Chapitre X. La Fable, une philosophie néoplatonicienne du monde
p. 161-170
Texte intégral
La Nature, une géographie des dieux
1Désigner ainsi les éléments naturels par des divinités ne relève assurément pas, d’un simple ornement de style, ni d’un goût de la métaphore, n’en déplaise à un avis assez général, mais manifeste le lien spirituel qui s’établit désormais entre les divinités et les éléments inférieurs qu’elles représentent. Par le biais d’une discipline de l’imaginaire, il se produit un phénomène de double enrichissement, d’une part une dématérialisation mythique des éléments naturels et, d’autre part, une incarnation des pouvoirs idéaux de la divinité. Ce qui pourrait n’être qu’un simple jeu de l’esprit est en réalité le résultat ultime d’une conception philosophique selon laquelle tous les éléments concrets n’existent que par le lien formel qui les relie au principe même de leur essence, l’idée de leur être :
Los poetas llaman dioses a los elementos, mares, ríos y a las montañas grandes del mundo inferior. Llaman al elemento fuego Júpiter ; al del aire Juno ; al agua y al mar Neptuno, a la tierra Ceres, y al profundo de ella Plutón, y al fuego mixto comburente dentro de la Tierra, Vulcano, y así otros muchos dioses de las partes de la Tierra y del agua. Llámanles dioses por la grandeza de ellos. También porque creían ser cada uno de estos gobernado por virtud espiritual, participativa de la divinidad, o, como siente Platón, que cada uno de los elementos tiene un principio formal, incorpóreo, por cuya participación ellos tienen sus proprias naturalezas, las cuales llaman ideas. Y tiene que la idea del fuego sea verdadero fuego por esencia formal, y el elemental sea fuego por participación de aquella idea suya ; de manera que no es extraño apropriar la divinidad a las ideas de las cosas : de donde ponían también divinidad en las plantas, mayormente en aquellas que son manjares más comunes y más útiles a los humanos, como Ceres a las mieses y Baco al vino, por la universalidad y la necesidad que los hombres tienen de ellos.1
2Cette conception néoplatonicienne imprègne la poésie du Siècle d’Or et lui donne toute sa dimension spirituelle. Nous verrons dans l’analyse des œuvres de Garcilaso, Herrera et Góngora, ces poètes phares, quels liens étroits se tissent entre les mythes et les éléments naturels, liens que partagent leurs lecteurs dans une indispensable complicité. Les noms des divinités sont les signes, les intermédiaires entre l’Idée et la réalité de l’univers sensible. Grâce à cette symbolique, il est possible de contempler une étrange et superbe représentation de l’universelle nature, résumée en une seule divinité impressionnante, sorte d’icône centrale revêtue du cosmos comme d’une vaste parure. Le soleil, la Lune et les sept planètes le coiffent, les étoiles lui couvrent le corps alors que ses membres inférieurs le rattachent grossièrement à la terre. Il s’agit de Pan et, tel que les mythographes le décrivent, il peut se placer parmi les figures les plus accomplies de la poésie baroque espagnole ; s’il fascine tous les mythographes, avec Pérez de Moya, c’est Léon l’Hébreu qui en laisse le plus spectaculaire témoignage :
Pintan los poetas al dios Pan con dos cuernos en la cabeza derechos hacia el Cielo, la cara de fuego, con la barba larga que desciende sobre el pecho ; tiene en la mano una vara y una fístola con siete cañas ; tiene acuestas una piel manchada de diversas manchas ; los miembros bajos, ásperos y groseros, y los pies de cabra. Pan quiere dezir el todo, es la naturaleza universal que ordena todas las cosas mundanas. Los dos cuernos que tiene en la frente y que se tienden hasta el Cielo, son los dos polos del cielo Ártico y Antártico. La piel manchada que tiene a cuestas es la octava esfera llena de estrellas. La cara de fuego es el Sol con los planetas, que por todo son