Tome II
Onzième leçon. [La mythologie et l’histoire dans le théâtre français]
p. 217-228
Texte intégral
1J’en viens à un point plus important, le manque d’accord entre la manière de traiter un sujet et le sujet même. Les Grecs, à peu d’exceptions près, tiraient toutes leurs tragédies de la Mythologie, c’est-à-dire de leur religion nationale. Les tragiques françois ont emprunté à ce même fond, et plus souvent encore ils ont puisé dans l’histoire de tous les siècles et de tous les peuples. Mais quelque ait été leur choix, l’esprit de l’Histoire ou celui de la Mythologie leur sont souvent restés étrangers. Je vais m’expliquer plus clairement. Lorsque le poëte choisit une fable mythologique, c’est-à-dire une tradition qui se rallie à la croyance religieuse des Grecs, il doit se transporter lui-même dans l’antiquité et nous forcer à le suivre. Pour nous faire comprendre des passions aussi énergiques et des actions aussi violentes que celles qu’il représente, il faut qu’il mette sous nos yeux les mœurs indomptées des siècles héroïques dans toute leur simplicité ; il faut que ses héros nous paraissent aussi rapprochés des Dieux qu’ils l’étoient, d’après les opinions païennes, par leur origine et par leurs fréquentes communications avec eux. Le poëte ne doit donc pas éviter à dessein, ou épargner le merveilleux autant que possible, mais il doit exiger de l’imagination des spectateurs qu’elle le leur rende croyable.
2Les poëtes françois, au contraire, ont prêté aux personnages fabuleux tous les raffinemens des mœurs du grand monde ; et parce que ces héros portaient le titre de Princes (ou de pasteurs du peuple, suivant l’expression d’Homère), on a motivé leur situation et leurs desseins d’après les calculs d’une politique habile. En cela on a blessé le costume caractéristique qui a bien plus d’importance que le costume des érudits et des antiquaires. Dans la Phèdre de Racine, lorsque le bruit de la mort de Thésée s’est accrédité, il est question de nommer cette Princesse régente pendant la minorité de son fils. Comment ce dessein peut-il s’accorder avec l’état des femmes et surtout des femmes grecques à cette époque ? C’est nous transporter au siècle de Cléopâtre. On voit encore Hermione, sans un père ou un frère qui la protège, seule à la cour et dans le palais de Pyrrhus avec qui elle n’est pas mariée ; tandis que non-seulement au tems d’Homère, mais dans toute l’antiquité, le mariage n’étoit autre chose que l’arrivée d’une jeune personne dans la maison de son époux. Mais quelque justification que la situation d’Hermione puisse trouver dans les usages modernes, elle n’en est pas moins contraire à la dignité de femme, et cela d’autant plus que cette Princesse aime Pyrrhus et qu’elle n’a d’autre but que de hâter son union avec lui. Les Grecs eussent été aussi révoltés de cette inconvenance que les François le seraient, si on leur présentoit Andromaque, telle qu’on la voit dans Euripide, à la suite du vainqueur dont elle est l’esclave et la maîtresse.
3 Lorsque les mœurs de deux nations sont aussi complètement opposées que celles des Grecs et des François, pourquoi se tourmenter à les concilier ? pourquoi vouloir que les mêmes faits aient pu se passer également chez l’un et l’autre peuple ? Ce qu’on laisse subsister des anciennes traditions fait un contraste choquant avec ce qu’on a changé, et tout refondre est impossible : il vaudrait autant inventer un nouveau sujet. Les tragiques grecs se sont permis, il est vrai, d’altérer considérablement les circonstances des fables héroïques ; mais jamais ils n’ont rien mis sur la scène qui fut en contradiction avec les mœurs du tems des demi-Dieux, et ils se sont conformés à toutes les données antiques. Quant aux caractères, ils les ont pris tels que la légende mythologique ou l’ancienne poésie les leur donnoit ; la finesse1 d’Ulysse, la prudence de Nestor, la bouillante colère d’Achille étoient passées en proverbe, et ils ont peint ces Héros tels qu’ils existaient déjà dans l’imagination. Horace recommande fortement à tous les poëtes de suivre un pareil exemple. Combien cependant l’Achille de Racine n’est-il pas différent de celui d’Homère ? Le ton de galanterie qu’on lui reproche n’est pas seulement une faute de costume, mais il rend toute la fiction invraisemblable. Peut-on imaginer que les sacrifices humains eussent existé chez un peuple dont les chefs et les guerriers auraient été à ce point susceptibles des sentimens les plus délicats ? C’est en vain que, pour expliquer ce contraste, on a recours à la puissance de la religion. L’Histoire ne nous apprend-elle pas que la superstition la plus sanguinaire s’est toujours adoucie avec les mœurs d’un peuple, à mesure qu’il s’est civilisé ?
