Chapitre IX. La Fable, réservoir de la science du monde
p. 147-160
Texte intégral
La fonction étiologique et anthropogonique de la Fable
1Les fables expliquent la cosmogonie, la naissance de la nature, celle de l’homme, et les lois qui les régissent tous deux. Sous l’« integumentum » mythique, ce voile qui les recouvre étroitement pour n’en révéler l’existence qu’à celui qui saura l’écarter ; savoir que l’esprit borné de l’homme ne pourrait pas même soupçonner, tant il est vrai qu’on dédaigne une vérité trop accessible pour s’attacher à la conquête de ce qui est caché1 ; les mystères de l’homme se sont ainsi trouvés couverts et restés à l’état latent. C’est pourquoi les mythographes ont proposé des allégorisations naturalistes pour les dévoiler et les expliquer ; et les poètes du Siècle d’Or, munis d’un pouvoir divin, s’inscrivant dans une tradition millénaire, se font les interprètes des dieux dont les noms en eux-mêmes sont respectivement le symbole de secrets naturels.
2Ce type d’interprétation, en effet, n’est pas nouveau. C’était même le principe d’explication de prédilection des philosophes de l’Antiquité. La pensée antique s’est montrée soucieuse de connaître l’univers et ses lois afin d’y intégrer l’homme, de le replacer au sein des forces de la nature et de rappeler les liens qui l’unissent à l’ordre cosmique. Elle a donc cherché à mieux comprendre l’interdépendance des êtres et des choses dans l’évolution universelle. Aussi l’apparition des mythes dans la nuit des temps vint-elle comme une réponse à ces préoccupations2. Les Métamorphoses d’Ovide qui proposent une genèse du monde, donnent lieu à des interprétations copieuses où l’on perçoit en premier lieu cette fascination pour les « commencements » dont les dieux, leurs faits et gestes vont préciser les modalités. Ainsi fit son entrée le Chaos, conçu comme un mythe, dans les premiers vers d’Ovide que Viana ne se contente pas de traduire, mais qu’il commente également :
Antes que el mar la tierra y el firmamento Que todo lo contiene, se criasse, Faltava a la natura su ornamento. Cosa no avía que en sí differenciasse De otra, que un semblante se notava, Do quiera que la vista se empleasse ; Chaos a quel abismo se llamava.3 | Avant que la mer, la terre et firmament, fussent créés et qui renferment tout, il manquait à la nature son ornement. Rien ne se différenciait, on ne voyait qu’un seul visage où que le regard se posât ; on appelait cet abîme le chaos. |
3Le dernier vers, en particulier, suscite de longs développements sur l’origine du monde ; à travers la pensée des grands philosophes de l’Antiquité, Viana y aborde la fameuse question de l’éternité de la matière pour aboutir à cette conclusion :
Más se conoce la omnipotencia de Dios y su libre voluntad en criar todas las cosas de nada, que averlas produzido ab eterno. Dicho avemos tres opiniones de la producción del universo, una de Aristóteles, otra de Platón, y la de los fieles, nuestro poeta siguió la de Platón y Hesíodo, que la de los gentiles, fue la más conforme a nuestra verdad Christiana, según lo affirma Theodoro Cirense, libro 4 de Curatione Affectionum Graecarum.4
4Viana choisit, dans sa conclusion, de s’en remettre aux autorités consacrées par les siècles et en accord avec l’orthodoxie chrétienne ; cependant en esprit novateur il cède la parole à un mythographe, Léon l’Hébreu, qui propose une interprétation quasi anthropomorphe de ce mythe de Chaos :
León Hebreo dize que el chaos es la materia prima subjeto común de las generaciones y corrupciones ; y fue llamado chaos que quiere dezir confussión : porque todas las cosas generables, potencial, y generalmente están en ella juntas, y confusas, y dellas se hazen todas, cada una de por sí successivamente […] De manera que no pudiendo tener juntamente todas las formas, las rescive a todas successivamente, una tras otra. Y así como es ocasión de la continua generación de las cosas, también lo es de la corrupción continua de las formas que posee.5
5Un autre mythographe, Pérez de Moya, va encore plus loin en ce sens et croit voir le secret de la création du monde dans la fable de Chaos et de Démogorgon. Par une sorte de syncrétisme pagano-chrétien, il rectifie l’interprétation antique en conservant leur rôle aux plus anciennes divinités de la mythologie qui sont simplement mues par le souffle de la science divine :
En esta fábula parece que Pronapides6 quiso declarar la creación del mundo, según la falsa opinión de los que han pensado que Dios produxo las cosas criadas de materia compuesta : porque auer Demogorgón7sentido ruydo en el vientre de caos, no es otra cosa sino auerse llegado la madurez del vientre y assí aver començado a querer hazer la creación, y con reglada orden apartar las cosas que estavan juntas y produzir una obra formada y ordenada […] quando después dize, que caos bañada de sudor e inflamada, echava fuera suspiros, quiere dezir el primer apartamiento de los elementos para que por el sudor entendamos el agua, por los encendidos suspiros, el ayre y el fuego y los cuerpos superiores, y por la groseza desta mole o pesadumbre, la tierra : la qual luego por consejo de su criador fue echa estancia y silla de Pan, por quien se entiende la naturaleza.8