siete, así como en la cara hay siete órganos, que son los dos ojos, dos oídos, dos ventanas de la nariz y la boca, los cuales significan los siete planetas. Los cabellos y la barba larga son los rayos del Sol y de los otros planetas y estrellas que bajan al mundo inferior para hacer toda generación y mixtura. Los miembros bajos y groseros son los elementos y cuerpos inferiores, llenos de grosería y rustiqueza, entre los cuales miembros, los pies son caprinos, porque los pies de cabras no caminan jamás por camino derecho ; antes, van saltando y atravesando desordenadamente. Tales son los pies del mundo inferior y sus movimientos y transformaciones de una esencia en otra transversalmente, sin orden cierta ; de las cuales groserías y desórdenes están privados los cuerpos celestiales. Esta es la significación de la figura de Pan.2
3Image extravagante et sublime résumant un univers pris sur le vif de son complexe agencement. Le portrait qu’en fait aussi Pérez de Moya, dans une totale proximité idéelle et verbale, mérite d’être retenu pour montrer à quel point cette figure composait l’arrière plan culturel mythique des esprits de l’époque et à quel point volonté scientifique et capacité poétique les habitaient tous :
Por la pintura de Pan quisieron los antiguos descrivir el cuerpo de la naturaleza, assí de las cosas que haze, como de las que padecen : por la cara bermeja entendieron unos al alto cielo, o la naturaleza del fuego, o los colores que el Sol causa a las mañanas y tardes. Los cuernos hazia el cielo denotan la demostración de los cuerpos sobre los celestiales, o el Sol y la Luna, o los rayos del mesmo Sol entendido por Pan. La barba larga denota los rayos del Sol que calan la tierra : o por barba que es cosa de varón quisieron denotar la virtud activa del Sol : para la generación de las cosas. El cuero de Liebre o de Pantera que le dan por vestidura, denota el cielo estrellado, o la tierra, porque abunda de multitud de plantas y animales, y la admirable variedad de ríos y montes ; las quales cosas se distinguen como mancha, o el ornamento y hermosura que se deriua de la luz del Sol. El báculo, o cayado denota la potencia y moderación, gouierno y poderío de la naturaleza en él engendrada.3
4Pan, cet être singulier dont l’imposante stature, dans ses variantes, se déploie sur l’espace qui relie la terre au firmament, n’a pu jaillir que d’un esprit nourri d’idées néoplatoniciennes. En effet cette universelle nature anticipe sur la nature de l’homme qu’elle conditionne intimement. L’évocation en particulier, de ces embruns d’étoiles, astres et planètes qui enveloppent la divinité tandis qu’ils descendent vers la terre pour y exercer leur empire, montre clairement les liens étroits qui unissent le monde d’en haut au monde d’en-bas.
L’homme, son anatomie astrale, miroir de la cosmogonie des dieux
5Ces astres portent aussi le nom des dieux mythologiques et l’on comprend mieux leur ascendant direct sur l’homme lorsqu’on songe aux circonstances de la création lors des noces de Pélée et de Thétis :
Vinieron a las bodas todos los Dioses porque los Gentiles tienen por cierto que ellos goviernan las partes del hombre, cada cual la suya, Júpiter la cabeça, Minerva los ojos, Juno los brazos, Neptuno los pechos, Marte la cintura, Venus los riñones y partes dedicadas a la conservaciòn de la especie, y Mercurio los pies.4
6Il se crée ainsi chez l’homme une sorte d’anatomie astrale couramment représentée par l’iconographie de la Renaissance. Plus qu’influence, il y a analogie de nature entre l’univers et les hommes ; le monde d’ici-bas n’est que le simulacre imparfait du monde d’en haut, ce qu’exprime bien la baroque figure de Pan dont le corps baigné de lumière, fait d’harmonie des sphères, contraste avec les mouvements désordonnés de ses membres inférieurs frustes et maladroits qui miment le monde d’en bas.
