Chapitre 3. De la reconnaissance à la surexposition médiatique
p. 303-324
Texte intégral
1. Un homme public soumis à l’exposition télévisuelle
1À partir de la fin des années 1960, l’entraîneur de football est confronté à un nouveau média : la télévision. Passer à la télévision, au début des années 1970, est un « privilège » qui ne concerne que les entraîneurs qui sont à la tête d’un club d’élite. De prime abord, ce sont plutôt les joueurs qui sont portés au regard et au jugement des téléspectateurs. Cependant, le jeu produit par les équipes, dans la mesure où il est vu et directement analysé par des centaines de milliers, puis des millions de foyers, prête dorénavant le flanc à une critique instantanée. Désormais, des millions de téléspectateurs peuvent se substituer aux journalistes de la presse écrite et se forger une opinion singulière et personnelle sans passer par l’influence d’un intermédiaire, fût-il un expert du football. Malgré tout, le téléspectateur, en même temps qu’il reçoit les images, est confronté au jugement, à chaud et en direct, d’un duo de commentateurs, qui sont le plus souvent un journaliste et un consultant (B. Lecomte, 1998). Les consultants sont dorénavant pour la plupart d’anciens joueurs internationaux, tels que Christophe Dugarry, Bixente Lizarazu, Franck Sauzée… ou d’anciens entraîneurs, tels que Jean-Michel Larqué qui inaugura la fonction sur TF1 en 1985, voire des entraîneurs toujours en activité, ou à la recherche d’un club professionnel : Arsène Wenger, Guy Roux, Raynald Denoueix, Luis Fernandez, Jean-Pierre Papin, Angel Marcos1… C’est dire que tous se réclament d’une véritable expertise dans la pratique du football, voire dans la conduite d’une équipe professionnelle. C’est d’ailleurs cette expertise qui peut être nuisible aux entraîneurs en poste, lorsque le match de football est retransmis en direct sur une chaîne de télévision. En effet des jugements défavorables émis par un consultant expert, même s’ils ne sont pas forcément agressifs ou explicites, peuvent influencer un téléspectateur qui n’est donc pas complètement neutre face à son récepteur.
2Les téléspectateurs sont invités à commenter la qualité du match qu’ils regardent. En ce sens, les choix de l’entraîneur professionnel sont soumis à discussion : la composition de l’équipe, la façon dont elle joue, les options tactiques choisies, les remplacements et substitutions… Tout est matière à commentaire immédiat, mais également différé, lors des conversations ordinaires avec des collègues de travail, ou dans le cadre des loisirs avec des proches, mais aussi lors de rencontres informelles. Pourquoi tel joueur joue-t-il ? Un autre n’est-il pas meilleur ? Pourquoi cette façon de joueur ? Que vaut réellement cet entraîneur ? Ces jugements qui alimentent les conversations soumettent les entraîneurs professionnels à une pression nouvelle, d’autant plus qu’ils valident le sentiment d’être émis à partir d’images brutes, non sujettes à un jugement journalistique préalable. De surcroît, depuis 1984, date de l’apparition de la chaîne Canal+, le match de football retransmis à la télévision devient réellement un spectacle mis en scène. Il s’impose désormais, grâce à la multiplication des caméras, comme une caractéristique démesurée de la société de spectacle. Il s’agit de dramatiser le match, et les commentaires jouent à cet égard un rôle déterminant. Cette dramatisation contribue à la fragilisation de la position de l’entraîneur, dans la mesure où le succès ou tout au moins la nécessité de ne pas perdre la rencontre, est mise en exergue. De plus en plus, au cours de la rencontre, un journaliste intervenant est placé au bord du terrain, afin de solliciter directement et à chaud les entraîneurs. Ces derniers ont l’obligation de formuler des réponses brèves (car ils doivent pouvoir continuer à suivre la partie), compréhensibles, (car les téléspectateurs sont à l’écoute, prêts à juger) et fondées (car les téléspectateurs doivent être convaincus). Il est donc logique qu’au cours de leur formation au DEPF, les entraîneurs professionnels aient au programme des cours de communication, d’autant que l’après-match constitue fréquemment un moment où leur avis est sollicité.
Pour le module de communication, c’était fait par Christian Morin, donc c’était l’ancien speaker radio, c’était surtout pour nous aider à prendre connaissance du contenu d’un message, c’est-à-dire message écrit, message audio, message visuel. On est passé en caméra, on était filmé sur un entretien, une simulation d’entretien d’embauche… on a eu un travail sur une situation, sur des textes, une situation, par exemple, la blessure de Zidane à la Coupe du Monde, vue par 5 journaux différents, comment on peut relater, comment est relaté un événement, et les conséquences… Les communications de crise, avec des petites saynètes : on arrive juste avant, donc en public, le public est là, Jean-Louis est avec le micro, il nous dit : « voilà, voilà ton sujet », et c’était du type, « tu viens d’apprendre, voilà ton président vient de t’apprendre, tu sors de réunion, ton président vient de t’apprendre que l’un des joueurs vient d’être emporté par la police et qu’il aurait trempé dans un viol collectif. Voilà, OK ». Et, tout de suite, à chaud, le micro est là, alors, t’es contre le micro, alors comment rester en vie par rapport à ça, qu’est-ce que tu dois dire, qu’est-ce que tu ne dois pas dire. Les choses intéressantes… (Francis de Taddeo, 2008)2.
3La retransmission ne s’arrête pas dès la fin de la partie. Au contraire, c’est le moment où les résultats sont décortiqués, disséqués, analysés… Les entraîneurs sont donc souvent sollicités, parfois dès le coup de sifflet final, le plus souvent après le débriefing dans les vestiaires, mais parfois avant, lors d’une conférence de presse. C’est le lieu où ils s’expriment devant les caméras et micros pour délivrer leurs commentaires. Ils se voient astreints à soigner la forme et le fond du message qu’ils délivrent aux téléspectateurs. Ils sont contraints de se composer une attitude de façade pour se représenter symboliquement (E. Goffman, 1973). Sachant que les clubs qui les emploient perçoivent des droits télévisuels, les entraîneurs sont soumis à des obligations qu’ils ne peuvent refuser. Les interviews en cours de match, les conférences de presse en font partie. Non seulement un entraîneur ne peut s’y soustraire sans risquer de porter préjudice à son club, mais de surcroît il doit rester vigilant quant à la teneur du message qu’il diffuse. En corollaire, l’image, véhiculée entre autres par l’aspect vestimentaire, est devenue un sujet de préoccupation pour bon nombre d’entraîneurs de haut niveau. À l’instar de ce qui se pratique dans d’autres championnats européens comme le Calcio, ou d’autres sports professionnels comme le basket-ball en NBA ou le hockey sur glace en NHL, les entraîneurs ont commencé à soigner leur apparence et souvent à porter le costume-cravate3. De fait, certains d’entre eux, surtout parmi les jeunes générations, ont bien intégré que le football était aussi une affaire d’image, et que leur valeur marchande personnelle en dépendait aussi en partie. En Ligue des champions, rares sont les entraîneurs qui se risqueraient à ne pas porter de costume. Le costume instaure une certaine distance avec les joueurs. D’un autre côté, en championnat surtout, les entraîneurs qui persistent à garder le survêtement veulent sans doute faire passer un message et montrer qu’ils sont proches de leurs joueurs. La logique des mass media a donc contribué à projeter l’entraîneur professionnel sur l’avant de la scène. En le soumettant au regard des téléspectateurs, en le sommant match après match de justifier le rationnel comme l’irrationnel, elle l’a contraint à développer et signer une posture dont il pouvait encore se passer il y a quelques années : celle de communicant. Aux yeux de la presse, la première vertu d’un bon communicant réside dans son accessibilité, et dans sa faculté à commenter le moindre contenu. Il s’avère également que bien souvent, les journalistes recherchent l’entraîneur qui se livre à des bons mots, a la réplique facile, voire le sens de la polémique, autant que celui qui entraîne une des équipes phares du championnat de France. Les médias sont les matrices de l’événement, et les journalistes cherchent à démontrer que leur article n’est pas un accident, mais préjuge d’un avenir. L’événement médiatique est donc une mise en scène, et à ce titre, les talents de communicant de l’entraîneur font partie des arguments que peut exploiter le journaliste pour étayer cette mise en scène.
