Prose et poésie dans les tableaux de la « Mer du Nord » de Heinrich Heine. Observations sur la fonctionnalité des modes d’expression
p. 193-206
Texte intégral
1Le voisinage de la prose et de la poésie est le signe le plus visible de l’hétérogénéité du texte des Reisebilder. Mais alors que, pour Le Voyage dans le Harz, l’insertion des poèmes dans l’action reste conforme au principe de la narration romantique, la subdivision des tableaux de la Mer du Nord en trois sections, les deux premières composées de poésie et la troisième de prose, semble correspondre à une discrimination fonctionnelle des modes d’expression. Il ne fait pas de doute, cependant, qu’aux yeux de Heine les trois parties formaient un tout, ainsi que le prouvent les trois projets d’édition intégrale, dont aucun ne sépare les composantes de l’ensemble Nordsee1. L’ambiguïté de son jugement suggère tout de même une évolution : la lettre du 7 juin 1826 à Wilhelm Müller fait l’éloge de la nouveauté des poèmes, laquelle cependant ne peut s’opposer à la tentation de la prose2.
2L’attrait de la prose est lié, comme le montre Briegleb, à la fonction critique de la littérature nouvelle, et la moindre virulence des deux premiers volumes des Reisebilder pourrait s’expliquer par l’effet modérateur du lyrisme. Mais dans l’une des « lettres de Helgoland » que reproduit le mémoire sur Ludwig Börne, l’auteur semble remettre en cause l’option critique : « Ich will die Politik und die Philosophie an den Nagel hängen und mich wieder der Naturbetrachtung und der Kunst hingeben » (B IV, 49). Et la persistance du dilemme s’exprime dès la préface de la deuxième édition de la deuxième partie des Reisebilder, dans laquelle Heine se montre à nouveau convaincu du pouvoir subversif de la poésie, constatant, « dans le cœur d’un seul et même poète », la présence de deux modes lyriques, l’un harmonique et nostalgique à la manière de Uhland, l’autre « d’un jacobinisme impitoyable », au service de la liberté et de la fraternité (B II, 209). Plus tôt encore, dans une lettre du 28 juillet 1826 à Moser, il fait sienne la formule de « l’épigramme colossale » par laquelle Varnhagen avait défini les poèmes de Nordsee I3.
3Si le lyrisme se trouve de la sorte investi d’une fonction critique qui ne le cède en rien à la prose, la spécificité et la complémentarité des deux modes d’expression doivent donc résulter d’autres facteurs, qu’on se propose ici de mettre en lumière : suivant l’impulsion donnée par Peter Stein, qui constate « la transformation et le transfert du discours lyrique vers la prose »4, on s’efforcera d’établir la continuité de la fonction lyrique dans l’ensemble des textes de la Mer du Nord. Il apparaît en effet que la situation lyrique propre aux poèmes de la Mer du Nord persiste dans le récit en prose ; l’étude de ce phénomène permettra de montrer comment la fonction lyrique, relativement conforme aux tendances de l’évolution poétique sous la Restauration, s’enrichit de paramètres spécifiques pour s’insérer dans une pratique nouvelle de la littérature dont la prose deviendra, pour un temps seulement dans l’œuvre de Heine, le support privilégié.
L’authenticité subjective
4L’imprégnation subjective marque tous les écrits de Heine et contribue, par la variété de ses manifestations, à leur originalité esthétique5. Les tableaux de la Mer du Nord sont l’un des textes où cette subjectivité se présente le plus ouvertement, sans masque ni détour, et où elle se rend perceptible comme telle dans sa sincérité. Ainsi Joseph Lehmann écrivait-il, à propos de la deuxième partie des Reisebilder (dont la première édition comprenait les poèmes de Nordsee II et la prose de Nordsee III) :
Poesie und Prosa, Erfundenes und Erlebtes, Dichtung und Wahrheit; doch überall guckt des Dichters Subjektivität nicht bloß durch: es ist das ganze Buch sein gedrucktes Ich, eine in den verschiedensten Formen durchgeführte Lyrik. (B II, 782)
Le critique s’enthousiasme pour la « vraisemblance lyrique »6 qui anime et unit les différents modes d’expression ; il est sensible à cette continuité qui relie le discours, prose et poésie confondues, à l’instance dont il procède, instaurant par là une pratique opposée à celle du Buch der Lieder, tout entière axée sur la diffraction de la subjectivité.