7En vertu de la loi d’analogie reliant la réalité humaine et terrestre aux données du Cosmos, ce que l’on conçoit ici-bas n’existe que par rapport à ce qui existe dans les sphères célestes. Selon cette conception macrocosmique et microcosmique de l’univers d’inspiration néoplatonicienne, l’univers ou macrocosme possède la même structure que l’homme ou microcosme et obéit aux même lois. Au sein même du dogme chrétien qu’il ne cherche nullement à remettre en question, le mythographe et poète Viana proclame cependant son adhésion totale à cette conception néoplatonicienne de l’univers et de l’homme et en énonce clairement les principes :
El Summo Dios omnipotente, Architecto Universal hizo al hombre, animal más alto y de mayor perfección y valor que todo lo dicho, pues resumió y cifró en él la muestra de todas las cosas criadas, por lo qual le llaman los Philósophos mundo abreviado.5
8Si bien que l’on peut connaître l’univers par l’homme comme l’homme par l’univers. C’est là que la fameuse formule socratique : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers » prend tout son sens. En effet, c’est bien par ce processus de déduction ainsi que par l’illumination privilégiée de certains grands esprits que l’univers livre ses secrets. Cette conception analogique n’est pas envisagée au XVIe siècle comme une vague intuition poétique, elle se manifeste par des énoncés dont la précision et la minutie dans l’expression ne cessent de surprendre.
9C’est Léon l’Hébreu qui témoigne de la mise en œuvre la plus complète et la plus lisible de cette pensée néoplatonicienne. Judicieusement lisible dans une sorte d’énonciation pratique qui prête à sourire tant elle tient d’un pragmatisme outrancier. Léon l’Hébreu indique les modalités de la création de l’homme et de toute la nature, création que le mythe des noces de Pélée et de Thétis ne suffisait pas à expliquer. Le caractère pragmatique et assurément pédagogique de cet éclaircissement tient à la forme du dialogue platonicien que le mythographe emprunte et met dans la bouche des deux interlocuteurs : Philon, comme nous l’avons vu plus haut, transmettant son savoir à Sofía :
La generación de los inferiores viene del Cielo como verdadero padre, así como la materia es la madre primera en la generación, y después de los cuatro elementos mayormente la Tierra, que es la madre más manifiesta. En común te digo, que moviéndose el Cielo, padre de las cosas generables, en su movimiento continuo y circular sobre todo el globo de la materia primera, y moviéndola y mezclando todas sus partes, ella produce todos los géneros y especies e individuos del mundo inferior de la generación, así como moviéndose el macho sobre la hembra y moviéndola a ella, ella procrea hijos.6
10Philon n’hésitera pas à se répéter, sur le principe de la création des êtres et de l’univers ; ajoutant d’autres réponses scrupuleuses et fort crues qui syncrétisent son argumentation mythologique et naturaliste ; réponses correspondant au questionnement cru et sans doute naïf d’une Sophie délibérément fidèle à une conception platonique de l’amour. Ses questions qui ne laissent de surprendre sont évidemment nécessaires à la mise en place complète d’une théorie scientifique au sens où on pouvait l’entendre à la Renaissance.
L’univers crée comme l’homme procrée
11Comme en un écho lointain au processus déductif socratique, le mythographe Léon l’Hébreu en l’occurrence devenu dialoguiste, met dans la bouche de ses deux interlocuteurs tout une théorie où, dans ses commencements, l’univers mime l’homme :
Sofía – Dime esa propagación más clara y particularmente.
Filón – La materia primera, como una hembra, tiene cuerpo que recibe humedad que la cría, espíritu que la penetra, calor natural que la templa y vivifica.
Sofía – Declárame las una a una.
Filón – La Tierra es el cuerpo de la materia primera, receptáculo de todas las influencias de su macho, que es el Cielo. El agua es la humedad que la cría, el aire es el espíritu que la penetra, el fuego es el calor natural que la templa y vivifica.
Sofía - De qué manera influye el Cielo su generación en la Tierra ?
Filón – Todo el cuerpo del Cielo es el macho que la cubre y rodea con movimiento continuo. Ella, aunque está queda, se mueve algún tanto por el movimiento de su varón ; aunque ella no se mueve corporalmente ; antes, está quieta para recibir el semen de la generación de su varón.
Sofía – Qué semen es el que pone el Cielo en la Tierra y cómo puede darlo ?
Filón – El semen que la Tierra recibe del Cielo es el rocío y el agua llovediza, el cual, con los rayos solares y lunares y de los otros planetas y estrellas fijas, engendra en la Tierra y en la mar todas las especies e individuos de los cuerpos, compuestos en los cuatro grados de composición, como te dije.
