Retour sur une croyance : l’autonomie littéraire, images, usages, intérêts
p. 157-165
Texte intégral
1« Je vous envoie mon sonnet ». Si commencer la biographie d’un auteur par les premiers mots de la première lettre que l’on en a conservée semble d’une imparable logique (« Son histoire commence, là »), le choix effectué par Alain Viala dans Racine. La stratégie du caméléon1 est riche d’implications théoriques, sensibles lorsqu’il est question d’un auteur tel que Racine, a fortiori lorsque le public imaginé pour cette biographie est celui des « lecteurs curieux ». Se soulève ainsi une interrogation sur les frontières de la littérature et les certitudes implicites partagées qui les fondent : une lettre du grand auteur, est-ce encore de la littérature ? Est-ce que Racine est auteur quand il écrit ces lettres ? Comment s’est organisée la partition historique entre l’écrit versé au compte du document ou de l’ordinaire et l’œuvre reconnue et étudiée ? Le choix déplace aussi le regard de la centralité de l’œuvre vers l’observation de la littérature en train de se faire, que l’on désigne et d’où l’on se représente écrivant, pour agir dans le monde, avancer et, plus tard, avancer ses enfants. Dernier effet théorique, enfin, qui découle des précédents et les enveloppe, celui du questionnement de la croyance en la valeur littéraire et en la valeur de cette valeur, dont la lettre montre la mobilisation par Racine même, tout en faisant vaciller l’unité de « l’homme et l’œuvre », une de ses pierres de touche. La générosité de la perspective qui est celle d’Alain Viala permet que ce travail critique envers l’habitus de l’étudiant ou du chercheur en littérature ne se fasse pas dévoilement d’une triste cuisine (i.e. la fabrique de la littérature), mais devienne, au contraire, un geste d’ouverture sur des objets et des corpus nouveaux, dans l’expansion potentielle des études littéraires à toute production écrite : une lettre, un mauvais poème, des listes, des articles de dictionnaire, des recueils académiques. La force d’oblitération exercée par l’institution littéraire sur tout ce qui n’est pas elle, éclate – autres écrits, autres activités et identités de ceux dont elle ne transmet la mémoire et les cadres d’étude que comme auteurs. Et s’enclenche le mouvement d’un constructivisme potentiellement radical, qui associe à l’étude des œuvres celle de ce qui les a faites œuvres et de ce qui a permis la présence continuée, et transformée, de leur valeur et de la croyance qui l’assoit.
2Une part importante des travaux d’Alain Viala est consacrée à l’étude des schèmes de perception qui assurent l’institutionnalisation et le passage dans le temps des écrits. Cette perspective historique offre une prise essentielle pour la compréhension de la manière dont se met en place au XIXe siècle le champ littéraire tel qu’il a été étudié par Pierre Bourdieu. Bien sûr, chacune des « structures provisoires » qui déterminent le statut social des écrivains et leurs relations aux pouvoirs doit être analysée dans sa spécificité historique2. Mais à l’histoire des institutions, droits, données socio-économiques, il faut ajouter celle de la manière dont cette histoire a été et est écrite, souvent à partir des représentations qu’en produisent les acteurs eux-mêmes. La question de l’autonomie de la littérature offre en cela un angle exemplaire : si cette autonomie (politique, économique, symbolique), n’advient pas avant le XIXe siècle3, circulent néanmoins dans les époques précédentes des idées et des images d’autonomie partielle, restreinte ou conflictuelle, qui suggèrent que la question d’un domaine propre aux lettres est un objet de pensée et de débats4. Il ne s’agit pas de reflets d’un état de fait, ni d’un état d’esprit, mais de représentations actives qui visent à agir en leur temps, et au-delà, sur le monde et sur le statut de ceux qui les produisent, en définissant les cadres de compréhension de leur activité et de leur identité. Cette action, ce n’est qu’en regardant la situation d’énonciation et de publication de ces discours que l’on peut en comprendre la portée ; ou plutôt les situations, recomposées par les mobilisations changeantes dans le temps auxquelles se prêtent ces représentations. Au fil de cette historiographie, s’observe la genèse d’une croyance, activée par chacun des producteurs de ces écrits en fonction de ses intérêts propres.
