Les métamorphoses du sujet. Remarques sur la dépersonnalisation du discours dans la poésie post-symboliste
p. 103-123
Texte intégral
1L’individualisation du discours marque un tournant décisif de l’évolution poétique. Tandis que le « Sturm und Drang » libère la poésie de l’ordre des convenances pour en faire le « langage de l’âme », c’est Goethe qui incarne et revendique cette conquête de l’art :
Wenn ich aber aussprechen soll, was ich [...] besonders den jungen Dichtern geworden bin, so darf ich mich wohl ihren Befreier nennen; denn sie sind an mir gewahr worden, daß, wie der Mensch von innen heraus leben, der Künstler von innen heraus wirken müsse, indem er, [...], immer nur sein Individuum zutage fördern wird.1
2Quelques décennies plus tard, l’individu s’est désuni, le lyrisme cherche d’autres centres de gravité :
Ich weiß nicht, ob Ihnen unter all dem ermüdenden Geschwätz von Individualität, Stil, Gesinnung, Stimmung und so fort nicht das Bewußtsein dafür abhanden gekommen ist, daß das Material der Poesie die Worte sind, daß ein Gedicht ein gewichtloses Gewebe aus Worten ist [...]2
3Mais ce mot mallarméen aux intentions si abstraites s’alourdit de fardeaux existentiels et ontologiques, tandis que le moi trouve dans sa division même les ressources d’une expression toujours nouvelle. Plus tard encore, usant d’arguments extrêmes, Benn discrédite le moi des poètes (« das Ich ist eine späte Stimmung der Natur »3), mais porte à son paroxysme le solipsisme de l’artiste » : « Ich bin auf mich allein angewiesen [sagt das lyrische Ich], [...], ich bin an mich gebunden [...] »4. Ne plus dire « je » mais « manifester sa substance lyrique »5, telle est la gageure que cet héritier déclaré de Nietzsche et Mallarmé assigne à la poésie, se heurtant sans l’avouer aux mêmes paradoxes que les grands prédécesseurs avec lesquels il voulait rompre, George, Hofmannsthal ou Rilke.
4 Ce sont les avatars de ce « je » désintégré et sans cesse renaissant qu’on essaiera de mettre en lumière dans les pratiques poétiques ambivalentes et contradictoires issues de la « révolution symboliste ». On verra que le lyrisme de la « modernité », habituellement défini par la mise en cause radicale de l’individualité, reste paradoxalement tributaire de la parole sujective et défenseur de son autorité.
5Les modalités expressives nouvelles issues de la subjectivation du lyrisme, « Erlebnis- » et « Stimmungslyrik », deviendront à leur tour des repoussoirs de la modernité. Ces notions d’« Erlebnis » et de « Stimmung » étaient cependant suffisamment novatrices et complexes pour contenir en germe des développements ultérieurs bien éloignés du biographisme sentimental où les a enfermées la convention poétique du XIXe siècle. Les divergences de la critique contemporaine en témoignent ainsi, alors qu’Anthony Stephens se range à l’idée généralement admise « daß [...] dem modernen Gedicht mit Kategorien der Erlebnisdichtung nicht beizukommen ist »6, Gerhard Kaiser comprend le « Weltinnenraum » rilkéen comme « äußerste Konsequenz des Weltverhältnisses der Erlebnislyrik mit ihrer Korrespondenz von innen und außen »7. De fait, si le discours de l’« Erlebnislyrik » procède de l’individu, s’il communique un vécu et cherche à impliquer le lecteur dans un processus d’identification, seules ses formes édulcorées présupposent la vraisemblance biographique. Gerhard Kaiser rappelle opportunément que le vécu ainsi transmis est essentiellement de l’ordre du langage, qu’il est produit par la poésie8, qu’il est donc de nature esthétique9, que le moi s’y exprime en s’y reflétant10, et que le temps de ce discours est un présent absolu excluant toute autre temporalité11,… toutes tendances dont le lyrisme du tournant du siècle fera des axes d’innovation radicale. Il en va de même pour la notion de « Stimmung », d’abord liée à l’exploration de l’intériorité12 ; Paul Böckmann souligne la portée existentielle de cette innovation, dont la convention poétique fera un simple accessoire empirico-sentimental :
Im Wechsel der Stimmungen bezeugt sich ein Zusammenhang von Innen und Außen [...], der [...] auf Grundsituationen des Daseins verweist und innere Zustände zu erkennen gibt, die mit der Bewegung des Lebens selbst entstehen.13
6C’est bien à cela que pense Hofmannsthal lorsqu’il évoque « einen genau umschriebenen, traumhaft deutlichen, flüchtigen Seelenzustand [...], den wir Stimmung nennen »14, pour l’opposer au « Geschwätz von Individualität, [...] Stimmung und so fort » ; et Benn lui-même s’inscrit curieusement dans cette lignée romantique lorsqu’il affirme « das Wort nimmt [...] beim primären Lyriker die unmittelbare Bewegung seiner Existenz auf »15.
7La relation du monde intérieur et du monde extérieur, idéalement stabilisée par Goethe dans l’acte créateur, dynamisée par le romantisme dans une dialectique aussi périlleuse que productive, devient pour le symbolisme et les artisans de la modernité poétique une préoccupation existentielle, un symptôme de crise, un obstacle majeur à l’écriture :
die Dichtung [...] um die 20. Jahrhundertwende [nimmt] das Thema Subjekt-Objekt, Ich-Dingwelt, mit unverminderter Stärke wieder auf [...], als ob die Goethesche Weltenwende niemals stattgehabt habe. Alle Wunden beginnen von neuem zu bluten, alle Abgründe öffnen sich wieder [...]. Nirgends ist eine Sicherheit, eine irdische oder himmlische Hilfe. Das sind die Voraussetzungen, aus denen die dichterischen Lebenswerke Hofmannsthals, Rilkes und Georges erwachsen.16
8Alors que Novalis savait encore le lieu de l’âme (« Der Sitz der Seele ist da, wo sich Innenwelt und Außenwelt berühren »17), Zarathustra ricane : « wie gäbe es ein Außer-mir ? Es gibt kein Außen ! »18, et Benn lui fait écho, systématisant les efforts des penseurs et des poètes qui l’ont précédé : « Innen und Außen erst spät geschieden und für gewisse selten kontrollierte Schichten nicht einmal exakt »19. Une telle déstructuration de l’univers n’est certes qu’un effet de la désintégration du moi, de l’amenuisement de son autorité. Mais elle suscite un sursaut créateur de la subjectivité dont le pouvoir renaissant s’affirme dans des constructions poétiques multiples et contradictoires, qui tendent toutes à restaurer l’unité perdue et couvrent un champ spirituel inouï, de la « totale Innerlichkeit »20 mallarméenne au « Gegenglück » (Einsamer nie) de Benn, en passant par le « Weltinnenraum » (Es winkt zu Fühlung) rilkéen.
9Ce sont ces phénomènes que l’on essaiera de cerner à un moment de l’évolution poétique où l’expression lyrique en crise détruit, assimile et ravive, de façon ambivalente et complexe, les données de la tradition.