Sofía – Cuáles son propiamente en el Cielo los productores de ese semen ? Filón – Todo el Cielo lo produce con su movimiento, así como todo el cuerpo del hombre en común produce la esperma ; y de la manera que el cuerpo humano es compuesto de miembros homogéneos, que es no organizados : huesos nervios, venas, panículos y ternillas, demás de la carne que es un henchimiento entre lo uno y lo otro, así el gran cuerpo del Cielo octavo es compuesto de estrellas fijas de diversas naturalezas, especie de estrellas nublosas, de más de la sustancia del cuerpo diáfano del Cielo que se continúa y hinche.7
12Il est vrai que Philon va développer cette analogie qu’il veut anatomique, au nom de la très humaniste conception microcosmique et macrocosmique de l’univers ; il va y recourir notamment dans l’acte sexuel lui-même où, de la manière la plus directe il montre l’univers créateur mimant l’homme qui procrée. Il précise le rôle détaillé de la mythologie dans l’exposé de cette anatomie de l’univers révélant les lois de sa vie et de sa constante régénération. Ce sont les sept planètes liées aux sept divinités majeures de l’Olympe qui conjuguent leur pouvoir pour créer et perpétuer le monde :
Filón – El sol es el corazón del Cielo, del cual se deriva el calor natural e spiritual que hace exhalar los vapores de la tierra y del mar y engendra el agua y el rocío, que es el semen y los rayos, aspectos suyos, lo conducen mayormente con la mutación de los cuatro tiempos del año que él hace con su movimiento anal. La Luna es el cerebro del Cielo que causa las humedades que son el semen común ; y por sus mutaciones se mudan los vientos y descienden las aguas, hace la humedad de la noche y el rocío, que es nutrimiento seminal. Júpiter es el hígado del Cielo que con su calor húmedo y suave ayuda en la generación de las aguas y en la templanza del aire y suavidad de los tiempos ? Saturno es el bazo del Cielo que con su frialdad y sequedad hace congelar las aguas y mover los vientos y templar la demasía del calor. Marte es la hiel y los riñones del Cielo, que con su calor excesivo ayuda en la subida de los vapores y derrite el agua y la hace correr y la hace sutil y penetrativa y le da calor seminal incitativo para que la frialdad de Saturno y de la Luna no hagan al semen indispuesto para la generación. Venus es los testículos del Cielo ; ésta tiene gran fuerza en la producción del agua buena y perfecta para la sementera y aproximación que los riñones tienen con los testículos en la generación del esperma, fingieron los poetas a Marte enamorado de Venus ; porque el uno da la incitación y el otro el húmido dispuesto al semen. Mercurio es la verga del cielo, unas veces causa las lluvias y otras las impide.8
13Philon procède ensuite à l’affinage progressif des éléments de sa démonstration et en appelle à deux reprises supplémentaires aux divinités de l’Olympe pour représenter les instruments de connaissance du macrocosme :
Filón – El Cielo, por su simplicidad y espiritualidad, con los miembros e instrumentos mismos del conocimiento engendra las cosas inferiores ; de manera que el corazón y el celebro, productores del semen generativo del Cielo son los ojos con que él ve, que son el Sol y la Luna. El hígado y el bazo que templan el semen, son los oídos con que oye, que son Saturno y Júpiter. Los riñones y testículos que perfeccionan el semen, son las ventanas de la nariz con que huele, que son Marte y Venus. La verga que echa el semen es la lengua mercurial guía del conocimiento.9
14Cette analogie entre les organes de l’homme et ceux de l’univers est poussée jusqu’à ses retranchements et s’arrête à l’observation des composants anatomiques du visage de l’homme :
Sofía – Y yo había entendido que cada uno de estos siete planetas tenía significación, sobre los miembros exteriores de la cabeza, hechos para servir al conocimiento sensible e interior.
