1 D’après les travaux
de plusieurs démographes, le rapport hommes/femmes dans les sociétés
urbaines médiévales du nord de l’Europe aurait été largement favorable à
ces dernières puisque les études donnent un ratio de 100 femmes pour 85
à 90 hommes en moyenne seulement. Voir à ce propos les considérations de
David Herlihy dans son article « Life Expectancies for Women in Medieval
Society » [Les Espérances de vie des femmes dans la société médiévale],
dans Rosemary T. Morewedge, The Role of Women in the Middle Ages
[Le Rôle des femmes au Moyen Âge], Albany, State University of New
York Press, 1975, p. 1-22. Il livre ces chiffres précédemment cités en
se reportant notamment à l’étude de Pierre Desportes au sujet de la
population rémoise au XVe siècle (Pierre Desportes, « La Population de
Reims au XVe siècle », Le Moyen Âge. Revue d’histoire
et de philologie, 72 (1966), p. 463-509), ainsi qu’à des études
similaires menées pour les espaces suisse et allemand (Nuremberg en
1449). Judith Bennett et Maryanne Kowaleski avancent les chiffres de 75
à 90 hommes pour 100 femmes dans les villes de la fin du Moyen Âge,
selon des estimations notamment appliquées au sud de l’Angleterre voir
Judith Bennett et Maryanne Kowaleski, « Crafts, Gilds, and Women in the
Middle Ages : Fifty Years After Marian K. Dale » [Métiers, guildes et
femmes au Moyen Âge : 50 ans après Marian K. Dale], Signs, vol. 14, n° 2 (hiver 1989), p. 484, N. 29 et Maryanne
Kowaleski, « The History of Urban Families in Medieval England »
[L’Histoire des familles urbaines dans l’Angleterre médiévale], Journal of Medieval History, vol. 14, n° 1
(1998), p. 47-63).
2 Christelle Balouzat-Loubet, « La Cour de Mahaut,
comtesse d’Artois (1302-1329) : un espace public ? », dans Patrick
Boucheron et Nicolas Offenstadt (dir.), L’Espace public au
Moyen Âge. Débats autour de Jürgen Habermas, Paris, Presses
universitaires de France, 2011, p. 149-158.
3 abermas
évacue ainsi la question de la présence des femmes dans l’espace
public : d’après lui, « l’exclusion des femmes a été un élément
constitutif de la sphère publique politique, au sens où celle-ci n’était
pas seulement dominée par les hommes de façon contingente mais
déterminée, dans sa structure et son rapport la sphère privée, selon un
critère sexuel. [Cette exclusion] joua ainsi un rôle constitutif dans la
formation des structures de la sphère publique », Jürgen Habermas, L’Espace public : archéologie de la publicité comme
dimension constitutive de la société bourgeoise, éd. Marc B. de
Launay, Paris, Payot, 1978.
4 Voir à ce sujet Jean-Pierre Leguay, Vivre en
ville au Moyen Âge, Luçon, Jean-Paul Gisserot,
2006.
5
La Place des femmes : les enjeux de l’identité et de
l’égalité au regard des sciences sociales, Paris, La
Découverte, 1995.
6 Martine Ségalen,
Mari et femme dans la société rurale
traditionnelle, Paris, Flammarion, 1980. Elle est également
l’auteure de nombreux autres ouvrages et articles, dont un sur
« L’organisation sexuée des espaces » dans l’ouvrage précédent,
p. 182-185.
7 Jane Collier, Sylvia Yanagisako, Gender and Kinship [Genre et parenté], Stanford,
Stanford University Press, 1987.
8 Anne-Marie
Sohn, « L’Émancipation féminine entre les sphères privée et publique »,
dans La Place des femmes…, op.
cit., p. 177-181.
9 Institut de recherche et d’histoire des
textes (IRHT), séminaire intitulé « Paris au Moyen Âge », La circulation
des produits et des hommes, vendredi 17 avril 2015, Joseph Morsel
(Université de Paris I), « Circulation ? Quelle circulation ? Possibles
enjeux conceptuels pour l’appréhension du sens des déplacements dans la
ville médiévale ».
10 Robert Fossier, Histoire
d’Amiens, Toulouse, Privat, 1986, p. 81.