4Les tragiques modernes qui ont traité des sujets mythologiques, ont cherché autant qu’ils ont pu, à en écarter le merveilleux, comme trop contraire à nos idées habituelles. Mais quand nous sortons d’une sphère où les prodiges appartiennent au système général des idées, pour entrer dans le domaine prosaïque de l’histoire, et dans un monde dont le raisonnement et l’expérience nous ont fait connoître les lois, un seul miracle isolé que le poëte a laissé subsister, nous paraît d’autant plus incroyable. Dans les fictions d’Homère et des tragiques grecs, tout se passe sous les regards des Dieux, et lorsque ces Dieux se manifestent en revêtant une forme visible, ou en opérant des prodiges, nous n’en sommes point étonnés ; notre imagination s’est élevée au niveau du merveilleux, et il est devenu naturel pour nous. C’est ce qui n’arrive point dans les tragédies modernes où tout l’art du poëte et toute la pompe des récits, ont de la peine à faire passer un seul événement surnaturel. Les exemples seraient ici superflus puisqu’on peut les prendre au hazard. Je remarquerai cependant en passant, que Racine, dont les ouvrages sont tous composés avec tant de réflexion et de sagesse, s’est enveloppé à cet égard dans une étrange contradiction. Il adopte dans sa pièce de Phèdre l’explication historique de Plutarque2, en supposant que Thésée avoit été retenu prisonnier par un Roi de Thrace dont il avoit voulu enlever la femme par amitié pour Pirithous, et que c’étoit ce qui avoit fait dire que ce Héros étoit descendu chez les morts afin d’enlever Proserpine pour son ami. Cependant Phèdre parle à Hippolyte de la descente de son époux aux Enfers, comme d’un événement déjà ancien, et elle confirme ainsi la tradition fabuleuse que toute la pièce tend à rejeter3. Pradon se tire d’affaire bien plus raisonnablement dans sa tragédie ; car lorsqu’un Courtisan demande à Thésée s’il est vrai qu’il ait été aux Enfers, il lui répond qu’un homme sensé ne doit pas ajouter foi à une pareille absurdité, qu’il a seulement tiré parti de la superstition populaire, pour répandre un bruit qui lui étoit politiquement utile4.
5Lorsque les tragiques françois ont traité des sujets historiques, on a pu leur faire à peu près le même reproche, celui d’avoir substitué les mœurs de leur nation aux mœurs des personnages qu’ils ont mis sur la scène, et de n’avoir donné ni vérité ni originalité à la peinture des siècles et des peuples différens. Les sujets empruntés de l’histoire avoient de plus pour eux un inconvénient particulier. Les fables mythologiques ont été transmises d’âge en âge par la poésie, elles sont préparées d’avance pour les nouvelles formes poétiques qu’on voudra leur donner, et elles se prêtent facilement au ton de dignité continue qu’exige la tragédie et surtout la tragédie Françoise ; car on sait que la langue poétique des François est excessivement dédaigneuse, et qu’il y a un nombre infini d’idées qu’elle se refuse à exprimer5. On est au contraire dans l’histoire sur un terrain prosaïque, la vérité du tableau demande une grande précision, des détails circonstanciés, des traits caractéristiques dont la pompe de la tragédie ne s’accommode pas toujours, et qui font perdre au cothurne quelque chose de sa hauteur. Aussi Shakespear, le premier des poëtes historiques6 a-t-il introduit, sans scrupules, une grande variété de ton dans ses tragédies. Les poëtes françois n’ont jamais pu s’y résoudre, et c’est pourquoi leurs compositions dramatiques manquent de ces contrastes pittoresques, de ces vives couleurs, de ces traits marquans, qui donnent l’idée de la vie. Quand il se présente dans l’histoire un détail peu poétique qu’il leur est impossible d’éviter, ils sont obligés de composer des énigmes, et l’on a bien de la peine à comprendre leurs savantes circonlocutions. Ce sont des circonstances particulières qui ont décidé en France de la dignité des sujets historiques. Corneille s’était frayé une route nouvelle avec un bonheur extraordinaire, lorsqu’il avait composé le Cid7. Quel thème pour un poëte qu’une histoire du moyen âge, arrivée chez un peuple allié, où dominent l’amour et l’honneur, et où les personnages, quoique d’un rang élevé, ne sont pas tout à fait des princes ! Si l’exemple de Corneille avoit été suivi, une foule de préjugés sur le cérémoniel tragique eussent été naturellement évités. Une vérité profonde, des sentimens chevaleresques et religieux en harmonie avec ceux qui, dans ce tems là encore, régnoient universellement auraient donné à la poésie tragique quelque chose de plus vrai, de plus intime, de plus rapproché du cœur. La nature des sujets aurait écarté d’elle-même ce rigorisme empesé qui s’est attaché à l’observation des prétendues règles d’Aristote ; car on voit que Corneille ne s’en est jamais éloigné davantage que dans cette même pièce du Cid, où il suivoit, il est vrai, un modèle espagnol. En un mot, la tragédie françoise aurait pris un caractère national ; les poëtes auraient ajouté au charme touchant et varié du genre romantique8, celui de l’exécution brillante qui leur est propre, et l’Art dramatique aurait véritablement déployé en France toute la magie de ses moyens.