Filón - Bien es verdad que los siete planetas tienen significación sobre las siete concavidades que hay en la cabeza que sirven al sentido y conocimiento, esto es : el Sol, sobre el ojo diestro ; la Luna, sobre el siniestro, porque ambos son los ojos del Cielo ; Saturno, sobre el oído diestro, y Júpiter sobre el siniestro, según otros al contrario ; Marte, sobre la ventana diestra de la nariz, y Venus, sobre la siniestra y según otros al contrario ; Mercurio, sobre la lengua y la boca, porque él es sobre la habla y doctrina. Pero esto no quita que, como dicen los astrólogos, no tengan también significación sobre estotros siete miembros del cuerpo que concurren a la generación, como te he dicho.10
15Cette ultime figuration mythologique argumentative est faite pour convaincre totalement Sophie quant aux liens analogiques qui s’établissent entre le monde et l’homme, et l’expression de sa satisfaction est sensée représenter celle du lectorat de l’époque appelé à se maintenir sur l’énonciation définitoire et globale du néoplatonisme universel :
Sofía – Satisfecha estoy de esto y yo he entendido siempre que el hombre es simulacro, no solamente del cielo mas también de todo el universo corpóreo e incorpóreo juntamente.
Filón – Así es verdad que el hombre es imagen de todo el universo, y por esto los griegos le llaman microcosmos, que quiere decir mundo pequeño.11
16Ainsi dans une conception néoplatonicienne de l’univers, microcosme et macrocosme s’expliquent réciproquement dans un langage mythologique qui était en réalité le simulacre scientifique dont la clef est donnée par les mythographes eux-mêmes. Le macrocosme possède ses lois physiologiques, les lois de ses organes que sont les planètes. Celles-ci, par l’effet de l’analogie et surtout grâce à leur influence directe, agissent sur les organes de l’homme, ce résumé fait à l’image de l’univers.
Notes de bas de page
1 Léon l’Hebreu, op. cit., p. 101, « Les poètes appellent dieux les éléments, mers, fleuves et les montagnes du monde inférieur. Ils appellent le feu Jupiter, l’air Junon, l’eau et la mer Neptune, la terre Cérès, et ses entrailles Pluton. Le feu mixte et combustible des profondeurs, c’est Vulcain et il en va ainsi de beaucoup d’autres dieux qui donnent leur nom aux différentes parties de la Terre et de l’eau. Ils l’appellent dieux en raison de leur grandeur. Ils le croyaient aussi parce que chacun de ces éléments est gouverné par la vertu spirituelle, participative de la divinité, comme le sent Platon pour qui tous les éléments possèdent un principe formel, immatériel tenant de cette participation laquelle détermine leurs natures spécifiques qu’on appelle idées. Selon lui l’idée de feu est un véritable feu par essence formelle et le feu élémentaire est le feu par sa participation à cette idée ; c’est ainsi qu’ils mettaient de la divinité dans les plantes ; principalement celles qui constituent les aliments les plus communs et les plus utiles aux humains, comme Cérès pour les moissons et Bacchus pour le vin en raison de leur universalité et du besoin qu’en ont les hommes ».
2 Ibid., p. 110, « Les poètes dépeignent le dieu Pan avec deux cornes sur la tête, tournés droit vers le ciel ; son visage est de feu avec une longue barbe qui lui descend sur la poitrine, il tient à la main une verge et une flûte à sept tuyau ; il porte sur lui une peau de bête ocellée ; ses membres inférieurs sont rudes et grossiers, et ses pieds de chèvre. Pan veut dire le tout, c’est la nature universelle qui ordonne toutes les choses de ce monde. Les deux cornes qu’il a sur le front et qui s’allongent vers le ciel sont les deux pôles du ciel Arctique et Antarctique. La peau de bête ocellée est le huitième ciel plein d’étoiles. Le visage de feu est le Soleil avec les planètes, qui sont au nombre de sept ; de même que le visage qui possède sept organes qui sont les deux yeux, les deux oreilles, les deux narines et la bouche, lesquels signifient les sept planètes. Les cheveux et la barbe longue signifient les rayons du soleil et des autres planètes et des étoiles qui descendent vers le monde inférieur pour aider à toutes générations et mixtions. Les membres inférieurs grossiers sont les éléments et les corps inférieurs, pleins de rudesse et rusticité, membres parmi lesquels les pieds sont caprins parce que les chèvres ne marchent jamais droit, elles préfèrent sauter et trimarder. Ainsi sont les pieds du monde inférieur, ses mouvements et ses changements transversaux et désordonnés, désordres dont sont exempts les corps célestes. Voilà la signification de la figure de Pan ».
