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Tome II

Onzième leçon. [Racine]

p. 229-240


Texte intégral

1Racine, qui depuis un demi-siècle a été déclaré le poëte préféré de la Nation françoise, ne fut pas durant sa vie aussi favorisé du sort que son prédécesseur, et malgré plusieurs succès éclatants, il ne put jouir d’une gloire sans nuages. En reconnoissant qu’il avoit beaucoup contribué au perfectionnement de la langue françoise, nous avons déjà payé un juste tribut d’éloges, à la noble élégance, à l’expression véritablement poétique, au mécanisme admirable de ses vers. Il eût des rivaux au théâtre, et, ce qu’on a peine à concevoir, des rivaux souvent heureux. Les admirateurs exclusifs de Corneille, parmi lesquels on distingue M.me de Sévigné, prirent parti contre lui1. D’autre part, l’envie lui opposa Pradon2 ; et ce poëte, indigne de lui être comparé, lui enleva, malgré les vives réclamations de Boileau, les suffrages de la multitude et même ceux de la Cour. Le chagrin qu’une pareille injustice fit éprouver à Racine, l’arrêta dans la carrière dramatique, au moment où son talent étoit arrivé au plus haut point de maturité.

2Dans la suite, et lorsque les yeux du public se furent ouvert, les scrupules d’une piété mal entendue empéchèrent ce poëte de se remettre à composer pour le théâtre, et M.me de Maintenon put seule obtenir, qu’en faveur de son institut de Saint-Cyr, il consentit à traiter des sujets tirés de l’Ecriture Sainte3. Il est vraisemblable que dans les causes que nous venons de citer, son génie aurait pris un vol encore plus élevé, car on remarque dans ses ouvrages une perfection toujours croissante.

3Racine a répandu un grand charme dans sa poésie ; naturellement très-susceptible de toutes les émotions tendres, il les exprime avec des nuances délicates et une heureuse harmonie. Il ne faut peut-être pas évaluer trop haut le mérite de la sage modération qui le porte à observer en tout une juste mesure, car il n’avoit pas de surabondance d’énergie. On aperçoit même dans ses ouvrages quelques traces de foiblesse, et il se peut que ce défaut ne fut pas étranger à son caractère. Dans ses premières pièces, il a rendu hommage à cette galanterie doucereuse, qui servoit alors comme une fausse image de l’amour, à former le nœud d’une intrigue ; mais depuis il a senti tout ce que cette passion, développée avec vérité, pouvoit avoir de théâtral et de poétique, et il a tracé, dans ses rôles de femmes surtout, des peintures admirables de l’amour. Plusieurs scènes de ce poëte respirent peut-être même une volupté trop tendre, que la délicatesse et la pureté des expressions ne servent qu’à faire pénétrer plus profondément dans le cœur. Les mouvemens contradictoires d’une passion malheureuse, l’égarement d’un cœur consumé par de vains désirs, sont dépeints par Racine d’une manière plus touchante et plus intime qu’ils ne l’avoient été avant lui sur le Théâtre françois ; et, peut-être, qu’ils ne l’ont été depuis. Son penchant naturel le portoit plutôt vers le genre de l’élégie ou l’idylle que vers le genre héroïque4. Je ne prétends cependant pas, qu’inspiré par des sujets d’une autre nature, il n’ait jamais fait entendre des accens plus graves et plus sévères, et qu’il ne se soit point élevé à de plus hautes conceptions ; Acomat5, Mithridate6, sont des caractères profonds et vigoureux ; mais il faut distinguer ce qu’exigeoit le plan de son ouvrage, d’avec ce qu’il choisissoit par une prédilection personnelle, et ses production de poëte dramatique, d’avec les créations libres de son cœur. Toutefois, l’on ne doit pas oublier qu’il a composé très-jeune la plupart de ses tragédies, et que son âge a pu influer sur le choix de ses sujets. D’ailleurs il ne révolte jamais en mettant à plaisir des atrocités sur la scène, ainsi que l’ont fait Corneille et Voltaire ; mais en revanche, il déguise quelquefois la bassesse et la cruauté sous des formes trop polies. L’ordonnance des pièces de Racine ne me semble certainement pas aussi irréprochable qu’elle le paraît aux critiques françois, et j’ai surtout beaucoup d’objections à élever contre la manière dont il a traité les sujets tirés de la Mythologie. Cependant le système national sur les règles et les bienséances théâtrales une fois adopté, je conviens qu’il est difficile de se tirer d’affaire avec plus d’adresse et de bonheur qu’il ne l’a fait. Enfin quelques critiques de détail qu’on puisse se permettre contre ses ouvrages, en considérant Racine dans l’ensemble de la littérature françoise, et en le comparant avec ses devanciers, les plus grands éloges donnés à ce poëte n’exposeront jamais au reproche d’exagération.

