Chapitre 1. De l’intervention cantonnée au terrain à l’élargissement des missions
p. 217-276
Texte intégral
1. Diversification des besoins et des attributions : la charte du football professionnel
1La date de 1973 constitue une borne fondamentale pour le football français et partant, pour la profession d’entraîneur dans son ensemble. C’est le 1er août 1973, après cinq mois de discussions, que « les partenaires sociaux du foot »1 proposent l’acte fondateur du football professionnel français. Les membres d’une commission tripartite (joueurs-entraîneurs-dirigeants) donnent naissance à la première charte de l’histoire du football professionnel en France. Même si les principaux signataires n’en ont vraisemblablement pas mesuré toute la portée, les principales dispositions promulguées par cette charte auront pour conséquence de modifier en profondeur l’organisation du football français, ainsi que d’affecter de façon durable les professions de joueur et d’entraîneur, de même qu’à terme, celle de dirigeant. Cette charte, proposée par les représentants de chacune des parties de la commission, constitue le dénouement de travaux menés en concertation et rendus inévitables en raison d’une succession de conflits qui, depuis la fin des années 1950, ont opposé régulièrement joueurs et dirigeants.
1.1. La promulgation de la Charte
2Alors que les joueurs se préoccupent de leur propre statut, les avancées qu’ils obtiennent engendrent des répercussions considérables sur la fonction d’entraîneur. À la suite des nombreuses affaires, Marche, Penverne, Kopa2,… il devient de plus en plus évident que les joueurs ne sont pas traités comme les autres salariés du secteur privé. Soumis au bon vouloir des présidents, ils appartiennent à un club, mais peuvent être transférés contre leur gré d’un club à un autre, en tant que « capital ». Ils prennent donc conscience que c’est dans l’union qu’ils peuvent arriver à se faire entendre et fondent leur syndicat, l’Union nationale des footballeurs français (UNFP) le 16 novembre 1961. L’UNFP et la Ligue Nationale de football (LNF) signent bien une convention collective en 1964, mais sans avancée réellement significative pour les joueurs. Quatre années plus tard, « Le mai 68 des footballeurs français » (A. Wahl, 1990) engendre une prise de conscience du Groupement des clubs professionnels, même s’il est mené pour l’essentiel par des footballeurs amateurs, rejoints par seulement deux professionnels du Red-Star, André Mérelle et Michel Oriot. Le 22 mai 1968, ces footballeurs occupent les locaux de la FFF et expriment diverses revendications pour l’ensemble du football français, amateur comme professionnel. Et parmi ces revendications figure « la suppression du contrat esclavagiste des joueurs de football » (F. Thébaud, 1982). La discussion relative à un éventuel contrat à temps, librement négocié par les joueurs, peut enfin démarrer. En janvier 1969 naît le nouveau statut professionnel, qui doit entrer en application dès la saison suivante. Le contrat à temps naît de cette réforme, qui stipule que désormais, la durée de contrat pour un joueur professionnel sera de quatre saisons minimum pour les moins de 24 ans, et trois ans minimum pour ceux qui ont entre 24 et 27 ans… Malgré cette modification, les présidents de clubs n’acceptent pas facilement ce principe et les anciennes pratiques sont difficiles à abolir. En réaction, le 3 décembre 1972, l’UNFP déclenche la première grève du football français, qui donnera naissance à la nouvelle charte du football français. C’est donc la consécration de la fin de la « dictature des présidents » (J.-M. Faure, C. Suaud, 1999). Désormais, le joueur professionnel n’est plus lié à vie à un club et ne dépend plus du bon vouloir de son président. Mais, alors que le conflit pouvait se résumer à une opposition des joueurs contre les dirigeants, les entraîneurs ont finalement été associés à sa résolution. Il faut sans aucun doute voir dans cette participation à la commission l’influence de Georges Boulogne. Ce dernier est parfaitement conscient que la position de l’entraîneur, à l’interface du groupe des dirigeants et de celui des joueurs, en fait un consultant de choix.
N’oublions donc pas, avant de prendre connaissance du contenu de la charte, qu’elle émane de toutes les parties, associées, du football français. DIRIGEANTS de clubs, décidés, pour la plupart, à aborder sérieusement le problème […]. EntraîneurS, professionnels, compétents, attentifs, idéalement placés entre les joueurs et les dirigeants pour servir de liens et de charnière, et dont le rôle a été plus important qu’on ne croit. Georges Boulogne en a d’ailleurs été publiquement remercié par Jean Sadoul […]. FOOTBALLEURS enfin, attachés à leurs prérogatives, mais également compréhensifs des intérêts majeurs du football [… ]3.
3Les entraîneurs ont ainsi réussi à se glisser dans une commission destinée à régler un conflit qui les concernait moins au premier chef. L’Amicale des entraîneurs et plus précisément Georges Boulogne ont pressenti que ce conflit allait de toute manière affecter la profession d’entraîneur professionnel. Ce dernier a œuvré pour l’apaisement entre les différentes parties et a contribué aux avancées significatives de la charte4. Il a mis à profit sa position pour clarifier le statut de l’entraîneur. Grâce à son action, les entraîneurs français ont su tirer bénéfice d’une situation qui semblait les concerner exclusivement joueurs et dirigeants au premier regard. Les points essentiels de la charte concernent les statuts du joueur aspirant (16-17 ans), du joueur stagiaire (moins de 18 ans), du joueur professionnel et du joueur semi-professionnel. Les deux premiers points sont importants, car ils concernent la formation initiale du joueur français. Georges Boulogne n’a pas attendu que soit publiée la charte pour en soulever la nécessité. Ces deux statuts de joueur-aspirant et de joueur-stagiaire conditionnent la mise en place des centres de formation de football. Ces centres de formation, dénommés centre d’enseignement du football, sont d’un intérêt primordial pour le football français, car ils impliquent un suivi des jeunes joueurs, dès l’âge de 16 ans. L’obligation des centres d’enseignement du football, dont la dénomination change rapidement pour celle de « centres de formation » est communément adoptée dès la saison 1974-1975. Mais Georges Boulogne n’omet pas de s’occuper du statut des entraîneurs : si le statut des joueurs est à définir en priorité, celui des entraîneurs n’est pas oublié. Il paraîtra simplement de façon différée, mais détaillée, dans la Charte en 1975.
1.2. Les centres de formation
4Cette obligation imposée aux clubs professionnels a engendré par la suite des résultats dont peu d’observateurs, même avisés, pas davantage sans doute que Georges Boulogne lui-même, n’avaient mesuré l’ensemble des conséquences. Bien entendu, ce dernier avait perçu que ce nouveau dispositif allait permettre d’améliorer la qualité des joueurs, formés plus précocement, ainsi que, par une relation de cause à effet, la qualité globale du football français, reflétée à travers les résultats des sélections nationales. L’enjeu est de taille, puisque depuis 1958, aucun résultat remarquable n’est venu créer l’illusion que le football français comblait ses lacunes. La première projection de Georges Boulogne s’avère prémonitoire : « On peut penser que la création et la vie des Centres de formation vont enfin instaurer en France le professionnalisme5 ». Le modèle que le DTN essaie de recopier vient d’Angleterre. Certains clubs, les plus prestigieux, rassemblent de jeunes joueurs et les entraînent quotidiennement, ce qui n’est pas le cas en France. La création des Centres se justifie par le fait que le football, à l’instar de toute activité professionnelle établie, a le devoir d’organiser sa propre formation professionnelle, condition qu’il a négligée jusqu’alors. Cette mise en œuvre nouvelle doit s’accompagner de moyens idoines et c’est là une des difficultés majeures auxquelles se heurtera Georges Boulogne dans sa croisade pour la formation. Si des normes sont établies en termes d’installations, de matériel, d’encadrement, de services médicaux… leur strict respect varie selon les clubs. Dès 1975, certains d’entre eux ont respecté la Charte de 1973 et ont doté leur Centre de formation de structures qui dépassent la simple existence administrative, à l’image de Saint-Étienne, Sochaux, Nantes, Lyon, Nice, Marseille, Strasbourg, Lens ou Troyes. D’autres, en revanche, ont plus de difficultés à se conformer aux exigences formulées et les mesures prises en faveur de la mise en place de ces centres restent bien modestes. Les premières réunions des responsables des centres de formation, tenus sous l’égide de la DTN, attestent de situations diverses et parfois précaires : des stagiaires logent à l’hôtel ou dans une villa, ou encore sont hébergés séparément chez l’habitant… Certains suivent des études, d’autres non… Les installations sportives sont parfois très éloignées de l’hébergement, voire parfois inexistantes6. Les footballeurs apprentis ou stagiaires des centres de formation doivent désormais accepter dès l’adolescence les servitudes inhérentes à la vie du sportif de haut niveau, le refus de la facilité, l’accoutumance à un entraînement quotidien, liée à la pratique d’un travail acharné, dans des conditions souvent pénibles. Les normes fixées sont précises : 15 à 20 heures d’entraînement par semaine, avec si possible une activité de formation générale ou de pré-reconversion professionnelle, car « c’est le football qui est prioritaire »7. L’opportunité d’assurer un suivi scolaire des apprentis et stagiaires reste une mesure secondaire au regard des dispositions prises en matière d’entraînement en football. L’objectif n’est pas de former des futurs citoyens, mais des futurs professionnels. Ce but originel est chiffré : permettre à 100 joueurs par an d’atteindre le niveau professionnel de Division 2 et surtout de Division 1 et pour ce faire, tabler sur la formation de 200 joueurs par année sur l’ensemble des centres de formation. En effet, il paraît délicat d’envisager un taux de réussite maximal, sachant que les effectifs et les conditions sont fluctuants d’un club à l’autre.
5Après quelques atermoiements lors de leur mise en route, la plupart des joueurs, entraîneurs et dirigeants jugent l’apport des centres de formation de façon très positive8, même si à première vue leur fonctionnement semble coûter cher aux clubs9. Beaucoup d’entre eux, notamment les moins fortunés, prennent conscience que leur avenir passe par le développement de leur centre. Une étude menée par la DTN et portant sur les six premières années de fonctionnement fait ressortir les conclusions suivantes : de la saison 1974-1975 à la saison 1979-1980, 24 % des joueurs passés dans un centre de formation ont signé un contrat professionnel en Division 1, et 22 % en Division 2. Et pour la seule saison 1979-1980, 44 % des joueurs ont signé un contrat pour la seule Division 110. La proportion des joueurs aspirants ou stagiaires vivant et s’entraînant au centre de formation de 1974-1975 à 1979-1980 est de l’ordre de 7 à 8 par club. Ce chiffre relativement modeste s’explique par le fait que le coût total de la formation d’un joueur se chiffre en dizaine de milliers de francs, et que les clubs ne peuvent prévoir les résultats que donnera le lancement de cette nouvelle formation. Par rapport à la période antérieure, le changement paraît nettement perceptible aux yeux des spécialistes. En effet, jusqu’aux années 1970-1975, les clubs professionnels recrutaient les meilleurs amateurs assez tardivement, souvent vers l’âge de 19 ou 20 ans. Ces derniers étaient lancés aussitôt en compétition et de ce fait beaucoup d’entre eux perdaient pied, parce qu’ils passaient d’un niveau modeste à un niveau élevé sans préparation spécifique. Ceux qui réussissaient néanmoins à s’intégrer dans les rangs des professionnels conservaient des lacunes physiques ou techniques, pas forcément rédhibitoires sur le plan national, mais insurmontables au plan international11. Lors de la décennie précédente, rares étaient les clubs tels que Lens, Valenciennes, Sedan12 ou Saint-Étienne, qui organisaient un entraînement quotidien pour leurs jeunes joueurs amateurs. Désormais, les jeunes joueurs sont accoutumés à suivre cet entraînement quotidien et à se confronter régulièrement aux joueurs professionnels plus chevronnés. De surcroît, les premiers bons résultats obtenus par l’équipe de France de football depuis plus d’une décennie, ainsi que quelques succès probants de clubs français au niveau européen incitent à des supputations quant aux effets bénéfiques de la nouvelle politique de formation. « […] il est logique et juste d’imputer, pour une très large part, les résultats internationaux actuels du football français aux centres de formation13 ». En ce qui concerne les joueurs formés, le bilan des centres de formation après huit années de fonctionnement est encore plus favorable que le premier constat dressé. En effet, le pourcentage de joueurs français formés dans un centre de formation est pour la saison 1983-1984 de 79 % pour la Division 1 française14. L’objectif à moyen terme de la DTN est bien atteint, puisque ce sont effectivement plus des trois quarts des effectifs professionnels qui ont été formés dans ces centres. Cette proportion continue à grimper et en 1989, ce sont 90 % des effectifs professionnels de Première Division qui sont alimentés par les centres de formation. « Ils remplissent ainsi complètement la mission qui leur a été impartie »15. Selon la DTN, certains clubs vivent à 70 et 80 % de leur centre de formation. Il faut entendre par cette affirmation que trois quarts des joueurs qui évoluent dans l’équipe professionnelle ont été formés dans le propre centre de formation du club. Tout aussi probante est l’analyse des sélectionnés dans les différentes équipes de France, seniors, espoirs et jeunes. En effet, tous les joueurs sélectionnés dans les équipes de France lors de la saison 1989-1990 sont sans exception issus des centres de formation16.
