Le premier cartulaire D’Artois et les originaux de la série A des archives départementales du Pas-de-Calais
p. 33-66
Texte intégral
1Le « premier cartulaire d’Artois », conservé aux archives départementales du Nord sous la cote B 1593 (Stein, no 230), est le plus ancien des deux seuls cartulaires des comtes d’Artois qui soient parvenus jusqu’à nous ; le second, du début du XIVe siècle, est également à Lille (B 1594). Ce type de source est beaucoup moins fréquent que les sept ou huit registres de chancellerie comtaux conservés, complets ou non. Tous ces recueils sont décrits avec concision et précision dans l’ouvrage bien connu de madame Sornay1.
2Quelques historiens de l’Artois, de Loisne, Guesnon, Espinas et autres, y ont puisé matière à édition, mais aucun ne Ta jamais étudié pour lui-même. C’est ce que je voudrais faire en revenant sur un dossier ouvert il y a bien longtemps. Un esprit sourcilleux pourrait objecter que le cartulaire n’appartient pas à la série A des archives du Pas-de-Calais ; à cela deux réponses. D’abord, il serait encore à Arras si une décision des Archiducs de 1619 n’avait pas séparé artificiellement en deux les archives du comté d’Artois conservées à Arras : les registres, plus utiles à la Chambre des comptes, furent transportés à Lille en 1620, les actes et liasses restèrent à Arras2 et cette séparation subsista tout naturellement lorsque les archives départementales furent créées. L’autre raison intéresse davantage l’historien : les actes de la série A sont copiés en grand nombre dans le cartulaire.
3Trois points seront examinés ici : le manuscrit, son contenu, ses rapports avec la série A. Cet examen permettra peut-être de répondre aux questions rituelles : qui a fait ou ordonné ce cartulaire ? quand ? comment ? pourquoi ?
Le manuscrit
4Le cartulaire est un manuscrit de 110 feuillets en parchemin de format moyen, 31,8 cm de haut sur 21 de large, sauf les additions du début et de la fin qui sont d’un format un peu plus petit (31 cm sur 20,5 cm). Sous la reliure actuelle le cartulaire est suivi d’un registre en papier de 79 feuillets contenant l’analyse des actes dans l’ordre chronologique, avec renvoi aux numéros des pièces, et un index renvoyant des pièces aux folios. Le cartulaire remonte à la fin du XIIIe siècle comme je vais essayer de le prouver plus loin, mais la seconde partie d’analyses est bien datée d’avril 1765. Elle fait partie de l’immense travail de classement des archives de la Chambre des comptes effectué par la dynastie des quatre archivistes de la famille Godefroy3. Le dernier, Denys-Joseph (1760-1792), avait entrepris en 1781 de rédiger un Inventaire analytique et chronologique des chartes de la Chambre des comptes, qu’il dut interrompre en 1791 avant d’émigrer et qui fut repris plus tard par le docteur André Le Glay, premier archiviste du département du Nord. Cet inventaire de onze gros volumes in-folio rend encore des services, bien que les cotes des actes soient périmées. Comme Godefroy analysa les cartulaires aussi bien que les originaux, il est normal qu’il ait inclus le premier cartulaire d’Artois qu’il avait examiné dès 1765. Son grand inventaire manuscrit contient donc l’analyse des actes du cartulaire, sauf des vidimus (mais il analyse les actes vidimés) ; il en va de même, au moins pour les actes antérieurs à 1270, dans la partie du travail de Godefroy qui fut imprimée en 1865 peu après la mort de Le Glay4.
5Les analyses de 1765 ne sont pas de la main de Godefroy, mais sans doute de l’un de ses commis. Deux notes assez curieuses pour l’histoire du manuscrit ont été ajoutés à la fin des analyses ; la première signale que le 8 février 1796 on a placé après ce cartulaire « un petit cartulaire en parchemin supérieurement écrit concernant les fiefs relevant du comte d’Artois, qui paroit être du 13e siècle », ce à quoi une dernière main a ajouté cette correction archivistico-patriotique : « L’auteur de cette note veut sans doute parler du registre des fiefs de la châtellenie d’Arras qui forme actuellement l’article B 1594 dont la reliure [semblable à celle du B 1593] est moderne, 18 août 1915, Μ. P. (308e jour de l’occupation de Lille) ».
6Denys-Joseph Godefroy s’est particulièrement attaché à ce cartulaire, au point d’en faire des extraits5 et même de le copier presque en entier6 ; ou plutôt il l’a fait copier par l’un de ses aides et l’a ensuite collationné et corrigé de sa main (très reconnaissable) en 1765, faisant précéder chaque acte d’une analyse ; le registre d’analyses relié après le cartulaire (voir plus haut) ne fait que reprendre les analyses de cette copie. Quelques années plus tard il allait retrouver quantité d’actes qui y étaient copiés lorsque le Conseil d’Artois lui demanda, en 1785, de classer et d’inventorier la masse des actes du Trésor d’Artois qui étaient restés à Arras en 16207 ; il en profita pour collationner, en 1786, sa copie du cartulaire aux originaux du Trésor d’Artois qui forment aujourd’hui la série A des Archives départementales du Pas-de-Calais.
7Ces deux parties, ancienne et moderne, ont été réunies sous une reliure en carton fort recouvert de parchemin blanc, dont les deux couvertures sont ornées de cinq fleurs de lys peintes en noir (aux coins et au centre). Au dos, orné aussi de trois fleurs de lys semblables, a été imprimé : « B 1593 – 1092-1293 » ; la reliure a donc été faite à la fin du XIXe siècle quand le registre reçut sa cote actuelle.
8Les feuillets du cartulaire sont lignés et justifiés. Chaque page contient 42 lignes dont les deux plus hautes n’ont pas reçu d’écriture. Entre chaque acte le scribe laisse les plus souvent deux lignes vierges. Deux traits verticaux délimitent la longueur des lignes d’écriture ; les piqûres qui ont guidé le tracé des lignes verticales sont souvent conservées en bas des feuillets ; elles ont disparu ailleurs sous le couteau du relieur. Tous les traits sont tracés à la mine de plomb. La justification s’inscrit dans un rectangle d’environ 23 cm de haut sur 13 de large (avec de légères variations ça et là) ; Le schéma le plus commun est en largeur : 2,5 cm + 13 cm + 5,5 cm ; en hauteur : 2,5 cm + 23 cm + 7,3 cm. L’unité de réglure est de 0,56 cm environ. La marge de gouttière est donc généreuse et a accueilli beaucoup de gloses, sauf le folio 18 où elle a été découpée de haut en bas. Au contraire, les feuilles ajoutées au début (fos 1-4) et à la fin (fol. 109-110) ne sont ni justifiées ni lignées et les scribes n’y ont presque pas laissé de marges.