6Je ne sais quel sort malheureux détourna des présages aussi favorables. Corneille, malgré le succès extraordinaire qu’obtint le Cid9, s’arrêta dans cette carrière et n’y eut point de successeurs. On vit, dans le siècle de Louis XIV, prévaloir l’opinion, qui regardoit l’histoire moderne comme impropre à fournir des sujets de tragédie10. On se jeta dans l’ancienne histoire universelle, on parcourut les annales, non-seulement des Grecs et des Romains, mais celles des Assyriens, des Babyloniens, des Perses, des Egyptiens, etc. et l’on y chercha, même parmi les événements les plus inconnus, ceux qu’on pourrait revêtir des formes tragiques. Racine fit un essai, qu’il regardoit comme très-hasardeux, en mettant des Turcs sur la scène11. Cet essai réussit, et dès-lors les Turcs, ce peuple barbare, qui ne voit dans l’amour que la volupté, dans la puissance que la cruauté, et dans la subordination que l’esclavage, a joui des honneurs de la tragédie, tandis qu’on a long-tems refusé ces mêmes honneurs aux peuples européens les plus renommés par leur enthousiasme religieux, par leur généreuse valeur, par leur respect pour les femmes. C’étoient uniquement les noms modernes, et surtout les noms françois, qu’on ne pouvoit pas supporter dans la langue poétique, car on donnoit d’ailleurs la couleur françoise à tous les héros de l’antiquité. Les noms et les circonstances historiques n’étoient souvent qu’un voile léger qui déguisoit des caractères contemporains. L’Alexandre de Racine ne ressemble en rien à celui de l’histoire ; mais on pourra louer le talent du peintre si l’on y voit le portrait d’un Turenne ou d’un Condé12. Et qui pourrait, en lisant Titus et Bérénice, ne pas songer aux amours de Louis13 ?
7Voltaire s’est exprimé avec sévérité quand il a dit : « Qu’en parcourant les tragédies des successeurs de Racine, on croit lire les romans de M.lle de Scuderi, »14 et c’étoit, sans doute, à Crébillon qu’il en vouloit15 ; car quoique Corneille, et Racine fussent imbus jusqu’à un certain point des préjugés nationaux, ils ont souvent été inspirés par leur sujet, au point d’employer les couleurs les plus vraies et les plus fidèles. Corneille a peint les Espagnols de main de maître, mais comme il a puisé à la source, il y a quelque chose à retrancher de son mérite à cet égard. Il a aussi, le péché originel de la galanterie excepté, fort bien saisi le caractère des Romains, du moins, sous le rapport de la fierté inflexible, du patriotisme ardent, et de l’ambitieuse grandeur dans les vues politiques. Peut-être a-t-il trop souvent, ainsi que Lucain16, revêtu ces sentimens d’une pompe exagérée et d’une jactance voisine de la forfanterie. Mais ce qui lui est échappé dans les mœurs romaines, c’est la sévérité républicaine unie à une parfaite simplicité et à une soumission profonde à l’empire de la religion. Racine a dépeint d’une manière admirable la corruption de Rome sous les Césars, et la tyrannie encore timide de Néron prêt à se dévoiler. A la vérité, Tacite lui avoit tracé sa route, et lui-même en fait l’aveu avec reconoissance17 ; mais c’est toujours un grand mérite que d’avoir rendu en poëte les pensées de l’historien. Il a encore donné un caractère frappant de beauté et de vérité à la peinture des mœurs hébraïques, sans doute, parce qu’il étoit religieusement pénétré de l’esprit des livres saints ; mais c’est à l’égard des Ottomans qu’il a le moins réussi. Bajazet est amoureux à la manière Européenne. La politique sanguinaire du despotisme Oriental, est, il est vrai, développée dans le rôle du grand Visir, avec un talent supérieur, mais tout le reste de la pièce est l’inverse de la Turquie. Les femmes au lieu d’être esclaves prennent les rênes du gouvernement, et se conduisent de manière à prouver que les Turcs ont raison de les renfermer. Voltaire, à mon avis, n’a pas été beaucoup plus heureux dans Mahomet ni dans Zaïre18, et ces divers tableaux des mœurs Asiatiques manquent des teintes animées du coloris oriental.
