au préalable rendre la liberté aux Indiens7, agitent les esprits politiques et religieux ; même le Roi s’en rend compte, ce qui provoque le rappel à l’ordre du Provincial Fray Alonso de Castilla Loaysa du couvent de San Esteban.
7En outre, de la demande de Las Casas et Montesinos est également né le « doute indien », qui a atteint l’Assemblée de Valladolid tenue en 1550 et 1551 au Collège de San Gregorio de Valladolid, avec la controverse identitaire (indigènes américains ou indiens) ; celle-ci opposa deux façons de concevoir la conquête de l’Amérique, celle des défenseurs et celle des ennemis des Indiens : la première a été représentée par Bartolomé de las Casas et Francisco de Vitoria, aujourd’hui considérés comme des pionniers de la lutte pour les droits de l’homme et de l’égalité de tous les hommes ; la seconde a été représentée par Juan Ginés de Sepúlveda, qui a défendu la loi et l’opportunité de la domination espagnole sur les indigènes, qu’il considérait comme moralement et rationnellement inférieurs, et par conséquent esclaves par nature.
8À leur tour, les relations des Dominicains avec d’autres ordres sont passées, au cours du siècle, par toutes les phases possibles, des conflits et des affrontements aux grandes déclarations d’amitié. La première confrontation avec les Franciscains a eu lieu deux ans après leur arrivée, lorsque les Dominicains défendaient la Cour contre l’ordre des Frères mineur dans une question litigieuse ; et plus tard encore à cause de litiges fonciers et à propos de la gestion des âmes.
2. La perception des Indiens
9Les religieux ont essayé dès le départ de comprendre l’Indien pour savoir comment traiter avec lui la question de la reconversion religieuse, bien que la plupart des missionnaires aient considéré les Indiens à partir d’une perspective ethnocentrique, croyant que la meilleure civilisation était l’européo-chrétienne et que celle-ci devait être propagée et prêchée. Chez les Indiens eux-mêmes, il y a lieu de relever des différences de sensibilité et de caractère. Les Indiens novo-hispaniques étaient considérés comme un peuple bien plus développé que les Antillais, par exemple. En 1529, le Franciscain Pedro de Gante, qui a travaillé au Mexique, note que, d’après lui, les Indiens étaient prêts à accomplir toute tâche, et en particulier à être catéchisés8. Tout en confirmant l’avis de Gante et celui de François de Vitoria, le Franciscain Motolinía fondait sur l’éducation les progrès réalisés par les Indiens. Ceux-ci possédaient selon lui un « grand esprit et [une] capacité à assimiler toutes les langues, les arts et métiers qu’on leur a appris »9.
10Dans leurs remarques initiales, les Dominicains ont également constaté que les Indiens étaient « docilísimos à natura »10 (très obéissants par nature) et « de gran humildad, obediencia y docilidad »11 (très humbles, obéissants et dociles). Eux-mêmes, comme les Franciscains, voyaient certainement les Indiens comme des enfants ; cependant, les Franciscains s’attendaient à constater un processus naturel de croissance et de maturité grâce à l’éducation, tandis que les Dominicains, dans un esprit intellectuel plus fort, semblaient les voir dans un état enfantin perpétuel, si bien qu’« aucun résultat n’était attendu de leur étude »12. Dans sa déclaration auprès du Conseil des Indes en 1534, Dominique de Betanzos confirme cette opinion en déclarant des Indiens qu’ils « ont une capacité limitée : comme des enfants »13.
11Les points de vue divergents entre Dominicains et Franciscains étaient aussi manifestes à propos d’autres sujets, tels que la possibilité d’instaurer un clergé indigène, ce qui, dans un premier temps, a été envisagé avec réticence par les Dominicains, à l’opposé des Frères Mineurs. Ceux-là étaient sous l’emprise du critère traditionnel de la religiosité espagnole, qui exigeait la pureté de sang pour devenir prêtre. Les frères Dominicains considéraient que les Indiens avaient un certain nombre de défauts qui les empêchaient de se consacrer à cette tâche (manque d’autorité, incapacité de maintenir le célibat, propension à l’ivresse et capacité limitée pour exécuter un travail intellectuel).
12Il est hors de doute que les ordres religieux connaissaient le mieux les indigènes ; aussi étaient-ils très souvent consultés par les autorités civiles. L’ordre de Saint-Dominique n’était pas dupe de ces consultations, et dans ce prieuré du Mexique il était sûrement celui qui pouvait fournir le plus grand nombre d’informations sur les indigènes (Pita 1992 : 166).
3. L’étude des langues indigènes
13Lorsque les premiers Dominicains sont arrivés en Amérique en septembre 1510, l’un de leurs premiers objectifs a été de se livrer à l’étude des langues des indigènes14. Ils ont été guidés par un double but : assurer leur survie et faciliter l’évangélisation des expéditions ultérieures, atteignant rapidement un niveau optimal de connaissances. On citera en guise de preuve l’Instruction que le cardinal Cisneros adressa aux commissaires de l’ordre des Jeronimos : « Vous prendrez avec vous quelques religieux parmi les Dominicains et les Franciscains qui sont là-bas en tant qu’interprètes » ; cette Instruction fait écho à la Charte envoyée par Rodrigo de Figueroa à Charles V le 6 juillet 1520 : « Il n’y a personne dans ces régions-là qui connaisse leur langue, sauf moi, qui l’ai apprise des moines dominicains » (Medina 1992 : 83).
