« La nature de renard » : Machiavel et Corneille, ou la politique et les Lettres
p. 359-367
Texte intégral
1Deux dimensions politiques sont fondamentalement liées aux pièces de théâtre du XVIIe siècle : la première est le contexte dans lequel le théâtre est représenté, la cour, les fêtes de la cour, les représentations devant « la cour et la ville »1 et la société des galants2. Alors que nous connaissons bien aujourd’hui l’histoire du théâtre classique à travers les pièces de théâtre, les circonstances de leurs productions, le public, nous oublions parfois un peu que ces pièces écrites avaient souvent une grande importance politique et représentaient des événements pour la royauté. Le théâtre permet ainsi de retracer la mise en place d’une royauté3 qui, pendant l’époque de Richelieu et du premier Versailles, profite de cet art pour forger son pouvoir4.
2La deuxième dimension se révèle dans la représentation de figures masculines héroïques dans les pièces de théâtre mêmes, avant tout des princes et des rois, qui ont la charge de montrer une éthique représentative, car la formation de la galanterie au XVIIe siècle est aussi une adaptation de la courtoisie, formée en Italie pendant la Renaissance et traduite pour la société de cour française (Faret, L’Honnête homme, 1630). Courtoisie et galanterie montrent la dimension esthétique d’une attitude éthique et d’une étiquette qui est en même temps aussi l’expression du pouvoir. Ainsi, chaque roi sur scène, chaque prince joué par un acteur est aussi une réplique au Prince de Machiavel. C’est une négociation de lois, d’obligations, de nécessités et de manières de se présenter et de se montrer qui est reflétée par les protagonistes des pièces de théâtre. Pour comprendre cette négociation du modèle éthique, il faut tenir compte de l’histoire du théâtre et de son modèle de la simulation.
3Comme nous le savons, le monde du théâtre était encore dévalorisé au début du siècle classique. Cet art, qui réclamait pour lui-même un certain professionnalisme (commedia dell’arte, l’apologie d’Alcandre dans L’Illusion comique de Corneille) eut un autre statut et prit une tout autre ampleur quand Richelieu fit construire son théâtre et promut cet art. Toute l’Europe reconnaissait dans le théâtre un modèle de courtoisie et de galanterie, au moins d’une galanterie. Montrer sur scène des figures de rois était une technique pour valoriser l’art du théâtre, mais c’était encore plus un instrument pour négocier les tâches qui incombent au prince. Ainsi, chaque prince dramatique représente aussi une comparaison avec celui qui est esquissé par Machiavel. La question qui se pose en confrontant le Prince tel que Machiavel l’a décrit (« ce qui est absolument nécessaire, c’est de savoir bien déguiser cette nature de renard, et de posséder parfaitement l’art et de simuler et de dissimuler », Le Prince, chap. XVIII) avec la galanterie française, est de savoir si l’être humain est au fond un acteur au sens machiavélien du terme ou si l’action et le raisonnement doivent aller de pair (concept de la kalokagathia).
4Je voudrais discuter dans ces quelques pages de la configuration du prince machiavélien et de son impact sur le héros cornélien en prenant deux exemples tirés d’une pièce de théâtre : les antagonistes de la pièce à machines Andromède5, Phinée et Persée. Ces deux personnages se prêtent particulièrement bien à cette comparaison avec le modèle du prince car ils présentent chacun une réflexion sur l’être et le paraître.