I
10La déchéance du moi est un thème majeur de l’histoire des idées à la fin du XIXe siècle. La formule d’Ernst Mach, « das Ich ist unrettbar », introduite par Herrmann Bahr dans le débat littéraire, connaît un grand retentissement21. Mais Nietzsche a déjà porté un coup fatal à l’individu, dénonçant « das sogenannte ‘Ich’ » et postulant la « multiplicité du sujet » avant de le condamner comme pure « fiction »22. Mais l’évolution poétique procède conjointement d’une autre source, comme l’a montré Hugo Friedrich :
Mit Baudelaire beginnt die Entpersönlichung der modernen Lyrik, mindestens in dem Sinne, daß das lyrische Wort nicht mehr aus der Einheit von Dichtung und empirischer Person hervorgeht [...].23
11Ce phénomène, encore très ambivalent chez Baudelaire, se radicalise avec ses successeurs : « Mit Rimbaud zusammen bringt Mallarmé die radikalste Abkehr von der Erlebnis- und Bekenntnislyrik [...] »24. La vindicte mallarméenne poursuit toute humanité empirique et s’exprime dans des formules définitives : « La littérature [...] consiste à supprimer le Monsieur qui reste en l’écrivant »25. La dépersonnalisation marque la fin de l’« enthousiasme », des « ascensions », du « délire commun aux lyriques », « l’épuration [...] de [l’]individualité en le vers »26. Le propre de l’encre étant de trop parler27, les résidus empiriques font obstacle à la pureté de l’œuvre, dont l’idéal serait « le poëme tu »28 ; ce n’est qu’en l’absence du poète qu’elle peut devenir « le paraphe amplifié du génie, anonyme et parfait comme une existence d’art »29. La disparition de l’empirique devant l’esthétique signifie donc expressément la fin du lyrisme, de la poésie vécue comme langage de l’âme :
L’œuvre pure implique la disparition élocutoire du poëte, qui cède l’initiative aux mots [...] ; ils s’allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries, remplaçant la respiration perceptible en l’ancien souffle lyrique ou la direction personnelle enthousiaste de la phrase.30
12À la disparition de la médiation personnelle s’ajoute, comme facteur décisif de l’évolution poétique, la définition énigmatique de l’instance dont procède le discours. Hugo Friedrich mentionne le « centre de suspens vibratoire »31, le texte sur Banville parle de « gouffre central d’une spirituelle impossibilité »32 : ainsi, les mots s’ordonnent autour d’un indicible qui ressort par contraste de l’évocation de son absence, et qui semble être le négatif de l’idéal ; on y reconnaît sans peine le néant, dont l’image du « suprême moule » (ibid.) suggère le pouvoir créateur : la formule de Benn, « [die] formfordernde Gewalt des Nichts »33, lui doit sans doute son inspiration. Ces métaphores d’une relative clarté sont englobées par la notion plus féconde encore de « mystère » : « Tout le mystère est là : établir les identités secrètes par un deux-à-deux qui ronge et use les objets, au nom d’une centrale pureté »34. Ce qui ressort de l’abolition mutuelle du poète et du monde n’a d’expression que dans le poème, mais concentre aussi l’essentiel des choses :
Le Maître, par un œil profond, a, sur ses pas,
Apaisé de l’éden l’inquiète merveille
Dont le frisson final, dans sa voix seule, éveille
Pour la Rose et le Lys le mystère d’un nom. (Toast funèbre, Œuvres... 55)
13À ce mystère est liée la fonction symbolique :
Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poëme qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole : évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d’âme, ou, inversement, choisir un objet et en dégager un état d’âme par une série de déchiffrements.35
14Le propos n’est simple qu’en apparence et contient en germe toutes les difficultés que rencontrera l’image poétique dans sa volonté de manifester le sens. Mallarmé, en effet, refuse de choisir entre l’abstraction vertigineuse du néant et la fascination des objets se contentant de refermer la boucle du « mystère » dont celui-ci constitue le symbole ; lequel laisse « transparaître un état d’âme », qui est à son tour comme une réaction au mystère du réel. Si l’on se rappelle la certitude qui émanait de la définition goethéenne du symbole36, on mesure le chemin parcouru et les désarrois à venir : l’obscurcissement de l’inconnu, la perte de l’évidence lumineuse de l’idée, l’alourdissement ontologique du mystère, et la dévalorisation de l’âme, qui cesse d’être le lieu de l’unité et de la connaissance.
15Cette union paradoxale du symbole et de l’état d’âme qui semble démentir la dépersonnalisation, correspond à une extension de l’intériorité. Hugo Friedrich, qui souligne que les périphrases mallarméennes dénotent « das Fehlen jedes Normalbegriffs für Seele oder dergleichen »37, en propose l’élucidation suivante :
Mallarmé dichtet aus einem Zentrum heraus, für das man nur schwer einen Namen finden kann. Will man es Seele nennen, dann unter dem Vorbehalt, daß man damit nicht die unterscheidbaren Gefühle meint, sondern eine totale Innerlichkeit, die ebenso vorrationale wie rationale Kräfte umschließt, ebenso traumartige Gestimmtheiten wie stählerne Abstraktionen, und deren Einheit wahrnehmbar wird in den Schwingungsströmen der dichterischen Sprache.38
16Si le concept de « totale Innerlichkeit » englobe sans doute mieux qu’il n’explique les ambiguïtés de la théorie et de la pratique mallarméennes, il rend en revanche parfaitement compte d’un phénomène auquel le symbolisme donne un essor inouï : l’ambition totalisatrice de la subjectivité poétique, et son corollaire, la confusion de la finalité esthétique et de l’exploration ontologique ou existentielle. Ce processus est encouragé par le monisme et le vitalisme ambiants, qui permettent tous les amalgames. Maeterlinck écrit, par exemple, dans sa réponse à Jules Huret :
[Le poète] est plus ou moins puissant, non pas en raison de ce qu’il fait lui-même, mais [...] par l’ordre mystérieux et éternel de la force occulte des choses ! Il doit se mettre dans la position où l’Éternité appuie ses paroles, et chaque mouvement de sa pensée doit être approuvé et multiplié par la force de gravitation de la pensée unique et éternelle ! Le poète doit, me semble-t-il, être passif dans le symbole, et le symbole le plus pur est peut-être celui qui a lieu à son insu [...].39
17Ainsi le symbole peut-il naître de la conjonction d’une sorte de « disparition élocutoire du poëte » et de la fusion de la subjectivité dans l’éternité : « Und wir lösen uns in Symbolen auf », dit Hofmannsthal, « daß wir und die Welt nichts Verschiedenes sind »40. Dans les poèmes de jeunesse de Rilke, le moi s’efface pour invoquer « mein tieftiefes Leben »41 et s’approche de la totalité indicible du monde : « Dem Namenlosen fühl ich mich vertrauter »42. Un passage du prologue de Die Frau am Fenster43 montre encore toute l’ambivalence de l’héritage symboliste
Und wieder ist ein Stuhl gesetzt für den,
Der ging und alle Stimmen in der Luft
Verstand und doch sich nicht verführen ließ
Und Herrscher blieb im eigenen Gemüt
Und als den Preis des hingegebenen Lebens
Das schwerelose Gebild aus Worten schuf,
Unscheinbar wie ein Bündel feuchter Algen,
Doch angefüllt mit allem Spiegelbild
Des ungeheuern Daseins, und dahinter
Ein Namenloses, das aus diesem Spiegel
Hervor mit grenzenlosen Blicken schaut
Wie eines Gottes Augen aus der Maske.