4Les journalistes doivent lutter contre la lassitude potentielle des lecteurs en diffusant « le feuilleton du football » (J. Blociszewski, 2007). Cependant émerge ici un problème lié à la communication : ce vocable ne revêt pas la même signification pour la presse d’un côté, pour les entraîneurs de l’autre. Chacun de ces deux groupes professionnels en a sa propre perception. Pour les uns, elle est une occasion de produire l’évènement, d’éveiller l’intérêt du lectorat, de produire un scoop. Pour les autres, elle est le moyen d’éclaircir des choix, de les justifier. Pour les premiers, elle se fonde sur l’imaginaire, sur leur capacité à faire fonctionner des symboles, des mythes (C. Pociello, 1981). Pour les seconds, elle fonctionne sur du matériel, éventuellement sur des expectations, mais formulées de façon réaliste. De ce décalage de perception découlent parfois des incompréhensions mutuelles. C’est ce qui pousse la DTN à mandater un de ses membres, J. Crevoisier lui-même, pour rédiger un article intitulé « L’art de parler en public »4. La complexité de l’exercice est attachée au fait que l’entraîneur de football se confronte à un public de spécialistes, ou du moins qui se considère comme tel. En effet, Françoise Papa (1998) pose l’hypothèse que la mise en images du match de football a consacré le passage « du supporter au téléspectateur expert ». Bien entendu, lorsqu’on évoque l’expertise du spectateur, elle est sans doute plus illusoire que réelle, mais elle a été façonnée par les médias et surtout la télévision elle-même. Le téléspectateur émet des jugements de valeur, mais ce qui le préoccupe au premier chef, c’est la façon dont son équipe préférée joue, et à ce titre, la façon dont son entraîneur la fait jouer. En effet, même si les joueurs sont les exécutants, c’est l’entraîneur qui est chargé de coordonner cette phase d’exécution et donc sommé de justifier le moindre de ses choix.
2. Le communicant
5Communiquer reste donc un outil indispensable dans la panoplie de l’entraîneur. Mais tous ne cultivent pas le goût de la déclaration sensationnelle, du propos polémique, de la phrase qui touche. Tous ne manient pas la syntaxe avec bonheur, encore que ce ne soit pas une condition suffisante pour paraître dans les médias. Et ceux qui savent la manier ne souhaitent pas forcément en faire usage de façon dispersée ou anarchique. France Football5 publie en une le portrait de Joël Muller avec le titre : « Les 400 coups de Muller ». L’entraîneur messin « célèbre » en effet son quatre centième match successif en tant qu’entraîneur de Division 1. Un des joueurs messins, Philippe Gaillot6, témoigne : « Joël n’est pas expansif. Il ne va pas multiplier les déclarations à la Courbis7, mais il mériterait qu’on parle plus de lui »8. La représentation du joueur lui fait conjuguer reconnaissance médiatique et compétence. Mais tous les entraîneurs ne souhaitent pas forcément faire la une des journaux ou passer dans les émissions télévisées, même si en Division 1, il s’agit d’un exercice obligé. À la fin des années 1990, et davantage encore dans les années 2000, l’entraîneur communique non seulement sur ses choix, le jeu de son équipe, la tactique, l’environnement du club, mais également sur sa stabilité à court terme. Certains entraîneurs se servent de la presse pour faire passer leurs messages. France Football9 décrit la démarche de Luis Fernandez :
Elle traduit surtout la relation d’amour-haine qu’il entretient depuis toujours avec la presse écrite en particulier. Luis aime ça. Il a toujours été disponible, est l’un des rares à ne pas avoir changé de numéro de mobile depuis des années. Les cinq minutes qu’il accorde se transforment souvent en une demi-heure10.
6Au début des années 2000, un entraîneur comme Luis Fernandez se rend disponible pour la presse pour expliquer, livrer ses arguments, valider ses choix. Mais il se sert également des médias pour faire l’éloge des supporters de son club, le Paris Saint-Germain. Il n’hésite d’ailleurs pas à rencontrer les associations de supporters pour communiquer, et ces rencontres sont largement couvertes par la presse écrite. Cette faculté à communiquer avec les acteurs de l’environnement du club contribue à préserver la fonction de l’entraîneur lorsqu’il est menacé. Communiquer avec la presse est devenu une véritable compétence. La façon dont un entraîneur sait convaincre les supporters, le public, et l’image qu’il donne de lui sont primordiales, ainsi que le confirme Jean Fernandez, entraîneur du FC Metz :
Raymond Goethals était vraiment très fort avec la presse, et pourtant, il répondait toujours à côté. Il disait : « Si tu veux durer dans les moments difficiles, avec la presse, tu peux durer ». Je vais vous raconter une anecdote. J’étais avec Goethals à l’OM, comme entraîneur adjoint. Il me laissait faire l’entraînement, parce qu’il était déjà relativement âgé, et il fumait sur le bord du terrain… Et quand un journaliste arrivait, il le repérait de loin, et ce n’est pas le journaliste qui allait vers Goethals, c’est Goethals qui allait à lui. Il avait 72 ans, et un savoir-faire extraordinaire au niveau de la presse… Et il avait une cote pas possible à Marseille (J. Fernandez, 2003).
7Alors, l’entraîneur est-il une victime de l’omniprésence de la presse ? En fait, sa capacité à communiquer semble être un paramètre important lorsque l’on veut formuler des éléments de réponse : les entraîneurs qui ont une image, qu’ils ont sciemment et savamment entretenue, ne peuvent être considérés comme des victimes. Ils se servent au contraire de la presse pour diffuser l’image qu’ils choisissent de donner. Guy Roux, attaché à des valeurs populaires, Rolland Courbis, adepte des déclarations provocantes à tapageuses, ou Luis Fernandez, qui sollicite les médias, se montre disponible. D’autres entraîneurs sont traités différemment en fonction des angles choisis, et des moments de la saison. Alors que le ton des reportages est informationnel en début de saison, il peut devenir alarmiste, en abusant de superlatifs et d’apports parfois sensationnels. La communication peut alors devenir délicate pour les entraîneurs. De plus en plus, l’entraîneur doit se mettre dans la peau d’un communicant en raison des obligations qui le lient à son employeur. Alors que de moins en moins, les joueurs s’identifient à un club, l’entraîneur, au contraire en supporte le passé et l’héritage : le marché des joueurs, ses tendances, font qu’il devient rare qu’un joueur et surtout que plusieurs joueurs d’une même équipe restent liés au club pendant de nombreuses années. Et avec les fluctuations d’effectif, d’une année à l’autre, c’est à l’entraîneur d’assurer la pérennité de l’image du club, de son héritage, de sérieux parfois (à Nantes, à Metz…), de folie (à Marseille, à Paris…), de tradition de la victoire (Saint-Étienne dans les années 1970, Bordeaux ou Marseille dans les années 1980 et le début des années 1990, Lyon depuis les années 2000) ou de tradition de beau jeu (Nantes). Le paradoxe est que l’entraîneur doit communiquer sur cette image, alors que parfois pas davantage que les joueurs, il n’est ancien dans le club. Par contre, depuis le milieu des années 2000, les conférences de presse, quotidiennes dans les plus grands clubs, deviennent un exercice obligé. Difficile dans ces conditions de renouveler un discours, forcément modelé par des impératifs professionnels (par rapport ses dirigeants), psychologiques (par rapport à ses joueurs), éthiques (par rapport aux supporters), d’intérêt (par rapport à la presse). Finalement, cette nécessité de communiquer constamment et à tout prix, qu’elle soit recherchée ou subie par les entraîneurs, est une des contraintes de leur fonction qu’ils ne peuvent plus éluder. Certains, à l’image de Guy Roux, s’en sont aperçus très tôt.