14Le couvent de Saint Dominique du Mexique a également joué un rôle primordial pour l’apprentissage des langues. Les membres des différentes expéditions de la péninsule ont d’abord été logés au couvent, leur tâche d’évangélisation allant de pair avec l’étude des rudiments des langues autochtones15. Agustín de Remesal évoque la présence d’œuvres grammaticales et de vocabulaires de ces langues dans la bibliothèque du couvent de Saint Dominique, au cours de son récit sur la grande expédition à destination de l’Amérique centrale en 1544 ; il souligne également le rôle de Frère Dominique de Vico, auteur des arts et de vocabulaires en sept langues parlées sur l’île de Saint-Domingue et au Guatemala16.
15La langue était sans aucun doute l’outil principal pour faire réussir la conquête et l’évangélisation de l’Amérique. Antonio de Nebrija avait parfaitement raison en répondant comme suit à la question de la reine Isabelle de Castille relative à l’intérêt de la grammaire du castillan qu´il venait de publier en 1492 : c’est « un instrument de l’empire ». Au demeurant, il est notable que les traducteurs et interprètes du Nouveau Monde recevaient le nom de lenguas et dans certains cas de naguatlatos17, rouages essentiels de la mission. On attendait de ces derniers d’être fidèles au message et, au-delà, de faire preuve de « chrétienté et de bonté », mais on leur faisait aussi comprendre que la mauvaise performance dans l’exercice de leurs fonctions conduirait à des punitions diverses, coûteuses et durables.
16Frère Reginaldo de Lizarraga nous offre les noms de bons évangélisateurs interprètes parmi les Dominicains : le Père Melchior de los Reyes, Augustin Formicedo, Dominique de Narvaez, Michel de Cerezuela ou Frère Dominique de la Cruz18. Faisant allusion à la vie des 48 frères tués entre 1555 et 1619 dans le couvent du Guatemala, Remesal a déclaré que 31 d’entre eux furent « langues [interprètes] des Indiens »19.
4. La méthode missionnaire et linguistique
17Les premiers missionnaires ont conçu une méthode qui a été modifiée au fil du temps en s’adaptant aux circonstances et en tenant compte de l’expérience acquise. La méthodologie distinguait plusieurs étapes : tout d’abord, il s’agissait d’analyser les caractéristiques des indigènes (rappelons qu’on les considérait comme des enfants et qu’ils devaient être traités comme tels lors de l’explication des principes de la foi) ; en second lieu, on préparait de petits ouvrages simples destinés à leur formation (par exemple, les doctrines et les brochures écrites par les missionnaires). Au demeurant, la manière dont les Dominicains présentaient leurs travaux n’était pas anodine, la solennité et la grandiloquence de leurs célébrations visaient à faire pénétrer leurs messages moyennant le recours aux sens.
18Citons un exemple pratique de la méthodologie missionnaire : la méthode de Frère Gonzalo de Lucero, le premier missionnaire de la Mixteca. Ce religieux, ne pouvant pas s’exprimer initialement dans la langue locale, le zapotèque, a commencé par présenter la doctrine chrétienne à l’aide de dessins représentant les concepts sous forme de métaphores qui représentaient les différentes manières de vivre dans le monde20. Outre ces moyens visuels, les missionnaires mettaient en œuvre la musique pour diffuser la doctrine. Remesal signale à ce propos comment Las Casas a appris avec succès à chanter à quelques Indiens chrétiens21.
19Les méthodes linguistiques élaborées par les ordres religieux dans la christianisation des peuples indigènes différaient selon les régions où elles s’appliquaient. En Mésoamérique, la multiplicité des langues les a forcés à établir des dizaines de grammaires et de catéchismes, en mettant l’accent sur les langues les plus répandues, qui étaient celles des populations culturellement plus développées. Les Franciscains ont été des pionniers dans le développement des grammaires et des catéchismes en nahuatl, en otomi et en purépecha, langues véhiculaires du plateau central mexicain, ainsi que dans les langues de la famille maya, du Yucatan et du Guatemala, tandis que les Jésuites se sont consacrés à l’étude des langues des territoires frontaliers du nord du Mexique. Quant aux frères dominicains, ils ont publié les premières grammaires du zapotèque et du mixtèque de la région d’Oaxaca.
20Le castillan est donc la langue de référence des arts et des grammaires des langues indigènes. Les missionnaires écrivent en effet pour ceux qui ne maîtrisent pas ces langues, en particulier les prédicateurs qui connaissent très bien le latin et le castillan. Si la langue latine est connue à travers l’art, la langue castillane est connue par l’usage ; mais seule la langue usuelle – le castillan – est utilisée pour traduire. L’instrument immédiat de l’évangélisation était le castillan et c’est cette langue que l’Indien devait apprendre, non pas le latin.
21Beaucoup de langues autochtones n’avaient pas d’écriture, si bien que les missionnaires ont dû reconstruire leur phonétique à partir du castillan. Elles n’avaient même pas de règles de grammaire explicites, qui ont dès lors dû être formulées d’après l’usage de ces langues pour faciliter leur apprentissage. En ce qui concerne le système de numérotation, il était vigésimal, comme dans les langues de nombreux peuples primitifs, et les Indiens préféraient compter en castillan (étant donné qu’il était difficile de compter au-delà de dix avec les mains).