5Cet élan subjectif est corroboré par la correspondance de Heine et par les aveux de Nordsee III où ne perce aucune ironie : « Ich liebe das Meer, wie meine Seele. Oft wird mir sogar zu Mute, als sei das Meer eigentlich meine Seele selbst ;[...]das Meer ist meine Seele – » (B II, 224). Quant à la lettre à Moser commencée en juillet 1826 à Norderney et terminée en octobre à Lüneburg, elle contient presque tous les thèmes de cet engagement subjectif : accord de l’âme et de la mer, expérience originale de la nature, réveil de l’inspiration créatrice et implication existentielle de la poésie7. Ces modalités de l’expression subjective correspondent, par le souci de vérité vécue, à une tendance majeure de la littérature de la Restauration :
[Aufgabe des lyrischen Dichters ist die Darstellung] bestimmter subjektiver Empfindungen […] in möglichst vollendeter Form […] mit möglichster Wahrheit, Wärme und Tiefe, […], daß er im Gemüthe des Zuhörers oder Lesers dieselben oder verwandte Gefühle hervorrufe.8
6Les poètes aussi revendiquent cette sincérité : « ich habe mein wunderliches, verrücktes Unglück nicht aus Büchern und Romanen geholt » (Droste)9; « die Poesie bin ich selber ; mein selbstestes Selbst ist die Poesie » (Lenau)10. Ce n’est plus le moi idéal du classicisme ou le « sentiment spirituel » du romantisme qui se manifeste là, mais un individu doué d’une âme, dont l’expression poétique se nourrit d’introspection et trouve sa légitimité dans la réalité empirique du sujet. Heine s’inscrit dans ce courant lorsqu’il prétend ouvrir « l’hôpital de son cœur », mais il le brise lorsque l’ironie des Lieder démasque l’emprise de la convention poétique et avoue l’exploitation littéraire des émois de l’âme. Les poèmes de la Mer du Nord échappent à cette subversion : ils ne détruisent pas la « vraisemblance lyrique » par les pirouettes de l’autodérision. Sous l’effet d’un « printemps du cœur »11, le poète accepte ses émotions et leur trouve un langage nouveau libre de toute réfraction critique. Une telle subjectivité répond à l’attente des lecteurs : ce n’est plus « der viel besungene Liebes-Schmerz »12 du Livre des chants, expression d’un sentiment vrai mais souvent ressentie comme choquante parce que formalisée et grinçante, c’est le sentiment lui-même dans sa vérité d’origine.
7Les poèmes de la Mer du Nord, cependant, ne sont pas sans modèles : Heine reconnaît l’influence de Tieck et de Ludwig Robert, qui démontrent la meilleure adéquation des rythmes libres aux mouvements de l’âme13 ; le témoignage de son ami Christiani14 atteste aussi celle des hymnes de Goethe, où se réalise une conjonction singulière d’état d’âme et de « Weltanschauung ». Ainsi, outre le désir de sincérité, c’est aussi le goût du « Biedermeier » pour la poésie d’idées qui se trouve honoré et satisfait par la mise en scène poétique d’un sujet en proie aux grandes interrogations qui animent les hommes de ce temps.
8À cet exceptionnel élan subjectif, les poèmes doivent quelques traits foncièrement originaux. C’est d’une part la suggestion de la mer dans sa réalité la plus sensible : « Empfindung, wahrhafte Auffassung der Natur (die See weht uns an) in ihren Erscheinungen […] » dit un critique de l’époque (B II, 738). C’est par ce traitement que le poète, selon Bernd Kortländer, transforme la mer en objet « esthétique »15. Mais ce sont bien l’émotion immédiate, l’expérience totalement neuve de la mer et l’adhésion existentielle à la nature ainsi vécue qui donnent au spectacle esthétique une telle intensité. Il suffirait de lire, par contraste, la description si conventionnelle de la mer dans le deuxième rêve du Voyage dans le Harz (B II, 121), pour mesurer ce qui sépare la convention de la vie. L’autre trait d’originalité qu’induit le mouvement subjectif est la transparence de la fonction autobiographique. Les lettres d’août 1826 à Merckel (B I, 755-756) montrent à quel point les situations lyriques de « Weltschmerz » sont la restitution poétique de situations vécues. Quant à la lettre de juillet 1826 à Moser (B I, 653), elle rappelle opportunément le mythe du Juif errant et invoque les motifs du voyage et de la navigation qui, au-delà de toute identification empirique, représentent la dynamique existentielle des tableaux de la Mer du Nord dans toute sa polysémie : quête de l’identité, désir d’intégration sociale et religieuse, amour de la patrie déchue, nostalgie d’éternité, volonté de progrès et combat pour la liberté…
9Le sujet qui s’exprime dans les tableaux de la Mer du Nord est donc plus un individu qu’un personnage, ce n’est pas le « masque » aux identités multiples qu’on rencontre dans le Buch der Lieder ou dans d’autres parties des Reisebilder. C’est un homme dans la vérité de son désarroi, tel qu’il se décrit aussi dans l’épilogue du Voyage dans le Harz :
… daß ich nicht mehr weiß, wo die Ironie aufhört und der Himmel anfängt, daß ich die Luft mit meinen Seufzern bevölkere und daß ich selbst wieder zerrinnen möchte in süße Atome... (B II, 166)
10Ainsi s’affirme déjà, dans ces dernières phrases du premier épisode, la tension lyrique qui le reliera aux poèmes qui vont suivre et assurera la continuité des tableaux de la Mer du Nord. Mais ce qui s’annonce là, c’est aussi, outre l’intensité de l’autobiographie lyrique, le déchirement représentatif de l’homme moderne et des temps nouveaux, qui sera l’un des grands thèmes de Nordsee II.
La situation du poète
11L’intensité de l’émotion et le maintien de la vraisemblance lyrique caractérisent donc l’expression subjective dans les poèmes de la Mer du Nord, mais aussi dans de nombreux passages lyriques de Nordsee III ; le « je » des poèmes est le même que celui de la prose, et la continuité pragmatique des textes le suggère fortement : mêmes décors, mêmes situations, mêmes émotions, mêmes images et mêmes mots, même problématique. Cependant, si les tendances de l’expression y correspondent mieux au goût de l’époque que dans les « Lieder », d’autres paramètres viennent compléter la situation et l’identité du moi pour en faire un sujet « moderne », sans équivalent dans la littérature de son temps. Ils vont dans le sens de la représentativité et du « déchirement », et permettent d’associer la fonction lyrique traditionnelle à l’expression d’un état d’âme caractéristique du temps présent.