La médiatisation, quant à elle, est désormais intégrée dans les stages de formation. C’est Gérard Houillier qui l’a introduite, et j’y suis également pour quelque chose. J’en ai ressenti très tôt le besoin : à l’exemple de de Gaulle, je savais que les médias étaient l’outil de communication de l’avenir par excellence, et que, si l’on parvenait à capter son auditoire, c’était gagné. Comme de Gaulle, qui tenait son peuple grâce à la télé, il fallait que je tienne mon peuple, aussi, par ma façon de communiquer11.
8Au-delà d’une certaine forme de mégalomanie qui entoure ces propos, il n’en demeure pas moins que les références de Guy Roux sont ici fondées. Sans aucun doute a-t-il lu des ouvrages ou des articles qui traitent des relations entretenues par de Gaulle avec la presse. Mais le plus intéressant réside dans le fait que sa trajectoire individuelle si caractéristique emprunte non seulement à sa personnalité et ses traits individuels, mais s’inspire d’un modèle qui lui préexiste.
3. La question des salaires
9Les entraîneurs de Ligue 1 sont assurés de percevoir un salaire minimum garanti. Cette satisfaction d’une revendication de leur part est inscrite dans la charte du football professionnel depuis 1975. Dans la charte initiale de 1973, la question du statut des éducateurs a dans un premier temps été reléguée au second plan en attendant que les principaux problèmes concernant les transferts de joueurs soient réglés. Dès la saison 1974-1975, la charte est mise à jour et pour la première fois le statut des éducateurs de football y est traité12. Les tâches des éducateurs y sont définies, de même que les niveaux de formation requis pour entraîner, les contraintes qui incombent aux clubs employeurs et celles qui reviennent aux entraîneurs eux-mêmes. Dès la saison 1975-1976, ces dispositions sont établies dans la charte. Il est précisé que si la rémunération de base de l’entraîneur-instructeur est discutée entre les parties, elle ne peut être inférieure à 75000 francs par an pour les clubs disputant le championnat de France de Première Division, et 36000 francs pour les clubs disputant le championnat de France de Deuxième Division. Cette disposition reste valable jusqu’à la saison 1979-1980. À partir de la saison 1980-1981, à l’instar de ce qui prévaut pour la rémunération des joueurs, un nouveau système est mis au point. Il est basé sur l’existence d’un indice, appelé point, et révisé chaque année. Pour la saison 1980-1981, le point a une valeur de 37,20 francs, et la charte stipule que la rémunération des entraîneurs de Division 1 ne peut être inférieure à 250 points par mois, celle des entraîneurs de Division 2 à 150 points par mois. À partir de la saison 1980-1981, la rémunération d’un entraîneur de Division 1 ne peut donc être inférieure à 9300 francs par mois, donc 111600 francs par an. Ces dispositions perdurent durant plusieurs années, et sont ponctuées par un réajustement annuel du point13.
10La saison 1990-1991 laisse entrevoir une évolution assez considérable. En effet, si la valeur du point augmente, elle ne le fait pas de manière plus spectaculaire que lors des saisons précédentes, puisque par rapport à la saison précédente elle passe de 61,50 à 63,60 francs. Par contre, à cette date, les entraîneurs de Division 1 voient leurs salaires plus que doubler, puisque leur rémunération est désormais basée sur 600 points, contre les 250 précédemment en vigueur. Curieusement, les salaires des entraîneurs de Division 2 continuent à être négociés sur la base de 150 points minimum et ne profitent pas du même type d’augmentation. Dans les faits, un entraîneur de Division 1 percevait en 1989-1990 un salaire minimum de 15375 francs par mois, donc 184500 francs par an. À compter de la saison 1990-1991, il peut tabler sur 38160 francs par mois, donc 457920 francs par an. Cette base de 600 points n’a pas subi de modification jusqu’à la saison 2001-2002. À compter de cette date, la charte décrète que la rémunération de base d’un entraîneur disputant le championnat professionnel de Première Division ne peut être inférieure à 1280 points, soit 15135 euros par mois pour la saison 2001-2002, celle de l’entraîneur d’un club de Division 2 à 625 points, soit 7575 euros par mois. En comparaison, ces appointements minimum des entraîneurs de Ligue 2 sont l’équivalent des meilleurs salaires versés aux entraîneurs de l’élite du rugby dans le Top 16 en 2002, estimés à 8000 euros mensuels (P. Chaix, 2004). Cette modification en football est sans doute liée à l’explosion des droits TV Quasiment inexistants en 1970-1971 et s’élevant à 1 % des sources de financement des clubs professionnels de Division 1, ils en représentent 21 % en 1990-1991 (J.-F. Nys, 2002), soit 21 millions d’euros qui n’existaient pas lors des décennies précédentes. De la même manière que les salaires des joueurs croissent, il est logique que les salaires des entraîneurs suivent une progression, d’autant que les représentants de l’UNECATEF qui siègent dans les différentes commissions de la FFF et de la LFP ne peuvent ignorer cette dimension. Le taux du point étant fixé à 13,70 euros brut en 2008-2009, un entraîneur de Ligue 1 était assuré de percevoir au minimum un salaire de 17 536 euros par mois, soit 210432 euros annuels. En réalité, la plupart des entraîneurs de Ligue 1 perçoivent des sommes bien supérieures à ce minimum défini par la charte. Ainsi, Éric Gerets percevait 210000 euros par mois à l’Olympique de Marseille pour la saison 2008-2009, alors que Laurent Blanc émargeait à 140000 euros par mois aux Girondins de Bordeaux. Paul Le Guen percevait 85000 euros mensuels au Paris SG, mais ne bénéficiait que du treizième salaire le plus élevé du club, douze de ses joueurs gagnant plus que lui en 2008-200914. Le salaire de Claude Puel, promu entraîneur de l’Olympique Lyonnais en 2008-2009 était estimé à 3,5 millions d’euros annuels par le site internet de l’Équipe.fr, ce qui représente un peu moins de 290000 euros mensuels. Ce montant élevé, voire inhabituel, était néanmoins surpassé par cinq joueurs du club lyonnais. Comme on peut le constater, depuis le milieu des années 1990, les entraîneurs professionnels en France accèdent désormais à des salaires confortables en Ligue 1, et intéressants en Ligue 2. Si l’on remonte à la saison 1994-1995, Guy Roux, alors président de l’UNECATEF, avance que les entraîneurs de Division 1 gagnent entre 40000 et 160000 francs mensuels15. Le point établi dans la charte de 1994-1995 étant fixé à 70,50 francs, effectivement le minimum mensuel pour les entraîneurs s’établit à 42300 francs par mois. Comme on peut le constater, au mitan des années 1990, certains clubs se contentent de verser le minimum requis par la charte à l’entraîneur qui dirige l’équipe fanion. Ce n’est plus le cas actuellement. Dorénavant, les clubs de Ligue 1 qui embauchent un entraîneur le rémunèrent bien au-delà du minimum requis par la charte, qui en 2008-2009 s’élevait à 17536 euros par mois, soit 210432 euros par an. Il demeure difficile de déterminer dans quelle proportion les salaires perçus par les entraîneurs évoluent réellement. Si des moyennes des salaires des joueurs de Ligue 1 sont établies annuellement16, celles des entraîneurs ne sont pas communiquées. Et ces derniers rechignent à livrer publiquement le montant de leurs rémunérations. Les entretiens que nous avons menés confirment cette reluctance. En ce qui concerne les années immédiatement postérieures à l’écriture de la charte de 1973, on peut penser qu’en raison de la situation peu reluisante propre du football français, de nombreux clubs rémunéraient leur entraîneur au tarif minimum fixé17. Cette rémunération correspond peu ou prou à ce qui se pratique dans le monde des cadres : le salaire annuel net des cadres supérieurs est en 1975 de 88900 francs, soit environ 7400 francs par mois, celui des cadres moyens de 43380 francs (soit environ 3615 francs par mois). Il est possible que le passage d’un taux fixe à un point de rémunération variable et réajustable soit lié en grande partie à l’évolution des sources de financement dans le football professionnel. Ainsi par exemple, les sponsors et la publicité qui ne représentaient que 1 % des sources de financement du football professionnel en 1970-1971 en apportent 14 % en 1980- 1981 (J.-F. Nys, 2002). La Coupe du Monde de 1970 au Mexique, spectaculaire et largement diffusée sur les écrans de télévision, ainsi que les qualifications de l’équipe de France pour les éditions successives de la Coupe du Monde en 1978, 1982 et 1986, contribuent à faire du football un support publicitaire de choix (J.-F. Bourg, 1986). L’argent des sponsors commence à affluer et dans ce contexte, le budget des clubs croît. Que les entraîneurs bénéficient du processus procède d’une logique économique éprouvée.
