La construction religieuse du privé
La mort comme enjeu public dans les querelles religieuses en France au xviiie siècle
p. 41-61
Texte intégral
1Dans son édition de 1778, le Dictionnaire de l’Académie française offre trois déclinaisons du terme « privé1 ». La première acception désigne « un simple particulier, qui n’a aucune charge publique ». Le privé est alors ce qui ne ressortit pas au monde des offices et des emplois publics. La vie privée est ainsi « la vie d’un homme qui est éloigné de toutes sortes d’emplois ». La deuxième définition place la réflexion sur un autre plan et un autre registre de langue, celui du style familier et des relations individuelles. L’adjectif « privé » marque alors la familiarité, voire l’excès de cette dernière. En un mot, privé s’oppose aux convenances et à la bienséance. Il renvoie ainsi à la connaissance personnelle et à l’intimité. Le substantif nous fait franchir cette dernière frontière. Le privé est en effet « le retrait, l’endroit de la maison destiné pour y aller faire ses nécessités », c’est-à-dire « boire, manger, dormir ou se relâcher le ventre ». Dans ce sens, privé renvoie également à domestique. L’Encyclopédie ne rajoute que peu de choses à ces définitions, qu’elle reprend pour l’essentiel, si ce n’est les synonymes de « particulier » et « secret » qu’elle ajoute2. Le privé est celui qui s’est retiré des affaires de l’État et qui parle en son propre et privé nom. Dès lors, « privé » (comme adjectif ou substantif) est associé à particulier, familier et domestique. Au contraire, et cela est éclairant, le terme de « public » renvoie au bien commun, au collectif et à la connaissance partagée par tous. Ainsi définie, la sphère privée comprend une composante religieuse. Le culte domestique protestant l’illustre3. Cependant, il concerne également le monde catholique par l’encouragement aux pratiques personnelles, la diffusion des objets, images et livres religieux dans les intérieurs par exemple4. La pastorale du couple et de la sexualité en est un autre domaine5. Les liens sont donc nombreux entre religion et sphère privée (familiale et domestique) et, qui plus est, le XVIIIe siècle est le cadre d’une privatisation de nombreuses pratiques.
2Le privé devient ainsi support de la pastorale. Le sermon lui fait une place à la fois comme cadre et comme thème. D’une part, comme exemple anonyme, par la conversion du pécheur qui a connu deux vies que tout oppose ou le récit des pratiques d’une personne pieuse. Le privé s’intègre ainsi également dans l’hagiographie et la littérature d’édification qui offrent au lecteur des modèles de sainteté ou, du moins, d’application des vertus. Le privé devient lieu d’exemplarité. D'autre part, la maison et la famille sont le thème de nombreux sermons qui encouragent à des pratiques religieuses spécifiques qui font de la maison un lieu religieux à part entière, dans lequel la famille et/ou l’individu lit, prie, médite6.
3Les querelles religieuses relatives au jansénisme participent activement à ce mouvement. Les notices nécrologiques des partisans ou adversaires de la Bulle en offrent autant de modèles. Pourtant, les refus de sacrements à la mort y prennent une place toute particulière. Ils font l’objet d’un récit précis du déroulement des événements qui met à jour les détails intimes et personnels de ces scènes. Le cas individuel, précisément rapporté, devient emblématique et fait l’objet d’une publicité. En effet, la pastorale et ces récits partagent la recherche de l’exemplarité et la publicisation du cas individuel. Par conséquent, ils contribuent activement à la médiatisation de la vie privée, c’est-à-dire au passage de la sphère domestique et familiale à la connaissance par le public, selon des modalités et des supports variés. Cette divulgation du privé porte en outre une finalité, une volonté et la construction d’un discours propre, autre trait du processus de médiatisation. Ce faisant, cette opération contribue, à rebours, à définir et limiter plus précisément les contours du privé : de ce que l’on peut raconter et de ce que l’on doit taire.
4Nous nous concentrerons ici sur ces deux exemples de statuts complémentaires : les récits de vies pieuses et de refus de sacrements à la mort. Les premiers décrivent la vie privée, mais surtout en proposent un modèle religieux grâce à la définition d’une sainteté plus accessible qui fait place aux pratiques personnelles et domestiques. Les seconds, saisis dans les Nouvelles ecclésiastiques de 1730 à 1780, permettent de mieux cerner les frontières pratiques du public et du privé par l’analyse du rôle respectif de l’ecclésiastique et de la famille du mourant. Surtout, ils relèvent d’une réelle volonté de médiatisation qui vise à souligner le scandale et à faire appel au tribunal de l’opinion.
La mise en scène du privé par les vies pieuses
5Les récits de vies pieuses rejoignent les problématiques de la biographie. Celle-ci a pour vocation de dévoiler la dimension particulière et individuelle, mais la branche spécifique qu’est l’hagiographie a tendance à multiplier les topoi et à reconduire une image classique et permanente qu’incarne la construction de modèles de sainteté. Pourtant, ces textes connaissent des transformations qu’a enregistrées Eric Suire : le recul de l’argument providentialiste et du merveilleux, l’adoption du plan chronologique, la place croissante du rôle social et de la charité. La valorisation de la figure de Benoît Labre le confirme pour le XVIIIe siècle et enregistre les transformations des critères de la sainteté7. Nous nous situons ici à un niveau inférieur, infracanonique, celui des récits de vies pieuses du diocèse d’Orléans8. Cependant, ces textes soulignent la réception et la diffusion de ces transformations de l’hagiographie qui dessinent de nouveaux contours de la sphère privée.
L’affleurement de la vie privée
6Dans l’ensemble, la vie sociale et privée est réduite à sa plus simple expression et dans des modèles entendus. Le mariage n’est pas l’état de sanctification le plus parfait et les récits de vies louent davantage ceux qui y renoncent9. Pour les autres, cela devient un temps d’épreuve et de fortification. Jeanne Cottereau offre le modèle de la patience et de la soumission convenables à la femme mariée, battue par son mari et dévouée à ses enfants et à leur éducation. Le modèle conventuel reste un horizon d’attente largement partagé qui valorise l’humilité, le refus des honneurs, la retraite, la soumission à Dieu. La dénonciation de ces comportements par les mondains en fournit en creux une preuve d’authenticité.
7Tous les traits relevés vont dans ce sens et soulignent à l’envi les pratiques religieuses. Pourtant, par ces mentions, certains traits privés apparaissent. La fréquentation active des sacrements et de la messe s’accompagne de précisions sur les pratiques personnelles, comme celle de Jeanne Perret, alitée pendant quarante ans, et qui assiste à la messe en esprit. Il en est de même pour l’oraison. Marie Poisson prie pendant trois ou quatre heures et parfois même toute la nuit. Jeanne Cottereau s’adonne quotidiennement à la méditation sur la vie et la mort de Jésus-Christ, motif d’actes de contrition fréquemment renouvelés. Ces récits d’oraison sont bien dévoilement du privé. La narration des pénitences nous fait également franchir le seuil domestique. Marie Poisson se contente de pain et d’eau pendant trois ans puis jeûne rigoureusement les mercredis, vendredis et samedis. Il s’agit de pain trempé dans de l’eau chaude pour Jeanne Cottereau. La première dort par terre et remplit sa paillasse de mottes de terre et de chaumes. Cette condamnation et ce mépris du corps aboutissent à la marge à une illustration de la sphère privée. Les nombreuses pratiques religieuses et leurs supports y participent également. Les lectures pieuses sont une pratique quotidienne : le soir chez Charles Le Pelletier.