9Une dizaine de feuillets ont été rognés en bas8 ce qui, dans plusieurs cas, a fait disparaître quelques lignes d’écriture9. Ce n’est vraiment dommage que pour trois actes : un acte, inconnu par ailleurs, dont la date a disparu (no 186) et deux actes différents que Godefroy a confondus en un seul (no 244) en collant ensemble le début du no 244 et la fin du no 244 bis10.
10Les cahiers sont distribués de la façon suivante :
fol. 1-4, binion (addition contemporaine) ;
fol. 5-108 : 14 quaternions ainsi répartis : 10 quaternions + 1 binion [fol. 85-88]) + 2 quaternions + 1 quaternion mutilé [fos 105-108]11 ;
fol. 109-110 : binion ( ?) mutilé (addition contemporaine).
11Le manuscrit n’est pas complet. Dans la partie principale, le dernier cahier se termine après trois lignes d’un acte (no 281). Les deux feuillets de l’addition finale commencent au milieu d’un texte et finissent de même ; une rubrique du dernier folio annonce : sour le fait du conte de Clermont, III paire de letrez qui s'ensievent, dont ne restent que la première et le début de la deuxième, avec une réclame (Borbonensis) qui annonce la suite au feuillet suivant, disparu aujourd’hui.
12Tous les quaternions, sauf le dernier, mutilé, ont une signature en bas du verso du dernier folio, de Ius à XIIIus, mais pas de réclame, sauf celle qui vient d’être signalée au fol. 110v. La foliotation, en haut du recto de chaque folio, est plus tardive et porte sur tout le manuscrit, additions comprises. Son originalité est qu’elle est écrite en chiffres arabes, et non en chiffres romains qui dominent dans les documents d’archives de l’Artois pratiquement jusqu’au début du XVIIIe siècle ; cette foliotation remonte au XVe ou au XVIe siècle. Ces chiffres arabes sont de forme archaïque (notamment les chiffres 2, 4, 5, 6, 7) ; ils parurent assez étranges pour que Godefroy ou l'un de ses commis les écrivît une seconde fois en chiffres arabes tels que nous les connaissons. Autre originalité que je n’ai jamais rencontrée ailleurs : le scribe qui a folioté en chiffres arabes les a inscrits une seconde fois en partant de la fin : le fol. 110 est folioté 1 et ainsi de suite jusqu’à 1 = 107 (et non 110), ces chiffres étant mis en bas, au verso des feuillets, tête-bêche par rapport à la foliotation du haut des feuillets ! On se demande si ce scribe n’était pas arabe ou juif !
13Les 14 cahiers qui forment le gros du cartulaire sont écrits d’une seule main en cursive très régulière, très semblable à celles des comptes artésiens de la fin du XIIIe siècle. Mais les 6 feuillets ajoutés au début et à la fin ont été écrits par pas moins de sept mains différentes dont la quatrième se retrouve à la fois dans les ajouts du début (fol. 3v-4r) et de la fin (fol. 110r-v) dans le même genre de libelle de procureur ; ces additions sont donc contemporaines.
14Les annotations marginales, médiévales et modernes sont nombreuses. Ce sont, dans l’ordre chronologique :
une seule main, contemporaine de la confection du cartulaire, mais pas celle du scribe principal, a écrit en marge de chaque acte une courte analyse, parfois une simple indication ; par exemple, en marge du 79 : Concessio facta de terris Thome, constabularii Tripolitani, et ejus uxore super terris quas habebat in partibus gallicanis, mais au no 80 qui porte sur la même affaire, il s’est contenté de : item littera de eodem. Ces analyses sont presque toutes en latin ; elles sont souvent introduite par un pied-de-mouche semblable à un C barré d’un trait vertical. Elles manquent dans les additions.
Une contemporaine, sans doute la même, a mis en marge au début de chaque acte, mais seulement du fol. 20v au fol. 65v, une des cinq lettres suivantes, en cursive : a, b, h, 1, s ; la lecture des actes montre que ces lettres désignent le bailliage concerné : Arras, Bapaume, Hesdin, Lens, Saint-Omer ; d’ailleurs cette main a écrit une fois Bacz (Bapaume, 18) et deux fois Aire en toutes lettres (nos 28, 30).
quelques actes ont été annotés d’une main du XVe siècle, souvent par un simple nota. Ajoutons pour en finir avec les notes médiévales, des essais de plume aux fol. lr et 110v, difficiles à dater12.
en 1765 Denys-Joseph Godefroy a mis la date des actes et beaucoup d’identifications de noms de personne et de lieu ; c’est peut-être lui aussi qui a doublé la foliotation, comme on l’a vu, et surtout qui a numéroté tous les documents, y compris ceux des additions, de 1 à 287. Mais, à cause des deux mutilations signalées plus haut, il a fondu par deux fois deux actes différents en un seul (en collant le début d’un acte mutilé et la fin du suivant, également mutilé) ; il faut donc rajouter deux numéros : les nos 244 bis et 276 bis.
enfin un archiviste du XIXe siècle, sans doute Le Glay, a ajouté en marge, mais sans régularité, le numéro que porte l’acte dans l’inventaire Godefroy, qui n’est pas du tout celui des actes du cartulaire.
15En résumé, le cartulaire qui a été écrit d’un coup correspond aux folios 5-108 (voir la photo du fol. 71 r). Aux XVe-XVIe siècles, quand on l’a folioté, et peut-être relié une première fois, on lui a adjoint quatre folios au début (fol. 1-4) et au moins deux à la fin (fol. 109-110) avant de le laisser dormir pendant quelques siècles. Mais la codicologie ne peut nous dire l’époque de sa rédaction. L’analyse du contenu nous en apprendra peut-être davantage.