5Pour ce faire, la question du choix des textes se pose. Pourquoi analyser Andromède comme représentation du modèle princier ? Même si les valeurs centrales du héros guerrier sont déjà présentes dans d’autres pièces cornéliennes, comme Horace par exemple, il y manque justement cette dimension qu’on a pris l’habitude d’appeler machiavélienne, c’est-à-dire ce « déguise[ment] de la nature de renard ». Le Cid, c’est pourquoi il mérite aussi ce nom, représente une figure avec des valeurs intactes tout en ayant un aspect négatif, puisqu’il a tué le père de sa bien-aimée, mais sa gloire est ce qui le distingue. En ce sens, il est comparable au Prince de Machiavel, qui exige une certaine capacité d’adaptation, qui peut par conséquent aussi impliquer le mensonge, pourvu que le but, le maintien et la stabilité du pouvoir soient garantis. Cependant, la réflexion sur cette dimension n’est pas aussi prononcée dans la tragi-comédie. Ainsi, la figure qui se prête avant tout à la comparaison entre Machiavel et Corneille est Persée. Ce héros a des valeurs dont il ne peut se détourner et il les défend en risquant sa vie. Surtout, et c’est ce que je voudrais démontrer par la suite, il n’est pas ce héros parfait qui représenterait des valeurs nobles et héroïques, mais un personnage qui agit selon la situation ; c’est un pragmatique, qui de toute manière n’est plus comparable à un prince puisqu’il est un demi-dieu ! Autrement dit, il n’est pas un héros avec des qualités princières parce qu’il sauve Andromède, il l’est parce qu’il est le fils de Zeus et parce qu’il a déjà pu tuer la Méduse. Pour le démontrer, je vais par la suite analyser le dialogue entre les deux protagonistes, celui qui reste une figure immobile, Phinée, et celui qui est flexible, Persée. Pour comprendre l’ampleur de cette argumentation et la finesse de la pièce d’Andromède, il faut cependant tenir compte de quelques informations contextuelles que j’esquisserai dans mon premier point.
Persée, modèle princier
6Persée n’est pas une figure quelconque dans l’iconographie et dans la mise en scène royale, même si elle ne fait pas partie des mythes utilisés par Machiavel. La figure est, comme le « prince », liée aux Médicis à qui l’auteur florentin avait aussi dédié son texte. Cependant, la génération des princes qui demandait à Benvenuto Cellini de créer un Persée pour la ville de Florence est plus tardive et date de 1554. La statue réalisée et exposée à Florence, montrant la tête de la Méduse avec le sang qui coule encore, est une mise en statue du héros paradigmatique. Elle le représente d’une manière parfaite en ce qui concerne la physionomie, mais Persée l’est aussi parce qu’il a pu tuer le symbole du mal, la Méduse. Ce qui fait de Persée le modèle princier est son ambivalence qui résulte de ses deux actes principaux : avoir tué la Méduse et avoir sauvé Andromède. Ainsi, c’est un héros qui rend l’impossible possible : vaincre le mal et sauver le bien. Alors que Cellini le représente comme vainqueur de la Gorgone, les pièces de théâtre se focalisent sur l’acte de délivrance. Cellini met notamment en scène Persée posant son pied triomphant sur le reste du corps de la Méduse ce qui montre le fait accompli, « la victoire », soulignée par son bras vainqueur soulevant la tête de laquelle coule encore le sang ; cet exploit technique était d’ailleurs un moyen de montrer comment le statuaire lui aussi réalisait, à travers des difficultés parfois dramatiques, ce qui semblait être impossible6.
7Dans cette perspective, il n’est pas étonnant que Louis XIV reprenne, pour une mise en scène relativement précoce de son propre héroïsme, le bouclier avec la tête de la Méduse. Jean Varin a sculpté cette statue, Louis XIV en empereur romain, qui se trouve aujourd’hui dans le Salon de Vénus à Versailles. Comme à Florence, le héros s’arme avec la tête de cette femme qui – même si elle est morte – peut encore faire mourir ses adversaires uniquement à l’aide de son regard. Louis XIV est montré avec son bouclier qui ne sert ainsi pas seulement à se protéger, mais qui est aussi une vraie arme capable de pétrifier l’ennemi7.
