Prosodie et phrase orale chez le jeune enfant en début de petite section de maternelle
p. 305-324
Texte intégral
1Cet article a pour objet l’étude de la syntaxe du français parlé à l’école, et concerne particulièrement les productions enfantines en début d’école maternelle. Quel statut pour la phrase orale entre 2 et 3 ans, lorsque l’enfant commence à entrer dans un langage verbal explicite, à utiliser le « je » et à prendre en compte les états mentaux de son interlocuteur ?
2À partir d’un corpus de thèse (Bourhis, 2005), nous étudions la congruence prosodie - syntaxe orale lors de l’acquisition / apprentissage du jeune enfant en petite section de maternelle au cours d’interactions enregistrées en situation écologique (interactions enfant - adulte - mère / maîtresse), susceptible d’expliquer la manière dont la syntaxe se construit. Le paradigme de l’approche écologique repose sur deux fondements (Labov, 1970) :
- les données sur lesquelles porte l’étude sont écologiquement valides, c’est-à-dire qu’elles sont recueillies en prenant soin de préserver au mieux les conditions naturelles de leur production ; en d’autres termes, le chercheur choisit de ne pas influer sur la production de ces données ;
- l’analyse de ces données vise avant tout à rechercher les relations systématiques entre des caractéristiques de l’acquisition de la langue maternelle, plus particulièrement de sa syntaxe, et les contextes dans lesquels les données s’inscrivent.
3Nous posons comme hypothèse que l’étude de la prosodie en lien avec celle de la syntaxe est susceptible de donner des indications sur la manière dont l’enfant apprend à maîtriser les contraintes sémantiques et syntaxiques supposées présider à l’organisation séquentielle des énoncés.
4 Nous nous démarquons de la phrase écrite et étudions la « phrase orale », que nous définissons comme une entité orale qui contient a minima une prédication (cf. infra). Nous posons comme hypothèse que mieux connaître la genèse des productions définies comme telles, peut permettre de mieux affronter les problèmes rencontrés par les élèves lors du passage à l’écrit. D’autant que la phrase écrite est elle-même sujette à débats polémiques : elle n’a pas de réalisation morphologique propre et c’est une notion qui est peu opératoire pour l’analyse, comme le montre le numéro thématique de Lidil 54 coordonné par Catherine Boré.
1. La notion de « phrase » dans les nouveaux programmes de l’école maternelle
5La notion de « phrase » est-elle opératoire à l’école maternelle ? Qu’en font les enseignants, comment la comprennent-ils ?
6Lorsqu’on extrait les termes « phrase » et « syntaxe » des nouveaux programmes de l’école maternelle en vigueur depuis 20151 le terme « phrase » apparaît cinq fois, le terme « syntaxe » une. Ainsi, on peut lire (nous mettons les italiques) :
7Dans le domaine Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions :
- L’enseignant, attentif, accompagne chaque enfant dans ses premiers essais, reprenant ses productions orales pour lui apporter des mots ou des structures de phrase plus adaptés qui l’aident à progresser. (Oral)
- (Autour de quatre ans…) leurs progrès s’accompagnent d’un accroissement du vocabulaire et d’une organisation de plus en plus complexe des phrases. (Oser entrer en communication)
- (Autour de quatre ans…) On peut alors centrer leur attention sur le vocabulaire, sur la syntaxe et sur les unités sonores de la langue française dont la reconnaissance sera indispensable pour apprendre à maîtriser le fonctionnement de l’écriture. (Commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une conscience phonologique)
- Toute production d’écrits nécessite différentes étapes et donc de la durée avant d’aboutir ; la phase d’élaboration orale préalable du message est fondamentale, notamment parce qu’elle permet la prise de conscience des transformations nécessaires d’un propos oral en phrases à écrire. (Commencer à produire des écrits et en découvrir le fonctionnement)
- À partir de la moyenne section, et régulièrement en grande section, l’enseignant explique la correspondance des trois écritures (cursive, script, capitales). Les enfants s’exercent à des transcriptions de mots, phrases, courts textes connus, à leur saisie sur ordinateur. (Commencer à écrire tout seul - Écriture graphique)
8Dans la partie Ce qui est attendu des enfants en fin d’école maternelle :
– Manifester de la curiosité par rapport à l’écrit. Pouvoir redire les mots d’une phrase écrite après sa lecture par l’adulte, les mots du titre connu d’un livre ou d’un texte.
9Enfin, dans le domaine Univers sonore :
Dans un premier temps, il privilégie les comptines et les chants composés de phrases musicales courtes, à structure simple, adaptées aux possibilités vocales des enfants (étendue restreinte, absence de trop grandes difficultés mélodiques et rythmiques). (Jouer avec sa voix et acquérir un répertoire de comptines et de chansons)
10On constate donc tant à l’oral qu’à l’écrit que le terme phrase est mentionné dans les Instructions Officielles - domaine Langage - dans ses valeurs syntaxique et sémantique. Dans le domaine Univers Sonore, le terme phrase est employé au sens musicologique, ce qui suggère néanmoins que la voix de l’élève saura faire varier la mélodie (fréquence fondamentale, amplitude en tons), le rythme (durée, pauses), l’intensité, paramètres qui caractérisent également la prosodie du français parlé, la « musique de la parole » (Bouvet et Morel, 2002).