8Chez Jacques-François Jogues de Bouland, à la jeunesse dissipée, marquée par le luxe, le faste et le plaisir, la vie privée affleure quelques fois. Le jeu incarne cet âge, passion dévorante qui le pousse aux différents vices pour avoir les moyens de l’assouvir. Bien sûr, cette description mène à la conversion, radicale et définitive. Ce faisant, elle révèle une part de la vie privée.
9Surtout, ces récits de vies connaissent des évolutions nettes dans leur structure et leur contenu. Ces mutations sont de trois types et reconduisent les changements de l'hagiographie, enracinant ces récits dans une dimension plus personnelle.
Le rapprochement de la sainteté
10D’abord, la structure du texte change. À la fin du XVIIe siècle, la biographie associe un court récit et une déclinaison des vertus chrétiennes, partie beaucoup plus développée. Nous retrouvons ici une connotation monastique qui se retrouve par exemple dans les abrégés des vies et vertus des religieuses10. Chaque chapitre de la biographie de Jeanne Cottereau, consacré à une vertu spécifique, s’ouvre ainsi sur un renvoi à un saint : François d’Assise pour la pauvreté et l’humilité. Au XVIIIe siècle, c’est la vie qui scande le récit déroulé selon une structure chronologique, de la naissance à la mort. Les vertus s’insèrent dans la trame du quotidien et ne sont plus rejetées à l’écart.
11Cette transformation s’accompagne d’une promotion du laïc. Les récits de vies pieuses de la fin du XVIIe siècle soulignent l’importance de la direction spirituelle et de la soumission au confesseur. Un siècle plus tard, une place croissante est laissée à l’autonomie du laïc. Ce dernier est ainsi valorisé à la fois comme acteur et destinataire du récit11.
12Cette adresse au laïc est facilitée par la dernière transformation que connaissent ces textes, la définition d’une sainteté plus proche, débarrassée du merveilleux et du miraculaire. Leur but même est de proposer un modèle de sainteté, comme le précise le biographe de Marie Poisson qui veut définir « un exemple à la portée de tous et auquel ils n'auront rien à opposer. C’est celuy d’une pauvre veuve d’une villageoise qui a passé plus de 35 ans dans tous les exercices les plus penibles de la penitence et dans les employs les plus fatigans de la charité envers les pauvres ». Trois éléments permettent alors de rapprocher la sainteté du lecteur. D’une part, il s’agit de saints contemporains placés dans la dévotion infra-canonique. La localisation précise des événements et l’enracinement local participent à cette contemporanéité. D’autre part, le caractère populaire des personnes pieuses favorise l’identification, tout comme les détails concrets de la vie quotidienne, comme pour le ménage de Marie-Anne Poullain. Enfin, ces textes définissent une sainteté accessible grâce au recul des miracles : les récits font ainsi ressortir une sanctification de la vie quotidienne dans une piété des états et non un temps d’exception marqué par des pratiques spécifiques, pénitentielles ou miraculaires. Par conséquent, pratiques de pénitence et de mortifications reculent, tout comme la dimension mystique puisque « la sainteté, la pureté de vie est bien supérieure aux miracles12 ». Par ces transformations, les récits font de plus en plus de place à la vie privée.
L’affirmation d'une exemplarité
13Ce rapprochement favorise l’imitation et conforte la finalité de ces textes. Ils visent en effet explicitement une exemplarité chrétienne, puisque « il n’y a rien de plus utile aux fidèles après la lecture de l’Écriture sainte que la vie des saints ainsi que nous l’apprenons dans le livre des Confessions de saint Augustin ». Cette imitation concerne également le Christ, puisque « c’est la volonté de Dieu que nous le fassions ainsi et que nous soyons tous des saints ». La médiatisation de la vie privée est donc un outil qui rapproche le modèle christique de la vie quotidienne. Plusieurs récits font ainsi appel directement au lecteur, comme au sujet de la prière chez Jeanne Cottereau. Après les développements la concernant, le biographe conclut « c’est par vos epanchemens vers les créatures et le manque d’oraison mentale, que vos prières sont si peu efficaces13 ».
14Ces récits de vie participent donc bien à la médiatisation de la vie privée, et ce de plus en plus au XVIIIe siècle, du fait de l’affirmation de la part personnelle de la biographie au détriment du seul modèle canonique. Dans cette publicisation, les supports se complètent. L’impression est importante, mais s’accompagne d’une diffusion manuscrite. Les vies de Jogues et Le Pelletier se retrouvent ainsi dans une version manuscrite dans un Catalogue des personnes vertueuses14. L’idée est bien de promouvoir, le plus largement possible, un modèle de comportement religieux en l’adaptant au public et en s’appuyant sur la dimension privée qui prend une place croissante dans ces récits.
15Nous retrouvons ces traits sur un autre plan et dans un autre contexte, celui des refus de sacrements à la mort au cours des querelles autour du jansénisme, notamment à partir de 1749 et de l’exigence des billets de confession par l’archevêque de Paris Beaumont. Selon les relevés de Jacqueline Thibaut-Payen, ces refus occupent surtout les décennies 1740-175015. Nous avons ici considéré également les refus qui ont eu lieu dans les décennies suivantes. Les récits qu’en font les Nouvelles ecclésiastiques, source utilisée ici, s’attachent à la reconstitution des faits, mais construisent également un discours spécifique et cohérent qui fait des refus de sacrements une affaire privée, afin de faire ressortir le scandale provoqué par les refusants. Ce faisant, cette médiatisation est destinée à les dénoncer et à faire appel à l’opinion.
Les refus de sacrements à la mort : une affaire privée
16À l’époque moderne, la mort est publique : l’assistance doit témoigner de la bonne mort et accompagner le mourant dans son épreuve. Pourtant, au XVIIIe siècle, les choses changent progressivement, « le grand cérémonial s’intimise, le public se restreint au cercle des proches » et l'heure de la mort se dilue dans l’épaisseur de la vie au profit d’une préparation de tous les instants16. La mort devient privée, au sens de familial et domestique, comme le souligne Monique Cottret qui précise que « la mort est devenue une affaire privée ; l’opinion ne comprend pas les décisions du clergé constitutionnaire, la cause des jansénistes devient populaire17 ».
17Les affaires de refus de sacrements, et les polémiques qu’elles suscitent, sont en effet à la fois un facteur et un indice de ce changement. Le compte-rendu de la séance des chambres du Parlement de Paris du 17 mai 1752, consacrée à un refus de sacrement fait en la paroisse de Joigny, diocèse d’Auxerre, en témoigne18. À l’issue du récit, le magistrat va s’employer à démontrer que le refus de sacrements à la mort est un scandale public et qu’il relève donc de la compétence du tribunal. En effet, « il lui paroissoit resulter un scandale public des refus de Communion dont il avoit eu l’honneur de rendre compte, et sur la publicité et le scandale desquels il n'étoit pas possible d’équivoquer, comme on équivoque quelques fois avec aussi peu de fondement, sur les refus de sacrement faits à l’article de la mort ; quoiqu’ils ne soient pas moins publics, quoiqu’ils causent plus de scandale et quoique souvent ils deviennent irréparables ». Destiné à justifier une compétence juridictionnelle, l’argumentaire du magistrat atteste bien le caractère ambigu des refus à la mort et leur inscription en pratique dans un domaine privé, celui du cadre domestique et familial, les deux dimensions du privé selon les dictionnaires de l’époque. Plus encore, ces querelles participent à la définition de ces éléments par la description précise des rôles de l’ecclésiastique et de la famille.