22Les Dominicains ont appris les langues indigènes au milieu des autochtones, dans les maisons de leur juridiction ou « vicariats des Indiens » et ils ont transmis leurs savoirs aux expéditions suivantes moyennant des leçons ou travaux écrits, comme on verra ci-après. Au cours de ses visites des couvents, le Provincial ne manque pas l’occasion de donner aux frères des ordres ayant trait au bon fonctionnement du couvent. Dans la disposition 56, on lit textuellement : « J’ordonne que frère Jean de Torres rédige un art et un vocabulaire de la langue guatémaltèque22 et utlatèque23 dans un délai de quatre mois, en vertu de la sainte obéissance ». Comme le signale Remesal en 1549, « en visitant le couvent de Saint-Dominique, le Père Thomas de la Torre avait ordonné l’organisation, au bénéfice des religieux, d’une conférence quotidienne sur la langue du pays »24. En 1562, on en arrive à qualifier de péché mortel le retour en Espagne des religieux connaissant la langue des indigènes25. Et lors du Chapitre provincial de 1564, il est ordonné aux supérieurs des maisons d’obliger les religieux connaissant les langues du pays à composer des arts et des vocabulaires et à laisser leurs travaux et leurs manuscrits dans les bibliothèques des couvents26. Enfin, le Chapitre du Guatemala de 1572 fait observer en outre qu’« aucun religieux qui vient d’Espagne, aussi savant et dévot qu’il puisse paraître, ne pourra confesser ou prêcher avant de connaître quelque langue de cette province »27.
5. L’auteur collectif
23L’un des aspects intéressants de la littérature monastique est la présence d’œuvres collectives. On a beaucoup écrit sur la paternité du fameux sermon d’Antoine de Montesinos contre l’esclavage et les abus envers les Indiens, un sermon qui provoqua la confusion au sein de l’Ordre lui-même, voire un scandale politique. C´est la veille du dimanche 21 décembre 1511 que tout s’est déroulé : les huit membres de la congrégation se sont rassemblés dans le Chapitre, ils ont tous préparé et signé un « sermon » contre l’esclavage, dont on a commandé la lecture à Frère Antoine Montesinos « sous le précepte formel et en vertu de la sainte obéissance ». Ce sermon intitulé « Advent » a produit un tel esclandre dans la société coloniale toute-puissante, qui devait précisément sa richesse à l’exploitation des esclaves des populations autochtones, que le vice-roi Diego Colomb s’est rendu immédiatement chez le Frère Pierre de Cordoue dans le couvent dominicain pour exiger l’expulsion de Frère Antoine Montesinos ou la rétractation de celui-ci la semaine suivante en donnant un sermon plus doux et apte à calmer les esprits. Cependant, à la grande surprise des présents, le dimanche suivant, le discours prenait un tour encore plus belliqueux.
24Dans les œuvres écrites, l’auteur collectif constitue également une pratique courante. Dans la Doctrina cristiana para instrucción e información de los indios por manera de historia (Doctrine chrétienne pour l’instruction et l’information des Indiens par le biais de l’histoire), imprimée au Mexique en 1544 et due à Frère Pierre de Cordoue, on lit ceci : « compuesta por el mismo reverendo padre fray Pedro de Córdoba… y por otros religiosos doctos de la misma Orden » (composée par le révérend Frère Pierre de Cordoue... ainsi que par d’autres religieux savants de l’Ordre). Il en va de même pour la Doctrina christiana en lengua Española y Mexicana : hecha por los religiosos de la orden de sancto Domingo (Doctrine chrétienne en langues espagnole et mexicaine : faite par l’ordre religieux de Saint-Domingue), 1548. L’écriture en groupe, le partage des idées et la responsabilité solidaire sont des caractéristiques de certaines communautés, telle la congrégation religieuse.
6. La production traductographique et linguistique
6.1. Catéchismes, arts, grammaires et vocabulaires
25Il est totalement impossible d’établir un inventaire complet des travaux de linguistique et de traduction écrits par les Dominicains, étant donné que beaucoup ont été perdus, cependant que d’autres ont pu nous parvenir sous forme matérielle ou moyennant la référence à un auteur. Voici un recensement systématique issu des travaux de Miguel Ángel Medina et de José Simon Díaz. Ces œuvres et d’autres encore, qui ont pu être localisées dans les archives et les bibliothèques, font déjà partie de notre catalogue d’œuvres lexicographiques et de traduction des Dominicains28.
Caraïbes
26Frère Dominique de Vico : Vocabulario de la lengua general de la isla de Santo Domingo (date inconnue).
27— , Vocabulario de la lengua de la isla de Santo Domingo (date inconnue).
Nouvelle Espagne
28Frère François Alvarado, Vocabulario en lengua mixteca, hecho por los Padres de la Orden de Predicadores que residen en ella, y últimamente recopilado y acabado por el P. …, vicario de Tamaçulapam de la misma Orden. En casa de Pedro Balli, México 1593.