8Louis XIV avait demandé à ce que sa gloire soit fabriquée par les artistes. Perrault rapporte les paroles du roi :
Vous pouvez, Messieurs, juger de l’estime que je fais de vous, puisque je vous confie la chose au monde qui m’est la plus précieuse qui est ma gloire. Je suis sûr que vous ferez des merveilles. Je tâcherai de ma part de vous fournir la matière qui mérite d’être mise en œuvre par des gens aussi habiles que vous êtes.8
9Pour une telle glorification, une image qui « rayonne » était nécessaire, telle que celle que porte le mythe du soleil, une image qui fournisse cette gloire que Corneille donne aux héros9. Il n’est pas étonnant que le mythe de Persée se prête à cette fonction. Ce mythe avait déjà été utilisé pour la mise en scène du roi de France, comme le démontre le fait que la Métamorphose d’Ovide figurée10 soit la source, en 1594, d’une estampe politique de Jean Le Clerc représentant Henri IV en Persée11. L’image qui y est intégrée montre une allégorie politique : Andromède, la France, doit être libérée. Dans cette lecture, le monstre marin est l’Espagne12. Louis XIII est glorifié comme Persée lors de sa victoire de La Rochelle (1628). Au XVIIe siècle, les exemples d’un Persée représenté sur le mode allégorique sont légion13. On trouve aussi des exemples dans différents genres, voire sur différents médias. Ce qu’ils ont tous en commun, c’est « la glorification du héros » qui est – en tout cas pour Corneille – aussi une motivation pour la montrer d’une manière très concrète, à travers le vol de Pégase qui emporte Persée vers sa victoire14.
10Quand Corneille écrit sa pièce, Louis XIV n’a pas encore pu gagner de guerre, c’est pourquoi Melpomène prévoit ses victoires dans le prologue d’Andromède15. Mais sa gloire existe déjà, dès le Prologue, et elle rayonne autant que le Soleil lui-même en témoigne : « Alors j’arrêterai mon cours / Pour être plus longtemps le témoin de sa gloire » (v. 35-36). Et ensuite le Soleil et la muse Melpomène chantent ensemble : « Louis est le plus jeune et le plus grand des rois » (v. 45). Le mythe de Persée permet ainsi de témoigner de, de rendre publique, de prouver la gloire du jeune roi et de lui offrir les vertus cardinales qui appartiennent depuis le Moyen Âge au prince et au héros idéal : la force, la justice, la prudence et la tempérance16. La première de la pièce de Corneille eut lieu en janvier 1650 au théâtre du Petit-Bourbon. Regardons de plus près comment Persée est vu par son antagoniste. Ce sera le moyen de voir l’ombre de la gloire.
Persée, prince machiavélien ?
11En 1650, celui qui sauve Andromède est, dans la perspective allégorique, celui qui a sauvé la France troublée par la Fronde. Voilà pourquoi ce roi rayonne déjà de gloire. Persée sert dans la pièce de Corneille17, comme déjà dans le mythe, à vaincre le monstre marin et, plus tard, à vaincre son ennemi, Phinée, celui qui fut promis à Andromède que les Dieux voulaient sacrifier à cause de la vanité de sa mère. Ce qui dans cette pièce à machines glorifie le roi, c’est la perspective remarquable de Phinée sur le héros. Tout d’abord, c’est l’ennemi, l’adversaire, et donc celui qui permet de comprendre par contraste quelle est la vertu et aussi la valeur du héros Persée. Andromède le souligne elle-même en expliquant à Phinée pourquoi elle se donne au héros :
ANDROMÈDE :
Oui, j’y consens, Phinée, et j’y dois consentir ;
Et quel que soit ce bien qu’il a su garantir,
Sans vous faire injustice on en fait son salaire
Quand il a fait pour moi ce que vous deviez faire.
De quel front osez-vous me nommer votre bien,
Vous qu’on a vu tantôt n’y prétendre plus rien ?
Quoi ? Vous consentirez qu’un monstre me dévore,
Et ce monstre étant mort je suis à vous encore !
Ce demi-dieu n’a fait, quoi que vous prétendiez,
Que m’arracher au monstre à qui vous me cédiez.
Quittez donc cette vaine et téméraire idée ;
Ne me demandez plus, quand vous m’avez cédée.
Ce doit être pour vous même chose aujourd’hui,
Ou de me voir au monstre, ou de me voir à lui.
