Enquête généalogique et histoire : l'Artois et les régions voisines dans la généalogie de Luxembourg de Clément de Sainghin (1471)
p. 133-159
Texte intégral
1À la fin du Moyen Âge, le trésor des chartes d’Artois était un dépôt d’archives encore inexploré par les historiens. Le juriste Jean d’Auffay ne semble pas l’avoir utilisé pour écrire, en 1478-1479, son mémoire défendant les droits de Marie de Bourgogne face aux visées territoriales du roi de France. Il était pourtant originaire d’Artois, dont il fait l’histoire, mais ne mentionne que les archives des comtes de Flandre à Lille et Ruppelmonde ou les archives de la Chambre des comptes de Malines. Il avoue même qu’il lui manquait le texte fondamental sur la constitution du comté d’Artois1...
2A fortiori, ces archives étaient terra incognita pour l’auteur que nous allons étudier, Clément de Sainghin. Mais cela n’empêcha pas son auteur d’écrire une histoire riche de détails, et de connaître un succès certain. Nous le savons par un historien du XVIe siècle, François Piétin, religieux à Phalempin. En écrivant sa Descente des chastellains de Lille (1553), il constata les « intollerables abus et faultes » de son prédécesseur qui, selon lui, avait induit en erreur son ami, l’historien flamand Jacques Meyer († 1555), et beaucoup d’autres, « parce qu’il devise fort bien et est grand langageur, mais il ne sait ne ce qu’il dit, ne ce qu’il affirme et n’y a point de fondation à ses diets2 ». Ce jugement virulent qui traduit le développement de l’érudition contribua à l’oubli précoce de Clément de Sainghin.
3Son œuvre, la Genealogie de Luxembourg, mérite cependant qu’on s’y arrête car elle constitue un cas rare dans l’histoire de la littérature généalogique3. Elle est conservée notamment par un manuscrit d’auteur où le texte s’appuie sur un très bel arbre généalogique enluminé4. Cet arbre accompagné d’un poème date de 1469 mais le texte qui le commente fut achevé, d’après l’explicit, le 6 mai 1471 (fol. 56v)5. L’ouvrage est dédié à Jacques de Luxembourg († 1487), seigneur de Richebourg, et frère de Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, le connétable de France qui fut décapité pour trahison en 1475. Tous deux furent chevaliers de la Toison d’or.
4Le but de Sainghin est de faire la généalogie complète de son maître, en présentant ses « trente-deux costés ou quartiers » (fol. 1r). Il évoque donc successivement les ancêtres du père et de la mère de Jacques de Luxembourg : soit les ascendants de Pierre de Luxembourg, comte de Conversano dans le royaume de Naples, puis comte de Saint-Pol, décédé en 1433, ce qui occupe les folios 2-44 de son manuscrit, puis de façon plus rapide, aux folios 44v-53v, les ascendants de Marguerite de Baux, issue des ducs d’Andria, qui était décédée en 1469 à l’âge de 76 ans6. Après avoir étudié donc les racines du couple, jusqu’à leurs trisaïeux, Sainghin présente succinctement sa descendance, « les branches filiales » (fol. 54-56). Telle était l’œuvre composée aux lendemains de la mort de Marguerite de Baux en l’honneur de son second fils. Sainghin écrivit plus tard une brève généalogie descendante des Luxembourg qu’il copia à la suite de son œuvre maîtresse (fol. 57-62v).
5Il faudrait conduire des recherches archivistiques pour cerner notre auteur. L’existence de deux localités portant le nom de Sainghin à proximité de Lille brouille les pistes. Son maître Jacques de Luxembourg était seigneur de Sainghin-en-Weppes7. Mais on sait que Sainghin-en-Mélantois a donné son nom à une famille seigneuriale que l’on suit jusqu’au début du XIVe siècle8. Il n’est pas exclu que Clément soit issu d’une branche cadette de cette famille. À défaut de connaître ses origines et son itinéraire, on peut le considérer comme un spécialiste du genre généalogique puisqu’il est l’auteur d’une généalogie de la famille de Craon à laquelle il fait une allusion (fol. 14v-15r). Son maître Jacques de Luxembourg est bien connu, comme acteur politique, mécène, bibliophile. Antoine de la Sale lui dédia en 1459 son traité sur les tournois9. La cour des Luxembourg constituait donc un milieu particulièrement favorable pour les recherches généalogiques. L’originalité de Clément de Sainghin est d’avoir entrepris un ouvrage ambitieux. Il mit en œuvre des sources variées et n’était pas dépourvu de sens critique. Mais ses résultats sont le plus souvent très critiquables à l’aune de l’érudition actuelle, comme nous le verrons en privilégiant l’exemple de l’Artois et des régions voisines. Son œuvre a cependant l’intérêt d’éclairer le passé légendaire de certaines grandes familles nobles dont les ancêtres remontaient parfois au temps des héros épiques Girart de Roussillon et Garin le Lorrain.
I - Un généalogiste à l’œuvre
Les sources mises à profit
6Clément de Sainghin ne faisait pas œuvre neuve en dressant la généalogie de Pierre de Luxembourg et de son épouse Marguerite de Baux. Vers 1434, le Héraut Saint-Pol l’avait déjà établie sous la forme d’un rouleau de parchemin où figuraient les seize quartiers de noblesse de chaque époux, accompagnés d’une trame généalogique succincte. Saint-Pol concluait son texte par un développement sur la fée Mélusine et ses enfants, dont Antoine, ancêtre mythique des Luxembourg. L’ensemble était dédié au fils aîné du couple, Louis, le futur connétable, alors qu’il venait de succéder à son père10. Cette œuvre avait dû circuler dans le milieu des officiers d’armes. Un armorial anglais du milieu du XVe siècle reproduit en effet la série d’armoiries mises en valeur par le Héraut Saint-Pol11.
7Sainghin tient à se démarquer de son prédécesseur. Outre les modifications qu’il apporte à la généalogie, il fit le choix d’une forme graphique encore rare à son époque. Au lieu des rangées d’écus armoriés, il organisa la généalogie par un « arbre reversé » fait d’un tronc correspond au couple de parents, de racines disposées vers le haut permettant de représenter les ancêtres, enfin, partant du tronc vers les bas, des « branches filiales » pour noter les descendants du couple. Il s’agit donc, explicitement, d’un « arbre généalogique ». Clément de Sainghin nous apprend lui-même qu’il avait vu « ceste disposee et tres elegante fourme » (fol. 1r) à l’occasion de son écrit précédent, sur les Craon. Du point de vue du texte, la différence est aussi marquée. Le Héraut Saint-Pol avait choisi la concision tandis que Sainghin rédigea un vrai livre où il remonte souvent bien au-delà des trisaïeux de Jacques de Luxembourg et où il essaie de faire vivre les personnages en mentionnant leurs hauts faits. Dans l’idéal, chaque notice sur une famille constituait une histoire dynastique.
8Ce projet impliquait de recourir à des sources narratives. Parmi celles-ci figurent les mémoires rédigés par Marguerite de Baux, « tressachante et moult experte » (fol. 1r). Exilée du royaume de Naples depuis 1407, elle était aussi dépositaire de la mémoire de son époux Pierre de Luxembourg, qui, par sa mère Marguerite d’Enghien, avait hérité des comtés de Conversano et de Brienne. Marguerite de Baux aborda ainsi pour ses enfants l’histoire des Brienne depuis la quatrième croisade (fol. 33r) et la trajectoire des Enghien entre Hainaut et Italie, ce qui donne un intérêt tout particulier aux pages de Sainghin qui s’en inspire12.
9Pour le reste de son ouvrage, la matière historique provient de chroniques, évoquées parfois de façon vague et rhétorique, afin de justifier des ellipses13, ou pour dresser le contexte. Pour remonter au plus lointain passé des Luxembourg, il cite les Croniques de Belges (fol. 2r), soit la pseudo-histoire du royaume de Belges (qui correspond à Bavay) mise en forme par Jacques de Guise († 1399) dans ses vastes Annales historiae illustrium principum Hannoniae, traduites en français par Jean Wauquelin († 1452)14. Une Cronique de Brabant est mentionnée à trois reprises (fol. 27r, 29v, 31v). Il s’agit probablement de l’œuvre d’Edmond de Dynter († 1448), écrite en latin, et traduite également par Jean Wauquelin15. La Chronique papale mentionnée à propos du couronnement du pape Clément V (fol. 29r) est soit un exemplaire du Liber pontificalis, soit une version complétée de la chronique de Martin le Polonais. Cependant, la principale source narrative utilisée par Sainghin est une vaste compilation anonyme que l’on désigne comme Chronique de Flandres, composée à Saint-Omer durant la première moitié du XIVe siècle16. Cette source lui fournit la matière de plusieurs développements17 et notamment le récit des grandes batailles qui servent de point de repère : les batailles de Bouvines, de Worringen, de Fumes, de Courtrai... S’il situe par erreur en 1280 la bataille de Worringen, cela découle de cette Chronique de Flandres, qui pour autant donne des détails sur cette bataille qui eut lieu le 5 juin 1288 près de Cologne et vit la victoire décisive de Jean de Brabant sur la famille de Luxembourg, ce qui lui permit de prendre possession du Limbourg18. Cette même source lui inspire très directement les longs développements qu’il a consacrés à l’action militaire du connétable Robert dit Moreau de Fiennes et à son père, dont il ignore cependant le prénom car il n’y apparaissait que comme « seigneur de Fiennes19 ».
10Pour composer la trame des généalogies, d’autres sources sont mises à profit, plus ponctuellement. Sainghin a sous les yeux une généalogie du comte de Laval, soit de François de Montfort-Laval alias Guy XIV de Laval (1406-1486). Mais il se méfie de la véracité de ce texte écrit à l’occasion d’un procès (fol. 28v, 29r, 29v). Cela confirme néanmoins ses liens avec la noblesse de l’Ouest. Son recours aux actes de la pratique est très sporadique. Comme nous l’avons dit, il n’a pas fréquenté les dépôts d’archives des ducs de Bourgogne. En revanche, il a exploité quelques chartes seigneuriales et monastiques. Les plus anciennes proviennent de l’abbaye de Loos mais posent problème comme nous le verrons. D’autres chartes lui permettent de connaître Hellin, seigneur d’Armentières, mentionné en 1203 dans un acte en faveur de la cathédrale d’Arras, et ses deux filles, Agnès et Clémence, dont il fait une épouse de Roger [IV], châtelain de Lille (fol. 15v)20. L’utilisation des chartes n’occupe finalement qu’une faible part dans son travail. C’est une différence fondamentale avec Jean d’Auffay qui utilise des actes officiels, les discute, en donne quelques extraits. Dans la hiérarchie des sources, celui-ci cite d’abord les « lettres, anchiens registres et autres ensseignemens que es chartes des contes, des eglizes et villes des païs et contés de Flandres et Arthoys, et aussy par vraye cronicque tenue et reputee par les gens du roi21 ».