29Frère Dominique d’Ara, Vocabulario de la lengua tzendal, según el orden de Copanabastla, ms. 1571. Impreso en México en 1986.
30— , Arte de la lengua tzendal. Impreso en México en 1986.
31Frère Marcos Benito, Arte de la lengua mije (date inconnue).
32Frère Bernard Bejarano, Vocabulario de la lengua mije (date inconnue).
33Frère François Cepeda, Arte de los idiomas chipaneco, zoque, tzendal y cinancantseco, México 1560.
34Frère Jean de Cordoue, Vocabulario en lengua zapoteca, hecho y recopilado por el muy reverendo padre… de la Orden de Predicadores, que reside en esta Nueva España. Con licencia. Impreso por Pedro Charte y Antonio Ricardo. En México. Años de 1587.
35— , Gramática zapoteca, compuesta por el muy reverendo Padre… de la Orden de Predicadores de esta Nueva España. En México, en casa de Pedro Balli, año de 1578.
36Frère Pierre de la Cueva, Arte de la lengua zapoteca. Escrito entre 1551 y 1615.
37Frère Antoine Davila : Arte para saber la lengua mexicana, reduciendo sus elegancias a método.
38Frère Pierre de Feria, Vocabulario en lengua zapoteca (1578).
39— , Arte en lengua zapoteca. (1578)
40Frère Louis de Guzman, Vocabulario y arte de gramática de la lengua chichimeca. [Nous ne savons pas si l’ouvrage a été terminé.]
41Frère Marc Martinez, Arte de la lengua utlateca, muy bien ordenada (date inconnue).
42Frère Jérôme Moreno, Arte de la lengua zapoteca (date inconnue).
43Frère Antoine del Pozo, Arte de la lengua zapoteca (date inconnue).
44Frère Antoine de los Reyes, Arte de la lengua mixteca, compuesta por el P. …, vicario de Tepuzcukulula. En casa de Pedro Balli, México 1593.
45Frère Diego del Río, Diccionario en lengua mixteca (date inconnue).
46Frère Dominique de Santa María, Arte y Gramática de la lengua mixteca. [D’après Ricard, elle s’intitulait : Doctrina Cristiana y Arte de la lengua mixteca (1550), voir Ricard 1986 : 431-434.]
Amérique centrale
47Frère Dominique de Vico, Artes y Vocabularios de siete lenguas (date inconnue).
48— , Vocabulario de la lengua Cakchiquel (date inconnue).
49Frère Thomas de Cardenas, Arte de la lengua cachí (date inconnue).
50Frère Benoît Villacañas, Arte y vocabulario de la lengua cachiquel (date inconnue).
51Frère Jean de Samaniego, Arte de la lengua mexicana que se habla en la provincia de San salvador (date inconnue).
52Frère Pierre Morán, Vocabulaire des noms de la langue du Pokoman (date inconnue).
53Frère François de Viana, Art majeur de la langue principale de Coban (date inconnue).
54— , Gramática de la lengua quiché. Gramática de las lenguas quiché, caqchiquel y sutojil (date inconnue).
55— , Tesoro de las tres lenguas (date inconnue).
Pérou et Équateur
56Frère Benoît de Jarandilla, Gramática y Vocabulario en la lengua de los indios del valle de Chicama. (Le travail n’a pas été publié).
57Frère Thomas Duran et Ribera, Catecismo y Doctrina cristiana, con curioso Arte y Vocabulario y sermones (date inconnue).
58Évangélisateurs de Chucuito, Artes, Vocabularios… en lengua aymara (date inconnue).
59Frère Dominique de Santo Tomas, Gramática o arte de la lengua general de los indios de los Reynos del Perú. Nuevamente compuesta por el Maestro… de la Orden de S. Domingo, morador en dichos Reynos. Impresa en Valladolid, por Francisco Fernández de Córdoba, impresor de la M.R. Con privilegio… Acabóse a diez días del mes de henero año 1560. / Lexicón o Vocabulario de la lengua original del Perú, compuesto por el Maestro… de la orden de S. Domingo, S. Dominicus Praedicatorum dux. Impreso en Valladolid, por Francisco Fernández de Córdoba, impresor de la M.R. Con privilegio… Acabóse a diez días del mes de Henero. Año de mil y quinientos y sesenta.
6.2. Traductions
60Les vocabulaires, les arts, les grammaires et les autres ouvrages écrits dans des langues indigènes accordent une place substantielle à la traduction, raison pour laquelle nous les présentons ensemble. Parallèlement, des traductions stricto sensu ont également été faites, et il n’est pas facile comme dans le cas précédent de les répertorier parce qu’elles n’ont pas toujours été conservées. Nous avons listé ci-dessous quelques traductions célèbres :
61Frère Bernard d’Albuquerque, Catecismo o tratado de la Doctrina cristiana.
62Frère Marc Benito, Devocionario manual de los misterios del rosario en idioma mije.
63Frère Diego de Carranza, Doctrina Cristiana en lengua chontal.
64Frère Pierre de Cordoue, Doctrina cristiana para instrucción e información de los Indios por manera de historia.
65— , Réimpression de la Doctrina… que compuso fray Pedro de Córdoba en la Española, 1544.
