1 À noter l’extrême curiosité de Jarmusch pour les cinémas du monde, encore récemment affirmée comme pour le cinéma iranien, lors de la conférence de presse sur Paterson le 16 mai 2016 à Cannes : « But I am very aware of the poetry in the cinema of Iran. And I’ve said this for fifteen years probably that this is one of the gardens of cinema on our planet. So I’m very appreciative of that form of poetry within cinema. » (Mais, je suis très conscient de la poésie dans le cinéma iranien. Et comme je le répète, probablement depuis une quinzaine d’années, ce cinéma-là est l’un des plus beaux jardins de notre planète. Et j’apprécie cette forme de poésie dans le cinéma.)
2 Arrivé à New York en 1974, Jarmusch y avait trouvé « une énergie incroyable ». Cf. Todd Lippy, « Interview with Jim Jarmusch » (2000), Juan A. Suárez, Jim Jarmusch, Urbana : University of Illinois Press, 2007, p. 153-173.
3 Geoff Andrew, Stranger than Paradise : Maverick Film-Makers in Recent American Cinema, New York, Limelight Editions, 2004 [1998].
4 Par exemple, Jarmusch confie que les pigeons dans Ghost Dog constituent une référence explicite à On the Waterfront (1954) d’Elia Kazan.
5 Simple coïncidence ou image dictée par l’inconscient ? Les phares de la voiture volée, qui au sortir du tunnel apparaissent en surimpression sur le visage de Ghost Dog, évoquent le véhicule dans la scène nocturne qui ouvre The Chase (1966) d’Arthur Penn.
6 Clin d’œil comique dans Only Lovers Left Alive au moment où Eve commande des billets d’avion au téléphone sous de fausses identités dont attestent les passeports américains filmés en gros plan : Daisy Buchanan, qui nous ramène à l’héroïne précieuse de The Great Gatsby, et Stephen Dedalus, le rebelle tourmenté de A Portrait of the Artist as a Young Man.
7 Roland Barthes, Œuvres complètes III, Paris, Le Seuil, 2002, p. 706.
8 Chez Jarmusch, la rencontre, réelle ou métaphorique, avec l’autre/l’Autre est libératrice et salvatrice. Cf. Mark Cauchi, « Otherness and the Renewal of Freedom in Jarmusch’s Down by Law : A Levinasian and Arendtian Reading », Film-Philosophy, 17.1, 2013, p. 193-211.
9 Pour l’obtention de son diplôme à la New York Film School qui n’apprécia pas le film.
10 Cf. le générique de fin de Ghost Dog où Jarmusch adresse ses remerciements à des figures des époques passées et actuelles : Tsunemoto Yamamoto, Mary Shelley, Ryunosuke Akutagawa, Seijun Suzuki, Jean-Pierre Melville, Miguel de Cervantes, Akira Kurosawa, Wu-Tang Clan. Cf. le mur des célébrités dans Only Lovers Left Alive où se côtoient, par exemple, Mark Twain dont le satirique The Diaries of Adam and Eve (1906) a donné le titre et probablement l’humeur du film (mélancolie d’Adam, loquacité d’Eve), Max Ernst et Dorothea Tanning, le couple mythique du surréalisme dont la passion amoureuse resta intacte à travers les décennies, ou encore le guitariste virtuose Robert Johnson, représentant du delta blues, disparu à l’âge de 27 ans, qui chanta la jouissance des plaisirs terrestres et l’errance sous le signe du diable, comme dans Hellhound on My Trails (Un chien de l’enfer à mes trousses).
11 Cf. Snow White, 1967 : une parodie grotesque et déconcertante du conte des frères Grimm, l’occasion de méditer sur le malaise des sociétés occidentales. Blanche-Neige est d’une beauté mathématique et une amante aux préoccupations métaphysiques. Les sept nains, laveurs de carreaux, protecteurs aimants et angoissés existentiels, prononcent des monologues sur l’état du monde et l’histoire de l’Amérique. Barthelme inclut, par exemple, une réflexion sur l’extermination des bisons par les Blancs, ce qui entraîna la désorganisation et l’anéantissement des Amérindiens. Cette étape de la conquête de l’Ouest est brièvement mais violemment décrite lors du voyage en train dans Dead Man.
12 L’actrice britannique a joué Penny dans Broken Flowers, Blonde dans The Limits of Control, Eve dans Only Lovers Left Alive.
13 Au même titre que le western qui a servi à Dead Man, disent les critiques. Mais cette remarque sur le genre revisité par Jarmusch pourrait s’appliquer à presque toute sa filmographie dont la force et l’originalité découlent d’une hybridité postmoderne. D’ailleurs, le cinéaste n’est jamais à court de qualificatifs (reliés par des traits d’union) pour désigner son style dans tel ou tel film.
14 On sait à quel point le montage est une étape clé de sa création. On connaît son intransigeance en ce qui concerne les voix, bruits, sons et musiques. Mais Jarmusch est un réalisateur qui laisse une certaine latitude à ses interprètes, qu’ils aient un rôle mineur ou le rôle principal. La chanteuse Timothea, qui a interprété la prostituée Julie dans Down by Law, a raconté comment elle avait changé une de ses répliques (« Oh, we’re not doing too well tonight » en : « Ain’t nothin’ happenin’ ») dans un souci d’authenticité vernaculaire. Cf. David Lee Simmons, « Sad and Beautiful World », Gambit, 26 novembre 2002. ˂ http://www.bestofneworleans.com/gambit/sad-and-beautiful-world/Content?oid=1240939 ˃
Jarmusch lui-même a évoqué le salut aux morts que Forest Whitaker avait ajouté à son jeu : « Respect to the spirits. That’s something Forest brought to the film, all those wonderful little moments. The first time we did just a run-through of that shot tracking alongside him, he gave that motion to the spirits. And we were like, “Yeah, yeah, that’s part of Ghost Dog” » Cf. Todd Lippy, op. cit., p. 166-167.
15 Jarmusch déclare ici et là qu’il construit ses personnages en pensant à tel acteur ou à telle actrice avant même de penser à l’histoire du film. À propos de Permanent Vacation, Jarmusch dit que, contre toute attente, le jeu de l’acteur non-professionnel Chris Parker a même ralenti le rythme du film. Cf. « Rencontre avec Jim Jarmusch (autour du film) », Bonus, DVD BAC Vidéo, 2008.
16 Allie Parker, certes, rappelle le mal-être des personnages crées par Nicholas Ray. Mais il manifeste aussi la distance contemplative d’un Arlo Guthrie qui joue son propre rôle dans Alice’s Restaurant (1967) d’Arthur Penn et qui trouve le salut dans le voyage et la musique.
17 La poésie est devenue le thème majeur de son dernier long-métrage, Paterson. Outre qu’il s’appelle Paterson comme la ville du New Jersey diversement célébrée par les poètes William Carlos Williams et Allen Ginsberg, le héros (Adam Driver) est un chauffeur de bus qui rédige des poèmes en secret. De plus, Jarmusch déclare avoir fait appel à Ron Padgett, l’une des figures emblématiques de la New York School of Poetry.