Le cadre domestique et familial des refus de sacrements
18L’inscription dans la sphère domestique est importante. Tous les refus ont lieu dans ce cadre. Plus précisément, les scènes distinguent deux espaces : les pièces de réception et la chambre du malade, avec parfois une frontière solide entre les deux. Le curé de Senonches (diocèse de Chartres) entre dans la chambre du mourant, malgré les protestations de la famille, et revient le soir avec son vicaire. La frontière est alors matérialisée et transgressée puisque « on permit au premier d’entrer, mais non au second, que le Curé introduisit néanmoins malgré qu’on en eût19 ». Les détails concrets renforcent cette intimité et ce contact. Ainsi en 1751, le curé de Saint-Étienne de Toulouse « se met gravement dans le fauteuil qui étoit au chevet du lit du malade ».
19La visite pour les sacrements peut alors devenir l’occasion d’une enquête sur la vie quotidienne du mourant par la recherche des images, livres et objets rattachés au jansénisme, comme le fait le curé de Saint-Maclou de Pontoise dans la chambre de la demoiselle Charles, marchande. De ce fait, le refus de sacrements à la mort revêt un statut particulier et offre au nouvelliste une occasion de souligner la duplicité des refusants. Commentant l’arrêt du Parlement relatif à l’affaire Coffin (conseiller au Châtelet), il s’interroge si « le P. Bouettin et ses semblables ne sentiront jamais combien il est ridicule et inconséquent de traiter aujourdhui un homme de Catholique à l’église et demain d’Hérétique dans son lit20 ». Ce commentaire atteste bien la différence de rapport que motivent l’inscription dans le cadre domestique et la relation plus personnelle.
20Pourtant, personnel ne signifie pas seul et, dans le cadre de l’entretien avec le malade, l’intervention de la famille est légitime afin d’assurer le salut du mourant. Le portrait idéal de la cérémonie est le curé donnant le viatique à un pénitent entouré de sa famille et de ses amis, ce que relate d’Argenson pour la demoiselle Lallemant en 175521. Le principal locataire d’Armand Colas, prêtre du diocèse de Reims qui réside sur la paroisse de Saint-Séverin de Paris, prend ainsi sa défense contre le vicaire au motif que « cela me regarde, je suis le maître dans cette maison, le malade est mon locataire et il n’a point de parents ici qui puisse prendre ses intérêts22 ».
21Dans le cadre des querelles, l’entourage peut également jouer le rôle de témoins d’une acceptation ou du refus de la bulle Unigenitus avec, selon les cas, un appel fait par le curé ou le malade. Les domestiques peuvent s’avérer être des auxiliaires importants, comme à Marseille en 1752 chez Henri Dupuy, fils d’un trésorier de France, où « le domestique du malade [sollicité par le curé] regardant comme une chose sans conséquence le petit signe qu’on vouloit tirer d’un homme qui avoit à peine un souffle de vie. Si on s’en contente dit-il nous le lui ferons bien faire ». L’entourage peut ainsi être mobilisé pour encourager l’acceptation de la bulle. Le curé de Joigny « recommanda aux personnes qui étaient présentes d’engager cette pauvre femme à faire ce qu’il exigeoit d’elle ». Au contraire, et le plus souvent, les parents présents peuvent contrecarrer les buts des ecclésiastiques. Madame Lhoste, femme d’un procureur du parlement de Paris, refuse que ses parents sortent « tout le monde reste et le Curé fait ses interrogations publiquement23 ».
22De ce fait, l’entourage est également un acteur des refus de sacrements. En 1751, à Forcalquier, les parents du malade attestent de la qualité du confesseur dénoncé par le curé, car « les parents étaient des temoins bien competens de ce dernier fait »24. Cette discussion peut tourner à la discussion théologique afin de défendre le malade et sa résistance. Or, les ecclésiastiques vont chercher à rompre cet équilibre en écartant la famille et en sollicitant, de plus en plus après 1749, un entretien particulier (synonyme de privé, rappelons-le). Cette attitude est systématiquement dénoncée par les Nouvelles ecclésiastiques comme un abus de pouvoir ou un caprice arbitraire.
La question de l’entretien particulier
23L’entretien particulier est un enjeu important, car il permet de circonscrire le malade et de ne pas avoir de témoins à la discussion25. Ce faisant, l’ecclésiastique veut éviter les pressions éventuelles sur le mourant destinées à l’encourager dans le refus, mais il rompt également les liens de la famille, attitude ressentie comme un abus. À Langres, en 1743, le curé refuse que la fille de Madame Simonnet assiste sa mère au moment de la profession de foi, en raison du scandale opéré par l’une de ses sœurs pour « doctrine hérétique ». Dès lors, le nouvelliste dénonce les stratagèmes utilisés par les ecclésiastiques pour assurer un tel entretien. Il peut précipiter les choses, comme le curé de la Madeleine de Vendôme qui après un mot de la dame Monardet, « sans donner le tems aux parens de s’assembler, court vite chercher les sacrements ». Il peut mener une étroite surveillance qui s’appuie notamment sur les domestiques de la maison, comme à Nantes, où le curé de Notre-Dame « exige des domestiques la liste de ceux qui se presenteront, persuadant ceux-ci qu’ils seraient damnés s’ils ne le faisaient pas26 ». L’abus concerne alors également l’usage des choses sacrées.
24La défense de cet entretien s’accompagne ainsi de la dénonciation du caractère emporté de l’ecclésiastique, trait permanent du discours des Nouvelles ecclésiastiques contre le clergé constitutionnaire, loin de la décence, de la modestie et de la retenue du modèle du clergé tridentin. À Orléans en 1749, le curé de Sainte-Catherine, Blanchet « un jour qu’il savoit le mari sorti, il entra brusquement, monta chez la mourante (la dame Challier) qui ne parloit plus, chassa les personnes qui y étoient, en prit une par les épaules, la poussa dehors, ferma la porte avec les verroux et alla s’asseoir auprès du lit » mais la nièce rentre par une autre porte27.
25Cette insistance n’est pas sans conséquence. À partir de 1751, le nouvelliste appuie sur la détérioration de l’état de santé du malade qui suit l’entretien particulier avec l’ecclésiastique. La visite du curé de Saint-Martin d’Amiens « n’aboutit encore qu’à fatiguer inutilement la malade [Louise Eugénie Bauvin, femme d’un riche négociant], malgré les représentations également fortes et respectueuses qui lui furent faites, tant par les parens que par le mari lui-même ». Dans cette scène, le médecin fait son apparition et s’oppose au curé, autre trait du changement de l’image de la mort. À Marseille en 1752, le « médecin a dit hautement que la dispute dont on vient de rendre compte, accélérera le tems de l’agonie28 ». De ce fait, l’intervention ecclésiastique ne respecte pas la situation du malade et apparaît donc de plus en plus comme une intrusion dans la sphère privée. Dès lors, les laïcs défendent cette dernière face à l’ecclésiastique. À Pontoise, le curé « demanda à lui [demoiselle Charles] parler sans témoin : mais on prit de bonnes mesures pour entendre ce qui se disoit » puis au cours de la discussion « un frère de la malade (greffier de la prévôté) entra et dit au Curé : Mr, n’inquiétez pas davantage ma sœur, vous ne la ferez pas changer de sentimens. Sur cela le curé se plaignit fort mal à propos qu’on le troubloit dans ses fonctions29 ».
