Introduction : pour une histoire du trésor des chartes des comtes d'Artois (xiiie-xixe siècle)
p. 7-21
Texte intégral
1« Malgré ses lacunes, le Trésor des chartes d’Artois forme encore un des plus curieux fonds d’Archives qui se puissent rencontrer en province. Sans doute il ne comprend guère qu’un siècle et demi de l’histoire d’Artois, dont il faut chercher la suite aux archives de la Chambre des comptes à Lille, mais dans cet espace de temps il est difficile d’imaginer un plus bel ensemble de documents embrassant toutes les parties et pénétrant dans tous les détails de la société féodale ». Jules-Marie Richard, qui dirigeait alors les services d’archives du département du Pas-de-Calais, évoquait en ces termes, en 1878, le fonds qu’il venait d’inventorier, et auquel il devait consacrer des travaux toujours indispensables aux chercheurs. Il en signalait ainsi l’extrême richesse, tout en laissant entrevoir les obstacles auxquels se heurte encore aujourd’hui qui souhaite en entreprendre l’étude, ou construire un corpus en puisant dans une documentation exceptionnelle1.
2Un siècle et demi de l’histoire de l’Artois, de 1237 à 1384 : manière de rappeler que l’histoire du Trésor des chartes est indissociable de celle de la principauté. Nous devons en effet nous souvenir, comme le rappelle B. Delmaire, que l’existence autonome du comté d’Artois fut relativement brève2. À l’origine, l’histoire du comté est celle, on le sait, de l’ensemble de droits et de possessions appelés à constituer la dot attribuée par le comte de Flandre Philippe d’Alsace à sa nièce Isabelle de Hainaut, lorsque cette dernière devint la femme de Philippe Auguste, au début du règne, en 1180. Un demi-siècle plus tard, le roi Louis VIII (1223-1226) constitua l’Artois en apanage au profit de son fils Robert. En 1237, lors des cérémonies de Compiègne, Robert reçut l’adoubement et épousa Mathilde de Brabant. C’est alors que le frère de Louis IX, qui devait mourir en Égypte en 1250, entra en possession de sa part de l’héritage paternel3.
3Il n’y a pas lieu d’insister ici davantage sur l’Artois en tant que construction politique4. En revanche, à l’histoire politique de la principauté fait écho la constitution de l’Artois comme « espace documentaire » (P. Bertrand)5 : processus dynamique qu’il convient au moins de rendre apparent, à défaut d’être toujours en mesure d’en saisir les modalités, lorsque l’on s’efforce de faire du Trésor des chartes d’Artois lui-même un objet d’étude.
4Prenant appui sur une très ancienne tradition savante, « l’érudition transfigurée » a fait émerger un nouveau questionnaire6. Les problèmes relatifs à la culture et aux pratiques de l’écrit d’une part, aux conditions d’élaboration et de conservation des documents d’autre part, en amont et en aval de la « révolution documentaire » du XIIIe siècle, conduisent à s’interroger, à propos des logiques de constitution et de transmission des fonds, vivants ou fossilisés, sur les fonctions de la « mise en archives » (Y. Potin). On mesure mieux désormais de quelle manière, sur le plan des usages et des pratiques de conservation, fonction administrative et fonction politique s’entrecroisent. La dimension juridique des processus de conservation est certes souvent très explicite : conserver des actes, c’est, bien entendu, conserver la possibilité de faire valoir des droits dans l’avenir. Mais les opérations de conservation et de transmission des archives sont aussi les figures d’un discours du pouvoir et d’un discours sur le pouvoir, dont il s’agit au moins d’établir ou de renforcer la continuité, en conférant à celle-ci son épaisseur temporelle7.
5Loin de prétendre prendre en compte toutes les implications de ces questions si profondément renouvelées dans la dernière décennie, on proposera seulement ici, en forme d’introduction au présent volume, une esquisse de l’état des connaissances relatives au Trésor des chartes d’Artois, en se fondant sur les travaux existants, qui sont autant d’indispensables instruments de recherche8. En dépit d’un certain nombre de difficultés, dont la principale est certainement la transgression – peut-être alors inévitable – du principe de respect des fonds, lors des classements successivement entrepris par Denys-Joseph Godefroy à la fin du XVIIIe siècle puis par Jules-Marie Richard au siècle suivant, il n’est sans doute pas interdit de penser que l’enquête, reprise à nouveaux frais, livrerait de nouveaux résultats. Tel est du moins l’espoir sur lequel repose le présent propos.
6Les conditions de la constitution et de la croissance du Trésor des chartes d’Artois font écho à l’histoire du gouvernement du comté, de la formation de la principauté à son intégration dans l’État bourguignon (I). Aux derniers siècles du Moyen Âge, l’organisation, la conservation et la gestion des archives comtales sont l’objet de l’attention des pouvoirs, ce dont témoigne notamment l’attribution de la garde des chartes d’Artois (II). Mais ce sont les choix effectués par les autorités responsables du fonds, du XVIe au XIXe siècle, qui expliquent pour une large part son actuel état de conservation (III).
I
7« Trésor des chartes d’Artois » : consacrée par l’usage, l’expression peut sembler présenter une certaine ambigüité, que le contexte suffit cependant à lever. Rappelons tout de même qu’elle peut être entendue en une acception restreinte, et désigner alors strictement le chartrier comtal, ou qu’au contraire, prise en un sens extensif, elle renvoie à la totalité de la série A des Archives Départementales du Pas-de-Calais, ce qui revient pour l’essentiel à ajouter, au noyau constitué par le chartrier comtal, l’ensemble considérable de documents comptables qui a été conservé à Arras9.