11Les programmes véhiculent l’idée d’une phrase orale écrivable, pour laquelle on acceptera éventuellement de petits aménagements, avec l’idée d’une grammaire qui impose une norme. La syntaxe, entendue comme manière dont on agence les mots pour construire un message signifiant, est mentionnée. L’âge de 4 ans semble être la période critique, celle où les phrases sont susceptibles d’être complexifiées, voire d’être objectivées. Qu’en est-il avant, en toute petite section et petite section de l’école maternelle ?
2. La phrase en début d’école maternelle
2.1. De quelques réflexions sur la perception de la phrase par les enseignants de petite section de maternelle
12À l’occasion d’une enquête sur les apprentissages en PS de maternelle (citée dans Bourhis, 2012) concernant la scolarisation précoce, un questionnaire a été soumis à 12 enseignants de petite section de maternelle, section des tout petits (2-3 ans - PS1) et section des 3-4 ans (PS2). L’une des questions portait sur les apprentissages langagiers :
Quels sont selon vous les principaux objectifs des apprentissages langagiers en PS1- PS2 ? (Plusieurs réponses sont possibles parmi les items cités)
13Les réponses ont été les suivantes :
- Communication et socialisation : (12/12) = 100 %
- Savoir bien parler, faire des phrases correctes : (10/12) = 85 %
- Apprendre du vocabulaire, des mots nouveaux : 9/12 = 75 %
- Verbaliser, parler pour apprendre = 2/12 (17 %)
14Le questionnaire est restreint, mais des tendances se dessinent : indépendamment des compétences de socialisation et de communication, parler, pour les enseignants, c’est « savoir bien parler », « faire des phrases », et qui plus est « correctes ».
15Enfin, chaque enseignant est susceptible d’avoir sa propre acception du concept de phrase, liée à la manière dont il didactisera cet objet de savoir. Comme le souligne Béguelin (2000), « de nos jours, la phrase, même si elle reçoit quantité de définitions grammaticales ou linguistiques, n’en reste pas moins, et même avant tout, un outil de pensée propre au savoir pratique ».
16Les réponses indiquent cependant que l’idée de norme leur est essentielle, ce que corrobore Elalouf (2014) qui montre que pour les enseignants, la phrase est un métaterme susceptible de correspondre à la « phrase de base » de type (sujet + verbe + complément) que l’on peut complexifier. L’article montre notamment que les enseignants figent souvent cette notion, qu’ils se réfèrent à une phrase de base, une phrase modèle, sans envisager l’alternative qui consisterait à faire un va-et-vient conscient entre sémantique, syntaxe, énonciation et pragmatique à partir de la construction du verbe pour appréhender celle de la phrase et de l’énoncé.
2.2. Grammaticalisation du langage oral
17Nous nous intéressons à la grammaticalisation du langage oral, à la forme dans laquelle sont produits les énoncés. Ce terme a été créé par Meillet pour désigner « le passage d’un mot autonome au rôle d’élément grammatical » (1912 : 133). Il est utilisé depuis par les psycholinguistes tels que Clark (2001), Bassano (1999, 2005, 2010) ou encore Tomasello (2000) par exemple. Nous distinguons la grammaticalisation, processus linguistique diachronique qui transforme un mot purement lexical en morphème ou structure grammaticale, et la grammatisation (Auroux, 1998), qui correspond aux processus qui permettent de décrire, de formaliser et de rendre discrets (discrétisation) des comportements humains (voix et gestes) pour permettre leur reproductibilité.
2.2.1. Le rôle de la prosodie dans le langage oral
18La prosodie est le niveau le plus précoce de mise en place du langage, que l’on observe dès la naissance (Konopczynski, 1999, 2000 ; Crystal, 1996). Elle désigne l’ensemble des aspects musicaux du langage (Morel et Danon-Boileau, 1998 ; Morel et Bouvet, 2002) c’est-à-dire les variations de hauteur de la voix – qui correspondent à la fréquence fondamentale ou mélodie (f0), les variations de durée et d’intensité, les pauses (Cruttenden, 1997).
19Dans la communication orale, la prosodie recouvre différentes fonctions :
- au niveau structural, elle permet d’organiser la mise en perspective de l’information. Son rôle est démarcatif, elle est l’un des facteurs qui permettent de distinguer le thème du rhème (Rossi et al., 1981 ; Martin, 1981 ; Fuchs et Le Goffic, 1985).