26L’entretien particulier est donc l’objet d’une lutte qui vise à définir géographiquement et socialement la sphère privée. À Auxerre en 1779, « revenu après déjeuné, [le curé] fait sortir tout le monde de la chambre, ferme la porte, les fenêtres, les rideaux meme, et après s’etre assuré qu’il ne seroit entendu de personne, il attaque la pauvre malade et la tourmente aussi longtemps qu’elle conserva la connaissance. On essaya en vain de forcer les barrieres et d’entrer dans la chambre pour soustraire la moribonde à ses vexations30 ». Par tous ces aspects, les querelles des refus de sacrements contribuent donc activement à définir de manière pratique les contours du privé et non seulement à inscrire ces affaires dans une sphère intime préexistante. La position respective de l’ecclésiastique et des proches s’avère alors cruciale.
La construction pratique d’une dimension privée
27La présence et les questions ecclésiastiques importunent et rompent l’équilibre comme à Dax en 1751 où le curé précise qu’il ne peut donner les sacrements à Madame Lacoste « quelqu’un de la famille lui dit, Vous ne voulez donc pas donner les Sacremens à la malade ? Non : elle n’a pas donné assez de preuves de Catholicité ». L’intervention de l’ecclésiastique entraîne donc un mélange entre dimensions privée (les croyances) et publique (stigmatisée par le refus de sacrements). Une autre affaire l’illustre sur un plan différent, celle de Looze (diocèse de Sens) où le curé refuse les sacrements à de nombreux paroissiens. En 1752, alors qu'il confesse Jean Drouet, vigneron, il sort du confessionnal et la discussion monte : le vigneron refuse de se confesser à ce curé, l’accusant d’être « un loup ravissant, un faux prophète ». Le curé répond alors « qu’il devoit songer à la farine ; rappellant un prétendu vol de farine fait anciennement par ce Drouet, lequel s’écria aussitôt : M le curé, Vous révélez la confession31 ». Cette affaire est remontée au Parlement où le curé reconnaît ses propos injurieux, mais se défend d’avoir violé le secret de la confession, dans la mesure où le crime est public et connu de tous. La reprise de l’information par le nouvelliste montre bien l’attachement au secret et à la réputation. Ce détour par le confessionnal souligne l’importance des enjeux qui reposent sur le clivage public/privé et ses transgressions au cours des querelles du XVIIIe siècle.
28Un mémoire sur les refus de sacrements dont rendent compte les Nouvelles ecclésiastiques élargit ces conclusions. Il pose en effet la question suivante : « Le curé a-t-il le droit de faire une sommation publique à un malade de se soumettre à la Bulle ? A-t-il le droit de l’interroger publiquement32 ? » La réponse est non car cela n’est pas de son ressort, il mélange for interne et for externe. Or, le refus ne peut se justifier que si le crime est public. Dans ces conditions, le pénitent n’est pas obligé de répondre aux questions de l’ecclésiastique.
29La place des proches est alors évidente, défendre le malade et rappeler l’ecclésiastique à ses devoirs. En 1752 à Montpellier, une telle discussion s’engage alors que le curé interroge la malade :
un des assistants, proche parent de la malade, voulut y suppléer, en lui présentant la question d’une maniere plus claire et plus simple [...] mais elle irrita le Curé, lequel prenant un ton aigre et menaçant, apostropha le parent d’une maniere dure. Ce dernier, homme respectable par ses lumières et par sa piété, demanda justice à la compagnie, qui la lui rendit dans l’instant, en présence et aux dépens de l’aggresseur. Puis se tournant vers celui-ci : Comment pouvez-vous me demander de quoi je me mêle et de quel droit ? Mademoiselle Carquet est ma cousine germaine ; vous ne l’ignorez pas ; et une cousine que j’ai toujours aimée et respectée. Dans une occasion si essentielle, peut-on me faire un crime de m’intéresser à ce qui la regarde ? Vous me demandez de quel droit ? Toute sorte de droit m’y autorise : le droit des gens, le droit divin, le droit de l’humanité.
30La revendication des liens de famille, et plus encore de l’amitié, est ici centrale et entérine le changement de régime juridique. À cette nouvelle aune, l’ecclésiastique n’est plus une autorité dont la mission est d'assurer le salut de ses ouailles et dont les questions ne peuvent être contredites, mais un perturbateur du repos familial. Ce changement se traduit par le commentaire de nombreux ecclésiastiques qui accusent la famille de les troubler dans leurs fonctions. Le dialogue engagé entre le notaire Azon et le desservant de Saint-Nicolas-des-Champs autour du lit de M. Roullant, sous-diacre, est tout à fait éclairant33. Le premier intervient d’abord au sujet de l’entretien particulier, puisque « le malade ayant supplié son ami de ne pas l’abandonner, M. Azon se contenta de permettre au Sieur de la Tour de s’approcher de plus pres qu’il pourrait et de parler à l’oreille de M. Roulland ». Puis, et surtout, le notaire répond à une attaque de l’ecclésiastique l’accusant de le troubler dans ses fonctions et lui demandant acte du refus d’accepter l’entretien particulier. Il précise en effet : « Je ne suis point ici M. en qualité de Notaire mais d’ami du malade, je ne vous empêche point de lui parler, c’est lui qui nous prie de ne pas l’abandonner ». Ce jeu autour des fonctions du notaire souligne que l'opposition n’est pas professionnelle, mais fondée sur les liens affectifs et humains, faisant a contrario de l’ecclésiastique une image du despotisme et de l’autorité excessive.
31Dès lors, le récit des refus de sacrements définit les contours pratiques d’un espace privé qui repose sur les liens personnels (familiaux et/ou affectifs) mais aussi et surtout sur l’affirmation de la conscience comme fondement34. Le croyant est en effet le mieux placé pour connaître sa situation spirituelle et le nouvelliste estime qu’il est inutile au curé d’interroger le malade « s’il déclarait que n’ayant rien actuellement sur sa conscience qui lui fasse de la peine ». Il faut s’en rapporter à « sa parole et à ses déclarations sur les dispositions de son ame ». La contestation de l’autorité ecclésiastique et la délimitation du privé reposent alors sur un nouveau fondement, plus intime. Nous retrouvons ici le témoignage de la vérité, allégué par une fille de marchand à Sergines (diocèse de Sens) qui répond au curé : « Mr, nous savons que c’est la Vérité que nous soutenons, et la vérité est la parole de Dieu même35 ». La conscience n’est ainsi pas une tranquillité d’esprit mais une réelle exigence, ce qui motive la résistance à la bulle Unigenitus.