6Dans cette quête minutieuse de la connaissance d’événements qui constituent l’histoire primordiale de l’homme, on retrouve la raison d’être fondamentale des mythes telle que le proclame Mircea Eliade :
Pour l’homo religiosus, l’essentiel procède de l’existence. Ceci est vrai aussi bien pour l’homme des sociétés primitives et orientales que pour le juif, le chrétien et le musulman. L’homme est tel qu’il est aujourd’hui parce qu’une série d’événements ont eu lieu « ab origine ». Les mythes lui racontent ces événements. Pour l’homo religiosus, l’existence réelle, authentique, commence au moment où il reçoit la communication de cette histoire primordiale et en assume les conséquences.9
7Les mythes ovidiens se prêtent également à des interprétations eschatologiques ; en effet, selon des schémas mythiques connus aujourd’hui, il est clair que la connaissance des origines, la connaissance de la cosmogonie engendre la science de ce qui se passera dans l’avenir10 ; Viana traduit ainsi le langage qu’Ovide consacre à la fin du monde :
A esto se allegó, que
Vendrá a tiempo, la llama que
La tierra, el mar y el cielo, aurá quemado.11
8Et il ne manque pas de commenter cette fin du monde dans un esprit strictement mythique quoique placé naïvement, il est vrai, dans le contexte du christianisme :
Fácilmente se persuadirá cualquiera con estas palabras, a que nuestro Poeta tuvo noticia de la Sagrada escriptura, pues conformándose con ella, parece tocar en ellas el juycio final. Pero bien puede entenderse esto de la doctrina de los Philósophos Stoycos, especialmente de Athenagoras, que los refiere diziendo. Los Stoycos tienen por cosa averiguada y cierta que a la fin todo se ha de abrasar y después renovar introduciendo otro principio al mundo.12
9Il est intéressant de remarquer que la certitude de cette rénovation totale du cosmos, de cette nouvelle création s’élevant sur les ruines de la première, s’exprime d’une manière chatoyante, au moyen d’un langage païen, celui de la mythologie :
De manera que es conclusión certissíma, que aunque se haya de consumir y acabar el mundo, ha de ser de tal manera que se reforme y se repare, y lo nuevo salga otro, agora sea de las reliquias y cenizas deste, como la oriental Phénix, agora de otra materia.13
10La comparaison avec le Phénix, cet oiseau fabuleux, donnait à cette renaissance de l’univers une dimension éclatante. Consumé dans les flammes, il en sortait tel un aigle de taille considérable, couvert de plumes incarnates semées d’or et d’azur et semblait marquer le début d’une révolution sidérale. Entre ces deux pôles de la génération et de la fin-rénovation du monde, se situent les phases de la création du du règne végétal et animal que les mythographes n’ont pas manqué de souligner dans l’interprétation des mythes. On les retrouve, en effet, dans les somptueux banquets où les dieux attablés par exemple pour fêter les noces de Pélée et de Thétis et où ils ont décidé d’user de leur pouvoir pour peupler le monde d’ici-bas. Tout l’Olympe était là, les divinités infernales, aquatiques et terrestres, à l’exception de la Discorde, premier enfant de Chaos, dont la présence eût empêché le déroulement harmonieux de cette création. Lorsque Viana reprend l’interprétation de ce mythe des noces de Pélée et de Thétis, il tient à faire la part des choses et à séparer la vérité historique de la fable :
Lo contado es parte historia verdadera y parte fictión. Es fábula lo que toca las bodas de Peleo y Thetis, lo de los Dioses y mançana de la discordia, el pleyto de las tres Diosas y el juyzio de Paris, lo restante es verdad.14
11Cependant la fiction l’intéresse davantage « porque en lo fabuloso se encierra secreto de philosophía natural, encomendado a la memoria por los antiguos para nuestro aprovechamiento »15. Et c’est au cœur de cette fiction que se loge, selon lui, le secret de la naissance des animaux et des plantes :
La generación de las cosas naturales quisieron los Philósophos dexar retractada en la fictión de las bodas de Peleo y Thetis por medio de Júpiter hechas. Porque tales bodas qué pueden significar sino que de la missión del agua y de la tierra ayudando el calor resulta la generación de todas las cosas naturales. Pues Thetis significa el agua, y Peleo cieno, como auemos en otra parte declarado, vienen todos los Dioses al ayuntamiento destos dos.16
12Ces dieux insufflèrent la vie à la matière déjà créée, devenant les artisans d’une nature sur l’organisation de laquelle ils continueront de régner. Ce fut sous le signe de ces mêmes noces, selon certains mythographes, qu’eut lieu la création de l’homme ; mais Viana, qui avait adhéré sans réserve à l’interprétation antérieure, cite avec un sourire amusé la version que donne à ce sujet le célèbre mythographe Fulgence17 :