8Le Trésor des chartes d’Artois est d’une richesse indiscutable. S’il reste possible de partager sur ce point le constat qu’effectuait autrefois J.-M. Richard, c’est que les désastres de la Grande Guerre l’ont épargné. À la fin du XVIIIe siècle, Godefroy avait fait transférer les archives à l’abbaye Saint-Vaast d’Arras, alors que l’établissement venait d’être reconstruit. Consécutif à un bombardement, l’incendie de Saint-Vaast, le 5 juillet 1915, a entraîné la perte d’une grande partie des fonds ; le Trésor des chartes d’Artois, cependant, a échappé entièrement ou presque à ces destructions10.
9Constitué, pour l’essentiel, de documents des XIIIe et XIVe siècles, le fonds compte plus de 26 000 pièces. Celles-ci concernent très majoritairement l’Artois, naturellement, mais nombre d’entre elles se rapportent à d’autres régions où comtes et comtesses d’Artois avaient des intérêts, telles la Normandie, avec le bailliage de Domfront11, ou la comté de Bourgogne ; tel, aussi, le royaume de Naples, en raison de la présence du comte Robert II en Italie du Sud à la fin du XIIIe siècle12.
10La borne inférieure de la fourchette chronologique dans laquelle s’inscrivent les documents du Trésor des chartes d’Artois correspond à l’année 1385. À partir de cette date, en effet, le fonds a cessé de croître. Après la mort de Louis de Male, comte de Flandre, en 1384, l’Artois est entré dans l’État bourguignon, alors sous l’autorité de Philippe le Hardi, le fils de Jean le Bon, qui avait reçu le duché en 1363. Intégré aux possessions du duc de Bourgogne, le comté ne produit plus d’archives qui lui soient spécifiques. Cette phase de transformation politique est accompagnée d’une mutation des structures administratives : en janvier 1386 est créée la Chambre des comptes de Lille, sous l’autorité de laquelle est désormais placée l’administration de l’Artois.
11Ces changements dans l’ordre politique et administratif affectent la gestion et la conservation des archives. Désormais, les documents relatifs à l’Artois sont appelés à être conservés à Lille, au Trésor des chartes de Flandre ou à la Chambre des comptes. Cependant, les archives des comtes d’Artois, qui étaient conservées à Arras antérieurement à cette date, restent majoritairement sur place. Majoritairement, mais non dans leur totalité : des documents antérieurs à 1385 sont tout de même transportés, plus de deux siècles plus tard, d’Arras à Lille. Il s’agit notamment de documents comptables, et, en particulier, de la quasi-totalité des registres. Ce déplacement des documents comptables répond alors à une décision prise en 1619 par les archiducs – les souverains des Pays-Bas : le fils de l’empereur Maximilien II, Albert d’Autriche, et son épouse Isabelle, fille de Philippe II13.
12Arras, Lille, mais également Paris : les points d’intersection entre l’histoire du comté d’Artois et celle de la royauté capétienne sont suffisamment nombreux pour que l’histoire des archives comtales concerne aussi la capitale du royaume. Des documents antérieurs à l’attribution de l’Artois en 1237 au frère de Louis IX, Robert, ont été conservés dans les layettes du Trésor des chartes des rois de France, et se trouvent par conséquent aujourd’hui aux Archives Nationales. Par la suite entre Arras et Paris s’est édifiée une « double stratification des archives », comme l’écrivait A. Guesnon14. Entre 1237 et 1385, en effet, les archives des comtes d’Artois ont été conservées à la fois au château comtal à Arras, siège de l’administration du comté, et à Paris, lieu de résidence des comtes et comtesses, en deux endroits, d’une part à l’hôtel d’Artois, situé rue Mauconseil (près de l’actuelle rue Étienne-Marcel), que Robert II avait acquis en 127015, et d’autre part à l’abbaye de Saint-Martin-des-Champs, destinée peut-être à accueillir les dossiers qu’il convenait de mettre en sécurité16. Ce n’est qu’au début du XVe siècle que les archives comtales conservées à Paris ont été réunies à celles qui se trouvaient à Arras.
13On le conçoit, donc : l’histoire des archives des comtes d’Artois n’est pas une histoire linéaire – ce qu’aurait pu être celle de la sédimentation progressive des archives en un lieu unique. Au contraire, entre Arras, Lille et Paris, il s’agit, pour partie, d’une histoire éclatée.
II
14L’organisation et la gestion du Trésor des chartes d’Artois bénéficient de l’attention des pouvoirs, dont les préoccupations en la matière ne sont cependant pas attestées, semble-t-il, avant la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle.
15L’existence même d’un certain nombre de documents témoigne de ce souci. C’est alors, notamment, qu’est élaboré le « premier cartulaire d’Artois », rédigé sous Robert II, à la fin du XIIIe siècle (il comporte 289 actes, dont les trois quarts concernent Robert Ier et Robert II)17. On sait que dans le même temps, les actes du chartrier comtal ont fait l’objet d’un classement : ils ont été répartis par bailliages en différentes « layes » (coffrets), tandis que des analyses (en latin) ont été portées au dos des pièces. Au début du XIVe siècle, sous le gouvernement de la comtesse Mahaut (morte en 1329), on a procédé à l’inventaire du chartrier, pour chacune des « layes ». Cet inventaire, partiellement conservé, reprend les analyses (en français) portées au dos de tous les actes antérieurs à 130018.