11En revanche, Auffay n’utilise qu’une fois les tombeaux dans son argumentation, pour souligner que des anciens comtes de Flandre étaient enterrés à Saint-Vaast d’Arras et à Saint-Bertin de Saint-Omer, d’où il déduit que ces régions du comté d’Artois faisaient autrefois partie de leur patrimoine22. Les tombeaux et les épitaphes sont par contraste une des sources essentielles de Sainghin. Même si l’on dispose grâce aux historiens modernes et aux épitaphiers de descriptions plus précises de ces sépultures, la Genealogie de Luxembourg apporte quelques informations inédites.
12Le monastère de Cercamp, dans le comté de Saint-Pol, était un passage obligé pour Sainghin. C’est là en effet que reposaient les deux parents de son maître (fol. 44r) qui lui-même tint à s’y faire enterrer en 148723. Là aussi se trouvaient les gisants du comte Guy [IV] de Châtillon († 1317) et de son épouse Marie de Bretagne24 († 1339) (fol. 28v) et les sépultures de Mahaut de Brabant (veuve du comte Robert 1er d’Artois) et de son second époux Guy [III] de Châtillon (fol. 24r, Annexe, 2). Selon Sainghin, ce comte de Saint-Pol disposait également d’une sépulture dans la cathédrale d’Arras, en compagnie d’une seconde épouse qu’il est le seul à mentionner... Dans la région de Lille, son pays d’origine, Sainghin visita l’abbaye cistercienne de Loos. Il y mentionne trois tombeaux. Le plus ancien est celui de Roger, châtelain de Lille qui « gist soubz ung tombeau de l’an mil deux cens vingtneof » (fol. 15v). Il s’agit de Roger IV, châtelain de 1208 à sa mort le 9 mars 123025. Par erreur, Sainghin a cru que Jean [II], châtelain de Lille de 1237 à 1244, dont il évoque le « tombeau contenant personnage et le blazson dessudit gravé en pierre » (fol. 15v) était son fils, alors qu’il s’agit de son neveu26. Il mentionne enfin à Loos le tombeau du cœur de Guy de Flandre, seigneur Erquinghem-Lys, mort en 1345, dont le gisant se trouvait dans l’église paroissiale d’Erquinghem (fol. 17r)27. Le monastère de chanoines réguliers de Phalempin, fondé par les châtelains de Lille, a fourni cinq sépultures : celle de Mahaut de Mortagne (t 1311 ; a. st.) épouse de Jean [III], châtelain de Lille (fol. 15v) ; celle de Guyotte de Lille (f 1337), épouse de Waleran II de Luxembourg, seigneur de Ligny en Barrois (fol. 16r) ; celle d’Aélis de Flandre († 1346) (fol. 7r, 18v)28 et de son époux Jean de Luxembourg, seigneur de Ligny († 1363)29, « lequel gist audit Phalempin soubz une rice sepulture a ung personnage eslevé sans cognoissance de nom ne d’armes, excepté que de pettite lettre comme d’un ponchon est escript dessus Jehan de Luxembourg », (fol. 19v) et celle enfin de leur fils Guy (fol. 19v)30.
13En Hainaut, Sainghin visita l’abbaye cistercienne de Cambron. On y voyait la tombe de Guillaume de Flandre († 1311), seigneur de Richebourg, Erquinghem, et Crèvecoeur, fils du comte de Flandre Guy de Dampierre († 1305)31. Les Enghien étaient aussi enterrés en partie à Cambron. Mais sur ce point, Sainghin se montre sélectif car il n’évoque pas certains membres de ce lignage qui y avaient pourtant leur sépulture32. Il se concentre sur le tombeau de Wautier d’Enghien († 1271) et de son épouse Marie (alias Marguerite) de Rethel († 1315) : « Ce dit Watier d’Enghien moru en bataille l’an de nostre seigneur mil deux cens septante et ung car il gist heaumé ou cloistre du monastere de Cambron, soubz une lame devant le chapitre ; la dite Marie de Retelz gist illec empres luy soubz une lame datee de l’an mil trois cens et quinze » (fol. 31 r). Pour notre auteur, le fait qu’un gisant porte un heaume est le signe que le défunt était mort au combat. On comprend dès lors les passages qui mentionnent un trépas « en armes33 ». La description du tombeau d’Englebert d’Enghien († 1403) est également intéressante car elle entre dans le détail des sculptures de deuil34. À l’inverse, seuls quelques mots sont consacrés aux deux fils de Waleran II de Luxembourg, seigneur de Ligny « gisans a Cambrón ricement ensepulturés » (fol. l0v). Les Enghien étaient aussi enterrés dans l’église paroissiale d’Enghien. Sur place, Sainghin put consulter l’obituaire de cette église qui lui donna l’année de décès de Wautier d’Enghien, en 1310. Le tombeau de son épouse Yolande de Flandre, morte en janvier 1308, était entouré des « representations, epytaphes et armoiries de sesdits enfans » (fol. 32v) dont Sainghin reprend les indications chronologiques, ainsi qu’il le fait pour trois autres épitaphes35. Signalons enfin que Sainghin connaît la tombe de Robert de Flandre, seigneur de Cassel († 1331) édifiée par son épouse Jeanne de Bretagne dans le monastère de Warneton (fol. 26v) et qu’il cite à Paris la tombe de Léon VI de Lusignan (f 1393), dernier roi d’Arménie, aux Célestins (fol. 2v) et celle de Mahaut de Châtillon († 1358), troisième épouse de Charles de Valois, aux Cordeliers (fol. 29v).
14Les tombeaux n’intéressent pas seulement Sainghin pour les dates qu’ils fournissent mais aussi pour les armoiries des défunts et souvent de leurs parents et alliés. On a parlé justement de tombeaux généalogiques à propos de ces luxueux tombeaux gothiques, avec écussons et statues de deuil, qui se diffusent à partir du milieu du XIIIe siècle36. Tout au long de son œuvre Sainghin collecte les armoiries. Il mentionne par exemple les sceaux de Waleran II de Luxembourg-Ligny (fol. 11r) et de son épouse Guyotte de Lille (fol. 16r), ainsi que les vitraux d’Haubourdin et d’Erquinghem (fol. 11r, 16r, 18v). Son intérêt pour l’héraldique lui permet d’attribuer correctement à Jean de Luxembourg (t 1363) la « mutation et delaissement extraordinaire » des armoiries de sa lignée : quand il abandonna les armes de Luxembourg, brisées d’un lambel d’or, pour les armes des Limbourg : d’argent au lion de gueules, à la queue fourchue et passée en sautoir, couronné, armé et lampassé d’or (fol. 18r, 19r-19v). Ce changement, qu’il a observé sur son tombeau de Phalempin, est attesté pour la première fois dans un sceau de 1351. Il avait été rendu possible par l’extinction, en 1348, des comtes de Berg, derniers descendants des ducs de Limbourg37.
15La quête des anciennes armoiries est particulièrement nette à propos du couple formé par Henri de Flandre († 1337), comte de Lodi et seigneur de Verlinghem38, et Marguerite de Clèves : « lesquelz ensemble levèrent une cloce audit Vrelenguehem l’an mil trois cens et trentetrois, comme desdites armes il appert en la halle d’Ypres, a Terdremonde et audit Verlenguehem en la grant verriere du coer, en l’obituel et sur la dicte cloce qui pour ce me a esté monstré » (fol. I7v). Ce cumul de preuves se retrouve à propos d’un choix héraldique d’une branche des Craon39. Jean de Craon († 1409), sire de Domart en Ponthieu, pour se distinguer de son frère aîné Guillaume, écartela les armoiries de son père avec celles de sa mère, Marguerite de Flandre, soit les armes « de Flandres rompues de la bende dessusdicte, ainsi depuis je l'ay veu en la tapisserie qui fu au dit Jehan ». Ses enfants, profitant de l’extinction « des hoirs masles de Flandres et de Namur », abandonnèrent la brisure de la bande40 : « lesdits de Craon tant en tournois comme en aultres fais d’armes et aultrement ont porté leur quartier de Flandres sans difference comme il appert esdits lieux d’Origny, d’Avenay, de Messines41 et d’ailleurs » (fol. 15r). C’est à propos de ces Craon arborant un quartier aux pleines armes de Flandre que Sainghin fait la seule référence aux témoignages oraux. Il tenait ses informations sur l’origine de Marguerite de Flandre de « deux moult nobles dames procrees de ceste maison, anchiennes, lettrees, et de grant auctorité » (fol. 14v).
Difficultés, erreurs et lacunes
16Comme nous l’avons vu en citant François Piétin, la Genealogie de Luxembourg fut perçue comme une œuvre convaincante notamment du fait de son style maîtrisé. Sainghin a su organiser une matière foisonnante, répartir ces informations entre plusieurs familles entralliées, éviter les redites, renoncer à certains développements qui l’auraient amené hors de son sujet. À cela s’ajoute une véritable démarche critique, explicite. Dès l’introduction (fol. lv), il prévient le lecteur des difficultés de son entreprise et des pièges de la reconstitution généalogique. Il énonce plusieurs sources d’erreurs : la confusion dans les générations, les remariages, les alliances répétées entre certaines familles, les homonymies, le changement de nom et d’armes qui ne peut concerner qu’un membre d’une famille.
17Dans certains passages, il prend soin d’expliquer les difficultés qui se présentent à lui et comment il a dû arbitrer entre des données discordantes. Au sujet des descendants de Robert Ier d’Artois, Sainghin est bien relativement informé (fol. 22v-23r), mais il avoue ignorer le nom de la femme de Robert II, mort à la bataille de Courtrai, qui lui donna comme enfant Mahaut [† 1329] et Philippe († 1298)42. À la génération suivante, il a un doute à propos de l’épouse de Philippe, mère de Robert III d’Artois (f 1342). À son avis, elle s’appelle Blanche et non Jeanne comme l’indique une généalogie de Laval (fol. 26r, 28v-29r). Mais son père le duc de Bretagne, qui était mort accidentellement à Lyon en 1305 lors du couronnement pontifical de Clément V, s’appelait-il Jean comme l’indiquait cette généalogie et une chronique pontificale, ou Pierre, comme cela figurait dans une ancienne chronique, à plusieurs reprises ? Il choisit de se fier à cette source, la Chronique de Flandres, qui donnait des détails sur les circonstances de la mort du duc de Bretagne43. Dans les faits, son arbitrage n’a pas été judicieux car Blanche était la fille de Jean II, duc de Bretagne de 1286 à 1305. Mais on ne peut pas lui reprocher son erreur, d’autant que Jean d’Auffay fait la même dans son mémoire juridique44. Cet exemple montre bien qu’il était difficile de contrôler les informations et de corriger les erreurs colportées dans les chroniques.