8Un mérite essentiel qu’on ne peut refuser à Voltaire, c’est celui d’avoir fait sentir que la tragédie doit se tenir le plus près possible de l’Histoire. Il a même souvent joint l’exemple au précepte, et on peut lui savoir gré de ce qu’il a rétabli sur la scène les héros et les chevaliers chrétiens qui en avoient été bannis depuis le Cid. Les caractères de Lusignan et de Nérestan sont des créations poétiques d’une beauté naturelle et profondément touchante19. Le Tancrède françois, ainsi que celui du Tasse, intéressera toujours nos cœurs, quels que soient les défauts d’intrigue de la pièce qui porte ce nom20. La tragédie d’Alzire est un tableau historique du plus grand mérite. Il est curieux d’observer que Voltaire en allant à la découverte des sujets tragiques, ait fait véritablement le tour du globe ; car après avoir montré sur le théâtre les peuples du Nouveau-Monde, il a été chercher à l’extrémité de notre hémisphère les Chinois, qui sembloient ne pouvoir servir de modèles qu’à des imitations grotesques21. Mais le zèle de ce poëte a été trop tardif, la coupe étroite de la tragédie étoit décidée avant lui, et les préjugés nationaux avoient déjà sanctionné tout un code de lois minutieuses dont on ne pouvoit plus s’affranchir.
9Si les plans dramatiques ont, dès l’origine, été rétrécis par l’application des règles empruntées des Grecs sur parole, c’est ensuite une idée exagérée des bienséances sociales qui a le plus entravé le génie françois, et l’a empêché d’atteindre aux grands effets de la tragédie. On demande au poëte dramatique d’allier la nature et la vérité avec la forme poétique, il doit donc veiller à ce que l’une des conditions de son art ne soit pas exclusive de l’autre. [...]
10Je me résume. Les François ont cru avoir conçu leur tragédie d’après une idée sévère, et ils l’ont conçue d’après une idée abstraite. Ils ont voulu réunir, sans aucune addition étrangère, et au plus haut degré de pureté possible, la dignité, la grandeur, les situations frappantes, le développement des passions et le pathétique qui conviennent à la tragédie ; mais en la dépouillant de tous ses accessoires, ils lui ont fait perdre de la vérité, de la profondeur, de la vie, et lui ont ôté sa physionomie caractérisée. Une main libre et hardie n’a plus dessiné de faciles couleurs brillantes et variées. La force graduellement croissante d’une passion qui se développe avec lenteur, l’abandon involontaire, l’égarement de la douleur, en un mot, tous les grands effets tragiques y ont pris une teinte plus terne. La théorie de la tragédie est à peu près au même point où en étoit l’Art des jardins au tems de le Notre. La difficulté vaincue, le triomphe de l’Art sur la nature, une froide grandeur, s’y font également admirer. On y voit la même symétrie, le même alignement au cordeau et des courbes aussi bien compassées ; et ce serait également en vain, qu’en s’adressant à l’architecte de ces merveilles régulières, on voudrait lui faire saisir l’ordre secret qui règne dans un jardin anglois, qu’on lui montrerait comment une suite de paysages variés, découverts l’un après l’autre et destinés à se relever mutuellement, concourent à produire sur l’ame, une impression particulière, très-profonde et très-douce à la fois.