18Cette description de l’existence et de la création poétiques concentre et exacerbe en effet de manière presque exhaustive et dans toutes leurs contradictions, les intentions mallarméennes : elle subordonne la vie à la création, associe l’immatérialité abstraite du mot au poids de l’existence, et donne à l’image le pouvoir de manifester l’indicible. Il en résulte un lyrisme qui combine paradoxalement l’ambition de la « poésie pure » avec une fonctionnalisation du mot et qui, entraîné par le mystère dont il procède, délaisse le laconisme et la suggestion mallarméens pour un discours périphrastique et proliférant.
19Si précise qu’ait été la connaissance de Mallarmé dans les milieux littéraires allemands et si forte son empreinte, de tels développements ne sont pas imaginables sans l’influence de Nietzsche. Au chapitre V de la Naissance de la tragédie, il entreprend d’[expliquer... le poète lyrique] sur la base de la « métaphysique esthétique ». Le poète, « artiste dionysiaque », fait l’expérience extatique de l’unité de l’être : « Er ist [...] gänzlich mit dem Ur-Einen, seinem Schmerz und Widerspruch, eins geworden und produziert das Abbild dieses Ur-Einen als Musik ». La condition en est l’abolition de la conscience :
Seine Subjektivität hat der Künstler bereits in dem dionysischen Prozeß aufgegeben: das Bild, das ihm jetzt seine Einheit mit dem Herzen der Welt zeigt, ist eine Traumszene, die jenen Urwiderspruch und Urschmerz, samt der Urlust des Scheines, versinnlicht.
20Le paradoxe de l’esthétique de Nietzsche est que, tout en sapant les fondements de la tradition poétique (« Seine ‘Subjektivität’ im Sinne der neueren Ästhetiker ist eine Einbildung »), il redonne au lyrisme sa place au sommet de la hiérarchie des arts (« Identität des Lyrikers mit dem Musiker ») et universalise l’expérience du moi créateur, qui accède par l’esthétique à la totalité « Das ‘Ich’ des Lyrikers tönt [...] aus dem Abgrund des Seins »44. En redéfinissant ainsi les sources de la poésie, Nietzsche dramatise l’acte créateur et réhabilite paradoxalement le lyrisme en donnant à la parole subjective une autorité nouvelle. De plus, il offre aux poètes de son temps un champ d’exploration nouveau, « das ewige Leben des Willens », « das ewige Leben jenseits aller Erscheinungen »45, dont la fascination touchera aussi bien Hofmannsthal que Rilke et durera jusqu’à Benn : [daß hinter Faszination und Wort genügend Dunkelheiten und Seinsabgründe liegen, um den Tiefsinnigsten zu befriedigen]46.
21Ainsi, la conjonction de Mallarmé et Nietzsche est sous-jacente à l’adaptation du symbolisme dans la poésie allemande ; c’est dans l’œuvre des autres que leurs réflexions se rencontrent. Par des voies différentes, tous deux consacrent la fin du lyrisme conventionnel : à l’« épuration » de l’« individualité » dans l’œuvre poétique correspond la contestation du lyrisme comme genre subjectif. Le paradoxe est que ce qui, selon Mallarmé, doit mener au silence, aboutit, dans la mouvance de Nietzsche, à une éloquence nouvelle du moi et au solipsisme radical. Les deux auteurs partagent aussi l’expérience décisive du néant. Tout se passe comme si la réflexion de Nietzsche, qui refuse toute transcendance, cherchait à identifier le « mystère » qu’évoque le symbole mallarméen : ce sera l’expérience tragique de l’unité originelle, « das Ur-Eine ». Les héritiers communs réunissent ces deux expériences pour associer l’esthétique et l’exploration de l’être. C’est ainsi que le mot de Benn, lourdement chargé de contenus mythiques et existentiels, peut paradoxalement revendiquer le modèle du symbole mallarméen, qui s’évapore dans l’inconsistance du néant :
Worte schon, aber nur als anthropologische Laut- und Lastträger, [...] Ewig unerklärliches Sein der Strophe -: das große Geschlecht der französischen Symbolisten hatte ja gerade sein Werk in diese Richtung vorgetragen.47
22De même, l’œuvre de Rilke reste partagée entre une volonté d’abstraction extrême et une adhésion tragique au monde, dont l’expression est marquée par l’autorité quasi médiumnique de la subjectivité créatrice.
23L’ambivalence de l’héritage symboliste paraît ainsi tenir à ce que l’abstraction purement esthétique du symbole48 ne résiste pas au néant vers lequel Mallarmé la fait tendre et que l’image, lasse de sonder une « idéalité vide »49, se tourne vers les contenus plus substantiels d’un mystère non transcendant :
Es geht bei den Überlegungen im Bereich von Symbolismus/ Ästhetizismus einerseits um die Bestimmung des ästhetischen Mediums als eines Spezifikums, um die „Kunst für die Kunst ‟, will sagen: um ihre Reinhaltung von Beimischungen heteronomer, nicht-ästhetischer Art. Andererseits geht es, [...] oft mit dem Gestus dogmatischer Abwehr jeglichen „Anderen ‟, Nicht-Ästhetischen, dann doch um das
wahre Leben, das höhere, bessere Dasein, den unendlichen Gehalt (oder wie immer man das verborgene Ziel der zur Debatte stehenden Kunstanstrengung bezeichnen will).50
24L’une des conséquences les plus fécondes de ce paradoxe est le maintien de la fonction lyrique en dépit de la déchéance proclamée du moi.
25Les modèles eux-mêmes succombent au lyrisme. Le poète Zarathoustra interpelle son âme « O meine Seele, nun gab ich dir alles und auch mein letztes, und alle meine Hände sind an dich leer, geworden : daß ich dich singen hieß, siehe, das war mein letztes ! »51, et Nietzsche regrette : « Sie hätte singen sollen, diese ‘neue Seele’ - und nicht reden ! Wie schade, daß ich, was ich damals zu sagen hatte, es nicht als Dichter zu sagen wagte [...] »52. C’est la phrase que reprend George en conclusion de son hommage, déplorant la solitude du « rédempteur » : « sie hätte singen / Nicht reden sollen diese neue seele ! »53. Quoi de plus traditionnellement lyrique que le dialogue du moi et de son âme, si divisés, si illusoires soient-ils. Le moi reste créateur54, c’est en affrontant le tragique de l’être qu’il s’affirme lui-même et impose la réalité de son « chant » :
Das zerrissene Ich ist nicht spätromantisch-resignativ; das Transitorische des Ich ist in letzter Instanz keine Erfahrungstatsache, wie für den gleichzeitigen Empiriokritizismus Ernst Machs [...]; es ist ein pathetisches Projekt, das [...] auf die ständige Selbstüberschreitung ausgeht.55
26Mallarmé, l’autre contempteur du moi, qui affirme également la réalité exclusive de « l’existence d’art », ne peut lui non plus renoncer à laisser parler l’âme :
Toute l’âme résumée
Quand lente nous l’expirons
Dans plusieurs ronds de fumée
Abolis en d’autres ronds
Atteste quelque cigare
Brûlant savamment pour peu
Que la cendre se sépare
De son clair baiser de feu
Ainsi le chœur des romances
A la lèvre vole-t-il
Exclus-en si tu commences
Le réel parce que vil
Le sens trop précis rature
Ta vague littérature.56
27On voit, dans ce poème-programme, que l’exclusion du réel ne peut annuler l’expression lyrique. La fumée du cigare, dans une analogie ironique avec l’archétype du souffle, vient concrétiser ce qui, poétiquement, se manifeste par le « chœur des romances ». La référence à la tradition sentimentale, teintée d’auto-dérision, souligne la persistance du chant : tout en proclamant la nécessité d’exclure les contenus empiriques, cet art de l’impalpable contourne et suggère toujours le centre subjectif de la poésie, dont la manifestation conventionnelle, les « romances », subsiste au cœur de l’abolition » du réel. Même un texte théorique aussi radical que Crise de vers en rend compte : « Toute âme est une mélodie, qu’il s’agit de renouer ; et pour cela sont la flûte ou la viole de chacun »57. La fonction lyrique, dans ses modalités primordiales que sont le chant de l’âme et l’expression individuelle, se trouve ici parfaitement légitimée. Cette même contradiction productive se retrouve dans la poésie « post-symboliste » née de la désagrégation du monde et du moi. On constate ainsi, aussi bien chez George que chez Hofmannsthal ou Rilke, diverses formes de « disparition élocutoire » du moi empirique parallèlement à la restauration, tantôt implicite, tantôt flagrante, de l’expression subjective.