- au niveau expressif, elle traduit des phénomènes qui regroupent tout ce qui relève de l’émotivité, de l’expressivité et de la personnalité du sujet (Fonagy, 1983 ; Vroomen et al., 1993 ; Gérard et Clément, 1998).
- la prosodie a également une fonction de contextualisation : elle permet d’identifier des items particuliers auxquels on peut attribuer une signification sémantique qui dépend de l’identification des composantes pragmatiques de l’interaction, préalable à l’interprétation de l’énoncé ; elle permet de prédire le poids informatif des unités associées aux stratégies énonciatives qui permettent la construction du message référentiel (Morel et Danon-Boileau, 1992 ; Morel, 1995 ; Rossi, 1999).
- enfin la prosodie reflète l’intersubjectivité (Morel et Danon-Boileau, 1998) : chaque indice qui entre en jeu dans l’intonation revêt, si on le prend isolément, une valeur de base et le couplage des indices permet de stabiliser les différentes fonctions de l’intonation. Les auteurs distinguent différentes postures : anticipation de la pensée de l’autre, neutralité co-énonciative, hésitation, focalisation, repli sur soi… Dans une interaction communicative, l’espace intersubjectif se construit en fonction des prédictions et des attentes supposées de l’écouteur par le locuteur, et de l’attitude de l’écouteur.
20Selon le point de vue adopté, la prosodie peut jouer un rôle à différents niveaux… et, en fait, elle remplit toutes ces fonctions en même temps.
21Ces travaux envisagent tous la prosodie comme un phénomène porteur d’informations subjectives : l’énoncé véhicule des informations que le locuteur destine à son interlocuteur. Celui-ci va interpréter les indices prosodiques qui lui permettront de (mieux) construire la signification.
22Cependant, dans toute situation d’interlocution, le sens des actions langagières réalisées dans chaque énoncé est co-construit via l’action réciproque des locuteurs. Ainsi il conviendra également de s’interroger, dans une perspective dialogique, non sur ce que les indices prosodiques transmettent, mais sur ce à quoi ils renvoient contextuellement dans les situations d’enseignement / apprentissage.
2.2.2. Grammaticalisation du langage oral : un lien prosodie – syntaxe ?
23Lors du développement langagier de l’enfant, trois niveaux coexistent avec des dominantes : les niveaux prosodique, lexical et syntaxique.
24Dans le cadre d’une linguistique appliquée à l’acquisition de la langue maternelle, la prosodie a fait l’objet de nombreuses études chez le bébé à partir de 6 mois (Crystal, 1969, 1986 ; Dore, 1975 ; Halliday, 1975, 1978, pour l’anglais ; Konopczynski, 1986, 1990, 1991, 2000, pour le français), montrant la maîtrise progressive de contours prosodiques fonctionnels porteurs d’intention de communication.
25Toutes s’accordent à voir l’âge de 8/9 mois comme une période charnière, qui différencie le jasis, produit en solitaire, du protolangage en interaction, message intentionnel ; Halliday (1975) signale l’apparition des « actes de signification ». Les patterns prosodiques correspondant aux intonations de base (appel, demandes, assertifs) sont stabilisés. Cet âge est également celui de l’attention conjointe (Bruner, 1984) et des débuts de la référence ; c’est pour Danon-Boileau (2002) celui de la communication gestuelle intentionnelle, et enfin Tomasello (2004) considère que c’est la période de l’apprentissage culturel.
26Au plan de l’acquisition lexicale, l’enfant âgé de 18 à 20 mois entre dans la phase d’explosion du vocabulaire : il possède environ 15 mots à 1 an, 200 à 2 ans, et environ 530 à 3 ans (Bates et al., 1995 ; Bassano et al. 1998).
27À partir de 2 ans, on parle de dominante syntaxique : la construction à deux mots : thème - rhème se complexifie, avec, selon Parisse et Le Normand (2000) une bonne correspondance entre les productions de l’enfant et celles de l’adulte à partir de 24 mois, les bi-catégories utilisées le plus fréquemment par les enfants étant des fragments d’énoncés d’adulte.
28À ce stade, on admet que l’intonation rejoint celle de l’adulte : la composante prosodique permet de mettre en relation la phonologie et la syntaxe. Les indices prosodiques (rythme et mélodie) permettent de traiter l’information, en particulier pour la segmentation des mots et le repérage des régularités syntaxiques qui organisent les énoncés en unités linguistiques hiérarchisées. On peut ainsi déterminer la LME (longueur moyenne de l’énoncé). L’énoncé est entendu comme une production verbale marquée : à son début et à sa fin par une pause et par une modification de l’intonation ; il est également marqué par son caractère grammatical : il s’agit d’une production verbale contenant une prédication. Cette acception est proche de la définition de la phrase entendue comme prédication en acte assortie d’une modalité énonciative (Le Goffic, 1993).