Images d’autonomie : des représentations efficaces
3Revendication d’indépendance, travail réflexif sur l’image d’un auteur ou d’une œuvre, mise en scène de réseaux ou de communautés de pairs, saisie globalisante de la production lettrée sous l’image allégorique de pays ou d’îles, ou sous l’aspect de luttes intestines : nombreuses sont les formes, savantes ou ludiques, données au XVIIe siècle à l’idée d’une autodétermination des valeurs et des hiérarchies qui réguleraient les pratiques lettrées5. Je prendrai comme fil rouge l’exemple des écrits imprimés dans une polémique des années 1620, dite la querelle des Lettres, déclenchée en 1624 par la publication de la première œuvre d’un auteur encore débutant, les Lettres, de Jean-Louis Guez de Balzac (Paris, Toussaint Du Bray). Attaqué pour son immoralité, sa futilité et l’extravagance de son style, Guez de Balzac est aussi dépeint par son principal adversaire, Jean Goulu, supérieur de l’ordre des Feuillants, en archétype de ces auteurs courtisans qui « assiegent les bonnes tables de la Court, [et] ne cessent d’importuner les Grans avec leurs rimes & leurs proses »6. À l’inverse, il dresse des auteurs appartenant à une organisation religieuse, tels que lui, un portrait qui défend une condition libre de l’écrivain : des personnes « asseureez du couvert, & du vivre », sans « d’autre soin ni d’ambition que d’enrichir leurs ames de bonnes œuvres, & leur entendement de sçavoir »7. L’argument socio-économique fonde un discours de professionnalisation qui fait du moine le type de l’intellectuel désintéressé. Plusieurs libelles répliquent pour mettre en question les compétences d’un moine à intervenir sur l’œuvre d’un écrivain profane. Le seul terrain sur lequel les Lettres pourraient être jugées serait celui de l’expression et de la réussite esthétique : « Je ne traicte pas une dispute de Religion, mais seulement de Rhetorique »8, affirme un pamphlet de 1630. Un art de lire « littéraire » se déploie chez les défenseurs de Guez de Balzac, qui insistent sur la dimension fictionnelle et le second degré de son œuvre, le même libelle affirmant encore à propos des hyperboles parfois outrancières caractérisant son style : « il ne faut pas les prendre au pied de la lettre ny en tirer des consequences ridicules, ainsi que Phyllarque [i.e. Goulu] a coustume ». Au fil du conflit, une frontière claire est dessinée entre les domaines qui relèveraient de l’autorité des religieux (la prière, la théologie, la controverse), et ceux pour lesquels ils n’auraient pas leur mot à dire, les défenseurs des Lettres affirmant l’autonomie d’un espace de publication qui répondrait à des critères de pure réussite esthétique (et linguistique, puisque la défense d’une langue conforme à la modernisation grammaticale et lexicale est enrôlée dans le débat).
4Des images fragmentées d’autonomie à géométrie variable s’affrontent donc : l’autonomie du religieux vis-à-vis du politique ; l’autonomie du littéraire vis-à-vis du religieux. Ces représentations de l’autonomie ne se répondent pas exactement, ni ne portent sur les mêmes aspects de l’activité littéraire : c’est de l’autonomie de la création vis-à-vis des besoins économiques et des injonctions politiques dont parle Goulu, tandis que c’est de l’autonomie de la morale esthétique et linguistique vis-à-vis du religieux, et non du politique, qu’il s’agit autour de Balzac. Mais tous deux convergent dans l’idée que la valeur littéraire obéit à des critères propres détachés de formes extérieures de reconnaissance.
