4. Alexandre Soumet, « La Découverte de la Vaccine… Poème couronné par la seconde Classe de l’Institut le 5 Avril 1815 »1
p. 41-43
Texte intégral
1Edward Jenner (1749-1823) est un médecin exemplaire à deux titres au moins : il représente, d’après ce texte, la démarche de l’observation empirique, ici mise en scène dans les prés et les étables de sa campagne natale ; mais il fut aussi un médecin militant qui œuvra toute sa vie pour promouvoir la vaccination et démontrer qu’elle peut endiguer les épidémies de variole. C’est lui, en effet, qui montra que l’inoculation du virus de la variole bovine protège les patients de la variole humaine. La seconde Classe de l’Institut (ancienne Académie française) donna ainsi pour sujet du concours de poésie de 1814 « la découverte de la vaccine », ayant sans doute à l’esprit le décès récent de Jacques Delille (voir le texte 71), maître du genre de la poésie scientifique et didactique. Alexandre Soumet, vainqueur du concours à l’âge de 28 ans fit ensuite une belle carrière de dramaturge.
Parmi tous ces mortels, dont l’effort secourable
Cherchait à triompher de l’hydre inexorable1,
Un modeste rival des Barthès, des Halley2,
Vivait obscurément dans les champs de Barcley.
Jenner était son nom... L’aube à peine éveillée
Le retrouvait pensif sous l’épaisse feuillée,
Et le voyait ravir leurs végétaux puissants3
Aux vastes prés, séjour des troupeaux mugissants.
Ami de l’homme, ami de la sagesse antique,
Jenner étudiait le monstre asiatique4,
Et souvent propageait, armé d’un fer aigu,
Cet art que de Timone emprunta Montaigu5.
Les pasteurs, habitants de ces beaux pâturages,
Du fléau qu’il combat ignoraient les outrages :
II médite... Il les voit, sous le chaume abrités,
Presser entre leurs doigts les tributs argentés
De la blanche génisse, et se plaindre comme elle
D’un mal qui se déploie autour de sa mamelle6.
C’en est fait, confident de la faveur des cieux
II recueille à genoux le venin précieux.
Londre en a reconnu la rapide énergie ;
Du Tage à la Neva les disciples d’Hygie7,
S’étonnent, et d’un art, né parmi ses rivaux,
La France, la première, applaudit les travaux.
Elle veut toutefois que la prudence humaine
Interroge longtemps l’utile phénomène ;
Elle ordonne en tous lieux qu’aux regards du savoir
Des épreuves sans nombre attestent son pouvoir ;
Du sage de Barcley médite les oracles,
Et ne veut croire au dieu qu’à force de miracles.
Notes de bas de page
1 La petite vérole.
2 Paul-Joseph Barthez (1734-1806) était sans doute le plus fameux médecin français vers 1800. Edmond Halley (1656-1742) était un célèbre savant britannique du XVIIIe siècle.
3 Il cueillait des plantes médicinales.
4 La petite vérole, réputée venir d’Asie.
5 L’inoculation, enseignée à milady Montaigu, par Timone, médecin de Constantinople [nda].
6 Jenner observa que, dans les grandes inoculations ordonnées par le gouvernement anglais, plusieurs individus résistaient à l’épreuve de la petite vérole, parce qu’ils avaient déjà contracté une maladie particulière aux vaches de la commune de Barcley [nda].
7 Hygie : déesse de la santé. Disciples d’Hygie : médecins.
Notes de fin
1 Magasin encyclopédique, Paris, 1815, t. III, p. 295-298.
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