29À partir de 30 mois, le système nominal continue de croître et de se complexifier, avec l’émergence des déterminants (article défini et indéfini) et des prépositions, les flexions du nom avec les marques de l’accord du genre et du pluriel, ainsi que le système verbal (auxiliaires, copules) avec l’émergence des pronoms, le développement des flexions du verbe (conjugaisons) et la subordination des énoncés (Bassano, 2005 ; Salazar-Orvig, 2013).
30Cet arrière-plan théorique étant précisé, on peut s’interroger sur les réalisations orales des enfants vers deux ans et demi. L’étude de la prosodie liée à celle de la syntaxe est-elle susceptible de donner des indications sur la manière dont l’enfant apprend à maîtriser les contraintes sémantiques et syntaxiques supposées présider à l’organisation séquentielle des énoncés, et lesquelles ?
3. Méthodologie
3.1. Le recueil et le traitement des données
31Nous travaillons à partir d’un corpus de thèse (Bourhis, 2005) qui concerne deux enfants en situation d’apprentissage et un adulte. Le corpus a été recueilli en situation écologique (interaction mère-enfant et interaction enseignante-enfant). Les interventions sont soit conversationnelles, soit didactiques, soit soliloquées. Ce travail de recherche a consisté à exploiter la diversité des situations pour comparer les stratégies prosodiques et les caractériser, en regardant notamment les modalités familiales et les modalités scolaires du développement langagier.
32Parmi les onze enregistrements exploitables pour un traitement instrumental des données, nous extrairons certains énoncés de leur contexte discursif et les analyserons avant que de les recontextualiser. La méthode empirique est contestable, mais donne des tendances et tend à observer certains phénomènes qu’il s’agirait d’affiner. Cette étude est donc exploratoire et soumise à critique.
33Les données font l’objet d’une double analyse. Tout d’abord au plan prosodique2. Elles sont enregistrées puis transcrites, et une première analyse auditive est effectuée. Elles sont ensuite traitées par un logiciel d’analyse de la voix : Praat, nécessitant une numérisation du corpus, un découpage en séquences de 6 secondes, l’étiquetage paramètre par paramètre des signaux de parole. Les tracés mélodiques sont obtenus par conversion en .wav des enregistrements audio puis par extraction des fichiers sons pour les séquencer via Praat. Les fichiers numérisés sont « découpés » en deux puis encore en deux et ainsi de suite pour finir par extraire des extraits homogènes en durée de 6 secondes. Enfin, une analyse acoustique de chaque fichier permet de le paramétrer et de l’annoter.
3.2. De la phrase orale à la période comme unité de segmentation
34Parallèlement, les énoncés sont segmentés en unités « phrases ». Comme nous l’avons mentionné, cette segmentation repose sur le principe que la phrase orale est une unité qui contient a minima une prédication. Mais comment délimiter ses frontières ?
35Un premier critère à prendre en compte est celui de la modalité énonciative : la phrase s’articule autour d’un prédicat, actualisé dans le discours par une modalité énonciative-assertive, interrogative ou injonctive. La notion de prédication renvoie à l’opération sémantico-syntaxique de mise en relation d’un sujet et d’un prédicat (Le Goffic, 1993).
36Cependant, du point de vue syntaxique, Berrendonner (2002 : 27) récuse cette acception terminologique et définit la clause comme une unité maximale syntaxique, un « îlot » de dépendances grammaticales qui présente « un réseau interne de relations de rection liant tous ses éléments », mais « n’entretenant pas de relation du même type avec l’extérieur ». Il précise qu’en tant que plus grande unité syntaxique et plus petite unité de l’action langagière amenant une transformation de la mémoire discursive, la clause n’est pas équivalente à la phrase : elle révèle la marque textuelle d’une énonciation (Malgré la pluie, je vais arroser les fleurs = deux clauses).
37L’approche prosodique qui est la nôtre tient compte de ces deux aspects. Elle s’inscrit dans le cadre de la définition du paragraphe oral (Morel et Danon-Boileau, 1998) qui a précédé celle de la période prosodique (Lacheret Dujour, 2003). Selon Morel et Danon-Boileau (op.cit.), le paragraphe oral se caractérise par des indices suprasegmentaux qui en indiquent la cohésion : le préambule / le rhème / le postrhème (éventuellement), selon deux indicateurs : (i) La chute conjointe et rapide de l’intensité et de la Fo à un niveau bas (H1 et H2) s’opère sur la dernière syllabe du dernier segment du paragraphe » ; (ii) la remontée de Fo à H3 ou H43 sur la syllabe finale d’un constituant ou d’un ensemble de constituants a pour effet rétroactif d’unifier cet ensemble, en lui conférant le statut de préambule du texte oral qui le suit, et cela quel que soit son statut au plan segmental.
38Lacheret-Dujour4 (2003) complétera cette segmentation en unités prosodiques majeures, appelée désormais « périodes intonatives », en paramétrant plus précisément certains indicateurs, et en en implémentant les paramètres dans un logiciel de visualisation et d’analyse prosodique, ANALOR, conçu sous MATLAB par B. Victorri5.