6Les années 1990 voient la situation des centres de formation évoluer. La preuve a été administrée qu’ils fournissent aux équipes professionnelles un vivier indispensable de joueurs de haut niveau, aptes pour les meilleurs d’entre eux à défendre les couleurs de la France avec succès dans les compétitions nationales, puis à partir des années 1995 à évoluer sans rencontrer de problème d’adaptation dans les meilleurs clubs européens. De ce fait, forts de ce constat, les clubs consacrent davantage de moyens aux centres de formation et recrutent des aspirants et stagiaires en plus grand nombre (H. Slimani, 2002). De fait, le nombre des joueurs issus des centres de formation qui débutent en Division 1 ne baisse pas dans les années 199017. Et quoi qu’il en soit, malgré les diverses contraintes qui pèsent çà et là sur les clubs professionnels, qui se sentent menacés de voir leurs centres de formation pillés de leurs meilleurs éléments18 et sont débarrassés de l’obligation de posséder un centre de formation depuis le 12 juin 2003, il semble que cette structure ait encore de beaux jours devant elle en France. En tant que parent pauvre du cercle fermé des cinq grandes ligues européennes, le football français n’a pour l’instant pas d’autre choix que celui de pérenniser et d’améliorer, notamment par le biais de la pré-formation, les centres de formation qui sont encore cités en exemple dans les autres pays européens et même hors de l’Europe.
1.3. L’entraîneur du centre de formation
7Dans un premier temps, la question du profil que doit posséder l’entraîneur du centre de formation ne se pose pas. En général, les clubs nomment un technicien qui officiait déjà au club et s’occupait d’une ou plusieurs équipes de jeunes avant la promulgation de la Charte en 1973. Il peut s’agir d’un ancien joueur professionnel comme Claude Dubaële à Rennes, d’un ancien entraîneur professionnel comme Karel Michlowski à Angers, ou d’un ancien joueur amateur comme Joseph Birtel à Metz. Au départ, on retrouve souvent des entraîneurs qui n’étaient pas destinés à s’occuper d’un centre de formation, mais plutôt à diriger l’équipe réserve engagée dans le championnat de France amateur de Division 319. Mais ce cas n’est pas généralisé à tous les clubs, certains ayant procédé à la nomination d’un responsable du centre différent de l’entraîneur de l’équipe réserve, ce qui ne va pas sans poser des problèmes internes, à propos des rythmes de travail à adopter et des objectifs à privilégier. Les premières années d’existence s’écoulent au gré des gestions plus ou moins réussies de ces situations différentes et des éventuelles contradictions qui peuvent en découler au sein des clubs, avant que les responsables des formateurs ne proposent des orientations différentes. Pour la première fois en 1983, il devient évident que l’entraîneur du centre de formation doit posséder un profil spécifique20, même si chaque formateur peut développer un style particulier.
Avec Marcel Husson21, j’ai découvert le surpassement, la gagne, on sortait du vestiaire on était à bloc… Il m’a fait franchir un premier palier. Avec lui, c’était devenu normal de se surpasser. Il te donnait confiance dans la causerie d’avant match, il mettait en avant tes qualités, tu sortais de là, t’étais à bloc. C’était un état que je n’avais jamais connu auparavant, il m’amenait des choses que je ne pensais pas savoir. C’est aussi Marcel qui m’a fait reculer au poste de défenseur. Avec Husson, c’était délirant. Il te mettait une pression terrible, même pendant les entraînements. Du coup, en match, elle était moindre, on y était préparé. Mais c’est vrai que Marcel, il était à fond… Sur le jeu d’entraînement, tu pouvais avoir une mi-temps d’une demi-heure, et si quelque chose allait de travers, il pouvait s’enflammer, il jouait avec, et la deuxième mi-temps pouvait durer deux heures et demie… Avec Joël22, c’étaient des méthodes beaucoup plus modernes, une préparation athlétique basée sur des tests. C’était plus équilibré, avec beaucoup de rigueur… Au niveau tactique, il y avait une réflexion très importante. Joël avait un cadre très précis, un schéma de jeu, une stratégie… C’était vraiment le haut niveau. Tous les matins, il avait le même niveau de concentration, la même volonté, la même rigueur… On sentait le travail derrière… (Philippe Gaillot, 2005)23.
8Quelle que soit la méthode employée par le formateur, son comportement, son attitude, son but est de former des joueurs les plus performants possible, qui soient aptes dès leur arrivée dans l’équipe professionnelle à affronter le niveau supérieur. La DTN engage d’ailleurs une réflexion quant à la création d’un diplôme de formateur spécifique. En effet, il devient indispensable que le joueur qui accède à l’équipe professionnelle après être passé par le centre de formation ait bénéficié de la formation la plus complète possible. La nécessité de former un type d’entraîneur particulier, qui ne semblait pas évidente lors de l’adoption de la Charte de 1973, s’impose désormais24. Auparavant, n’importe quel entraîneur possédant le diplôme le plus élevé semblait pouvoir faire l’affaire. Or, il s’avère désormais que diriger un centre de formation requiert des compétences spécifiques, en partie différentes de celles qui sont adéquates pour diriger une équipe professionnelle. Ce constat permet de jeter les bases d’une évolution. L’entraîneur doit dorénavant être un véritable formateur. Dans les faits, de 1973 à nos jours, l’entraîneur du centre de formation est souvent un ancien professionnel. La DTN définit clairement à l’intention des clubs les qualités qu’elles souhaitent retrouver dans chaque entraîneur responsable d’un centre de formation :
Les instances techniques doivent être exigeantes vis-à-vis des techniciens : […] des spécialistes de haut niveau, passionnés par leur discipline, férus de connaissances nouvelles et d’expérimentations, à l’affût de tout ce qui peut permettre les progrès de leur sport, et surtout aptes à la discussion générale, capables de synthèses, ouverts à la définition de principes de travail, en mesure d’imaginer et d’assurer la mise en œuvre des décisions prises25.
9L’objectif assigné à ces hommes n’a pas varié. Il s’agit plus que jamais de former des joueurs de niveau national, surtout pour la Division 1, voire pour les meilleurs de niveau international, en coordonnant une succession d’opérations assez délicates, qui voient se succéder la détection, la formation et la « livraison » des joueurs à l’équipe professionnelle. Dans cette optique, les conditions d’apprentissage et de contrôle, dûment spécifiées et vérifiées, suivent un travail préalable conséquent26.
2. La construction d’un staff
10Un autre aspect inhérent à l’adoption de la Charte de 1973 réside dans la diversification des rôles et fonctions de l’entraîneur. En effet, l’entraîneur n’est plus seul. Il partage désormais sa responsabilité, même si ce n’est pas à parts égales, avec un autre entraîneur, responsable du centre d’enseignement. D’ailleurs, de nombreux clubs de Division 1 ne sont pas à même de fournir deux entraîneurs diplômés : l’hypothèse la plus probable est que les entraîneurs diplômés préfèrent monnayer leurs compétences dans des clubs amateurs de bon niveau. Ce choix leur offre de meilleures possibilités de rémunération ainsi qu’une meilleure exposition médiatique au niveau régional. La Charte de 1973, en prévoyant le statut du joueur aspirant dès l’âge de 16 ans, modifie les données relatives à la présence des entraîneurs dans les clubs en instituant l’obligation de trois entraîneurs par club : un entraîneur chef, un entraîneur à temps complet pour les stagiaires, un entraîneur pour les amateurs. De surcroît, la présence d’un médecin et d’un masseur-kinésithérapeute, tous deux sous contrat à temps partiel, est exigée. Ces dispositions engendrent un effet immédiat : l’entraîneur professionnel n’exerce plus sa profession de manière esseulée, mais il est invité à collaborer avec une véritable petite équipe technique et médicale autour de lui. En effet, parce qu’il est responsable général de la planification de l’entraînement dans le club, il se voit mis en demeure d’entretenir des relations avec l’entraîneur du centre de formation. La création des centres d’enseignement rend indispensable une coopération. De surcroît, la responsabilité du nouveau technicien est elle aussi partiellement engagée : il doit fournir à l’équipe professionnelle des jeunes joueurs préparés de façon efficace. Pour autant, c’est avant tout la responsabilité de l’entraîneur en chef, l’entraîneur de l’équipe professionnelle, qui demeure engagée. Visible, médiatique, il occupe l’avant-scène, contrairement à son collègue du centre de formation. Et lorsqu’une décision doit être tranchée, elle émane avant tout de l’entraîneur en chef.
Question : Quelles sont tes relations avec le staff pro ? As-tu le sentiment de faire partie d’une équipe ?
Réponse : J’en ai eu la prétention. Maintenant, je tiens à être dans la peau d’un pro en recevant leur formation. C’est pour cela que je me suis inscrit au DEPF. J’ai tendance à penser qu’on ne fait pas le même métier. Il y a des relations d’intérêt, mais pas de réelle connivence. Meilleur l’entraîneur pro est, et plus forte sera ma structure. On tombe rarement d’accord : entre le joueur qui n’est pas prêt, mais qu’il est obligé de prendre, parce qu’il a des blessés dans l’effectif, celui qui est prêt mais qu’il ne prend pas… Avec le DEPF, je vais essayer de voir les choses du côté de l’entraîneur pro, parce qu’il y a toujours de bonnes raisons de prendre ou de ne pas prendre un joueur, des raisons stratégiques, médiatiques… Quand Gress27 prend Signorino ou Adebayor, c’est moins pour des raisons stratégiques que politiques. Dois-je le juger ? J’aurais peut-être fait pareil. Il ne m’a rien demandé, ou à peine… Il ne fallait pas que ce soit mon idée. Quelle prétention peut-on avoir alors de faire une équipe ensemble ? Plus les joueurs sont bons, moins j’en parle. Il faut laisser à l’entraîneur le plaisir de la découverte. Je suis persuadé qu’il vaut mieux que le joueur bénéficie de l’effet Pygmalion. Si l’entraîneur pro vient chercher un joueur, il va tout faire pour favoriser son intégration. Alors que si je lui envoie un joueur et qu’il me le renvoie, tu vois l’effet pour le joueur… Non, rien ne marche mieux que l’entraîneur qui pense les avoir découverts (Francis de Taddeo, 2003)28.
11Il semble également que diriger un centre de formation soit souvent vécu comme une étape par celui qui occupe cette fonction, le poste d’entraîneur principal étant naturellement visé à terme29. En cas de problème majeur au sein de l’équipe professionnelle, à l’occasion de limogeages de l’entraîneur, la solution de remplacement par l’entraîneur du centre de formation, sans être généralisé, est loin de constituer une rareté30, d’autant qu’elle s’avère souvent moins coûteuse ou moins hasardeuse. La fin des années 1980 consacre la constitution d’un staff au sein de l’équipe fanion. Les avis convergent pour désigner Robert Herbin, entraîneur de l’AS Saint-Étienne, comme l’instigateur de cette innovation en 1987. Herbin s’inspire de l’existence de cette fonction en Italie et en Espagne. Dès le début de son second mandat à l’ASSE en 1987, il réclame un adjoint au président Laurent. Ce dernier lui octroie le droit de choisir un de ses anciens coéquipiers, Christian Sarramagna. La demande de Robert Herbin est motivée par deux faits : tout d’abord, plusieurs blessures l’empêchent de démontrer des exercices sur le terrain, ce qu’il juge handicapant vis-à-vis de ses joueurs. Mais surtout, la présence de cet adjoint, apte à diriger les séances d’entraînement, permet à l’entraîneur de prendre du recul pour mieux observer. Selon Guy Roux, ce dispositif constitue une innovation primordiale. « L’évolution principale, c’est le travail en équipe. Quand j’ai commencé il y a quinze ans en Division 1, nous étions tous seuls. Il n’y avait même pas d’adjoints. C’est Herbin qui a donné la grosse impulsion »31. Depuis les débuts des années 1980, tous les clubs professionnels français sans exception, ont rapidement suivi l’exemple stéphanois. Cette orientation s’inscrit dans une tendance lourde qui se développe dans les organisations du travail à partir du milieu des années 1980, liée à l’adoption de la logique de compétence. La compétence, qui peut ici être définie comme la participation des salariés à la compétitivité de leur entreprise, s’accompagne de qualités à développer chez tous les salariés : initiative, responsabilité, travail en équipe (C. Dubar, 2000).
12Depuis le milieu des années 1980, les staffs techniques professionnels de Première Division comprennent souvent trois à quatre techniciens. En plus de l’entraîneur principal, on note la présence d’un, voire deux adjoints, d’un entraîneur des gardiens de but et d’un préparateur physique32. Cette augmentation quantitative de l’effectif d’encadrement a une conséquence positivement ressentie par le représentant syndical des entraîneurs. « Pour la profession, c’est bon. On a fait passer le nombre d’entraîneurs de un ou deux par club à cinq ou à huit. On a toujours un volant de chômage, mais avec beaucoup plus d’emplois »33. Cette incidence a donc permis de doubler voire de tripler les postes à responsabilité au sein de l’encadrement des équipes professionnelles. Dans ce contexte où les promotions d’entraîneurs obtenant le Diplôme d’entraîneur professionnel de football (DEPF) chaque année restent stables et ne risquent pas de connaître de variation favorable, de même que les effectifs de Ligue 1, Ligue 2 et National, cette croissance des effectifs au sein des équipes professionnelles a eu au départ des répercussions positives. Mais bien évidemment, les effets commencent à s’estomper, puisque chaque année les nouveaux titulaires du DEPF, créé en 1991, viennent s’ajouter à ceux des promotions des années précédentes, alors que le nombre annuel de départ en retraite ne compense pas l’afflux des arrivées. Pour permettre une nouvelle augmentation des effectifs au sein des staffs, une piste a déjà été évoquée. Elle réside dans l’entraînement spécifique des joueurs par ligue, selon le poste occupé, à l’instar de ce qui se pratique aux États-Unis dans le football américain34. Certains entraîneurs ont déjà émis un intérêt pour la prospective de ces entraînements spécifiques qu’on pourrait voir mener par des entraîneurs spécialisés : entraîneur des attaquants, entraîneur des milieux de terrain, entraîneur des défenseurs. Mais pour l’instant, ces idées en sont restées au stade de vagues projets35. Sans doute la masse salariale de nombreux clubs de Ligue 1 aurait-elle à souffrir de l’embauche de plusieurs membres du staff, moins visibles, moins médiatiques et moins porteurs pour l’image, notamment par rapport au recrutement potentiel de nouveaux joueurs.