16Preuve est donnée de cette mise en ordre et de ce souci de gestion par la mention répétée d’agents du pouvoir comtal ayant la responsabilité de la garde des archives de la principauté, dont la fonction paraît cependant se transformer au fil du temps. Sans procéder à l’examen de la série chronologique de ces agents, retenons quelques noms et quelques situations qui peuvent sembler significatifs19.
17Nulle trace ne subsiste d’un garde des chartes en titre pour la première moitié du XIVe siècle ; sans doute peut-on retenir la suggestion de J.-M. Richard, selon laquelle un clerc de la chancellerie a alors probablement rempli cette fonction20. La première mention d’un personnage effectivement en charge de la garde des archives comtales se rapporte au double dépôt parisien. Le fait ne saurait surprendre : à la double stratification des archives des comtes d’Artois, à l’existence, donc, de différents lieux de conservation, à Paris et à Arras, répond une forme de « dualisme administratif ». Le personnage dont il est question se nomme Guillaume Goolin (ou Goly). Clerc dijonnais, licencié dans les deux droits, il est attesté en 1337, et toujours en fonction en 1342. Guillaume Goolin a eu la charge de dresser un inventaire de chacun des deux dépôts parisiens (à l’hôtel d’Artois et à Saint-Martin-des-Champs), aidé dans sa tâche par un clerc des comptes d’Arras, Robert Ghéluy, « cheville ouvrière » de l’administration comtale jusqu’à sa mort en 136921.
18Si l’on en croit toutefois A. Guesnon, le premier garde des chartes d’Artois « dont le titre officiel ne saurait être contesté » n’apparaît qu’en 1380, en la personne de Robert Ghineman, clerc (il avait reçu la prêtrise) et auditeur des comptes. On entrevoit, durant la période où Robert Ghineman est en fonction, que les responsabilités afférentes à l’office sont prises au sérieux par son titulaire et l’entourage de celui-ci. En 1392, alors que le garde des chartes est tombé gravement malade, le bailli d’Arras, Pierre de Lattre, juge nécessaire d’intervenir, afin de faire poser
ung fort loquet à Puis de le chambre des Chartres du trésorier d’Artois, qui est dessus la porte devant l’ostel de la Court le Comte d’Arras, pour ce que messire Robert Ghineman, qui avoit la garde dudit tresor, estoit si malades qu’on n’y attendoit point de vie, afin que aucune personne ne entrast oudit tresor pour y faire mal, car les gens dudit Robert ne voloient rendre les clefs, si ce n’estoit par l’ordenance de mons. le chancelier de Bourgogne.22
19À la fin du XIVe siècle, dans le contexte politique et administratif que l’on a indiqué, et dans une perspective centralisatrice, le duc institue un office de garde général des chartes de Flandres, Artois, Rethelois, Limbourg et Brabant. Il le confie en 1399 à son secrétaire Thierry Gherbode. Des gardes des chartes locaux sont néanmoins maintenus en fonction23.
20Toutefois, comme on s’en souvient, à ce moment, le dépôt a cessé de croître, et son activité est sans doute d’une assez faible intensité. Il se pourrait que, par conséquent, l’office de garde des chartes d’Artois ait perdu de son importance, et apparaisse désormais comme une sinécure – du moins comme une fonction à caractère honorifique. C’est en tout cas ce que peuvent laisser croire les conditions de son attribution en 1410. À cette date en effet, le procureur général de l’Artois, Tassart le Jone, est, à sa demande, relevé de la charge qu’il avait exercée durant trente ans, « par consideracion de sa foiblesse et son ancien eaige, ouquel il estait ja bien avant decliné » : comme en remerciement des services rendus, c’est la garde des chartes de l’Artois qui lui est alors confiée24.
21L’utilité d’un tel office est elle-même mise en doute, alors que les gens de la Chambre des comptes de Lille veillent aux intérêts princiers, dans le contexte, peut-être, d’une sorte de révision générale ou partielle des politiques ducales, assez commune dans les États princiers du temps. Témoigne en tout cas de cette vigilance l’avis savoureux contenu dans un rapport à peu près contemporain, provenant justement de la Chambre des comptes :
Item, et en la ville d’Arras, a un certain office que on dist le garde des Chartres et previleges de mondit seigneur seans audict lieu, et lequel a cent francs monnoie roial chascun an de gaages, et si n’a ne charge ne travel de quelque chose faire, si non tant seullement de garder la clefz servant a la tresorerie desdictes Chartres ; et advient le plus des annees que en ladicte tresorie ledict garde ne va que une fois ou deux, et semblent gaiges inutilles et dont mondict seigneur le duc se passeroit tres bien. Et premierement que ledict office fu cree par mondict seigneur ou ses predecesseurs contes d’Artois, ledict office fut baillié par maniere de provision et durant sa vie a Tassart le Jone, qui, par son ancienneté, se depporta lors de l’office de procureur general d’Artois, que par grant temps il avoit exercé : neantmoins, il s’est depuis trait en consequence.25
22Notons qu’en dépit d’un tel avis, le garde des chartes d’Artois sous l’administration duquel ce rapport a été adressé au duc, un certain Philippe des Poulettes, avait succédé à son père Jean des Poulettes dans cet office (la résignation de la charge en faveur du fils, avec l’autorisation ducale, avait été prévue dès 1428), et que ce même Philippe des Poulettes est resté en fonction pendant une trentaine d’années, entre 1434 et 1468. En apparence, la continuité et l’inertie l’avaient alors emporté26.