II
28Dans l’œuvre de George, les phénomènes d’ambivalence sont d’autant plus visibles qu’ils tranchent avec l’affirmation péremptoire de l’artifice esthétique. Im Park est un poème de jeunesse. Dieter Lamping l’analyse comme une expression de la poétique symboliste58 :
Rubinenperlen schmücken die fontänen.
Zu boden streut sie fürstlich jeder strahl.
In eines teppichs seidengrünen strähnen
Verbirgt sich ihre unbegrenzte zahl.
Der dichter dem die vögel angstlos nahen
Träumt einsam in dem weiten schattensaal.
Die jenen wonnetag erwachen sahen
Empfinden heiss von weichem klang berauscht.
Es schmachtet leib und leib sich zu umfahen.
Der dichter auch der töne lockung lauscht.
Doch heut darf ihre weise nicht ihn rühren
Weil er mit seinen geistern rede tauscht:
Er hat den griffel der sich sträubt zu führen.59
29L’artifice qui domine la représentation de la nature est ici une métaphore de l’art, et concourt à suggérer la coupure entre l’existence poétique et la vie. Cette orientation générale ne fait pas de doute ; cependant, la séquence médiane (vers 5 à 9) offre un discours bien différent. La nature y est évoquée par la sensation qu’en ont le poète et les autres hommes : confiance, union, ivresse, désir des corps comme symbole de l’attirance universelle. Au substrat néo-romantique (« der töne lockung », « die weise der vögel ») s’incorpore une composante « décadente », lourdeur sensuelle, volupté morbide qui atteint son apogée dans la troisième strophe. Si ce passage s’inscrit logiquement dans une rhétorique contrastive et fait ressortir le sacrifice de l’artiste, il importe de noter, pour apprécier la situation historique du poème, que George ne renonce pas à une représentation lyrico-sentimentale de l’homme dans la nature et que l’« art pour l’art » ne s’y réalise que très imparfaitement60. En outre, le poème médiatise globalement l’intériorité du poète, explicitement par la mention du dialogue entre lui-même et « ses esprits » (vers 12), implicitement aussi par la juxtaposition de deux expériences de la nature auxquelles il est chaque fois associé : dans la première séquence indirectement par la stylisation qui s’accomplit lors de la description d’une nature hiératique ; dans la deuxième séquence directement par l’évocation de sa présence dans une nature envahissante et avide d’assimilation.
30La démonstration pourrait se répéter à divers stades de l’œuvre. Lawrence Ryan montre ainsi que Das Jahr der Seele relève de la poésie de la nature dans son acception traditionnelle61, et dans le dialogue écrit à propos de ce recueil, Das Gespräch über Gedichte, Hofmannsthal intègre ce caractère aux thèmes de sa propre poétique :
Sind nicht die Gefühle, die Halbgefühle, alle die geheimsten und tiefsten Zustände unseres Inneren in der seltsamsten Weise mit einer Landschaft verflochten, mit einer Jahreszeit, mit einer Beschaffenheit der Luft, mit einem Hauch?62
31Gerhard Kaiser, quant à lui, note plus sévèrement, à propos du poème Des sehers wort ist wenigen gemeinsam63 :
So äußert sich bei George die ‘Doppelzüngigkeit’, die seine lyrischen Tempel der Verkündigung immer auch zu Tempeln des sentimentalen Selbstkultes macht und seine moderne Poesie immer auch wie Urältestes raunen läßt.64
32Plus qu’une faiblesse de la création poétique, c’est la force du modèle lyrique traditionnel qui se manifeste ici, la persistance du « langage de l’âme »65. Le poète le confirme d’ailleurs indirectement dans la préface de la deuxième édition de Das Jahr der Seele ; estimant que le processus de création rend caduques les données identifiables du monde empirique, et refusant ainsi clairement le principe de l’« Erlebnisdichtung », il conclut cependant à l’unité de l’instance subjective : « ... selten sind sosehr wie in diesem buch ich und du dieselbe seele »66.
III
33Hofmannsthal a su trouver les accents les plus lyriques pour décrire l’extériorité du moi :
Wollen wir uns finden, so dürfen wir nicht in unser Inneres hinabsteigen: draußen sind wir zu finden, draußen. Wie der wesenlose Regenbogen spannt sich unsere Seele über den unaufhaltsamen Sturz des Daseins. Wir besitzen unser Selbst nicht: von außen weht es uns an, es flieht uns für lange und kehrt uns in einem Hauch zurück.67
34Ces formules démarquent presque mot pour mot la vision romantique : « ist denn das Weltall nicht in uns ? [...] nach innen geht der geheimnisvolle Weg. In uns, oder nirgends ist die Ewigkeit mit ihren Welten, die Vergangenheit und Zukunft »68. Mais à la fin du siècle, le moi n’est plus l’instance ordonnatrice du monde et du discours, il est aliénable, modelé par les influences du dehors. « Das Selbst » et « die Seele » sont comme interchangeables et se signalent par leur inconsistance, « wesenlos » comme l’arc-en-ciel, qui ne doit son existence qu’à la lumière qui le frappe. Pourtant, ce moi sans consistance trouve dans la poésie qui le manifeste une présence d’autant plus intense qu’elle est de nature esthétique. L’image de l’âme tendue au-dessus de l’abîme existentiel formule le paradoxe d’une intériorité malmenée par le monde et magnifiée par sa propre création. Benn radicalisera cette idée, et peut-être aussi l’image de Hofmannsthal, dans son éloge de George :
[die Sprache] war plötzlich nicht mehr Abbild und Ausdruck des Lebens, entsprach nicht der Wirklichkeit, diente nicht der Wirklichkeit, sondern sie war eine metaphorische Überspannung des Seins, eine Schöpfung in sich und ohnegleichen.69
35Si insaisissable que soit le moi, ses états fascinent le poète et sa dispersion même multiplie le chatoiement du lyrisme qui les capte. Hofmannsthal reste en effet attaché au « sentiment » : « Alle [guten Gedichte] drücken [...] einen Zustand des Gemüts aus. Das ist die Berechtigung ihrer Existenz » ; « und aus allen ihren Verwandlungen, [...], aus allen Abgründen und allen Gärten wird sie [die Poesie] nichts anderes zurückbringen als den zitternden Hauch der menschlichen Gefühle »70. Mais la mise en œuvre du sentiment est parfois complexe, impliquant innovation et tradition. Paul Hoffmann analyse ainsi le poème Reiselied comme une synthèse de l’« Erlebnis » goethéen et de l’abstraction symboliste : « Hofmannsthals Reiselied ist auf vielfache Weise ein Spiegel von Goethes Denken und Dichten, der den Typus des Goetheschen Erlebnisgedichts zum symbolistischen Gedichttypus transformiert »71.