18Ce n’est donc pas par absence de sens critique que Sainghin fait des erreurs. Ses généalogies pâtissent surtout des lacunes de ses recherches pour mener à bien un projet aussi ambitieux que le sien. Il a dû faire avec des vides documentaires considérables et des informations confuses. Au sujet des Dreux, il avoue le peu de sources dont il dispose : « les fais de Dreux ont esté pour ce tempz mains recoelliés, qui me constraint en faire mendre specification » (fol. 27r). Du coup, il ignore l’origine des ducs de Bretagne, descendant de Pierre de Dreux, dit Mauclerc († 1250) et en donne une généalogie très fautive (fol. 27r-v). Globalement jusqu’au milieu du XIVe siècle, mis à part pour les Enghien, les confusions ou les lacunes sont très fréquentes.
19À propos des comtes de Luxembourg, nous passerons sur les XIe et XIIe siècles car Sainghin affrontait un sujet particulièrement épineux45. Mais même ensuite, la fiabilité de sa généalogie ne s’améliore guère. Sainghin ignore l’existence d’Ermesinde de Luxembourg (f 1247), fille et héritière du comte Henri de Namur (1136-1189). Or celle-ci épousa Waleran III/IV († 1226), duc de Limbourg, veuf de Cunégonde de Lorraine. Leurs enfants adoptèrent alors de nouvelles armes combinant le burelé d’Ermesinde au lion de gueules des Limbourg (burelé d’argent et d’azur, au lion de gueules, couronné, (armé et lampassé) d’or, brochant)46. Sainghin dédouble Waleran III/IV en deux personnages : dans son système, Waleran de Luxembourg, fils d’un comte Charles imaginaire, épousa la sœur de Waleran de Limbourg. Sainghin a ensuite été trompé par un surnom en pensant que le fils de Waleran III/IV, Henri V, était mort en 1266 et que son petit-fils du nom de Blondel était mort à Worringen (placé par erreur en 1280). Or en fait, Blondel est le surnom d’Henri V qui décéda en 1281, tandis que son fils Henri VI mourut à Worringen en 1288. Un nouveau piège homonymique se présenta alors. Henri VI avait un frère Waleran Ier (qui trouva la mort avec lui à Worringen) et deux fils : Henri VII de Luxembourg, devenu empereur († 1313) et Waleran (f 1311). Sainghin pensait que les seigneurs de Ligny descendaient de ce dernier, frère de l’empereur, alors qu’en fait ils descendaient du Waleran Ier, oncle de l’empereur, mort à Worringen... L’erreur ne lui est pas imputable car on la retrouve déjà chez le Héraut Saint-Pol47. On peut donc se demander si ce ne sont pas les seigneurs, puis comtes, de Ligny qui ont favorisé la confusion car il était plus prestigieux de descendre d’un frère de l’empereur que de son oncle.
20Au sujet des comtes de Saint-Pol, après avoir parlé d’un comte actif au temps de Girart de Roussillon, Sainghin signale un comte Ansei de Saint Pol d’après une charte de 1114 de l’abbaye de Loos (fol. 20v). Or cette abbaye cistercienne ne fut fondée que plus tard (vers 1139-1146) et on ne connaît pas d’Anselme à cette époque48. Sainghin est plus à son aise avec Hugues [III] Candavène, auquel il consacre une notice riche et à qui il attribue une charte de 111949. Mais il connaît mal sa descendance. Il ne lui donne qu’un fils Enguerrand [† 1164], alors qu’il eut d’autres enfants dont Anselme († 1174) qui continua la lignée. Pour Sainghin, la dynastie de Candavène s’interrompt rapidement. Dans son système, Enguerrand ne laissa qu’une fille, Yolande, qui épousa Hugues de Châtillon50, mort en croisade en 1205. Ce couple eut un fils, au nom inconnu, qui trouva la mort lors du siège d’Avignon de 1226, et qui fut père de Hugues et de Gautier, morts tous deux pendant la croisade en Égypte de saint Louis (fol. 21r-22r). Dans les faits, Anselme eut pour successeur son fils Hugues IV Candavène (f 1205) qui épousa Yolande de Hainaut : ce fut leur fille Elisabeth qui apporta le comté de Saint-Pol à son époux Gaucher de Châtillon († 1219), puis à ses fils Guy II (f 1226) et Hugues V (t 1248). Ce dernier épousa Marie d’Avesnes dont il eut un héritier, Guy III de Châtillon (t 1289)51. Sainghin connaît ce personnage, dont il en fait par erreur le fils d’un (imaginaire) Gautier. Il sait qu’il fut marié à Mahaut de Brabant, veuve du comte Robert Ier d’Artois. Il évoque le tombeau de cette dernière à Cercamp : « la quelle Mehault de Brabant trespassa l’an de nostre Seigneur mil deux cens (septante) soixante et huyt la deuzieme kalende d’octobre, et gist soubz ung rice sarcu ou monastere de Cercain au tour du quel pour le doel sont pluseurs escuchons d’armes en painture aucuns effaciés et les aultres non, et entre iceulx y sont, Chastillon a trois dens de rateau, a cincq, et a la fleur de lis, Arthois, Brabant et ung d’argent a cincq fusees » (fol. 24r, Annexe, 2). Ce passage pose problème car Mahaut décéda le 29 septembre 128852 et non le 30 septembre 1268. Simple faute de lecture d’une épitaphe ? Pas seulement, car Sainghin ajoute que Guy [III] de Châtillon se remaria avec une Mahaut de Châtillon, qui fonda en 1273, le jour de la Saint-André, une chapelle dans la cathédrale d’Arras, « devant l’autel de la quelle chapelle la dicte Mehault gist en sepulture soubz une lame sans date ». Guy [III] de Châtillon aurait ainsi disposé de deux tombeaux : un premier à Cercamp auprès de Mahaut de Brabant53, et un second « empres Mehault sa secunde femme soubz pareille lame, et est avec ce sa representation d’une ymage eslevee en icelle eglise cathedrale contre ung pilier regardant tant devers le grant autel comme devers la chappelle de sa fondation » (fol. 24r-v, Annexe, 2). En dépit de ces détails, il difficile de suivre Sainghin54, qui a dû mal interpréter le monument funéraire de la cathédrale d’Arras.
21Par la suite, grâce au tombeau de Cercamp, Sainghin connaît le couple formé par le comte Guy [IV] de Châtillon († 1317) et Marie de Bretagne († 1339). Mais il ne leur donne que des filles (fol. 28r) et ne sait pas qu'ils eurent un fils Jean, comte de Saint-Pol, qui épousa en 1329 Jeanne de Fiennes, fille de Jean de Fiennes55. Or c’est de ce couple que naquit Mahaut de Châtillon, qui transmit à son mari Guy de Luxembourg († 1371), comte de Ligny, le comté de Saint-Pol et la seigneurie de Fiennes. Sainghin ignore ainsi un maillon généalogique essentiel des Luxembourg-Ligny.
22De la même façon, sa filiation des châtelains de Lille a de quoi déconcerter un érudit. Sans doute du fait d’une erreur de lecture, il attribue une charte de 1227 de l’abbaye de Loos à un Jean, châtelain de Lille, alors que, comme nous l’avons vu, Roger IV fut châtelain de 1208 à 1230. Sainghin a ensuite l’imprudence de faire vivre longtemps ce Jean en raison d’actes qu’il a rencontré de 1239, 1274, 1277 et 1282 (fol. 15v). Or il y eut en fait trois châtelains de Lille du nom de Jean durant cette période56. Plus tard, il fait de Guyotte, châtelaine de Lille décédée en 1337 la fille d’un comte de Bar57 ayant épousé la fille de Jean, châtelain de Lille (fol. 16r). Il s’agit en fait de la fille de Jean IV et de l’héritière de son frère Jean V, châtelain de Lille de 1292 à 1302. En outre, Sainghin considère que cette « Guyotte de Bar », comme il l’appelle, n’eut aucun enfant de son époux Waleran [II] de Luxembourg, seigneur de Ligny, auquel il attribue un premier mariage avec Aélis de Fiennes d’où serait né Jean de Luxembourg. Ce mariage est une nouvelle invention : Jean de Luxembourg était simplement le fils de Guyotte de Lille58.
23À partir du milieu du XIVe siècle, les erreurs et les lacunes sont beaucoup moins nombreuses. On trouve alors principalement des ellipses volontaires et des approximations, par exemple quand Sainghin fait mourir Waleran III, comte de Ligny et de Saint-Pol en 1412 au lieu de 1415 (fol. 30r). Dans une certaine mesure, les erreurs de la Genealogie de Luxembourg reflètent le flou généalogique qui régnait même pour les grandes familles dès que l’on cherchait à remonter loin dans le passé. Pour autant, certaines lacunes auraient pu être évitées avec quelques recherches supplémentaires. Ainsi Sainghin ne semble pas avoir mis à profit la Chronique dite de Baudouin d'Avesnes, une vaste histoire universelle écrite vers 128059. Or cet ouvrage abonde de données généalogiques, sur les ducs de Brabant, les comtes de Flandre, les Avesnes ou les Dreux par exemple. Les dates y sont rares mais les filiations denses, ce qui aurait permis à Sainghin de corriger et de compléter plusieurs de ses généalogies. Il y a là une lacune majeure dans sa documentation, d’autant plus étonnante qu’un manuscrit de cette chronique se trouvait dans la bibliothèque du connétable Louis de Luxembourg60 et qu’un autre fut commandé par le fils de celui-ci, Pierre61. Autre lacune importante, Sainghin ne semble pas avoir exploité les archives de son maître Jacques de Luxembourg. D’autre part, même si ses visites d’églises ont été fructueuses, elles n’ont rien de systématiques. Sainghin ne paraît pas s’être rendu dans le comté de Luxembourg. Il n’a pas vu le tombeau d’Henri V Blondel (f 1281) dans l’abbaye de Clairefontaine, où le comte était entouré par vingt-huit écus armoriés62. Plus près de sa région d’origine, il ne mentionne pas le monastère cistercien de Flines, en Flandre où se trouvaient le tombeau de Marguerite de Constantinople (f 1280), épouse de Bouchard d’Avesnes et de Guillaume de Dampierre et celui de son petit-fils Jean de Dampierre († 1307). Alors qu’il est allé en Hainaut à Cambron et à Enghien, il ignore Valenciennes, particulièrement riche pourtant en tombeaux et épitaphes : plusieurs membres de la famille d’Avesnes reposaient dans le couvent des Franciscains, où se trouvait notamment le tombeau de Jean II de Hainaut (f 1304) et de Philippine de Luxembourg († 1311) tandis que le couvent des Dominicains ou l’abbaye de Beaumont auraient pu aussi enrichir ses reconstitutions généalogiques63.
24L’œuvre de Sainghin est ainsi décevante si on la juge selon le critère de l’exactitude. Elle montre tous les pièges que devaient affronter les généalogistes et le flou qui entourait de nombreuses filiations. Elle a cependant un intérêt autre : celui de refléter comment plusieurs familles aristocratiques concevaient leurs origines. C’est ce domaine des légendes familiales, mais aussi féodales, que nous allons aborder.