23L’un des successeurs de Philippe des Poulettes a terminé sa carrière sur l’échafaud. Son exécution, on s’en doute, n’est pas la sanction des méfaits qu’il aurait commis dans l’exercice de son office. L’épisode mérite néanmoins que l’on s’y attarde, dans la mesure où il permet de mesurer quelle était alors la valeur sociale que l’on conférait au titre de garde des chartes d’Artois.
24Clarembault Couronnel, écuyer, seigneur de Memes, garde des chartes, a été décapité à Hesdin en 1477, « executé par justice » sur ordre de Louis XI, pour, dit le roi, « aucuns grans cas, crimes, delis et malefices par lui commis et perpetrés à l’encontre de nous27 ».
25Le contexte est celui de l’expression des ambitions que manifeste le roi de France Louis XI à l’égard des possessions bourguignonnes après la mort de Charles le Téméraire, survenue le 5 janvier 1477, et, face à cette entreprise expansionniste, des tentatives visant à défendre l’héritage de Marie de Bourgogne, fille du Téméraire (laquelle épouse au mois d’avril de cette même année 1477 Maximilien de Habsbourg – alliance de ceux qui devaient devenir les grands-parents de Charles Quint).
26Louis XI entre dans la Cité d’Arras le 4 mars 1477, tandis que la Ville (l’autre noyau urbain) ne fait sa reddition qu’une douzaine de jours plus tard, le 16 mars. Une partie des Arrageois, parmi les puissants, s’inquiétait de la domination française. L’incertitude demeurait face au rapport des forces, susceptible de mettre en péril les positions sociales. Une ambassade est envoyée auprès de Marie de Bourgogne, afin d’exposer à celle-ci les conditions de l’accord qui vient d’être passé avec les ambassadeurs du roi de France. Cette délégation de dix-huit députés est conduite par le procureur d’Arras et du comté d’Artois, Oudard de Bussy, qui a été avocat au Châtelet de Paris, et par Clarembault Couronnel. Les députés sont arrêtés près de Lens par les gens du roi, qui les conduisent à Hesdin. Là, certains d’entre eux, et notamment Oudard de Bussy et Clarembault Couronnel, sont décapités sur la place du marché, sous l’accusation de trahison et de lèse-majesté envers le roi ; ils sont considérés comme parjures, puisque les Arrageois avaient fait leur soumission au roi. La nouvelle de ces exécutions se greffe au mécontentement des habitants de la Ville d’Arras, laquelle entre en rébellion. Cette insurrection conduit à un nouveau siège, et à la capitulation, face aux troupes royales, le 4 mai suivant28.
27L’office de garde des chartes n’apparaît pas au cœur de ces conflits, à l’évidence. Mais il n’est pas indifférent qu’à son détenteur ait incombé – non pas ès qualités, certes - la mission qui lui a coûté la vie. Il n’est pas indifférent non plus que l’office ait été confié, temporairement du moins, après l’exécution de Clarambault Couronnel, à Jean de La Vacquerie. Celui-ci avait été avocat de la ville d’Arras. Il s’était initialement posé en défenseur de l’héritage de Marie de Bourgogne. Rapidement, toutefois, il avait choisi de se rallier et d’offrir sa fidélité au roi, ce dont il devait être récompensé lorsqu’il devint plus tard premier président au Parlement de Paris.
28Marqueur d’une position sociale au sein du groupe dominant, l’office de garde des chartes d’Artois constituait désormais l’un des multiples composants du capital symbolique appelé à circuler au sein de ce groupe au gré des processus de recomposition politique. La fonction avait sans doute perdu tout caractère névralgique. Néanmoins, le dépôt des chartes d’Artois devait tout de même continuer à susciter, au cours des siècles, l’intérêt des pouvoirs29.
III
29Outre la décision des Archiducs, prise en 1619, de faire transporter une partie des archives comtales (les documents comptables) d’Arras à Lille, les modernes n’ont pas négligé le Trésor des chartes d’Artois. L’intérêt qu’ils ont manifesté en différentes circonstances à son égard et les décisions qu’ils ont parfois prises permettent de comprendre la situation dans laquelle il se trouve aujourd’hui, et ont de fait une incidence sur les conditions actuelles de la recherche.
30En 1526, sur l’ordre de l’empereur Charles Quint, Jean Caulier, garde des chartes d’Artois (mort en 1531), et Jean de Feuchy, abbé du Mont-Saint-Éloi, procèdent à la rédaction d’un inventaire analytique du chartrier, dans l’ordre des layettes. Soucieux des « grand préjudice et dommages » subis ou prévisibles du fait que « vrais ne justes répertoires ne s’en trouvent avoir eté fait », l’empereur, par ses lettres de Bruxelles, le 27 novembre 1526, demandait que soit composé « un nouveau répertoire juste, seure et véritable de tous et quelconques les titres, Chartres, lettres et registres, comptes, informations, rapports, dénombrements et autres enseignemens qui sont à présent en ladite trésorerie d’Artois audit Arras30 ».
31Vingt ans plus tard pourtant, en 1547, un nouvel inventaire est rédigé. Cette entreprise représente la dernière tentative de classement jusqu’au règne de Louis XVI31. L’inventaire de 1547, s’il reproduit pour l’essentiel celui de 1526, y ajoute un important complément, puisque sont alors répertoriés des comptes et des dénombrements qui n’avaient pas retenu l’attention auparavant. L’importance de ces pièces est néanmoins sous-estimée : négligés, ces documents demeurent par conséquent à Arras – contribution involontaire à la richesse future de la série A des Archives Départementales du Pas-de-Calais32.