12L’évolution poétique post-romantique est marquée notamment par la redéfinition du sujet : en réaction à l’hyperbolisation romantique, le sujet poétique perd de son abstraction, se dépouille des tentations métaphysiques et centrifuges, pour s’établir dans les limites de l’existence empirique. Cette réduction pragmatique du sujet aux dimensions de l’individu se manifeste par une localisation spatio-temporelle du locuteur, dont la poésie du « Biedermeier » donne d’innombrables exemples : « Derweil ich schlafend lag, / Ein Stündlein wohl vor Tag, / Sang vor dem Fenster auf dem Baum / Ein Schwälblein mir… » (Ein Stündlein wohl vor Tag, Mörike) ; « Ich steh auf hohem Balkone am Turm / Umstrichen vom schreienden Stare... » (Am Turme, Droste). Renate von Heydebrand a donné la formule de ce procédé : « das Ich [...] stellt seine Gefühle und Reflexionen […] situationsgebunden und perspektivisch dar »16. Quatorze poèmes de la Mer du Nord répondent à ce schéma, dont le tout premier : « Am blassen Meeresstrande / Saß ich gedankenbekümmert und einsam… », situation attestée par le préambule du texte en prose (« geschrieben auf der Insel Norderney ») et reprise comme un leitmotiv (« ich gehe am Strande spazieren… »). C’est un phénomène général de l’évolution poétique : la localisation de l’instance expressive individualise le message lyrique, authentifie la parole. Mais alors que les poètes conservateurs s’en tiennent aux données purement personnelles de cette situation, Heine y intègre la nature sociale de l’individu, ce qui apparaît clairement lorsqu’on envisage le texte en prose comme contexte des poèmes de la Mer du Nord.
13Dès le début de la « troisième section », l’auteur définit les conditions de la communication en comparant le mode de vie des habitants de l’île, « die gemeinschaftliche Unmittelbarkeit » (B II, 213), à celui du continent et de la société bourgeoise :
… durch einen einzigen laut, eine einzige Miene, eine einzige stumme Bewegung erregen sie unter einander so viel Lachen, oder Weinen, oder Andacht, wie wir bei unseres Gleichen erst durch lange Expositionen, Expektorationen und Deklamationen hervorbringen können. Denn wir leben im Grunde geistig einsam [...] (B II, 214)
14Trois termes péjoratifs décrivent ici les efforts que font la littérature et la poésie pour exprimer les émotions dans une situation de solitude spirituelle, et les phrases qui évoquent ensuite l’aliénation de l’individu moderne rapportent ce phénomène au dysfonctionnement des relations sociales : « und selbst in weiten Häusern wird das Zusammenleben so schwer, und wir sind überall beengt, überall fremd, und überall in der Fremde » (ibid.). Ce constat initial, qui explicite les états de « Weltschmerz » mis en scène par les poèmes, se trouve complété par les observations de l’auteur sur la réalité sociale de Norderney. Comme l’a montré Jost Hermand, Heine a bien analysé l’opposition de classe entre le peuple des insulaires et l’aristocratie des curistes, ainsi que les bouleversements que provoque, dans ce monde archaïque, l’irruption de l’argent et de la culture bourgeoise17. Mais il n’est pas un observateur indifférent, il sait qu’il se range du côté des bourgeois lorsqu’il évalue le phénomène historique et ses conséquences inéluctables : « Auch diese [die Insulaner] stehen an der Grenze einer solchen neuen Zeit, und ihre alte Sinneseinheit und Einfalt wird gestört durch das Gedeihen des hiesigen Seebades… » (B II, 216). À cet endroit du texte, l’analyse sociologique se révèle, rétrospectivement, comme une composante de la situation subjective que les poèmes présentent avant tout, dans le style du « Weltschmerz », sous l’angle de la dualité de l’utopie et de la conscience malheureuse. Cette détermination sociale de l’expression lyrique est du reste assurée par toute la thématique de Nordsee III. Considérations sur l’histoire des civilisations et l’émancipation de l’esprit, critique sociale, débat politique et littéraire…, chaque page de prose montre à quel point la localisation du sujet lyrique « am blassen Meeresstrande » implique son engagement dans le temps présent et dépasse le simple réflexe de désenchantement post-romantique, contrairement à ce que pourrait laisser croire une lecture hors contexte.
15Un tel enrichissement de la subjectivité modifie la portée du lyrisme. Si le cœur est omniprésent dans le Buch der Lieder – « Herz » rime avec « Schmerz », qui rime à son tour avec « Scherz » –, c’est un cœur égoïste et grinçant, partagé entre souffrance et dérision. Sous cette forme, il est pratiquement absent des poèmes de la Mer du Nord, où domine « die Seele ». Mais si on l’y rencontre, c’est sous les aspects bien différents de l’hyperbole cosmique – « Mein Herz und das Meer und der Himmel / Vergehn vor lauter Liebe »18 –, qui est un avatar de l’aspiration romantique, ou de la métaphore des vertus individuelles – « Zehntausend Griechenherzen, / Unglückbekämpfende, heimatverlangende, / Weltberühmte Griechenherzen »19, qui fait du cœur le moteur de l’histoire des hommes. C’est dans ce même sens que Heine écrira, dans Die Bäder von Lucca, « das Herz des Dichters [ist] der Mittelpunkt der Welt » (B II, 405). Ce cœur, qui s’exprime déjà dans les poèmes de la Mer du Nord, n’est plus celui du simple chagrin amoureux ; il bat au rythme du monde et souffre d’une autre façon : « Wer von seinem Herzen rühmt, es sei ganz geblieben, der gesteht nur, daß er ein prosaisches, weit abgelegenes Winkelherz hat » (ibid.). Cette sorte de cœur « prosaïque » et « rencogné » habite pourtant quelques-uns des plus beaux poèmes de ce temps, Verborgenheit20 ou Trost21 de Mörike, monologues lyriques par lesquels l’individu s’assure de son existence et se réconcilie avec lui-même. Heine lui oppose un cœur traversé par « la fracture universelle »22, un « déchirement » dont Nordsee III expose les manifestations essentielles et qui traduit métaphoriquement la dimension historique et sociale du vécu affectif.