2.1. L’entraîneur adjoint
13L’adjonction d’adjoints correspond donc à une nécessité ressentie par l’entraîneur principal. Au besoin de prendre du recul, de pouvoir bénéficier d’une vision plus globale de l’équipe à l’entraînement, s’ajoute celui d’alléger une charge de travail alourdie par la diversification des tâches de plus en plus conséquente, notamment à partir des années 1990. À la lumière des vingt-cinq dernières années, on peut considérer qu’il existe deux types d’entraîneur-adjoint : l’entraîneur-adjoint en recherche d’ascension sociale et l’entraîneur-adjoint par vocation. Recruté le plus souvent par cooptation de la part de l’entraîneur professionnel, l’adjoint ne souhaite pas forcément se cantonner indéfiniment au rôle de second. Robert Herbin, le tout premier à avoir institué la fonction d’assistant, a vu d’ailleurs son adjoint Christian Sarramagna briguer sa place et le remplacer en cours de saison36. Tous les adjoints ne souhaitent pas forcément se cantonner dans un rôle d’assistant qui ne briguerait pas le poste principal, qui ne ferait pas d’ombre à l’entraîneur en chef. Depuis que le poste d’adjoint existe, il s’est toujours trouvé des hommes désireux d’accéder au poste supérieur. Ce n’est pas leur faire injure d’écrire que parfois, certains d’entre eux profitent des aléas dans le parcours d’une équipe professionnelle pour tenter de parvenir à leurs fins. Le problème qui peut se poser, c’est que parfois l’entraîneur en chef s’estime trahi, juge qu’il y a eu intrigues dans son dos, lorsqu’à la suite des mauvais résultats, il se voit remplacé par son ex-adjoint. Jean Fernandez pense qu’au sein du club, si les joueurs peuvent mettre l’entraîneur en difficulté, l’entraîneur-adjoint le peut également, lorsqu’il laisse entendre au président et aux dirigeants « qu’il peut faire mieux que lui »37. Il est toujours difficile de démêler l’exacte responsabilité de chaque protagoniste lorsqu’un président décide de remplacer un entraîneur par son adjoint, mais de toute manière, le ressenti du premier est souvent douloureux. Il l’est d’autant plus lorsqu’il s’était persuadé que l’adjoint aurait dû se cantonner dans son rôle jusqu’au terme de leurs mandats respectifs.
14Afin de pallier cette menace éventuelle, nombreux sont les entraîneurs qui lors des négociations préalables à la signature de leur contrat avec un club professionnel, cherchent à imposer le recrutement de leur adjoint en tant que corollaire indispensable à leur propre embauche. En raison des problèmes de contrat, parce que certains adjoints sont déjà en place et attachés à un club et non pas à une personne, cette requête ne peut toujours être satisfaite38.
15Un homme comme Georges Eo, au FC Nantes, représente le prototype de l’adjoint par vocation : il seconde successivement Suaudeau, Blazevic, Suaudeau à nouveau, Denoueix entre 1987 et 2006. Il personnifie durant presque deux décennies cet entraîneur-adjoint idéal39. « C’est l’adjoint idéal, travailleur et discret, dont tout numéro 1 a besoin, témoigne Robert Budzynski, qui l’a ramené au bercail »40. S’il semble évident que tout entraîneur en chef ou tout président souhaite que son personnel soit travailleur, la qualité de discrétion souhaitée chez l’entraîneur-adjoint est mise en avant. Cette discrétion l’aide à accepter de rester dans l’ombre, à ne pas nuire à l’image de l’entraîneur en chef, à ne jamais empiéter sur les fonctions de l’entraîneur en chef, en respectant une certaine réserve. Quelques clubs persistent à garder leurs entraîneurs-adjoints pendant des périodes supérieures à cinq années : ainsi Jean Petit occupe le poste d’adjoint à Monaco de 1982 à 2009 avant de devenir conseiller sportif. Lorsque c’est possible, la plupart des entraîneurs qui paraphent un nouveau contrat tentent de l’assortir de la signature d’un adjoint attitré : certains couples sont indissociables durant de longues saisons : depuis 1998, Paul Le Guen41 ne s’engage pas sans Yves Colleu. Jean Fernandez quant à lui, au gré des changements de club professionnels, parvient presque systématiquement à imposer le recrutement de David Carré en tant que second depuis 2003. Ces exemples montrent que nombre d’entraîneurs cherchent à s’entourer d’adjoints qu’ils connaissent, avec lesquels ils ont déjà travaillé, dont ils évaluent la propension à rester en retrait et à ne pas revendiquer un statut de numéro 1 en cas de période difficile.
2.2. L’entraîneur des gardiens de but
16L’entraîneur des gardiens de but est également de nos jours considéré comme un adjoint supplémentaire à part entière. Les témoignages concordent pour affirmer que c’est Yvan Curkovic, gardien de but international yougoslave de l’AS Saint Étienne entre 1972 et 1981, qui a importé en France la nécessité de réaliser des exercices spécifiques aux gardiens de buts lors des séances d’entraînement. Petit à petit, cette pratique initiée par Curkovic se diffuse aux autres clubs de l’élite française. Au début des années 1980, l’entraîneur des Girondins de Bordeaux Aimé Jacquet confie à Michelena, un ancien gardien de but, la responsabilité d’entraîner spécifiquement Dominique Dropsy, le gardien de but titulaire de l’équipe. Le témoignage de ce dernier est édifiant :
À Strasbourg, mon entraînement, c’était de me faire allumer par les attaquants en fin de séance. Il n’y avait aucune considération pour l’aspect particulier de notre travail. En arrivant, j’ai découvert qu’un dialogue, que des exercices appropriés étaient possibles42.
17À partir de la fin des années 1980, pour ne pas laisser le gardien de but livré à lui-même, les clubs professionnels embauchent un entraîneur spécifique pour ce poste. Dans un premier temps, nombreux sont les clubs qui confient à cette nouvelle recrue l’ensemble des gardiens du club, des équipes de jeunes aux gardiens professionnels en passant par les gardiens du centre de formation43. Certains entraîneurs de gardiens se voient même confier l’entraînement et la direction d’une équipe amateur ou jeunes du club en sus de ses fonctions prioritaires44. Avec l’apparition de ce poste d’entraîneur adjoint en charge des gardiens, on assiste donc dans un premier temps à un changement de mentalités. Ainsi dans les années 1980, l’idée s’impose que l’entraînement du gardien de but nécessite des aménagements et un encadrement spécifiques. À partir des années 1990, l’entraîneur des gardiens de but s’occupe spécifiquement des spécialistes de l’équipe professionnelle à plein temps, et abandonne ses tâches annexes (entraîneur d’équipes jeunes ou amateurs du club, responsables des écoles des gardiens…). Contrairement aux entraîneurs-adjoints, les entraîneurs de gardien sont moins attachés à un homme qu’à un club. Souvent issus du sérail, ils ont gravi les échelons et fait leurs preuves pendant une durée conséquente, souvent supérieure à cinq années : Dominique Dropsy à Bordeaux, Joël Bats à Lyon, Bruno Valencony à Nice, Alexander Vencel à Strasbourg, Alain Casanova à Toulouse…45. De ce fait, souvent les entraîneurs de gardien de but sont relativement moins exposés au limogeage que l’entraîneur-adjoint, dans la continuité de celui de l’entraîneur en chef. De surcroît, ils sont des spécialistes qui ont occupé le même poste que les joueurs dont ils s’occupent et qui demandent un entraînement à part46. Il est vrai que jusqu’en 2004, le recrutement des entraîneurs de gardiens de but n’était pas soumis à des règles strictes. L’accès à la formation d’entraîneur de gardiens favorise désormais les anciens portiers professionnels puisque ne peuvent être candidats que les spécialistes qui sont à la fois titulaires du Brevet d’État d’éducateur sportif (BEES) 1 football et qui justifient de 5 années de contrat en club professionnel ; ou encore ceux qui sont titulaires du Diplôme d’entraîneur de football (DEF) et peuvent justifier d’avoir été alignés comme gardien au moins 80 matches à un niveau minimum de CFA 2. Il s’agit bien, selon Bruno Martini47, le responsable du certificat à la DTN, de structurer la formation et d’éviter que certains opportunistes ne s’improvisent entraîneurs de gardien. Le certificat délivré depuis 2004 a permis à certains entraîneurs de gardien déjà en poste dans leur club, de valider leur emploi grâce à son obtention : ainsi Patrick Barth au FC Metz en 2004, Aziz Bouras (FC Sochaux) ou Frédéric Petereyns (SM Caen)48. On peut supposer qu’avec la mise en place de ce nouveau diplôme, la FFF risque d’instaurer une concurrence plus accrue au sein des effectifs professionnels. Jusqu’en 2004, le recrutement se faisait plutôt sur la base d’une cooptation, liée au passé de gardien de but en tant que joueur dans le club. Désormais de plus en plus d’anciens gardiens de bon niveau peuvent être tentés par la formation et offrir leurs services en s’appuyant sur la possession d’un diplôme officiel. Ainsi cette profession d’origine récente pourrait connaître une mutation et revêtir les mêmes caractéristiques que celles d’entraîneur en chef. Or, elle semblait promettre des possibilités de carrières plus stables ou au moins des contrats de plus longue durée aux entraîneurs de gardien. Si on réalise la comparaison des effectifs des clubs de Ligue 1 pour la saison 2007-2008, par rapport à celui qu’ils proposaient en 2003-2004, on s’aperçoit que seuls Lille (Claude Puel) Nancy (Pablo Correa) et Lorient (Christian Gourcuff) ont conservé leur entraîneur en chef. Par contre, neuf clubs ont conservé leur entraîneur de gardiens depuis 2003, pour entamer (au moins) une cinquième saison consécutive. Cette relative continuité risque donc de s’estomper en raison d’une possible saturation du marché, liée à l’obtention du diplôme. Mais un autre facteur pourrait intervenir : à l’instar de ce qui s’est passé pour les entraîneurs en chef, certains entraîneurs de gardiens peuvent, toutes proportions gardées, connaître une certaine médiatisation. Le cas de Christophe Lollichon est significatif. Entraîneur des gardiens de but du Stade rennais, depuis plusieurs années, il est recruté en novembre 2007 par un des plus grands clubs européens, Chelsea. En effet, le gardien international tchèque de Chelsea, Peter Cesch, a joué plusieurs saisons à Rennes où il s’est entraîné sous la direction de Lollichon. Et lorsque l’entraîneur de Chelsea, José Mourinho, est limogé avec l’ensemble de son staff à l’automne 2007, le gardien tchèque persuade les dirigeants anglais de recruter son ancien mentor. Peter Cesch fait partie du gotha mondial et est donc considéré comme un des tout meilleurs spécialistes mondiaux à son poste. De ce fait, son influence dans le recrutement de Christophe Lollichon a eu un retentissement certain dans le monde du football, où pour la première fois, un entraîneur de gardiens de but français a accédé à une véritable notoriété internationale.
2.3. Le préparateur physique
18La profession de préparateur physique en football est encore plus récente. France Football n° 2939 du 6 août 2002 publie l’ensemble des effectifs de Ligue 1 à l’orée de la saison 2002-2003. Sur les vingt équipes, seules neuf d’entre elles mentionnent l’existence d’un préparateur physique dans leur staff technique49. Cela ne signifie pas que les autres équipes n’ont pas effectivement de préparateur physique, mais plutôt qu’elles n’ont pas identifié cette compétence, la préparation physique, comme faisant partie du bagage exclusif et à plein temps d’un spécialiste. Quelques années plus tard, la situation a évolué. Une seule équipe ne recense pas de préparateur physique attitré dans le guide de la saison 2007-2008 de France Football : Lorient50. La préparation physique devient donc aux yeux des clubs professionnels un domaine qui requiert des compétences bien spécifiques, au point que désormais, au moins un poste à temps plein est occupé dans chaque club professionnel de Ligue 1 par un spécialiste chargé de son encadrement. Depuis les années 1970, voire même auparavant, la préparation physique était déjà prise au sérieux dans les clubs professionnels français. Cependant, ce domaine n’était pas une affaire de spécialiste. Jusqu’au milieu des années 1980, la conduite de la préparation physique échoit à l’entraîneur, et pour cause : il n’a aucun adjoint pour l’épauler. Depuis les années 1985, c’est souvent l’adjoint qui se charge de diriger la préparation physique qui lui est déléguée par son numéro 1. Jusqu’au début des années 2000, la situation est variable selon les clubs. Certains clubs persistent à faire confiance à leur entraîneur ou leur adjoint pour mener à bien la préparation physique et athlétique de leur équipe fanion, car bien souvent, l’entraîneur chef pense qui lui-même ou son staff possède les compétences requises. Joël Muller, par exemple, à partir de 1989 dirige lui-même le travail physique à Metz puis à Lens, avant de déléguer, un peu à contrecœur, cette partie de la préparation et de l’entraînement à un adjoint à l’orée de la saison 2004-2005. D’autres confient cette préparation à un véritable spécialiste. Comme il n’existe pas encore de diplôme spécifique au football en ce domaine, il s’agit parfois des footballeurs qui ont obtenu leur diplôme dans le cursus STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives), diplôme délivré par l’Université. Les parcours de Jérémy Moureaux, Stéphane Wiertelak ou Christian Schmidt sont révélateurs51. Celui de Georges Gacon l’est également. Enseignant à l’UFR STAPS de Dijon depuis les années 1970, il devient entraîneur national du demi-fond en 1985. Grâce à son expérience, il crée une société privée qui commercialise des logiciels destinés à la préparation physique. Il est également sollicité par l’équipe de France féminine de handball qui en fait son préparateur physique en 1998. En 1999, sollicité par le PSG, il devient préparateur physique de l’équipe professionnelle avant de poursuivre dans le monde du football, à Rennes notamment puis à l’Olympique de Marseille entre 2004 et 2008, et à Nantes (2008-2009).