11Dans les années 1980, un des rares indicateurs qui s’offre à nous est le salaire versé à Jean Vincent par le FC Nantes dont il est l’entraîneur. Ce salaire est en 1982 de 14836 francs par mois18, ce qui représente un salaire annuel de 178032 francs. Il est donc payé au-dessus du minimum prévu par la charte de 1981-1982, qui oblige les clubs de Division 1 à payer leur entraîneur 10125 francs par mois, soit 121500 francs. Pour un technicien qui possède le palmarès de Jean Vincent19, les sommes atteintes sont loin d’être disproportionnées, d’autant qu’en 1982, le salaire net annuel moyen des cadres supérieurs est de 165504 francs20. Les 178032 francs perçus par l’entraîneur nantais s’inscrivent donc dans cette moyenne des cadres supérieurs. À cette date, cette rémunération est cependant inférieure au salaire moyen des joueurs de Première Division, estimé en 1979 à environ 220000 francs par an (J.-M. Faure, 1987). Malgré le peu d’éléments que nous avons à notre disposition, on peut poser l’hypothèse que le salaire moyen des entraîneurs de Division 1 se situait dans la fourchette comprise entre le salaire des cadres moyens et celui des cadres supérieurs dans les années 1970, et qu’à partir des années 1980, il correspond au salaire moyen des cadres supérieurs. À partir des années 1990 et jusqu’à nos jours, on peut postuler que les salaires des entraîneurs au plus haut niveau dépassent ceux des cadres supérieurs. À l’heure actuelle, ainsi que nous l’avons mentionné, de nombreux entraîneurs de Ligue 1 perçoivent des salaires oscillant entre 80000 et 100000 euros mensuels, voire davantage pour les plus renommés. Or, le salaire net annuel moyen des cadres dans le privé et le semi-public est de 47300 euros en 2006, soit un peu moins de 4000 euros par mois. On peut donc affirmer que l’entraîneur professionnel français a changé de catégorie socioprofessionnelle à partir des années 1990, lorsque l’on prend comme unique critère de référence le salaire. Depuis le mitan des années 1990, la fonction d’entraîneur professionnel, au moins en Ligue 1, est réellement valorisée au niveau salarial. Dorénavant, plus particulièrement depuis les années 2000, la plupart des entraîneurs de Ligue 1 bénéficient d’un salaire qui est supérieur au salaire professionnel moyen des joueurs évoluant à ce même niveau. Cependant, le salaire n’est pas le seul élément qui est pris en compte dans le contrat qui lie l’entraîneur au club qui l’embauche.
4. Les contrats de travail
12Depuis l’établissement de la charte de 1973 jusqu’à nos jours, les contrats de travail des entraîneurs sont devenus de plus en plus complets. La charte de 1975-197621 qui est la première à définir le statut des éducateurs dans les clubs autorisés à employer des joueurs professionnels, prévoit que les contrats soient enregistrés au groupement du football professionnel et homologués par la commission centrale des éducateurs. L’article 4 précise que « le premier contrat de l’entraîneur-instructeur est conclu pour une durée minimum de trois saisons. Toutefois, il peut prendre fin sans indemnité à l’issue de la première saison à la condition que la partie la plus diligente en notifie la résiliation à l’autre partie avant le 15 mai22 ». Il s’agit donc bien de limiter la part d’incertitude qui préside à la signature du contrat, tout en se prémunissant par le biais d’une échappatoire possible. Depuis cette première publication dans la charte du football professionnel, des précautions ont été envisagées de la part des signataires. Avant toute chose, le contrat de travail doit porter mention de la qualification du salarié. Le contrat type fourni par Pierre Repellini23 stipule bien, dans l’article 3 (définition de fonction) : « Monsieur… est titulaire du DEPF, conformément à l’article 29.2 du statut des éducateurs de football ». Dans toute profession, les employeurs ont, de surcroît, depuis la directive du 14 octobre 1991, l’obligation d’établir un « document » précisant les éléments essentiels du contrat de travail, notamment l’identité des parties, la qualité, la catégorie d’emploi, la date du début du contrat, la durée ou les modalités des congés payés, le montant de la rémunération (J. Le Goff, 2001)… Les contrats actuels des entraîneurs professionnels, qui mentionnent effectivement ces données, en prévoient également d’autres plus spécifiques, telles que la prise en charge par les clubs des frais de déplacement, de téléphone portable, d’hébergement24… Ces données concordent avec celles issues du monde du travail, qui depuis les années 1980 ont vu les contrats de travail multiplier les clauses relatives à des obligations particulières (J. Le Goff, 2001). Les entraîneurs professionnels sont assez unanimes à considérer que les contrats les prémunissent bien contre les risques inhérents à l’exercice de leur profession25, qu’ils soient adjoints ou entraîneurs principaux. Dans le football professionnel aussi bien en ce qui concerne les joueurs que les entraîneurs, c’est depuis 1973 le CDD qui est la règle. Mais en l’absence de documents ou en raison d’imprécisions dans les documents, certains entraîneurs professionnels ont vu leurs droits bafoués au cours des quatre dernières décennies, même si cette situation tend à devenir exceptionnelle en raison des dispositions fixées par la loi du 13 juillet 1973, portant sur la résiliation unilatérale du contrat de travail. Malgré tout, en raison de la vigilance de Georges Boulogne, de la position acquise dès 1973 par les entraîneurs au sein de la commission tripartite, des acquis visibles ont pu être obtenus et doivent être mentionnés dans les contrats. Dès 1975, à la demande de l’Amicale des éducateurs, l’assemblée générale du groupement accède à la proposition de garantir à l’entraîneur limogé des indemnités pour préjudice moral26. En dehors des indemnités classiques équivalant au temps de contrat qui lui reste, cette indemnité pour préjudice représente en 1975 six mois de salaire minimum. Cette disposition est toujours en vigueur. Si sur le papier cette mesure paraît simple à appliquer, dans la réalité elle ne l’est pas toujours, ainsi qu’en témoigne Francis de Taddeo lorsqu’on lui demande si son licenciement par le FC Metz s’est déroulé à l’amiable.
Non, ça s’est passé, euh… aujourd’hui on a rendez-vous aux prud’hommes […]. En fait, il y a un contrat… il restait trente-deux mois. Donc trente-deux mois sur la loi, il faut les payer. Donc, après il y a l’ancienneté liée à l’image, enfin des choses comme ça, il y a des jurisprudences qui ont montré, qui montrent quand même des choses… Là, au niveau de la forme, déjà le président me dit, avant le match de Lorient, « Tu vas être remercié » bon pas de problème, je fais Lorient, ensuite, après Lorient, on part en vacances, et le 3 janvier, il m’avait donné rendez-vous. Donc le 3 janvier, je vois avec l’avocat, enfin leur avocat, celui du club, il me dit : « Voilà », il me sort un chiffrage qui est complètement dérisoire par rapport à la somme dont on parle. En disant « Bon, on fait un calcul rapide, ça fait ci, ça ». Bon, je lui ai dit : « Mais vous avez regardé mon contrat ? ». « Non, je ne l’ai pas lu encore ». « Mais ce serait bien que vous le regardiez parce que ce n’est pas vraiment… même pas tout à fait d’accord, donc écoutez, refaites-moi un chiffrage et puis vous me l’écrivez ». Et j’attends quinze jours, trois semaines, il n’y a rien et puis j’appelle mon avocat, donc on les met aux prud’hommes. Sur ce, le président m’appelle : « Oui, Francis, je ne veux pas non plus, ça me fait mal au cœur… », d’un air de dire… Bon, moi c’est : « Attendez, je ne vais pas attendre cinquante ans, on règle le problème, on le règle tout de suite si vous voulez le régler, on ne va pas le régler dans dix ans ». Donc on est parti sur une conciliation aux prud’hommes, eux ils ne veulent pas le régler, ils gagnent du temps, évidemment, et puis, on ne sait pas, on reste comme ça, et puis pour l’instant le jugement doit avoir lieu aujourd’hui, mais je crois qu’ils reportent, donc ils ont reporté pour gagner du temps. C’est une affaire qui ne sera réglée dans deux ou trois ans (Francis de Taddeo, 2008).