16Le déchirement est certes d’abord une donnée première du tempérament de Heine, « das Bewußtsein eines tieferen Zwiespaltes in seiner Seele » comme l’avait noté Immermann dès le premier recueil de poésies23. Mais Nordsee III insiste sur ses formes sociales. Le poète applique d’abord le terme à l’esprit du temps : « dieser Meinungszwiespalt in mir selbst gibt mir wieder ein Bild von der Zerrissenheit der Denkweise unserer Zeit… » (B II, 216). C’est la fin des certitudes dogmatiques, l’absence de repères extérieurs24, qui donnent à Nordsee III un caractère subjectif qui reflète les tâtonnements de l’individu25. L’autre aspect du déchirement est d’ordre psycho-esthétique, il est lié à la fin de l’ère goethéenne :
denn wir, die wir meist alle krank sind, stecken viel zu sehr in unseren kranken, zerrissenen, romantischen Gefühlen, […] als daß wir unmittelbar sehen könnten, wie gesund, einheitlich und plastisch sich Goethe in seinen Werken zeigt. (B II, 221)
17C’est un sentiment de décadence avant la lettre, très proche du mal du siècle, et qui lie la souffrance de l’âme à la difficulté de la création artistique. Il n’est pas étonnant que l’éloge de Goethe soit suivi d’une évocation des légendes marines et des mondes engloutis, un univers que les poèmes ressuscitent justement dans toute sa plasticité, et au sein duquel « l’âme malade » se ressource et revit. L’idée de « Zerrissenheit » apparaît encore dans le tableau de la situation pitoyable de la patrie allemande : « Dieser Seelenschacher im Herzen des Vaterlandes und dessen blutende Zerrissenheit läßt keinen stolzen Sinn, und noch viel weniger ein stolzes Wort aufkommen… » (B II, 240). C’est presque le thème final de Nordsee III, qui rappelle les exclamations du poème Seekrankheit : « Immerhin, mag Torheit und Unrecht / Dich ganz bedecken, o Deutschland ! / Ich sehne mich dennoch nach dir... » (B II, 202). Ainsi l’expression lyrique, dans les tableaux de la Mer du Nord, s’enrichit-elle explicitement des données sociales, culturelles et politiques de la situation du poète.
18Le poème Fragen donne un exemple de la manière dont le contexte de Nordsee III peut infléchir le message du lyrisme. La situation est celle de l’ensemble des tableaux : le face-à-face de l’homme et de la mer ; la mer, esquissée succinctement, est à la fois miroir de l’âme et vis-à-vis impénétrable ; le spectacle naturel élève l’âme vers les grandes questions de l’humanité. L’objectivation par la troisième personne produit une dramatisation de l’angoisse subjective, et l’autodérision légère sur laquelle se termine le poème, loin d’infirmer le pathétique général, fait au contraire l’effet d’une pirouette devant le désespoir. L’expression est dense, saturée d’émotion, les adjectifs sont lourds et expressifs, les allitérations insistantes. Le thème est reconnaissable, on en trouve la formule dans Les Bains de Lucques : « einst war die Welt ganz, im Altertum und im Mittelalter […] gabs doch noch immer eine Welteinheit, und es gab ganze Dichter » (B II, 406). Cette unité est perdue, le poète ne peut plus dialoguer avec le monde, c’est un constat général : « Was ists, das deine Seele von mir trennt ? » demande le poète à la nature (Mörike, Besuch in Urach)26. En cela, Fragen ne diffère pas de la production de son temps : la thématique est clairement post-romantique, l’expression s’apparente à la poésie du « Weltschmerz » et incite à une lecture existentielle.
19La modulation se produit dans la partie centrale, qui introduit la perspective historique sous la forme d’un défilé pittoresque des âges de l’humanité : ainsi les questions présentes ne seraient-elles que la répétition de questions posées de tout temps sans relâche, l’histoire confirmerait le mal du siècle… Cependant, les considérations du début du texte en prose corrigent et complètent ce point de vue par l’idée du progrès de l’esprit :
Aber der Geist […] läßt sich nicht eindämmen […]; er zerbrach seinen Kerker […], er jagte im Befreiungstaumel über die ganze Erde, erstieg die höchsten Gipfel der Berge, jauchzte vor Übermut [...]. (B II, 214)
20Sommes-nous pour autant plus avancés ? C’est alors le sujet de Fragen qui semble reprendre la parole : « die alten Zweifel sind mächtig geworden in unserer Seele – ist jetzt mehr Glück darin als ehemals ? » (ibid.) Mais la confiance de l’esprit dans le progrès surmonte l’abandon lyrique au désespoir : « Wir wissen, daß diese Frage […] nicht leicht bejaht werden kann ; aber wir wissen auch, daß ein Glück, das wir der Lüge verdanken, kein wahres Glück ist [...] » (B II, 214-215). Ainsi l’expression d’un « Weltschmerz » sans issue, qui caractérise le poème Fragen, se trouve-t-elle tempérée par la réflexion historique d’un individu qui se place résolument dans la dynamique des temps nouveaux : la poésie ne peut se lire sans le contrepoint de la prose, et c’est de ce dialogue que résulte l’orientation générale de l’interrogation lyrique.