11 Voir notamment la thèse d’Éric
Bousmar en préparation et son article « Du marché aux bordiaulx. Hommes, femmes et rapports de sexe
(gender) dans les villes des Pays- Bas au
bas Moyen Âge. État de nos connaissances et perspectives de
recherche », dans Myriam Carlier, Anke Greve, Walter Prevenier,
Peter Stabel (dir.), Hart en marge in de laat-middeleeuwse stedelijke maatschappij. Core and periphery in late medieval urban society [Centre et périphérie dans la société
urbaine du Moyen Âge tardif], Apeldoorn- Louvain, Garant, 1997,
p. 51-70.
12 Archives municipales d’Amiens
(désormais AM Amiens), CC 25, f° 58v : « A Jehenneton Renourarde
voiagiere de ledite ville de paris le somme de x s.p. qui
ordonnement lui a esté donnée par messirs pour son sallere davoir
porté a paris au commandement de messirs […] ».
13 AM Amiens, CC 25, f° 58v : « A
Jehenneton voyagere de Paris […] quelle porta pardevers ledit
maistre Galois certaines lettres closes memores et pres
[…] ».
14
Ibid., f° 59r : « A Jehenne femme de robert
[...] iiii s. P. pour son sallere davoir porte au commandement de
messirs certaines lettres closes par devers Jehan Lamp cappitaine de
bone pour le bien et profit de la dicte ville d’Amiens pour ce paie
par mandement donne le xxiiii° jour de juillet l’an mil xxxx° xxxiii
cy rendu le somme de iiii s. p. » ; CC 26 fol 56 : « A ladite
Jenneton le somme de ii s. iiii d. P. qui […] lui ont este par
messirs pour […] sallere davoir porter lettres closes touchans les
besongnes deladite ville par devers le conseil a paris pour ce paie
par mandement donne le […] jour de juing audit an mil iiii°
xxxiiii ».
15 Rosalba Vandewiele insiste sur le caractère confidentiel des
missions confiées aux femmes recensées dans les archives lilloises
entre 1478 et 1493, alors que la ville est occupée. Elle rapporte le
fait que ces « femmes sont sollicitées pour remplir des missions
d’espionnage. Il leur est demandé de se rendre dans les zones
occupées par l’ennemi, de se procurer des informations et de les
transmettre » (Rosalba Vandewiele,
« Les Champs relationnels à
la fin du Moyen Âge et à l’aube des temps modernes : le regard de
l’arrière-pays », dans Stéphane Curveiller et Denis Clauzel (dir.)
Les Champs relationnels en Europe du Nord et du
Nord-Ouest des origines à la fin du Premier Empire,
Balinghem, impr. Cache, 1994, p. 167 sq).
16
AM Amiens, CC 25, f° 58v et f° 59r.
17
Ainsi 12 sous parisis sont payés à Jehenneton de France qui a
effectué l’aller-retour Paris-Amiens/Amiens-Paris chargées de
lettres closes (CC 25, f° 59r : « A Jehenneton de France voiagiere
de Paris le somme de xii s.p. qui ordonnement luy a este par messirs
pour son sallere et […] davoir apporte a messirs tames lettres et
mandemens du roy mesir alencontre de reverend pere en dieu
monseigneur levesque d’Amiens son official et officiers touchans le
fait des adulteres et aussi pour avoir reporte audit lieu de paris
la minute d’un mandement et estat es pres et debtes de la ville avec
certaines lettres closes par devers le dit maistre Galois du Ploich
procureur de ladite ville audit parlement pouvre paie par mandement
donne lesites xxviii° jour de may lan mil xxxx° xxxiii rendu ycy le
somme de xii s. p. »), alors qu’une femme également nommée
Jehenneton (peut-être s’agit-il de la même) ne fut gratifiée que de
viii sous lorsqu’elle transmit des lettres des échevins d’Amiens au
procureur du parlement de Paris (CC 25, f° 58v).
18 AM
Amiens, CC 26, f° 56r : « A Jenneton porteresse de lettres le somme
de xxx s.p. qui ordonnement luy a este paier par messires cestass
xii s.p. pour son sallere davoir porte a paris le minute des lettres
destat de la dite ville d’Amiens Ruet lettre closes adiechans a
monsieur le chancelier monseigneur de noyon et miastre galois du
ploich procureur de mesdisseigneurs à paris et rapporter lettres
destat et et si a afferme ladite Jehenneton avoir baillie audit
procureur xviii s. P. que messeigneurs lui avoient baillie pour
lescripture e seel dudit estat ruet ce que ledit maistre galoys la
escript par ses lettres pour ce paie par mandement de messirs donne
le xxiie jour de juing iiii° xxxiiii cy rendu le somme de xxx s.
p. » ; et f° 56v : « A la dite Jehenneton le somme de
xviii
s.p. qui ordonnement luy ont este par messires pour son
sallere et despens davoir porte lettres de messirs Huet […] certains
mandemens par deus leur […] et conseil a paris et pour le seel et
escriptures dicelles lettres pource par mandement donné le xxviii°
jour daoust mille xxxiiii cy rendu le somme de xviii
s.p. ».