39Nous nous inscrivons dans l’approche acoustique/phonétique de Morel et Danon-Boileau, qui permet de détecter les ruptures périodiques sur la base d’une série de critères prosodiques autonomes moins précise que celle d’ANALOR, ce qui ne remet pas en cause la validité de l’analyse, même si les valeurs des variations du fondamental (amplitude, saut) et les syllabes proéminentes gagneraient à être précisées.
40La majorité des études qui s’intéressent à la relation prosodie-syntaxe partent des phénomènes syntaxiques et analysent leurs réalisations prosodiques pour les expliquer, les désambiguïser. Nous procédons de manière inverse : nous analysons syntaxiquement des réalisations prosodiques en nous appuyant sur la notion de phrase orale et de période intonative comme unités de description et de segmentation.
41Bien que les deux procédés de segmentation soient indépendants l’un par rapport à l’autre, différentes études ont relevé trois cas de corrélation entre les unités syntaxiques et les unités prosodiques (Degand et Simon, 2008) :
- les cas de congruence : prosodie et syntaxe donnent des indices congruents (phrase et période s’alignent l’une sur l’autre) ;
- les cas de condensation : une période intonative regroupe plusieurs phrases ;
- les cas de dislocation : une phrase regroupe plusieurs périodes (ou est à cheval sur plusieurs périodes).
4. Analyse
42Nous considérons les interactions orales comme relevant du paradigme de l’action située. Selon le contexte d’apprentissage, les interactions sociales et la nature des tâches dans lesquelles l’enfant et l’adulte sont engagés, nous distinguons trois cas de productions textuelles orales :
- les situations de dialogue « à bâtons rompus », dont l’aspect est conversationnel ; le langage est moyen d’expression (Plane et Garcia-Debanc, 2004) ;
- les situations dominées par la transmission / acquisition d’un contenu didactisable (dans notre cas structuration de la langue (grammaire, lexique) ou restitution de récit). Ces productions textuelles orales sont issues d’une transposition exigeant un changement de mode communicationnel. Le langage est objet d’apprentissage ;
- les moments soliloqués de l’enfant.
4.1. Les situations de dialogue « à bâtons rompus »
43Trois scénarios sont analysés : on constate que dans 63 % des énoncés, une unité période regroupe plusieurs unités phrases (2 ou 3).
44Prenons trois exemples :
45Exemple 1
46L’enfant dit : Ben non il a dit le monsieur il faut rentrer le monsieur à la maison
47Observons le tracé obtenu par Praat (cf. section 3) :
Figure 1. Exemple d’une situation « à bâtons rompus » (aspects conversationnels).

48Période 1 : Ben non / /
49Période 2 : Il a dit le monsieur il faut rentrer le monsieur à la maison
50La période 2 est composée de deux phrases syntaxiques (deux propositions : le monsieur a dit / il faut rentrer à la maison), et est marquée par un soulignement contrastif (sur monsieur) qui marque un focus attentionnel.
51Exemple 2
52Enfant : Et ben tu sais la dame qui fait du piano ben elle s’appelle madame mathieu
53L’énoncé est constitué d’une période intonative. Celle-ci est composée de trois phrases syntaxiques : Et ben tu sais / la dame qui fait du piano / ben elle s’appelle madame mathieu
54Exemple 3 (Dans les coins jeux, en classe)
55Enfant : tu vas t’assir tu va t’assir on va manger
56L’énoncé est constitué d’une période intonative composée de trois phrases syntaxiques.
57Dans l’activité conversationnelle, le langage est « moyen d’expression » (Plane, Garcia-Debanc, 2004). C’est-à-dire que lorsque la centration de l’enfant porte sur l’activité discursive, presque les deux tiers des énoncés enfantins portent la marque de la condensation : une période intonative pour plusieurs phrases syntaxiques (deux tiers dans les extraits étudiés). Les courbes intonatives sont très modulées et portent la trace d’emphase ou de focus intonatif.
4.2. Les conversations dominées par la transmission d’un contenu
58Trois scenarios sont analysés. On constate que dans 82 % des cas, une période intonative correspond à une phrase.
59Exemple 1 : L’épisode du couteau de la dinette
60Mère : c’est TON couteau, c’est le couteau de TA dinette (accent d’insistance)
61Enfant 84-1 : où il est mon /puto/?
622 où il est mon /puto/?
633 où il est mon /puto/ la dine (tte)
644 où il est mon dînè de la dine (tte) : : :
6585-1 où il est le/puto/ la dinette, maman ? (ici, non congruence)
662 maman, où il est le /puto/ la dinette ? (ici, non congruence)
673 où il où il est le /puto/ de ma de la dinette ?
684 où il est /put / : : /o/ de ma dinette ?
695 m : qu’est ce qu’il y a ?
7086 c : où il est le /puto/ de ma dinette ?