13Lors d’une conférence de presse dans les locaux de la FFF, liée à la présentation de la quatrième session de « Dix mois vers l’emploi », Joël Muller, président de l’UNECATEF s’était plu à soulever une incongruité : alors que dans certains pays comme l’Espagne, le club qui veut faire embaucher un autre entraîneur doit d’abord régler la situation financière de l’entraîneur limogé, en s’acquittant du solde de son contrat, en France, le règlement des contentieux se retrouve trop souvent devant les prud’hommes27. C’est une situation anormale, qui prouve que les contrats et la charte ne sont pas systématiquement respectés.
14Une autre des dispositions prises concerne la retraite des entraîneurs. L’article 12 du titre III de la charte de 1975-1976 prévoit que « les clubs autorisés à utiliser des joueurs professionnels sont tenus d’inscrire leurs entraîneurs à une caisse de retraite et de prévoyance des cadres ». Cet article a été reconduit mot pour mot au fil des années et est encore présent en l’état dans la charte de 2009. Malgré tout, il semble que c’est grâce à la vigilance des organismes de protection, en l’occurrence l’UNECATEF surtout, que ces précautions de prévoyance sont adoptées dans l’immense majorité des cas. Si l’entraîneur est protégé juridiquement par son contrat, ce dernier précise les devoirs de loyauté de l’employé vis-à-vis de son employeur (J. Le Goff, 2001) et doit faire preuve de probité, ne pas mentir, être discret. Tout manquement à ces devoirs peut être considéré comme une faute grave, et donc provoquer le renvoi. Une faute grave est « un agissement particulièrement préjudiciable à l’entreprise, dont la gravité est suffisante pour justifier la rupture ». Elle entraîne la suspension de l’activité, la suppression du préavis de licenciement, ainsi que l’indemnité de licenciement. Il existe ici un espace suffisamment large pour donner lieu à des interprétations de la part des employeurs. Parmi les qualifications qui pourraient caractériser la faute grave, les suivantes ont été écartées : dissimulation d’une incapacité physique, insuffisance de rendement. Cette dernière aurait pu et pourrait encore concerner bon nombre d’entraîneurs qui n’obtiennent pas les résultats escomptés. De surcroît, une autre qualification de faute grave a été écartée en 1993 : l’insuffisance professionnelle d’un entraîneur de football qui avait perdu la confiance de ses joueurs28. Ainsi, le défaut de compétence professionnelle, surtout lorsqu’il est lié à un jugement subjectif, n’est pas une cause caractérisée de faute grave. Malgré tout, dans le domaine du sport de haut niveau, les employeurs tentent parfois de se séparer des entraîneurs au motif de faute grave. En juin 2009, Philippe Ginestet, président du RC Strasbourg, essaie de licencier son entraîneur Jean-Marc Furlan pour faute grave, car ce dernier est revenu sur sa décision de ne pas demander d’indemnités de départ anticipé pour sa dernière année de contrat car « il en avait ras le bol d’avoir avalé des couleuvres pendant deux ans29 ». Le président strasbourgeois considère que l’entraîneur n’a pas respecté ses engagements verbaux initiaux et que les propos tenus ont été inadmissibles. Ce type de réaction prouve que l’interprétation de la faute grave est souvent délicate. De surcroît, les impératifs financiers jouent indéniablement un rôle non négligeable, notamment dans le cas où les clubs ne figurent pas parmi les plus gros budgets du championnat.
15Les clubs professionnels du football français sont encore réticents à ouvrir leurs archives aux chercheurs. L’étude des contrats nous permettrait tout d’abord de mieux appréhender le niveau des salaires perçus par les entraîneurs et leurs évolutions. De surcroît, nous aurions pu percevoir comment et en quoi les contrats sont rédigés de plus en plus finement, de plus en plus précisément, conformément à ce que prévoit la législation du travail. Nous aurions également pu vérifier à quel moment, sous l’influence de l’UNECATEF, les contrats prévoient les dispositions destinées à mieux protéger les adhérents.
5. Quelle stabilité pour les entraîneurs professionnels ?
16L’intérêt de posséder des contrats qui protègent au mieux la profession et prévoient les clauses les plus élaborées possible est d’autant plus prééminent que l’instabilité de la profession ne s’est jamais démentie au fil de son existence. Nous avons mené une étude macroscopique pour caractériser les entraîneurs évoluant au plus haut niveau en France, en effectuant un relevé précis d’indicateurs toutes les cinq saisons30, en commençant par 1973-1974 pour conclure par 2008-2009. Il s’avère que de 1973 à nos jours, des constantes peuvent être dégagées. Tout d’abord, pour l’ensemble de la période étudiée, la durée moyenne d’exercice au poste d’entraîneur en chef dans le même club n’est jamais supérieure à quatre années, quelle que soit la saison. Et si l’on exclut des calculs l’inamovible entraîneur de l’AJ Auxerre Guy Roux, on constate que cette durée d’exercice au sein du même club n’excède jamais deux ans et neuf mois et qu’elle oscille autour de deux ans pour les autres saisons étudiées. La saison 2008-2009 fait apparaître une baisse sensible de la « durée de vie » dans le même poste, puisque ce temps est réduit à un an et cinq mois. Même s’il est encore trop tôt pour prédire que cette tendance est amenée à s’affirmer, néanmoins l’étude de la saison 2009-2010 démontre que la courbe s’infléchit encore, puisque la moyenne de l’exercice dans le club n’est plus que de 1 an et quatre mois. Ce constat pose comme évidence qu’à l’instar de ce qui se passe dans le secteur de l’emploi et plus précisément pour la fonction de cadre, la fonction d’entraîneur est un poste exposé de manière exacerbée. En effet, les entraîneurs tout comme les autres salariés sont confrontés à la contrainte d’un marché du travail des cadres où les places ne se multiplient plus. Les employeurs disposent de pléthore de candidats. Si, dans le monde du travail, les diplômes ont une fonction discriminante, il n’en est rien dans le monde du football, puisque le DEPF est un diplôme qui est identique pour tous les entraîneurs. Par contre, les expériences professionnelles sont analysées de très près, ce qui rend l’accès à « l’information cachée » par le biais du réseau des pairs essentiel pour départager des candidats au même poste (L. Chauvel, 1998). Le corollaire est que de nombreux entraîneurs qui officient au plus haut niveau en France se retrouvent en situation de chômage à un moment ou un autre de leur carrière, ainsi qu’en témoigne la Liste des entraîneurs libres publiée régulièrement sur le site de l’UNECATEF31. Lorsque la rupture du contrat intervient en cours de saison, bien souvent la raison invoquée est celle de l’insuffisance de résultats, voire de l’insuffisance professionnelle, qui sont également des motifs évoqués dans le cadre des entreprises privées (Y.-F. Livian, 2001). Certains auteurs datent l’apparition du « football business » du début des années 1980, caractérisée par l’arrivée de chefs d’entreprises médiatiques à la tête des clubs. L’objectif est la réussite immédiate, qu’il convient de rechercher en bâtissant une équipe performante autour de vedettes recrutées à l’aide de salaires élevés. Bien entendu, la production sportive devient de plus en plus « capitalistique » (J.-F. Nys, 2002) et dans ce contexte, c’est souvent celui qui a été désigné pour tirer le maximum de rendement des éléments à sa disposition qui se retrouve sur la sellette lorsque les résultats, donc les profits, ne sont pas à la hauteur des ambitions. De surcroît, le réservoir de pairs compétents et diplômés étant conséquent, la concurrence interne est une réalité qu’aucun entraîneur de l’élite n’ignore.