32Les refus de sacrements contribuent donc activement à une définition pratique du privé, qu’il s’agisse de sa composante domestique, familiale ou intime. Dans tous les cas, l’ecclésiastique sert de repoussoir, puisque ses transgressions de l’espace domestique, des liens du sang et des droits de la conscience permettent à rebours de définir ce qui ne relève pas de son autorité. Or, cette dénonciation s’inscrit dans une démarche de publicisation, opérée notamment par les Nouvelles ecclésiastiques, destinée à faire éclater le scandale et à faire appel au tribunal de l’opinion. La médiatisation de ces épisodes privés vise donc à l’exemplarité, mais aussi à l’action.
La médiatisation des refus de sacrements : un appel à l’opinion
33Les affaires de refus de sacrements ont suscité toute une littérature, de statuts extrêmement variés : des libelles aux mémoires judiciaires, des gravures aux arrêts du Parlement, des déclarations royales aux récits des Nouvelles ecclésiastiques. La médiatisation est donc réelle. Dale Van Kley en a étudié la portée politique et montré que ces affaires participent activement à la désacralisation de la monarchie36. Nous nous situerons ici à un niveau différent et complémentaire, celui du rapport au privé et de l’appel à l’opinion, en nous concentrant sur les Nouvelles ecclésiastiques. La publicisation de ces récits sert en effet d’abord à dénoncer les scandales et à rétablir les réputations, mais elle porte également un appel au tribunal de l’opinion manifesté par la judiciarisation des affaires.
Donner l’exemple du scandale
34Dans la logique des Nouvelles ecclésiastiques, chaque cas témoigne pour l’ensemble des affaires et porte donc un discours général. L’exemplarité est toujours sous-jacente. Le sous-doyen du parlement de Toulouse (M. de Chalvet) à qui on refuse les sacrements « sentit lui-même tout d’un coup qu’on ne vouloit le frapper que pour intimider tout le Diocese ». La réhabilitation dépasse ainsi toujours le cas individuel et permet de réaffirmer la légitimité de la résistance et les logiques du refus.
35Dès lors, la ligne des Nouvelles, et le but de la publication, est de faire éclater le scandale et de souligner l’excès de la conduite des ecclésiastiques. La logique est ainsi retournée : le refus est légitime et le scandale vient des acceptants. À Boulogne-sur-Mer en 1749 où « on a été scandalisé et indigné, on a crié bien haut ; et il est évident que pour les cœurs droits, de semblables excès sont de forts arguments contre une Bulle en faveur de laquelle on les commet37 ». Or, le scandale « se dit de l’éclat que fait une chose qui est honteuse à quelqu’un » selon le Dictionnaire de l’Académie, mais le scandale est aussi « une occasion de tomber dans l’erreur et signifie plus ordinairement Occasion de chute que l’on donne par quelque mauvaise action, par quelque méchant discours38 ». Le scandale porte donc une dimension religieuse et le modèle que fournit le curé n’est pas seulement une conduite personnelle (dénoncée comme excessive et non-conforme à la charité), mais est source de chute pour les fidèles. Cette médiatisation des refus vise donc à lutter contre l’erreur en la faisant connaître.
36L’erreur dénoncée est ici l’exercice des fonctions ecclésiastiques au nom d’un arbitraire personnel et l’immixtion du curé dans la sphère privée. C’est notamment le cas en 1750 à Langres, puisque le curé refuse le mariage de deux jeunes gens tant qu’ils n’auront pas signé la bulle Unigenitus. La démarche faite grâce aux instances du curé, « arrivés à l’église, et tout le monde étant assemblé, le Curé, avant de leur donner la bénédiction nuptiale, lut publiquement à haute et intelligible voix l’Acte d’acceptation ». Les deux sphères sont ici mélangées. Or, au cours de ces démarches, le futur mari a fait pression sur la demoiselle contre la volonté de la mère de cette dernière. Seule l’intervention de son confesseur obtient la signature. Cela continue l’année suivante : le frère de la future est responsable d’une plaisanterie sur cette signature qui lui suscite une réprimande de la part de l’évêque. Le lendemain, la jeune mariée va s’excuser auprès du prélat pour justifier « qu’elle n’avoit aucune part aux plaisanteries de son frere et qu’elle lui en faisoit ses excuses39 ». Dimension familiale, relations privées et affaires religieuses se mêlent.
37Ce scandale, présent ici au mariage, est encore accru dans les refus de derniers sacrements, par la proximité de la mort et les enjeux de salut qu’elle porte. L’inhumation en est la concrétisation, manifestation publique d’un refus privé40. En effet, le plus souvent, les victimes se voient refuser une inhumation complète, illustration publique du déshonneur. Ceci est relevé par un certain nombre d’indécences, dénoncées pour faire ressortir le caractère excessif et inadmissible de la conduite des ecclésiastiques. La demoiselle Mahudel est morte sans sacrement à Langres en 1751. Afin d’éviter les problèmes d'inhumation et le scandale, sa famille décide de la « faire inhumer plus décemment aux Jacobins », mais le curé est chargé de lever le corps. Il envoie alors son vicaire qui va « avec une affectation marquée, jusqu’à la maison voisine, sans vouloir approcher du corps, ni recevoir le goupillon, qui lui fut présenté par un particulier et qu’il repoussa brusquement et [...] les Bedeaux le porterent precipitamment par son ordre à la principale porte des Jacobins, non seulement sans chant ni prieres, mais avec un air et des ris indecens qui ne pouvoient exciter que scandale et indignation parmi les spectateurs. Le Vicaire et le porte croix s’enfuirent aussitôt, sans qu’il fut question d’inscrire l’Acte d’inhumation41 ». L’indignation est ici encore renforcée par l’incapacité du rédacteur à trouver les mots : les choristes de la paroisse sautent sur la fosse « accompagnant cette indecence et ce scandale de discours encore plus scandaleux et indecens ».
38Nous retrouvons ici la double dénonciation maintes fois soulignée. L’ecclésiastique stigmatise le mort par le non-respect des cérémonies, mais également par le mépris du corps qui est ainsi assimilé aux protestants dans une identification toujours sous-jacente, parfois explicite. Ce faisant, il dénonce un comportement privé et porte atteinte à l’honneur et à la réputation de la famille, ultime barrière de la dimension familiale. Le récit des Nouvelles ecclésiastiques se propose ainsi de défendre les réputations.
Rétablir les réputations
39En effet, refuser les sacrements revient à ravaler les défunts au rang des hérétiques et mécréants, au même titre que tous les débordements privés, ce qui autorise la comparaison faite par Guibert, prêtre de Saint-Martin de Marseille, précisant « qu’il aimeroit mieux avoir affaire à un libertin qui aurait peuplé l’Hôpital de 30 enfans bâtards, qu’à un homme qui a de tels sentimens ». Ces refus mettent donc en question le regard du public sur une famille comme celle de Thieuloi, marchand d’Amiens, qui « appréhendoient qu’il ne vint quelque ordre de la Cour qui, en blâmant leur conduite, les couvrit de honte aux yeux du public42 ».