5Ces mouvements se manifestent toutefois sur fond de relations avec les pouvoirs dont ces écrits ne rendent pas compte, alors que ces relations déterminent pourtant des formes de reconnaissance et de valorisation des œuvres qui jouent sur le statut de celles-ci, leur socialisation (leur circulation et leur visibilité) et, bien sûr, la vie de leurs auteurs. Sans doute le moine est-il assuré du vivre et du couvert, mais l’ordre des Feuillants dont Goulu est le supérieur général entretient une grande proximité avec le pouvoir royal : le roi est le principal bienfaiteur de la congrégation et dans les années 1610, l’église parisienne du monastère de la rue Saint-Honoré (Goulu en est alors le prieur) est un lieu privilégié de dévotion pour le jeune Louis XIII9. Cette proximité se voit dans la carrière d’auteur de Goulu avec, par exemple, des épîtres dédicatoires où il se dépeint en familier des souverains, qui réalise des traductions pieuses à leur destination expresse10. Du côté de Balzac, si l’identité de la plupart des auteurs des libelles publiés en sa faveur reste incertaine, on connaît son inscription (certes complexe et troublée) dans plusieurs réseaux de clientèle dont, au premier chef, celui de Richelieu. Ces deux adversaires illustrent donc chacun à sa manière la situation d’hétéronomie politique qui caractérise alors les auteurs – chacun à sa manière, car leur dépendance à l’égard des pouvoirs manifeste la diversité des formes sociales prises par le lien entre les puissants et les auteurs, le statut de chef d’un ordre important de Goulu représentant à cet égard un prisme essentiel.
6Faut-il dès lors comprendre les images d’autonomie produites lors de la querelle entre Goulu et Balzac comme des masques visant à dissimuler la réalité de ces situations de dépendance effective ? L’idée serait trop simple et, en fait, ces représentations mettent en jeu une idée de la littérature qui est suscitée par le pouvoir même : s’il s’agit d’invoquer, chacun depuis leur position, l’autonomie de la littérature, morale d’un côté, esthétique de l’autre, celle-ci est bien une production politique, un espace de valeur et de jugement, promu voire encouragé par les pouvoirs, en tant qu’il est dépolitisé11. Aussi les nombreuses images et revendications d’autonomie qui circulent alors, au-delà du conflit autour de Guez de Balzac, fonctionnent-elles en homologie avec l’attitude des pouvoirs, et contribuent à promouvoir l’ordre des libertés bien ordonnées qu’elle rend possible – par exemple avec les images topiques de communautés d’auteurs, ou du loisir lettré, qui ne rendent que trop visible l’idée d’un entre soi des gens de lettres, préservés des injonctions et des rémunérations du monde, sous la protection bienveillante et in absentia d’un puissant. Qu’elle soit maniée stratégiquement ou non, peu importe, l’essentiel est que cette homologie serve les intérêts des uns et des autres, et notamment pour les auteurs, la construction de leur légitimité par l’affirmation d’un domaine d’expertise et d’action propre, la langue, le style, la réussite esthétique et le plaisir des lecteurs. Et si ces équilibres, actualisés différemment selon chaque auteur, se rompent souvent, lorsque par exemple un écrivain en met à nu la structure, ou en pervertit les frontières, comme Guez de Balzac chez qui cela deviendra la matière de nombreux écrits, il s’agit là d’une autre histoire.
Écrire la croyance
7Images visant à l’efficacité en leur temps, ces postures témoignent de rapports à l’autonomie dont il ne faut donc pas rabattre le sens sur ce que devient la situation des auteurs avec la constitution d’un champ social littéraire au XIXe siècle. Au-delà de ce qu’en escomptent ceux qui les produisent, une de leurs actions est cependant de participer de l’histoire de ce champ : non dans une linéarité téléologique qui mènerait du statut de l’écrivain classique à celui de l’époque contemporaine, mais parce que les représentations des acteurs imposent leurs marques sur les catégories avec lesquelles est ensuite écrite l’histoire de leurs œuvres, de leur vie, et de leur temps. Alain Viala l’a démontré à plusieurs reprises : c’est de processus d’écriture enclenchés du vivant des auteurs que dépend leur devenir posthume12.