Le contenu du cartulaire
16Denys-Joseph Godefroy a numéroté les actes de 1 à 287, auxquels il faut ajouter deux bis oubliés, comme nous l’avons expliqué ; cela fait donc 289 actes. Mais, dans les calculs qui suivent, je n’ai retenu que le cartulaire primitif, en écartant les additions du début et de la fin, ce qui laisse 276 numéros. Ce qui complique la tâche, c’est le grand nombre de vidimus, pas moins de 50. Et ces vidimus posent des problèmes de décompte, non pas tant les actes vidimant un ou deux actes que les vidimus-gigogne (tableau no 1).
17En tout, ces vidimus nous donnent le texte de 71 actes vidimés, chiffre trompeur car, par la combinaison des vidimus et vidimus de vidimus, plusieurs actes sont copiés plusieurs fois : six le sont deux fois13, un l’est trois fois14, un l’est quatre fois15, enfin deux le sont cinq fois16 ! Il faut donc déduire de ces 71 numéros les duplicata, triplicata, etc., ce qui laisse quand même 53 actes différents vidimés17. Le cartulaire, sans ses additions, contient donc le texte de 329 actes différents et non 276. Comme un vidimus est répété (nos 196 et 206), il faut réduire ce nombre à 327 : c’est ce que retiendra l’éditeur d’actes. Comme nous essayons ici de comprendre pourquoi et comment a été fait le cartulaire, nous raisonnerons sur le total des actes que l’auteur du cartulaire a choisi de copier, c’est-à-dire 276.
18Dans le temps, un classement par décennies s’est révélé décevant, car treize actes ne sont pas datés avec assez de précision18 ; il montre cependant que deux tiers des actes sont concentrés dans deux décennies très fournies : 1241-1250 et 1261-127019. J’ai préféré un classement par règnes ou régimes politiques : avant l’annexion par Philippe-Auguste au nom de sa femme Isabelle de Hainaut, la période où l’Artois est dans le domaine du roi, enfin, à partir de 1237, l’apanage des deux Robert, Robert Ier, frère du roi Louis IX, et Robert II, cousin des rois de France (tableau no 2).
Tableau no 1. Les vidimus du cartulaire
Nombre vidimus | Numéros du cartulaire | Nombre actes vidimés | |
Acte vidimant 1 acte* | 36 | - | 36 |
Acte vidimant 2 actes différents | 5 | 146, 166, 244bis, 269, 271 | 10 |
Acte vidimant 3 actes différents** | 1 | 272 | 3 |
Acte vidimant 1 acte qui vidime 1 acte | 4 | 15,51, 135, 188 | 8 |
Acte vidimant 2 actes dont Tun vidime 1 acte | 1 | 10 | 3 |
Acte vidimant 1 acte qui vidime 1 acte qui vidime 1 acte | 1 | 261 | 3 |
Acte vidimant 1 acte qui vidime 2 actes dont Tun vidime 1 acte | 2 | 8,9 | 8 |
Total | 50 | - | 71 |
Tableau no 2. Répartition chronologique des actes et autres documents (sans les additions)
Durée | Nombre | % | Actes par an | |
Période flamande jusqu’en 1191 | - | 4 | 1,4 | - |
Période royale, 1191-1237 | 47 ans | 35 | 13 | 0,7 |
Robert Ier, 1237-1250 | 14 ans | 105 | 39 | 7,5 |
Minorité de Robert II, 1250-1266 | 17 ans | 19 | 6,3 | U |
Robert II, 1266-[1289] | 23 ans | 106 | 39 | 4,7 |
Total | - | 269 | 100 | 3,7 |
19Le tableau montre clairement l’importance du gouvernement personnel des deux Robert, mais il faut diviser en trois périodes le gouvernement de Robert II :
pendant sa minorité, la chancellerie est languissante ;
quand il devient majeur, elle se remet au travail ; l’hiver 1269-1270, Robert II ne donna pas moins de 75 actes, d’abord à Arras puis, à partir du 21 février 1270, à Paris : c’est la période qui précède son départ, début juillet, pour la croisade de Tunis au côté de son oncle, le roi Louis IX ;
ensuite, le nombre d’actes retombe : cinq entre 1271 et 1280, six entre 1281 et 1289. Depuis 1274 Robert est le plus souvent loin de l’Artois, soit dans le Midi de la France, puis, de 1282 à 1292, à Naples, au service du roi de Sicile, Charles d’Anjou. Le nombre d’actes est proportionnel à la présence effective du prince.
20L’auteur d’un cartulaire transcrit en principe les actes qu’il a reçus et non ceux qui viennent de lui. Sur ce point, surprise. Si les actes antérieurs à 1250, mort de Robert Ier, répondent bien à cette idée qu’on se fait d’un cartulaire, avec notamment un très grand nombre d’actes d’achat de biens à la noblesse artésienne, il n’en va pas du tout de même des actes du temps de son fils Robert II ; celui-ci est l’auteur de plus des deux tiers des actes postérieurs à 1250, des trois quarts des actes postérieurs à 1266 (tableau no 3). Le changement s’explique en partie par l’abondance des vidimus et des actes de confirmation dus à Robert II, en partie par l’inclusion de beaucoup d’actes de nomination, de don, de mariage, etc. Ce contraste, si net dans le tableau, apparaît moins dans le registre dans lequel la matière est rangée sans plan précis.
21En essayant de répartir les actes par thèmes ou sujets, chose difficile car certains actes touchent à plusieurs sujets, il est possible d’en tirer quelques constatations peut-être banales (tableau no 4). Sous Robert Ier, les quatre cinquièmes des actes touchent avant tout à deux choses : s’attacher la noblesse locale, d’où le nombre d’actes de foi et hommage et de dénombrements de fiefs, accroître le domaine, le plus souvent aux dépens de cette même noblesse. Son fils a également beaucoup accru le domaine, mais par des acquisitions plus grosses (comme Calais et Marck), mais moins nombreuses. Pour Robert II, l’auteur du cartulaire s’est attaché davantage à retenir, outre de nombreux vidimus et confirmations, des actes portant sur les personnes et les communautés : chartes de villes et villages, alliances matrimoniales, nomination de serviteurs, engagements de chevaliers pour ses expéditions guerrières, garde des églises, toutes choses moins attendues dans un cartulaire.