Pero esta debaxo desta fábula una alegoría muy graciosa que cuenta san Fulgencio, que contiene en sí la creación del hombre, porque Thetis significa el agua y Peleo en griego quiere dezir lodo, y en juntarlos Júpiter se da a entender que de la tierra mesclada con el agua se haze lodo, y deste formó Dios el hombre. Así que el agua y tierra juntas por la mano de Dios, se hizo el hombre inspirándole el Señor el alma racional.18
13Viana semble préférer attribuer l’avènement de l’homme à l’allégorie du mythe de Prométhée :
Este último, cuentan los fabuladores, que fue el primero que hizo un hombre de barro, viéndole Minerva, y admirándose del raro ingenio de su hazedor y de tan estraña inuención, le prometió de darle qualquier cosa de las del cielo, que a él le pareciese útil para su estatua, y como repondiesse Prometheo que no podía saber qué dessear no auiendo visto lo que en el cielo auía de provecho para su hombre de lodo si no la vía, fue lleuado de la mesma Diosa al cielo, adonde uiendo que todos los cuerpos celestiales estauan animados con soberano fuego creyendo que sería aquello utilíssimo para su hechura, llegó una cuerda a la rueda del sol, encendiéndose traxo consigo el fuego del cielo al suelo, y con él vivificó y animó su hombre terrenal.19
14Il est intéressant de remarquer comment cette interprétation s’installe solidement et se trouve en accord avec l’idée selon laquelle l’homme, dans son être, posséderait une parcelle du divin, cette étincelante partie, venue du feu souverain qui animait la nature divine. Pérez de Moya insiste sur la même interprétation qu’il exprime avec une manifeste conviction personnelle où Prométhée devient le symbole mythique du créateur :
El fuego que truxo Prometheo del Cielo, con que dio ser a su estatua que auía formado. Es el divino fuego, o ánima que Dios inspiró en el hombre. Y assí por Prometheo se entiende el poderoso Dios que crió el mundo y el hombre de nada.20
15C’est pourquoi un Père de l’Église, apologiste fort influent tel que Lactance, s’est accommodé de cette interprétation, ce dont Pérez de Moya se fait l’écho :
Según Lactancio, Prometheo fue el primero que hizo estatuas de hombre de barro, que por sí solas se movían, por tanto se le atribuye, como la fábula dize, auer hecho el hombre.21
La Fable et la science des saisons
16Une nature ainsi créée sera dotée de lois et de principes physiques permettant aux dieux d’épanouir l’ordre inauguré par leur acte créateur. Plusieurs divinités se prêteront, par les légendes qui les suivent, à la représentation de lois naturelles comme le rythme des saisons et Viana, avant d’en développer l’interprétation, s’étonne de l’ingéniosité qui a présidé à ces fictions fabuleuse dont il attribue la paternité à la Grèce :
Porque la Grecia quanto es estupenda con la mentira, tanto es admirable con la significación della : Pusieron a Tiresias por el tiempo del qual el Hynuierno es masculino, porque en él ay clausura y entereza en las plantas, hasta que el mismo vee a los animales, y animados comenzar a engendrar entonces los hiere con el bastón del calor y luego se conuierte en hembra, por que en aquel tiempo todas las cosas se muestran paridas y con su fruto patente. Y porque ay dos tiempos de dessear Verano y Otoño, prohibido en éste el concebir torna a su primera forma y figura. Porque el Otoño de tal manera condensa y aprieta todas las cosas que los árboles, por faltar en las partes exteriores el nutrimiento necessario, pierden las hojas.22
17Si dans la fable de Tirésias, au gré de ses métamorphoses, se trouve l’énoncé du principe même des saisons, ce sont d’autres fables, construites sur les péripéties de malheureuses amours, qui donnent la clef de leurs différentes modalités entre un équinoxe et un solstice et qui correspondent à l’inclinaison de l’écliptique. Ainsi en va-t-il du mythe des amours de Vénus et d’Adonis qui est le lieu d’abondantes interprétations de type « naturaliste » :
En este fingimiento se entiende el Sol, cuerpo más hermoso y resplandeciente que otro ninguno de los celestiales, por Venus se entiende el hemisferio superior y por Proserpina el inferior. Amar mucho Venus a Adonis es porque sin la fuerza y virtud del Sol ninguna cosa de sí engendraría. Por el javalí que hirió a Adonis se entiende el Invierno, tiempo frío y áspero, y contrario a la generación, y porque en este tiempo faltan las fuerzas del Sol, dizen ser muerto Adonis.23
18Comme corollaire à ce mythe, celui qui concerne le solstice d’hiver, Pérez de Moya a recours à l’étape précédant la mort d’Adonis : cette sorte de pacte que Calliope, chargée par Jupiter, aurait obtenu pour apaiser le différend qui opposait Vénus et Proserpine, éprises toutes deux du bel Adonis ; selon ce pacte Adonis passerait une partie de l’année chez l’une et une autre partie chez l’autre ; son séjour auprès de Proserpine expliquerait cette époque de l’année où les jours sont brefs en raison des déclinaisons du soleil qui se trouve sur les terres Australes. « El concierto que Venus hizo con Proserpina de que estuviesse con ella seys meses, son los seys meses que el Sol anda en los signos Australes, en los quales los días son breves »24.