4Les deux premiers essais de la jeunesse de Racine7 n’offrent rien à remarquer, si ce n’est la docilité avec laquelle il se renferma dans les limites que Corneille avoit prescrites à la tragédie. Ce ne fut que dans Andromaque qu’il prit un essor indépendant, et qu’il montra ce qu’il étoit. Il y peignît les combats, le flux et le reflux des passions, avec une vérité et une énergie dont il n’avoit pas encore eu d’exemple sur la Scène françoise. Andromaque, veuve fidèle et mère passionnée, s’y présente sous les traits les plus beaux et les plus touchans, et la fière Hermione, en proie à l’égarement du désespoir, remue profondément le cœur. Il y a de la grandeur tragique dans l’horreur qu’inspire Oreste à Hermione après qu’il s’est rendu l’instrument de sa vengeance, et dans la situation d’Oreste au moment où il ouvre les yeux sur le crime qu’il vient de commettre. Les rôles d’hommes dans cette pièce, ainsi que dans plusieurs autres de Racine, se dessinent d’une manière moins avantageuse, et produisent moins d’effet que ceux de femmes. Pyrrhus, qui, au milieu de ses protestations d’amour, menace sans cesse Andromaque de livrer Astyanax à la mort si elle ne veut pas répondre à ses vœux, est un brigand bien élevé qui présente le poignard avec politesse. Et puis comment se figurer le parricide Oreste sous l’image d’un amant soumis et dédaigné ? Il ne dit pas un mot du meurtre de sa mère ; il semble l’avoir entièrement oublié, et l’on ne voit pas ce que viennent faire à la fin les Furies : c’est une bien étrange inconséquence. Il y a peut-être aussi quelque chose d’un peu puéril dans la peine que prennent tous les personnages de la pièce, pour se chercher et se fuir tour à tour.

5J’ai déjà remarqué avec éloge quelle connoissance profonde de l’histoire supposoit la tragédie de Britannicus8. Les caractères de Néron, d’Agrippine, de Narcisse et de Burrhus, quoique indiqués par des traits extrêmement fins, sont dessinés avec une précision si parfaite, et le coloris est un mélange de teintes si heureuses et si naturelles, que du côté de la peinture historique, c’est peut-être la première des tragédies françoises. Racine a eu l’art de faire entendre ce qu’il n’a point exprimé, et les yeux des spectateurs percent le voile qui cache encore aux Romains leur sombre avenir. Je relèverai une seule inadvertance qui est échappée au poëte. Il veut peindre le monstre cruel et voluptueux à la fois, qu’une éducation vertueuse n’a dompté qu’en apparence, et cependant, à la fin du quatrième acte, Narcisse fait entendre que Néron s’est déjà donné en spectacle au peuple comme histrion et conducteur de chars9. Mais il ne descendit à ce point d’avilissement que lorsqu’il se fut endurci par des crimes plus graves. Néron, complètement développé, Néron frénétique et lâche à la fois ; Néron, alliant la cruauté avec une vanité capricieuse ; Néron, poëte, chanteur, comédien, batteleur ; Néron, recherchant les applaudissements en répandant le sang, et se faisant gloire de réciter des vers d’Homère dans les angoisses de la mort, Néron enfin, ne pourra jamais paraître sur la scène que dans un drame mixte où la dignité continue ne sera pas une condition nécessaire.

6Il me semble que les critiques françois sont ordinairement très-injustes envers Bérénice. Racine, comme on sait, n’a pas choisi le sujet de cette pièce, mais il fût proposé par une jeune et vertueuse princesse10. C’est, il est vrai, une tragédie voisine de l’Idylle ; mais elle est pleine de la plus délicate sensibilité. Nul poëte ne sait comme Racine présenter les foiblesses des femmes avec ménagement et même avec dignité. Bérénice, vivant depuis cinq années dans le palais de Titus, n’a rien perdu de sa noble décence ; on la voit toujours Reine et toujours pure. Le principal défaut de la pièce est, selon moi, le rôle importun d’Antiochus11.