(IV, iii, v. 1192-1209)
12N’est-il pas remarquable que la femme veuille être le prix, « le salaire » de ce que Persée a fait pour elle ? Andromède se comprend comme la récompense pour le danger que le héros a couru et qu’il a su surmonter. Elle négocie ainsi son statut et rectifie la perspective de Phinée en lui expliquant que ce demi-dieu a rempli la tâche qui lui incombait (« ce que vous deviez faire »). L’héroïne veut expliquer à Phinée que le « bien », c’est-à-dire elle-même, est maintenant à Persée tout comme elle appartenait auparavant au monstre. Avec l’euphémisme « même chose », elle fait clairement comprendre ce qu’elle avait déjà annoncé auparavant : Phinée l’avait laissée au monstre, il n’a aucune raison de protester.
13L’héroïne veut que, pour Phinée, le « bien », qu’est Andromède, soit maintenant à Persée comme si elle appartenait au monstre. Cette « même chose » dont elle parle (v. 1208) est remarquable car elle explicite avec ces mots ce qu’elle avait déjà annoncé auparavant : Phinée l’avait « cédée » au monstre. Cependant, nous comprenons « monstre » au vers 1205 comme le monstre marin, mais la reprise suggère que tous deux sont égaux, et Andromède elle-même le dit. Ainsi, le demi-dieu est comparable, voire égal au monstre, car il est monstrueux. C’est celui qui a su tuer l’autre monstre et c’est celui qui en est un aussi.
14D’une manière involontaire, Andromède anticipe l’argument de Phinée qui expliquera par des questions rhétoriques que ce n’était point son impuissance qui a produit la situation. « Il fallait des bras » (v. 1221), ainsi Andromède formule-t-elle son reproche. Mais Phinée explique que c’était son analyse de la situation, son raisonnement et non pas sa lâcheté qui l’ont fait reculer et qui l’ont empêché d’agir. Ainsi Phinée n’est pas, comme l’explique Visentin, « l’autre monstre »18. Certes, il a été lâche, mais non par peur, mais simplement parce qu’il a compris que la situation était sans issue. Dans la perspective d’Andromède, qui jette une nouvelle lumière sur Phinée, l’argument de celui qui s’explique à Cassiope avant de mourir devient aussi plus logique. Un être humain cède face à la puissance des Dieux. Ce n’est pas un manque de capacité ou de compétence, mais la compréhension de son destin. La figure du mythe connaît son destin. En expliquant sa perspective pleinement humaine, il rend d’autant plus crédible l’idée que Persée serait un monstre :
PHINÉE :
Ah ! c’en est trop, Madame,
Ce nom rend malgré moi la fureur à mon âme,
Je me force au respect, mais toujours le vanter
C’est me forcer moi-même à ne rien respecter.
Qu’a-t-il fait après tout si digne de vous plaire
Qu’avec un tel secours tout autre n’eût pu faire,
Et tout Héros qu’il est, qu’eût-il osé pour vous,
S’il n’eût eu que sa flamme et son bras comme nous ?
Mille et mille auraient fait des actions plus belles
Si le Ciel comme à lui leur eût prêté des ailes,
Et vous les auriez vus encor plus généreux,
S’ils eussent vu le Monstre et le péril sous eux.
On s’expose aisément quand on n’a rien à craindre.
Combattre un ennemi qui ne pouvait l’atteindre,
Voir sa victoire sûre et daigner l’accepter,
C’est tout le rare exploit dont il se peut vanter ;
Et je ne comprends point ni quelle en est la gloire
Ni quel grand prix mérite une telle victoire.
(V, ii, 1524-1540)
15C’est certainement un des vers les plus significatifs que Phinée formule pour accuser et démontrer le manque d’héroïsme de son adversaire. Il réduit le courage de Persée en soulignant que son acte n’était en aucun cas dangereux car « la victoire sûre » était garantie. Une telle gloire, une telle victoire ne sont pas dignes de ce nom.