40Le nouvelliste s’emploie alors à rappeler la conduite irréprochable des refusés, leur orthodoxie et leur fidélité à l’Eglise face à « un traitement si outrageux de la part du Curé et du Vicaire [qui] ne pouvoit ni ne devoit être souffert sans reclamation, par des personnes qui non seulement font la profession la plus entière de Catholicisme, mais qui remplissent exactement tous les devoirs de chrétien, et qui menent une vie des plus edifiantes ». Ces affirmations, maintes fois relevées, ne relèvent ainsi pas seulement du poncif mais ont une réelle fonction de légitimation du comportement du défunt, qui rend encore plus aberrante l’attitude des ecclésiastiques. Le nouvelliste relève significativement les marques de déférence données par des membres du clergé aux refusés. La Demoiselle Monin, issue d'une honnête famille de Lyon, est ainsi morte « sans avoir reçu les sacremens de l’Église, a été inhumée, par déférence pour sa famille, derrière la porte du cimetière de sa Paroisse, dans l’endroit où l’on enterre les corps des enfans morts sans baptême ». L’écart est encore plus net à Angers en 1740. L’évêque lui-même tente d’obtenir une adhésion à la Bulle de M. de Grimaudet du Landrau, mais en vain. Il lui refuse alors les sacrements, refus accepté par le défunt. Pourtant, le prélat « par considération pour la famille accorde la sépulture ecclesiastique avec ordre par écrit de n’omettre aucune des cérémonies prescrites par le rituel43 ».
41La déférence et la considération soulignent l’attention aux réputations et, dans certains cas, la volonté de préserver l’honneur de la famille. Nous nous trouvons ici à la jonction entre privé et public autour du crédit familial et de sa place dans la société. Cependant, nous retrouvons ce clivage à front renversé de deux manières. D’une part, le curé refusant se présente luimême comme le défenseur de la réputation familiale, précisant dans le cas de l’évêque de Marseille que « c’est par consideration pour la famille qu’il avoit bien voulu paraître content d’un signe », attitude dénoncée par les Nouvelles ecclésiastiques comme signe forcé et ne voulant rien dire de la position du défunt. D’autre part, la défense du parti et la fidélité à sa position religieuse deviennent, en conformité avec la logique du témoignage de la Vérité, un élément d’honneur et de réputation, notamment au moment où le parti est minoritaire44. En 1773, un charpentier du diocèse de Troyes affirme que le curé lui donnerait les sacrements à condition que « je lui promette de me retracter de mes sentimens devant tout le monde, que je demande pardon du scandale que j’ai causé ». Il répond : « Je scandaliserai plutôt en demandant pardon45 ». Le scandale change alors de sens et la publication du témoignage est appel à Limitation.
42Par son récit, le nouvelliste a donc pour vocation de donner exemple, mais aussi de réparer le scandale et de rétablir les réputations. Cependant, faisant cela, il introduit également une autre forme de médiatisation : le recours aux autorités judiciaires.
Un appel au tribunal de l’opinion
43Il ne nous revient pas ici de préciser les étapes de l’intervention judiciaire dans ces matières, ni de souligner l’importance des causes judiciaires dans la dynamique de médiatisation de la vie privée, démontrée par Sarah Maza46. Cependant, il paraît nécessaire de faire ressortir les traits de cette judiciarisation à l’égard des refus de sacrements.
44L’argumentaire est ici très important. Selon l’arrêt du 18 avril 1752, qui sanctionne une jurisprudence antérieure, seule la dimension publique de l’affaire permet à un tribunal de se saisir du cas, à la différence du for interne. Par conséquent, il s’agit de montrer en quoi le refus de sacrement à un non-excommunié est une diffamation qui trouble l’ordre public. Les parlements ont ainsi justifié leur intervention : les refusants sont poursuivis comme « perturbateurs du repos public ». L’insistance du nouvelliste sur le scandale et la réputation est aussi un moyen de souligner cette dimension publique de l’affaire. En 1751, il dénonce le bailliage de Langres qui n’est pas intervenu dans une telle affaire. Or, cela est d’autant plus grave que l’atteinte à la famille est notoire. Il s’indigne alors que « la Justice ne vange pas sur le champ une insulte si caractérisée, et faite avec tant de scandale a la memoire d’une sainte fille, qui étoit l’édification de toute une grande ville ». Dès lors, le nouvelliste engage l’abbé de Chalvet, frère du défunt de « poursuivre au Parlement la reparation d’une injure qui rejailliroit sur toute la famille47 ».
45La médiatisation vise donc à défendre l’honneur des familles, mais également à publiciser ces cas et à avertir le lecteur. En effet, ce dernier doit savoir que « il ne serait pas question de ce qui peut intéresser la conscience ». La démarche judiciaire doit donc être appuyée sur l’aspect public du refus, ce qui motive l’opposition à l’entretien particulier. Dans ce cas, et selon le mémoire présenté dans un article de février 1751, le malade n’est pas obligé de répondre et, en cas de refus de sacrement, il est légitimement en droit de faire appel comme d’abus devant des magistrats dont le rôle est de conserver l’ordre et la paix. On le voit, l’argumentaire est purement juridique et ne se prononce pas sur le fond. Dans cette optique, le curé est un simple particulier et « n’a point droit d’établir de sa propre autorité de nouvelles conditions pour l’administration publique des Sacrements48 ». Ce double argumentaire (la dénonciation de la conduite scandaleuse, la justification de l’intervention judiciaire) souligne donc le but de la publication : sensibiliser et prévenir le public49. Ce faisant, la médiatisation a un autre rôle : un appel explicite au public qui s’intensifie dans les décennies 1750-176050.
46Les récits sont construits pour impliquer le lecteur. D’une part, la voix publique est partout et incrimine l’ecclésiastique. En 1752, au cours d’une discussion au Parlement sur le refus de sacrement subi à Joigny, diocèse d’Auxerre, le procureur, qui accuse le curé de trouble à l’ordre et à la paix publiques, « ajouta que la notoriété publique apprenoit que ce Curé s’étoit conduit d’une maniere schismatique lors de l’enterrement ». D’autre part, les rôles sont définis et les réponses également. Chaque épisode donne lieu à une structure identique, dans une sorte de scénarisation destinée à faire ressortir l’inconvenance de la conduite de l’ecclésiastique avec des cas plus spécifiques. Cela se manifeste dans la construction rhétorique de nombreux articles qui donnent lieu au récit d’un dialogue entre l’ecclésiastique et la famille, véritable liste de cas pratiques à suivre. L’affaire du refus de sacrement fait à Jacques Olivier à Orléans en 1744 conclut ces éléments. Il y a une longue discussion entre le vicaire et les parents du malade au cours de laquelle les parents soulignent les contradictions de l’ecclésiastique et le poussent à justifier ses positions. Or, le nouvelliste conclut que « il est bon d’observer encore (pour l’utilité de ceux qui se trouveraient dans le même cas) [et] on fit voir aussi à ce vicaire que, sans être Théologien, on pouvoit avec connoissance de cause rejetter la Bulle51 ».
47Cette implication du lecteur se renforce par la présence matérielle d’incises entre crochets qui introduisent les commentaires du nouvelliste. En 1749, les sacrements sont refusés à Heurtier, horloger de Saint-Germain-le-Vieux, malgré sa présentation d’un billet de confession signé par un religieux. Le nouvelliste ajoute « [nous prions le lecteur de bien retenir cette circonstance] ». La leçon est encore plus claire à Troyes la même année. Jean Guérin, domestique à l’Hôtel-Dieu de la ville, tombe malade et appelle un chanoine comme confesseur. Ce dernier condamne l’usage que fait Guérin des Réflexions morales de Quesnel et « lui arracha une promesse de le faire ôter du moins de sa chambre. Cela ne suffit pas encore, répliqua le Confesseur [On s’imagine quelque fois que ces sortes de promesses sont indifférentes ; mais on voit ici qu’il faut les considérer dans l’intention de celui qui les exige] ». Le lendemain, la discussion s’engage sur la Bulle et le malade refuse de la reconnaître comme règle de foi, concluant « vous ne sauriez croire combien j’ai été tourmenté ; j’en suis dans le dernier épuisement : je n’en puis plus ; je crois cependant avoir fait ce que je devois [preuve que le prétendu signe avoit été mal interprété par les deux Prêtres]52 ». Les commentaires du nouvelliste sont éclairants et ont pour but de montrer les limites de la résistance qui doit être plus claire pour éviter l’interprétation.