II - Histoire et légende
25Sainghin ne s’est pas contenté de faire l’histoire des ascendants de Jacques de Luxembourg. Quand il le pouvait, il est remonté à la « moult plushaute et anchienne sourse » (fol. lv). Pour ce faire, les textes historiques n’étaient pas suffisants et il exploita les traditions épiques relatives à Girart de Roussillon et Garin le Lorrain64, qui éclairaient les temps carolingiens. Ces deux héros intéressaient particulièrement la cour des ducs de Bourgogne au milieu du XVe siècle. On sait que le roman de Girart de Roussillon en alexandrins, composé dans les années 1330-133465, fut adapté en prose en 1447 par Jean Wauquelin à la demande de Philippe le Bon66. La geste des Lorrains fut pour sa part résumée en prose à la fin du XIV6 ou durant la première moitié du XVe siècle67. David Aubert entreprit ensuite, à partir de 1448, une nouvelle adaptation des deux gestes, ce qui aboutit à une luxueuse compilation de plus de 2000 feuillets : Les Histoires de Charles Martel et de ses successeurs, en quatre volumes, richement décorés et enluminés entre 1463 et 1472 pour Philippe le Bon et Charles le Téméraire68. Cet intérêt pour les héros bourguignons et lorrains était tout sauf anodin car il permettait de donner une identité aux territoires des ducs de Bourgogne et les luttes anciennes prenaient un sens nouveau dans le contexte de tension avec les rois de France69.
26Sainghin évoque également une autre thème littéraire : celui du Pas Saladin (fol. 5r), un fait d’armes légendaire ayant opposé (à Northampton en Angleterre !) Saladin à Richard Cœur de Lion et onze chevaliers. Parmi ces derniers figuraient Philippe de Flandre, Waleran de Limbourg et Gautier de Châtillon, auxquels Sainghin ajoute Waleran de Luxembourg. Plusieurs textes relataient ce combat glorieux qui était aussi un thème iconographique fréquent, dans la tapisserie notamment70.
Du légendaire Froment de Lens à la « réduction d'Artois »
27La famille de Fiennes était l’une des premières du comté de Boulogne. Ainsi quand Mahaut de Fiennes, fille de Jean, épousa Jean II de Boumonville, celui-ci abandonna ses armoiries paternelles71 pour prendre celles de son épouse en inversant les émaux. Désormais les armes des Boumonville furent de sable au lion d'argent alors que les Fiennes portaient d’argent au lion de sable72. Sainghin nous apprend que cette haute réputation s’enracinait dans le légendaire carolingien (fol. 8r-9r, Annexe 1), en l’occurrence dans la geste de Garin le Lorrain. Les Fiennes, dont il fait l’histoire depuis l’époque de saint Louis, étaient réputés descendre d’Isoré, comte de Boulogne et neveu de Fromont73.
28Les chansons de geste Garin le Lorrain et Gerbert accordent une place considérable au « puissant Fromont74 » qui est à la tête de la vaste coalition des Bordelais luttant contre les Lorrains. Même s’il peut apparaître quelquefois comme Fromont de Bordeaux, il est très majoritairement présenté comme Fromont de Lens, époux de la comtesse Helissende, sœur du comte de Flandre Baudouin, et comme cousin d’Eudes de Vermandois. Il avait neuf frères et trente fils, légitimes et illégitimes75, dont l’aîné Fromondin qui joue un grand rôle. Fromont assiégea Cambrai avec ses alliés puis fut assiégé à Saint-Quentin. Parmi les scènes qui expliquent la lutte inexpiable entre les deux lignages figure le duel à mort entre le frère de Garin, Begon, duc de Belin, et le neveu de Fromont, Isoré le Gris, comte de Boulogne. Begon triompha d’Isoré dont il arracha le cœur, mais trouva la mort plus tard au cours d’une chasse au sanglier dans la forêt de Vicoigne en Hainaut. Fromont dut ensuite subir un siège de sa capitale, Lens en Artois, conduit par les Lorrains, Hennuyers, Brabançons et Liégeois. Après de multiples épisodes, les deux adversaires trouvèrent la mort. Garin fut assassiné dans une chapelle alors qu’il voulait faire la paix. Son fils, Gerbert, avec le soutien du roi Pépin, chercha à le venger et l’emporta sur Fromont, réfugié à Bordeaux, qui fut contraint de s’exiler en pays sarrasin. Après avoir renié sa foi, Fromont entra au service de l’Amiral. Mais il fut finalement exécuté par celui-ci à la nouvelle que Fromondin avait tué l’un de ses fils. Fromont fut enterré dans l’abbaye Saint-Seurin de Bordeaux qu’il avait fondée.
29Le personnage épique de Fromont se fit une place dès le XIIIe siècle dans les textes à visée historique. Dans un chapitre de la Chronique dite de Baudouin d’Avesnes consacré aux comtes de Boulogne depuis l’époque du roi Arthur, on le trouve avec son fils Fromondin, dans une longue liste de comtes apocryphes76. Ce texte circula aussi sous forme indépendante en latin et en français77. L’historien Jacques de Guise à la fin du XIVe siècle fait pour sa part dans ses Annales de Hainaut un résumé de la lutte entre Garin le Lorrain et Fromont, qu'il qualifie de « prince de Bordeaux et d’Artois et comte de Boulogne78 ».
30Clément de Sainghin s’inscrit donc dans une tradition déjà ancienne, mais il y apporte des retouches. Le fait que le fief de Thérouanne soit à l’origine du conflit entre Fromont et Garin ne semble pas figurer dans les récits épiques. En revanche, on y retrouve la mention que Baudouin comte de Flandre et Isoré, comte de Guînes et de Boulogne, faisaient partie du lignage de Fromont79. Dans le texte épique, l'Artois n’apparaît que pour localiser Lens où se trouve le palais principal de Fromont, ou dans le nom de deux personnages secondaires (Pieron et Josselin d’Artois). Mais si l’on prend en compte les parents et les alliés de Fromont, comme par exemple Dreux d’Amiens et Enguerrand de Coucy, une vaste région se dessine. La nouveauté de Sainghin est de faire de cet espace délimité par la Somme, la Mer et la Flandre un vaste comté primitif d’Artois, qui était composé de « noefs souveraines chastellenies », dont les noms ne sont pas indiqués80. L’exil et la défaite de Fromont avaient annihilé cette région, son nom s’était perdu. Il fallut saint Louis pour que le comté renaisse, mais de moindre taille. Sainghin indique sans les nommer que Robert Ier d’Artois reçut cinq châtellenies. Il s’agit d’une « réduction d’Artois » pour employer les termes de Sainghin (fol. 22v-23r). En mémoire des « anciennes armes », Robert ajouta sur les trois pendants du lambei de gueules servant de brisure neuf châteaux symboles des châtellenies primitives81.
31Ce processus est évoqué de nouveau, à titre d’hypothèse cette fois, à propos d’une brisure d’une branche des Luxembourg. Waleran II de Luxembourg, seigneur de Ligny, portait les armes de Luxembourg « rompeus de trois lambeaux d’or », tandis que son fils Jean pour se distinguer « porta en chacun d’iceux lambeaux trois chasteaux pour mémoire peult estre de l’ancienneté d’Arthois dont il estoit de par sa mere descendu » (fol. 1 lr). « Cesttuy Jehan de Luxembourg tout le vivant de son dit pere porta les armes de Luxembourg a trois lambeaux d’or et en chacun diceux trois chasteaux de sable pour la cause dicte ou chapitre de son pere, comme il appert en la verriere du coer de l’eglise de Erguinguehem et en la chappelle de Habourdin » (fol. 18v). Sainghin révèle ici une brisure inédite au sein des Luxembourg82, transitoire car ce même Jean de Luxembourg adopta ensuite, vers 1348-1351, les armoiries plaines de Limbourg. Comme nous l’avons vu, le mariage entre Aélis de Fiennes et Waleran II de Luxembourg est une invention de Sainghin, ce qui contredit son explication. Sa remarque est en revanche révélatrice de l’intérêt qu’il porte aux armoiries primitives d’Artois.
32Dans les faits, les neufs châteaux chargeant le lambel de Robert Ier d’Artois provenaient des armoiries de sa mère, Blanche de Castille. C’est ce qu’explique clairement Jean d’Auffay83. L’interprétation de la brisure d’Artois par Clément de Sainghin n’était donc peut-être pas très diffusée à son époque84. Il s’agit d’une légende héraldique, d’une surinterprétation des armoiries qui leur apporte un nouveau sens. Elle résumait une histoire (légendaire) de l’Artois qui s’enracinait dans les chansons de geste. À l’origine, à l’époque de Pépin, il y avait donc un grand comté d’Artois, au neuf châtellenies, sous le pouvoir de Fromont et de ses siens. Puis il disparut à cause de la victoire de Garin le Lorrain, tandis que les lignées apparentées à Fromont persistèrent : les comtes de Flandre, les comtes de Boulogne, les Fiennes. Au temps de saint Louis, eut lieu la renaissance d’un comté d’Artois nouveau style, dont les armoiries primitives ne figuraient plus que sur le lambei à trois pendants brisant les fleurs de lys de son nouveau détenteur. La « réduction d’Artois » se traduisait donc également dans l’héraldique par cette place subalterne. Au bout du compte, le pays est doté d’une identité plus ancienne, d’un prince primitif, Fromont de Lens, le grand adversaire des Lorrains.
Les origines de la haute noblesse des Pays-Bas bourguignons
33La Genealogie de Luxembourg est une source précieuse pour les récits d’origine de l’aristocratie. Le texte sur l’Artois n’est pas isolé et peut être mis en relation avec plusieurs passages qui montrent la diversité des situations.
34Sans s’y attarder outre mesure, et moins que le Héraut Saint-Pol, Clément de Sainghin évoque les origines mélusiniennes des Luxembourg, dans la lignée de ce que l’on pouvait lire chez Jean d’Arras85. Merleusine avait eu dix fils de son union avec Raimondin de Forez (fol. 2v). Les Luxembourg descendaient du quatrième, Antoine. Ils étaient donc cousins des rois de Chypre qui descendaient du fils aîné, Uryen, et des rois d’Arménie successeurs du troisième fils, Guy, dont le dernier représentant fut Léon « gisant aux Celestins a Paris » (fol. 2v). Les « Luxembourgiiens merleusiiens » avaient de « nobles armes composes de pieces belgiques soubz ung lyon saxonois » (fol. 2v). Cette façon de désigner le burelé, commun aux descendants de Mélusine, fait référence à la (pseudo) histoire de la cité de Belges (Bavay) diffusée par Jacques de Guise, et citée par Sainghin86. Les ancêtres des Luxembourg étaient déjà là environ 700 ans après la fondation de Belges, l’an 61 du cinquième âge, l’an 3434 de la création du monde, alors que Belges exerçait la souveraine seigneurie sur de nombreuses régions. Les Luxembourg existaient donc avant les persécutions des Saxons, des Romains, des Bretons, dès les âges primitifs (fol. 2r)... Après les temps de Mélusine, Sainghin ignore le comte Sigefroid qui fit l’acquisition du château de Luxembourg en 963, et passe au comte Gislebert dont il fait un contemporain de Robert le Pieux et dont il situe la mort aux environs de 100887. Il lui donne comme épouse une fille de « Goselo, duc de Lotrike, des Ardennes et de Moselaine, dicte au present Loraine » (fol. 2v-3r). On peut rapprocher ce personnage de Gozelon, duc de Basse et Haute-Lotharingie (1022-1044), même si les dates ne concordent pas88.