32D’autres circonstances ont cependant conduit à la dispersion de bien des pièces. On tend, à Arras comme ailleurs, à situer à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle l’essentiel des destructions et des pertes, et à attribuer celles-ci aux pillages de la Révolution. C’est oublier tout de même que certains documents ont connu un tel sort dans une période bien antérieure à l’époque révolutionnaire. Dès la fin du XVIIe siècle, nombre de documents, des comptes en particulier, ont été prélevés dans le Trésor des chartes d’Artois, destinés à Colbert et au cabinet des manuscrits du roi. Ces comptes sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de France, principalement dans la collection Flandre-Artois. D’autres pièces ont rejoint des collections particulières (collections Moore, Monteil, Philipps, Normand), dont certaines ont ensuite fait retour dans différents dépôts publics. Le libraire Amans-Alexis Monteil avait ainsi constitué, dans les années 1830, une collection de manuscrits (qu’il dispersa par la suite) qui comprenait nombre de rouleaux et de registres de comptes provenant du Trésor des chartes d’Artois. Certains recueils provenant de cette collection (composés suivant l’usage qui consistait à assembler les pièces dans des albums) se trouvent aujourd’hui aux Archives Départementales du Pas-de-Calais, mais aussi à la Bibliothèque nationale de France, aux Archives Nationales, dans les bibliothèques municipales de Calais et Saint-Omer, ainsi qu’à la Bibliothèque royale de Belgique33.
33Le dernier trésorier des chartes d’Artois en titre est l’avocat Josse-François-Sophie Binot, membre actif de l’Académie royale des belles-lettres d’Arras, nommé en 1742, mort en 1792. Son nom s’est toutefois trouvé éclipsé par celui de Denys-Joseph Godefroy. Celui-ci, né à Lille en 1740 et mort dans cette même ville en 1819, membre de la dynastie des Godefroy, juristes, érudits et archivistes, devint garde des archives de la Chambre des comptes de Lille en 1760 ; à ce titre, il y effectua des travaux d’inventaire. Émigré en 1792, il revint à Lille en 1801 pour prendre la direction de la bibliothèque de la ville34.
34Comprendre le rôle exercé par Godefroy impose un retour sur la conjoncture intellectuelle de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. L’écriture de l’histoire suscite alors un vif intérêt, non dénué d’enjeux politiques ; le souci d’affirmer la vigueur de l’identité régionale rappelle aussi que le rattachement de l’Artois au royaume n’est antérieur que d’à peine plus d’un siècle. Ces préoccupations d’ordre historique sont illustrées par la publication, dans les années 1780, des œuvres de dom Devienne et du chanoine Hennebert, ou encore par la rédaction des travaux, restés inédits, de l’avocat et professeur à l’École militaire Jean-Grégoire Bauvin.
35Dom Devienne et le chanoine Hennebert, auteurs, chacun, d’une histoire de l’Artois, ont vivement polémiqué35. Dom Devienne (Charles-Jean-Baptiste d’Agneaux), membre de la Congrégation de Saint-Maur, est né en 1728 et mort en 1792. Outre l’Histoire d’Artois, il est également l’auteur d’une Histoire de Bordeaux36. Il endosse, face à son adversaire, le rôle du tenant de l’érudition bénédictine, de la critique mauriste et de la distanciation intellectuelle (position qui l’entraîne, à la fin de sa vie, du côté des idées révolutionnaires). Au contraire, Jean-Baptiste-François Flennebert (1726-1795), chanoine de la cathédrale de Saint-Omer, incarne la célébration sentimentale de la petite patrie. « De quel oeuil, demandait Hennebert, des compatriotes doivent-ils envisager les efforts d’une plume étrangère, pour leur ravir une gloire que l’un d’eux pourrait mériter ? » Parce que, selon lui, la distance critique ne pouvait que desservir le combat politique, la légitimité de la démarche de dom Devienne, étranger à la province, paraissait suspecte.
36Résumée de la sorte, la polémique est sans nuance, et les positions assignées aux deux protagonistes sont évidemment figées à l’excès. Si elles ne sont pas méconnues, les conditions dans lesquelles se déploya la querelle qui mit aux prises les deux historiens de l’Artois mériteraient certainement une nouvelle enquête, qui permettrait de mieux saisir les déterminants culturels et sociaux de leur opposition37. Reste un contexte dont on comprend qu’il était favorable à la résolution de ce qui apparaissait aux yeux des contemporains comme un problème : le désordre dans lequel se trouvait alors le Trésor des chartes d’Artois, considéré comme un obstacle à ces travaux historiques.
37En 1774, du fait d’un tel constat, les États d’Artois décident de faire procéder à un classement du dépôt d’Arras : « l’assemblée générale demiere aïant chargé le sr Beauvin de travailler à l’histoire générale de la province d’Artois, il a representé aux deputés ordinaires qu’il ne pouvoit remplir cet objet sans se procurer auparavant les materiaux nécessaires38 ».
38Telles sont les conditions dans lesquelles, quelques années plus tard, en 1786, Denys-Joseph Godefroy est chargé par le roi et par les États de classer et d’inventorier le Trésor des chartes d’Artois. On retiendra que cette désignation fait l’objet de discussions entre le gouvernement royal et les États d’Artois. Ceux-ci, mus par un patriotisme provincial semblable à celui qui animait le chanoine Hennebert, redoutaient en effet l’indépendance de Godefroy, susceptible selon eux de « porter un œil scrutateur dans les chartes de la province39 ». L’obstacle levé, une fois sa désignation acquise, Godefroy se met à la tâche. Il achève en 1788 un premier volume d’inventaire ; après sa mort, en 1819, les deux volumes suivants sont composés d’après les fiches qu’il a laissées.