19Mais pour expliquer le phénomène naturel de la succession des saisons, les mythographes ne s’arrêtent pas là et proposent de nombreuses variantes. Ils se saisissent d’autres amours tragiques comme, par exemple, celles qui unirent la « Déesse Mère » Cybèle à son parèdre Attis assimilé au Soleil ; un schéma fabuleux mettant en scène, une fois de plus, une divinité éprise d’un jeune mortel. Cybèle éperdument amoureuse d’Attis, ce berger de Célènes d’une très grande beauté ne put arriver à ses fins car Attis uni d’amour à la naïade Sagaritis, se refusa à elle. Furieuse de se voir supplantée par une simple nymphe, Cybèle fit obstacle à leur mariage et envoya une telle frénésie au jeune homme que, celui-ci égaré par le désespoir, s’enfuit sur le mont Didyme où il se mutila. Ce schéma fabuleux s’empare encore du Soleil en la personne d’Attis dont la bénéfique présence doit se faire sentir sur la nature fécondée par Cybèle. Mais le refus d’Attis de répondre aux sollicitudes de Cybèle et sa fuite précipitent la nature dans le triste et stérile état du déclin solaire :
Según Macrobio y sant Augustín, por Athis se entiende el Sol, y llámanle moço porque cada día nace de nueuo. Es dezir que de la influencia del Cielo y Sol, se causan todos los concebimientos y engendramientos de las cosas y porque este effecto hace más el Sol que otro ninguno los cuerpos celestiales por esso la tierra ama a Athis que es el Sol. Dize que se castró, por quanto en cierto tiempo del año, los rayos del Sol no engendran, mas antes consumen como en él se vee en tiempo de Inuierno, que ninguna cosa se engendra fuera de tierra, como si estuviesse castrado. Que Athis anduuiesse como loco por cerros y montes, denota el movimiento continuo que el Sol a la redonda de toda la tierra, ladeándose y a la una parte de la Equinoctial, y a la otra, que llaman declinación del Sol. Lo qual mostramos en nuestra Astronomía.25
20Le mythe de Phaéton sert à l’explication du solstice d’été et de ses possibles violences ; une interprétation dont l’amorce quelque peu laborieuse et lourde passant par la généalogie de ce fils du Soleil irresponsable, sous la plume de Pérez de Moya, se résout dans la beauté poétique d’un souffle caniculaire. Phaéton, fils de l’eau et du feu, hypostases de l’Océanide Clymène et de Phoebus, conduisant avec imprudence le char de son père, correspond à l’abondante exhalaison d’un dramatique épisode estival, tombant, comme l’écervelé conducteur, tel un brasier sur l’univers sidéré :
Se dize que Phaetón era hijo del Sol y de Clymene, porque Phaetón quiere dezir ardor o inflamación que del Sol sale, porque Phaeto en Griego significa lo mismo que en latín ardeo, que en español quiere dezir arder. Que fuesse hijo de Clymene, Clymi, es lo que en latín, innundare, rebosar o salir de madre, y porque esto se entiende en el agua y porque el Sol sacando copia de exalaciones del agua y de partes húmidas entendidas por Clymene Nimpha, e inflamadas del mismo Sol se causa gran calor como acontece en el tiempo de Estío, por esto se dixo ser Phaetón hijo del Sol, y de Clymene.26
21Poésie et science se rencontrent également dans cette interprétation « naturaliste » de la fable d’Apollon et de Daphné assimilés à des nuages, à des vapeurs ascensionnelles soulevées par les eaux de la terre pour assouvir la soif des astres et pour qu’à leur tour ils puissent régir et sustenter l’univers :
Apolo amó a Dafne, hija de Peneo, río que es humedad natural de la tierra, la qual viene de los ríos que paran por ella. A esta humidad ama el Sol, y echando en ella sus ardientes rayos, procura de atraer a sí exhalándola en vapores, y podríase decir que el fin de la tal exhalación sea el sustento de los celestes, por que los poetas tienen que se sustentar de los vapores que suben de la humidad del globo de la Tierra, pero, aunque esto sea también metafórico, se entiende que se mantienen en el Sol y los planetas, en su propio oficio, que es de gobernar y sustentar el mundo inferior y consecuentemente, el todo del universo, mediante la exhalación de los húmidos vapores.27
La Fable et l’activité productrice de la Nature
22Ces amours mythologiques, censées symboliser le cycle des saisons et leur capacité à produire des richesses destinées au profit des humains, président également à l’instauration des forces productrices de la nature. Et des interprétations du type naturaliste sont encore poussées plus loin lorsque, au gré d’autres péripéties mythologiques, elles relatent la création des arbres, des fruits et des plantes, toutes liées au rituel bénéfique de mythes, eux-mêmes liés aux amours ou aux discordes sentimentales des divinités dont la Fable est peuplée.