17Même si depuis les années 1950, les entraîneurs de haut niveau, sans doute davantage que les autres salariés étaient confrontés à l’instabilité professionnelle, désormais ils partagent avec les autres travailleurs une sujétion au « temps de la précarité » (J. Le Goff, 2004). En effet, les entraîneurs ne font plus vraiment figure d’exception, en ce sens que le contrat précaire s’est imposé depuis le mitan des années 1980 comme norme prudentielle de recrutement. Désormais, rares sont les entraîneurs qui voient leur contrat reconduit pour une longue durée, à la manière d’un Robert Herbin à l’AS Saint-Étienne (1972- 1983) ou d’un Joël Muller à Metz (1989-2000). De surcroît, on s’aperçoit que le total des expériences cumulées dans différents clubs de la Ligue 1 reste modeste pour la plupart des entraîneurs, puisque si la moyenne était de 5 années pour la saison 1973-1974, elle n’a plus jamais dépassé ce point depuis. À titre d’exemple, si quelques entraîneurs comme Jean Fernandez (14 années en Ligue 1), Guy Lacombe (8 années) ou Claude Puel (9 années)32 peuvent se targuer d’avoir derrière eux une carrière aboutie au plus haut niveau, les deux premiers nommés ayant également entraîné à des niveaux inférieurs, la plupart des entraîneurs évoluant chaque saison en Ligue 1 bénéficient d’une expérience moins importante à ce niveau. Cet indicateur prouve également que la confiance ne se renouvelle pas forcément, car de moins en moins les échecs vécus ne sont pardonnés par les clubs de l’élite, peu enclins à engager leur confiance envers des hommes qui n’auraient pas connu une certaine réussite immédiate.
Stabilité des entraîneurs de Division 1 (Ligue 1) (1973-2010)
Saison | Expérience en ligue | Durée d’exercice en tant qu’entraîneur dans la même équipe |
1973-1974 | 5 ans | 2 ans 9 mois |
1978-1979 | 3 ans 7 mois | 2 ans |
1983-1984 | 3 ans 1 mois | 3 ans 2 mois (Sans G. Roux : 2 ans 2 mois)33 |
1988-1989 | 4 ans 2 mois | 4 ans (Sans G. Roux : 2 ans 9 mois) |
1993-1994 | 4 ans | 3 ans 4 mois (Sans G. Roux : 2 ans 5 mois) |
1998-1999 | 4 ans 2 mois | 3 ans 9 mois (Sans G. Roux : 1 an 10 mois) |
2003-1904 | 4 ans 2 mois | 3 ans 6 mois (Sans G. Roux : 2 ans) |
2008-1909 | 3 ans 2 mois | 1 an 5 mois |
2009-1910 | 3 ans 7 mois | 1 an 4 mois |
18De surcroît, deux autres indicateurs viennent corroborer les données relatives à l’instabilité avérée des entraîneurs. Ils concernent respectivement des chiffres relatifs aux changements d’entraîneurs opérés en cours de saison d’une part, de ceux relatifs aux remplacements des techniciens à l’intersaison d’autre part. Les premières données montrent qu’en moyenne, plus de quatre équipes de Ligue 1 procèdent en cours de saison à une rupture de contrat, très souvent unilatérale, et limogent leur entraîneur principal pour le remplacer par un autre technicien. Ce ratio concerne donc, selon les saisons, entre un quart et un cinquième des équipes qui évoluent au plus haut niveau français. De surcroît, d’une saison à la suivante, plus nombreux encore sont les clubs qui décident de ne pas prolonger ou renouveler le contrat du titulaire du poste et préfèrent recruter un responsable nouveau. En effet, presque six équipes par intersaison, soit peu ou prou un tiers de l’effectif total de la Ligue 1, prennent cette décision. Les remplacements au sein des effectifs sont donc fréquents et expliquent en grande partie pourquoi la durée d’exercice au sein d’un même club, qui excède rarement quatre années de suite, se limite bien souvent à moins de deux saisons. On ne constate pas d’évolution spectaculaire au cours de la dernière décennie, voire des deux dernières décennies. Dès le début des années 1970, les licenciements en cours de saison étaient déjà monnaie courante, de même que les remplacements de l’entraîneur en chef en fin de saison. Et lorsqu’une saison présente un moindre taux de ruptures de contrats en cours de saison, ou de non-reconduction à l’issue d’un exercice visé, cette tendance est immédiatement infirmée par les chiffres de la saison suivante. De ce fait, on peut émettre l’hypothèse que finalement, l’emploi d’entraîneur professionnel de football, qui se distinguait des autres emplois sur le marché du travail, offre depuis les années 1980 moins de particularismes et reflète assez bien les grandes tendances dans l’emploi des cadres, parfois même de manière plus accrue.
6. Quelle reconversion pour les entraîneurs ?
19La problématique de la reconversion éventuelle des entraîneurs professionnels revêt des aspects bien particuliers. En effet, si reconversion il y a, il s’agit en réalité d’une seconde reconversion, qui peut être entendue comme « leur insertion professionnelle à l’issue de leur période d’excellence sportive » (B. Papin, 2007). Certes, tous les anciens joueurs professionnels ne choisissent pas forcément de s’orienter vers la carrière d’entraîneur (J.-S. Gallois, 2007). En effet, non seulement le nombre de place dans les clubs susceptibles de rémunérer est limité, mais de surcroît se pose le problème de la vocation lié à celui de la motivation. Cependant, l’immense majorité des postes d’entraîneur en Ligue 1 et en Ligue 2 françaises est occupée par d’anciens joueurs professionnels, avec pour la Ligue 1 une présence significative d’anciens internationaux34.
Nous, avant d’arriver entraîneur, il y avait dix ou onze années de joueurs. Et donc, ce qui est sûr, c’est qu’un joueur à mon époque, avait encore le temps, c’était pas toujours facile, mais avait encore un peu le temps de pouvoir faire autre chose à côté. Aujourd’hui, il y a des centres de formation, et dans le cadre du centre de formation, on arrive au bac. Et quand on a le bac, ou on éjecte en pro, parce que en fait ça correspond à 18 ou 19 ans, à la période où on signe pro, ou alors on s’en va. Si on s’en va, on rentre dans un autre monde, qui est ou le monde amateur, ou le monde semi-professionnel, pris en charge par le club et par une société à côté, ou alors on devient joueur. Et quand on devient joueur, on décide de son temps et on fait ce qu’on a envie de faire. Et puis après on arrive à un moment à la fin de la carrière joueur, et on se demande ce qu’on va faire, et pour moi, le bon entraîneur, ce n’est pas celui qui à 32 ans se dit : « Merde, je suis en fin de contrat, je vais faire le métier d’entraîneur », c’est celui qui pendant toute sa carrière prend des notes, regarde les séances d’entraînement… et commence à passer ses diplômes, c’est-à-dire qu’au lieu d’aller un mois aux Seychelles, il va aller passer un mois ou 3 semaines à Vichy ou à Paris maintenant, et parce que c’est ça qui le passionne, parce qu’il est déjà en préparation. Pourquoi ? Parce que pendant toute sa carrière, il se sera enrichi à travers les gens qu’il a rencontrés. Et que ça, c’est indéniable, au niveau de la formation… Alors, évidemment, celui qui arrive à 32 ans qui a déjà vécu, il a déjà connu un certain nombre de paramètres. Je pense à un garçon comme Deschamps, qui a été capitaine partout, donc comme il est capitaine, il a eu des relations souvent avec son entraîneur, l’entraîneur lui a expliqué, ils en ont discuté, donc il s’est mis parfois dans la peau de l’entraîneur… Donc, il a un vécu, une expérience, qui va lui servir par ailleurs. Et même s’il n’a pas fait de hautes études, il a compensé grâce à son vécu, ce qui lui a peut-être manqué en recherche, en analyse, en formation… Voilà ! Et celui-là, il a plus de chances, je dirais d’être un bon entraîneur, je ne dis pas forcément d’être en pro, mais en tout cas d’être un bon entraîneur et montrer qu’il est compétent, qu’il peut s’adapter. Maintenant, celui qui à 32 ans n’a rien foutu, passe ses diplômes d’entraîneurs parce qu’il a un nom, parce qu’il a été international, et qu’il a une petite prime au passé, à ce moment, style un peu X35, là, il y a plus de difficultés parce que c’est… hé hé, évidemment il faut découvrir ! Mais la relation avec la presse, que vous soyez entraîneur ou joueur, maintenant vous l’avez tout de suite hein ! Vous vous faites allumer, vous vous faites critiquer, donc à mon avis, c’est pas ce qui est le plus difficile. Le plus difficile, c’est… La formation d’entraîneur, et le contenu de ce que c’est, ce qu’on doit savoir. Si on ne l’a pas, à un moment donné on a des limites, et on est obligé de le compenser par ses adjoints. Voilà, on va être capable par son passé, par son crédit, évidemment, si c’est un Blanc qui parle, si c’est un Deschamps, si c’est un… Il a été international, à la Coupe du Monde, qui va dire quelque chose à Deschamps ou à Blanc, quant à l’entraînement il fait quelque chose, bon, et même que ça ne sera peut-être pas adapté, peut-être que ce sera une connerie monstre… (J. Muller, 2008).