19On s’aperçoit que certains clubs professionnels, afin d’optimiser la préparation physique en football du troisième millénaire, font appel à des spécialistes qui ont fait leurs preuves dans des domaines autres que celui du football. En ce sens, à plus d’un siècle d’écart, le football professionnel reproduit la quête des origines : celle qui consiste à chercher des entraîneurs dans des domaines voisins où l’expérience et le vécu existent déjà : cricket ou boxe au XIXe siècle, gymnastique ou athlétisme au XXe. L’âge avéré de chacun de ces préparateurs physiques en 2007 (Jérémy Moureaux 30 ans ; Stéphane Wiertelak 42 ans ; Christian Schmidt 37 ans ; Georges Gacon 65 ans) rend difficile l’esquisse d’un profil type du préparateur. D’autant que si la formation universitaire STAPS constitue un dénominateur commun pour plusieurs d’entre eux, il reste que certains ex-joueurs professionnels, a priori non spécialistes en matière de préparation physique au début de leur carrière d’entraîneur, occupent le poste dans certains clubs. Jean-Marc Branger, après avoir mis un terme à sa carrière de gardien de but à Caen en 2007, embrasse celle de préparateur physique. À Bordeaux, Éric Bedouet, après une longue carrière de footballeur, puis de directeur du centre de formation de Laval durant cinq années, devient préparateur physique lors de la saison 1998-1999. Il est toujours le titulaire du poste en 2013. Il semble cependant que l’avenir de la profession s’oriente vers un recrutement de plus en plus conséquent des anciens professionnels, sans doute au détriment de joueurs d’un niveau moindre mais qui seraient en possession de diplômes universitaires. En effet à l’instar de ce qui s’est produit pour les entraîneurs de gardiens de but, la DTN a officialisé la création d’un certificat de préparateur physique en football52. Mais l’accès à la formation favorise davantage les anciens professionnels plutôt que les titulaires d’un diplôme STAPS. En effet, peuvent s’inscrire les titulaires du DEF53, qui justifient de trois années en tant qu’entraîneur ou adjoint au sein d’un club professionnel, ou les titulaires d’une licence STAPS mention « entraînement sportif » qui justifient de trois années d’encadrement dans un club professionnel. On le voit pour cette seconde catégorie, il s’agit davantage de valider les compétences d’hommes qui officient souvent depuis plusieurs années dans les clubs professionnels, que de favoriser l’accès à la profession aux futurs diplômés STAPS. Au contraire, en exigeant le DEF comme sésame pour ce certificat, la DTN espère clairement pourvoir les postes avec des hommes du cru, des membres de la famille football : les anciens joueurs professionnels. Ce faisant, elle espère renforcer cohésion et stabilité dans l’univers des entraîneurs professionnels qui en ont besoin. Les acteurs de cette profession se doivent d’établir un groupement solidaire, en cloisonnant et en régulant son accès, c’est-à-dire en l’interdisant aux non-professionnels (P. Charrier, 2004). Bien entendu, les candidats au certificat de préparateur physique se voient dispenser des contenus théoriques mais aussi pratiques en liaison directe avec le terrain : connaissances sur les systèmes de production d’énergie, le développement des qualités aérobies, le travail de la vitesse, le fonctionnement musculaire en musculation et lors des étirements.
20Même si cette profession est peu médiatisée, elle comporte néanmoins une vedette : le préparateur physique de l’Olympique Lyonnais, Robert Duverne. En fonction au club depuis 199154, Robert Duverne s’est fait connaître par une plus vaste catégorie de la population française que le cercle plus restreint des aficionados de l’OL pendant la Coupe du Monde de Football 2006. En effet, pour la première fois dans l’histoire de l’équipe de France, un sélectionneur national, Raymond Domenech, fait appel à un préparateur physique extérieur qui n’est pas membre de la DTN. Robert Duverne est pleinement associé aux excellents résultats de l’équipe de France qui atteint la finale de la compétition. À ce titre et en cette occasion, en raison de la couverture médiatique exercée par la presse quotidienne, Robert Duverne a contribué à faire connaître la profession à un nombre conséquent de Français55. Il a concouru à montrer qu’un préparateur physique pouvait obtenir un réel pouvoir dans un club, puisque le président de l’Olympique Lyonnais, Jean-Michel Aulas, impose régulièrement aux entraîneurs successifs de son club de travailler avec Robert Duverne. Ce dernier dresse un tableau de la récente émergence de la fonction :
Le temps est fini où un Français arrivait en Italie en disant qu’il n’avait jamais autant travaillé de sa vie. Maintenant, nos équipes sont aussi bien préparées. Quand Deschamps est parti à la Juve, il avait fait la moitié de sa carrière à Nantes, où il n’y avait pas de préparateur physique56.
21Les connaissances de plus en plus pointues exigées en matière de préparation physique, notamment en ce qui concerne le dosage, la programmation, la périodisation… liées au gonflement des effectifs et des budgets, ont permis aux préparateurs de se créer une place aux côtés des entraîneurs, dont il sera difficile de nier l’importance. Dans les championnats nationaux comme l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne, certains clubs huppés disposent même d’un staff de plusieurs préparateurs physiques afin de mieux individualiser le travail des joueurs et son suivi. Les prérogatives à laisser aux adjoints sont diversement appréciées selon les entraîneurs, ainsi que l’avoue Guy Roux : « Pour moi, l’adjoint est un exécutant. Certains entraîneurs ont des adjoints qui décident, pas moi »57. Encore faut-il nuancer la part de décision par l’adjoint. En général, elle se réfère à la partie entraînement, au choix de situations et des exercices à travailler et non aux tactiques à mettre en place ou à la constitution de l’équipe pour le match. Parfois, le rôle de confident des joueurs peut échoir à un ou plusieurs adjoints, que ce soit de façon informelle ou non. Depuis les années 1980, la relation entre l’entraîneur et les joueurs se fait plus distante. La communication entre l’entraîneur et le joueur peut passer par un intermédiaire, comme le révèle Olivier Quint, joueur au FC Nantes :
Les joueurs vont peut-être davantage voir l’adjoint ou le préparateur physique pour les petits soucis de tous les jours […] les joueurs qui sont évincés du groupe pour un match vont voir l’adjoint, qui lui, est disponible et peuvent éventuellement lui dire ce qui ne va pas58.
22Alors que l’autorité de l’entraîneur semble par ailleurs davantage susceptible d’être contestée que par le passé, il s’avère que finalement, il y a peu de conflits frontaux avec les joueurs. En cas de problème, ce sont les adjoints du staff technique qui sont sollicités pour les résoudre. Ces agissements confirment que l’entraîneur est relativement isolé au sein du club, en ce sens qu’il véhicule l’image d’un homme inaccessible pour des problèmes concrets relatifs à la communication. Pourtant, la gestion des problèmes relationnels fait partie intégrante de son lot quotidien, mais tout se passe comme s’il ne devait pas gérer les à-côtés de l’entraînement, comme si les adjoints l’en protégeaient. Lorsque l’entraîneur arrive dans un nouveau club avec ses adjoints, ceux-ci sont également menacés en cas de renvoi. C’est à la lumière de ces situations différentes qu’on peut déduire qu’un staff technique est, dans l’immense majorité des cas, uni par un but commun. Mais en dépit de la poursuite de cet objectif, la cohésion ne va pas nécessairement de soi, et chaque individu doit accepter de négocier avec les autres membres du staff, de s’adapter à leur personnalité. C’est avant tout de la bonne gestion des ressources humaines que dépendra la cohésion du staff (L. Boyer, N. Equilbey, 1990), ce qui aura un retentissement sur l’efficacité de l’effectif professionnel.
2.4. Entraîneurs et/ou managers
23De 1973 à nos jours, les fonctions de l’entraîneur se limitent-elles aux tâches de terrain ou s’étendent-elles à d’autres domaines à l’instar des managers anglais ? À ce titre, il est important de préciser ce que recouvre l’appellation de « manager à l’anglaise », en se référant aux travaux de Neal Carter (2002). En effet, en Angleterre, 1945 à 1966, le manager voit ses pouvoirs s’étendre. « Directors were still the bosses but the powers of the manager had increased, probably reaching a peak in the seventies and eighties59 ». Et non seulement l’étendue du rôle du manager croît, mais c’est lui qui est en charge du bon fonctionnement du club de l’équipe professionnelle et donc de l’ensemble des résultats obtenus. « With the rise in their profiles, they were increasingly identified by directors, fans and especially the media as the scapegoat for a poor run of results60 ». Bien évidemment, lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances des supporters ou des objectifs assignés par les dirigeants, le manager britannique fait figure de coupable. C’est là un aspect du rôle de manager à l’anglaise qui ne correspond en aucune manière à celui de « directeur sportif à la française », tel qu’il est occupé par des anciens footballeurs professionnels comme Robert Budzinski à Nantes ou Louis Provelli à Valenciennes à l’aube des années 1970. Dans les années 1970, le rôle de directeur sportif se généralise avec des exemples célèbres comme ceux de Pierre Garonnaire à Saint-Étienne, ou René Hauss à Sochaux61. Cependant et notamment à partir des années 1980, l’étendue des fonctions diffère d’un club à l’autre. Les clubs professionnels n’ont plus de statut d’association mais de société à vocation commerciale (P. Chantelat, 2001). De ce fait, il devient impensable de confier la gestion d’un secteur commercial et publicitaire à des anciens joueurs, qui n’ont ni la qualification, ni le diplôme spécifique adéquats.
24Si la fonction de directeur sportif apparue au début des années 1970 a également été un prétexte pour mettre un terme à un mode de fonctionnement binaire, liant un président et un entraîneur, elle est en l’espace de trois décennies, devenue obsolète. Même s’il paraît difficile d’établir une règle, l’objectif sportif est souvent accolé au terme « directeur » lorsqu’on a affaire à un ancien joueur (Marc Keller à Strasbourg entre 2001 et 2006, Bernard Genghini à Sochaux entre 1999 et 2006). Dans les autres cas, lorsque ce n’est pas un ancien joueur professionnel qui occupe la fonction, on retrouve souvent les adjectifs « administratif » ou « général ». Mais il est vrai également que dans chaque club, la situation est différente et que l’homme chargé de la fonction de « directeur » intervient de façon plus ou moins prononcée dans le domaine sportif. Certains s’occupent uniquement de la négociation des contrats des joueurs et du staff, mais dans ce cas, ils sont tout de même en relation étroite avec l’entraîneur professionnel. D’autres gèrent également le recrutement, voire la formation, et dans ce cas-là, le dialogue avec l’entraîneur en chef s’avère davantage encore permanent et primordial. Mais il apparaît également que si la fonction de directeur sportif telle qu’on la concevait dans les années 1970 ne s’est pas répandue, elle s’est également diluée. Elle s’est tout d’abord diluée numériquement. À l’orée de la saison 2008-2009, un club comme Le Mans ne compte pas moins de trois entités distinctes : un conseiller du président (Daniel Jeandupeux), un directeur général (Fabrice Favetto Bon) et un directeur technique (Alain Pascalou). Une répartition des tâches s’effectue donc selon un découpage spécifique en fonction des clubs. Elle continue à multiplier les intervenants entre le président et l’entraîneur. À ces interlocuteurs s’ajoutent dans certains clubs des directeurs du marketing, de la communication… De ce fait, la tâche des entraîneurs se trouve complexifiée, en raison de la prise en compte des relations interpersonnelles réglées par des affinités effectives, des valeurs, des logiques de pouvoir qui sont souvent masquées par les attributions officielles repérables dans l’organigramme du club. De ce fait, alors que jusqu’aux années 1970 l’entraîneur était souvent le référent unique aux yeux des joueurs mais également des dirigeants ou des supporters, de plus en plus, il voit cette prééminence s’effacer. Certes, les autres encadrants ont en commun avec lui des objectifs à atteindre, et une ligne directrice à suivre. Mais en raison de la multiplicité des problèmes à résoudre (d’ordre sportif, humain et économique) et des modalités d’intervention, on peut considérer qu’à partir des années 1970, l’entraîneur professionnel n’est plus qu’un agent parmi d’autres au sein d’un encadrement diversifié, voire divisé (F. Mispelbloom-Beyer, 2006). Cependant, on ne peut considérer qu’il ait perdu beaucoup de ses prérogatives : le secteur de l’entraînement lui appartient toujours en totalité, ainsi que dans la plupart des cas, le privilège de la composition de l’équipe. C’est plutôt le président, qui même s’il garde de fait un pouvoir incontestable, a dilué celui-ci en installant dans le club des experts à des postes que réclamaient désormais des sociétés à buts lucratifs.