8Si l’on suit à nouveau l’exemple des polémiques autour de Guez de Balzac, on s’aperçoit que la définition de leur terrain devient un enjeu essentiel de la suite de l’œuvre de Balzac lui-même, qui s’en fait dans les années 1640 un de leurs premiers historiens : « je soutiens que ni mes fautes ni les vôtres ni celles des peintres ni celles des musiciens même, quoique Platon puisse dire, ne sont pas fort dommageables à la République »13, affirme-t-il en s’adressant au poète François Maynard, dans une radicalisation de la disjonction esthétique qui pousse plus loin encore les éléments argumentatifs des années 1620. Plusieurs décennies plus tard, le conflit est rapporté à de nouveaux combats par Charles Perrault, dans les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce Siècle, où Goulu est dépeint en champion (sclérosé) des anciens et Balzac, du progrès de la langue française14. Morale et religion évincées, le récit de la polémique replie ses enjeux sur un rapport interne au temps lettré, doté de catégories historiques (les anciens, les modernes) et d’une historicité propre. D’autres palmarès ou récits rétrospectifs15 montrent encore que c’est du point de vue des débats sur la langue et le style que ces conflits sont majoritairement pris en charge, Balzac étant soit loué pour sa modernité en la matière, soit condamné pour ses défauts esthétiques. « On ne modélise que des formes, mais on les modélise pour des raisons politiques, que l’on occulte sous des considérations formelles »16, souligne Alain Viala : le cas est exemplaire du développement qui caractérise les XVIIe et XVIIIe siècles d’une historiographie littéraire propre, qui déploie le portrait de ses acteurs et le récit de ses événements à partir de catégories qui sont associées spécialement par ses producteurs à l’expertise des hommes de lettres. Une tradition se constitue, qui impose cumulativement une vision interne de l’histoire des lettres, où le récit des querelles et conflits contribue au renforcement de la croyance en l’importance des valeurs et des activités qui s’y jouent17.
9L’effacement croissant de la figure de Goulu au sein de cette tradition est significatif. Aucune de ses œuvres n’a de place dans les histoires de la littérature ; et dans une symétrie inverse, ni ses pamphlets contre Balzac ni la querelle des Lettres ne sont mentionnés dans les histoires de la religion catholique et des institutions religieuses qui parlent de Goulu et des Feuillants18. Les historiographies du littéraire et du religieux ne communiquent pas, et l’idée de domaines de compétences séparés promue par Balzac et ses défenseurs s’en trouve validée.
Pour conclure : d’une illusio à l’autre, champ littéraire et champ scolastique
10Outre une compréhension affinée de l’avènement du champ littéraire, et la complexification de sa saisie chronologique, ces dynamiques historiographiques éclairent un phénomène, qui ne va pas de soi, si on y pense : la conception de la littérature comme sphère d’activité et de valeur autonome qui s’impose historiquement à partir du XIXe siècle sert de base à la manière dont sont pensés et racontés les modes d’existence sociale de la littérature dans les siècles antérieurs. Cette vision rétrospective se nourrit de traditions dont elle n’interroge pas les conditions de production. Et si ces traditions ont bien un rôle dans la genèse du champ, leur mise au service de la défense de cette vision rétrospective procède d’un télescopage qui oblitère leur histoire, et les opérations de réécriture et de mise en récit sélectif qui la constituent. Une enquête est à mener sur l’habitus littéraire de ceux qui, du XIXe siècle à nos jours, ont étudié la littérature et son histoire. Plus largement, la question permet d’envisager à nouveaux frais les liens entre les croyances et les dispositions propres aux agents du champ littéraire et ceux du champ scolastique consacré à l’étude de ce champ : ce nœud représente un aspect encore peu interrogé de l’analyse sociologique de la littérature, notamment en raison du statut du lector dans le travail de Pierre Bourdieu. Essentiellement envisagé comme repoussoir, son rapport aux œuvres est décrit comme volonté narcissique de capter à son compte le prestige des créateurs en faisant de la lecture littéraire le miroir de leur acte créateur « pur »19. En se centrant sur la lecture formelle et d’identification, qui concerne surtout des œuvres contemporaines, ces analyses laissent de côté, d’une part la spécificité qu’il peut y avoir à fréquenter des œuvres anciennes, et d’autre part les activités de l’érudit et de l’historien de la littérature. Pourtant, s’intéresser à la manière dont s’opère la projection de l’habitus littéraire du lecteur au présent sur les œuvres du passé, les résistances qu’elle rencontre et les reconstructions qu’elle nécessite, permet d’introduire dans la compréhension du champ littéraire un feuilleté historique qui éclaire le rôle du rapport à ces œuvres-là dans la formation de cet habitus, et explique certaines de ses composantes politiques20.