20La vocation ne s’invente pas. Plus la reconversion est envisagée tôt, plus le joueur a le temps de préparer son avenir et de penser à tirer le meilleur parti des séances d’entraînement et des matches qu’il vit encore dans la position de l’entraîné. Une fois qu’il a embrassé la carrière d’entraîneur, l’ancien joueur professionnel, titulaire du DEPF, tente de s’approcher du plus haut niveau d’exercice possible, soit la Ligue 1. Comme nous l’avons évoqué précédemment, la durée des mandats à ce niveau est très limitée, et n’échoit qu’à un nombre restreint d’élus. Seuls quelques entraîneurs ont la chance de pouvoir s’établir dans la durée, soit au sein du même club (à ce titre la trajectoire d’un Guy Roux à Auxerre reste une exception), soit en prenant la direction de plusieurs équipes successives : José Arribas dans les années 1970, Aimé Jacquet dans les années 1970 et 1980, Alain Perrin ou Frédéric Antonetti dans les années 1990 et 2000. La trajectoire de ces deux derniers coaches indique que chacun d’entre eux a dirigé plusieurs équipes, a connu au moins une expérience à l’étranger, a aussi entraîné des équipes qui n’évoluaient pas en Ligue 1. Lorsqu’un entraîneur qui a dirigé au plus haut niveau se retrouve remercié, ou quitte son poste de son plein gré à l’exemple de Paul Le Guen qui part de Lyon après avoir obtenu trois titres consécutifs de champion de France de 2003 à 2005, peu d’options s’offrent à lui. Dans la plupart des cas, il attend des sollicitations des autres clubs de Ligue 1 ou de Ligue 2. Dans ce cas, la durée de son expérience professionnelle du plus haut niveau est un argument qui joue en sa faveur. C’est seulement depuis une décennie que la moyenne du nombre de clubs différents dirigés en Ligue 1 par les entraîneurs en poste s’établit à deux par technicien, ce qui prouve que si un petit nombre d’hommes réussit à passer de club en club, rares sont ceux qui se voient accorder de nombreuses chances. Lorsqu’il ne peut se targuer d’un vécu important en Ligue 1, parfois le technicien accepte alors un poste à l’échelon inférieur. À titre d’exemple, au début de la saison 2009-2010, neuf clubs de Ligue 2 sur vingt comptent dans leur rang un entraîneur qui a déjà officié en Ligue 1 : Franck Dumas (Caen), Alex Dupont (Brest), Victor Zvunka (Guingamp), Faruk Hadzibegic (Bastia), Gernot Rohr (Nantes), Jean-Michel Cavalli (Nîmes), Gilbert Gress (Strasbourg), Dominique Bijotat (Chateauroux), Yvon Pouliquen (Metz)36. De même en National, soit le troisième échelon français, quatre clubs sur les vingt engagés démarrent l’exercice 2009-2010 avec à leur tête un entraîneur qui a, par le passé, officié en Ligue 1 : Patrick Rémy à Troyes, Albert Emon à Cannes, Laurent Fournier à Créteil, Bernard Casoni à Thonon-Evian. Ces chiffres indiquent que les entraîneurs, conscients des perspectives limitées offertes par la Ligue 1, sont prêts pour certains d’entre eux à accepter des restrictions salariales et à définir leurs ambitions immédiates à la baisse pour pouvoir continuer à exercer leur profession. L’exemple de Loïc Amisse, nommé entraîneur du RC Orvault, club de Loire Atlantique évoluant en Division d’honneur régionale, soit le septième échelon français, est significatif. Amisse37, après avoir entraîné le FC Nantes durant une saison et demie, n’avait plus connu les terrains depuis son éviction du club nantais en décembre 2004. C’est un argument qui démontre que les entraîneurs ont du mal à se reconvertir à une autre profession que celle qu’ils ont choisie de privilégier après leur carrière de joueur.
21Nous avons par ailleurs évoqué l’expatriation de certains des techniciens français vers des sélections africaines ou des clubs du continent africain, ou encore des clubs d’Extrême-Orient. Nous pourrions également évoquer les expériences tentées dans certains pays européens qui ne comprennent pas les cinq ligues majeures lors de cette dernière décennie : Vahid Halilhodzic ou Jean Tigana en Turquie, Albert Cartier en Belgique puis en Grèce, Lazlo Bölöni au Portugal, Gernot Rohr en Suisse… Une fois que le choix d’embrasser la carrière d’entraîneur est effectué, le technicien persiste dans cette reconversion qui s’opère dans son milieu d’origine (B. Papin, 2007). Il est vrai que pour ceux qui ont eu le privilège d’exercer en Ligue 1, le salaire perçu, voire les indemnités de licenciement, ont permis la constitution d’un pécule qui peut permettre de subsister plusieurs saisons en attendant de trouver un autre emploi. Il est cependant évident que la crainte de tout entraîneur, comme pour les salariés du privé, réside dans un chômage prolongé qui contribue à les faire oublier par les équipes compétitives. Sachant également que l’âge moyen des entraîneurs exerçant en Ligue 1, qui n’a jamais été inférieur à 45 ans depuis la saison 1973-1974, se stabilise même autour de 47 ans depuis une décennie, il est raisonnablement permis de considérer que les réorientations éventuelles s’avèrent problématiques en cas de chômage prolongé. En effet, l’expérience de l’entraînement est bien spécifique et semble difficilement transférable à d’autres secteurs, à un âge de la vie où plus de la moitié de sa carrière a largement été effectuée.
7. La consécration médiatique
22La période 1973-2010 consacre la médiatisation définitive des entraîneurs de football aux yeux du grand public, c’est-à-dire ceux des téléspectateurs plus occasionnels, en plus des passionnés et des supporters. Pour s’en convaincre, nous avons mené une étude à partir des articles parus dans le magazine France Football, l’hebdomadaire spécialisé le plus vendu et le plus diffusé en France38. Nous avons sélectionné tous les articles parus lors d’une année civile qui se consacraient uniquement et nominativement à un ou plusieurs entraîneurs de Division 1 puis Ligue 1. Ont été également pris en compte des articles qui concernaient des entraîneurs ayant préalablement officié en Ligue 1 une ou plusieurs années auparavant et qui étaient éventuellement susceptibles d’accomplir de nouveaux mandats dans l’élite professionnelle. Nous avons choisi arbitrairement des années civiles à intervalles de cinq ans et déterminé que la taille minimale d’un article devait remplir une demi-page du magazine. Nous avons alors quantifié le nombre total de pages consacrées aux entraîneurs de Division 1 (puis Ligue 1), le nombre total d’articles réservés aux entraîneurs et parmi eux lesquels étaient les plus exposés.