25Cependant, des années 1970 à nos jours, dans de rares clubs et selon certaines périodes, la dilution du rôle de manager sportif ne s’est pas réalisée uniquement en raison de la multiplication des entités ou des dénominations. À l’inverse, dans certains cas, elle est due à la concentration des pouvoirs autour d’une seule personne, l’entraîneur en chef. À l’instar de ce qui s’est passé au Royaume-Uni dans les années 1970 et 1980 (N. Carter, 2002), certains clubs confèrent les pleins pouvoirs à un seul homme. Un club comme Auxerre, qui reste une exception dans le football français des années 1980 à 2000, a confié les rênes du club à Guy Roux, avec un certain bonheur. D’autres clubs encore ont ponctuellement nommé leur entraîneur « manager général », en lui attribuant des pouvoirs bien plus étendus que ceux de ses collègues : cela a été le cas de Luis Fernandez (2000-2003) au Paris Saint-Germain, de Gernot Rohr à Nice (2002-2005) ou de Pierre Dréossi à Rennes (2006-2007). En plus de ses prérogatives de terrain, le manager général endosse donc de larges responsabilités. Pourtant, ce modèle semble connaître ses limites en France. Robert Budzinski62 en témoigne :
Il ne faudrait pas que la DTN accorde les pleins pouvoirs aux managers […] Cela me paraît complètement aberrant de venir charger encore plus un emploi du temps de coach déjà surbooké. En demander encore plus dans le domaine financier me paraît un peu irresponsable. La charge de l’entraîneur est déjà suffisamment lourde pour ne pas en rajouter63.
26Selon ses dires, le managérat d’un club professionnel serait une tâche trop lourde et trop prenante pour un entraîneur. Il est vrai que les faits donnent raison à Robert Budzinski. En France, par exemple, hormis Guy Roux, très peu de techniciens ont occupé la fonction d’entraîneur-manager durant un laps de temps qui excède deux ans. Il s’est établi une conviction, de la part de nombreux acteurs de football, que le titre de manager d’un club professionnel, lorsqu’il inclut la fonction d’entraîneur, est trop lourd à endosser pour les épaules des techniciens français. En effet, le manager est chargé d’impulser la politique globale du club. Lorsqu’il est à la fois manager et entraîneur, il peut recruter les joueurs qu’il désire, conforter ses propres choix, à l’image de ce que réalise Jean-Marc Furlan, nommé entraîneur-manager du RC Strasbourg en 200764. Il peut donc choisir ses adjoints ainsi que, au moins en partie, le personnel médical et parfois administratif du club (F. Mispelblom-Beyer, 2006). Cependant, le risque de ne pas atteindre ses objectifs existe toujours. Et dans un contexte où les clubs de football en viennent à licencier couramment un entraîneur en cours de saison, avant le terme de son contrat, un problème se pose. Même lorsque l’entraîneur va au terme de son contrat, celui-ci est rarement fixé pour une longue durée. Lorsque le terme du contrat n’est pas respecté, le club doit s’acquitter des indemnités de départ liées à la rupture du contrat. Cet aspect financier, déjà préoccupant lorsqu’il concerne une seule personne, le devient davantage encore lorsqu’il concerne un groupe d’intervenants plus importants, dont le recrutement a été lié à celui du manager. Il va de soi que d’autres difficultés se surajoutent, notamment celles liées aux ressources humaines, toujours exacerbées lorsqu’un nouvel entraîneur ou manager en vient à remplacer un autre de manière impromptue. De ce fait, la question reste posée. Un manager peut-il réussir en France ce que Gérard Houiller à Liverpool ou Arsène Wenger à Arsenal ont réalisé ou réalisent encore en Angleterre ? Les journalistes de la presse spécialisée en doutent.
Alain Cayzac a trop investi sur Paul Le Guen, de la même façon que Francis Graille avait tout misé sur Vahid Halilhodzic et que Laurent Perpère avait confié les pleins pouvoirs à Luis Fernandez. Force est de constater que l’entraîneur tout-puissant, ça ne marche pas. Ni au Paris SG ni dans les autres clubs français65.
2.5. Les relations avec les présidents de club
27Les années 1970, malgré les travaux de la commission tripartite, ne voient pas non plus émerger de changements significatifs quant aux rapports que les entraîneurs peuvent entretenir avec les dirigeants. Si les entraîneurs ont été associés aux travaux de la commission tripartite et ont été loués pour leur participation par les dirigeants de la FFF, cela n’a pas un réel impact sur leurs relations avec les dirigeants au sein des clubs. En effet, s’ils sont reconnus en tant qu’entité, si leur union est représentative, notamment par le biais de ce qui est encore l’Amicale, en revanche, au sein des clubs, la situation ne connaît pas de bouleversement. Les dirigeants de clubs n’ont pas renoncé à employer des moyens expéditifs en cas de résultats en deçà de leurs expectations. Dans un article intitulé « Le mouvement des entraîneurs »66 Georges Boulogne, cite un exemple précis :
Ces dernières saisons, un seul président, après 3 mois de football, s’est cru autorisé à licencier son entraîneur pour « incapacité » ( !) […] Or, quand Jean-Pierre Destrumelle a été licencié en 1981, l’Ol. Lyonnais était huitième ; en fin de saison, le club était seizième ; aujourd’hui, il est en Deuxième Division…67.
28Cependant, les limogeages paraissent inévitables, dans un contexte où le club ressemble de moins en moins à une entreprise de type paternaliste et de plus en plus à une entreprise de contrôle du capital économique. Dans un club comme l’Olympique de Marseille, les entraîneurs, peut-être plus qu’ailleurs, font les frais des revirements des équipes dirigeantes. Les présidents et dirigeants successifs sont réputés pour les ingérences dans le domaine technique et la formation de l’équipe. Mais les techniciens ont-ils vraiment toujours la possibilité de refuser une proposition dans un club prestigieux, au motif qu’ils ne disposent pas des pleins pouvoirs, alors que le marché de l’offre dans les clubs français est très réduit, puisqu’il oscille entre 34 et 42 équipes professionnelles réparties entre la Division 1 et la Division 2, selon les saisons ? Cependant, parce qu’il détient pouvoir financier, c’est le président qui dispose du pouvoir principal. À ce titre, c’est lui qui est en mesure de dénier le pouvoir de l’entraîneur. Pour autant, ce poids du président, si on ne peut affirmer qu’il est une spécificité française, n’est pas répandu dans tous les pays. Franz Beckenbauer68, en quittant l’Olympique de Marseille, où il a assumé les fonctions de manager général durant quelques mois, le confirme :
Et puis, pour les Français, un président n’est pas un représentant du club, comme dans les clubs allemands, mais il est le patron. Le patron embauche des spécialistes, mais à la fin du compte, c’est lui qui décide selon son goût, et pas les spécialistes69.
29Ce témoignage prouve que le partage des pouvoirs, ou en tout cas sa conception « à la française », n’est pas un usage universel. Cette volonté de s’occuper de la partie technique, même si, tant que les résultats sont favorables, les présidents s’en défendent, se traduit par une attitude qui peut sembler anodine, mais qui symbolise leur omniprésence, voire leur omnipotence. Gilbert Gress, un entraîneur français qui a préféré s’expatrier en Suisse pour exercer, exprime un sentiment que certains de ses collègues en exercice n’osent parfois avouer :
Et tous ces présidents qui trônent sur les bancs de touche ! On en arrive à ce qu’ils soient plus connus que les techniciens. C’est un comble ! […]. Il est des situations que nous ne devrions pas accepter. Et l’ingérence des dirigeants dans le domaine technique en est une. La plus importante sans doute70.
30Malgré la position de Gilbert Gress, l’entraîneur ne peut pas toujours exiger un retrait du président du banc de touche, qui s’apparenterait pour ce dernier à une renonciation, voire à une contestation symbolique de son autorité. De plus, lorsque les présidents usent de cette coutume depuis des années, il est difficile pour les entraîneurs de risquer un conflit, d’autant qu’eux-mêmes ne la considèrent pas forcément comme une forme de soumission. C’est ce que confirme Joël Muller au FC Metz. Le président Molinari prenait déjà cette habitude avec les entraîneurs précédents, et de ce fait le jeune technicien messin, lorsqu’il rentre en fonction, ne veut pas créer d’incident autour d’un acte qui lui semble dérisoire71. Ce sont souvent des entraîneurs chevronnés et bien implantés dans le club qui parviennent à dissuader les présidents de les accompagner sur le banc de touche. Guy Roux :
Les présidents de club ont mis les pieds dans le plat sans enlever leurs chaussures ! Exemple : certains préfèrent suivre les matches depuis le banc des entraîneurs plutôt qu’en tribune présidentielle. […] A la mi-temps, ils se jettent dans les vestiaires de leurs joueurs, quand ce n’est pas dans celui de l’arbitre72.
31À partir des années 1980, de nouveaux responsables de clubs sont apparus, de la même façon une nouvelle génération parvient à la tête des grandes entreprises autour d’hommes réputés pour leurs qualités de gestionnaires lorsque la désinflation contraint à la rigueur financière (J.-F. Eck, 1999). Si le football a longtemps été une affaire de notables locaux, industriels, commerçants, qui y voyaient le moyen d’acquérir une réputation locale ou internationale, de nouveaux responsables issus du secteur économique sont apparus (P. Mignon, 1998). De nouveaux investisseurs accèdent à la présidence dans les années 1980-1990, comme Jean-Luc Lagardère au Matra Racing, Bernard Tapie Holding à l’Olympique de Marseille ou Canal+ au Paris Saint-Germain. Cette tendance s’est confirmée, puisqu’en 2000, onze présidents des clubs de Division 1 français sur dix-huit sont des chefs d’entreprise ou PDG, alors que trois sont retraités et un président délégué salarié (ces quatre derniers exemples montrent que la direction d’un club professionnel exige dans certains cas un investissement à plein temps)73. Si les présidents paternalistes du football français se mêlaient parfois du domaine sportif plus qu’ils n’auraient dû, aux yeux des entraîneurs en tout cas, cet aspect est encore renforcé avec l’arrivée des hommes d’affaires. Rompus aux exigences du monde économique, reconnus dans leur milieu professionnel hors du football, ils entendent souvent diriger le club en important les méthodes qui marchent dans leur entreprise (P. Mignon, 1998). À ce titre, l’entraîneur professionnel, davantage encore que dans les années 1960 voire 1980, est considéré comme un salarié, qui occupe un poste à responsabilité, et qui à ce titre est sommé de rendre des comptes à son patron (Y. Pesqueux, 2002). L’arrivée de ces entrepreneurs dynamiques, leur irruption « dans un monde fermé et marqué par le corporatisme »74 a pu, même encore dans les années 1990, déranger et créer des tensions, notamment lorsque des techniciens ont effectué une partie de leur carrière, comme joueur puis comme entraîneur dans le cadre de l’ancien modèle de fonctionnement. Les entraîneurs des années 1990 et 2000, bien davantage que leurs prédécesseurs, « débarquent » dans les clubs-entreprises, déjà dirigés par des patrons-présidents aux velléités affirmées, et rompus à leur charge de direction grâce à leur vécu dans une fonction qu’ils occupent ou ont occupé en dehors du football. À ce titre, la marge de manœuvre des entraîneurs actuels est plus étroite encore que lors des décennies passées, en raison de la personnalité et des structures de contrôle mises en place par les présidents. Ce phénomène n’est pas spécifique au monde du football. Dans le domaine des entreprises, les cadres estiment avoir peu de poids sur les choix stratégiques financiers et économiques… et ne pensent peser qu’au niveau de leur service en termes d’organisation. Il existe donc une réelle distance entre le gouvernement des entreprises et les cadres, qui se sentent exclus des processus de décision engageant la politique de leur entreprise (O. Cousin, 2004).
32Pour résumer la situation actuelle, les rapports entre président et entraîneurs sont directement tributaires du passage à une situation où désormais, la demande est « infiniment plus diversifiée que par le passé », (J. Le Goff, 2004) plus fantasque, plus volatile et cela dans le cadre d’une économie-monde ouverte accentuant les rigueurs de la concurrence. La rotation (ou le turn-over) des joueurs et des entraîneurs s’expliquerait dans ce contexte. En somme, les années 2000 mettent un terme définitif à la relation de type paternaliste qui pouvait exister entre l’entraîneur et le président depuis les débuts du football. On peut considérer qu’avec la retraite de Guy Roux à Auxerre en 2005, ce modèle est désormais caduc. Le profil-type du président de club professionnel a subi des mutations pour s’orienter vers l’acceptation « que les présidents de clubs sont des entrepreneurs75 ». De ce fait, même s’il n’est pas exclu que des relations de complicité, d’estime ou d’amitié les lient aux entraîneurs, les présidents de clubs ont de moins en moins de latitude pour faire preuve de patience vis-à-vis de ces derniers. Plus que jamais, les impératifs économiques gouvernent cette relation duelle (J.-F. Nys, 2002).