Wasser stürzt, uns zu verschlingen,
Rollt der Fels, uns zu erschlagen,
Kommen schon auf starken Schwingen
Vögel her, uns fortzutragen.
Aber unten liegt ein Land,
Früchte spiegelnd ohne Ende
In den alterslosen Seen.
Marmorstirn und Brunnenrand
Steigt aus blumigem Gelände,
Und die leichten Winde wehn.72
36 Tissé de références goethéennes, comme le montre Paul Hoffmann, le poème partage avec son modèle la thématisation d’une expérience vécue, la mise en parallèle d’événements intérieurs et de phénomènes extérieurs. Il s’en sépare parce que le processus psychique s’y développe hors de toute détermination empirique, et que sa structure n’est pas corroborée par des faits objectifs : « Von ihr [der empirischen Realität] gelöst, artikuliert sich eine extreme seelische Erfahrung im imaginativ gesteigerten Naturbild »73. Reiselied suggère ainsi l’accession symbolique à l’unité en représentant un voyage qui mène du péril existentiel à une expérience esthétique évoquée par un paysage qui concilie l’art et la nature. L’image est donnée comme telle, sans aucune explication, « der Augenblick der Verwandlung entzieht sich dem Wort »74. Cependant, un passage de l’Entretien se lit comme la paraphrase exacte du poème :
Wovon unsere Seele sich nährt, das ist das Gedicht, in welchem, wie im Sommerabendwind, der über die frischgemähten Wiesen streicht, zugleich ein Hauch von Tod und Leben zu uns herschwebt, eine Ahnung des Blühens, ein Schauder des Verwesens, ein Jetzt, ein Hier und zugleich ein Jenseits, ein ungeheures Jenseits. Jedes vollkommene Gedicht ist Ahnung und Gegenwart, Sehnsucht und Erfüllung zugleich.75
37Ce souffle qui nourrit l’âme est d’origine romantique et spiritualiste, comme l’indique le vocabulaire du passage ; le poème le recueille pour le communiquer à l’âme qui à son tour s’exalte dans la restitution esthétique de l’unité. C’est ainsi que l’Entretien se termine sur une description de la naissance du poème et du symbole dans une hyperbolisation extatique de la subjectivité :
Daß es Zusammenstellungen von Worten gibt, aus welchen, wie der Funke aus dem geschlagenen dunklen Stein, die Landschaften der Seele hervorbrechen, die unermeßlich sind wie der gestirnte Himmel, Landschaften, die sich ausdehnen im Raum und in der Zeit, und deren Anblick abzuweiden in uns ein Sinn lebendig wird, der über alle Sinne ist.76
38Cette expérience dépasse certes la mesure de l’« Erlebnis » goethéen, rigoureusement borné par les polarités de l’existence (Hofmannsthal vient de citer Selige Sehnsucht !). Mais on décèle dans l’amalgame des sources d’inspiration la volonté de rassembler, dans l’acte de création esthétique, les expériences fondamentales de la subjectivité poétique. Hofmannsthal y ajoute, dans le même texte, une explication archaïsante du symbole ; comme le sacrifice propitiatoire est une participation magique à la mort de l’animal, le symbole poétique exprime la fusion de l’individu dans la totalité :
alles ruhte darauf, daß auch er in dem Tier gestorben war, einen Augenblick lang. Daß sich sein Dasein, für die Dauer eines Atemzugs, in dem fremden Dasein aufgelöst hatte. — Das ist Wurzel aller Poesie [...].77
39 La réflexion de Hofmannsthal, dans son mouvement syncrétique, assimile de la sorte l’extase nietzschéenne :
Im dionysischen Dithyrambus wird der Mensch zur höchsten Steigerung aller symbolischen Fähigkeiten gereizt; etwas Nieempfundenes drängt sich zur Äußerung, die Vernichtung des Schleiers der Maja, das Einssein als Genius der Gattung, ja der Natur.78
40De telles tonalités resurgiront, au détriment de l’exaltation romantique, dans le récit de Lord Chandos :
ich fühle ein entzückendes, schlechthin unendliches Widerspiel in mir und um mich, und es gibt unter den gegeneinanderspielenden Materien keine, in die ich nicht hinüberzufließen vermöchte.79
41Hofmannsthal, qui tente ainsi de rassembler et de fondre en un discours esthétique, les expériences marquantes de la subjectivité créatrice, montre non seulement quel désarroi, mais aussi quelle énergie peuvent naître de la désintégration du sujet proclamée par Nietzsche. De ce tourbillon de métaphores et d’idées, de cet affrontement des concepts et de l’imagination poétique, le moi ne sort pas anéanti, au contraire :
Viele Geschicke weben neben dem meinen,
Durcheinander spielt sie alle das Dasein,
Und mein Teil ist mehr als dieses Lebens
Schlanke Flamme oder schmale Leier.
42Ainsi se termine Manche freilich80. Quant à l’« Empereur de Chine », son discours commence par ces mots :
In der Mitte aller Dinge
Wohne Ich, der Sohn des Himmels. (Der Kaiser von China spricht, 50)
43Ce sont là deux formes extrêmes de l’existence poétique, deux conséquences de la déchéance présumée du moi : l’empathie universelle, la fusion de soi dans l’existence de l’autre, et le repli magnifique dans le royaume de l’art. Dans l’un et l’autre cas, le moi triomphe : « Beide Gedichte konvergieren darin, daß das Ich absolut ist, sei es weltschaffend, sei es so weit in Welt aufgelöst, daß es sie in sich trägt »81. Mais plus que par ses thèmes poétologiques, le lyrisme de Hofmannsthal nous touche par la restitution « verlainienne » des états d’âme, « den melancholischen Genuß an vergleitenden Zuständen der Welt und des Ich »82. C’est là que les forces contraires de la tradition poétique et de la crise de la conscience moderne s’unissent paradoxalement de la façon la plus harmonieuse.
IV
44On admet que la poétique de Rilke est tendue vers l’extinction du moi : « [Rilke ist] am konsequentesten bestrebt [...] eine nicht mehr am Ich orientierte Sprache zu entwickeln »83. Mais de grands moments de son lyrisme témoignent aussi de la volonté de restaurer le sens par l’autorité de la subjectivité créatrice. Mennemeier constate, par exemple, dans les Élégies, « das Festhalten [...] am auktorialen dichterischen Ich » : « In einer Epoche allgemeiner Identitätskrise stellt dies ein quasi archaisches [...] Element dar »84. Un tel paradoxe exprime une situation où se conjuguent faillite de la tradition et crise du langage poétique ; de cette rencontre naîtra pourtant le « Weltinnenraum », vision grandiose de l’intériorité telle que la poésie n’en avait plus produit depuis le romantisme85.