35Deux passages seulement sont relatifs aux Carolingiens et à ceux qui en descendaient. Sainghin évoque pour les années 1008-1140, la « querelle des quatre Ardenois ducz de Lotrike contre les succeseurs de Lambert a la barbe, mary de Gerberge, contesse de Brouxelles, fille de Charles duc de Lotrike et frere de Loys roy de France derrain et la fin des roys en la ligne de Charle le Grant ». (fol. 3r). Il fait une erreur en appelant Louis, et non Lothaire († 986), le frère de Charles, duc de Basse-Lorraine (977-991). En revanche, il indique bien que Gerberge, comtesse de Bruxelles, est à l'origine de l’ascendance carolingienne de Lambert Ier de Louvain († 1015), dit le Barbu, et de ses enfants. Il revient sur ceux-ci à l’occasion des origines de Mahaut de Brabant, épouse de Robert Ier d’Artois. Il les désigne comme « les Lotriquois descendus de Karlomannus et de saincte Amelberge, pere et mere du premier Pepin, saint et duc de Brabant » et ainsi ancêtres des comtes de Bruxelles, de Louvain, et des ducs de Brabant (fol. 22r-v). Le « mythe carolingien » semble toutefois en déclin, car il n’est pas évoqué à propos d’autres lignées comme les comtes de Flandre ou les comtes de Boulogne qui l’avaient autrefois cultivé89. Ces derniers sont au contraire considérés comme Ardenois plutôt que Lotriquois.
36Sainghin n’évoque la maison d’Ardenne qu’incidemment (fol. 3r-3v). Le « premier Ardenois » est pour lui Godefroid qui l’emporta pour le duché de Lotrike sur Lambert le Barbu à la bataille de Florennes [1015], soit Godefroid II, duc de Basse-Lotharingie de 1012 à 1023. Il n’indique pas explicitement qui furent les deuxièmes et troisième membres de la famille. Mais on déduit que le troisième est Godefroid90, père de sainte Ide (épouse d’Eustache de Boulogne, descendant par les femmes de Gerberge et donc de sang carolingien) et de Godefroid le Boiteux91, quatrième Ardenois. De sainte Ide naquirent Godefroy de Bouillon, cinquième ardenois, devenu roi de Jérusalem et mort en 1101 (sic), Baudouin roi de Jérusalem, sixième ardenois et Eustache de Bouillon. Le terme d’Ardenois est donc réservé à la seule branche des « Ardenne-Verdun », et non aux « Ardenne-Bar » ou aux « Ardenne-Luxembourg92 ». Sainghin ne s’aventure pas plus sur cette matière, mais signale cependant qu’un Henri, comte de Limbourg qui régnait au début du XIIe siècle était extrait « de la directe ligne des dessusdits Ardenois » (fol. 3v). Ce passage permet de comprendre le prestige dont jouissaient les armoiries des Limbourg.
37Les comtes de Saint-Pol ne pouvaient pas s’enorgueillir de faire partie des Ardenois ou des Lotriquois, mais ils sont présentés comme très anciens grâce au recours au cycle de Girart de Roussillon. C’est en 872, au temps de Charles le Chauve, qu’est placée la guerre entre le roi et Girart de Roussillon, duc de Bourgogne, aidé de ses quatre neveux Fouquet, Gerbert, Boos et Seghin. Dans le camp royal se trouvait Guy de Montmorency, le vieux comte Haymont, Perret de Montrabon et « ung moult puissant prince nommé Hue, conte de Saint-Pol » qui s’illustra notamment en tuant Gerbert après une bataille ayant lieu à Poligny. « Par quoy appert le ancienneté et la grante recommandation de ceste noble maison de Saint Pol qui par avant avoit prins son vertueux commencement » (fol. 20r-v). Sainghin a utilisé une source qui dérive du Girart de Roussillon en alexandrins, qui est le premier texte à mentionner ces combattants français93. Mais son résumé ajoute des informations, de même qu’il prénomme le comte de Saint-Pol Hue et non Guión. Sa source n’est pas non plus le texte de Wauquelin94. Ensuite, jusqu'à Ansel placé en 1114, Sainghin ne fournit aucune donnée sur les comtes de Saint-Pol. 11 semble ignorer donc les traditions qui existaient aux environs de 1200 et qui en faisaient des parents des comtes de Guînes et de Boulogne95.
38Les Avesnes pour leur part se rattachaient à l’autre camp, celui de Girart de Roussillon. Ils « estoyent descendu du puissant Guerric le Sor et de la soer de monseigneur Rasson de Chievre. Guerric estant de la ligne de Girard de Roussillon et comme son plus prochain hoir en la conté de Nerve conquist icelle conté ensemble et la cité de Tournay par deux fois, la quelle il mist a ses lois et voulenté dont il rendi le deu hommage au conte de Mons l’an de nostre Seigneur mil et dix96 » (fol. 4v-5r). Sainghin résume ici un chapitre de Jacques de Guise entièrement consacré aux exploits de l’ancêtre fondateur des Avesnes97. Depuis le début du XIIIe siècle, ce personnage était l’objet d'une tradition orale, comme le montre la Chronique de Liessies, puis celle attribuée à Baudouin d Avesnes98. Guerri le Sor (c’est-à-dire le Roux) est aussi le nom de l’oncle maternel du héros épique Raoul de Cambrai, le frère d’Aalais qui l’accueillit après la mort de son père Raoul Taillefer et qui joue un grand rôle dans la geste99. Il apparaît donc que les Avesnes se rattachèrent d’abord à Raoul de Cambrai avant de s’affilier à Girart de Roussillon.
39Les autres familles princières ou baronniales qu’étudie Sainghin ne disposaient pas d’ancêtres participant à une geste épique. L’époque de « Philippe le Conquérant », soit Philippe Auguste, est celles des origines pour les Béthune (fol. 11r), les châtelains de Lille (fol. 15v), la famille de [Clermont-]Nesle (fol. 12v), les Brienne (fol. 33r). ou les Dampierre (12r). L'histoire des Enghien ne commence qu’au temps de saint Louis avec le Grant Wautier (31 r). Les récits mettant en scène un ancêtre fondateur étaient donc encore peu communs à la fin du XVe siècle.
Conclusion
40La Genealogie de Luxembourg de Clément de Sainghin est précieuse en ce qu’elle illustre un type d’histoire : une histoire lignagère, qui intègre à la trame événementielle les apports des textes épiques, de l’héraldique, des traditions familiales. Par son projet même, elle montre les liens qui existaient entre les grands nobles, tout comme le faisaient les tombeaux gothiques où le défunt était entouré des armoiries de ses ancêtres et de ses parents par alliance.
41La haute aristocratie des Pays-Bas bourguignons s’enracinait dans un passé lignager d’une profondeur variable. Le XIIIe siècle était pour la plupart la période d’émergence. Seules quelques familles avaient une mémoire qui remontait plus haut, selon différents scénarios. À l’époque de Sainghin, l’ascendance carolingienne cultivée par les ducs de Brabant avait perdu de son rayonnement, aux dépens des Ardenois, ou des descendants de Mélusine comme les Luxembourg qui manifestaient leur ascendance par leur cimier100. Les chansons de geste constituaient aussi un terreau fertile. Fromont de Lens l’adversaire de Garin le Lorrain avait la stature du héros de l’Artois. Il était considéré comme parent des comtes de Flandre et ancêtre des comtes de Boulogne et des seigneurs de Fiennes. Girart de Roussillon était pour sa part l’ancêtre lointain des Avesnes par le biais de Guerri le Sor. D’autres lignages figuraient à l’inverse parmi les fidèles serviteurs des rois depuis les temps carolingiens, comme les comtes de Saint-Pol et les Montmorency. Les « seconds rôles » des textes épiques fournissaient ainsi des ancêtres fondateurs à la haute noblesse. Par le biais des mariages, les nobles cumulaient les sources d’illustration.
42En même temps, l’œuvre de Sainghin révèle les approximations et les lacunes de la mémoire généalogique des aristocrates. En dépit de ses investigations, Sainghin a commis de très nombreuses confusions et erreurs et n’est pas remonté au-delà du XIIIe siècle pour certaines familles pourtant plus anciennes. Son recours aux archives apparaît comme très insuffisant par rapport à l’ambition de son projet, et aux recherches contemporaines qui pouvaient être menées par des juristes et des officiers comme Jean d’Auffay. Sainghin n’a pas cette modernité de l’érudit et de l’archiviste mais il est novateur à d’autres titres. Par la forme graphique qu’il adopte pour exposer sa généalogie101 et par ces descriptions de tombeaux qui annoncent celles des historiens antiquaires de l’époque moderne, qui dévalueront ses écrits. Au final, pour l’histoire de la généalogie, son œuvre constitue un texte important car il illustre en quelque sorte la « culture généalogique ambiante » au temps des chevaliers de la Toison d’or. Certains éléments de son récit marquèrent durablement l'historiographie : on comptait encore Fromont et Fromondin parmi les anciens comtes de Ternois dans un ouvrage érudit de 1731102 et l’interprétation des armoiries d’Artois comme faisant référence à neuf anciennes châtellenies circule encore...
Annexe
Annexe
1 - Origine des Fiennes et passé légendaire de l’Artois
[fol. 8r] Au tempz du roi Pepin de France, le troisime duc en Lotrike de ce nom, fu Arthois une trespuissante conté, car celle se estendoit jusques a Laon, comprendant toute la riviere de Somme, et jusques en Flandre, tout le long de la mer, la quelle contenoit en demaine noef souveraines chastellenies [fol. 8v], pour la quelle cause ses armes furent lors noef chasteaux. De la quelle entre pluseurs aultres ses terres, Froymond fu seigneur, contre lequel et le lorain Guerin, filz du comte Henry103 de Metz, pour la cité de Theroenne que ledit roy Pepin avoit donné audit Guerin sans recompense, ot le consentement dudit Froymond, non obstant que la dicte cité fust de ses alleux dudit Arthois, se mut guerre si dure et si mortelle que finalement apres innumerables destructions de pays et meismement du royaume de France, le dit Froymond fu constrains soy retraire es Espaignes soubz la garde des anchiens payens ou il moru. Mais le premier Bauduin, conte de Flandres, et Ysoré, conte de Boulongne, extrais de la lignie dudit Arthois, et ses eydans par leur proesse et bonne conduite demourerent chascun en sa terre. A l’occasion de la quelle guerre la dicte conté d’Arthois fu divisee et son nom adnichilé, jusques au temps du bon roy saint Loys, qui puis de cinq chastellenies seulement y fist et recomencha conté du nom d’Arthois, dont Robert son frere conte dudit Arthois en ses armes de France sur trois lambeaux de brisure prinst les <noefz> chasteaux des dessusdites anchiennes armes.