11Avec son travail sur les enjeux et les modes de transmission des valeurs et des croyances, Alain Viala a posé les jalons de l’étude de ces liens entre illusio littéraire et illusio scolastique ou, pour citer un article récent, du « regard pur (et d’abord de toute référence à la valeur économique) que le spectateur cultivé d’aujourd’hui, produit d’un champ de production plus autonome, se sent tenu de porter sur les œuvres “pures” du présent comme sur les œuvres “impures” du passé21 ». Cette homologie contribue à expliquer le déficit de scientificité qui caractérise bien des aspects des études littéraires au regard des autres sciences humaines et sociales. La poursuite d’un travail tel que celui mené par Alain Viala sur ces phénomènes est capitale parce qu’il porte une double ambition de connaissance : celle des œuvres du passé car, comme le souligne Alain Viala dans le même article : « la consécration se paie au prix d’une déformation. Donc au prix de la vérité historique »22 ; et de fait, si leur signification socio-politique aussi bien que symbolique pour les sociétés du passé (et donc nécessairement pour la nôtre) est menacée de contre-sens ou d’oubli, c’est aussi la lettre même de ces écrits (comme existence concrète qui nous arrive à travers un processus historique) que ce regard « pur » tend à oblitérer23. Ce travail de connaissance du littéraire prend enfin le sens de la mise au jour des intérêts et positions investies dans ce regard : autrement dit, du dévoilement des rapports de domination actuels dans le champ scolastique, comme dans l’ensemble du monde social, servis par l’entretien de la croyance sur laquelle il repose, et celui de la méconnaissance historique qui en est la conséquence.
Notes de bas de page
1 Paris, Seghers, 1990, p. 11 pour les deux premières citations, p. 9 pour celle qui suit.
2 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art, Paris, Seuil, 1991, p. 191.
3 La dimension historique de la question des champs comme espaces sociaux autonomes est difficile. Bourdieu attire l’attention sur les illusions de la linéarité dans l’histoire de leur construction, mais souligne aussi que seraient présentes dès leur préhistoire certaines de leurs données structurelles : dans le moment « où des producteurs culturels font leur apparition, [ils] luttent (presque par définition) pour faire reconnaître leur indépendance et leur dignité particulière », ibid., p. 357-358 (note). Voir la discussion proposée par Alain Viala, « The Theory of the Literary Field and the Situation of the First Modernity », Paragraph, 2006, n° 29, p. 80-93.
4 Naissance de l’écrivain. Sociologie de l’écrivain à l’âge classique (Paris, Éd. de Minuit, 1985) analyse plusieurs de ces représentations : voir notamment la section « Images d’un champ clos », p. 153-162, et « Trois visions du milieu littéraire », p. 245- 258. La lecture approfondie de ce livre par Christian Jouhaud offre une mise au point fondamentale sur l’hétéronomie politique de la littérature au XVIIe siècle : « Histoire et histoire littéraire : naissance de l’écrivain », Annales, 1988, n° 43- 4, p. 849-866.
5 Outre les exemples déjà mentionnés dans Naissance de l’écrivain, voir Delphine Denis, Le Parnasse galant. Institution d’une catégorie littéraire au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2001. La mise en scène de son nom et de celui de ses pairs écrivains est aussi une pratique qui concourt à produire l’image d’un réseau lettré coupé de toute détermination exogène aux enjeux esthétiques et à la sociabilité auctoriale ; pour une analyse de sa puissance, voir par exemple Florence Bonifay, « ReseauxPoetesXVI : une base de données pour étudier les réseaux de poètes au XVIe siècle », dans Le Réseau. Usages d’une notion polysémique en sciences humaines et sociales, Louvain, Presses Universitaires de Louvain-la-Neuve, 2016, p. 27-42.