45« Zu sagen : Ich und damit eine Konstante zu meinen, [...] das ist mir schon seit Jahren nicht geglückt »86. De tels doutes apparaissent très tôt dans la réflexion du poète, et sa production de jeunesse est marquée par la dissolution du moi87. Ainsi, dans un poème tel que Vor lauter Lauschen und Staunen sei still (Werke I, 154), le moi prêche-t-il la soumission attentive au monde, l’abandon aux volontés de la nature, un mouvement de l’âme vers les choses comme condition de la vie. Il s’agit, dès lors et malgré une pratique ambiguë, de combattre la position dominante du moi dans la tradition lyrico-sentimentale : « Ich [...] wünsche mir so viel Fassung in mein Herz, solchen Gegenständen gegenüber dazusein, still, aufmerksam, als ein Seiendes, Schauendes, Um-sich-nicht-Besorgtes »88. Cette redéfinition du moi lyrique est le corollaire d’une extension de l’« Erlebnis » empreinte de vitalisme : « [...] ein Kunstwerk, heißt : Bild des tieferen, des mehr als heutigen, immer zu allen Zeiten möglichen Erlebens [...] »89. Le refus de l’acception empirique du sentiment procède de cette volonté de totaliser les possibles du réel au sein du poème : « O Lou, in einem Gedicht, das mir gelingt, ist viel mehr Wirklichkeit als in jeder Beziehung oder Zuneigung, die ich fühle [...] »90. L’individualisation excessive du lyrisme traditionnel, en effet, va dans le même sens que « cette éternelle / perte des choses » (Werke II, 738) que déplore la conscience moderne, le poème se donne alors pour tâche de rassembler et de retenir, la parole poétique naît de cette intention.
46Paradoxalement, la contestation du moi lyrique conventionnel va donc de pair avec le recul des limites de la subjectivité. La traduction poétique marquante en est le « Weltinnenraum », représentation spatiale de l’intériorité qui renoue, en apparence du moins, avec l’idée romantique du monde intérieur. Mais par contraste avec ce modèle, cette nouvelle relation structurante du cœur et du monde associe le psychique et la matérialité des choses :
Die Jahreszeiten traten bei ihm [diesem Herzen] ein, vorsichtig erst, denn sie waren nicht mehr gewohnt, ein Herz so offen zu finden. [...] Und das mutige Herz hält sich immer noch offen und nimmt Rosen und Rosen herein, die seltenen Arten und ihren reichen Geruch [...].91
47 Ce texte sur Anna de Noailles préfigure l’apparition du « concept » dans le poème Es winkt zu Fühlung... (Werke II, 93) :
[...] Durch alle Wesen reicht der eine Raum:
Weltinnenraum. Die Vögel fliegen still
durch uns hindurch. O, der ich wachsen will,
ich seh hinaus, und in mir wächst der Baum [...]
48Prenant à la lettre la notion symboliste de « paysage de l’âme » le poème la détourne de son abstraction spiritualiste pour établir la continuité physique de la conscience et du monde. Il marque aussi un changement de l’attitude subjective : alors que le regard (« das Schauen ») avait produit la « poésie des choses », c’est maintenant une expérience nouvelle qui prévaut, impliquant non seulement le traitement des perceptions par la conscience, mais aussi l’adhésion par le moyen du cœur :
Denn des Anschauns, siehe, ist eine Grenze.
Und die geschautere Welt
will in der Liebe gedeihn.
Werk des Gesichts ist getan,
tue nun Herz-Werk [..]. (Wendung, Werke II, 83)
49L’idée de « Wendung » suppose un déclin de l’objectivité qui avait semblé triompher dans l’exercice du regard. Certains interprètes soulignent au contraire le subjectivisme radical qui, déjà, présidait à la « poésie des choses » : « Noch wo das Kunstding die Verfügungsgewalt des Künstlers übersteigt, zeigt es eine Vollmacht des Künstlers », estime Gerhard Kaiser92, qui observe un processus analogue dans les Élégies, où les choses, de « veräußertes Innen » (dans les Neue Gedichte), deviennent « verinnertes Außen », ce qui équivaut à une même extension de l’intériorité : « Der gemeinsame Grundzug innerhalb dieser Polarisierung ist, das Außen zu unterwerfen, indem es Material des Innen wird »93. Friedbert Aspetsberger, quant à lui, voit dans la représentation des choses une « apothéose de l’intériorité », décrivant l’intériorisation comme une absolutisation de la saisie subjective : « [...] jeglicher Raum [ist] als Innen gesehen, als Welteinheit der Innerlichkeit »94. Le Prélude à une lecture publique95... semble fait pour apaiser de telles controverses. Rilke s’y interroge sur la communication poétique. Après avoir dit sa conviction « daß es eine berechtigte Aufgabe sei, die Weite, /Vielfältigkeit / ja Vollzähligkeit der Welt / in reinen Beweisen vorzuführen », il définit ainsi la « compréhension lyrique » : « [...] alle Erscheinung, / nicht nur das Gefühlsmäßige allein, / lyrisch zu begreifen — : / Das Tier, / die Pflanze, / jeden Vorgang ; — / ein Ding / in seinem eigentümlichen Gefühls-Raum darzustellen ». Ce sont là les modalités d’une appréhension certes extensive du monde, mais par une subjectivité plus respectueuse que conquérante, plus compréhensive que dogmatique ; la « chose » y apparaît comme l’objet enrichi de sa relation au moi, de ses propres virtualités autant que de l’inclination mutuelle ; quant au « Gefühls-Raum », c’est le correspondant objectif du « Weltinnenraum », montrant la continuité affective qui relie le sujet et le monde. Ne voir dans ce programme que « la conséquence extrême de l’‛Erlebnislyrik’96 », c’est méconnaître l’effort qu’accomplit le poète tant pour stabiliser la position existentielle du moi que pour renouveler son expression lyrique.
50« Ich scheute mich, [...] ‘ich’ zu sagen [...] », écrivait Rilke97. Mais le mot est resté, reprenant d’ailleurs souvent la fonction que lui assignait traditionnellement le lyrisme : communiquer par l’émotion l’état d’une subjectivité singulière. Ainsi n’est-il pas rare que l’apparition du moi cristallise la conjonction des problématiques poétologique et existentielle, et que se vérifie l’observation d’Anthony Stephens à propos de l’effacement progressif du « je » dans Malte et de sa résurgence flagrante dans les Poèmes à la nuit. Le poème À Karl von der Heydt, par exemple, développe, sur le ton de la confession lyrique, la poétique des Neue Gedichte et formule la résolution existentielle qui en découle :
So will ich gehen, schauender und schlichter,
einfältig in der Vielfalt dieses Scheins;
[…]
Unsäglich Schweres wird von mir verlangt.
Aber die Mächte, die mich so verpflichten,
sind auch bereit, mich langsam aufzurichten [...] (Werke II, 191)
51Quelques mois plus tard, c’est un « ich » déchiré par la conscience et écrasé par le monde qui profère les Improvisationen aus dem Capreser Winter, dans un morceau d’introspection lyrique aux antipodes de la démarche objective des Nouveaux poèmes :
Täglich stehst du mir steil vor dem Herzen,
Gebirge, Gestein,
Wildnis, Un-Weg: Gott, in dem ich allein
steige und falle und irre ... [...] (Werke II, 11)
52Dans la septième Élégie, le moi semble avoir cessé de souffrir, pris son parti de l’hostilité du monde et de la déperdition de l’être que la deuxième élégie présente comme le lot commun des hommes98. La conscience divisée fait place à la certitude péremptoire du « dedans » :
Nirgends, Geliebte, wird Welt sein, als innen. Unser
Leben geht hin mit Verwandlung. Und immer geringer
schwindet das Außen. (Werke I, 711)
53 Riche de cette expérience, le moi se transforme alors, dans la dernière séquence de la dixième élégie, en un « wir » altruiste et dispensateur de sagesse :
Und wir, die an steigendes Glück
denken, empfänden die Rührung,
die uns beinah bestürzt,
wenn ein Glückliches fällt. (Werke I, 726)
54Et si le poète des Sonnets use peu de la première personne, se confondant alors avec Orphée, le ton docte et sentencieux trahit la présence d’un sujet assuré de sa vision du monde, tandis que la phase ultime de l’œuvre s’ouvre à nouveau à de terribles inquiétudes.