Du quel Ysoré, conte de Boulongue, extrait d’Arthois comme dit est, au temps dudit roy saint Loys estoit descendu ung moult puissant baron a ceste cause seigneur de Fiennes104, de Tingry, de Ruminghem etc, le quel comme dessus est dit, eult espousé la fille de Guy de Dampierre105, conte de Flandres, et de la contesse de Namur, fille de Henry de Luxembourg, de la quelle il eult pluseurs enfans, et entre aultres ung filz nommé Moriel et une fille nommee Alis106. Celluy seigneur de Fiennes non obstant et combien qu’il euist la fille dudit conte Guy lors prisonnier du roy eslargy l’an mil trois cens et ung, fu pour le roy Phelippe le Bel et pour le conte Robert d’Arthois son seigneur naturel, capitaine de la ville de Saint Orner, et la garda moult puissamment contre Guillem de Jullers, frere de Guillem ses [fol. 9r] <beaux> nepneux, le quel Guillem ainsné avoit esté prins a la bataille de Fumes, si durement navré qu’il moru, prisonnier audit Saint Orner107. [...]
2 - Les deux mariages de Guy III de Châtillon, comte de Saint-Pol
[fol. 23v] Le dessusdit Guy de Chastillon, filz de Gautier, fu apres le trespas de sesdits oncle et pere, conte de Saint Pol, le [fol. 24r] quel eult espousé la dicte Mehault de Brabant, vesve d’Arthois, les deux premiers noedz du secund quartier desdictes seze racines de par pere en attave. De la quelle il eult entre aultres enfans deux filz, cestassavoir Guy et Jaques ; la quelle Mehault de Brabant trespassa l’an de nostre Seigneur mil deux cens (septante) soixante et huyt, la deuzime kalende d’octobre, et gist soubz ung rice sarcu ou monastere de Cercam au tour du quel pour le doel sont pluseurs escuchons d’armes en painture, aucuns effaciés et les aultres non, et entre iceulx y sont, Chastillon a trois dens de rateau, a cincq, et a la fleur de lis, Arthois, Brabant et ung d’argent a cincq fusees.
Apres le trespas de la dicte Mehault, le dit Guy se remaria et eult espousé Mehault de Chastillon aux plaines armes. De la quelle je ne treuve point qu’il euist enfans. Cesdit Guy et Mehault de Chastillon fonderent la chappelle et messe de Notre Dame en l’eglise cathedral d’Arras l’an mil deux cens septante et trois, le jour de saint Andrieu, devant l’aultel de la quelle chapelle, la dicte Mehault gist ensepulturee soubz une lame sans date. Celluy Guy secouru depuis si grandement le duc Jehan de Brabant, nepveu de sa premiere femme et cousin germain de ses enfans, que l’an mil deux cens et quatrevings en la bataille ou moururent le conte Blondiel de Luxembourg et ses deux freres, il prist prisonniers le duc de Gueldres et l’arcevesque de Coulongne puis trespassa en armes mais je n’ay point trouvé le lieu et fu partie ensepulturés empres Mehault sa premiere femme l’an mil deux cens quatrevingz et huyt, le jour Saint Gregore, et partie empres Mehault sa secunde femme soubz pareille lame, et est avec ce sa (representation) representation [fol. 24v] d’une ymage eslevee en icelle eglise cathedral, contre ung pilier, regardant tant devers le grant autel comme devers la chappelle de sa fondation.
Notes de bas de page
1 Kathleen Daly, « Jean d’Auffray : cultures historiques et polémique à la cour de Bourgogne », Le Moyen Age, 112, 2006, p. 603-618. En attendant l’édition annoncée de K. Daly, le Mémoire de Jean d’Auffay est disponible dans une vieille édition : Gottfried Wilhelm Leibniz, Mantissa codicis juris gentium diplomatici, Hanovre, sumptibus Gotfridi Freytagii, 1700,1.1, p. 1-61.
2 Alfred Darimon, « François Piétin », dans Archives historiques et littéraires du Nord de la France et du Midi de la Belgique, n. s., 2, 1838, p. 265-272, ici, p. 269-270. Cf. Bibliothèque nationale de France [BnF], ms fr. 5470, fol. 108r-v.
3 Sur la littérature généalogique à la fin du Moyen Âge, cf. Germain Butaud, Valérie Piétri, Les Enjeux de la généalogie (XIIe-XVIIIe siècle). Pouvoir et identité, Paris, Autrement, 2006 ; Marigold Anne Norbye, « Genealogies in Medieval France », dans Broken lines. Genealogical literature in medieval Britain and France, Radulescu Raluca L., Kennedy Edward Donald (éd.), Turnhout, Brepols, 2008, p. 79-101.
4 BnF, ms fr. 5471. On remarque deux signatures de Clément de Sainghin aux folios 56v et 62v. Un autre manuscrit du XVe siècle est connu (BnF, ms fr. 23 989). Les autres manuscrits sont plus tardifs.
5 Afin d’alléger les notes, les références aux folios du ms fr. 5471 de la BnF sont indiquées dans le corps du texte.
6 Sur cette partie de l’œuvre, cf. Germain Butaud, « Généalogie et histoire des rois mages : les origines légendaires de la famille des Baux (XIIIe-XVe siècle) », dans Famille et parenté dans la vie religieuse du Midi (XIIe-XVe siècle), Cahiers de Fanjeaux, no 43, 2008, p. 107-154, et notamment p. 130-132, 137-143.
7 Sur ce village, cf. Théodore Leuridan, La Châtellenie de Lille, tome V, Le Weppes, Lille, L. Danei, 1897 (Bulletin de la commission historique du département du Nord, tome XX), p. 172-173.
8 Théodore Leuridan, La Châtellenie de Lille, tome I, Le Mélantois, Lille, L. Danel, 1900 (Bulletin de la commission historique du département du Nord, tome XXIV), p. 174-179.
9 Cf. Jacques Paviot, « Jacques de Luxembourg. Politique et culture chez un grand seigneur du XVe siècle », dans Dominique Boutet et Jacques Verger (éd.), Penser le pouvoir au Moyen Age (VIIIe-XVe siècle). Etudes d’histoire et de littérature offertes à Françoise Autrand, Paris, Ed. Rue d’Ulm, 2000, p. 327-341 ; Sylvie Lefevre, Antoine de La Sale. La fabrique de l’œuvre et de l'écrivain, suivi de l’édition critique du Traité des anciens et des nouveaux tournois, Genève, Droz, 2006, p. 207-247, 359-363.
10 À propos de l’œuvre du Héraut Saint-Pol, cf. Germain Butaud, « Généalogie et histoire des rois mages », p. 125-130, 134-137, 149-151. Dans ces pages, nous avons par mégarde situé la mort de Louis en 1482 alors qu’il s’agit bien du connétable décapité le 12 décembre 1475, et non du fils de celui-ci, Pierre, décédé le 25 octobre 1482.
11 British Library, Harleian 6163, fol. 32v-34, éd. Joseph Foster, Two Tudor books of arms, Harleian Mss Nos 2169 & 6163, Londres, De Walden library, 1904, p. 180-183.
12 Les folios 33r à 43v ont comme source principale les mémoires de Marguerite de Baux.
13 Ainsi à propos des nombreuses branches des Luxembourg : « moult de ¡stores et de grans volumes en sont publiquement comme par tout espars » (fol. 3r), ou à propos de la conquête de Constantinople par Baudouin de Hainaut « par la maniere contenue es croniques si notoires que cy atant m’en tays » (fol. 13r).
14 Sainghin cite clairement le début du livre trois : Jacques de Guise, Histoire de Hainaut, éd. marquis Fortia d’Urban, Paris, A. Sautelet, 1826, t. II, p. 257. Au sujet de la traduction de Jean Wauquelin, connue par une vingtaine de manuscrits, cf. Robert B. Rigoulot, « Imaginary History and Burgundian State-building : the Translation of the Annals of Hainault », Essays in medieval studies, 9, 1992, p. 33-40.
15 Edmond de Dynter, Chronique des ducs de Brabant, éd. Pierre Fr. X. de Ram, Bruxelles, M. Hayez, 1854-1860, 4 vol.
16 Istore et croniques de Flandres, éd. baron Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, F. Hayez, 1879-1880, 2 vol.
17 C’est le cas par exemple du passage sur le voyage de l’empereur Henri VII en Italie et de la mort de son frère Waleran (fol. 7v-8r) ou d’une anecdote à propos de la captivité du comte de Flandre et de ses fils après la bataille de Fumes en 1297 (fol. 14r-v), cf. Istore et croniques de Flandres, 1.1, p. 295-298, 222.
18 Ibidem, t. I, p. 189-190.
19 Voir les références de ces emprunts à l’Annexe 1.
20 Ce serait un second mariage car l’on connaît une Marie épouse de Roger IV, châtelain de Lille de 1208 à 1230, cf. Théodore Leuridan, La Châtellenie de Lille, tome II, Le Carembaut, Lille, L. Danel, 1901 (Bulletin de la commission historique du département du Nord, tome XXV), p. 88, et idem, « Les châtelains de Lille. Deuxième partie », dans Mémoires de la société des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille, 3e série, 12, 1873, p. 110-358, ici, p. 142-143.
21 Kathleen Daly, « Jean d’Auffray : cultures historiques et polémique », p. 605 ; Gottfried Wilhelm Leibniz, Mantissa codicis juris gentium, t. I, p. 1.
22 Kathleen Daly, « Jean d’Auffray », p. 605, p. 613 n. 46 ; Gottfried Wilhelm Leibniz, Mantissa codicis juris gentium, t. I, p. 32, § 66.
23 Pour les épitaphes de ces tombeaux, cf. Adolphe de Cardevacque, Histoire de l’abbaye de Cercamp, ordre de Cîteaux, au diocèse d’Amiens, Arras, Sueur-Charruey, 1878, p. 139-140 (tombeau de Jacques de Luxembourg), p. 132 (tombeau de Pierre de Luxembourg et Marguerite de Baux).
24 Cf. Ibidem, p. 114-115, 121.
25 En ancien style, le châtelain de Lille Roger IV est donc bien mort en 1229. Voir à son propos : Théodore Leuridan, La Châtellenie de Lille, t. II, Le Carembaut, p. 82-90, et idem, « Les châtelains de Lille. Deuxième partie », p. 139-146, 222-249.