Les originaux de la série A et le cartulaire
22Comparer les copies du cartulaire à tous les originaux existant encore dans de multiples dépôts aurait demandé de très longues recherches que je n’ai pas eu le loisir de faire : le comte de Loisne a fait la liste des actes de Robert 1er, mais pas de ceux de son fils20. Je me suis contenté de les comparer aux actes originaux conservés dans la série A des Archives départementales du Pas-de-Calais, très bien inventoriés par J.-M. Richard21. Près de la moitié des actes du cartulaire existent encore en original dans la série A (tableau no 5), mais avec de forts contrastes au long du siècle : le pourcentage de copies par rapport aux originaux est moyen pour la période royale et la minorité de Robert II, forte pour le gouvernement de Robert Ier et faible pour celui de Robert II. Le peu de chartes conservé avant 1237 étonne moins que le fort contraste entre la bonne conservation des actes du temps de Robert Ier, plus de 80 %, et la faible conservation de celles de Robert II, moins de 20 %.
23Pourquoi ces contrastes marqués entre les différentes périodes ? Et comment expliquer le contraste bien plus fort entre le nombre d’actes ridicule du père et le nombre très élevé d’actes du fils ? J’ai essayé de mettre plus de clarté en divisant d’abord le cartulaire en quartiers strictement égaux (tableau no 6), ce qui montre une nette division du registre en deux parties, la première très riche en copies d’actes existant encore dans la série A, la seconde beaucoup plus pauvre. Plus le cartulariste avance dans son travail, moins il puise dans le chartrier et plus il introduit d’actes du comte régnant, son maître.
24Comme la liste des pièces du cartulaire fait voir une flexure nette après le numéro 125, j’ai fait une deuxième division du registre, en deux parties cette fois (tableau no 7). En tenant compte de la chronologie, il apparaît que les trois quarts des copies tirées de la série A (97 actes sur 130) se trouvent dans cette première partie. Bien que plus courte (30 % des actes), la première partie, composée aux neuf dixièmes de copies d’actes du chartrier, a très peu d’actes des comtes (5 sur 85) ; au contraire, la seconde partie plus longue, ne puisse plus qu’un dixième des copies dans le chartrier (à en juger par ce qui est conservé), alors que la part des actes de Robert II bondit au point de représenter la moitié des actes. Autrement dit, la petite première partie est bâtie à partir des actes du chartrier et porte surtout sur l'histoire la plus ancienne du comté, avant 1250, la seconde est organisée pour mettre en valeur la personne et l’activité du comte Robert II qui a sans doute ordonné, directement ou par les maîtres d’Artois, de faire ce registre.
25La faible place des copies d’originaux dans la deuxième partie du cartulaire s’expliquerait-elle par le petit nombre d’actes du temps de Robert II au chartrier ? Il n’en est rien si l’on met en parallèle trois séries : l’ensemble des actes de la série A, les actes de toutes origines copiés au cartulaire, les actes de la série A copiés au dit cartulaire (tableau no 8).
26Le tableau no 8 montre clairement que l’auteur du cartulaire avait largement de quoi gonfler la part des actes du temps de Robert II en puisant dans le chartrier. Pour illustrer le gouvernement de Robert II, il a choisi d’abord de copier, pour moitié, des actes du comte lui-même, notamment des confirmations et des vidimus, des nominations, des dons, etc., ce qui est tout à fait étonnant dans un cartulaire, et il a aussi copié quantité d’actes qui, apparemment, n’étaient pas conservés en original dans le chartrier comtal. On voit mal le cartulariste courir les chartriers étrangers pour remplir son registre qu’il fallut peut-être composer vite pour les nouveaux administrateurs. On se demande plutôt si le cartulariste n’a pas puisé dans un ou plusieurs registres de chancellerie disparus, par exemple pour les 75 actes de l’hiver 1269-1270. Après tout, le plus ancien registre conservé n’est postérieur que de dix ans (1282) et il contient en grand nombre des actes semblables à ceux de Robert II (notamment des nominations, des dons).
27Pour dresser un cartulaire, il faut disposer d’archives. L’organisation du chartrier comtal n’est pas connue avant la fin du XIIIe siècle ; c’est de cette époque que datent trois petits inventaires partiels de chartes comtales : deux du bailliage d’Arras, un du bailliage d’Aire. Les deux premiers analysent brièvement une cinquantaine d’actes antérieurs à 1276 avec des additions jusqu’en 1298 ; celui d’Aire énumère dans l’ordre chronologique de 1212 à 1298 10 actes, suivis de plusieurs additions non datées ; ces actes, marqués d’un saing par nombre (cote sous forme de nombre), étaient dans un coffre22. Plusieurs de ces actes sont conservés en original et en copie dans le cartulaire. Mais, d’après les actes signalés plus qu’analysés, ces deux petits inventaires semblent postérieurs au cartulaire et remonteraient au plus tôt à 1298. Leur intérêt est dans le classement par bailliage ; or nous avons vu qu’une main a indiqué en marge dans le cartulaire, au moins au début, le bailliage auquel se rattachait chacun des actes. Mais force est de constater que les actes du cartulaire ne sont nullement rangés par bailliages !
28L’ordre suivi dans le cartulaire ne brille pas, en effet, par sa clarté. La plupart des cartulaires de ce siècle sont des cartulaires de gestion qui suivent l’un ou l’autre de ces plans : ou un classement des actes par auteurs, dans un ordre de dignité décroissant, ou un plan géographique ou un plan thématique ou une combinaison de la géographie et des sujets. Rien de tout cela dans le cartulaire. Nous y trouvons certes des séquences assez homogènes : actes antérieurs à 1250 (nos 8-89), actes de 1269-1270 (nos 126-151 et 215-265) mais, plus souvent, des séquences courtes : actes sur Saint-Vaast (nos 8-16), aveux de fief (nos 29-36), actes de Robert II (nos 126-139), chapellenie d’Hesdin (nos 156-159), dons à des serviteurs (nos 168-174), actes intéressant les biens venus d’Amicie de Courtenay, avec des rétroactes (nos 166-191 et 211-231), traités (nos 192-193), actes de Robert II (nos 215-272), Saint-Omer (nos 261-270). Mais tout ceci ne fait pas un classement clairement pensé, ce qui ne rend pas facile de répondre à la question : qu’a voulu faire l’auteur ou plutôt le responsable, comte ou autre, qui a mis en route ce travail ?