Le poète et la mer
21Le traitement poétique de la mer intègre les données de l’expression lyrique traditionnelle, néo-romantique, et celle de l’expression moderne, socialement et historiquement redéfinie, en s’appuyant sur une situation commune à tous les tableaux, le face-à-face du poète et de la mer. Jost Hermand a suggéré une lecture métaphorique de la mer comme image du va-et-vient de la pensée27, et aussi comme symbole du mouvement de l’histoire28. Mais ce faisant, il l’envisage comme un élément poétique secondaire au regard du thème politique. Or, plus qu’une ligne mélodique ou une illustration de l’âme, la mer est une condition de l’élan affectif et de la réflexion individuelle. Elle est en effet partie de la nature, laquelle a de tout temps stimulé et guidé la méditation poétique sur la place de l’homme dans l’univers. Ici, par sa nouveauté inouïe, l’expérience de la mer redynamise l’activité subjective qui se déployait traditionnellement au sein de la nature, et s’affirme comme le support d’une situation poétique par excellence.
22Cette situation est souvent évoquée dans Nordsee III, par exemple dans cette vision hyperbolique :
Gar besonders wunderbar wird mir zumute, wenn ich allein in der Dämmerung am Strande wandle, – hinter mir flache Dünen, vor mir das wogende, unermeßliche Meer, über mir der Himmel wie eine riesige Kristallkuppel – ich erscheine mir dann selbst ameisenklein, und dennoch dehnt sich meine Seele so weltenweit. (B II, 225)
23Selon le mouvement réflexif propre à la prose, l’exaltation de l’âme est ici rattrapée par la raison au profit de considérations historiques sur la relativité de la grandeur. Mais cette disposition lyrique encouragée par la mer peut s’épanouir en poésie : ainsi, le cycle Nachts in der Kajüte (B II, 178-180) laisse l’hyperbole sentimentale s’élargir aux dimensions de l’univers dans un mouvement de sublimation néo-romantique, annulant l’ironie légère de l’avant-dernier poème par l’intégration finale de la mort dans la vision de l’unité cosmique.
24Ce sentiment d’élévation que suscite le spectacle de la nature est aussi un fait culturel : le peuplement mythologique du ciel en est une manifestation, à laquelle le poète recourt pour suggérer la grandeur des éléments (Gewitter, B II, 190). Inversement, la dimension culturelle du sentiment de la nature est aussi une faille par laquelle s’introduit la dérision : ainsi la glose mythologique vient-elle dépoétiser le spectacle naturel dans un poème qui s’ouvre sur un magnifique tableau marin (Untergang der Sonne, B II, 192-193). Cependant, l’originalité de la situation lyrique créée par la présence de la mer induit un traitement spécifique du sentiment de la nature, qui ne peut être assimilé à ce que l’on constate dans le reste du Livre des Chants ou dans Le Voyage dans le Harz. Par exemple, le mouvement d’élévation de l’âme dans Nordsee III29 fait écho à une scène de coucher de soleil sur le Harz, où le culturel domine :
die Gesichter wurden vom Abendrot angestrahlt, die Hände falteten sich unwillkürlich; es war, als ständen wir, eine stille Gemeinde, im Schiffe eines Riesendoms, und der Priester erhöbe jetzt den Leib des Herrn, und von der Orgel herab ergösse sich Palestrinas ewiger Choral. Während ich so in Andacht versunken stehe, höre ich, daß neben mir jemand ausruft: „Wie ist die Natur doch im allgemeinen so schön! ‟(Die Harzreise, B II, 144-145).
25La référence culturelle entraîne ici le sentiment religieux, puis le sentiment de la nature, dans une même dérision, alors que le passage comparable de Nordsee III, par contraste, ne conteste en rien l’élévation de l’âme devant la nature, il la porte au contraire au-delà du sentiment religieux : « nie war mir ein Dom groß genug » (B II, 226). Il en va de même pour l’expérience de l’infini dans la nuit romantique. Ainsi la rencontre de la belle à Goslar dilate-t-elle le cœur du voyageur : « in ihrer Brust liegt der Himmel mit allen seinen Seligkeiten, und wenn sie atmet, so bebt mein Herz in der Ferne ; hinter den seidnen Wimpern ihrer Augen ist die Sonne untergegangen » ; mais la dérision anecdotique dans le style connu des Lieder met fin à l’évocation : « und wenn sie die Augen wieder aufschlägt, so ist es Tag [...] und ich schnüre den Ranzen und wandre »30. Les étoiles du Voyage dans le Harz font encore partie de l’attirail poétique ; celles de la Mer du Nord sont des éléments de l’ordre cosmique : « Und siegreich traten hervor am Himmel / Die ewigen Sterne. » (Die Götter Griechenlands, B II, 199). Il semble que l’expérience nouvelle de la mer donne au motif des étoiles cette gravité existentielle qui le caractérisera de plus en plus dans l’évolution ultérieure de la poésie de Heine31. Ainsi la situation lyrique nouvelle équilibre-t-elle, dans les tableaux de la Mer du Nord, les tendances critiques de la vision culturelle de la nature, qui dominent dans d’autres parties de l’œuvre de jeunesse.