6 Lettres de Phyllarque à Ariste où il est traité de l’Eloquence françoise, Paris, N. Buon, 1627, I, p. 3-4.
7 Ibid., p. 7-8.
8 [Anonyme] L’Anti-Phyllarque, Lyon, Pierre Drobet, p. 1-2, ainsi que pour la citation suivante.
9 Voir Benoist Pierre, La Bure et le Sceptre. La congrégation des Feuillants dans l’affirmation des États et des pouvoirs princiers, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006. Quelques années plus tard, le successeur de Goulu à la tête des Feuillants, Charles Vialart, rédige une histoire du ministère de Richelieu en forme de « monument historiographique », comme l’analyse Christian Jouhaud, Richelieu et l’écriture du pouvoir, Paris, Gallimard, 2015, p. 72-75.
10 L’épître dédicatoire à Marguerite de Valois des Propos d’Épictète précise : « Si n’eust esté l’asseurance que V. M. m’a donnée, qu’elle auroit aggreable de le voir, par le commandement qu’elle m’a fait de l’habiller à la Françoise, & le luy presenter, je n’eusse jamais pris cette hardiesse », Paris, J. Heuqueville, 1609, n.p. ; Goulu est aussi l’auteur des Œuvres du divin Saint Denys Aréopagite en 1608, dédiées à Henri IV et d’une VIe du Bien-heureux François de Sales, en 1624, offerte à Christine de France.
11 Voir C. Jouhaud, « Histoire et histoire littéraire », op. cit. et Les Pouvoirs de la littérature, Paris, Gallimard, 2000.
12 « Qu’est-ce qu’un classique ? », Littératures classiques, 1993, n° 19, p. 11-31.
13 Relation à Ménandre I, dans Les Œuvres diverses, Paris, P. Rocolet, 1644 ; Roger Zuber, (éd.) Paris, Champion, 1995, p. 267.
14 Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce Siècle. Avec leur portrait au naturel, Paris, Antoine Dezallier, 1697, p. 71-72. Cette manière d’écrire la polémique en pré-querelle des anciens et des modernes est encore très courante dans l’historiographie aujourd’hui.
15 Citons la fiction allégorique de Jacques de Grille, Le Mont Parnasse, ou de la préférence entre la prose et la poésie (Paris, P. de Bresche, 1663), où Balzac règne sur le « Parnasse Inferieur » des « méchants Poètes », p. 22.
16 « Qu’est-ce qu’un classique ? », op. cit., p. 20.
17 « C’est dans ces luttes entre adversaires objectivement complices que s’engendre la valeur de la culture ou, ce qui revient au même, la croyance dans la valeur de la culture », Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éd. de Minuit, 1979, p. 279. Voir aussi Les Règles de l’art, op. cit., p. 237.
18 Cette absence est d’autant plus significative que ces livres sont répertoriés dans les premières bibliographies des Feuillants : voir Pierre de Saint-Romuald, Trésor chronologique et historique […], Paris, A. de Sommaville, 1647, p. 889-890.
19 Les Règles de l’art, op. cit., « Les conditions de la lecture pure », p. 414-421.
20 Voir par exemple l’investissement nationaliste de la littérature classique sous la IIIe République (Alain Viala, « Qu’est-ce qu’un classique ? », op. cit., p. 28-29), ou l’analyse de Bourdieu, d’après Durkheim, des liens qui s’opèrent à la même époque entre vision déhistoricisée des œuvres et constitution d’un humanisme universaliste laïc, Règles de l’art, op. cit., p. 420.
21 Alain Viala, « Querelles et légitimations. Quand le spectre de la mort de la littérature hante les débats », Carnets – Revue électronique d’études françaises, janvier 2017, II / 9, p. 6-21, ici p. 12.
22 Ibid., p. 11.
23 Voir à cet égard le diagnostic dévastateur porté par le spécialiste de philologie médiévale Frédéric Duval sur les pratiques éditoriales en cours chez les spécialistes du XVIIe siècle : « Les éditions de textes du XVIIe siècle », dans Manuel de la philologie de l’édition, David Trotter (éd.), Berlin/Boston, De Gruyter, 2015, p. 269-394.
Auteur
Université Jean Moulin - Lyon 3 Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités
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