Quand et pourquoi ?
29Seul le contenu du registre permet de donner une date approximative au recueil. Le terminus a quo est donné par le dernier acte écrit de la main principale en 1288 (nos 209)23. L’autre terme est beaucoup moins sûr. Les actes datés des additions du début et de la fin s’échelonnent entre 1269 et 1293, ce qui n’apporte rien de certain, d’autant plus qu’elles sont dues à plusieurs mains. Il est permis cependant de remarquer que le cartulaire contient trois actes sur Calais et Marck, acquis en 1288 (nos 276, 276 bis, 277), mais rien sur Éperlecques et Tournehem acquis en 1298-1298 ni sur les nombreux achats de 1293-1294 pour augmenter la superficie du parc du château d’Hesdin24, alors que pratiquement toutes les acquisitions importantes des deux comtes figurent au cartulaire. On notera aussi que le cartulaire donne la copie de chartes accordées à Aire, Calais, Hénin-Liétard, Marck par les comtes d’Artois, mais pas celles que Robert II leur accorda dès son retour en Artois en avril 129225. On objectera que des arguments e silentio ont peu de valeur, aussi faut-il chercher aussi dans l’histoire politique du comté à la fin du siècle.
30Appelé en 1282 par Charles d’Anjou dans le royaume angevin de Sicile, Robert II n’a pas mis les pieds en Artois pendant dix ans ; Naples était devenue sa capitale. Il rentra fin mars 1292 en Artois mais, dès 1291, il avait préparé son retour en envoyant des hommes de confiance chargés d’enquêter sur l’état de ses domaines et d’y remettre de l’ordre si nécessaire. Son principal agent était, chose étonnante, un Italien dont les Artésiens francisèrent aussitôt le nom, Rinaldo Crignetti de Barletta, en Renaut Coignet de Barlette. Dès juillet 1291, maître Renaut enquêtait sur la situation de l’Artois26. Les maîtres d’Artois disposèrent de plus de neuf mois pour préparer le retour de Robert II et pour faire un certain nombre de réformes27. Réformes administratives, de fond et de forme, accompagnèrent ou suivirent de près le retour de Robert II28. Sur le fond, suppression du poste de bailli d’Arras (1273-1291) dont les fonctions passent aux « maîtres d’Artois » créés en 1282 ; nomination de deux nouveaux maîtres titulaires, dont notre Italien. Sur la forme, les documents administratifs changent : les comptes annuels des maîtres (disparus) passent du rouleau au registre, les registres de chancellerie sont améliorés sur le modèle de ceux de la chancellerie des Angevins de Naples29, confection de rentiers de bailliage, également en registre, dont celui d’Aire remonte à 1291-129230, peut-être nouveau classement des archives, mais les premiers fragments d’inventaire sont, on l’a vu, un peu postérieurs.
31Il serait séduisant et assez logique de placer parmi ces initiatives la confection d’un cartulaire qui informe Robert II de l’état de son domaine et de ses droits après une aussi longue absence, et qui soit aussi un instrument de travail pour ses agents étrangers au pays ; la relative rareté des actes en français – qui deviennent majoritaires dans les actes de la pratique artésienne depuis 1270 – ne pourrait-elle pas s’expliquer par le fait que le cartulaire devait servir à Renaut Coignet qui n’était pas de langue française ? Deux passages du compte particulier (mutilé) des maîtres d’Artois pour le terme de la Toussaint 1291 font allusion à la confection de registres de chartes31. Voici le premier : pour transcrire toutes les letres et les Chartres qui estoient a Saint Martin [Saint-Martin des Champs à Paris] et pour les despens monseigneur Gillebert, maistre Oede et 6 clers qui escrirent ces Chartres par 11 jours, 7 livres 15 sous 4 deniers ; la mention de six clercs, donc de six écritures ne convient pas au cartulaire. Le second : pour un papier des Chartres et des lettres escrire de toute la terre monseigneur d’Artois, les quelles maistre Oede avoit par devers lui, et pour pluseurs escriptures faites en Parllement a Paris, 110 sous ; cela pourrait convenir, n’était le mot « papier ». La preuve décisive manque donc.
32Tout le cartulaire vise à affirmer les droits du comte, sur son domaine d’abord, en Artois et ailleurs (Conches en Normandie, Mehun-sur-Yèvre en Berry) ; le cartulaire contient donc un lot d’actes sur les biens apportés par la première femme de Robert II, Amicie de Courtenay (1272-1276), mais peu sur la deuxième, Agnès de Bourbon (1277-1283). C’est surtout la seigneurie de Conches en Normandie qui bénéficie de près d’une cinquantaine d’actes inédits32. Cette préoccupation domaniale apparaît davantage dans la première partie du cartulaire. Il faut aussi affirmer les droits sur les hommes, notamment la noblesse artésienne, et les institutions, notamment les villes, et les établissements religieux par le biais du droit de garde. Sur ce plan, le comte avait affaire à forte partie contre l’antique abbaye de Saint-Vaast d’Arras qui n’eut de cesse, à coup de procès, de se mettre sous la garde directe du roi, au grand dam du comte33. Cette lutte explique l’insertion, dans les feuillets ajoutés, de deux petits textes de nature historique, dont l’un est daté de 1286, pour prouver par l’histoire de l’Artois les droits du comte sur les abbayes, et nommément celle de Saint-Vaast (annexes 2 et 3) : la thèse de l’agent comtal qui a écrit ces textes ou ces libelles de procès est que, si l’abbaye a pu être sous la garde du roi, ce fut seulement pendant les périodes où l’Artois fut, pour diverses raisons, en la main du roi34. C’est la seconde partie qui insiste davantage sur le pouvoir comtal sur ses sujets, ne serait-ce qu’en donnant une part de choix aux actes émis par Robert II.