39« Il est difficile d’imaginer un plus bel ensemble de documents embrassant toutes les parties et pénétrant dans tous les détails de la société féodale », écrivait Jules-Marie Richard en 1878. C’est à ce dernier qu’il est nécessaire de revenir au terme de ce survol. Après les efforts accomplis par Godefroy, les « grands travaux » qui affectent le Trésor des chartes d’Artois sont en effet son œuvre, à partir de 1874. Sous son autorité, un nouveau classement est effectué. La répartition des pièces en trois sections – chartes, comptabilité, justice – transgresse, on l’a dit, le principe du respect des fonds, mais constitue alors, vraisemblablement, la solution la plus commode, dans la continuité de l’entreprise de Godefroy (lequel avait renoncé au classement par layettes et adopté un critère chronologique)40.
40De ce classement, et des choix qu’il induit, les chercheurs restent aujourd’hui tributaires. Il leur revient d’en mesurer les biais, condition de l'accès aux richesses d’un fonds documentaire exceptionnel. Cette condition remplie, on ne peut qu’espérer qu'ils trouvent là matière à entreprendre de nouvelles enquêtes.
41L’ambition initiale de l’équipe qui a organisé les rencontres ayant conduit à la présente publication était triple, en effet : dresser un état des travaux en cours autour du Trésor des chartes des comtes d’Artois, attirer l’attention des chercheurs sur l’importance du fonds, susciter de nouvelles recherches et de nouveaux projets. Les contributions rassemblées dans les pages qui suivent s’attachent en particulier à la production documentaire, à la société politique et aux formes de gouvernement et d’administration du comté, aux pratiques judiciaires et aux pratiques de dévotion, ainsi qu’à la mémoire généalogique. La diversité des thèmes et des approches témoigne de l’importance des archives des comtes d’Artois. Formulons le souhait que ces travaux trouvent des prolongements dans les années à venir, et que leur fécondité puisse se mesurer à l’ampleur des chantiers qui s’ouvriront41.
Notes de bas de page
1 Voir Jules-Marie Richard, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Pas-de-Calais. Archives civiles – Série A, 2 t., Arras, 1878-1887. Outre cet inventaire, on doit à Jules-Marie Richard un livre classique sur Mahaut d’Artois : Mahaut, comtesse d’Artois et de Bourgogne (1302-1329), Paris, H. Champion, 1887 (rééd., PyréMonde, 2006), ainsi qu’une série de travaux parmi lesquels on peut mentionner l’article consacré à Thierry de Hérisson : « Thierry d’Hireçon, agriculteur artésien (13..-1328) », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 53, 1892, p. 383-416 et 571-604. La citation figure au 1.t de l’inventaire, p. XIII.
2 Bernard Delmaire, Le Compte général du receveur d’Artois pour 1303-1304, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1977 (Publications de la Commission royale d’histoire), p. XV.
3 Jean Richard, Saint Louis, roi d’une France féodale, soutien de la Terre sainte, Paris, Fayard, 1983, p. 133-135.
4 Voir dans ce volume la contribution d’Élisabeth Lalou.
5 Suggestion formulée lors des conclusions de la journée de septembre 2007.
6 On peut notamment se reporter au dossier coordonné par E. Anheim et P. Chastang et consacré aux « Pratiques de l’écrit (VIe-XIIIe siècle) », Médiévales, 56, printemps 2009, ainsi qu’à la synthèse proposée par Olivier Guyotjeannin, « L’érudition transfigurée », dans Jean Boutier et Dominique Julia (dir.), Passés composés. Champs et chantiers de l’Histoire, Paris, Autrement, 1995, p. 152-162.
7 Voir en particulier, pour le cas royal et français, Olivier Guyotjeannin, « Les méthodes de travail des archivistes du roi de France (ΧΙΙΙe-début XVIe siècle) », Archiv für Diplomatik, 42, 1996, p. 295-373 ; du même « Super omnes thesauros rerum temporalium : les fonctions du Trésor des chartes du roi de France », Écrit et pouvoir dans les chancelleries médiévales : espace français, espace anglais, Louvain-la-Neuve, 1997, p. 109-131 ; Olivier Guyotjeannin et Yann Potin, « La fabrique de la perpétuité. Le Trésor des chartes et les archives du royaume (XIIIe-XIXe siècle) », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 15-44 ; Yann Potin, « L’État et son trésor. La science des archives à la fin du Moyen Âge », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 133, 2000, p. 48-52. Pour un exemple proche : Jean-François Nieus, « Le chartrier des comtes de Saint-Pol au XIIIe siècle. Approche d’un fonds disparu », Histoire et archéologie du Pas-de-Calais, t. 21, 2003, p. 11-36. D’autre part, les conceptions et les pratiques des érudits modernes suscitent aujourd’hui un intérêt renouvelé, dont témoigne par exemple la publication des actes du récent colloque consacré à Étienne Baluze : Jean Boutier (dir.), Étienne Baluze, 1630-1718. Érudition et pouvoirs dans l'Europe classique, Limoges, Pulim, 2008.