71Mère : eh bien cherche le dans ta caisse, chloé
Figure 2. Exemple de conversation dominée par la transmission/ l’acquisition d’un contenu (linguistique) (Enfant 84-1 : où il est mon /puto/? Et 84.2 : où il est mon /puto/?

72Dans ce premier exemple, la mère invite l’enfant à focaliser son attention sur le déterminant déictique et ses marques du genre (ton, ta). Il s’ensuit une série d’essais de l’enfant à la fois sur le déterminant déictique : mon vs le, et sur le groupe nominal qui suit, plus précisément sur la préposition de nécessaire à la complémentation du nom : le couteau de la dinette.
73Regardons la figure 2. La mélodie du groupe nominal sur lequel porte l’apprentissage est non modulée : le premier mon (84-1) est plat et plus élevé que /puto/ qui suit, plat également (attention à une interprétation erronée : le trait vertical du schéma est un artéfact expérimental et n’indique pas la mélodie).
74Le second mon présente une montée intonative mais la suite du groupe nominal /puto/ est non modulée.
75Ce qui est intéressant est que l’intensité (ligne du haut) est modulée et que cette modulation compense auditivement l’absence de mélodie.
76La suite des tracés montre exactement la même stratégie intonative, ce qui peut sembler étonnant puisque la modalité énonciative est interrogative (on attendrait une montée finale), et ce jusqu’au dernier énoncé (86 c : où il est le / puto/ de ma dinette ?), totalement plat.
77Prenons un autre exemple qui illustre une transmission/ apprentissage d’un contenu, cette fois-ci à l’école.
78Exemple 2
79Maîtresse : qu’est-ce qu’il y a dans le chapeau ? (Lecture d’un livre concernant un magicien qui sort des objets de son chapeau)
80Enfant :
811 Qu’est-ce qu’il y a le chapeau ?
82L’enseignante ne répond pas à la question mais montre ce qui dépasse du chapeau (un escargot). Puis elle tourne les pages en laissant à l’enfant le temps de répondre.
832 Un escargot
843 Un chat
854 C’est un papillon
865 Il est de quelle couleur le lapin ?
87(Enfin le magicien met le chapeau vide sur sa tête.)
886 Il va s’essayer à ce chapeau
89Ici, la conversation porte sur la désignation, qui relève de l’acquisition du lexique. Il s’agit d’une opération de référenciation6. L’analyse instrumentale des occurrences 1 à 6 indique les mêmes stratégies prosodiques que dans l’exemple précédent.
90L’analyse prosodico-syntaxique met en évidence des constantes : le fondamental est plat (absence de modulation), l’intensité modulée, les durées syllabiques souvent allongées. La voix est perçue par l’interlocuteur comme modulée, et l’allongement de la durée est également perçu.
91Cette centration, liée à nature de la tâche cognitivo - langagière à accomplir, s’observe quelle que soit la nature de l’objet d’apprentissage et concerne à 82 % les cas de congruence : période intonative et phrase syntaxique s’alignent l’une sur l’autre.
92On observe ces caractéristiques quel que soit l’apprentissage en cours : lexique et opérations de référenciation, mots grammaticaux, lexique verbal…
4.3. Les énoncés soliloqués
93Alors que le dialogue comporte à des degrés divers un partage de l’activité de mise en mots, notre corpus fait apparaître de nombreuses situations où l’enfant se coupe de la co-énonciation : il parle seul, pour lui-même, soit en langage articulé, soit de manière incompréhensible pour un auditeur. Ce langage extérieur est le plus souvent explicite.
94Nous nommons soliloque toutes les situations où l’enfant parle en ne cherchant pas à s’adresser et à prendre en compte un interlocuteur. Selon Berck (1991), le soliloque constitue 20 à 60 % des paroles d’un enfant de moins de 10 ans.
9554 % des énoncés soliloqués que nous avons analysés sont des cas de dislocation : une phrase regroupe plusieurs périodes, ou est à cheval sur plusieurs périodes.
96Prenons en exemple l’énoncé suivant :
97yo yo /144/ les to (r) /51/ tues /36/ pas les tortues [te le jœj] /35/ oran /237/. Tu me /64/ mets la [re] sur mes yeux /66/. Les tortues /39/ l’a des yeux les tortues ! /602/ les oiseaux aussi l’a des yeux /30/ eu /66/ aussi l’a des yeux. /64/ tilili /61/
98Pour contextualiser, précisons que cette occurrence langagière soliloquée est introduite au cours d’une interaction. L’enfant vient de parler à sa grande sœur des tortues, animaux qu’elle ne connaît pas et qui la préoccupent. Elle dit à sœur : Je vais chercher un li (vre) pou : : le li (re). Chercher un li (vre) pou : : le li (re)chercher un li (vre) pou : le li (re). Eh maman tu cherches un li (vre) pou : : le li (re). tu cherches un li (vre) pour le li (re)Mais la mère est en train de lire elle-même un livre, alors l’enfant décide de « lire » toute seule. Elle se coupe de la co-énonciation.