33La conclusion de cette laborieuse exploration décevra peut-être. Je dirai prudemment que le cartulaire fut confectionné après 1288, sans doute avant 1293, vraisemblablement peu avant le retour de Robert II en Artois en 1292 ; 1291 est la date la plus séduisante, mais on ne peut en donner de preuve formelle. La confection du registre entre bien en tout cas dans la série de mesures destinées à affirmer et restaurer le pouvoir du comte sur ses terres et ses sujets après une longue absence de dix ans. Quant à l’intérêt documentaire du cartulaire, il est manifeste pour l’histoire du comté au XIIIe siècle. Une cinquantaine de ses actes seulement ont été édités ; il reste beaucoup à faire ! Si jamais quelque érudit voulait le publier, il devrait naturellement recourir aux originaux conservés, tout compte fait, en grand nombre, d’autant que la copie est loin d’être excellente, comme le montre la comparaison des originaux et du registre. Je n’irai pas jusqu’à partager le jugement sévère de Godefroy : « Il y a beaucoup de fautes dans le cartulaire », mais le futur éditeur du cartulaire osera-t-il affirmer avec autant de suffisance : « On peut dire que cette copie [de Godefroy] est beaucoup plus sûre que le Cartulaire35 » ?
Annexe
Annexe no 1. Liste des actes dans l’ordre chronologique
Première colonne : folio où commence l’acte ;
deuxième : numéro de la pièce ;
troisième : date ; les dates entre crochets ne sont pas dans le document ;
quatrième : l’auteur de l’acte ; s’il y en a plus d’un, j'ai mis le nom du premier suivi de points de suspension ;
cinquième : objet de l’acte, très condensé ;
sixième : original de l’acte dans la série A des archives départementales du Pas-de-Calais ;
l’astérisque indique un vidimus, le nombre d’astérisques indique le nombre d’actes vidimés dans l’acte ;
les actes en français sont en italiques ;
le petit cercle après le numéro signale les actes édités, du moins ceux que j’ai repérés.
Annexe 2. Cartulaire, fol. 3 v-4r, no 5
Résumé de l’histoire des maîtres de l’Artois destiné à servir contre les prétentions de l’abbaye de Saint-Vaast d’Arras d'être en la garde du roi, et non en celle du conte d’Artois.
Chaque paragraphe est marqué d’un pied-de-mouche.
Ramenbrance pour le conte d’Artois
Premierement li roy Terris, ancois que il eust conte en Flandrez, fonda Saint Vaast.
Item aprés ce que on ot conte en Flandrez, li quenz Ph[el]ippe donna Ysabiau, sa niece, avoec le conté d’Artoiz, a feme au grant roy Phelippe.
Item cele Ysabel ot dudit roy Phelippe le roy Loeys qui morut a Monpancier.
Item que celui roy Loeys ot de madame Blance IIII enfans, c’est assavoir le saint rois Loeys, le conte Robert, le conte de Poitiers et le conte d'Angyo.
Item le devant diz rois Loys qui morut a Monpochier, comme hoirs et sirez d’Artoiz, fist ou tans de sa bacelerie une ordenance avoec Saint Vaast en laqueie il retint la haute justice en la terre de Saint Vaast, c’est assavoir le rat, le murtre, l’arsin et quanquez de justice a ce apartient, l’ost, la chevauchie, la mounoie, le resort de defaute de droit, l’avouerie et pluseurs autres rentes et droitures.
Item celui rois Loys qui morut a Monpochier ordena en son testament et vaut que Robers, sen fiex, eust Artois et l’autre fiex Aufoins eust Poitiers et mesirez Charles, Angyo.
Item que li sains roys Loys, après la mort son pere, en ensivant la volenté du testament de son devant dit pere, bailla et assena a son frere, le conte Robert, Artoiz et les appartenancez, sanz riens retenir que Fournage tant seulement.
Item que cil de Saint Vaast, après ce que le dit conte Robert ot eu l’assentement de sa terre d’Artois, cil de Saint Vaast leur connurent par leur letre pendant la retenue des justicez desus dites et que ledit conte Robert leur avoit donné moy et esquevinage en leur fourbou[r]s d’Arraz.
Item il a puis esté declairié par jugement que, de cas qui courut a haute justice, cil de Saint Vaast sont tenu a venir a la semonse dudit conte et a respondre ens en sa court et devant lui.
Item il est declairié de novel par jugement que li quenz a le faus monnoiier en la terre de Saint Vaast et la connissance de tel haute justice en sa court.
Item il est par jugement desclairié et de novel et rendu li furent par jugement les conspirateurs qui a force avoient enporté le fiertre Nostre Dame et qui avoient courut par la vile d’Arras a bannieres desploies et a armez, dezqueuz les hunz eurent les testes copees et les autres pendus.
Item il n’a paz XX ans que li quenz justichoit comme sirez souverainz ceuz de Saint Vaast comme ceuz qui sont en sa vile et des appartenancez d’Arras.
Item que li quenz Robers, ses peres, lez justica comme souverains.
Item que, se aucune fois se cil de Saint Vaast ont esté gardé de par le roy, ce fu au tanz le grant roy Phelippe qui tout tenoit et ou tanz le roy Loys son fis et ou tanz le saint roy Loys et ou tans du bail, lequel tans ne cuert paz contre le conte.
Item il n’apert ne ja n’aparra que cil de Saint Vaast feussent onquez, ou tanz le conte Phelippe de Flandres dont la terre est venue au conte d’Artois, gardez par les roys de France.
Item il n’apert pas que cil de Saint Vaast soient ne doivent estre tenuz de la garde le roy, car il ne prenent nul congiet d’eslire et, quant il sont esleu, il ne fait nul sairement de feauté au roy, aussi comme font li autre abbé qui sont de la garde le roy.
Annexe 3. Cartulaire, fol. 3r, no 4, 1286
Rappel de quelques dates de l’histoire du comté d’Artois depuis Philippe Auguste avec, en face, le compte des années pendant lesquelles l’Artois fut en la main du roi et le compte des années pendant lesquelles il fut en celle du comte.
Les paragraphes de la colonne de droite, écrits sur un quart ou un tiers de la page, répondent à un ou deux paragraphes de gauche, réunis en ce second cas par une accolade.
Chaque paragraphe est précédé d’un pied-de-mouche qui le met en valeur.
Anno Domini M° CLXXIX° rex Philippus inungitur [in] regem.