26 Jean II était fils d’Elizabeth de Lille et neveu de Roger IV et de Willaume du Plouich, châtelain de 1230 à 1235. (Théodore Leuridan, La Châtellenie de Lille, II, p. 92-96 ; idem, « Les châtelains de Lille. Deuxième partie », p. 149-152, 256-265).
27 Pour 1’inscription du tombeau du cœur à Loos, cf. abbé Théodore Leuridan, Épigraphie ou recueil des inscriptions du département du Nord ou du diocèse de Cambrai, Lille, Lefebvre-Ducrocq, 1905, t. III, p. 814, et pour le gisant, ibidem, Lille, 1904, t. II, p. 682.
28 Son décès date du 4 mai 1346, BnF, ms fr. 5470, fol. 109r.
29 Sainghin place sa mort en 1363, et Piétin précise : le 17 mai 1363, cf. BnF, ms fr. 5470, fol.l09r. D’autres datent sa mort au 17 mai 1364, cf. Théodore Leuridan, La Châtellenie de Lille, t. II, p. 113 ; Jean-Claude Loutsch, Armorial du pays de Luxembourg, Luxembourg, Ministère des arts et des sciences, 1974, p. 109.
30 Pour les tombeaux de ces personnages, cf. Théodore Leuridan, La Châtellenie de Lille, t. II, p. 102, 110, 111 ; idem, « Les châtelains de Lille. Deuxième partie », p. 159, 169, 170-171.
31 « [...] lequel Guillem porta en armes le noir lion differé d’une bende de gheulles par devant en (belicg) <berlich>, ainsy que j’ay veu par l’epytaphe tant de son blason comme de son ymage de doel ou monastere de Cambron al environ d’un moult rice tombeau d’homme, duquel pour l’effacement des lettres qui estoyent de pointure je ne peulx avoir cognoissance, empres le quel Guillem et soubz lui estoit ung aultre de Flandres a quatre lambeaux, l’epitaphe effacié comme dessus » (fol. 14r).
32 Cf. Christophe Butkens, Trophées tant sacrés que profanes du duché de Brabant, La Haye, Christian Van Lom, 1724, t. II, p. 119.
33 C’est le cas pour Guy de Flandre, seigneur d’Erquinghem, mort en 1345 (fol. 17r).
34 « [...] lequel Englebert trespassa l’an mil quatre cens et deux et gist soubz une tres rice sarcu ou monastere de Cambron entre le coer et le grant autel ; autour du quel sarcu sont differens personnages de doel epytaphés et armoyés, desquelx le premier est de l’empereur Charle de Luxembourg son cousin, et aultre du duc d’Athenes son oncle, et Jehan de Luxembourg, d’Anthoing, de Trassignies, d’Enghien et de Bryane en quartier, de Guy de Chastillon conte de Blois, de Chastillon a la merlette, de Retelz, Flandres, Bourgongne, Vendosme et de pluseurs aultres » (fol. 35r). Pour l’inscription de ce tombeau, cf. Christophe Butkens, Trophées tant sacrés que profanes, t. II, p. 118.
35 Il s’agit de Wautier d’Enghien (1322-1350) (fol. 34v), de Wautier d’Enghien fils de Sohier († 1381) (fol. 39r) et d’Hélène d’Enghien († 1459), fille de Louis, comte de Conversano (fol. 42r).
36 Cf. Anne McGee Morganstern, Gothic tombs of kinship in France, the Low Countries and England, Pennsylvania, Pennsylvania state university Press, 2000, p. 32 et passim.
37 Pour être précis, Jean de Luxembourg adopta en fait les armes de ces comtes de Berg, dont le lion de gueules a une queue fourchue et passée en sautoir, et non simplement fourchue comme dans les armoiries de Waleran IV/V de Limbourg († 1280), cf. Jean-Claude Loutsch, Armorial du pays de Luxembourg, Luxembourg, Ministère des arts et des sciences, 1974, p. 28, 109 et fig. 3.
38 Il était fils de Guy de Dampierre († 1305), comte de Flandre, et d’Isabelle de Luxembourg († 1298).
39 Sur cette lignée des Craon, cf. Arthur Bertrand de Broussillon, « Sigillographie des seigneurs de Craon », Bulletin de la commission historique et archéologique de la Mayenne, 2e sér., 7, 1893, p. 206-234.
40 Un sceau de Jean II de Craon, sire de Domart († ca. 1417) montre cependant encore une cotice sur le lion de Flandre de son écartelé (ibidem, p. 216-217).
41 Quatre sœurs de Jean II, Jeanne, Nicole, Catherine et Agnès de Craon furent effectivement abbesses des monastères d’Origny, Avenay et Messines (ibidem, p. 214). Un manuscrit de Messines rapporte qu’Agnès (abbesse de 1440 à 1466) était de si petite taille que quand elle venait à l’église, au chœur, le peuple accourait pour la voir ! Ses armoiries contiennent un écartelé avec au troisième quartier le lion de Flandre sans brisure, cf. I. L. A. Diegerick, Inventaire analytique et chronologique des chartes et documents appartenant aux archives de l’ancienne abbaye de Messines, Bruges, Aimé de Zuttere, 1876, p. XLIV.
42 [En parlant de Mahaut de Brabant] « et Robert son filz conte d’Arthois eult espousé <la> dame de Courtray non point sa tante vesve de Guillem de Dampierre, qui l’avoit eu en garde, mais une aultre, je ne scay proprement se ce fu celle Marguerite de Haynnau qu’il espousa par le moyen du roy, lequel Robert en eult Phelippe et Mehault » (fol. 23r). Robert II d’Artois fut en fait marié trois fois : à Amicie de Courtenay, qui fut la mère de Philippe et de Mahaut, puis à Agnès de Dampierre, enfin à Marguerite d’Avesnes, fille du comte de Hainaut.
43 Istore et croniques de Flandres, t. I, p. 292-293.
44 Cf. Gottfried Wilhelm Leibniz, Mantissa codicis juris gentium, t. I, p. 34, § 81 ; p. 35 § 85.
45 Voir par exemple, J. Vannerus, « La première dynastie luxembourgeoise », Revue belge de philologie et d’histoire, 25, 1946, p. 801-858 ; Michel Parisse, « Généalogie de la Maison d’Ardenne », dans La Maison d’Ardenne, Xe-XIe siècles, Luxembourg, Publications de la section historique de l’Institut G.-D. de Luxembourg, 1981, p. 9-41.
46 Jean-Claude Loutsch, Armorial du pays de Luxembourg, p. 31-32 et fig. 3 (arbre généalogique avec armoiries).
47 Cf. BnF, ms fr. 982, fol. 116v ; ms fr. 5229, fol. 37r.
48 Voir la généalogie établie par Jean-François Nieus, Un Pouvoir comtal entre Flandre et France. Saint-Pol, 1000-1300, Bruxelles, De Boeck Université, 2005, p. 142-147.
49 « Apres le dit Ansel fu conte de Saint Pol Hughe Campdavaine, portant en armes sur asur davaine une garbe d’or, lequel eult de sa femme ung filz nommé Engueran. Ce conte Hugue guerroya le conte Charle de Flandres al ayde du roy et de Gautier, conte de Hesdin ; fut prince de grant corage, et asses difficile meismement aux eglises, mais sa fin fu moult devote et se rendi tellement que de son tresor et (de ses) <des> heritages de sa conté, il fonda et dona si grandement le monastere de Circan, que c’est ung des notables de l’ordre de saint Bernard,ou quel il prinst sa sepulture, et appaisa entre aultres les eglises de Messines et de Los comme il appert notorement et par ses lettres donnees l’an mil cent dixnoef » (fol. 21 r). Sur ce « second fondateur du comté de Saint-Pol », actif entre 1112/15-1144/45, cf. Jean-François Nieus, Un Pouvoir comtal, p. 74-92.
50 « Hughe de Chastillon portant pour difference au chief des armes dudit Chastillon un rateau d’asur a trois dens comme lambeaux ».
51 Cf. la mise au point sur les Châtillon, comtes de Saint-Pol, de Jean-François Nieus, Un Pouvoir comtal, p. 174-177.
52 Ibidem, p. 176.
53 Ce tombeau est bien décrit à l’époque moderne, cf. Adophe de Cardevacque, Histoire de l'abbaye de Cercamp, p. 111-112.
54 Comme le dit André Duchesne, les autres documents contredisent les arguments de Sainghin. On dispose d’ailleurs d’une fondation de chapellenie dans la cathédrale d’Arras par Guy de Chatillon et son épouse Mahaut datant de 1273, le jour de la fête de Saint-Jean d’Evangéliste, et non de la Saint-André. Cf. André Duchesne, Histoire de la maison de Chastilion sur Marne, Paris, Sébastien Cramoisy, 1621, p. 124, et Preuves, p. 88, 90.
55 Ibidem, p. 288-290 ; Preuves, p. 175-179.
56 Soit Jean II, dans les années 1237-1244, son fils Jean III, entre 1256 et 1276, et le fils de celui-ci, Jean IV, entre 1276 et 1292. François Piétin dénonçait déjà cette erreur (BnF, ms fr. 5470, fol. 108v).
57 Sainghin a mal en fait mal interprété le sceau de Guyotte qui représentait un écu de son père et un écu de sa mère, Béatrice de Clermont-Nesle. Or les armes des Clermont-Nesle comportaient deux bars adossés brochant sur un semis de trèfles, ce qui était très proche des armes des comtes de Bar avec deux bars adossés brochant sur un semis de croisettes...
58 Sur Guyotte de Lille, cf. Théodore Leuridan, La Châtellenie de Lille, t. II, p. 108-111 ; idem, « Les châtelains de Lille. Deuxième partie », p. 167-170, 293-298.
59 Chronique de Baudouin d’Avesnes, dans Istore et croniques de Flandres, éd. baron Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, F. Hayez, 1880, t. II, p. 555-696 ; Chonicon Hanoniense quod dicitur Balduini Avennensis, éd. Johannes Heller, dans Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, Hanovre, 1880, t. XXV, p. 414-467.
60 Il s’agit du BnF ms fr. 2633, datant de la fin du XIIIe siècle et conservant la Chronique pour les années 1090-1273 (Hanno Wijsman, « Le connétable et le chanoine. Les ambitions bibliophiliques de Louis de Luxembourg au regard des manuscrits autographes de Jean Miélot », dans Le livre au fil de ses pages, Archives et bibliothèques de Belgique, numéro spécial 87, 2009, p. 119-150, ici p. 124-125).
61 Cf. Hanno Wijsman, « Les manuscrits de Pierre de Luxembourg (ca. 1440-1482) et les bibliothèques nobiliaires dans les Pays-Bas bourguignons de la deuxième moitié du XVe siècle », Le Moyen Âge, 113, 2007, p. 613-637, ici p. 625-627.
62 Ce tombeau est connu par un dessin de la fin du XVIIe siècle, cf. Jean-Claude Loutsch, Armorial du pays de Luxembourg, p. 29 et fig. 4.