48Par cet appel à la judiciarisation et à l’engagement, cette médiatisation des refus de sacrements s’inscrit totalement dans la problématique du militantisme développée par Monique Cottret53. La médiatisation est ici passage d’événements privés à la connaissance du public dans un but judiciaire, mais également une pédagogie du refus de sacrement qui ne vise pas seulement à dénoncer, mais aussi à passer à l’action et à affirmer sa résistance. De nombreux épisodes incitent ainsi les familles à « négocier » (le terme est présent dans les Nouvelles ecclésiastiques) avec l’ecclésiastique en s’appuyant sans doute sur la jurisprudence mise en avant dans le journal.
49Les récits de refus de sacrements rejoignent donc ceux des vies pieuses dans leur volonté d’exemplarité et d’imitation. Les uns comme les autres favorisent cette dernière par des procédés d’écriture qui impliquent davantage le lecteur, par un rapprochement de l’idéal de sainteté dans le premier cas, par un appel explicite et une structure dialoguée dans le second. Ainsi, ces deux sources s’inscrivent dans une réelle médiatisation, avec un discours propre qui vise à l’efficacité. Ce faisant, elles publicisent la vie privée ou, plus précisément, elles la construisent, en soulignant l’importance de la sphère domestique, de la famille et, dans une acception plus intime, de la conscience. La frontière public/privé n’est pas absolue, mais se précise au cours de ces événements. Il est indéniable que les refus de sacrements, et plus largement la mort, y contribuent efficacement. La promotion de la famille et de la conscience en sont deux traits. L’ecclésiastique doit ainsi composer avec cette nouvelle géographie afin d’éviter le scandale.
50L’avocat Barbier s’en fait l’écho en 1751 au sujet des billets de confession réintroduits par l’archevêque de Paris deux ans plus tôt. Destinés à indiquer au curé de la paroisse le nom du confesseur, ils permettent un contrôle sur la direction spirituelle. Or, ceci remet en cause un choix personnel. Le mémorialiste conclut ainsi qu’« il est quelquefois dangereux dans les grands Etats de trop gêner la liberté de conscience ; et il faut éviter toute espèce d’inquisitions ».
51Cependant, la médiatisation porte en elle-même ses limites, puisque visant l’action et la publicisation de la querelle, elle peut être retournée selon Barbier et « il faut s’attendre que les jansénistes feront paraître de temps à autre des sujets malades au lit pour réitérer la querelle et pour occasionner des refus de sacrements, afin d’indisposer de plus en plus le peuple et pour faire agir le Parlement54 ». Sans aller jusque là, le récit porte en effet toujours une dimension de reconstruction et un dialogue entre image et réalité du privé qu’il convient de garder à l’esprit dans l’approche de la sphère privée. Il reflète et construit en même temps son objet.
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Notes de bas de page
1 Dictionnaire de l’Académie française, Nîmes, Pierre Beaume, 1778, article « privé ».
2 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, tome 27, Genève, Pellet, 1779.
3 Olivier Christin, Confesser sa foi. Conflits confessionnels et identités religieuses dans l’Europe moderne (XVIe-XVIIe siècles), Seyssel, Champ Vallon, 2009, chap. 7 ; Étienne François, Identités et pluralisme, Augsbourg 1648-1806, Paris, Albin Michel, 1993 ; Jérémy Foa, « Remarques sur la contribution des guerres de Religion à la naissance d’un espace privé », Histoire urbaine, no 19, 2007, p. 129-143.
4 Voir notamment, François Lebrun, « Les Réformes : dévotions communautaires et piété personnelle », Philippe Ariès et Georges Duby (dir.), Histoire de la vie privée, tome 3. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Seuil, Points, 1999, p. 73-108 et Gaël Rideau, De la Religion de tous à la religion de chacun. Croire et pratiquer à Orléans au XVIIIe siècle, Rennes, PUR, 2009, chap. 9.
5 Notamment, Agnès Walch, La Spiritualité conjugale dans le catholicisme français, Paris, Cerf, 2002 et Marcel Bemos, Femmes et gens d’Église dans la France classique, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Cerf, 2003.
6 Alain Canbantous, Entre fêtes et clochers. Profane et sacré dans l’Europe moderne XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 2002. Pour un exemple de sermon portant sur la maison, Jean-François Deschamps, curé de Saint-Pierre-Ensentelée d’Orléans, Instructions pour tous les dimanches de l'année, Bibliothèque Municipale d’Orléans (BMO pour la suite), Ms 1998, p. 86.
7 Éric Suire, La Sainteté française de la Réforme catholique, Pessac, PU Bordeaux, 2001 et Sainteté et Lumières : hagiographie, spiritualité et propagande religieuse dans la France du XVIIIe siècle, Paris, Champion, 2011. Marina Caffiero, « Naissance et construction d’un culte à la fin du XVIIIe siècle : Benoît-Joseph Labre », Louis Chatelier, éd., Religions en transition dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2000, p. 187-197.
8 Il s’agit des vies de Marie Poisson (1632-1694), veuve d’artisan, qui s’est illustrée par ses charités pendant la crise de 1693, BMO, Ms 1939, Éloge historique de Marie Poisson de la paroisse de Saint-Marc ; de Jacques-François Jogues de Bouland (1637-1695), membre de la bourgeoisie officière, qui s’investit dans la charité (notamment éducative) et connaît une conversion radicale, BMO, Ms 650, Recueil sur le jansénisme ; de Jeanne Cottereau (1653-1698), épouse d’un cabaretier d’une paroisse rurale qui connaît des épanchements mystiques, BMO, Ms 1431, La Vie de la sœur Jeanne Cottereau ; de Charles Le Pelletier (1681-1756), bourgeois, proche des Jésuites et membre actif des cercles dévots de la ville, Ales du Corbet, Abrégé de la Vie de M. Le Pelletier, mort à Orléans, Orléans, Couret de Villeneuve, 1760 ; de Jeanne Perret (1680-1760), fille d’un notaire de Pithiviers, paralytique pendant 40 ans, ce qui ne l’empêche pas de pratiquer la mortification et la charité, BMO, Ms 1770, Vie de Mademoiselle Jeanne Perret ; de Marie-Anne Poullain (1744-1793), fille de médecin qui participe à la diffusion de la dévotion au Sacré-Cœur et protège les ecclésiastiques au cours de la Révolution, ce qui lui vaut d’être exécutée à Paris en 1793, L’Héroïsme de la charité ou Vie de Mademoiselle Marie-Anne Poullain, Orléans, Guyot et Beaufort, 1807.