26La relation de l’âme à la mer, si nouvelle soit-elle pour le poète, permet néanmoins d’enrichir l’expression lyrique du fonds populaire des légendes marines et de la mythologie nordique, et de réactiver par là une thématique romantique. Cette question fait l’objet de longues considérations en prose32, dans lesquelles se combinent le point de vue lyrique et le point de vue discursif. L’observateur des mœurs de Norderney qualifie le fonds légendaire de « superstition » et rapporte ces croyances avec une curiosité teintée de scepticisme. Mais le poète ne manque pas d’y percevoir une matière poétique, en notant tout d’abord la parenté entre la magie des forces élémentaires et la magie de l’art (B II, 223), puis en affirmant l’identité de l’âme et de la mer (B II, 224). Cette équation qui réunit l’âme, la mer et la magie poétique éclaire rétrospectivement les motifs de la sirène et des voix sous-marines dans des poèmes comme Sturm ou Der Schiffbrüchige ; elle montre comment la poésie des éléments se conjugue avec la poésie de l’élémentaire pour permettre au lyrisme d’objectiver les tourments de l’âme. Plus précisément encore, la citation du poème Vineta, de Wilhelm Müller, avec pour exergue « die Geschichte ist wahr ; denn das Meer ist meine Seele – » (B II, 224), explicite la dimension psycho-affective du thème de la ville engloutie. Cette combinaison de ballade post-romantique et de « Weltschmerz » assimile en outre la représentation plus spécifiquement romantique de l’eau comme élément des origines : Abenddämmerung discerne, dans les bruits de la mer, « ein wiegenliedheimliches Singen » (B II, 170), qui suscite les motifs de l’enfance et des contes ancestraux ; ailleurs, dans Meergruß, c’est la notion de « Heimat » qui s’y associe : « Wie Sprache der Heimat rauscht mir dein Wasser, / Wie Träume der Kindheit seh ich es flimmern / Auf deinem wogenden Wellengebiet… » (B II, 188).
27C’est donc l’expérience de la mer qui permet de réactiver ce fonds romantique et de l’exploiter avec une force expressive nouvelle. Mais ce sont aussi les conditions pragmatiques de cette rencontre, la définition de la situation historique et sociale du sujet lyrique dans le contexte général des tableaux de la Mer du Nord, qui font que ces poèmes échappent à l’idéologie de l’« école romantique ». Si le poète perçoit, dans le bruit des vagues, les voix de la « terre natale », ce n’est pas par goût de l’utopie régressive, mais par souci de la patrie allemande, « das deutsche Vaterland » dans son présent pitoyable et dans l’avenir que lui promettent les progrès de l’esprit. Ainsi la mer, qui rappelle au lyrisme son statut de langage de l’âme, assure-t-elle aussi l’ambivalence du message subjectif, à la fois existentiel et politique, expression d’une âme tourmentée et d’une conscience historique malheureuse.
28Car si la mer suggère à l’homme les éternelles grandes questions, elle est aussi, de façon novatrice, le support de la méditation historique et de la relation du poète au temps présent. Dans Nordsee III, l’auteur explique, non sans humour mais sérieusement, que la contemplation de la mer change le regard sur le monde :
Wenn ich nachts am Meere wandelnd, den Wellengesang höre, und allerlei Ahnung und Erinnerung in mir erwacht, so ist mir, als habe ich einst solchermaßen von oben herabgesehen und sei vor schwindelndem Schrecken zur Erde heruntergefallen; [...] – wie aus der Tiefe eines Jahrtausends kommen mir dann allerlei Gedanken in den Sinn [...]. (B II, 227)
29La question se fait plus précise au paragraphe suivant : « Was mag auf dem Boden einst geschehen sein, wo ich jetzt wandle ? » (ibid.). Le mythe et la mythologie sont ici au centre de la réflexion.
30La mythologie offre au poète à la fois une personnification des éléments et le récit d’actions divines qui sont les archétypes de l’histoire humaine. Elle sert donc aussi bien à représenter la nature qu’à évoquer le devenir des hommes, deux usages attestés dans les poèmes de la Mer du Nord. Le recours à la mythologie est ambivalent, car quel que soit le degré d’adhésion aux dieux anciens, la mythologie reste fonctionnelle. Ainsi, la réfutation parodique des anciennes croyances, illustrant le thème du « crépuscule des dieux » et de leur déchéance au contact de l’histoire, si elle humanise les dieux et réduit leur épopée à des banalités quotidiennes, n’annule pas la fonction des représentations divines. Du reste, les procédés parodiques coexistent avec une exploitation positive, que ce soit la représentation traditionnelle de la mer et des éléments ou, de façon plus novatrice, la focalisation subjective tantôt dans la veine du « Weltschmerz »33, tantôt dans celle de l’autodérision34. Die Götter Griechenlands est sans doute le meilleur exemple de cette persistance fonctionnelle de la mythologie : Heine repeuple le ciel antique dans une grandiose évocation, pour mieux constater ensuite la déchéance des dieux et prendre paradoxalement le parti des vaincus, au nom de l’histoire et du combat contre le christianisme ; l’épilogue, extrêmement ambivalent, superpose le spectacle du soleil couchant et celui de la mort des dieux, mais aussi de leur transfiguration ; la vision subjective de l’éternité annonce la situation du poème suivant, Fragen.