8 Jules-Marie Richard, Inventaire-sommaire..., tome premier, p. I-XV : « Le Trésor des Chartes d’Artois. Introduction » ; Adolphe Guesnon, « La Trésorerie des chartes d’Artois avant la conquête française de 1640 », Bulletin philologique et historique..., 1895, p. 423-469 ; Robert-Henri Bautier et Janine Somay, Les Sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Âge, Deuxième série, Les États de la maison de Bourgogne, vol. I : Archives des principautés territoriales, fasc. 2 : Les principautés du Nord (avec la collaboration de Françoise Muret), Paris, Éditions du CNRS, 1984 : « Comté d’Artois », p. 235-393 (avec le concours de Pierre Bougard).
9 Sur ces questions de définition et de délimitation, on pourra se reporter aux travaux issus de la journée d’études consacrée aux chartriers princiers organisée à l’Université d’Artois en septembre 2010, en cours de publication.
10 Voir la « Chronique des archives » du Bulletin philologique et historique (jusqu’à 1715) du comité des travaux historiques et scientifiques, années 1926 et 1927, établie par G. Besnier pour le département du Pas-de-Calais (p. 399-403).
11 Dép. Orne, Arr. Alençon.
12 Robert II d’Artois, mort en 1302 à la bataille de Courtrai, a participé à l’expédition de Sicile, afin de porter secours à Charles d’Anjou après l’épisode des Vêpres siciliennes (1282) ; il a gouverné pendant quelques années la Sicile au nom de Charles II après la mort de Charles Ier en 1285. Voir dans ce volume la contribution de Xavier Hélary.
13 Cf. Robert-Henri Bautier et Janine Somay, Les Sources..., p. 33 : « En 1620, les archives de la Chambre des comptes de Lille s’accrurent d’une masse de registres de comptes provenant des archives comtales d’Artois, de Hainaut et de Namur, en vertu d’une mesure des archiducs. Celle-ci prescrivait de concentrer à Lille tous les comptes de ces pays, mais en fait les commissaires chargés de cette opération ne transférèrent à Lille que les comptes en registre (quelques-uns furent oubliés ou négligés et quelques rares rouleaux furent aussi apportés), la masse des comptes en rouleau et des pièces justificatives demeurant dans les chartriers comtaux d’Arras, de Mons et de Namur ». Pour Adolphe Guesnon, « la Chambre des comptes parvint à réaliser, du moins en partie, ce projet d’annexion qu’elle poursuivait depuis si longtemps. Par ordonnance de LL. AA. Albert et Isabelle et de Messieurs des finances, des 20 octobre et 13 novembre 1619, le maître des comptes du Roi fut chargé d’enlever d’Arras tous les registres des receveurs du domaine et de les transporter à Lille » (« La Trésorerie... », p. 464-465). Albert est mort en 1621, Isabelle en 1633.
14 Pour ce qui suit, Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 424-426.
15 Implantation dont témoigne aujourd’hui encore la présence de la tour Jean-Sans-Peur, édifiée postérieurement toutefois.
16 Hypothèse avancée par Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 426. Un inventaire, aujourd’hui perdu, de toutes les chartes et lettres du comte d’Artois conservées à Saint-Martin-des-Champs et à l’hôtel d’Artois fut dressé en 1343 (d’après une note du compte du receveur d’Artois).
17 Arch. dép. du Nord, B 1593 ; voir ici même l’étude de Bernard Delmaire.
18 Trois rouleaux, Arch. dép. du Pas-de-Calais, A 48, n° 12-14 ; cf. Robert-Henri Bautier et Janine Sornay, Les Sources..., p. 239.
19 Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 426 et s.
20 Jules-Marie Richard, Inventaire-sommaire..., tome premier, p. II.
21 Selon les termes d’Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 434.
22 Arch, du Nord, Ch. des C., A, coté 185. Arras, 1391-1392 ; texte cité par Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 436. Robert Ghineman survit en fait à sa maladie ; mais il meurt avant février 1394.
23 Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 438.
24 Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 439.
25 Cité par Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 439.
26 Jules-Marie Richard, Inventaire-sommaire..., tome premier, p. II ; Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 440.
27 Jules-Marie Richard, Inventaire-sommaire..., tome premier, p. II ; Arch. dép. du Pas-de-Calais, 2B787*, « registre ordinaire » (79 feuillets, papier) tenu par Pierrequin de Soissons, clerc du bailliage d’Arras (1477-1482), commission de garde des chartes d’Artois accordée par Louis XI à Jean de la Vacquerie en remplacement de Clarembault Couronnel. Cf. M. Godin et M. Cottel, Inventaire-Sommaire des Archives Départementales antérieures à 1790, Pas-de-Calais – Archives civiles – Série B, première partie, Paris, 1875, p. 148, ainsi que le Répertoire numérique de la série B établi par P. Bougard, Arras, 1967, p. 14. Suivant l’hypothèse d’Adolphe Guesnon, Clarembault Couronnel aurait été seulement le substitut de Me Thibaut Barradot, secrétaire du duc de Bourgogne, successeur de Philippe des Poulettes en 1468, et futur président de la Chambre des comptes.
28 L’affaire d’Arras n’était pas réglée, et le mécontentement subsistait. Face à cette situation, le roi prit des mesures rigoureuses. Entre la capitulation de 1477 et le traité de paix de 1482, lors duquel Louis XI et Maximilien de Habsbourg se partagèrent l’héritage bourguignon, on prit des mesures d’expulsion ; la ville d’Arras fut rebaptisée Franchise en 1479, et devait être repeuplée. Le projet échoua.