2.6. Les rapports avec les joueurs
33Après l’adoption de la Charte en août 1973, une certaine forme d’entente règne sur le football français. De là à prétendre que cette entente profite à l’entraîneur, le pas serait trop vite franchi. En effet, ce n’est pas pour autant que son pouvoir réel de décision augmente. Dans les décennies précédentes, l’entraîneur a toujours bénéficié de davantage de pouvoir que les joueurs même si à l’occasion, certains pouvaient contester son autorité. Le conflit joueurs-dirigeants, dont le point culminant aboutit à la grève des joueurs de décembre 1972, permet certes aux entraîneurs de jouer un rôle de négociateur. Mais avant la commission tripartite, les entraîneurs n’étaient pas favorables à la nouvelle formule du contrat à temps obtenue par les joueurs.
L’ancien contrat était trop dur pour les joueurs, intolérable même. Les joueurs ont eu raison de lutter pour s’en dégager. Mais le nouveau contrat semble, lui, trop libéral. Il attente en effet à deux impératifs fondamentaux du football ; la stabilité des clubs et la formation des jeunes. Il semble souhaitable d’amender le contrat actuel dans le sens de l’équilibre des clubs et de l’intérêt d’une formation sérieuse des futurs professionnels76.
34Les entraîneurs, qui sont dans leur immense majorité des anciens joueurs professionnels, ont pourtant subi les affres du contrat à vie jusqu’en 196977. Mais ils ne prennent pas parti pour les joueurs dans le nouveau contrat à temps, au contraire. Même s’ils reconnaissent l’iniquité de l’ancien contrat, leur objectif est de rallonger significativement la durée du contrat à temps. Certes, le but des entraîneurs est compréhensible : il s’agit de préserver l’équilibre des clubs, et de parfaire la formation des jeunes joueurs, qui ne bénéficient pas encore de l’apport des centres de formation. Mais Georges Boulogne, en présentant sa position, ne tient pas compte d’un élément : le fait que les entraîneurs professionnels victimes des mauvais résultats, sont limogés avant d’avoir pu accomplir leur travail à long terme, comme il le dénonce lui-même souvent78. De ce fait, ils ne sont pas en situation de faire bénéficier les clubs et les joueurs de leur expérience. De surcroît, ils ne tiennent pas compte du fait que les bons joueurs changeaient déjà de club avant 1969, mais que les négociations dépendaient des présidents de club. Les entraîneurs ont la sensation que les liens avec les joueurs ne peuvent plus être identiques à ceux des décennies antérieures, à l’instar de ceux qu’un Albert Batteux pouvait entretenir avec ses hommes dans les années 1960 : « Autrefois, il pouvait y avoir une certaine solidarité avec les joueurs. Ou alors l’entraîneur était vraiment le patron. Maintenant seule peut et doit exister la solidarité inconditionnelle des techniciens »79. Cette période paraît révolue, en partie sans doute en raison de l’évolution du statut des joueurs. Ces derniers voient leurs émoluments progresser régulièrement et de façon notoire durant les années 1980, alors que ceux des entraîneurs, en comparaison, n’épousent pas la même courbe.
Les salaires des joueurs ont augmenté ces dernières saisons dans des proportions considérables. S’il est acceptable que les « vedettes » gagnent davantage que celui qui les choisit pour une rencontre, il n’est pas normal que le salaire de l’entraîneur soit inférieur au 3e ou 4e salaires du club80.
35Le problème majeur des entraîneurs est de composer avec des joueurs qui sont mieux payés qu’eux et le savent. Il est plus délicat d’imposer ses conceptions et orientations à des joueurs mieux rémunérés et influencés par le pouvoir, fût-il symbolique, conféré par l’argent. Si dans un club, les joueurs touchent des salaires bien plus élevés que l’entraîneur, peut-on assimiler leurs rapports à ceux d’un cadre d’entreprise envers ses collaborateurs subalternes ? Cela ne peut plus être la perception de certains joueurs. La fin des années 1980 et les années 1990 voient émerger un nouveau problème pour l’entraîneur. L’explosion des salaires des joueurs s’amplifie et de plus en plus nombreux sont ces derniers, même moyens, qui bénéficient de salaires supérieurs à ceux de l’entraîneur. De ce fait, un nombre croissant d’entre eux ne s’inscrit plus dans une logique de rapport hiérarchique, tel qu’il existe en entreprise du secteur privé. S’ajoute à cela l’évolution des effectifs de joueurs : En 1979-1980, les clubs comptaient en moyenne 14,5 joueurs professionnels sous contrat, contre 16,6 en 1981-198281, sans compter les joueurs stagiaires susceptibles d’évoluer en équipe première. En 1984, un club comme Metz compte 18 joueurs professionnels et aux deux extrêmes de la Division 1, on en dénombre 16 à Bastia et 22 au Paris Saint-Germain. En 1997, Metz a 23 joueurs professionnels sous contrat, Bastia « seulement » 19 et le PSG 25. Les effectifs pléthoriques constituent un nouveau problème pour les entraîneurs. En effet, si dans les années 1980, un tiers des joueurs de l’effectif d’un club est assuré de ne pas avoir de place de titulaire à chaque match, cette proportion s’élève à la moitié à la fin des années 199082. Même en déployant des ressources diversifiées en matière de psychologie, l’entraîneur français a de plus en plus de mal à réfréner les velléités des joueurs qui ne sont pas retenus pour disputer les matches officiels. Les gros salaires versés à ces joueurs les font patienter un temps, mais sachant que pour pérenniser leur valeur marchande et monnayer leurs talents ils doivent participer au spectacle et donc jouer, cette retenue ne peut être que passagère. Les années 2000 entérinent le constat que la gestion des joueurs devient délicate, notamment lorsqu’intervient le rapport à l’argent. Les jeunes joueurs, notamment, perçoivent des salaires élevés depuis la fin des années 1990, même lorsque leur palmarès est encore vierge de tout succès ou toute sélection internationale en équipe A. Lors d’un entretien croisé entre deux entraîneurs de Division 1, Philippe Bergeroo (Paris Saint-Germain) et Élie Baup (Girondins de Bordeaux), France Football83 pose la question suivante :
Une question relativement nouvelle et récurrente qui se pose aux entraîneurs est la gestion humaine des jeunes joueurs, alors que leur environnement est de plus en plus perturbé, notamment en raison de la présence de managers très actifs. Faites-vous ce constat, et quelles solutions proposez-vous ?
36Il est vrai que les agents de joueurs ont investi le football français depuis les années 1990, à tel point que pratiquement plus aucun joueur ne négocie ses contrats et ses transferts sans eux. Et pour mieux vanter les mérites de leur protégé aux clubs, donc pour mieux profiter des dividendes, les agents font pression sur les entraîneurs ou leur entourage, pour que le joueur soit titulaire et acquière de la notoriété. De ce fait, le rapport avec l’entraîneur professionnel devient tendu. Aux problèmes financiers, s’ajoutent les problèmes sportifs. Heureusement pour lui, l’entraîneur est le plus souvent déchargé des problèmes de tractation avec les agents, car c’est une charge qui incombe aux directeurs sportifs, directeurs administratifs, managers sportifs… Mais à partir du moment où des jeunes joueurs privilégient d’abord la perspective de gagner beaucoup d’argent de préférence à la réussite sportive, le rôle de l’entraîneur s’en trouve considérablement affecté. Il acquiert une dimension psychologique supplémentaire, d’après Élie Baup :
Aujourd’hui, c’est immédiatement difficile avec un jeune si on ne le fait pas jouer. Dans sa tête, il est déjà dans un autre club. Ça devient de plus en plus ardu à gérer. Auparavant, on pouvait avoir un conflit avec le jeune. Là, tu as un conflit avec son agent, et avec ses parents. Quand on est entraîneur, on pense à la progression des gamins. Mais eux, aujourd’hui, n’ont pas le temps d’attendre84.
37Les problèmes de ce type rencontrés par les entraîneurs professionnels se développent davantage depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000. Comme l’effectif des clubs est de plus en plus fourni, il est difficile de faire jouer tous les joueurs. Et la mission de formation, la prise en compte de la progression des jeunes joueurs, de leur maturation, ne sont pas des données considérées par ces derniers, qui n’ont plus la patience d’attendre. De ce fait, les relations entre joueurs et entraîneur peuvent s’en trouver altérées, de même que le fonctionnement de l’équipe dans son ensemble. Cependant, il s’agit là de rapports qui concernent un entraîneur en place et des joueurs en devenir, qui n’ont pas encore accédé à un statut médiatique privilégié. Les difficultés peuvent se révéler plus grandes lorsque des conflits opposent l’entraîneur à des joueurs qui évoluent déjà en équipe professionnelle, comme peut le constater Luis Fernandez85 :
À l’entraînement, certains me regardaient de telle façon que je me suis demandé si j’avais bien été joueur international. Ils n’étaient rien, ou pas grand-chose, et voulaient prendre le dessus. Luccin et Dalmat86 sont pleins de talent, et quand je sens le talent, je ne passe rien sur le terrain. En dehors, ils font ce qu’ils veulent87.
38Le commentaire de France Football illustre bien l’issue finale de ce rapport de force entre de jeunes joueurs en devenir et un illustre entraîneur confirmé. « Faute de finesse psychologique, de temps de dialogue, la rupture est inévitable »88. Les relations entre joueurs et entraîneur sont ici perturbées à un tel point que, dans le cas évoqué par Fernandez, l’un des joueurs sera transféré, et l’autre prêté à un club étranger. Certains joueurs, en raison de leur statut, non pas forcément en termes de réussite sportive, mais de salaire, ne veulent pas reconnaître de compétences à l’entraîneur, ou la mettent en doute. Et cette remise en cause est difficile à accepter pour un homme qui se targue d’avoir une expérience d’entraîneur, souvent également de joueur, de haut niveau. Par le passé, les entraîneurs n’ont pas connu cette situation. Certains témoignages comme celui de Jean Fernandez, entraîneur du FC Metz, laissent penser que certains types de joueurs entrent plus facilement que d’autres dans ce type de rapports conflictuels.
Question : Y a-t-il, pour un entraîneur, des difficultés à gérer des joueurs bien mieux payés que lui ?
Réponse : Le problème, il vient essentiellement des joueurs moyens qui ont été payés comme de grands joueurs. Les très bons joueurs, qui sont très bien payés, sont intelligents : la relation est facile. Un Thierry Henry, ce qu’il gagne, il le vaut largement… Ceux qui sont dangereux, c’est ceux qui sont moyens, et qui ont un bon salaire. Ceux-là sont difficiles à gérer et peuvent dire ou penser : « Mais t’es qui, toi, pour me sortir de l’équipe ? » (Jean Fernandez, 2003)89.
39Ce ne sont pas seulement les grands joueurs qui bénéficient de la flambée des salaires, mais également les autres joueurs de Division 1 et Division 2. L’explication donnée par Jean Fernandez peut se comprendre mieux à la lumière de ces éléments. Avant 1997-1998, les conflits avec les joueurs moyens sont moins nombreux, puisque ces joueurs moyens ne sont pas encore très bien payés. De ce fait, l’obligation d’honorer un gros salaire en étant aligné dans l’équipe-type sur le terrain le jour du match ne fait pas encore figure d’argument. C’est vraisemblablement à partir de cette date que les différends surgissent. Si, comme le dit Jean Fernandez, ils ne sont pas forcément dus aux grands joueurs, c’est aussi parce que leur statut leur donne une place dans l’équipe, et qu’ils ne disputent pas à l’entraîneur son pouvoir sur le terrain de la titularisation. Malgré tout, le pouvoir de l’entraîneur est souvent contesté par des comportements de joueurs, qui pensent à leur intérêt avant celui de l’équipe, alors que lui-même raisonne à l’inverse. En effet, on peut émettre l’hypothèse que « le renforcement de valeurs individualistes ou d’individualisation » (P. Bréchon, 2000) entamées depuis les années 1980 se poursuit dans la société et affecte le monde du football. De ce fait, l’entraîneur est souvent amené à se montrer peu démocrate en tant que leader.
Il n’y a pas si longtemps, il y a une dimension humaine qui te protégeait […] Aujourd’hui, les joueurs savent que, si ça ne marche pas ici, ils iront voir ailleurs. Du coup, je dois être dix fois plus autoritaire qu’il y a cinq ans90.