23En effet, dans le sillage de ces amours mythiques relatives aux lois des grandes divisions de l’année, pour évoquer d’autres avatars analogues de la nature, les mythographes de la Renaissance vont recourir systématiquement aux commentaires « naturalistes » d’auteurs antiques qui traitent les mythes avec la rigueur « positiviste » d’un esprit scientifique naissant. Ainsi convoquent-ils la conjonction fortuite de la fameuse triade : Mars, Vénus et Vulcain dont la General Estoria se faisait déjà l’écho :
Maestre Johan el inglés departe otrossí sobreste fecho destos altos omnes, e diz desta otra guisa : que por Venus se da a entender el tiempo de verano, et por Vulcano, a quien los gentiles llamauan dios de los ferreros, se entiende otrossí el tiempo del estiuio, quando son grandes las calenturas del Sol, como lo son las del fuego e del fierro rosío en la ferrería, et que entonces como descubrió el Sol a Mars e a Venus, e los mostró a Vulcano, que assí muestra el Sol con su criança al tiempo del estiuio los fructos de las cosas que crió en el uerano. Por Mars que fazíe el adulterio, se entiende el tiempo de la otonnada que da a las manos de los labradores los frutos que crió el uerano e los madura e los da tales a los usos del mundo.28
24Pour exposer ces cycles d’activité productrice de la nature les mythographes s’emparent aussi du mythe d’Hercule ; plus exactement un de ses exploits secondaires s’ajoutant à ses grands douze travaux : le combat qui l’oppose à Antée, géant monstrueux, fils de Gaïa déesse primordiale de la Terre et de Poséidon. Interprétation intéressante et ingénieuse ; le lien fondamental qui unit Antée à la terre qui lui procure une force renouvelée dès qu’il y pose le pied, retrace symboliquement le mystère des semailles et des moissons. La Philosophía Secreta, entreprenant une grossière interprétation matérialiste de cette lutte se prête au dessin d’une image plastique vigoureuse ; le galbe athlétique d’Hercule soulevant Antée mime en des termes aux résonances résolument poétiques l’obstinée dynamique de la poussée des plantes :
Algunos quisieron entender por esta fábula la generación de las plantas, por Hércules entendieron el Sol, por Antheo las simientes. Éstas tocando a la tierra estando sembradas, por virtud del Sol reciben, y levantan en alto con mayores fuerças y vienen a fructificación.29
25Ce sont des amours aux tristes dénouements qui sont à l’origine de plantes et de fruits emblématiques. Pour n’en retenir que quelques exemples tournons-nous vers celui de l’indispensable raisin lié à Bacchus. Dieu de la végétation, de la vigne et du vin, il est lui-même fruit de tragiques amours. Sa mère Sémélé, jeune princesse mortelle, fille de Cadmos et d’Harmonie fut aimée de Jupiter dont elle attendit un enfant. La furieuse Junon pour se défaire de cette rivale lui tend un piège fatal en l’incitant à demander à son amant, comme souhait de future mère, de se montrer à elle dans la splendeur de sa gloire. Jupiter, désespéré par cette requête, ne peut que s’exécuter et, apparaissant muni de tous ses attributs focaux, son foudre et ses éclairs, il embrase sur le champ l’infortunée Sémélé. Dans ses cendres, il recueille le fruit inachevé de ses amours et le place dans sa cuisse où Bacchus atteindra son terme. Cet épisode mythique, aux représentations spectaculaires, notamment celle de Gustave Moreau au XIXe siècle, donna lieu, chez les mythographes épris de science, à des interprétations naturalistes :
Sémele se empreña de Júpiter quando la vid figurada por Sémele en la primera vera se hincha con el calor del Sol, y se hace preñada de Bacho, y después es herida del rayo en el mayor ardor del Estío, quando por la gran fuerça del Sol comiença a brotar su fruto. Bacho se finge ser hijo de Sémele, porque el vino es hijo de la vid. Dezíase también hijo de Júpiter porque el vino tiene un calor natural, y engerido de la mesma naturaleza, y no puede nacer la vid sino en lugares calientes, a lo menos donde hay moderado calor. Fíngese aver nacido de las cenizas de Sémele quemada porque es naturaleza de la ceniza tener encerrado el calor dentro de sí, y no sé qué grueso que aprouecha mucho a las vides.30
26Quant au laurier, cette plante consacrée aux triomphes et à la gloire poétique, il a une origine qui place les mythographes sur un des épisodes les plus troublants et attachants du mythe d’Apollon lié à sa parèdre, l’infortunée Daphné. Selon Ovide, pour se venger d’Apollon qui s’était raillé de lui, Cupidon, le jeune dieu de l’Amour lui tend un piège tragique. Usant de ses deux attributs contradictoires, la flèche d’or qui engendre l’amour et la flèche de plomb, le désamour. De la première il touche Apollon le rendant fou d’amour pour Daphné alors que de la seconde il vise la nymphe Daphné, lui inspirant le désamour absolu. Poursuivie par l’amant éperdu, la nymphe en appelle à son père le dieu fleuve Pénée qui, pour la secourir, la métamorphose en laurier. Voilà l’origine de cette plante en laquelle le dieu concentre son amour déçu pour en faire un attribut de la gloire : la couronne célébrant les triomphes littéraires et guerriers. Les mythographes vont interpréter scientifiquement cet épisode mythologique et en cristalliser les effets naturels :
Por Daphne se entiende la humidad, la qual es hija de Peneo río. Apolo es el Sol, el qual amó a Daphne, por quanto el Sol para su gran calor virtual, quiere consumir todas las humidades, y aquí a lugar lo que se dize del amor de Apolo, y desamor de Daphne, porque cada cosa desama a su contrario, y ansí huyendo Daphne, o la humidad, del calor de Apolo quierese encerrar debaxo de la tierra, para deffenderse, Daphne huyendo se tornó en Laurel, porque la humidad queriendo escapar y conseruarse en su ser enciérrase en la tierra, y entonces, el Sol con su virtud conuiértela en Laurel estando en el lugar de la simiente, o feminal virtud del Laurel, o de otro qualquiera árbol. Ser Daphne hija del río Peneo, y conuertirse en Laurel más que en otro árbol, es porque cerca del río Peneo de Thesalia nacen muchos Laureles.31
Notes de bas de page
1 Idée souvent suggérée par Ronsard que ce voile poétique ou mythique « s’il a comme effet d’écarter le peuple ignorant et pressé, de certains mystères, il a aussi comme but de stimuler ce même peuple à rechercher attentivement la vérité : on désire connaître ce qui est caché alors qu’on méprise la vérité trop facile à connaître », Points de vue et références, XVIe siècle, A. Chassang et Ch. Senninger, Paris, Hachette, 1968, p. 460. Cf. Ronsard, Pléiade, Tome II, p. 252, Hymne de l’hiver : « Puis, afin que le peuple ignorant ne méprise / La vérité connue après l’avoir apprise, / D’un voile bien subtil, comme les peintres font, / Aux tableaux bien portraits, lui couvre tout le front, / Et laisse seulement, tout au travers du voile, / Paraître ses rayons comme une belle étoile, / Afin que le vulgaire ait désir de chercher / La couverte beauté, dont il n’ose approcher ».