16De plus, Phinée connaît l’histoire de Persée. Nous avons affaire ici à la plainte d’un être qui en veut à son destin, car il sait qu’il n’aurait eu aucune chance s’il avait essayé de combattre le monstre, il fallait un « miracle » pour le vaincre. Ce qui rend l’argumentation de Phinée si intéressante, c’est qu’il dit que finalement, nous avons affaire avec Persée à un héros qui n’a rien fait d’héroïque, car il n’a pas dû dépasser ses limites. C’est bien entendu la perspective d’un être humain blessé dans son narcissisme. Pour comprendre que cette tirade n’est pas une vision critique du héros et encore moins de Louis XIV, il faut prendre en compte deux aspects : la conception du prince qui est fondamentale pour l’argument, et la conception de l’éthique qui est la base de celle-ci, déjà conçue par Corneille dans Le Cid.
17Persée est ici l’exemple d’un prince machiavélien, ce qui se comprend en regard de l’argument donné par le Florentin19. Dans le chapitre xviii du Prince, Machiavel explique « comment les princes doivent tenir leur parole ». Ce n’est cependant pas le seul élément, car tout le chapitre rend compte du caractère nécessaire à un prince pour stabiliser et maintenir son pouvoir. Pour cela, il doit être capable de combattre, seul un héros – comme pour Corneille et son époque – peut être supérieur à l’autre combattant sur le plan de la force physique. Ce n’est pas forcément celui qui est le plus à même de faire la meilleure analyse de la situation, et toute l’argumentation avancée par Phinée est invalidée dans cette perspective. La gloire pour Machiavel est le résultat des victoires et de la vertu, représentée ici par la délivrance d’Andromède. Machiavel précise les manières de combattre :
On peut combattre de deux manières : l’une avec les lois, ou avec la force. La première est propre à l’homme, la seconde aux bêtes ; mais parce que très souvent la première ne suffit pas, il convient de recourir à la seconde. Aussi est-il nécessaire à un prince de bien user de la bête et de l’homme. Ce point a été enseigné aux princes à mots couverts par les écrivains anciens qui écrivent comment Achille et bien d’autres princes de l’antiquité furent confiés au centaure Chiron, afin qu’il les garde sous sa direction. Ce qui ne signifie rien d’autre, d’avoir pour précepteur un être mi-homme, mi-bête, sinon qu’il faut qu’un prince sache user de l’une et de l’autre nature : l’une sans l’autre ne peut durer.
Le prince, étant donc obligé de savoir bien user de la bête, il doit parmi elles choisir le renard et le lion. Le lion ne se défend pas des pièges, le renard ne se défend pas des loups. Il faut donc être renard pour connaître les pièges, et lion pour effrayer les loups. Ceux qui s’en tiennent simplement au lion n’y entendent rien.20
18Combattre par la force est la manière des bêtes, ou, dans le récit du mythe, du monstre. Pour Machiavel, il est existentiel de savoir « agir à propos ». Si la situation exige la bête, et c’était bien sûr le cas quand Andromède avait aperçu le monstre, il ne reste alors plus qu’une réponse d’une férocité bestiale ou monstrueuse. Cette double nature de Persée que soulignent Andromède, en qualifiant Persée de « monstre », et Phinée, en critiquant ses faiblesses humaines, est en fait la bonne qualité du prince renard que devra posséder celui qui voudra rendre la France glorieuse. Il devient encore plus évident que pour Corneille, « le monstre » a une connotation positive lorsqu’il compare la pièce avec celle qu’il appelle « grotesque ». L’Illusion comique nous présentait déjà un tel paradoxe qui était aussi une belle figure rhétorique chez les galants.
Notes de bas de page
1 Erich Auerbach, « La cour et la ville », VIer Untersuchungen zur Geschichte der französischen Bildung, Bern, Francke, 1951, p. 12-50.
2 Alain Viala, La France galante, Paris, PUF, 2008.
3 Patrick Dandrey, Quand Versailles était conté. La cour de Louis XIV par les écrivains de son temps, Paris, Les Belles Lettres, 2009 ; Pierre Goubert, L’Avènement du Roi-Soleil, 1661, Paris, Gallimard [1967], 2014.
4 Voir Déborah Blocker, Instituer un « art ». Politiques du théâtre dans la France du premier XVIIe siècle, Paris, H. Champion, 2009.