66Frère Jean d’Estrada ou de la Magdalena, Escala Espiritual de San Juan Clímaco [premier ouvrage sorti des presses d’Esteban Martín du Mexique en 1535, utilisé surtout par les novices dominicains].
67Frère Pierre de Feria, Confesionario Zapoteco.
68— , Doctrina Cristiana en lengua zapoteca.
69— , Doctrina Cristiana en lengua castellana y zapoteca.
70— , Confesionario en lengua zapoteca.
71Frère Alejo García, Calendario Perpetuo (date inconnue).
72Frère Benoît Hernandez, Doctrina en lengua mixteca, 1567.
73Frère Jérôme Moreno, El símbolo de San Atanasio (traducido a la lengua zapoteca) / Evangelios y epístolas de San Pablo, traducidos a la lengua zapoteca (date inconnue).
74Frère Diego de Santa Maria, Doctrina en mixteco.
75Frère François de Viana, Arte mayor de la lengua de Cobán, de Fray Dionisio de Zúñiga, traduit en castillan (date inconnue).
76Frère François de Viana et Frère Gonzales Ximeno, Sermones en lengua Pokonchi por el padre fray Francisco de Viana, y el padre fray Gonzales Ximeno, arreglados por el padre fray Dionisio de Zúñiga, 1550.
77Frère Dominique de Vico, Sermonario en Cakchiquel (date inconnue).
78Frère François Ximénez, El Perfecto Párroco, en langues quiché, cakchiquel et sutojil (date inconnue).
79— , Tesoro de las tres lenguas (quiché, cakchiquel et sutojil) (date inconnue).
80Frère Jean de Zumárraga et Frère Dominique de Betanzos, Declaración y exposición de la Doctrina Cristiana en lengua española y mexicana (édition identique à l’antérieure mais avec des ajouts, 1548).
81Il existe d’autres œuvres où la participation des Dominicains semble très probable, mais il n’est pas facile de le démontrer comme, par exemple, pour le Confessionario para los curas de indios : con la instrucion contra sus ritos y exhortacio para ayudar a bien morir y summa de sus priuilegios y forma de impedimentos del matrimonio / compuesto y traduzido en las lenguas quichua y aymara por autoridad del Concilio Prouincial de Lima del año de 1583. L’ouvrage de Frère François Ximénez, Tesoro de las tres lenguas (quiché, cakchiquel, sutojil), cité ci-dessus, contient des documents indigènes très importants avec la traduction en castillan, comme le célèbre livre sacré des Quichés Popol Buj, découvert par Ximénez dans le village de Saint-Thomas Chichicastenango29.
82Les niveaux d’éducation sur le continent européen ne pouvant être comparés à ceux de l’Amérique du XVIe siècle, nous devons prendre en compte la variation des volumes de traduction publiés de continent à continent. En effet, dans l’espace occupé par le sud de l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et une partie de la Bolivie, seuls quatre livres ont été publiés durant les trois siècles coloniaux : trois en latin et une traduction française30. Les seuls livres auxquels avaient accès les indigènes étaient ceux produits par les missionnaires, et donc leur seul contact écrit avec la culture et la civilisation européenne porte ce signe distinctif. Mais on ne devrait pas penser que ces travaux connaissaient une divulgation aisée, bien au contraire. En Amérique, le zèle inquisitorial est venu poursuivre au plus profond les textes religieux ainsi que les vocabulaires. Quand, après 1559, l’Inquisition interdit en Espagne la traduction des Écritures et d’autres textes en castillan, beaucoup de ces manuels (contenant des passages de la Bible dans certaines langues déjà disparues) ont été détruits. Pour éviter toute confusion parmi les Indiens et « à cause d’erreurs de traduction », le Premier Concile mexicain de 1555 ordonna de rassembler « tous les sermons dans les langues indiennes qu’ils possédaient, dans l’espoir de leur en fournir plus tard d’autres nouveaux et ajustés à leur esprit. Chaque copie rendue à un Indien devait être signée par le prêtre qui l’a mise dans leurs mains »31. Les lois sur les Indiens de 1574, 1575 et 1584 viendront renforcer ces mesures.
83L’obsession de l’idolâtrie et de l’hérésie sera aussi forte dans la politique de Philippe II, qui interdit de narrer ou de commenter les coutumes des Indiens ; il interdit aussi la traduction des Écritures dans les langues des indigènes et tous les ouvrages écrits par les Franciscains ; Frère Alonso Montufar, chargé des fonctions d’Inquisiteur devant le Saint-Office, a officiellement interdit la vente de ces œuvres et a ordonné de recueillir tous les volumes. Certains traducteurs ont substitué des mots castillans ou latins à des termes difficiles.
84Il convient de noter que beaucoup de ces œuvres, écrites au XVIe siècle, ont fait l’objet d’une publication bien plus tard. Ainsi, la Historia eclesiástica indiana du Dominicain Frère Gerónimo de Mendieta, écrite à la fin du XVIe siècle, a été publiée pour la première fois au Mexique en 1870 ; elle contient des observations importantes tirées de sources originales sur la vie du Mexique préhispanique, ayant une haute valeur traductologique à cause de nombreuses références linguistiques et culturelles. Frère Diego Duran est l’auteur dominicain de l’un des premiers ouvrages sur divers aspects de la société mexica, la Historia de las Indias de Nueva España y Islas de Tierra Firme (appelée parfois Code Duran), comportant des dessins, des études de langue, des mythes, des légendes, des dieux, des rites funéraires, des passages relatifs à la culture, à la gastronomie, et à l’organisation sociale et politique. Ce code a fait l’objet d’une traduction littérale par le Mexicain José Fernando Ramirez, qui lui a cédé son nom, le Code Ramirez, publié en 1867-1880 au Mexique. L’œuvre de Frère Bartolomé de las Casas, Apologética historia de las Indias, a été écrite également au XVIe siècle mais elle n’a été publiée qu’en 190432.