2 Mircea Eliade, op. cit., p. 21-22, « Les mythes relatent non seulement l’origine du monde, des animaux, des plantes et de l’homme, mais aussi tous les éléments primordiaux à la suite desquels l’homme est devenu ce qu’il est aujourd’hui, c’est à dire un être mortel, sexué, organisé en société […]. Si le Monde existe, si l’homme existe, c’est parce que les Êtres surnaturels ont déployé une activité créatrice aux commencements. Mais d’autres événements ont eu lieu après la cosmogonie et l’anthropogonie, et l’homme, tel qu’il est aujourd’hui, est le résultat direct des événements mythiques, il est constitué par ces événements. Il est Mortel, parce que quelque chose s’est passé in illo tempore. Si cette chose n’était pas arrivée, l’homme ne serait pas mortel : il aurait pu exister indéfiniment, comme les pierres ».
3 Viana, op. cit., Livre I, fol. 1, traduction des vers 5 à 9 des Métamorphoses d’Ovide : « Ante mare et terras et, quod tegit omnia, Caelum / Unus erat toto naturae uultus in orbe, / Quem dixere chaos, rudis indigestaque moles / Nec quicquam nisi pondus iners congestaque eodem / Non bene iunctarum discordia semina rerum », « Avant la mer, la terre et le ciel qui couvre tout, la nature, dans l’univers entier, offrait un seul et même aspect ; on l’a appelé le chaos ; ce n’était qu’une masse informe et confuse, un bloc inerte, un entassement d’éléments mal unis et discordants ».
4 Ibid., fol. 6 (a), « On connaît mieux l’omnipotence de Dieu et sa libre volonté de créer toutes choses à partir du néant, plutôt que de les avoir créées de toute éternité. Nous avons évoqué trois opinions quant à la production de l’univers, l’une d’Aristote, l’autre de Platon, et celle des fidèles ; notre poète a suivi celle de Platon et d’Hésiode, car l’option des Gentils, était la plus conforme à celle de notre vérité Chrétienne, selon ce qu’affirme Théodoret de Cyr dans le Livre 4, De la Thérapie des Affections Grecques ».
5 Viana, op. cit., Annotaciones, fol. 6 (a et b), « Léon l’Hébreu dit que le chaos est la matière première, matière commune à tous les engendrements et à toutes les dégénérescences ; il fut appelé chaos qui veut dire confusion parce que les choses qui peuvent être engendrées, sont fusionnées en la matière, potentiellement et de manière générale, et que de celle-ci se font toutes choses, chacune par elle et successivement. Et cela est l’occasion d’un continuel engendrement des choses comme cela est aussi l’occasion d’une continuelle dégénérescence de ses formes ».
6 Poète grec, précepteur d’Homère.
7 Démogorgon est une figure mythologique qui tire son origine, non de la mythologie gréco-romaine classique, mais de Boccace. Selon lui, Démogorgon serait le père de tous les dieux, un vieillard blême couvert de moisissure humide et vivant dans les entrailles de la terre au milieu des ténèbres brumeuses.
8 Pérez de Moya, op. cit., Livre II, chapitre II, fol. 17 et 18, « Par cette fable, il semble que Pronapides ait voulu illustrer la création du monde, selon l’opinion dite fausse de ceux qui pensent que les choses furent créées par Dieu à partir d’une matière composite. Que Démogorgon ait entendu du bruit dans le ventre de chaos, n’était rien d’autre que celui-ci, parvenu à la maturité, pouvait donner lieu au commencement de la création, consistant à séparer, dans un ordre bien précis, les choses auparavant unies entre elles […] quand il dit plus tard que chaos, baigné de sueur et tout enflammé, lançait des soupirs, il voulait signifier la première étape de la séparation des éléments et que par sueur on entendait l’eau, par les soupirs enflammé, l’air et le feu et les corps supérieurs, et par la grosseur de cette masse pesante, la terre : laquelle, suivant le conseil de son créateur, devint le territoire et le siège de Pan, c’est à dire ceux de la nature ».
9 Mircea Eliade, op. cit., p. 116.
10 Ibid., p. 96, « Même dans les eschatologies, l’essentiel n’est pas le fait de la Fin, mais la certitude d’un nouveau commencement. Or ce re-commencement est, à proprement parler, la réplique du commencement absolu, la cosmogonie ».
11 Viana, op. cit., Traduction, fol. 4 (b), « À cela s’ajoute, comme le destin s’en souvient, qu’à temps viendra la flamme par laquelle, la terre, la mer, et le ciel auront brûlé ».
12 Ibid., fol. 26 (b), « Chacun se laissera facilement persuader par les paroles de notre poète qui, informé par la Sainte Écriture et en accord avec elle, semble avoir annoncé le jugement dernier. Mais on peut aussi avoir entendu cela dans la doctrine des philosophes stoïciens, spécialement Athénagoras. Les Stoïciens tiennent pour chose assurée et prouvée qu’à la fin tout doit brûler pour se renouveler ensuite, et introduire un autre commencement au monde ».