19 É. Bousmar, « Du
marché aux bordiaulx… », art. cit,
p. 61.
20 AM Amiens, CC 25, f°
58v.
21 AM Amiens, BB 8, f°
137v.
22 AM Amiens, AA 6, f°
199v : « Marie de la Beuvriere femme jadis de feu Jehan le cazon
meraleresse a fait serement de en bien et lealement son devoir, de
veoir et visitez, les femmes enchaintes et recevoir leurs enfans
bien et lealement a son povoir ».
23 AM Amiens, AA 6, f° 199v.
24 AM Amiens, BB 4, f°
3v.
25 [Désireux d’ardeur suprême].
26 Julio Caro Baroja, Les Sorcières et leur
monde, Paris, Gallimard, 1972, p. 112.
27 BnF, ms.
lat. 873, f° 217r (fig. n° 19). Il ne s’agit pas ici de débattre de
la teneur de ces accusations. S’il est vrai que la transmission de
leur savoir paraît essentiellement avoir été de nature orale, on
peut également supposer que certaines de ces sages-femmes ont eu
connaissance des traductions de écrits de Trotula (Traité sur les maladies des femmes) circulant dans la
région parisienne aux environs des XIVe et XVe siècles. L’écrit a
été traduit ou abrégé en français, en vers et en prose.
28 Yvonne Kniebiehler,
Catherine Fouquet, La femme et les médecins,
Paris, Hachette, 1983, p. 58.
29 Henri Institoris et Jacob
Sprenger, Le Marteau des sorcières, Paris,
Plon, 1973.
30 L’ordonnance réglant le métier de viéserie de
décembre 1491 fixe également le nombre des revendeuses à douze
femmes, alors que rien n’est précisé concernant les hommes qui
semblent poursuivre de même la pratique de la revente. Voir
l’« Ordonnance rendue par l’échevinage d’Amiens, pour compléter les
statuts des viésiers » : « 6. Item, que en ladicte ville ne y ara
doresnavant que xii revenderesses, dont chacune d’icelles sera tenus
bailler cauxion subegette, en l’ostel de ladite ville, de la somme
de xx livres parisis » (Augustin Thierry, Recueil
des monuments inédits de l’histoire du Tiers-État, Première série : Chartes, coutumes, actes
municipaux, statuts des corporations d’arts et métiers des villes et communes de France. Région du Nord, t. II, Paris,
Firmin Didot, 1853, p. 451-452).
31 AM Amiens, AA 6, f°
245v : « Aujourdui iiiie jour de novembre l’an mil quatre cent vingt
quatre et ung en ensiennant certaine ordonnance faite par
messeigneurs. Les xii dénommées ci aprez ont este ordonnées a vendre
fruit au marchié de la dite ville et non autres. […] Isabelle
vaasseur femme de anthoine de Toify fruitiere a este receue et
ordonnee par messeigneurs a revendre fruit pour lune des douze
fruitières au marchié dicelle ville ».
32 AM Amiens, CC 74, f° 28v : « De
Esmeline Roussel vesve de mahieu le renssier pour le cinquantième estal a elle baillie pour ce lx
sous parisis valeur tourcoins ».
33 AM
Amiens, AA 6, f° 233v : « Congié a este donné par monseigneur le
maieur a Fremine le Borgne femme de Jehan Herouart taillandier de
vendre hareng et denrée salée au marchié au poisson audevant de la
maison qui fut a feu Phelippe Berbard ou pend lenseigne du porcq de
mer. Et a fait serement de garder les ordonnances du xxe jour
doctobre mil quatre cent vingt quatre devant
messeigneurs ».
34 AM Amiens, AA 6, f° 218v :
« Michelette Le Blonde fille de Jehan le Blond couvreur desteulle a
pareillement place a vendre harengs et austres denree de compte au
dit marchié au dessous de la place dune qui se nomme Jehenne
Dampuee. Et la ou vend a present la fille dame Agnez fruitière. Et a
fait serement de en faire lealement son devoir. Du xxiii° jour du
dit mois de janvier […] devant messeigneurs ».