7. La traduction intersémiotique
85Comme l’indique McAnfrews (cité dans Horcasitas 2004 : 215), les frères utilisaient pendant leurs sermons des dessins ou de grands tableaux peints pour expliquer leur thème s’ils n’étaient pas experts dans la langue indigène. Ils préparaient également d’autres aides visuelles pour le sermon : ainsi, quand le prêtre parlait de la crucifixion et de la mort de Jésus Christ, la poitrine de l’image de la croix était perforée avec une lance et de l’eau rouge en suintait, simulant du sang. Pour la fête de l’Ascension, l’image de Jésus Christ était élevée avec des cordes jusqu’au ciel (McAnfrews, cité dans Horcasitas 2004 : 215).
86La danse et le théâtre sont des moyens privilégiés de représentation symbolique qui donnent sens au texte. La danse est mouvement, énergie et stimulant et fait partie de notre vie quotidienne comme un symbole de plaisir et comme rituel de vénération. Dans les différentes cultures, la danse est associée aux cérémonies d’initiation, aux rites de fertilité, à la pluie, à la guerre et à la mort. La danse est pratiquée durant les fêtes de la moisson et pendant la guerre pour créer un état de frénésie. Un grand nombre de danses actuelles est développé à partir des anciens rituels, et plusieurs danses folkloriques européennes ont leurs racines dans les rituels de printemps des Grecs et des Romains. Le théâtre, avec des attitudes et des gestes plus contrôlés, nous offre une représentation symbolique du monde où nous vivons.
87Le public était en majorité composé d’Indiens et des milliers d’entre eux ont également joué comme acteurs de ces scènes. Nous ne saurions dire si le chiffre de 50 000 travailleurs et de 80 000 spectateurs donné par le Père De las Casas pour la pièce de l’Assomption est vraiment exact. Au cours du XVIe siècle, on recense des représentations dans 34 langues américaines : guarani, tupi, aymara, quechua, pipil, chorotega-mangue, quiche, ixil, cakchiquel, kekchi, achi, chorti maya, zoque, totonaques, tabasco chontal, cuitlatec, zapotèque, mije, mixtèque, chocho, nahuat, otomi, matlatzinca, pame, tarasque, cora, mayo, yaqui, tarahumara, tepehuan, algonquien, chinook et snohomish33.
Pour conclure : réussites et échecs
88L’activité missionnaire des Dominicains a bénéficié de « succès », grâce aux connaissances qu’ils avaient acquises sur les Indiens, et grâce à leur aptitude à surmonter les défis constitués par l’étude des langues, des coutumes et de la mentalité des Indiens ; la défense des droits des Indiens, que prenaient en charge les Dominicains grâce à Las Casas et Vitoria, a permis de voir des êtres naturels ayant une âme et des sentiments, mais les Dominicains ont fini par être victimes de leurs propres convictions, qui leur ont joué un mauvais tour.
89Les Dominicains avaient pénétré l’âme et la mentalité des Indiens, mais ils n’avaient pas suffisamment mesuré la réaction de ces derniers. « L’émergence continue de l’idolâtrie a démontré la précarité des gains qu’ils ont faits dans l’évangélisation »34. Citons une nouvelle fois Maria Teresa Pita :
Cette constatation est peut-être l’échec de la première génération de missionnaires. Dans une société polythéiste l’acceptation d’un dieu de plus ne comportait aucun problème, surtout s’il s’est avéré le plus puissant. Le problème s´est posé lorsqu’il fallait bannir de son esprit les nombreux dieux qui, compte tenu de leur caractère terrifiant, pouvaient riposter si leurs cultes étaient négligés par le nouveau dieu.35
90Les méthodes d’autorité mises en œuvre (et courantes aussi dans la société espagnole et dans la société européenne de l’époque) comprenaient du chantage moral, affectif et même du chantage physique, un chantage qu’on justifiait par la nécessité d’imposer des lignes directrices à un groupe qui, par sa nature, était « plus propre à être gouverné qu’à gouverner »36 ; elles ont produit des effets contraires. Parvenues aux oreilles de la Cour, elles ont dû être reconsidérées par les frères.
91Il n’en va pas autrement pour l’aspect religieux, les générations postérieures de missionnaires ayant cherché à reconstituer les anciennes visions du monde pour s’attaquer aux racines du problème : la prise en considération de la théologie des religions indigènes. Grâce à leur action éducative globale, les missionnaires ont introduit les Indiens à de nouvelles formes de connaissance et d’organisation sociale et productive qui ont transformé leur agriculture, leur industrie, etc. Il ne fait aucun doute que les prédicateurs ont joué un rôle culturel important, même si cela peut être vu autrement. Le fait que les Dominicains s’étaient opposés initialement à l’éducation intellectuelle des indigènes ne signifie pas leur insouciance vis-à-vis d’eux, peut-être faudrait-il chercher la cause dans le zèle profond avec lequel cet ordre se représentait la sagesse et la vérité, sa vérité. Avec la force de leurs convictions, de la connaissance et de l’expérience pratique des méthodes d’évangélisation qui avaient été utilisées, ils auraient sans doute pu recommencer à nouveau, avec plus de chances de succès.