55Il serait abusif de vouloir tracer, à partir de ces observations, une ligne thématique cohérente et une évolution constitutive. Le « moi », en effet, n’a rien d’une « constante », et l’œuvre n’aboutit pas à résoudre un problème : « Ich ! - Welches Ich ? », demandait Stephens99, citant le poème Laß dir, daß Kindheit war... La question n’a pas trouvé de réponse. Changeant de nature, ou parfois seulement d’apparence, le moi continue d’habiter le lyrisme de Rilke, soulignant, quand il se manifeste, la progression heurtée d’une « existence d’art » aux prises avec les effets destructeurs de la modernité.
V
56L’observation de quelques phénomènes poétiques laisse donc entrevoir de quelles conjonctions d’influences et de quels tiraillements procèdent les efforts de renouvellement du lyrisme à l’aube du XXe siècle. Un discours théorique tantôt radical, tantôt syncrétique jusqu’à l’amalgame, stimule et accompagne une pratique où le « langage de l’âme » résiste encore à la fatalité de la « dépersonnalisation ». L’aggravation de l’enjeu existentiel et ontologique de la création esthétique encourage en effet la survivance de modalités expressives traditionnellement dévolues à la consolidation de l’« individualité ». Ainsi la poésie qui se constitue sur les décombres du moi semble-t-elle paradoxalement surseoir à son aliénation définitive et confirmer sa fonction de vecteur privilégié du lyrisme. Cependant, il reste de toutes ces entreprises poétiques à la fois convergentes et singulières, des images radicalement neuves de l’« intériorité » qui seules permettent d’en apprécier la portée historique, hors de toute conceptualisation réductrice.
Notes de bas de page
1 J.W.G., Noch ein Wort für junge Dichter, Hamburger Ausgabe, Band 12, p. 360.
2 Hofmannsthal, Poesie und Leben, in : Gesammelte Werke, Reden und Aufsätze I, Frankfurt a. M., 1979, p. 15.
3 Zur Problematik des Dichterischen, in Gesammelte Werke in vier Bänden, hrsg. von Dieter Wellershoff, Band I, p. 78.
4 Probleme der Lyrik, Ges. Werke I, p. 519.
5 « seine lyrische Substanz zu dokumentieren », ibid., p. 503.
6 Nacht, Mensch und Engel. Rainer Maria Rilkes « Gedichte an die Nacht », Frankfurt a. M., 1978, p. 63.
7 Geschichte der deutschen Lyrik von Heine bis zur Gegenwart, Frankfurt a. M., 1991, zweiter Teil, p. 651.
8 G. Kaiser, Augenblicke deutscher Lyrik, Frankfurt a.M., 1987, p. 135 : « die Erlebnisse, die in dieser Lyrik zu Wort kommen, entstehen erst mit der Ankunft im Wort. Sie sind insgesamt erschrieben - ein Modus, der dem Unterschied von Realität und Imagination im Gedicht selbstverständlich vorausläuft ».
9 Ibid., p. 143 : « In dem Maße, wie das Erlebnis, das im ‘Erlebnisgedicht’ produziert wird, identisch ist mit seinem Ausdruck im Gedicht, ist aber auch das Erlebnis des Lesers oder Hörers ästhetisches Erlebnis ».
10 Ibid, p. 142 : « die Selbstreflexivität des Gefühls in der Lyrik [...], [der] Genuß des lyrischen Ich, [...] sich auch in der Wendung zum Du auf sich selbst zurückzubeugen ».
11 Ibid., p. 141 : « Das Erlebnisgedicht ist absolute Vergegenwärtigung. Es statuiert keine Gegenwart außer sich ».
12 Paul Böckmann rappelle Franz Sternbald : « Ich habe gestern ein Gedicht geschrieben, in dem ich versucht habe, eine Stimmung auszudrücken und darzustellen, die schon oft meine Seele erfüllt hat », in : P.B., Klang und Bild in der Stimmungslyrik der Romantik. Cité d’après Hans-Heino Ewers (Hrsg.), Romantik - Lyrik mit Materialien, Stuttgart, 1984, p. 108.
13 Ibid., p. 107.
14 Poesie und Leben, Reden und Aufsätze I, op. cit., p. 16.
15 Probleme der Lyrik, Ges. Werke I, op. cit., p. 497.
16 Fritz Usinger, Der Dichter und die Dinge, in : F.U., Stefan George. Essays, Aachen, 1988, p. 12.
17 Blüthenstaub, in : Werke. Studienausgabe, hrsg. von Gerhard Schulz, München, 1981, p. 326.
18 Friedrich Nietzsche, Also sprach Zarathustra, III/2, Werke in drei Bände, hrsg. von Karl Schlechta, München, 1969, Bd II, p. 463.
19 Zur Problematik des Dichterischen, Ges. Werke I, op. cit., p. 78.
20 Selon la formule de Hugo Friedrich, Die Struktur der modernen Lyrik, Reinbek, 1988, p. 109.
21 Lawrence Ryan, Jahrhundertwende, in : W. Hinderer (Hrsg.), Geschichte der deutschen Lyrik vom Mittelalter bis zur Gegenwart, Stuttgart, 1983, p. 392.
22 Morgenröte, § 115, Werke I, op. cit., p. 1090 ; « Das Subjekt als Vielheit ». Aus dem Nachlaß der achtziger Jahre, Werke III, p. 473 ; « Das ‛Subjekt’ ist nur eine Fiktion ». Aus dem Nachlaß..., p. 534 ; cf. aussi « Erleben und Erdichten », dans Morgenröte (§ 119).
23 Die Struktur der modernen Lyrik, op. cit., p. 36. Sur le problème du « moi lyrique », on peut consulter Karl Pestalozzi, Die Entstehung des lyrischen Ich, Berlin, 1970 ; Hiltrud Gnüg, Entstehung und Krise lyrischer Subjektivität. Vom klassischen lyrischen Ich zur modernen Erfahrungswirklichkeit, Stuttgart, 1983.
24 Die Struktur..., op. cit., p. 109.
25 « La Musique et les lettres », in : Stéphane Mallarmé, Œuvres complètes, éd. établie par H. Mondor et G. Jean-Aubry, Paris, 1945, p. 657.
26 « Crayonné au théâtre », ibid., p. 333.
27 « Le dieu Richard Wagner irradiant un sacre / Mal tu par l’encre même en sanglots sybillins », Hommage, ibid., p. 71 Hofmannsthal dira dans le même esprit : « Sie müssen sich abgewöhnen, zu verlangen, daß man mit roter Tinte schreibt, um glauben zu machen, man schreibe mit Blut », Poesie und Leben, op. cit., p. 18.