40Les relations avec les joueurs, à partir du milieu des années 1990, deviennent plus difficiles à gérer. Alors que le pouvoir de l’entraîneur reposait sur une autorité conférée naturellement par sa fonction, dorénavant, ce n’est plus le cas : il est obligé de modifier son comportement pour asseoir cette autorité, qui ne lui est plus reconnue d’office, comme par le passé jusqu’au début des années 1990. De ce fait, c’est une partie de son pouvoir qu’on lui conteste, qui jusque-là est toujours restée inattaquée. D’autre part, ces conflits qui naissent de la contestation de l’autorité de l’entraîneur font surgir un autre paradoxe : la relation entre l’entraîneur et les joueurs se fait plus distante. Les salaires des meilleurs joueurs ont toujours largement été supérieurs à ceux des meilleurs entraîneurs. S’il est difficile d’obtenir les revenus des entraîneurs, qui, lors des différents entretiens témoignent d’une certaine pudeur à les révéler précisément, nous disposons cependant de quelques données comparatives. Ainsi Jean Vincent91 entraîneur du FC Nantes, gagnait-il en 1982 14836 francs par mois92, alors qu’à titre de comparaison, Bruno Bellone93, qui est un très bon joueur français, mais pas une vedette internationale, émarge à plus de 200000 francs par mois la même année à Monaco94. J.F. Bourg (1986) établit le palmarès des entraîneurs les mieux rémunérés au monde en 1985. L’Anglais Terry Venables, à la tête du FC Barcelone est celui qui a perçu les plus gros gains avec 4400000 francs annuels. Un Français, Robert Herbin, se classe en dixième position dans cette liste avec 900000 francs annuels, mais à la tête d’un club d’Arabie Saoudite, Riyad. Depuis les années 1980, les pays du golfe peu réputés en matière de football tentent de recruter des techniciens et des joueurs reconnus en leur offrant des salaires alléchants. À titre de comparaison, pour cette même année en 1985, 12 joueurs évoluant dans le championnat de France gagnent plus de 2 millions de francs annuels ; et en tout, ce sont 50 joueurs qui gagnent plus d’un million de francs annuels95. Une enquête plus récente96 fait apparaître qu’au niveau européen, de rares entraîneurs parviennent à obtenir des émoluments comparables à ceux des joueurs vedettes. José Mourinho, qui officiait à Chelsea en 2007, a obtenu 29 millions d’euros lors de la même année. En ce qui concerne les Français, Arsène Wenger, manager de l’Arsenal, perçoit 6,4 millions d’euros annuels. Cette somme comprend pour l’essentiel le salaire versé par son club d’Arsenal, mais également les défraiements qu’il perçoit en tant que consultant télévision à TF1, et les séminaires qu’il anime auprès d’entreprises comme SFR ou NHK Fuji. L’entraîneur de Ligue 1 Élie Baup s’est approché du top 10 des plus gros salaires en 2007 (le dixième est Frank Rijkaard, du FC Barcelone avec 4,8 millions d’euros annuels). Mais ce classement n’est pas tant dû à son salaire versé par Toulouse qu’aux 2,5 millions d’euros d’indemnités auxquelles les prud’hommes ont condamné en mai 2007 son ancien club des Girondins de Bordeaux pour licenciement abusif. Les meilleurs joueurs de Ligue 1 comme Cissé (OM), Pauleta (PSG) ou Juninho (Lyon), pour cette même saison 2007, gagnent plus de 4 millions d’euros annuels97. Que nous révèlent ces différents chiffres, qui s’étalent sur une période de 25 ans ? Tout d’abord, que les joueurs continuent à être bien mieux payés que les entraîneurs. Il s’agit bien de comparer les salaires des joueurs-vedettes avec ceux des entraîneurs de Ligue 1 les plus réputés. Car il est évident qu’au sein de l’ensemble des joueurs de Ligue 1, il existe de fortes disparités entre les stars et ceux qui débutent. En 1985, par exemple, le ratio de l’écart salarial entre les joueurs anonymes de Division 1 et le joueur le mieux payé, Safet Susic au PSG, va de 1 à 42 (100000 francs pour les premiers contre 4,2 millions de francs annuels pour le second). Comme le note J.F. Bourg (1986), dans la même profession coexistent des revenus comparables à ceux des PDG du secteur privé, des cadres supérieurs, des cadres moyens, et des employés. Cependant l’évolution des salaires a été telle qu’à partir des années 2000, même les joueurs moyens perçoivent des salaires élevés, souvent supérieurs à ceux des entraîneurs. Ainsi, selon les chiffres fournis, par l’UNFP, le salaire moyen mensuel du joueur professionnel est de 41000 euros en 2007. L’entraîneur professionnel se retrouve donc devant une situation ambiguë : il doit gérer un groupe de joueurs qui accomplissent tous exactement le même travail mais qui ne sont absolument pas rémunérés de la même façon.
41Historiquement, cette gestion des joueurs vedettes n’est pas un fait nouveau. Par contre, il est certain qu’avec l’augmentation croissante de la masse salariale des clubs, les joueurs vedettes sont plus nombreux au sein d’un même club. Et lorsqu’une vedette est réellement de renommée internationale, elle peut parfois mettre en porte-à-faux l’entraîneur. Cela peut se produire lorsqu’on demande à ce dernier de ne pas sanctionner les frasques du joueur, alors qu’il agit au détriment de l’équilibre du club98. De ce fait, les problèmes d’ego et les susceptibilités ont plus de risque d’occurrence et les entraîneurs doivent de plus en plus souvent se préparer à s’y confronter. Comme le reconnaît Élie Baup, entraîneur de Toulouse, « plus il y a d’écart de salaire entre les joueurs, plus cela risque de créer des problèmes »99. En effet, les traitements de faveur, d’ordre financier en particulier, sont susceptibles de créer des dissensions au sein d’une équipe professionnelle. Et ces tensions sont d’autant plus exacerbées que parfois les joueurs les mieux rémunérés, en raison des choix de l’entraîneur, de blessures, ou d’autres impondérables, ne sont pas forcément ceux qui réalisent les meilleures performances. Un autre des facteurs qui contribue à complexifier la gestion des joueurs est bien entendu l’augmentation des effectifs professionnels. La Ligue du football professionnel (LFP) a supprimé la règle qui limitait le nombre de contrats professionnels autorisés100 par club en mai 2000. Cet accès au libéralisme contribue à un sureffectif dans les clubs, puisque dès 2000-2001, l’effectif moyen par club passe à 24,5 joueurs (J.-J. Gouguet, 2004). Avec la multiplication des matches et des compétitions et les risques de blessures inhérents à l’utilisation répétée des mêmes joueurs, la plupart des entraîneurs professionnels souhaitent que tous les postes soient doublés. Par cette dernière formule, il faut entendre que dans l’effectif, chacun des 11 joueurs en début de saison a au moins un remplaçant potentiel susceptible de le suppléer soit lorsqu’il est fatigué, soit en cas de défaillance. Ainsi, les entraîneurs préfèrent sciemment gérer un groupe important de footballeurs, au risque d’éprouver des difficultés à contenter tous les joueurs, plutôt que de s’accommoder d’un effectif plus restreint, mais avec l’éventualité que certains se blessent ou accusent une baisse de régime en cours de saison. Les joueurs eux-mêmes reconnaissent que parce que la concurrence entre eux est incroyable, de ce fait ils deviennent de plus en plus individualistes101. Cet individualisme de plus en plus flagrant aujourd’hui est exacerbé par deux facteurs : les conseillers aux joueurs et le fait que son cheminement à travers les clubs de l’élite est grandement facilité en France et en Europe depuis l’arrêt Bosman (A. Husting, 1998).
2.7. Les conseillers du joueur et l’arrêt Bosman
42Bien souvent gravite autour du joueur toute une diversité de personnes, qui le persuadent qu’il est le meilleur et qu’il doit jouer coûte que coûte. Comme le souligne Joël Muller, parmi eux on retrouve non seulement la famille, mais aussi l’agent, le manager, parfois le sélectionneur, voire le conseiller financier, le conseiller psychologique, les sponsors102. C’est dire si les conseils et les sollicitations sont nombreux et divers. Les agents de joueurs notamment, bien que la profession soit réglementée par la FIFA, pèsent d’un poids croissant dans les décisions et les comportements de leurs clients. Les agents sont rémunérés au pourcentage, et chaque fois que le joueur dont ils gèrent les intérêts est transféré, ils voient leur commission augmenter. De ce fait, l’intérêt de l’agent de joueur est que son poulain fasse parler de lui, si possible en jouant. C’est pour cela que lorsqu’un joueur ne rentre pas dans les choix de l’entraîneur, même momentanément, l’agent est prompt à conseiller à son protégé un changement de club. Les entraîneurs sont unanimes à reconnaître que ce facteur humain leur complique la tâche103. Les agents de joueur104 existaient bien avant l’arrêt Bosman mais en raison de son application, ils ont vu leur rôle, leur nombre et leur importance croître (P. Lanfranchi, M. Taylor, 2004). L’arrêt de la Cour de justice de la communauté européenne rendu le 15 décembre 1995 confirme que l’exercice du sport professionnel constitue une activité économique et condamne toute entrave disproportionnée à la libre circulation des joueurs dans l’Union européenne. L’arrêt de 1995 modifie de façon radicale le statut des footballeurs professionnels. Tout d’abord, ils sont dorénavant assimilés à des travailleurs de la même façon que les autres professionnels de l’Union européenne, ce qui n’était pas le cas auparavant (P. Lanfranchi, M. Taylor, 2004). Depuis les années 1990, plusieurs événements précipitent la migration des joueurs. Les pays de l’Est qui jusqu’alors ne libéraient leurs joueurs expérimentés et talentueux que lorsqu’ils avaient atteint une certaine limite d’âge, abolissent ces règlements. En effet, les clubs de l’Est, en quête d’argent liquide, décident d’autoriser les jeunes joueurs à s’expatrier. Dans le même temps, le début de la guerre en Yougoslavie fait affluer une vague de joueurs talentueux et relativement peu onéreux pour les clubs. Et de surcroît, des pays d’Amérique du Sud, notamment le Brésil et l’Argentine, victimes d’une dévaluation massive voient les pouvoirs de négociations de leurs clubs affaiblis, contribuant à un exode de leurs joueurs vers l’Europe. L’arrêt Bosman, donc, ne révolutionna pas des pratiques migratoires déjà en vigueur dans l’Union européenne. Cependant, il contribua à donner un nouvel élan à un processus déjà en mouvement, qui se caractérise par la multiplication des transferts en France et en Europe.
43En 2009, le championnat professionnel français compte 338 ressortissants nationaux, 111 joueurs issus de l’Union européenne et 37 joueurs hors Union européenne (soit un total de 148 étrangers). Et même si la proportion des joueurs étrangers a diminué pour passer à 30,2 en 2009105 (sur 581 joueurs), selon les chiffres fournis par l’Observatoire des footballeurs professionnels106 malgré tout leur nombre107 complique singulièrement la tâche des entraîneurs. En effet, la maîtrise de la langue étrangère, afin d’établir un langage commun avec les joueurs, reste problématique. La direction technique nationale de football a bien pris la mesure de cet aspect. En effet, l’attribution du DEPF, le plus haut diplôme délivré a dans le football français, qui permet d’entraîner des professionnels, est subordonnée à la maîtrise d’une langue étrangère. Un des modules du DEPF consiste en la présentation obligatoire d’un texte sur le football dans l’une des quatre langues européennes (anglais, allemand, espagnol, italien) et d’autre part, le candidat doit effectivement un stage d’une semaine complète dans un club professionnel étranger108. Cependant même si ces dispositions constituent des propédeutiques à un meilleur dialogue avec les jeunes joueurs d’origine étrangère, il n’est pas acquis que ces derniers pratiquent ou comprennent le français, ni une langue connue de l’entraîneur. Ce déficit est un paramètre à prendre en compte lorsqu’il s’agit de favoriser l’intégration rapide d’un joueur. D’autre part, une constante qui ne concerne pas uniquement les joueurs étrangers, mais qui est liée aux conséquences de l’arrêt Bosman, est déjà visible à travers la circulation des joueurs entre les clubs. La course aux joueurs s’est accentuée et a débouché sur une inflation des salariés, et une multiplication des transferts (C. Miège, J.-C. Lapouble, 2004). Selon l’Observatoire des footballeurs français, le pourcentage de joueurs présents au sein d’un même club professionnel français depuis trois années est de 36,4 % seulement (contre 39,58 %) en 2006. Ces données impliquent que l’entraîneur professionnel ne peut réellement espérer bâtir son équipe sur un terme long, voire même un moyen terme, puisque les arrivées et départs des joueurs constituent la norme lors de chaque intersaison. L’instauration d’un marché des transferts d’hiver (entre le 1er et le 31 janvier de l’année) a de surcroît complexifié une situation initiale déjà ardue. Les incidences quant au jeu développé par les équipes sont parfois énormes. Certains clubs enregistrent des mouvements spectaculaires de joueurs. Pour la seule période de transferts de l’été 2006, Marseille enregistre 18 départs pour 13 arrivées à la date du 8 août 2006109 . À l’intersaison 2008, en date du 5 août 2008, Marseille compte 13 départs et 11 arrivées110. Dans ces conditions, il est parfois difficile, lorsque l’effectif est renouvelé pour moitié, de proposer un système de jeu stable d’une saison à l’autre. Il est vrai également que la durée de vie d’un entraîneur au sein d’un même club professionnel de Ligue 1 française est également bien inférieure à deux années. Mais cette situation implique également que l’entraîneur ne travaille pas toujours dans des conditions optimales, notamment lors de l’intersaison, qui est pourtant une période primordiale pour les équipes professionnelles : en effet, les clubs disposent pour la seule et unique fois de la saison d’une période d’un mois pour se préparer aux compétitions. Il arrive parfois que le premier match de championnat arrive alors que l’entraîneur ne dispose pas encore d’une équipe complète : le contrat de tel ou tel joueur n’est pas encore finalisé, et le joueur en question ne rejoint le groupe d’entraînement qu’une fois que plusieurs matches se sont déjà déroulés. Plus délicate à gérer encore est la période au cours de laquelle des joueurs appartiennent au club, mais en instance de signature de contrat avec une équipe différente, continuent à s’entraîner avec leurs coéquipiers. C’est le cas du Stade rennais dirigé par Lazlo Böloni en 2003, qui souhaite nettement réduire son effectif111. Certains de ses confrères se plaignent de joueurs qui assurés de ne pas être titulaires pour la saison à venir, préfèrent toucher leur salaire sans jouer plutôt que de changer de club112.