7On prétend que Corneille dit, en voyant jouer Bajazet pour la première fois : Voilà des Turcs bien François12. Un pareil blâme ne peut regarder que les rôles de Bajazet et d’Atalide ; car le grand Visir est aussi Turc que possible. Quand une favorite telle que l’odieuse Roxane, se fait Sultan, elle doit jeter le mouchoir. J’ai remarqué ailleurs que les mœurs turques, dans toute leur barbare rudesse, ne pouvoient guères être fidèlement dépeintes sur le théâtre d’une nation polie. Racine, averti sans doute par son tact délicat, a voulu en adoucir toutes les formes et laisser subsister le fond. Les muets et le cordon sont des moyens à peu près nécessaires dans un sérail. Mais si le poëte n’ose parler d’étrangler qu’en se servant de circonlocutions élégantes, ce sera une contradiction ; car lorsque l’esprit des personnages est censé familiariser avec une idée, ils doivent se servir du mot propre pour l’exprimer.

8L’intrigue de Mithridate, comme l’a remarqué Voltaire13, a beaucoup de ressemblance avec celle de l’Avare de Molière. Deux frères sont amoureux de la fiancée de leur père, et ce dernier, en feignant de vouloir se détacher d’elle, découvre quel est celui qu’elle préfère. L’embarras des deux fils, au moment où ils apprennent la prochaine arrivée de leur père qu’ils croyoient mort, est véritablement une situation comique. La fameuse scène politique14 dans laquelle Mithridate consulte ses fils sur le grand projet de porter la guerre en Italie, est à juste titre fort admirée, et Racine y lutte avec succès contre Corneille. Mais quoique cette scène soit logiquement liée à l’action, elle n’est pas en harmonie avec le ton général de la pièce, ni avec l’impression que le poëte veut produire. Tout l’intérêt se dirige sur Monime, elle inspire la plus tendre pitié, et ce rôle est une des créations de Racine où il a répandu le plus de charme.

9Le jugement que portent les lecteurs allemands sur les ouvrages de Racine, n’a jamais différé davantage que celui des critiques françois, que relativement à Iphigénie. Voltaire donne cette pièce pour la tragédie de tous les siècles et de tous les peuples, et pour celle qui s’approche le plus du degré de perfection auquel l’homme peut espérer d’atteindre15. Cette opinion est généralement adoptée en France. Pour nous, nous ne saurions y voir qu’une tragédie grecque, habillée à la moderne, où le caractère intrigant d’Eriphile altère la simplicité du sujet, où les mœurs ne sont plus en harmonie avec les traditions mythologiques, et où Achille, quelque bouillant qu’on ait voulu le faire, par cela seul qu’on le peint amoureux et galant, ne peut pas se supporter. La Harpe prétend que l’Achille de Racine ressemble plus à celui d’Homère que l’Achille d’Euripide16. Que répondre à cette assertion ? Pour adopter de tels jugemens, il faudrait commencer par oublier les Grecs.

10Il ne se sera pas nécessaire de m’étendre sur la pièce de Phèdre, à laquelle j’ai déjà consacré un écrit particulier17. Quoiqu’il en soit du mérite relatif d’Euripide, de Sénèque et de Racine, il n’en est pas moins vrai que la Phèdre françoise fait époque par un style véritablement tragique, et qu’elle contraste fortement avec tous les ouvrages des auteurs contemporains. Si on la compare avec la Phèdre de Pradon, où l’on ne découvre pas le moindre vestige de l’antiquité, où tout rappelle les peintures des cabinets de toilette, au tems de Louis XIV, l’on doit d’autant plus admirer le poëte qui, pénétré du sentiment des grandes beautés antiques, a su les reproduire avec cet éclat, et sans en altérer davantage la simplicité. Si Racine a véritablement dit que la seule différence entre Pradon et lui étoit qu’il savoit écrire, il s’est fait à lui-même une injustice criante ; mais peut-être avoit-il adopté trop aveuglément les opinions de son ami Despréaux, qui croyoit que l’essentiel, dans la poésie, étoit la diction et le mécanisme du vers, et non l’inspiration élevée et la noble vérité18.