13 Ibid., fol. 27 (a), « Si bien que, et c’est là une conclusion assurée, même si le monde doit se consumer et finir, cela doit se faire de telle façon qu’il se reforme et se refasse en sortant de ses restes et de ses cendres, comme le Phénix oriental, mais maintenant d’une autre matière ».
14 Ibid., fol. 217 (b), « Ce qui est conté est en partie histoire véritable et en partie fiction. C’est une fable qui concerne les noces de Thétis et de Pélée, les dieux et la pomme de la discorde, le procès des trois déesses et le jugement de Paris, le reste est vérité pure ».
15 Ibid., fol. 217 (b), « parce que dans la fable a été enfermé le secret de la philosophie naturelle recommandée à notre mémoire par les Anciens pour notre édification ».
16 Ibid., fol. 218 (a), « les Philosophes ont voulu laisser le récit de l’engendrement des choses naturelles dans la fiction des noces de Pélée et de Thétis organisées par Jupiter. Parce que ces noces que peuvent-elles signifier sinon que de la mission de l’eau et de la terre aidant à la chaleur, résulte l’engendrement des choses naturelles. En effet Thétis signifie l’eau, Pélée la bourbe, et comme nous l’avons déclaré ailleurs, en partie, tous les Dieux proviennent de l’accouplement de ces derniers ».
17 Lorsque Viana dit « san Fulgencio », il cite en réalité un extrait du Mythologicon, Libri III, du mythographe latin Fabius Planciades Fulgentius, né au VIe siècle, qui a été pendant longtemps identifié à tort à Fulgence, évêque de Ruspe.
18 Ibid., Annotaciones, fol. 210 (b), « Mais sous cette fable se trouve une allégorie fort drôle que rapporte saint Fulgence et qui comporte la création de l’homme ; en effet Thétis signifie l’eau et Pélée en grec signifie la boue, en les joignant Jupiter laisse entendre que la terre mêlée à l’eau donne la boue, et c’est de cette matière que Dieu fit l’homme. Ainsi de l’eau et de la terre unies par la main de Dieu, l’homme fut créé auquel il ajouta l’âme rationnelle ».
19 Ibid., fol. 12 (a).
20 Pérez de Moya, op. cit., fol. 224 (b), « le feu que Prométhée apporta du Ciel et qu’il mit dans sa statue pour la faire exister ; c’est le feu divin ou l’âme que Dieu insuffla à l’homme. C’est ainsi que par Prométhée on entend le dieu tout puissant qui créa le monde et l’homme à partir du néant ».
21 Ibid., fol. 222 (b), « Selon Lactance, Prométhée fut le premier à faire des statues d’hommes en argile qui se mouvaient d’elles-mêmes, c’est pourquoi on lui attribue, comme le dit la Fable, la création de l’homme ».
22 Viana, op. cit., Livre III, fol. 73 (b), « Parce que la Grèce qui est si formidable quant au mensonge et si admirable quant aux signification qu’elle lui donne, propose que Tirésias est à l’origine du temps qu’il fait : quand il est un homme c’est l’hiver, parce que les plantes y manifestent fermeture et intégrité, jusqu’à ce que, ayant remarqué la même chose chez les animaux il les voit commencer à se reproduire ; alors il les frappe de son bâton de chaleur et il se transforme en femme et parce qu’à ce moment là toutes choses ont été enfantées et se trouvent avec leur fruit. Et parce qu’il y a deux temps pour le désir, l’été et l’automne, où il est interdit de concevoir, il retourne à sa première forme et figure. Parce que l’automne condense et presse toutes choses et que les arbres ne recevant pas l’aliment nécessaire pour leurs parties extérieures, ils perdent leurs feuilles ».
23 Ibid., Livre III, fol. 156 (a), « Par cette fiction on entend que le Soleil est le corps céleste le plus brillant et le plus resplendissant de tous, par Vénus on entend l’hémisphère supérieur, et par Proserpine l’inférieur. Que Vénus ait tant aimé Adonis c’est que, sans la force et la vertu du Soleil aucune chose ne pourrait s’engendrer d’elle-même. Par le sanglier qui blessa Adonis on entend l’hiver, temps froid et âpre, contraire à la génération, parce qu’à cette période le Soleil manque de forces et qu’Adonis est mort ».
24 Pérez de Moya, op. cit., Livre III, fol. 18 (b), « Le contrat que Vénus établit avec Proserpine voulait qu’Adonis restât avec elle pendant six mois, c’est la période où le Soleil passe par les terres australes ». La version exacte de cet épisode mythique voulait qu’il fût ordonné à Adonis de passer un tiers de l’année avec Vénus, un autre tiers avec Perséphone et le dernier tiers avec la déesse de son choix. Adonis aurait choisi de consacrer ce tiers restant à Vénus. Ce qui ne satisfit pas Perséphone ni les autres dieux et aboutit au tragique destin du bel amant.