3 Pérez de Moya, op. cit., Livre II, p. 21 (a), « Par ce portrait de Pan, les Anciens ont cherché à décrire le corps de la nature, aisi que les choses qu’elle crée et celles dont elle souffre : par la visage vermeil les uns entendaient le ciel ou la nature du feu ou les couleurs dont le soleil teint les matins et les soirs. Les cornes tournées vers le ciel révèlent les manifestations des corps sur les éléments célestes, ou le Soleil ou la Lune, ou les rayons du Soleil lui-même qui signifie le dieu Pan. La longue barbe révèle les rayons solaires qui touchent la terre ; ou par la barbe, signe de virilité, ils ont voulu révéler la vertu active du Soleil sur la génération des choses. La peau de lièvre ou de panthère qu’on lui attribue comme vêture renvoie au ciel étoilé ou à la terre où abondent les multitudes de plantes et d’animaux, et aussi l’admirable variété des rivières et des bois ; choses que l’on prend pour des taches, ou les ombres qui dérivent de la lumière du soleil. Le bâton ou la houlette dénote le pouvoir et la modération, gouvernement et puissance de la nature en lui engendrée ».
4 Viana, Annotaciones, Livre XI, fol. 210 (b), « Tous les Dieux vinrent aux noces parce que les Gentils tiennent pour sûr qu’ils gouvernent les différentes parties des hommes, chacun la sienne, Jupiter la tête, Minerve les yeux, Junon les bras, Neptune la poitrine, Mars la taille, Vénus les reins et les parties du corps préposées à la conservation de l’espèce, et Mercure les pieds ».
5 Viana, op. cit., Prologue, fol. 1, « Le Dieu Tout-puissant, Architecte universel créa l’homme, l’animal le plus élevé, le plus parfait, le plus vaillant ; il a voulu résumer et réunir en lui un échantillon de tout ce qui a été créé, raison pour laquelle les philosophes l’ont appelé monde abrégé ».
6 Léon l’Hébreu, op. cit., p. 79-80, « La génération des choses d’en bas vient du Ciel, véritable père, de même que la matière en est la mère, et ensuite des quatre éléments, notamment la Terre qui est la mère la plus évidente. De manière générale je te dis que le Ciel, père de toutes choses à générer, en se mouvant en un mouvement continu et circulaire, sur tout le globe de la matière première, et la mouvant en mêlant toutes ses parties, celle-ci produit tous les genres et toutes les espèces et individus du monde inférieur, selon le même mouvement que celui du mâle sur la femelle, mouvement par lequel elle procrée ses enfants ».
7 Ibid., p. 80-81, « Sophie – Dis-moi, d’une manière plus claire et tout particulière, le processus de cette reproduction. / Philon – La matière première, comme une femelle a un corps qui reçoit l’humidité qui lui profite, l’esprit qui la pénètre, la chaleur naturelle qui la tempère et la vivifie. / Sophie – Détaille-les moi point par point. / Philon – La Terre est le corps de la matière première, réceptacle de toutes les influences de son mâle, qui est le soleil. L’eau est l’humidité qui la fait pousser, l’air est l’esprit qui la pénètre, le feu est la chaleur naturelle qui la tempère et la vivifie. / Sophie – De quelle manière le Ciel procède pour sa génération sur la Terre ? / Philon – Tout le corps du Ciel est le mâle qui la couvre et l’entoure d’un mouvement continu. La femelle bien que restée tranquille, se meut quelque peu par le mouvement de son mâle ; selon le mouvement de toutes les choses dans la femelle par le mouvement du mâle, au moment du coït ; elle ne se mouvant nullement de son corps, mais bien au contraire se tenant calme, elle reçoit la semence génératrice, de son mâle. / Sophie – Quelle est la semence que le Ciel met dans la Terre, et comment peut-il la donner ? / Philon – La semence que la Terre reçoit du Ciel est la rosée y l’eau de pluie laquelle, avec les rayons solaires et lunaires et d’autres planètes et des étoiles fixes, engendre dans la terre, et dans la mer toutes les espèces et individus des corps, composés aux quatre degrés de composition, comme je te l’ai dit. / Sophie – Quelles sont, à proprement parler les causes qui produisent cette semence dans le Ciel ? / Philon – Tout le Ciel le produit dans son mouvement, de même que tout le corps de l’homme produit en général le sperme ; et de la même manière que le corps humain est composé de membres homogènes et non organisés : os, nerfs, veines, pannicules et tendrons, en plus de la chair qui fait le remplissage entre l’un et l’autre, ainsi le grand corps du huitième Ciel est composé des étoiles fixes de diverses natures, espèces d’étoiles nubileuses, en plus de la substance du corps diaphane du Ciel qui se perpétue et s’amplifie ».