5 Pierre Corneille, Andromède, dans Œuvres complètes, Georges Couton (éd.), Paris, Gallimard, 1980, t. 1, p. 689-829 ; Andromède, Christian Delmas (éd.), Paris, Nizet, 1974.
6 Benvenuto Cellini, La vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même, Nadine Blamoutier (trad), André Chastel (dir), Paris, Éd. Scala, 1968, seconde partie, particulièrement chap. ccii-ccvii.
7 L’iconographie qui met en scène l’empereur romain, comme celle des éléments et surtout celle du Roi-Soleil, démontre aussi clairement la généalogie imaginaire qui soutient le pouvoir royal. Voir Gérard Sabatier, « La gloire du roi. Iconographie de Louis XIV de 1661 à 1672 », Histoire, économie et société, 2000, n° 19/4, p. 527-560.
8 Charles Perrault, cité par G. Sabatier, ibid., p. 528.
9 Andreas Kablitz, « Corneilles theatrum gloriae. Paradoxien der Ehre und tragische Kasuistik, Le Cid - Horace - Cinna », dans Diskurse des Barock. Dezentrierte oder rezentrierte Welt ?, Joachim Küpper (dir.), München, Fink, 2000, p. 491-552.
10 Lyon, Jean de Tournes, 1557, p. 55, inscription : « Perseüs combattant pour Andromeda ».
11 Bodo Guthmüller, « Henri IV als französischer Perseus. Zur mythologischen Repräsentation fürstlicher Macht in der Renaissance », Wolfenbütteler Renaissance Mitteilungen, August 1999, n° 23/2, p. 53-65, ici p. 56 ; Françoise Bardon, Le Portrait mythologique à la cour de France sous Henri IV et Louis XIV, Paris, 1974.
12 Le texte de l’estampe, cité par Guthmüller, op. cit., l’explique :
« FRANCE, comme Andromède à la mort fut offerte,
Mal voulue des siens, et d’un peuple estranger,
Son pays fut son mal, sa guerre et son danger,
Où son bien devoit être, y demeuroit sa perte :
Le Ciel fasché de veoir une injustice aperte,
Un Persée envoya à fin de la venger,
Un Persée françois qui la vint desgaiger
Des vagues de la mort, qui l’avoient ja couverte.
Le monstre qui gardoit entre ses dens sa mort,
Sentit combien le bras de Persée estoit fort,
Comme feit l’Espagnol de HENRY quatriesme.
FRANCE, sois luy fidelle, et ne te laisse plus
Attacher de doublons, et ne croy aux abus
De ceux qui ont rongné l’or de ton diadème. »
13 Andromède, C. Delmas (éd.), Préface, op. cit., p. LIX.
14 Ibid., p. XCV.
15 Hélène Visentin, « Oracle et allégorie dans l’Andromède de Corneille », Analecta Husserliana, 1994, n° 42/49, p. 49-60, ici p. 53.
16 Ibid., p. 54.
17 Paul Bénichou, Morales du grand siècle, Paris, Folio, 1948 ; Marc Fumaroli, Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève, Droz, 1996 ; Andromède ou le héros à l’épreuve de la beauté, Françoise Siguret (dir.), Genève, Klincksieck, 1996 ; Pratiques de Corneille, Myriam Dufour-Maître (dir.), Rouen, Publication des universités de Rouen et du Havre, 2012.
18 « Phinée a tous les vices : il se révolte contre la volonté des Dieux, devient lâche devant le danger, réagit égoïstement envers Andromède, tente d’assassiner Persée… Bref, il est l’autre monstre que Persée doit éloigner d’Andromède. », dit H. Visentin, op. cit., p. 55.
19 Lise Michel, « Machiavélisme et genres rhétoriques : l’invention des raisons d’État dans la tragédie de Corneille, de Médée à Pertharite », dans Pratiques de Corneille, Myriam Dufour-Maître (éd.), Rouen, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2012, p. 575-590.
20 Nicolas Machiavel, Le Prince [1532], dans Œuvres complètes, Christian Bec (trad. et éd.), Paris, Classiques Garnier, 1987, t. 1, p. 257-443, chap. xviii, p. 379.
Auteur
Université de Stuttgart
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