Anno Domini MCLXXX rex Philippus duxit in uxorem Ysabellam, filiam comitis Baldoni, fratris Philippi, comitis Flandrensis.
Anno Domini M° CC° II°, per inquestam factam de assensu comitis Flandrensis et aliorum baronum, prolatum est judicium in curia regis Philippi per inquestam factam super pedagio Bapalmensi.
Anno Domini M° CC° XXIII° obiit rex Philippus cui successit Ludovicus, filius ejus, natus ex dicta Ysabella.
Anno Domini M° CC° XXVII° obiit dominus rex Ludovicus apud Montem Panchier, cui regi Ludovico successit piissimus ultimus Ludovicus, filius ejus.
Anno Domini M° CC° XXXVII° rex Ludovicus, facienz dominum Robertum, fratrem suum, apud Compendium militem, reddit, assignat fratri suo terram Attrebatensem quem tenuerat.
Anno Domini M° CC° XLVIII° rex Ludovicus cum fratribus suis transfretavit et eodem anno dominus Robertus, comes Atrebatensis, frater ejus, apud Mansoram diem claudit extremum.
Tempus istud, scilicet tempus annorum XXI [1180-1202] non currit contra dominum comitem, quia dominus Ludovicus fuit in potestate regis Philippi, patris sui, tum quia rex Philippus, de assensu baronum, pro suo proprio dominio et terra inquisivit et juducavit de pedagio predicto.
Tempus istud quod est quatuor annorum [1223-1227] non currit contra dominum comitem, eo quod iste Ludovicus fuit exercitu christiano de mandato Ecclesie Romane in Albigensi terra contra hereticos et ibi mortuus est, scilicet apud Monpanchier.
Istud tempus, scilicet XI annorum [1237-1248], non currit contra dominum comitem, quia pater suus fuit per dictos undecim annos in potestate regni Ludovici, fratris suis.
Anno Domini M° CC° XLVIII° comes Attrebatensis qui nu[n]c est nassitur et usque ad annum Domini MCCLXVI est in ballo matris sue.
Anno Domini M° CC° sexagesimo sexto exit ballum domine matris sue cum recuperat primo terram suam.
Anno Domini M° CC° LXX comes Attrebatensis transfretat cum rege Ludovico in Tunicias de mandato Sedis apostolice pro negocio Terre sancte.
Anno Domini M° CC° IIIIXXII idem comes fit bajulus regni Sicilie cum domino Gerardo cardinali, Apostolice Sedis legato
Tempus istud, scilicet XX annorum [1248-1266 ?] non currit contra dominum comitem, quia pater suus transfretavit cum exercitu Christiano et ibi mortuus est et in ballo fuit usque ad dictum LXVI annum.
Istud tempus, scilicet fere IIII annorum [1266-1270], non currit.
Nec istud tempus quatuor annorum [1282-1286] currere debet.
Summa annorum substraendorum ab annis Domini MCCII ex causis predictis usque ad tempus presentem MIICIIIIXX et VI, id est LXIIII anni.
Et sic remanent XXI anni, et per istos XXI annos, nec Compendium nec Tornacum nec Remis nec alie ville possunt prescriptionem allegare.
Notes de bas de page
1 Robert-Henri Bautier et Janine Somay, Les Sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Age, Deuxième série, Les Etats de la Maison de Bourgogne, vol. I : Archives des principautés territoriales, fasc. 2 : Les principautés du Nord, Paris, Éditions du CNRS, 1984, p. 242-244 ; j’ai utilisé aussi un petite étude inédite de Pierre Bougard, Les Chartes d’Artois, 5 pages dactylographiées, vers 1960.
2 Adolphe Guesnon, « La trésorerie des chartes d’Artois avant la conquête française de 1640 », Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques, 1895, p. 423-469, ici p. 465-468.
3 [Denis-Charles] Godefroy-Ménilglaise, Les Savants Godefroy. Mémoires d'une famille pendant les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1873.
4 Inventaire analytique et chronologique des archives de la Chambre des comptes à Lille, Lille, 1865, avec un gros index ; va de 706 à 1270, alors que Godefroy avait atteint 1307 et Le Glay avait poursuivi jusqu’en 1390.
5 BnF, nouvelles acquisitions françaises, 22306, fol. 17-18, 33-61 1769) ( ; voir aussi Bruxelles, Archives générales du Royaume, CC no 130.
6 Lille, Bibliothèque municipale, fonds Godefroy, manuscrit 140 (ancien 38), Stein, no 236. Godefroy n’a retenu des additions que les nos 1, 2 et 3.
7 Voir Jules-Marie Richard, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Pas-de-Calais – Série A, tome premier, Arras, 1878, p. VII-IX.
8 Les folios 34, 38, 43, 48, 49, 56, 57, 70, 75, 86 et 87.
9 Fol. 38, no 95 ; fol. 43, nos 105 et 107 ; fol. 70, nos 184 et 186 ; fol. 75, nos 203 et 204 ; fol. 86, nos 244 et 244 bis.
10 Ce no 244 bis a été ajouté en marge par un archiviste du XIXe siècle qui s’est aperçu de la distraction de Godefroy.
11 Il manque un ou des feuillets entre les fol. 104 et 105 au début et 108 et 109 à la fin : si c’est un quaternion comme dans le reste du cartulaire, les feuillets 1, 2, 7 et 8 auraient disparu.
12 Comme : ego sum no [ ], Monspellon (un nom propre ?).
13 Nos 69 et 25, 43 et 40, 70 en 71,20 en 21, 91 et 135 (vidimus de vidimus), 203 et 148.
14 Arbitrage d’innocent IV sur les litiges entre l’abbaye de Saint-Vaast, la ville d’Arras et le comte, nos 10, 8, 9.
15 Acte de Martin, abbé de Saint-Vaast, sur les prés de l’abbaye, de juin 1239, nos 8, 9, 10, 16.
16 Autre charte de l’abbé Martin sur le tonlieu d’Arras de juin 1239, vidimant chaque fois l’accord conclu en 1212 entre l’abbaye Saint-Vaast et le futur Louis VIII qui gouvernait alors l’Artois, nos 8, 9, 10, 15, 125.
17 4 actes sont connus par la copie de l’original et 1 vidimus, 2 actes par l’original et 2 vidimus, 4 par l’original et 4 vidimus, un par 2 vidimus, un par 4 vidimus et un par 5 vidimus.