8 Ibid., p. 82, « Philon – Le Soleil est le cœur du Ciel, d’où dérive la chaleur naturelle et spirituelle faisant exhaler les vapeurs de la terre, de la mer, et engendrer l’eau et la rosée, qui sont la semence et les rayons, aspects qui lui sont propres, ils le conduisent notamment à la faveur des quatre saisons de l’année auxquelles lui-même procède par son mouvement anal. La Lune est le cerveau du Ciel et cause les humidités de la semence commune. Par ses changements les vents se modifient et les eaux descendent, elle crée l’humidité nocturne et aussi la rosée, qui est le nutriment séminal. Jupiter est le foie du Ciel dont la chaleur humide et douce aide à l’engendrement des eaux, à la tiédeur de l’air et à la suavité du climat. Saturne est la rate du Ciel qui, par sa froideur et sa sécheresse, fait se geler les eaux, se mouvoir les vents et tempérer l’excès de chaleur. Mars est la bile et les reins du Ciel, qui avec sa chaleur extrême aide à l’élévation des vapeurs et fait fondre l’eau glacée et la fait courir en la rendant subtile et pénétrante et lui donne la chaleur séminale incitative afin que la froidure de Saturne et de la Lune ne rende pas la semence impropre à la génération. Vénus représente les ; elle possède un grand pouvoir dans la production de l’eau bonne et parfaite pour les semailles ; la proximité des reins et des testicules pour ce qui est la formation du sperme, a fait dire aux poètes que Mars était épris de Vénus, parce que les uns provoquent l’incitation et les autres l’humidité nécessaire à la semence. Mercure est la verge du Ciel qui tantôt fait pleuvoir, tantôt arrête la pluie ».
9 Ibid., p. 85, « Le Ciel, par sa simplicité et sa spiritualité, assisté des membres et des instruments mêmes de la connaissance, engendre les choses d’ici-bas ; de telle façon que le cœur et le cerveau, producteurs de la semence générative du Ciel sont les yeux qui lui permettent de voir et que sont le Soleil et la Lune. Le foie et la rate qui tempèrent le sperme, sont les oreilles qui lui permettent d’entendre et que sont Saturne et Jupiter. Les reins et les testicules qui optimisent le sperme, sont les narines qui lui permettent de sentir et que sont Mars et Vénus. La verge qui expulse le sperme est la langue mercuriale, guide de la connaissance ».
10 Ibid., p. 83, « Sophie – Et moi j’avais cru comprendre que chacune de ces sept planètes exerçait sa signification sur les organes extérieurs de la tête, faits pour servir à la connaissance sensible et interne. / Philon – Il est bien vrai que les sept planètes portent leur signification sur les sept concavités de la tête servant aux sens et à la connaissance ; le Soleil, sur l’oeil droit ; la Lune sur le gauche ; parce que tous deux sont les yeux du Ciel ; Saturne sur l’oreille droite et Jupiter sur la gauche, selon d’autres l’inverse ; Mars sur la narine droite, Vénus sur la gauche, ou l’inverse. Mercure sur la langue et sur la bouche, parce qu’il agit sur la parole et sur la doctrine. Mais cela n’empêche pas, comme le disent les astrologues, qu’ils puissent agir sur les sept autres membres du corps qui contribuent à la génération, comme je viens de te le dire ».
11 Ibid., p. 84, « Sophie – Je suis satisfaite et j’ai bien compris que l’homme est un simulacre, non seulement du ciel mais également de tout l’univers corporel et incorporel à la fois. / Philon – Et il est vrai que l’homme est à l’image de tout l’univers, et pour cette raison les Grecs l’ont appelé microcosme, ce qui veut dire monde petit ».
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