11Les deux dernières pièces de Racine ont été, comme on sait, composées dans une toute autre époque de sa vie. Bien différentes l’une de l’autre, elles ont dû cependant leur origine au même motif. Esther mérite à peine le nom de tragédie ; cet ouvrage, destiné à inspirer à de jeunes personnes les sentimens d’une piété douce, et à faire paraître leurs grâces avec avantage, ne s’élève pas fort au-dessus de son but. Esther excita cependant les transports d’une admiration sincère ; les charmes et l’innocence des jeunes actrices, le plaisir d’être admis à un spectacle où la faveur distribuoit les places, et où la flatterie et la malignité trouvoient également à faire des applications, tout contribuoit à en assurer le succès. On voyoit Louis dans Assuerus, Louvois dans Aman, M.me de Maintenon dans Esther, et un mot sur l’altière Vasti sembloit même désigner M.me de Montespan. Toutefois si Racine avoit eu réellement en vue de pareilles allusions, il aurait fait une application très profane de l’histoire sacrée19.

12Mais avant de dire un dernier adieu à la poésie et au monde, il déploya toutes ses forces dans Athalie. C’est non-seulement son ouvrage le plus parfait, mais c’est encore, à mon avis, parmi les tragédies françoises, celle qui, libre de toute manière, s’approche le plus du grand style de la tragédie grecque. Le chœur même, à l’exception près des différences qu’exigent la musique et l’ordonnance théâtrale des modernes, y est conçu dans le sens des anciens. Le lieu de la scène, le temple de Jérusalem, y donne à l’action la solennité auguste d’un grand événement public. L’intérêt de la curiosité, l’émotion et la terreur se succèdent tour-à-tour et prennent une force toujours croissante ; la simplicité la plus sévère y est jointe à une riche variété, quelquefois à une grâce séduisante, plus souvent à une majestueuse grandeur, et l’esprit des Prophêtes y donne au génie poétique un essor jusqu’alors inconnu. Le sens général de la pièce est celui que doit avoir tout drame religieux. Sur la terre, le combat de la vertu et du vice ; dans le ciel, l’œil vigilant de cette Providence qui, du centre rayonnant d’une gloire inaccessible, décide du sort des mortels20. Un souffle unique, un souffle divin anime toute la tragédie, et cette inspiration véritablement pieuse, atteste la sincérité des sentimens du poëte autant que sa vie toute entière.

13Tels sont les effets prodigieux de cette persuasion intime, de cette vérité profonde que je regrette si souvent chez d’autres Auteurs françois. Lorsque l’on a l’amour du succès plutôt que l’amour de la chose, lorsqu’on recherche les effets extérieurs plutôt qu’on n’est inspiré par un véritable enthousiasme, on peut éblouir peut-être, mais on ne parle point au cœur. Le sort de ce chef-d’œuvre fut malheureux. On mit en doute que l’Eglise permît aucune espèce de représentation théâtrale (genre de scrupule qu’on n’a eu qu’en France, car des hommes d’une piété éminente en Italie et en Espagne en ont décidé bien autrement), et Athalie ne fut pas jouée à Saint-Cyr. Elle parut imprimée et ne trouva que des détracteurs21. Les grandes beautés de cet ouvrage ont encore été méconnues long-tems après la mort de Racine, et le siècle dont il fît la gloire ne se montra pas digne de lui.

Notes de bas de page

1 Par exemple à travers sa mise en cause de Bajazet, pièce qualifiée par elle de « grande tuerie ».

2 Sur J. Pradon lire la Notice que lui consacre J. Truchet au tome III, p. 1072-1075, de son Théâtre du XVIIe siècle, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1992.

3 Esther (1688) et Athalie (1691).

4 Allusion à la fréquentation d’Ovide par Racine. Cela dit, le propos paraîtra excessif qui accorde trop de poids à la « tendresse ».

5 Acomat : le Grand Vizir dans Bajazet.

6 Mithridate a cherché selon Racine (Préface) à « périr avec éclat ».

7 Schlegel songe à La Thébaïde ou Les Frères ennemis (1664) et à Alexandre le Grand (1665). Racine avait composé antérieurement deux pièces (dont une, Amasie, en 1660), refusées par les acteurs du Théâtre du Marais et que leur auteur détruisit.

8 Britannicus (1669) marque l’entrée de Racine dans le monde de l’histoire romaine. Son texte se nourrit de la lecture de Tacite. Le principe mis en valeur est plus tard défini dans la Préface de Mithridate (« presque tous les historiens ont dit ce que je fais dire ici à Mithridate »).