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Notes de bas de page
1 Travail effectué dans le cadre du projet R & D du Gouvernement espagnol Réf. FFI2014-59140-P « Catalogage et étude des traductions des Dominicains espagnols et latino-américains ».
2 Voir la Préface des Constitutions du Chapitre de 1220.
3 Voir Ramón Hernández 1985 : 57-93.
4 Voir J. López 1615 : 166.
5 Bartolomé de las Casas 1999.
6 Le vicaire Pedro de Córdoba avait demandé au Frère Antón Montesinos, l’un des premiers Dominicains ayant débarqué sur l’île, de prononcer le sermon. Les premiers postes étaient réservés aux premières grandes autorités coloniales, y compris l’amiral Diego Colomb, fils du Conquistador ; y était également présent le clerc Bartolomé de las Casas, en sa qualité de « encomendero ». Leurs prières furent dominées par des paragraphes chargés de colère : « Decid : ¿Con qué derecho y con qué justicia tenéis en tan cruel y horrible servidumbre a estos indios ? ¿Con qué autoridad habéis hecho tan detestables guerras a estas gentes, que estaban en sus tierras mansas y pacíficas donde tan infinitas de ellas, con muerte y estragos nunca oídos habéis consumido ? ¿Cómo los tenéis tan opresos y fatigados, sin darles de comer ni curarlos en sus enfermedades en que, de los excesivos trabajos que les dais, incurren y se os mueren y, por mejor decir, los matáis por sacar y adquirir oro cada día ? Y ¿qué cuidado tenéis de quien los adoctrine y que conozcan a su Dios y creador, sean bautizados, oigan misa, guarden las fiestas y domingos ? ¿Éstos no son hombres ? ¿No tienen ánimas racionales ? ¿No estáis obligados a amarlos como a vosotros mismos ? ¿Esto no entendéis ? ¿Esto no sentís ? ¿Cómo estáis en tanta profundidad de sueño tan letárgico dormidos ? Tened por cierto que en el estado en que estáis no os podéis más salvar que los que carecen y no quieren la fe de Jesucristo ».
Traduction proposée : « Dites : Avec quel droit et avec quelle justice tenez-vous ces Indiens dans une servitude si cruelle et horrible ? Avec quelle autorité avez-vous fait de si détestables guerres à ces gens, qui se trouvaient dans leurs pays doux et pacifiques, où vous avez consumé de nombreuses personnes d’entre eux, avec la mort et des dégâts inouïs ? Comment les tenez-vous dans un état de telle oppression et de telle fatigue, sans les nourrir ou les guérir de leurs maladies, qu’ils contractent à cause des travaux excessifs que vous leur donnez, et qui les font mourir, et, pour mieux dire, c’est vous qui les tuez à fin d’extraire et d’obtenir de l’or tous les jours ? Et quel soin prenez-vous de ce qu’ils soient endoctrinés et qu’ils connaissent leur Dieu et leur créateur, qu’ils soient baptisés, qu’ils entendent la messe et respectent les jours de fête et les dimanches ? Ne sont-ils pas des hommes ? N’ont-ils pas d’âme rationnelle ? N’êtes-vous pas obligés de les aimer comme vous-mêmes ? Ne comprenez-vous pas cela ? Ne le ressentez-vous pas ? Comment pouvez-vous être plongés dans un sommeil si profond, si léthargique ? Soyez sûrs que dans l’état où vous êtes, vous ne pouvez pas sauver plus que ceux qui manquent de la foi en Jésus-Christ et ne la désirent pas ».
7 Voir Pedro Fernández Rodríguez 1994.
8 Voir Geronimo Mendieta, o.c. : 217.
9 Motolinía, o.c. 1985 [1914] : 213.
10 Voir P. Catañeda Delgado, Don Vasco e Quiroga, cité dans Pita 1992 : 224.
11 Ibidem.
12 Ibidem.
13 A.H.N. Diversos 18. Carta de Fr. Domingo de Betanzos al Consejo de Indias. S.F. (1534-1535 ?), cité dans Pita 1992 : 98.
14 Dans les îles on parlait au moins trois langues : celle des Macoriges, des Ciguayos et des Tainos (voir De las Casas).
15 Voir Pita 1992 : 158.
16 [Lorsqu’ils naviguaient] « Sucedió la borrasca, que ya se dijo que puso a todos en tanto peligro de la vida. Los religiosos no atendían a otra cosa que a encomendarse a Dios, y rezar letanías, llamar los santos y hacer promesas… El padre fray Domingo de Vico, rezó un par de letanías con mucha devoción y apartándose de los demás se fue a un rincón de la nao, sacó su cartapacio, e iba decorando vocablos de la lengua de la isla de Santo Domingo, como si caminara en ella y en llegando hubiera de hacer oficio de cura entre los indios. Vióle un religioso, y dijole que aquel no era tiempo de semejante ejercicio, que lo dejase y se viniese a rezar. Y el padre fray Domingo le respondió : que aquello tenía él por tan acepto a Dios, como lo que ellos iban haciendo, y que entendía que aunque se quebrase el navío, y él fuese a la mar, si llevase el vocabulario en la mano, la había de alzar por irle leyendo, hasta que el agua le cubriese los ojos » (Remesal, o.c., II BAE 189, p. 297-298).