25 Ibid., Livre III, fol. 144 (b), « Selon Macrobe et saint Augustin, par Attis on entend le Soleil et il est jeune parce que chaque jour il naît de nouveau. C’est à dire que de l’influence du Ciel et du Soleil, sont produits tous les engendrements et toutes les conceptions et que dans ces effets le Soleil est celui qui agit le plus parmi les autres corps célestes ; c’est pourquoi la terre aime Attis qui est le Soleil. On dit qu’il s’est castré parce qu’à une certaine période de l’année les rayons du Soleil consomment plus qu’ils n’engendrent, comme on le voit en hiver où aucune chose ne sort de la terre, comme si la terre était castrée. Qu’Attis coure comme un fou par monts et par vaux, signifie le mouvement continu du Soleil autour de la terre, s’inclinant tantôt d’un côté de l’Équinoxe tantôt vers l’autre, et qu’on appelle déclinaison solaire. Ce que nous montrons dans notre Astronomie ».
26 Ibid., Livre II, fol. 86 (b), « On dit que Phaéton était le fils du Soleil et de Clymène, parce que Phaéton veut dire ardeur, ou inflammation qui sort du Soleil, et que Phaeto en grec signifie la même chose qu’en latin ardere, ce qui en espagnol (arder), veut dire brûler. Qu’il fût fils de Clymène c’est que Clymi est ce qui en latin est dit innundare, déborder, sortir de son lit ; on entend par là l’eau, parce que le Soleil ayant tiré de copieuses exhalaisons de l’eau et aussi des parties humides par lesquelles on entend la nymphe Clymène, il les enflamme, il s’ensuit de grandes chaleurs comme cela advient en été, c’est pourquoi on dit que Phaéton est le fils du Soleil et de Clymène ».
27 Léon l’Hébreu, op. cit., p. 134, « Apollon aima Daphné, fille de Pénée, rivière qui est humidité naturelle de la terre, laquelle vient des rivières qui s’arrêtent pour elle. C’est cette humidité qu’aime le Soleil, en y jetant ses rayons ardents, il essaie de l’attirer à lui en l’exhalant en vapeurs, et l’on pourrait bien dire que le but de telle exhalaison est la sustentation des corps célestes, parce que les poètes soutiennent qu’ils se sustentent des vapeurs qui montent de l’humidité du globe terrestre, mais, comme ceci est aussi métaphorique, on entend par là que le Soleil et les planètes se maintiennent dans leur propre office qui consiste à gouverner et à nourrir le monde d’en bas, autant dire l’univers tout entier, par le biais des exhalaisons de vapeurs humides ».
28 Alphonse le Sage, op. cit., tome I, Livre des Juges, chapitre 80, p. 207 (b), « Maître Jehan l’Anglais parle aussi des faits de ces grands hommes et dit, à sa façon, que par Vénus on entend l’été et par Vulcain dont les Gentils faisaient le dieu des forgerons, on entend aussi par lui le temps estival quand sont fortes les chaleurs solaires, comme est grande la chaleur du feu et du fer rouge dans la forge ; de même que le Soleil découvrit Mars et Vénus et les montra à Vulcain, le Soleil montre également, à la période de la maturité, des fruits qu’il a fait pousser en été. Par Mars qui commet l’adultère, on entend le temps automnal qui met dans les mains des ouvriers, les fruits que l’été a créés, qu’il fait mûrir et offre, tels quels, à l’usage du monde ».
29 Pérez de Moya, op. cit., Livre II, fol. 117 (b), « Certains ont voulu entendre par cette fable la génération des plantes, par Hercule, ils entendirent le Soleil, par Antée les semences. Le Soleil touchant la terre ensemencée, par la vertu du Soleil que les semences reçoivent, elles poussent en prenant des forces et arrivent à fructification ».
30 Ibid., Livre IV, fol. 189 (a), « Sémélé fécondée par Jupiter est enceinte de Bacchus, ainsi la vigne représentée par elle gonfle sous la chaleur du Soleil, au printemps, puis est frappée par les rayons du Soleil au moment des plus grandes chaleurs de l’été, quand sous la grande force du Soleil, commence à jaillir le fruit. Bacchus feint d’être le fils de Sémélé, parce que le vin est le fruit de la vigne. Il se disait aussi fils de Jupiter, parce que le vin possède une chaleur naturelle aussi ingérée par la nature ; la vigne ne peut naître que sur des terres chaudes, du moins là où il y a une chaleur modérée. On la fait naître, dit-on, dans les cendres de Sémélé brûlée, parce que la nature de la cendre lui permet de conserver sa chaleur et je ne sais quelle épaisseur, très profitables à la vigne ».
31 Ibid., Livre II, fol. 117 (b), « Par Daphné on entend l’humidité laquelle est fille du fleuve Pénée, Apollon est le Soleil qui aima Daphné ; le Soleil, par sa grande chaleur virtuelle, s’applique à absorber toute l’humidité ; voici l’occasion de parler des amours d’Apollon et du désamour de Daphné, toute chose étant destinée à ne pas aimer son contraire. Aussi Daphné, fuit-elle l’humidité de la chaleur d’Apollon et cherche à se cacher sous la terre pour se défendre. Daphné en fuyant ainsi fut changée en laurier. L’humidité voulant échapper au Soleil et se conserver en son être, s’est cachée sous la terre. Alors le Soleil usant de son pouvoir, la convertit en laurier, parce qu’elle s’était trouvée juste à l’endroit d’un semis de laurier ou de quelque autre arbre. Que Daphné soit la fille de Pénée, et qu’elle se convertisse en laurier plus qu’en tout autre arbre, c’est parce que, près du fleuve Pénée en Thessalie, poussent beaucoup de lauriers ».
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