9 Britannicus, IV, 4, vers 1472-1478.

10 Henriette d’Angleterre, supposition aujourd’hui battue en brêche.

11 La thèse d’une pièce plus proche de la « dolente élégie » que de la tragédie héroïque a été soutenue par les contemporains de Racine. Sur Antiochus, voir G. Forestier, Racine. Œuvres complètes, I, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1999, p. 1464-1466. Forestier conclut : « [...] loin de se réduire à un rôle fonctionnel, Antiochus figure une sorte d’emblème de toute la tragédie, dont le caractère élégiaque se reflète, comme en abyme, dans son propre destin ».

12 Ce sentiment fut celui de tous les tenants du parti de Corneille. Mme de Sévigné (lettre du 16 mars 1672) juge que « les mœurs des Turcs y sont mal observées ». Le directeur du Mercure Galant, J. Donneau de Visé ironise pour sa part sur les « Turcs qui sont galants » et conçus en vue de satisfaire « au goût de ce siècle ».

13 Tirer Mithridate du côté de la comédie ne convainc pas. La pièce reprend en fait le schéma des frères ennemis constitué par Pharnace et Xipharès (et donc du conflit familial, privilégié par Aristote comme potentiellement le plus tragique de tous), au même titre que La Thébaïde, Britannicus et Bajazet.

14 Mithridate, III, 1. La « scène comique » dont parle Schlegel est I, 3 entre Monime, Pharnace et Xipharès. Une telle lecture ne résiste pas à l’examen.

15 Cette divergence de jugement repose sur une comparaison implicite entre la pièce de Racine et celle de Goethe (dont la seconde version, en vers, conçue après le voyage en Italie, doit cependant beaucoup à Racine quant à la forme). Goethe tire le sujet vers l’esprit des Lumières et l’idéal d’Humanité, soit donc le dépassement du tragique.

16 La Harpe, Le Lycée ou Cours de littérature ancienne ou moderne, Livre I, Chap. III, Section VII.

17 La Comparaison [...]. supra, p. 99-183.

18 Boileau, admiré déjà de Gottsched, perd tout crédit en Allemagne à partir de Lessing et du Sturm und Drang. On l’accuse de longue date dans la critique de s’être fait l’hagiographe de son ami. La remarque de Schlegel se rapporte au début de l’Art poétique.

19 Aspect des plus rebattus de la fortune d’Esther que ces fameuses « applications » nées de l’initiative de Mme de Maintenon (qui avait sollicité Racine), du lieu et de la présence du Roi. Mme de Lafayette (Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689) a explicité la première ce que Schlegel écrit ici, sans que l’on sache s’il l’a lue : « Mme de Maintenon était flattée de l’invention et de l’exécution. La comédie représentait en quelque sorte la chute de Mme de Montespan [...] Tout le monde crut que cette comédie était allégorique, qu’Assuérus était le roi, que Vasthi, qui était la femme concubine détrônée, paraissait Mme de Montespan. Esther tombait sur Mme de Maintenon. Aman représentait M. de Louvois ; mais il n’y était pas bien peint [...] ». Cité dans R. Picard, Nouveau corpus racinianum. Recueil-inventaire des textes et documents concernant Jean Racine, Paris, C.N.R.S., 1976, p. 248. Le succès d’Esther a partie liée avec la structure qui, à l’écart de la tragédie lyrique et contre elle, associe les chants et les chœurs à l’action. Cela dit, la pièce n’a plus rien de commun avec Euripide.

20 Schlegel croit retrouver dans Athalie le déroulement de l’action selon Euripide et le schéma providentiel se substituant à la fatalité – une combinaison, « romantique » au fond, qui ne pouvait que lui agréer.

21 De fait, la pièce connut seulement trois répétitions sans costumes ni décors appropriés. Les dévôts avaient fait pression sur Mme de Maintenon qui refusa dès lors les représentations publiques. L’impression eut lieu en 1691. L. Racine (Mémoires, reproduits dans l’édition de G. Forestier, Bibliothèque de la Pléiade, 1999, p. 1114-1205, citation p. 1182), atteste de l’étonnement de son père face à l’aveuglement des contemporains, exception faite de l’appréciation dithyrambique de Boileau qui voyait dans Athalie « le chef-d’œuvre » de Racine. C’est en 1716 seulement que l’œuvre fut donnée au Théâtre français, sous le règne du Régent donc.

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