Portraits in situ
p. 25-26
Texte intégral
1Cette section regroupe des portraits où le modèle, saisi dans son milieu naturel, envisagé dans la spécificité de son activité, est présenté comme pris sur le vif. Que cette impression soit le fruit d’une rencontre réelle ou fictive, qu’elle traduise un échange confraternel ou une observation défiante, c’est tout d’abord un intérêt réciproque qui transparaît, et s’exprime à travers des réseaux de sociabilité communs. Le salon de la princesse de Salm en est un exemple représentatif, tout comme le Journal des frères Goncourt qui, en maints endroits, montre que les « mémoires de la vie littéraire » (c’est son titre complet) ne peuvent s’envisager indépendamment de la chronique de la vie savante. La fréquentation de l’amphithéâtre de la Salpêtrière par un public littéraire en est un autre indice : Octave Mirbeau, Paul Bonnetain, mais aussi Guy de Maupassant, Alphonse Daudet ou Jules Claretie ont tous rendu compte de l’impression faite par Charcot, le maître des lieux1. Les institutions elles-mêmes ont d’ailleurs pu participer à la pérennité de ces réseaux d’échange, comme en témoignent les « notes » prises par le mathématicien Joseph Fourier sur l’École Normale, ou encore les traditions maintenues au sein des Académies.
2Le portrait n’est certes pas toujours tendre, à l’image du jugement sans concession de Lamartine sur Humboldt, mais c’est plus généralement l’attrait qui prévaut, fût-il déçu. Le docteur Maurice de Fleury fait ainsi de sa rencontre avec Mallarmé un moment tout à la fois surprenant (le poète ne ressemble pas à sa poésie), et relativement décevant : le réflexe clinique, désacralisant, reprend finalement le dessus. Les leçons de Lamarck sont de même présentées par Sainte-Beuve comme un moment intellectuellement stimulant, mais scientifiquement peu convaincant.
3À travers le portrait, toujours, les positions du portraitiste s’affirment et s’aiguisent. Il n’y a guère que « l’enquête médico-psychologique » du docteur Toulouse sur Zola qui fasse preuve d’une objectivité irréprochable. Encore réduitelle le fondateur du naturalisme littéraire à un ensemble de mesures anthropométriques d’où la spécificité de son génie peine à émerger. Le portrait in situ trahit en réalité l’image que le portraitiste se fait de sa propre pratique. Lorsque Villiers invente un Velpeau proposant une expérience plus vraie que nature, il confirme ainsi que le modèle est, la plupart du temps, envisagé comme un personnage. Mis au service d’une idée, d’un sentiment, ou d’une théorie, le modèle pris sur le vif est toujours le reflet des préoccupations, angoisses ou préjugés de celui qui l’observe.
Notes de bas de page
1 Sur ce point, voir Bertrand Marquer, Les Romans de la Salpêtrière. Réceptions d’une scénographie clinique, Genève, Droz, 2008.
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