18 Nos 109, 156, 163, 179, 180, 181, 186, 188, 194, 195, 200, 202, 244.
19 XIe siècle : 3 ; XIIe siècle : 6 ; 1201-1210 : 4 ; 1211-1220 : 5 ; 1221-1230 : 10 ; 1231-1240 : 37 ; 1241-1250 : 75 ; 1251-1260 : 9 ; 1261-1270 : 103 ; 1271-1280 : 4 ; 1281-[1289] : 7, soit 263 actes que l’on peut loger dans telle ou telle décennie.
20 Auguste de Loisne, « Catalogue des actes de Robert Ier, comte d’Artois (1237-1250) », Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques [jusqu’à 1715], 1919, p. 133-207 ; le titre est trompeur : 55 seulement des 161 actes analysés ou édités sont du comte ; sur Robert II, du même auteur : « Diplomatique des actes de Robert II, comte d’Artois (1266-1302) », ibidem, 1916, p. 184-224, sans la liste des actes.
21 Jules-Marie Richard, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Pas-de-Calais. Archives civiles – Série A, 2 vol., Arras, 1878-1885 ; cet inventaire est complet pour les actes (mais pas pour les pièces justificatives des comptes).
22 Inventaires des layes (caisses) des baillies d’Arras et Saint-Vaast, Arras et Aire, tous de la même main, énumérant les actes dans l’ordre chronologique jusqu’en 1298-1299, Archives dép. Pas-de-Calais, A 4812-14
23 La date fait difficulté. L’acte de la comtesse Mahaut de Saint-Pol, mère de Robert II, est daté de mil deus cens quatre vins et wit, el mois de jenvier, soit 1289 nouveau style, mais la comtesse est décédée, semble-t-il, le 29 septembre 1288 (Épigraphie du Pas-de-Calais, tome VI, p. 592, n. 3-4, suivi par Roger Berger, Littérature et société arrageoises au XIIIe siècle. Les Chansons et dits artésiens, Arras, 1983, p. 62) ; qui pis est, la confirmation de l’acte par le roi (no 210) est datée de Mo CC° octogesimo, mense augusti ! Le copiste n’a-t-il pas oublié nono ou plutôt octavo (le roi ne met pas « de bonne mémoire » avant le nom de Mahaut) ?
24 Tableau de ces acquisitions dans Bernard Delmaire, Le Compte général du receveur d’Artois pour 1303-1304, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1977 (Publications de la Commission royale d’histoire), p. XXXIV-XXXVII.
25 Aire, 6-30 avril 1292, éd. Georges Espinas, Droit municipal..., no 29 ; Calais, même date, ibidem, no 377 ; Hénin, même date, donné à Lucheux, ibidem..., no 493 ; et aussi Marck, 8 septembre 1293, ibidem, no 590.
26 C’est ce que mesire Renaus Coignés de Barlete a trouvé par la terre d’Artois l’an IIIIxx et XI puis le jour de la Magdelaine [22 juillet 1291] que il ala entour les baillies (Archives dép. Pas-de-Calais, A 3749) ; L'estat en partie de la terre d’Artois, avant avril 1292 (quant Diex le [le comte] ramerra en son païs), ibidem, A 3750.
27 Robert II était encore à Rome en juin 1291, le 6 avril 1292 il est à Boulogne (Auguste de Loisne, « Itinéraire de Robert II, comte d’Artois 1267-1302) ( », Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques, 1913, p. 362-383, ici p. 375).
28 Ibidem, p. LX-LXII ; Robert-Henri Bautier et Janine Somay, Les Sources..., p. 248-249.
29 Archives dép. Pas-de-Calais, A 2 (Stein, no 233), courant de 1297 à 1299, très différent du premier registre conservé portant sur 1282, A 1 (Stein, no 234).
30 Roger Berger, Bernard Delmaire, Bernard Ghienne, Le Rentier d’Artois, 1298-1299. Le Rentier d’Aire, 1292, Arras, Commission départementale d’histoire et d’archéologie du Pas-de-Calais, 2006, t.1, p. 56-62, t. II, p. 367-440.
31 Ibidem, A 8152, incomplet ; madame Somay avait déjà fait le rapprochement et émis l’idée que le cartulaire avait donc été dressé « à partir de 1291 » (Robert-Henri Bautier et Janine Somay, Les Sources..., p. 242, n. 3).
32 Un seul de ces actes (no 214) est édité dans le vieux livre toujours utile de du Bouchet, Histoire générale de la maison royale de Courtenay, Paris, 1661, Preuves, p. 36 ; à noter que l’exemplaire de la Bibliothèque municipale de Lille a été annoté par Denys-Joseph Godefroy qui l’a muni de son ex-libris armorié. Les actes du cartulaire intéressant Conches ont été connus de l’érudit normand Le Prévost qui en analyse quelques-uns en renvoyant au numéro du cartulaire, v. Léopold Delisle et Louis Passy, Mémoires et notes de M. Auguste Le Prévost pour servir à l’histoire du département de l’Eure, Évreux, A. Hérissey, 1862, p. 144, 187, 525 ; aussi (par Le Prévost ?) d’Alexandre Gardin, Notice historique sur la ville de Conches, Évreux, 1863. Je remercie vivement Christophe Maneuvrier (Université de Caen) qui m’a donné ces précisions avec une extrême obligeance.
33 Anne Demarquilly et Bernard Delmaire, « Le domaine de l’abbaye de Saint-Vaast en Artois : la “vue” ou “ostension” de 1296 », Histoire et archéologie du Pas-de-Calais, t. XXI, 2004, p. 37-66, ici p. 37-42.
34 Le texte latin (annexe no 3) est dirigé aussi contre les villes, bien plus nombreuses que les trois nommées, qui veulent échapper au paiement du péage de Bapaume, première source de revenu des comtes d’Artois.
35 Bibliothèque municipale de Lille, fonds Godefroy, no 140, fol. 6r, et non au fol. 1 comme il est écrit au Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements – tome XXVI, Paris, 1897 [par H. Rigaux], p. 545 (à l’ancien no 38).
Auteur
Université Charles de Gaulle - Lille 3 - IRHIS (UMR 8529).
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