99On constate que, alors même que l’enfant est capable d’un langage articulé en interaction, il associe protolangage et langage articulé lorsqu’il n’y a pas de co-énonciation.
100Les pauses en centisecondes sont indiquées entre slashs (/36/). Entre crochets sont notés les segments en API, non intelligibles. Les allongements sont marquées par des : : : et on note entre parenthèses pour plus d’intelligibilité les syllabes non prononcées.
101Les stratégies prosodiques utilisées par l’enfant n’aident pas à la compréhension du message, ce qui par ailleurs n’est pas le but de l’énoncé produit. Les courbes de Fo sont complexes avec des allongements vocaliques aléatoires, les pauses sont non structurantes de l’énoncé et la longueur des segments confère à l’ensemble de l’intervention un mouvement arythmique. Les énoncés comprennent de très nombreuses périodes intonatives.
102Prenons le début de l’exemple précédent :
103/144/ les to (r) /51/ tu(es) /36 : (= les tortues).
104Les périodes intonatives sont caractérisées par des critères prosodiques autonomes (pause, diminution de la Fo en fin de période) et constituent cependant une phrase syntaxique : les tortues.
105L’énoncé soliloqué présente des caractéristiques vocales, rythmiques et mélodiques spécifiques qui traduisent la centration de l’enfant sur l’objet même de la tâche cognitivo-discursive à accomplir (langage réflexif, autolangage).
106Le soliloque semble donc dans sa forme mettre en œuvre une activité de catégorisation implicite de la situation de production, activité marquée par une prédominance des faits de dislocation prosodie-syntaxe, que l’on peut analyser comme un premier niveau de catégorisation épidiscursive. Nous utilisons ce néologisme absent des écrits linguistiques en référence à celui d’épilinguistique. Les deux renvoient à une activité intuitive, non théorisée, susceptible d’être révélée par des marqueurs langagiers métadiscursifs et/ou métalinguistiques.
Discussion conclusive
107En termes de grammaticalisation, l’étude des relations prosodie-syntaxe, dans un corpus limité qui se devra d’être élargi, montre que l’intonation intervient à la manière d’un guidage contextuel dans le traitement cognitif de l’information, et que ce guidage opère différemment selon que l’enfant se centre :
- sur l’activité de production (aspects communicationnels) ;
- sur le produit de l’activité (centration sur ce qui est dit, aspects linguistiques, transmission / apprentissage d’un savoir) ;
- sur l’objet même du discours (aspects épi/ méta discursifs).
108Les productions orales du jeune enfant portent donc très tôt les marques d’un comportement méta (communicationnel, linguistique, cognitif) marqué par la prosodie et en lien avec la construction des phrases syntaxiques.
109C’est-à-dire que l’enfant semble catégoriser implicitement les différentes situations de production, en produisant pour chacune d’entre elles des stratégies prosodiques similaires, ceci en lien avec la production d’une syntaxe spécifique :
- dans les cas de condensation : une période intonative regroupe plusieurs phrases syntaxiques. Les courbes intonatives sont très modulées et portent la trace d’emphase ou de focus intonatif (Activité conversationnelle).
- dans les cas de congruence : prosodie et syntaxe donnent des indices congruents (phrase et période s’alignent l’une sur l’autre). La prosodie se caractérise par un fondamental de la voix plutôt plat (absence de modulation), une intensité modulée, des durées syllabiques souvent allongées (Centration sur les aspects linguistiques, transmission d’un savoir / apprentissages).
- dans les cas de dislocation : une phrase regroupe plusieurs périodes (ou est à cheval sur plusieurs périodes). Les courbes du fondamental de la voix sont complexes car les successions syllabiques sont intonées de manière non conventionnelle alors que l’enfant en est capable : la présence d’allongements vocaliques aléatoires et de pauses non structurantes ne permet pas de segmenter l’énoncé et donne à l’ensemble un mouvement arythmique. On ne comprend pas ce que l’enfant dit. Pourtant il restructure ses champs conceptuels, non en verbalisant de manière intelligible mais en manifestant une réflexion « méta- » marquée prosodiquement.
110On constate donc un lien, en production, dans le couplage entre des entités prosodiques spécifiques qui fournissent des renseignements indépendamment du contenu du message (énonciatif), et des entités syntaxiques spécifiques dépendantes du contenu du message.
111Cette tension témoigne de l’existence d’une relation conjointe entre la prosodie, la syntaxe et la tâche cognitive dans laquelle est engagé l’enfant ou dans laquelle l’enseignant ou l’adulte veut qu’il s’engage. Cette relation se traduit par une variété des réalisations langagières.
112Notre première conclusion est que toute intervention comporte au plan prosodico-syntaxique des traces de l’intention du locuteur par rapport à cette tâche, dont l’analyse fournit un schéma au processus interprétatif.