63 Cf. Anne McGee Morganstem, Gothic tombs of kinship in France, p. 53-63.
64 Sur ce cycle épique, cf. Jean-Claude Herbin, « Variations, vie et mort des Loherains. Réflexions sur la gestation et les paradoxes d’un grand cycle épique », Cahiers de recherches médiévales, no 12, 2005, p. 147-174.
65 Alfred Jeanroy, « Le Roman de Girart de Roussillon », Histoire littéraire de la France, Paris, Imprimerie nationale, t. XXXVIII, 1949, p. 404-431.
66 Jean Wauquelin, Le Roman en prose de Gérard de Roussillon, éd. L. de Montille, Paris, Champion, 1880.
67 Jean-Claude Herbin, La Mise en prose de La geste des Loherains dans le manuscrit Arsenal 3346, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, 1995.
68 David Aubert, Guerin le Loherain, éd. Valérie Naudet, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2005, p. 5-8.
69 Cf. Yvon Lacaze, « Le rôle des traditions dans la genèse d’un sentiment national au XVe siècle. La Bourgogne de Philippe le Bon », Bibliothèque de l’École des Chartes, 129, 1971, p. 303-385.
70 Cf. Roger Sherman Loomis, « Richard Coeur de Lion and the Pas Saladin in Medieval Art », Publication of the Modem Language Association, 30, 1915, p. 509-528.
71 En 1320, Jean Ier de Boumonville portait trois cuillers et un sautoir sur le tout.
72 Bertrand Schnerb, Enguerrand de Boumonville et les siens. Un lignage noble du Boulonnais aux XIVe et XVe siècles, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1997, p. 39-40.
73 Si Isoré est légendaire, un acte de 1112 atteste que les Fiennes étaient parents des comtes de Boulogne, cf. André Duchesne, Histoire de la maison de Chastillon, p. 288.
74 Voir quelques pistes sur Fromont, qui intervient dans plusieurs chansons de geste, dans Herman J. Green, « Fromont, a traitor in the Chansons de Geste », Modem Language Notes, 56, 1941, p. 329-337. Cet article ne dit rien cependant de la carrière du personnage dans l’historiographie.
75 Cela est précisé au début d’Anseÿs de Metz, cf. Jean-Claude Herbin, La Mise en prose de La geste des Loherains, p. 87. Nous utilisons cette mise en prose et celle de David Aubert pour présenter à grands traits le personnage de Fromont.
76 « Cil Odtuel fut peres Froumont le Poestif, qui fut quens de Bouloingne et tint Lens et pluseurs autres terres. Fromon ot un fil qui ot non Fromondins. De celi Fromondins issi Ates, qui fut un des XII pers de France au tans le grant roi Charlemaingne » (Istore et croniques de Flandres, t. II, p. 668).
77 Le texte français est attribuable aux années 1279-1314 : « Ciex Emous, quens de Bouloigne, eut I fil qui eut a non Fromons li poestis, qui eut Bouloigne et Lens et totes les autres terres devant dites. Fromons engenra Fromondin. Fromondins eut I fil, qui eut a non Quites et fu uns des XII pers au tans le roi Karlon » (Francisque Michel, Chroniques anglo-normandes. Recueil d’extraits et d’écrits, Rouen, E. Frère, 1840, t. III, p. XII).
78 Jacques de Guise, Histoire de Hainaut, éd. marquis Fortia d’Urban, Paris, Paulin, 1830, t. VIII, p. 272.
79 Cf. les références à ces personnages dans Jean-Claude Herbin, La Mise en prose de La geste des Loherains, p. 210, 278, 279 (Ysoré est appelé Yonet dans cette version) ; David Aubert, Guerin le Loherain, p. 125-129, 451... Sainghin est plus proche de cette dernière version.
80 A l’époque moderne, on pensait que ces châtellenies étaient Arras, Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys, Hesdin, Bapaume, Lens, Thérouanne, Avesnes et Aubigny-en-Artois ou Brédenarde, cf. Antoine-Augustin Bruzen de la Martiniere, Le Grand dictionnaire géographique et critique, La Haye, P. Gosse, 1726,1.1, p. 658.
81 Dans les faits, le lambel avait parfois cinq pendants et non trois, cf. L. Deschamps de Pas, « Sceaux des comtes d’Artois », Annales archéologiques, 16, 1856, p. 360-371.
82 Elle n’est pas signalée par Jean-Claude Loutsch, Armorial du pays de Luxembourg, p. 108-109 et fig. 3.
83 « [...] et fut faicte et erigee la comté d’Artois et en signe de ce les armes de la comté d’Artois sont les armes de France a difference de Castille, pour ce que la royne Blanche, mere des dictz sainct Louis et Robert, estoit fille de Castille » (Gottfried Wilhelm Leibniz, Mantissa codicis juris gentium, t.1, p. 21, § 36). Le frère de Robert, Alphonse de Poitiers reprit également les armoiries de sa mère. Il portait : parti d’azur semé de fleurs de lys d’or (France) et de gueules semé de châteaux d’or (Castille).
84 On apprend de plus par un texte héraldique des environs de 1500 que les anciennes armes d’Artois étaient réputées être « de gueulles a ung lion d’or armé d’azur » (« Les blasons et cris d'armes des chevaliers des comtés de Flandre, Hainaut, Artois et Cambrésis », Archives historiques et littéraires du Nord de la France et du Midi de la Belgique, n. s. 4, 1842, p. 5-26, ici p. 18).
85 Jean d’Arras, Mélusine ou la noble histoire de Lusignan, roman du XIVe siècle, éd. et trad. Jean-Jacques Vincensini, Paris, Libraire générale française, 2003.
86 Jacques de Guise, Histoire de Hainaut, éd. marquis Fortia d’Urban, Paris, A. Sautelet, 1826, II, p. 257.
87 Il est difficile d’expliquer cette date de 1008 car le fils de Sigefroid du nom de Gislebert décéda en 1004 et que le neveu de ce dernier, Gislebert fut comte de Salm (depuis 1036) et comte de Luxembourg de 1047 à ca. 1059, cf. Michel Parisse, « Généalogie de la Maison d’Ardenne », p. 26-27, 32-33.
88 Ibidem, p. 30. Nous ne continuons pas plus avant l’étude de la maison de Luxembourg selon Sainghin.
89 Léopold Genicot, « Princes territoriaux et sang carolingien. La Genealogia comitum Buloniensium », dans Id., Etudes sur les principautés lotharingiennes, Louvain, Publications universitaires de Louvain, 1975, p. 217-306.
90 Soit Godefroid le Barbu († 1069), comte de Verdun (dès 1026), puis duc de Haute (1044-1046) et Basse-Lotharingie (1065-1069).
91 Soit Godefroid le Bossu, duc de Basse-Lotharingie de 1069 à 1076.
92 Pour ces lignées, voir Michel Parisse, « Généalogie de la maison d'Ardenne », passim et notamment p. 41 (arbre généalogique).
93 Le Roman en vers de très excellent, puissant et noble homme Girart de Rossillon, éd. Prosper Mignard, Paris, Techener, 1858, p. 192 (v. 4582, Pierre de Montraboy), p. 204 (v. 4370, Guy de Montmorency), p. 216 (v. 5169-5172 : « Landris cuens de Nevers le duc de Normandie/Ha fendu jusqu’à denz : il a perdu la vie :/Et Guion de Saint Poul qu’il trove emmi la place/Refiert de tel haïr, mort l’abat senz menace/ ».
94 Wauquelin n’apporte rien de neuf sur les personnages qui nous concernent et ne donne pas le prénom du comte de Saint-Pol, cf. Le roman en prose de Gérard de Roussillon, éd. L. de Montille, p. 374, 394, 411.
95 Cf. Jean-François Nieus, Un Pouvoir comtal..., p. 28-29.
96 Le comté de Nerve correspond au Brabant d’après Jacques de Guise ; Chièvres est situé près d’Ath, en Hainaut.
97 Histoire de Hainaut, éd. marquis Fortia d’Urban, Paris, Paulin, 1830, t. IX, p. 448-451. Sainghin ajoute la date de 1010 qui est une approximation.
98 Chronicon Laetiense, éd. Johannes Heller, Monumenta Germaniae Historica, Hannovre, 1883, t. XIV, p. 493 ; Chronique de Baudouin d’Avesnes, dans Istore et croniques de Flandres, t. II, p. 578 ; cf. Joseph Bedier, Les Légendes épiques, Paris, Champion, 3e édition, 1926, t. II, p. 377 n. 1.
99 Guerri le Roux est aussi désigné comte d’Arras, cf. Raoul de Cambrai, chanson de geste du XIIe siècle, éd. Sarah Ray, trad. William Kibler, Paris, Librairie générale française, 1996, v. 176 variantes.
100 Jean-Claude Loutsch, « Le cimier au dragon et la légende de Mélusine », dans Le cimier. Mythologie, rituel, parenté, des origines au XVIe siècle, Bruxelles, Académie internationale d’héraldique, 1990, p. 181-204.
101 Sur la genèse de l’arbre généalogique, cf. Christiane Klapisch-Zuber, L’Ombre des ancêtres. Essai sur l’imaginaire médiéval de la parenté, Paris, Fayard, 2000.
102 Thomas Turpin, Comitum Tervanensium seu Ternensium, Douai, Ch.-L. Dexbaix, 1731, p. 13-14.
103 Lire Hervis.
104 Jean de Fiennes.
105 Isabelle de Flandre, fille de Guy III de Dampierre, comte de Flandre († 1305).
106 Cette Aélis de Fiennes ne semble qu’une invention de Sainghin.
Sainghin reprend désormais, jusqu’au folio 1 Ov, les passages des Istore et croniques de Flandres (éd. Baron Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, F. Hayez, 1879-1880) qui évoquent le « seigneur de Fiennes » puis son fils Moreau, qui devint connétable de France : cf. t. I, p. 261-264, 267-273, 313-315, 316, 385-392 ; t. II, p. 75-76, 94, 107. Sur ce dernier personnage, cf. Édouard Garnier, Alexandre Hermand « Biographie de Robert de Fiennes, connétable de France », Mémoires de la société des antiquaires de la Morinie, 8, 1849-1850, p. 193-341,470-489.
107 Sainghin reprend désormais, jusqu’au folio 1 Ov, les passages des Istore et croniques de Flandres (éd. Baron Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, F. Hayez, 1879-1880) qui évoquent le « seigneur de Fiennes » puis son fils Moreau, qui devint connétable de France : cf. t. I, p. 261-264, 267-273, 313-315, 316, 385-392 ; t. II, p. 75-76, 94, 107. Sur ce dernier personnage, cf. Édouard Garnier, Alexandre Hermand « Biographie de Robert de Fiennes, connétable de France », Mémoires de la société des antiquaires de la Morinie, 8, 1849-1850, p. 193-341, 470-489.
Auteur
Université de Nice - Sophia Antipolis - CÉPAM (UMR 6130).
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