31Le texte en prose donne la clé de ce traitement paradoxal de la mythologie. Le compte rendu de l’histoire napoléonienne donne lieu, en effet, à cette observation : « Solche Beschreibung oder Prophezeiung des Untergangs einer Heldenwelt ist Grundton und Stoff der epischen Dichtungen aller Völker » (B II, 239). Les exemples, juxtaposant point par point les récits mythiques et l’épopée napoléonienne, montrent que la mythologie est, pour Heine, une grille de lecture de l’histoire : le chant des héros déchus35 célèbre et déplore « la destruction de l’antique ordre du monde »36 ; l’élégie naît non pas de la mort des dieux mais de la mutation historique telle que l’a formulée Walter Scott37. Mais des forces nouvelles se font jour, et avec elles des dieux renaissants qui les représentent : « Wir sehen, wie das verschüttete Götterbild langsam ausgegraben wird […] » (B II, 234), et c’est Napoléon qui accède au statut de mythe, incarnation de l’unité, conjuguant en lui les principes contraires de la permanence et de la révolution ; l’histoire de Napoléon est le nouveau mythe qui doit dynamiser le présent, « ein Ton, der uns für eben diese Gegenwart begeistert » (B II, 240). Cette convergence du mythe et du temps présent rappelle l’ambition mythologique de la poésie romantique ; mais surtout, elle éclaire l’ambivalence du traitement du mythe dans les poèmes de la Mer du Nord, la coexistence de la vision grandiose et de l’« épigramme colossale », la dimension mythique de la vision du Christ et sa réfutation par la satire au sein du même poème, Frieden.
32La présence continue de la mer dans ces tableaux, mais surtout la perception changeante qu’en a le poète, incitent donc à penser que la nature, justement parce qu’elle n’est plus dépositaire d’un ordre immuable, reste prête à accueillir les mutations du sens. « Gott ist in der Bewegung, in der Handlung, in der Zeit », dira Heine dans L’École romantique (B III, 394- 395) : si les dieux de la Grèce ont quitté le ciel « transfigurés de douleur », un autre dieu peut venir habiter le monde, d’autres images s’imposer parmi les nuages, et la nature redevenir un lieu d’harmonie sous l’effet d’un « principe nouveau », « eine große, gottfreudige Frühlingsidee » (B III, 9, Vorrede zu Salon I). Ainsi, les questions et les désarrois des poèmes de la Mer du Nord, les méditations historiques et mythologiques de Nordsee III, s’inscrivent-ils dans cette dynamique de progrès que veut susciter la poésie nouvelle.
33Il apparaît donc, en conclusion, que l’unité des tableaux de la Mer du Nord procède d’une situation poétique fondamentale, commune aux poèmes et à la prose. Cette situation, déterminée à la fois par la tradition lyrique et par des paramètres novateurs, suscite et impose le dialogue et la complémentarité des deux modes d’expression. Elle produit l’ambivalence du message subjectif, dans lequel se manifestent un « mal du siècle » post-romantique aussi bien qu’une conscience politique convaincue du progrès de l’histoire.
Notes de bas de page
1 Cf. Heinrich Heine, Sämtliche Schriften, hrsg. von Klaus Briegleb, 3. durchgesehene und ergänzte Auflage, München, Wien, 1995, Band I, p. 624-626. Sauf indication contraire, les citations seront faites d’après cette édition (sigle B, suivi du numéro du volume, entre parenthèses dans le texte).
2 « Die Nordsee gehört zu meinen letzten Gedichten, und Sie erkennen daraus, welche neue Töne ich anschlage und in welchen neuen Weisen ich mich ergehe. [...] Mit mir selbst, wie gesagt, steht es schlecht und hat es als Liederdichter wohl ein Ende, und das mögen Sie selbst fühlen. Die Prosa nimmt mich auf in ihre weiten Arme [...] » (B II, 720).
3 Cf. B II, p. 775 et p. 727.
4 « eine Transformation und Transportation der lyrischen Rede in Prosa ». Peter Stein, « „ Prototyp einer Denk- und Schreibweise“ ». Heines Reisebilder als Auftakt zur „ Julirevolution der deutschen Literatur“ », in : Heinrich Heine. Ästhetisch-politische Profile, hrsg. von Gerhard Höhn, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1991, p. 53.
5 Cf. « dieses beständige Konstatieren meiner Persönlichkeit », in : Ludwig Börne (B IV, 128).
6 Pour reprendre ici une notion définie par Atle Kittang dans : Discours et jeu. Essai d’analyse des textes de Rimbaud, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1975, p. 31.
7 « Dies wahlverwandte Element tut mir nichts Schlimmes. [...] Das Salzwasserelement sagt mir zu [...] » (B I, 652-653) ; « [ich nehme] viel Naturanschauung in mich auf [...]. Große Natureindrücke müssen unsere Seele erweitern [...] » (ibid.) ; « Die 2. Abteilung der„ Nordsee“[...] ist weit originaler und kühner [...]. Ich habe eine ganz neue Bahn darin gebrochen, mit Lebensgefahr » (B I, 653).