29 Sur cet épisode : mise en perspective par Jean Favier, Louis XI, Paris, Fayard, 2001, ch. XXVI, « L’héritage de Bourgogne », notamment p. 734-738 et 749-751 ; également Denis Clauzel, Charles Giry-Deloison, Christophe Leduc (éd.), Arras et la diplomatie européenne, XVe-XVIe siècles, Arras, Artois Presses Université, 1999 ; on se reportera surtout à Maurice-A. Arnould, « Les lendemains de Nancy dans les pays de pardeça (janvier-avril 1477) », dans W. P. Blockmans (éd.), Le Privilège général et les privilèges régionaux de Marie de Bourgogne pour les Pays-Bas, 1477 (Anciens pays et assemblées d’États, LXXX), 1985, p. 1-83, et à André Leguai, « Troubles et révoltes sous le règne de Louis XI : les résistances des particularismes », Revue historique, t. CCXLIX, 1973, p. 285-324 ; voir également comte de Mailly-Couronnel, Souvenirs d’une ancienne famille. La maison de Mailly-en-Artois, branche de Mailly-Couronnel, Limoges, Imprimerie A. Herbin, 1889, ch. III, p. 53-77.
30 Cf. Jules-Marie Richard, Inventaire-sommaire..., tome premier, p. II-III (note 6) et Adolphe Guesnon, « La Trésorerie... », p. 448.
31 À signaler cependant, un supplément en 1617 (récolement) : « Inventaire reveu et renouvellé des titres trouvés en la chambre des chartes d’Artois et délivrés au sieur d’Ayette » (le nouveau garde des chartes).
32 Ce que constatait Adolphe Guesnon : « Ces précieux rouleaux ainsi laissés de côté, avec leurs milliers de pièces comptables, constituent actuellement une des principales richesses des Archives du Pas-de-Calais. Inventoriés, ils auraient suivi les registres à la Chambre des comptes de Lille ; Arras en doit la possession à ce qu’ils furent alors considérés comme un résidu négligeable et sans valeur », (« La Trésorerie... », p. 457).
33 Robert-Henri Bautier et Janine Somay, Les Sources..., p. 247-248 ; Jean-Loup Lemaître, « Amans-Alexis Monteil (1786-1850) et les manuscrits », Bibliothèque de l’école des chartes, 2006, 164-1, p. 227-250.
34 Cf. la notice du Dictionnaire de Biographie Française, t. 16, 1985, col. 439-440.
35 Dom Devienne, Histoire d’Artois, Paris, 1784-1787 ; chanoine Hennebert, Histoire générale de la province d’Artois, Saint-Omer, 1789.
36 Tome I, 1771 ; tome II, publication posthume, 1862.
37 Concernant Dom Devienne et le chanoine Hennebert, on se reportera à leurs notices respectives dans Léon-Noël Berthe, Dictionnaire des correspondants de l’Académie d’Arras au temps de Robespierre, Arras, 1969, resp. no 336 et no 549 ; sur dom Devienne (Charles-Jean-Baptiste d’Agneaux, dit Devienne), la notice du Dictionnaire de Biographie Française, t. I, Paris, 1933, col. 730-732 (à Agneaux). Sur Jean-Grégoire Bauvin, né à Arras en 1714, mort en 1779 : sa notice dans Adolphe de Cardevacque, Dictionnaire biographique du département du Pas-de-Calais, Arras, Sueur-Charruey, 1879. Le contexte et la querelle sont éclairés par Odile Parsis-Barubé, Les représentations du Moyen Âge au XIXe siècle dans les anciens Pays-Bas français et leurs confins picards. Essai d’historiographie comparée, thèse, Paris I, 1995, dont on consultera notamment le premier chapitre, en particulier aux p. 60-65 (le texte cité se trouve à la p. 65).
38 Jules-Marie Richard, Inventaire-sommaire..., tome premier, p. IV ; compte-rendu de l’assemblée des États d’Artois de 1774.
39 Jules-Marie Richard, Inventaire-sommaire..., tome premier, p. VI ; nomination signée par Louis XVI le 2 février 1786.
40 Sur ce classement (et sa répartition en trois sections : chartes, A 1-121 bis ; comptabilité, A 122-899 ; justice, A 900-1000 ; supplément, A 1001-1013 ; l’ordre chronologique prévaut à l’intérieur de chaque section) repose l’inventaire établi par Jules-Marie Richard, qui reste, on l’a dit, un instrument de recherche indispensable, en dépit de ses limites. Richard justifiait ainsi ses choix : « Il ne fallait pas songer à rétablir l'ordre qui existait au XVIe siècle dans le Trésor des chartes : les changements radicaux apportés par Godefroy, la disparition de pièces nombreuses et le manque d’indications suffisantes auraient rendu cette tentative incertaine et infructueuse. Le meilleur parti me paraissait être de m’en tenir à quelques grandes divisions, aux subdivisions indiquées par la nature même des actes, et à l’ordre chronologique » (Inventaire-sommaire..., tome premier, p. XII).
41 Qu’il soit permis, au terme de cette brève présentation, de rendre hommage à l’œuvre accomplie par Pierre Bougard, qui dirigea les Archives Départementales du département du Pas-de-Calais pendant trente-huit ans, entre 1949 et 1987 ; rappelons, parmi ses travaux, en relation avec le présent volume, l’étude consacrée à Thierry de Hérisson (« La fortune et les comptes de Thierry de Hérisson (+ 1328) », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 123, 1965, p. 126-178), ainsi que l’inventaire sommaire dactylographié, A 1014-1025 (1967).
Auteur
Université d’Artois - CREHS (EA 4027).
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