113La seconde est plus générale : lorsque le jeune enfant produit des énoncés oraux, l’analyse de la congruence prosodie-syntaxe montre que cette activité met en œuvre une activité de catégorisation implicite de la situation de production et comporte donc un niveau épi/ métadiscursif marqué prosodico-syntaxiquement.
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Annexe
Annexe 1 : La méthode instrumentale
– Analyse auditive : enregistrement, transcription, et analyse auditive des données.
– Analyse instrumentale par Praat : numérisation du corpus, découpage en séquences de 6 secondes, étiquetage paramètre par paramètre des signaux de parole.
– Analyse prosodique, qui nécessite la mise en place d’un protocole expérimental rigoureux pour l’exploitation et l’interprétation des données. Les tracés mélodiques ont été obtenus par la conversion en .wav des enregistrements « audio » ; l’extraction des fichiers sons pour les séquencer via Praat. Les fichiers numérisés sont « découpés » en deux puis encore en deux et ainsi de suite pour finir par extraire des extraits homogènes en durée de 6 secondes par exemple. Suit l’analyse acoustique de chaque fichier pour le paramétrer et l’annoter, paramètre par paramètre, ligne par ligne.

Transcription :
(adulte : Il a dit qu’il fallait aller à l’école, le monsieur ?)
enfant : ben non / pause/ il a dit / inspiration/ il a dit, le monsieur, il faut rentrer, le monsieur, à la maison ;
La courbe supérieure indique l’intensité (limite inférieure paramétrée à 50 dB, limite supérieure à 100 dB). Le spectre est découpé en trois plages intitulées « inférieure », « médiane », « supérieure ». Cette notion de niveau est suffisante et nécessaire pour apprécier les variations d’intensité lors d’un même énoncé.
Le second tracé indique les variations de fréquence fondamentale (F0), en 4 niveaux (selon la méthodologie de Paris 3 permettant d’identifier les niveaux intonatifs en déterminant le point le plus haut et le point le plus bas et les niveaux intermédiaires). Pour le tracé sur Praat, l’image de la courbe a été paramétrée entre 50 Hz et 600 Hz. Toutefois, ces valeurs sont relatives.
L’étiquetage de la courbe a été ensuite effectué par paramétrage de cinq lignes : la 1re pour coder ce que dit l’adulte, la 2e pour coder ce que dit l’enfant, la 3e pour inscrire les durées des segments (en cs), la 4e pour coder des points précis de fréquence fondamentale (en Hz), et enfin la 5e pour marquer les variations prosodiques comme suit : desc = courbe descendante, mont = courbe ascendante, cloche = courbe ascendante /descendante, plat = courbe recto-tono, P = pause.
Notes de bas de page
1 Programmes de l’école maternelle. BO spécial n° 2 du 26 mars 2015.
2 Cf. annexe 1.
3 Les auteurs divisent la plage intonative d’un individu dans une production donnée en 4 niveaux, H1 et H4 étant respectivement les niveaux le plus bas et le plus haut, et H2 et H3 étant les niveaux intermédiaires. Deux sous-plages sont ensuite déterminées : une basse (H1 à H2,5) et une haute (H2,5 à H4).
4 Lacheret-Dujour (2003) propose un découpage qui repose sur la détection des syllabes perceptivement saillantes en frontière terminale de mots, et donc associées à des coupes prosodiques fortes dans le flux discursif. « Ces ruptures discursives relèvent de la combinaison de trois marqueurs acoustiques (pause silence, amplitude du geste terminal et réinitialisation mélodique subséquente). En pratique, il y a segmentation si : la durée de la pause, ou plus précisément l’intervalle entre deux portions de F0, dépasse un seuil de l’ordre de 300 ms ; l’amplitude du geste – ou la différence de hauteur entre le dernier extremum de F0 et la moyenne de F0 sur toute la portion qui précède la pause – dépasse un seuil de l’ordre de 4 demi-tons ; l’amplitude du saut, c’est-à-dire la différence de hauteur entre la dernière valeur de F0 précédant la pause et la première valeur de F0 suivant la pause, dépasse un seuil de l’ordre de 3 demi-tons ; il n’y a pas d’hésitation (euh) à proximité immédiate de la pause. » (Lacheret, 2003 : 62).
5 Pour une revue sur la conception et la mise en œuvre du logiciel voir : Mathieu Avanzi, Anne Lacheret, B. Victorri, « Analor, un outil d’aide pour la modélisation de l’interface prosodie-grammaire », CERLICO, 2008, p. 27-46.
6 L’acte de référence consiste à utiliser des formes linguistiques pour évoquer des entités. La référenciation est le mécanisme interprétatif qu’une forme linguistique active pour donner accès à sa contrepartie référentielle.
Auteur
Université de Cergy Pontoise & ESPE,
Laboratoire EMA (EA 4507)
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