23Bien entendu si l’on s’en référait aux pourcentages, sans doute la progression de 1975 à 2000 serait-elle moins spectaculaire. Mais en consultant les chiffres bruts, on s’aperçoit que tous les critères retenus permettent d’enregistrer une visibilité nettement plus affirmée pour les entraîneurs, surtout à partir du milieu des années 1990. Le nombre de pages qui leur sont dévolues a sensiblement augmenté et de plus, un nombre plus conséquent d’entraîneurs est concerné par cette exposition médiatique au cours de la même saison. En 1975, la surface rédactionnelle (quantifiée en nombre total de pages) consacrée aux entraîneurs était de 29,5. Deux « unes » leur étaient consacrées. Pour l’intégralité de la saison 2007-2008 (tous les exemplaires de France Football du n° 3189 bis, du vendredi 25 mai 2007 au n° 3241 bis, du vendredi 23 mai 2008), alors que le magazine est bimensuel, la surface rédactionnelle est de 141 pages et 10 couvertures sont consacrées aux entraîneurs. En définitive, il ressort de notre analyse que les entraîneurs sont, comme les joueurs, devenus des cibles privilégiées des journalistes dans leur quête d’« information en continu » (D. Marchetti, 2002), ces derniers étant soumis à de nouvelles contraintes d’un temps que l’on peut qualifier d’ultracourt (F. Simon, 2006).
24On peut affirmer que de 1973 à 2010, la situation de l’entraîneur de Ligue 1 est devenue de plus en plus précaire, avec une durée d’exercice au sein du même club qui, malgré quelques variations, tend à se réduire très sensiblement en passant bien en dessous des deux années en cette fin de première décennie du troisième millénaire. En faisant le parallèle avec l’économie mondiale, on peut penser que le football est lui aussi rentré dans « l’économie de la vitesse » et qu’à l’instar d’un grand nombre de produits dans tous les secteurs dont la durée de vie n’excède pas deux ans (G. Lipovetsky, 2006), l’entraîneur est un produit humain. Cette évolution est donc le corollaire de plusieurs faits majeurs : la transformation du football en spectacle, la merchandisation du football, le besoin d’information continu, la logique du temps présent et de l’efficacité à court terme. L’entraîneur professionnel de football bénéficie dorénavant d’une grande visibilité médiatique, que la profession a d’ailleurs souhaitée, afin de se faire entendre et surtout comprendre. Mais contrairement à ses attentes, cette exposition « privilégiée » a contribué à distendre les liens entre l’entraîneur et les spectateurs.
Notes de bas de page
1 Sur ce sujet se reporter au dossier « Consultants, l’autre marché du foot », publié par France Football n° 3213, 6 novembre 2007.
2 Entretien du 20 juin 2008.
3 L’Équipe Magazine n° 1176, 11 décembre 2004.
4 Ibid.
5 France Football n° 2847 bis, 3 novembre 2000.
6 Philippe Gaillot, 421 matches de Ligue 1, a effectué toute sa carrière à Metz de 1984 à 2002, à l’exception d’une saison à Valenciennes en 1992-1993. Au moment de l’article, Philippe Gaillot est le joueur messin qui a disputé le plus de matches sous la direction de Joël Muller : 308 rencontres de 1989 à 2000.
7 Courbis, dans les années 1990, entraîne notamment Bordeaux (1992-1994 puis 1996- 1997), Toulouse (1994-1995), Marseille (1997-1999), Lens (2000). Il affectionne les déclarations tapageuses et est réputé pour son franc-parler.
8 France Football n° 2847 bis, 3 novembre 2000.
9 France Football n° 2004, 4 décembre 2001.
10 Ibid.
11 France Football n° 3169, 2 janvier 2007.
12 Charte du football professionnel 1974-1975. Titre IV. Formation et reconversion des joueurs. Annexe F. Statut des éducateurs de football.
13 Le point vaut par exemple 40, 50 francs lors de la saison 1981-1982, et 48 francs lors de la saison 1983-1984.
14 Pour cette saison 2008-2009, les joueurs les mieux payés du Paris SG étaient Claude Makelele (285000 euros mensuels) et Ludovic Giuly (260000 euros mensuels).
15 France Football n° 2649, 14 janvier 1997.
16 En 2007-2008, le salaire mensuel moyen des joueurs de Ligue 1 était de 47000 euros. À titre de comparaison, le salaire moyen des joueurs du Top 14 de rugby était de 8000 euros, celui des joueurs de la pro A de basket-ball de 9800 euros, et celui des joueurs de la Division 1 de handball de 3000 euros. En 2005-2006, ce salaire mensuel en Ligue 1 de football était de 35000 euros.
17 Rappelons que ce taux est de 75000 francs par an pour la Division 1, soit 6250 francs par mois. Ce taux n’est pas révisé jusqu’à la saison 1980-1981, date à laquelle la charte établit le système plus souple de la rémunération par points.
18 France Football n° 2820, 25 avril 2000.
19 Jean Vincent, 46 sélections en équipe de France entre 1953 et 1961 a remporté 4 titres de champion de France et 2 Coupes de France en tant que joueur. En tant qu’entraîneur, il remporte deux championnats de France (1977 et 1980) et une Coupe de France (1979) avec Nantes.
20 Annuaire rétrospectif de la France. Séries longues. 1948-1988. Paris INSEE, 1990.
21 Chaque année depuis 1973 la charte est rééditée, ce qui permet d’y apporter des modifications, parfois mineures, parfois majeures.
22 Site internet de la LFP. Les règlements. La charte du football professionnel 1975- 1976.
23 Lors de l’entretien du 29 juillet 2003.
24 Se reporter à l’annexe contenant la suite du contrat fourni par P. Reppellini.
25 Enquêtes écrites envoyées aux entraîneurs et entraîneurs adjoints de Ligue 1 et Ligue 2 en 2003.
26 France Football n° 1525, 1er juillet 1975.
27 Conférence de presse du 1er octobre 2007. Site internet : http://www.unecatef.fr
28 Soc. 21 juillet 1993, CBP n° 53.
29 L’Alsace, 3 juin 2009.
30 Sont concernées les saisons 1973-1974, 1978-1979, 1983-1984, 1988-1989, 1993-1994, 1998-1999, 2003-2004, 2008-2009. Consulter à ce propos le tableau fourni en annexes.
31 À titre indicatif, cette liste régulièrement mise à jour recensait 115 noms à la date du 12 avril 2010.
32 Chiffres recensés en 2010.
33 Pour mémoire, Guy Roux est l’entraîneur de l’AJ Auxerre depuis la saison 1961- 1962 jusqu’en mai 2005. Il réussit à faire gravir les échelons à son équipe qui accède en Division 1 en 1980. Il n’interrompt son mandat que l’espace d’une année lors de la saison 2000-2001. C’est parce que sa longévité au sein du même club est complètement atypique que nous mentionnons deux données dans la dernière colonne.
34 Lors de chaque saison, le ratio varie de un ancien international pour quatre entraîneurs de Ligue 1 à un pour trois. Il atteint presque un pour deux lors de la saison 1998-1999.
35 Joël Muller cite le cas d’un ex-joueur professionnel qui a été parachuté en Ligue 1 pour un remplacement, puis a effectué une saison en tant qu’entraîneur avant d’être limogé. En 2009-2010 il entraîne toujours, mais à un niveau inférieur.
36 Il est à noter que Dominique Bijotat et Yvon Pouliquen ont été remplacés en cours de saison respectivement par Jean-Pierre Papin et Joël Muller, qui ont tous deux entraîné au plus haut niveau.
37 Loïc Amisse compte 12 sélections en équipe de France entre 1977 et 1983.
38 France Football est diffusé à 144 245 exemplaires en 1981 et 230 554 exemplaires en 1996. Chiffres cités par D. Marchetti (1998).
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