28 Crise de vers, ibid., p. 367.
29 Ibid.
30 Ibid., p. 366.
31 Mallarmé, Variations sur un sujet. Œuvres..., op. cit., p. 386.
32 Crayonné au théâtre. Ibid., p. 333.
33 Probleme der Lyrik, Werke I, op. cit., p. 513.
34 Lettre de Mallarmé citée d’après Jean-Yves Tadié, Introduction à la vie littéraire du XIXe siècle, Paris, 1970, p. 114.
35 Mallarmé, Réponse à l’enquête sur l’évolution littéraire. Œuvres, op. cit., p. 869.
36 Maximen und Reflexionen, 749, Hamburger Ausgabe XII, p. 470.
37 Die Struktur..., op. cit., p. 110.
38 Ibid., p. 109.
39 Cité d’après Henri Lemaître, La Poésie depuis Baudelaire, Paris, 1965, p. 113.
40 « Das Gespräch über Gedichte », in : Gesammelte Werke in zehn Einzelbänden, Hrsg. von Bernd Schoeller, Erzählungen, erfundene Gespräche..., op. cit., p. 503.
41 Rilke, « Vor lauter Lauschen und Staunen sei still », in : Sämtliche Werke in sechs Bänden, hrsg. vom Rilke-Archiv, besorgt durch Ernst Zinn, Frankfurt a. M., 1987, Band I, p. 154.
42 Fortschritt, Werke I, op. cit., p. 402. .
43 Hofmannsthal, Ges. Werke, Gedichte und Dramen I, op. cit., p. 328-329.
44 Toutes ces citations dans Die Geburt der Tragödie, Werke I, op. cit., p. 37.
45 Ibid., p. 92.
46 Probleme der Lyrik, op. cit., p. 524.
47 Rede auf Stefan George. Werke I, op. cit., p. 466-467.
48 « il faut au Symbolisme un style archétype et complexe : d’impollués vocables, la période qui s’arcboute alternant avec la période aux défaillances ondulées, les pléonasmes significatifs, les mystérieuses ellipses, l’anacoluthe en suspens, tout trop hardi et multiforme » Jean Moréas, Manifeste du symbolisme, cité d’après Henri Lemaître, p. 111-112.
49 Selon la formule de Friedrich, « leere Idealität ».
50 Franz Norbert Mennemeier, Literatur der Jahrhundertwende II, Bern, 1988, p. 20.
51 Also sprach Zarathustra, Werke II, op. cit., p. 469.
52 Die Geburt der Tragödie - Versuch einer Selbstkritik, Werke I, op. cit., p. 12.
53 Nietzsche, in : Stefan George, Werke in zwei Bänden, Stuttgart, 1984, Band I, p. 232.
54 Gerhard Kaiser, Geschichte der deutschen Lyrik…, op. cit., 1. Teil, p. 215 : « Bei Nietzsche kann eine Konsequenz gedacht werden, nach der Welt eine Veranstaltung des dichterischen Ich ist, die ihm Größe ermöglicht - ebenso wie die Aufsplitterung des Ich ».
55 Ibid., p. 215-216.
56 Œuvres..., op. cit., p. 73.
57 Ibid., p. 363.
58 Dieter Lamping, Das lyrische Gedicht, Göttingen, 1989, p. 149 : « nicht nur ein Naturgedicht, sondern auch ein poetologisches Gedicht [...] es reflektiert das Selbstverständnis des symbolistischen Dichters ».
59 Hymnen, Werke I, op. cit., p. 10.
60 D. Lamping est d’un avis contraire, cf. p. 150.
61 Jahrhundertwende, op. cit., p 397.
62 Erzählungen, erfundene Gespräche, op. cit., p. 497.
63 Das Jahr der Seele, Werke I, op. cit., p. 137.
64 Geschichte der deutschen Lyrik, op. cit., p. 242.
65 G. Kaiser : « Dennoch zeigt sich an Georges Spruchgedicht ‛Das Wort’ die untergründige Weiterwirkung der Seelensprachen-Konzeption der Goethezeit noch in einer besonders avancierten Sprach- und Dichtungsauffassung, und in dieser Verschichtung liegt ein Reichtum. ‛Das Wort’ vibriert von Ungesagtem, spricht weit mehr aus, als ausdrücklich gesagt und gedacht ist, und stellt sich damit in Frage ».
66 Werke I, op. cit., p. 119.
67 Das Gespräch über Gedichte, op. cit., p. 497.
68 Novalis, Blüthenstaub, op. cit., p. 326.
69 Rede auf Stefan George, Werke I, op. cit., p. 466.
70 Das Gespräch über Gedichte, op. cit., p. 500 et 498.
71 Paul Hoffmann, Symbolismus, München, 1987, p. 221.
72 Gedichte und Dramen I, op. cit., p. 35.
73 Paul Hoffmann, op. cit., p. 220.
74 Ibid.
75 Das Gespräch über Gedichte, op. cit., p 507
76 Ibid., p. 509.
77 Ibid., p. 503.
78 Die Geburt der Tragödie, Werke I, op. cit., p. 28.
79 Ein Brief, in : Erzählungen, erfundene Gespräche, op. cit., p. 469.
80 Le poème, certes, n’est pas univoque. Cf. Reinhold Grimm, Bange Botschaft. Zum Verständnis von Hofmannsthals ‛Manche freilich’, in Harald Hartung (Hrsg.), Gedichte und Interpretationen 5, Stuttgart, 1983, p. 34-42.
81 Gerhard Kaiser, Geschichte, op. cit., p. 345.
82 Ibid., p. 338.
83 Ryan, Jahrhundertwende, op. cit., p. 418.
84 Literatur der Jahrhundertwende, op. cit., p. 83.
85 Sur le problème de la modernité de Rilke, cf. Manfred Engel, R.M.Rilkes ‛Duineser Elegien’ und die moderne deutsche Lyrik, Stuttgart, 1986 ; Peter Por, Die orphische Figur. Zur Poetik von Rilkes ‛Neuen Gedichten’, Heidelberg, 1997.
86 R.M. Rilke – Lou Andreas Salomé, Briefwechsel, Zürich/Wiesbaden, 1952, p. 359.
87 Käthe Hamburger, Rilke. Eine Einführung, Stuttgart, 1976.
88 Lettre du 13 novembre 1912 à Marie von Thurn und Taxis, citée d’après Hamburger, p. 16.
89 Notizen zur Melodie der Dinge, Werke V, op. cit., p. 418.
90 Lettre du 8 août 1903, citée d’après Stephens, qui fait aussi le rapprochement avec le poème en français, p. 253.
91 Die Bücher einer Liebenden, Werke VI, op. cit., p. 1017.
92 Geschichte, op. cit., 1. Teil, p. 177.
93 Ibid., 2. Teil, p. 660-661.
94 Apotheose der Innerlichkeit. Zu R.M.Rilkes « Neuen Gedichten », Klagenfurt 1975, p. 9.
95 Vorrede zu einer Vorlesung aus eigenen Werken, Werke VI, op. cit., p. 1097-1098.
96 Kaiser, op. cit., p. 651.
97 Briefe aus den Jahren 1907-1914, Leipzig, 1930-1937, cité d‘après Stephens, p. 194.
98 Par exemple : « Denn wir, wo wir fühlen, verflüchtigen ; ach wir / atmen uns aus und dahin ; [...] Schmeckt denn der Weltraum ; / in den wir uns lösen, nach uns ? » Werke I, op. cit., p. 689-690.
99 Nacht, Mensch, op. cit., p. 191.
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