11Des préjugés anciennement enracinés chez une nation sont rarement accidentels ; ils tiennent à une disposition d’esprit universelle, et dont les hommes les plus distingués ne sont pas eux-mêmes tout-à-fait exempts. Ces préjugés doivent alors être considérés non pas simplement comme causes, mais comme les résultats manifestes de principes cachés. Nous accordons volontiers que les lois prohibitives d’une critique fondée sur l’analyse, a borné le vol des tragiques françois, mais il reste toujours douteux que, laissés à eux-mêmes, ils eussent conçu une théorie plus vaste, et qu’ils l’eussent appliquée avec succès. On ne peut refuser à quelques-uns d’entr’eux les plus rares talens et l’habileté la plus consommée ; si, placés dans des circonstances défavorables, ils ont atteint à des beautés d’un ordre supérieur, on doit les admirer à double titre, et cependant nous sommes loin de convenir, en thèse générale, que la difficulté vaincue soit une source de plaisir22, et qu’un chef-d’œuvre doive encore être un tour de force. Ce n’est point à la gloire des auteurs que nous en voulons, c’est seulement la prétention qu’ont les François de s’ériger en législateurs universels du bon goût, que nous avons désiré repousser avec une juste énergie.
Notes de bas de page
1 C’est-à-dire « la ruse », la metis.
2 Plutarque, Vie de Thésée, XXXIX.
3 « Je l’aime non point tel que l’ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets divers
Qui va du Dieu des morts déshonorer la couche ».
(Phèdre, II. 5, vers 635-637.) [Cité par Schlegel en note].
4 J. Pradon, Phèdre et Hippolyte, édition J. Truchet, Théâtre du XVIIe siècle, Bibliothèque de la Pléiade, III, 1992, II, 7, vers 610-616 :
« À cent autres j’ai peint le Styx et le Cocyte,
La flamme et les horreurs de ces fleuves ardents,
Et la sombre paleur de leurs mânes errants ;
Mais je crois vous devoir un récit plus sincère :
Votre esprit est guéri des erreurs du vulgaire.
J’ai dû par politique en répandre le bruit,
J’ai d’un pareil projet un vain peuple séduit ».
Cette tirade est prononcée par Thésée qui s’adresse, non pas à un quelconque « courtisan » comme le prétend Schlegel, mais spontanément à Hippolyte ainsi initié au cynisme de la grande politique (« Du reste des humains je distingue Hippolyte », dit Thésée [ibid., vers 609] en préambule).
5 Cette critique est fréquente depuis le Sturm und Drang.
6 Les histories avaient au contraire été négligées par Lessing, plus sensible à la peinture des grandes passions (amour, jalousie...).
7 Nouveau témoignage de l’admiration de Schlegel pour le « Corneille espagnol », condamné par les Doctes de l’Académie.
8 Ainsi défini par l’exemple et posé en idéal à construire selon le programme du groupe d’Iéna.
9 Le succès fut de fait général et durable dans tout le royaume.
10 L’actualité ne peut être évoquée qu’à travers le travestissement – d’où aussi le système dit « des applications » qui permet le jeu des actualisations.
11 Bajazet (1672). Racine parle d’« une aventure arrivée dans le Sérail, il n’y a pas plus de trente ans ».
12 Alexandre le Grand (1666). Le parallèle avec Condé fut fait dès l’origine, mais le pouvoir royal transféra cet éloge flatteur à Louis, le seul qui pût dès lors être dit Grand.
13 Lire, bien entendu, Bérénice. Tite et Bérénice est le titre sous lequel fut publiée la pièce de Corneille originellement intitulée Bérénice (les deux pièces datent de 1670).
14 Voltaire s’est en effet toujours opposé au romanesque à la scène.
15 La rivalité entre les deux dramaturges est bien connue. Mais l’esthétique de la terreur que revendique Crébillon dans la préface de sa tragédie Atrée et Thyeste (1707) trahit une autre orientation que celle du roman du XVIIe siècle.
16 Allusion à l’épopée La Pharsale écrite dans le style de la Latinité d’argent.
17 Préface de Britannicus : « Il ne faut qu’avoir lu Tacite pour savoir que s’il [= Néron] a été quelque temps un bon Empereur, il a toujours été un très méchant homme ».
18 Mahomet ou le Fanatisme (1742) ; Zaïre (1732).
19 Tous deux personnages de Zaïre.
20 La pièce, qui prolonge la veine médiévale de Zaïre (le « style troubadour »), est de 1759.
21 Allusion à l’Orphelin de la Chine (1755).
22 Schlegel paraît se démarquer de la formule voltairienne invitant à apprendre à « danser dans les chaînes » (que Nietzsche devait faire sienne dans Humain, trop humain). Lire sur cette question G. Métayer, Nietzsche et Voltaire. De la liberté de l’esprit et de la civilisation, Paris, 2011.
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