35
A. Thierry, Recueil…, op.
cit., p. 449-450 : Ordonnance rendue par l’échevinage
d’Amiens, pour compléter les statuts des viésiers (1443 et
1475).
36 Dominique Cardon, « Arachné
ligotée : la fileuse du Moyen Âge face au drapier », Médiévales. Les dépendances au travail, n° 30
(1996), p. 13-22.
37 « Ordonnance de l’échevinage
d’Amiens, pour compléter les statuts des viésiers ». 38 Par exemple,
Claude Gauvard, Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris,
Picard, 2005.
38 Par exemple,
Claude Gauvard, Violence et ordre public au Moyen
Âge, Paris, Picard, 2005.
39 Le prostibulum publicum, tel qu’il en existait un dans la
plupart des villes du Sud- Est à la fin du Moyen Âge, consistait
en un bâtiment construit, entretenu et régi par les autorités
publiques pour l’accueil des filles de joie. Jacques Rossiaud,
La prostitution médiévale, Paris,
Flammarion, 1998, p. 20.
40 AM
Amiens, BB 10, f° 20r, échevinage du 12 février
1465.
41 A. Thierry, Recueil…, op. cit., t. IV, 1870,
p. 210.
42 Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de
tous ses dialectes du IXe et XVe siècles, Paris, F. Vieweg,
1881-1899, p. 486. Selon Godefroy, un « hole » ou une « houle »
désignerait expressément un lieu de débauche, un bordel.
43 . Rossiaud, La prostitution médiévale, op.
cit., p. 22.
44 « Primes est ordonné, pour obvier aux noises,
débas, et inconvéniens qui chacun jour aviengnent, tant de jour
comme de nuyt, en ceste ville d’Abbeville, par le moïen de filles de
joie qui se tiengnent et son logiés aux étuves d’icelle ville, ou
grant vitupère et esclande de justice, on deffend à tous estuviers
et gens tenans les dites estuves que d’ores en avant ilz ne
tiengnent ne logent en leurs maisons et estuves aucunes des dites
femmes de joie, sur payne d’estre banys de la ville an et jour et de
amende arbitraire à la volenté de messieurs maïeur et eschevins, sy
non, en chacune des dites estuves, une femme de l’âge de chinquante
ans et au dessus, et non au desoulx, pour servir es dites estuves »
(A. Thierry, Recueil…, op.
cit., t. IV, p. 259).
45 AM Amiens, CC 27, f° 71v.
46 AM Amiens, CC 33,
f° 119r.
47 AM Amiens, BB 9, f°
166v.
48
Ibidem : « Sur ce que Jehenne Maistrelle dite
Sourdas avoit presenté sa supplication oudit eschevinage contenant
que il pleust a messeigneur ordonner que les filles de joie qui
avoient acoustumé tant de jour que de nuit demourer en la rue des
filles y fussent et demourassent [et] quelle alassent couchier en
plusieurs maisons de maisnage de ladite ville ou elle alouent avec
les maistres qui estoit grant escandre a la ville. Car aussi il y
avoit en plusieurs rues de ladite ville es faubours par ailleurs
plusieurs filles qui y demourant sans demourer en ladite rue
publique. Messeigneurs ont ordonné que M° Haquin maistre de le
haulte justice fera demourer lesdites filles en ladite rue publique
sans les plus laissier demourant esdites rues. […] Eschevinage tenu
le xxii jour d’octobre l’an 1464 ».
49 Pour fouetter les
filles, « M. d’Amiens » recevait 20 sols. C’était l’article le plus
bas du tarif. Par contre, on lui attribuait « un escu 20 sols » pour
« bouillir une personne en eau chaude, vive ou estranglée ». Un
siècle plus tard, les salaires ont dû être sérieusement révisés, car
« Louis Maillot, exécuteur de la haulte Justice » touche 15 livres
pour avoir fustigé des personnes de mauvaise vie.
50 AM Amiens, BB 13, f° 148v : Bannissement « sur le feu » par
contumace d’une prostituée accusée de meurtre.
51 AM Amiens, BB 14, f°
170r.
52 AM Amiens, AA 12, f° 94v : Ordonnance sur le
port de l’aiguillette, déjà renouvelée le 21 juillet
1485.
53 Paule
Roy, Chronique des rues d’Amiens, Amiens,
CRDP, 1985, t. I, p. 130-131.
54 Carla
Casagrande, « La Femme gardée », dans Georges Duby, Michelle Perrot
(dir.), Histoire des femmes en Occident,
Paris, Plon, 1990, t. II, p. 83-116.