Traduction proposée : « L’orage est arrivé, qui, comme il a déjà été dit, les a tous mis en danger de mort. Les religieux n’avaient d’autre souci que de se confier à Dieu et de réciter des litanies, d’implorer les saints et de faire des vœux… Le père Fray Domingo de Vico a récité quelques litanies avec une grande dévotion et, en s’éloignant des autres, s’est retiré dans un coin du navire, a sorti son portefeuille et s’est mis à réciter les vocables de la langue de l’île de Saint-Domingue, comme s’il s’adressait à cette île et devait célébrer un office de guérison auprès des Indiens dès son arrivée. Un des religieux l’a vu et lui a dit que ce n’était pas le moment pour un tel exercice, qu’il devait l’arrêter et venir prier. Le père Fray Domingo lui a répondu qu’il considérait cela acceptable aux yeux de Dieu, et qu’il estimait que même si le navire se brisait et qu’il sombrait dans la mer, s’il portait le vocabulaire dans sa main, il le soulèverait pour continuer à le lire, jusqu’à ce que l’eau recouvre ses yeux ».
17 Ce mot n’est pas un terme commun, mais propre à une traduction du nahuatl. Il apparaît constamment dans les Chroniques des Indes et peut être un néologisme inventé par les Espagnols pour se rapprocher de la population locale.
18 R. de Lizárraga, « Descripción breve de toda la tierra del Perú, Tucumán, Río de la Plata y Chile », dans Historiadores de Indias, II, BAE 15, Madrid 1909, 539.
19 Idem : 256-257.
20 Voir Pita 1992 : 224-225.
21 Voir Remesal, o.c., : 228.
22 Cette langue était appelée le cakchiquel.
23 Remesal, o.c. II, BAE 196, Madrid 1964, 144.
24 Idem : 418.
25 Voir Medina 1992 : 89.
26 Ibidem.
27 Idem, I, BAE 175, 48-419.
28 Gouvernement d’Espagne, ministère de l’Économie et de la Compétitivité, Projet R & D Réf. FFI2014-59140-P, « Catalogage et étude des traductions des Dominicains espagnols et latino-américains ». http://traduccion-dominicos.uva.es.
29 Voir Ximénez, 1931, Historia de la Provincia de san Vicente de Chiapa y Guatemala de la Orden de Predicadores, III, Guatemala Introd. de A. Mencos, XXVIII-XXIX ; Medina 1992 : 105-106.
30 Voir Gargatagli 2007 : 4.
31 Idem : 26.
32 Un exemple de la façon dont le passage du temps modifie la perception des œuvres et la traduction se trouve dans l’Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne, de Bernardino de Sahagún (1938). L’auteur, un Franciscain, fut le premier à chercher des « informateurs » du pays, des personnes âgées qui connaissaient l’histoire des ancêtres. Ces derniers lui ont dicté des textes sur les dieux et les déesses, les mythes, la philosophie morale, la rhétorique, la vie sociale, les formes de gouvernement et du commerce, arts et métiers (qui a finalement constitué un « dictionnaire en action »). Selon les éditeurs français (Jourdan et Simon), il a ensuite réuni tout ce matériel avec des experts des trois langues (latin, espagnol et nahuatl), qui ont édité et écrit tout le texte en nahuatl. Sahagún a traduit le tout en castillan, un travail colossal qui couvre douze volumes correspondant à quarante années de travail (voir Gragatagli 2007 : 6).
33 Voir Horcasitas 2004 : 32.
34 Ibidem.
35 Voir Pita 1992 : 228.
36 Voir Pita 1992 : 227.
Auteur
Université de Valladolid, Espagne
Est docteur en philologie française et professeur à la Faculté de Traduction et Interprétation de Soria (Université de Valladolid en Espagne), où il enseigne l’histoire et la théorie de la traduction. Il a créé les groupes de recherche « Traduction monastique » (www.traduccion-monacal.uva.es) et « Intersémiotique, traduction et nouvelles technologies » (www.itnt.uva.es). Il est l’auteur de nombreuses publications, comme La traducción en los monasterios, Traduction et Humanisme, etc. Il est également traducteur littéraire.
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Pour une interdisciplinarité réciproque
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2017
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 1
Michaël Mariaule et Corinne Wecksteen (dir.)
2011
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 2
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2012
La traduction dans les cultures plurilingues
Francis Mus, Karen Vandemeulebroucke, Lieven D’Hulst et al. (dir.)
2011
La tierce main
Le discours rapporté dans les traductions françaises de Fielding au XVIIIe siècle
Kristiina Taivalkoski-Shilov
2006
Sociologie de la traduction
La science-fiction américaine dans l’espace culturel français des années 1950
Jean-Marc Gouanvic
1999