8 O.L.B. Wolff, Poetischer Hausschatz, 1843. Cité d’après : Christoph Herin, Biedermeier. In : Geschichte der deutschen Lyrik vom Mittelalter bis zur Gegenwart, hrsg. von Walter Hinderer, Stuttgart, Reclam, 1983, p. 286.
9 Lettre à Sprickmann, citée d’après Monika Salmen, Das Autorenbewußtsein Annette von Droste-Hülshoffs, Frankfurt a.M., Peter Lang, 1985, p. 258.
10 Lettre à Anton Schurz. Nikolaus Lenau, Sämtliche Werke und Briefe in zwei Bänden, hrsg. von Walter Dietze, Frankfurt a.M., Insel, 1971, vol. II, p. 92.
11 « es frühlingt wieder in meinem Herzen » B I, 652.
12 Joseph Lehmann, cité d’après : Heinrich Heine, Sämtliche Werke. Düsseldorfer Ausgabe [DHA], hrsg. von Manfred Windfuhr, Hamburg, Hoffmann und Campe, 1973, I/2, p. 1005-1006.
13 Cf. lettre du 19 oct. 1825 à Moser, in DHA I/2, p. 1002.
14 Rapporté dans DHA I/2, p. 1004.
15 « [Heine hat die Nordsee] in ein ästhetisches Meer verwandelt » B.K., Die Erfindung des Meeres aus dem Geist der Poesie. Heines Natur. In : « Ich, Narr des Glücks », hrsg. von Joseph A. Kruse, Stuttgart, Metzler, 1997, p. 261.
16 R.v.H. : Eduard Mörikes Gedichtwerk, Stuttgart, Metzler, 1972, p. 316.
17 « Ihnen gegenüber steht in extremster Gegenposition der einsame Intellektuelle mit seinem fortgeschrittenen Bewußtsein » J. Hermand : Der frühe Heine – Ein Kommentar zu den„ Reisebildern“, München, Winkler, 1976, p. 86.
18 Nachts in der Kajüte, B II, 178.
19 Meergruß, B II, 188.
20 « Laß, o Welt, o laß mich sein ! […] Laßt dieses Herz alleine haben / Seine Wonne, seine Pein ! » E. Mörike, Sämtliche Werke, hrsg. von Jost Perfahl, München, Winkler, 1985, vol. 1, p. 743.
21 « Und ich sprach zu meinem Herzen : / Laß uns fest zusammenhalten ! [...] Solch ein Paar, wer scheidet es ? » Ibid., p. 750.
22 « Durch das meinige ging aber der große Weltriß… » (B II, 405).
23 Karl Immermann : Ein Brief statt einer Rezension. In : Werke in fünf Bänden. Frankfurt a. M, Athenäum, 1971, Band I, p. 514-517. Cité d’après : Germanistische Studientexte – Ansichten über Lyrik, hrsg. von W. Schubert u. K.-H. Höfer, Leipzig, VEB Verlag Enzyklopädie, 1980, p. 98. Heine confirmera ce jugement : « Das ist ja eben der Zwiespalt in mir, daß meine Vernunft in beständigem Kampf steht mit meiner angeborenen Neigung zur Schwärmerey ». Lettre du 26 mai 1825 à Christiani, citée d’après Friedrich Sengle, Biedermeierzeit III, Stuttgart, Metzler, 1980, p. 518.
24 « Auf einem gewissen Standpunkte ist alles gleich groß und gleich klein » (B II, 215).
25 Cf. Jost Hermand : « der absolut adäquate Ausdruck einer ortlosen, kritisch-reflektierenden und ständig relativierenden Gesinnung, die sich nur in Kontrasten, Antithesen und Ideenassoziationen ausdrücken kann » (op. cit., p. 92).
26 Sämtliche Werke, op. cit., p. 686.
27 Cf. Der frühe Heine, op. cit., p. 82 : « Die Gedankenschübe folgen aufeinander wie die Wellen, die sich am Ufer überstürzen und dann wieder ins Meer zurückgenommen werden ».
28 Cf. ibid., p. 83 : « Statt wie die Philister und andere Status-quo-Vertreter das Immergleiche zu preisen, pocht [Heine] auf Veränderung. Das Meer liefert nur die Poesie oder besser die Musik zu diesem Credo ».
29 Cf. B II, p. 225, cité ci-dessus.
30 Die Harzreise, B II, 126.
31 Cf. par exemple Wo wird einst des Wandermüden (B IV, 483) ; Jetzt wohin ? (B VI/1, 101).
32 B II, 221-224.
33 Cf. Sonnenuntergang, B II, 171-172.
34 Cf. Poseidon, B II, 174-176.
35 « der alte Unglücksgesang » (B II, 239).
36 « die Zerstörung ihrer uralten Weltordnung » (B II, 236-237).
37 « der große Schmerz über den Verlust der National-Besonderheiten die in der Allgemeinheit neuerer Kultur verloren gehen, ein Schmerz, der jetzt in den Herzen aller Völker zuckt » (B II, 236).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Poison et antidote dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècles
Sarah Voinier et Guillaume Winter (dir.)
2011
Les Protestants et la création artistique et littéraire
(Des Réformateurs aux Romantiques)
Alain Joblin et Jacques Sys (dir.)
2008
Écritures franco-allemandes de la Grande Guerre
Jean-Jacques Pollet et Anne-Marie Saint-Gille (dir.)
1996
Rémy Colombat. Les Avatars d’Orphée
Poésie allemande de la modernité
Jean-Marie Valentin et Frédérique Colombat
2017