9 Agnès Walch, La Spiritualité conjugale... op. cit.
10 Pour un exemple, Bernard Dompnier, (dir.), Visitation et visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, Saint-Étienne, PU de Saint-Étienne/CERCOR, 2001.
11 Éric Suire, La Sainteté française, op. cit.
12 BMO, Ms 1939, Éloge historique, op. cit., p. 4-5 et BMO, Ms 1770, Vie de Jeanne Perret, op. cit., p. 143-144.
13 BMO, Ms 650, Recueil sur le jansénisme, f° 366r° ; Ms 1431, Jeanne Cottereau, op. cit., p. 380.
14 BMO, Ms 841, Catalogue des personnes vertueuses de l'un et de l’autre sexe.
15 Pour une présentation de cet épisode, Pierre Chaunu, Madeleine Foisil et Françoise de Noirfontaine, Le Basculement religieux de Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1998. Jacqueline Thibaut-Payen, Les Morts, l’Église et l'État dans le ressort du parlement de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Fernand Lanore, 1977, p. 98-156.
16 Daniel Roche, « La mémoire de la mort : les arts de mourir dans la Librairie et la lecture en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », Les Républicains des Lettres, Paris, Fayard, 1988, p. 103-150 ; Michel Vovelle, Mourir autrefois, Paris, Folio, 1974 (la citation est extraite de ce livre p. 190) ; Philippe Ariès, L’Homme devant la mort, Paris, Seuil, 1977, chapitre 6.
17 Monique Cottret, Jansénismes et Lumières. Pour un autre XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1998, p. 16.
18 Nouvelles ecclésiastiques (NE pour la suite), du 6 août 1752, p. 125.
19 NE, du 8 mai 1749, p. 73 et 8 mai 1751, p. 73.
20 NE, du 12 juin 1749, p. 93 (Pontoise) et du 3 avril 1751, p. 54 (Coffin). Sur cette affaire, voir Dale Van Kley, Les Origines religieuses de la Révolution française, 1560-1791, [1996], Paris, Seuil, 2002, p. 221-224.
21 Elle a en effet reçu les « sacrements avec un grand concours qui y applaudit d’une manière très marquée ». Cité par Dale Van Kley, op. cit., p. 226.
22 NE, du 11 avril 1774, p. 57.
23 NE, du 20 février 1752, p. 29 sq (Marseille) ; du 6 mars 1749, p. 40 (Joigny) et du 26 juin 1750, p. 104 (Lhoste).
24 NE, du 6 mars 1751, p. 40.
25 À Dax en 1752, le curé et le vicaire refusent les sacrements à un ancien domestique et « avoient la precaution de n’admettre aucun temoin à leurs combats singuliers ». NE, du 12 décembre 1752, p. 200.
26 NE, du 4 septembre 1743 (Langres) ; du 1er mai 1749, p. 71 (Vendôme) et du 16 avril 1740, p. 61 (Nantes).
27 NE, du 18 décembre 1749, p. 201. Cet épisode s’inscrit dans un portrait à charge de ce curé par les Nouvelles ecclésiastiques qui insistent sur ce caractère emporté, tant dans cette occasion que dans ses sermons. Il en est de même à Angers en 1740, puisque le curé est « entré précipitamment dans la chambre du malade accompagné du Vicaire et d’un Chapelain de la paroisse », NE, du 16 janvier 1740.
28 NE, du 26 juin 1751, p. 102 (Amiens) et du 20 février 1752, p. 20 (Marseille). Il en est de même à Paris en 1778 à l’encontre de Failly. Le curé de Saint-Cloud fait sortir tous ses amis et le chirurgien pour lui parler sans témoin. Or, « il y eut avec ce malade moribond une contestation si vive, qu’on les entendoit de l’étage au dessous. M. Failly en eut une telle revolution que pendant quelques instans on le crut mort », NE, du 20 novembre 1778.
29 NE, du 12 juin 1749, p. 93.
30 NE, du 13 février 1779.
31 NE, du 28 août 1751, p. 139 (Dax) et du 17 septembre 1752, p. 150 (Looze).
32 NE, du 6 février 1751, p. 21.
33 NE, du 16 juillet 1752, p. 113sq (Montpellier) et du 6 novembre 1759 (Paris).
34 Sur cette importance de la conscience comme aune de comportement, Monique Cottret, Jansénismes, op. cit., p. 183-184.
35 NE, du 19 juin 1750 et du 30 janvier 1751, p. 18 (Sergines). Pour un autre exemple, la veuve Baril affirme au curé de Saint-Paterne d’Orléans que « elle répondit avec simplicité quelle ne le pouvoit en conscience et lui qu’il ne pouvoit aussi en conscience lui donner les Sacrements », NE, du 12 mars 1740, p. 43.
36 Op. cit., notamment chapitre 3.
37 NE, du 8 mai 1751, p. 73 (Toulouse) et du 25 décembre 1749, p. 207 (Boulogne).
38 Dictionnaire de l’Académie française, Nîmes, Pierre Beaume, 1778, article « scandale ».
39 NE, du 21 décembre 1750, p. 204 et du 27 février 1751, p. 33.
40 Jacqueline Thibaut-Payen, op. cit., p. 105-119.
41 NE, du 27 février 1751, p. 33.
42 NE, du 20 février 1752, p. 29 (Marseille) et du 26 juin 1751, p. 102 (Amiens).
43 NE, du 26 mars 1752, p. 49 et du 16 janvier 1740 (Lyon).
44 Catherine Maire, De la cause de Dieu à la cause de la Nation. Le jansénisme au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, NRF, 1998, p. 206-220. Nous retrouvons ici ce qui fonde une « ecclésiologie de la résistance » : à la fois la revendication du témoignage de la vérité et l’appel à l’opinion.
45 NE, du 20 février 1752, p. 29 (Marseille) et du 9 janvier 1773, p. 5 (Troyes).
46 Sarah Maza, Vies privées, affaires publiques. Les Causes célèbres de la France prérévolutionnaire, [1993], Paris, Fayard, 1997 et Mita Choudhury, Convents and nuns in Eighteenth-Century French Politics and Culture, Ithaca and London, Cornell University Press, 2004.
47 NE, du 27 février 1751, p. 33 (Langres) et du 8 mai 1751, p. 73.
48 NE, du 21 mai 1752, p. 83 et du 26 mars 1752, p. 49.
49 Le procès est bien sûr une autre forme de médiatisation, par la diffusion du cas dans le public, grâce aux mémoires judiciaires, au compte-rendu des débats. Sur l’importance de la justice dans cette médiatisation, Sarah Maza, op. cit. et les contributions de Claire Chatelain et Christophe Regina dans ce volume.
50 Catherine Maire, op. cit., p. 220-234.
51 NE, du 27 août 1752, p. 137 (Joigny) et du 30 janvier 1744, p. 19 (Orléans).
52 NE, du 25 septembre 1749, p. 153 (Saint-Germain-le-Vieux) et du 9 janvier 1749, p. 7-8 (Troyes).
53 Jansénismes et Lumières, op. cit., chap. 9.
54 Edmond-Jean-François Barbier, Journal d’un avocat de Paris : l’interdiction de l’Encyclopédie. Tome IX : 1751-1752, Clermont-Ferrand, Paleo, 2009, citations p. 7 et p. 209.
Auteur
Maître de conférences en Histoire Moderne, Université d’Orléans, SAVOURS (EA 3272).
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