3. L’entraîneur professionnel de 1973 à 2010 : Que fait-il ? Qui est-il ?
44De 1973 à nos jours, la tâche de l’entraîneur de l’équipe professionnelle s’est progressivement complexifiée et diversifiée. Bien entendu, les prérogatives liées à la conduite des entraînements et à la conduite de l’équipe au cours des matches restent une permanence au cours de la période considérée, mais d’autres contraintes sont venues s’ajouter à celles-ci. En football comme dans les autres sports,
l’image de l’entraîneur qui dirige le travail sur le terrain est trop restrictive par rapport à la réalité du métier dans le sport d’élite actuel. C’est à la fois un chef de projet qui coordonne le travail d’un staff de spécialistes de plus en plus étoffé et un homme de terrain qui prend les décisions qui s’imposent en temps réel (G. Bosc, 2001).
45Nous adopterons, comme lors de la période précédente, le plan basé sur l’article de Gérard Houllier (1998) qui détaille les différentes compétences que doit mettre en œuvre l’entraîneur moderne. Le constat établi par l’ancien DTN français est que la relation entraîneur-entraîné ayant évolué, s’adresser aux joueurs de manière dictatoriale est désormais une procédure révolue, d’autant que l’évolution économique, sportive et commerciale du football amène désormais l’entraîneur à se situer dans une perspective de management sportif. L’entraîneur dispose de trois types de capital qu’il doit s’employer à faire fructifier pour tirer le meilleur rendement de son équipe. Il use de ces différents types de capital à des moments bien précis.
3.1. Le capital expertise
46Cet aspect était déjà présent depuis la naissance de la profession. Il est toujours en vigueur à l’aube des années 1970. Son passé de joueur est en règle générale un atout fondamental pour tout entraîneur qui veut se voir reconnaître une expertise de la part de ses joueurs. Mais aujourd’hui plus que jamais les compétences techniques et les connaissances en matière d’entraînement permettent au technicien d’acquérir la confiance des joueurs. On peut dater ce pas en avant dans la reconnaissance de l’expertise du début des années 1980, avec la mise en place d’un DEPF spécifique, dont la qualité est unanimement reconnue dans les milieux du football, voire du sport français. Comment et dans quels domaines se manifeste cette expertise ? C’est la partie la plus visible de la tâche de l’entraîneur, celle qui concerne ce qui est communément taxé de « tâches de terrain ».
47On touche ici à ce qui, aux yeux du grand public, constitue le cœur du métier d’entraîneur. La séance d’entraînement est souvent prévue la veille, mais les contenus peuvent être modifiés quelques minutes avant son début, en fonction d’impondérables tels que des blessés ou des absents non prévus. Lorsque l’entraîneur a prévu de fonctionner avec vingt-quatre joueurs, et qu’il y a un ou deux absents, il peut arriver que les adjoints complètent l’effectif113. Certains entraîneurs ont des centaines de séances compilées dans les bases de données de leur ordinateur et se basent sur des exercices-références auxquels ils adjoignent des variantes selon les besoins. Globalement, les séances peuvent cibler un thème principal, même si dans la réalité elles en recouvrent souvent plusieurs. Les thèmes relatifs au domaine technico-tactique peuvent être la conservation du ballon, le renversement de jeu, le passe-et-suit…, ceux du domaine tactique la mise en place de la zone, le pressing, les dédoublements… Ils peuvent être précédés par des exercices de vivacité ou de coordination souvent placés après l’échauffement. Évidemment, la plupart des entraîneurs concèdent que les séances ne sont pas toujours forcément variées. Malgré tout, lorsque des exercices nouveaux sont proposés pour casser la routine, le souci primordial reste toujours d’établir des principes de jeu, « car c’est ce que les joueurs attendent : on fait quoi quand on a le ballon ? Et quand on ne l’a pas ? »114. Les joueurs sont habitués à être en attente de directives du coach en matière de critères de réalisation, ils sont en demande de son expertise technique. Les interventions au cours de l’entraînement diffèrent selon les techniciens, certains interrompant les situations et distribuant les consignes avec plus de parcimonie que d’autres.
Parfois, Blanc intervient. Pour replacer un joueur. Lui expliquer le positionnement idéal. « Pierre ! Pierre ! Avance jusque-là ! Bien dans le mouvement ! Bien dans le mouvement ! […] »115.
48Il semble que lors de la dernière décennie les méthodes d’entraînement ont énormément évolué, les entraîneurs concédant qu’ils « sont moins généralistes, plus dans le détail »116.
Donc, sur le plan technique, bien évidemment, les joueurs sont de plus en plus adroits, ont des capacités majeures par rapport à… parce que comme il y a un entraînement qui est, pas plus important, mais où la recherche de la qualité, et en particulier celle des entraîneurs, y compris dans les clubs amateurs, est de plus en plus performante, ce qui fait que les corrections, parce qu’en fait, on améliore quelqu’un par sa correction, si on est capable de voir ce qui ne va pas, et de lui montrer et de lui faire comprendre que c’est en travaillant ça, que ce soit l’équilibre du pied, que ce soit le placement, et que l’éducateur le voit, l’éducateur qui dit « Ah ben, arrête de tirer, tu tires où ? À côté, toujours ! Applique-toi ! Concentre-toi ! ». C’est quoi, « applique-toi » ? Donc il faut apporter la correction technique ou tactique, et que le joueur, à ce moment-là, on soit capable de lui faire prendre conscience, et qu’il y ait ce souci de s’améliorer. Et ça, c’est le cas à mon avis, et c’est pour ça que le niveau général sur le plan technique évolue, dans la mesure où effectivement, les joueurs, les corrections qui sont apportées, ils en tiennent compte. Et plus que tout, tout, le rythme, l’aisance… (Joël Muller, 2008)117.
49Les entraîneurs, et plus précisément ceux du haut niveau sont mieux formés qu’il y a vingt ans pour intervenir avec précision dans le détail, que ce soit pour corriger un geste technique, un placement défectueux, ou pour commenter l’adéquation d’un choix dans une situation tactique. Sachant que cela leur permet d’affirmer leur compétence devant leurs joueurs, ils n’hésitent pas à user de ce moyen insidieux de manifester leur autorité en employant des instructions témoignant d’un haut niveau d’expertise (P. Potrac, R. Jones, C. Cushion, 2007).
Les joueurs de Frédéric Antonetti, présents ou passés insistent tous sur cette recherche de précision tactique. « Quand on se retrouve sur le terrain, on sait au millimètre ce que l’on doit faire », indique Cyril Jeunechamp118.
50La séance quotidienne d’entraînement reste bien un moment clé de la relation entraîneur-entraîné, car c’est pendant ce laps de temps que se réalise l’essentiel du travail de la semaine pour les joueurs. De ce fait, si elle peut contribuer à conforter l’entraîneur dans ses certitudes, elle contribue également à le pousser à remettre perpétuellement en question ses choix. L’outil privilégié de l’entraîneur reste l’œil nu (O. Saisset, 2007), qui « n’évalue pas seulement la technique mais joue également un rôle dans l’appréciation du relationnel ». Selon Michel Pradet (2007), entraîneur national d’athlétisme, il est même le « seul indice qui embrasse l’action d’entraînement dans son entière complexité ».
51Le bilan de chaque séance s’effectue dans la plupart des cas en commun avec les adjoints, mais immanquablement, l’entraîneur prolonge ses réflexions et ses doutes jusqu’au début de la séance suivante, jusqu’à ce que les actions de qualité d’un joueur non titulaire le surprennent, ou que le niveau de jeu ou la qualité des réalisations le déçoivent, voire que la motivation de ses joueurs reste insuffisante. Contrairement à ce qui se passait jusque dans les années 1960, l’entraîneur n’est pas obligé de participer physiquement à la séance, à l’inverse de certains de ses adjoints, tels que le préparateur physique ou l’entraîneur des gardiens. De ce fait, la dépense corporelle est moins importante. De surcroît, toujours en comparaison avec la période 1942-1973, l’entraîneur n’a pas à démontrer des techniques de base sur le terrain, étant entendu que la formation des joueurs est complète dès le plus jeune âge et que les jeunes qui intègrent l’effectif professionnel ont déjà reçu une véritable éducation technique, tactique, physique et parfois même psychologique.
52Une autre manière de prouver son expertise réside dans ce qui est communément appelé le coaching dans le milieu du football comme du rugby. Cette action consiste à remplacer un ou plusieurs joueurs par un ou plusieurs substituts. Sa portée, même si elle est moindre en football que dans d’autres sports collectifs119, a pris une dimension plus importante depuis 1995. En effet, c’est depuis cette date que la FIFA a autorisé un troisième changement de joueur sans restriction pendant la rencontre. Cette donnée est primordiale lorsque l’on connaît l’intensité des efforts demandés au plus haut niveau. De ce fait, la multiplicité des possibilités permet de faire rentrer des joueurs frais à la place de leurs équipiers fatigués, ou encore de procéder à des changements tactiques en fonction du score. La démonstration la plus effective du coaching survient lorsque l’entraîneur fait rentrer en jeu plusieurs joueurs et que ceux-ci se trouvent directement impliqués dans la réalisation d’un but marqué par l’équipe. Dans ce cas-là, on reconnaîtra à l’entraîneur un flair certain, une capacité fine d’analyse de la situation. Bien entendu, le coaching se produit également lorsqu’il s’agit de préserver un score, de renforcer une défense, d’opérer un changement tactique. Moins visible aux yeux du profane, il n’en demeure pas moins efficient lorsqu’il atteint son objectif avec succès : ne pas encaisser de but, maintenir le score acquis au moment du changement de joueur en l’état. Même si l’entraîneur qui réussit son coaching peut passer pour un visionnaire, ce procédé relève surtout d’une réflexion longue et laborieuse régie « par des règles à la fois techniques et humaines »120. Les règles techniques sont connues et se réfèrent à certains principes de base, tels que ne jamais procéder à un changement sur une phase défensive ou sur un coup de pied arrêté subi, par exemple. Les règles humaines sont moins fixées, plus aléatoires et varient d’un entraîneur à l’autre. Alors qu’un entraîneur comme Laurent Roussey n’hésite pas à procéder à des changements avant la demi-heure de jeu s’il lui semble que la situation l’impose, Jean-Marc Furlan s’y refuse121.
53Il est certain que l’entraîneur qui a la chance de réussir son coaching bénéficie d’une appréciation flatteuse quant à la gestion de son capital expertise. Et si cette possibilité existait depuis les années 1960, elle est devenue primordiale depuis la modification de 1995. Le coaching est complété par les consignes données au cours du match. Les possibilités d’intervention sont certes moindres que dans des sports collectifs tels que le handball, le basket-ball ou le volley-ball qui offrent aux entraîneurs la possibilité de bénéficier de plusieurs temps morts aux cours d’une mi-temps ou d’un set et de pouvoir donner des consignes de nature à réguler le jeu produit par l’équipe. Néanmoins l’entraîneur de football peut bénéficier de quelques possibilités d’intervention, lors d’un changement de joueur ou d’un arrêt de jeu provoqué par une blessure par exemple. Mais en raison des dimensions de l’espace de jeu, il est certain qu’il lui est difficile d’interpeller constamment ses joueurs à l’instar de ses homologues des sports collectifs d’intérieur. Cet aspect particulier des compétences de l’entraîneur fait indéniablement partie de son bagage et relève de son capital expertise. Si lors de la période 1942-1973 la causerie efficace faisait déjà partie intégrante de la panoplie de l’entraîneur de haut niveau, les exigences en matière de construction formelle de cet exercice se sont accrues. Il s’agit de proposer un message « efficace, clair, concis, positif » (G. Houllier, J. Crevoisier, 1993). La causerie, souvent située dans l’heure qui précède la rencontre, concerne l’effectif total des joueurs retenus pour le match, titulaires comme remplaçants. Elle est le dernier laps de temps significatif dont dispose l’entraîneur avant le début de la partie. Il tente de s’assurer que le message diffusé tout au long de la semaine a été bien compris, le précise à grand renfort de termes positifs, d’images, de métaphores. La causerie est un rituel qui ne doit cependant jamais être banalisé. Selon Élie Baup, entraîneur de Toulouse,
la causerie présente surtout un intérêt psychologique. […] L’idée, c’est qu’on part au combat, à la confrontation, et qu’il va falloir tout donner. Je dois faire en sorte que les joueurs se subliment122.
54La plupart des entraîneurs professionnels s’accordent à dire que les causeries les plus courtes sont les plus efficaces, car ce que dit l’entraîneur est moins important que ce que les joueurs en retiennent. Les mots de la fin sont à ce titre primordiaux, car ils accompagnent les joueurs jusqu’à leur entrée sur le terrain. Philippe Bergeroo : « Mon rôle s’arrête au coup d’envoi. Après, je suis spectateur. Le fait de ne pas pouvoir intervenir a été très frustrant à mes débuts d’entraîneur »123. La causerie est suivie par le discours de la mi-temps. C’est l’occasion pour les entraîneurs de conforter leur choix, ou au contraire de les modifier en fonction de la physionomie et de l’adéquation du score au scénario prévu à l’avance. C’est également l’occasion de remotiver les joueurs par les moyens les plus divers, de la persuasion à la violence verbale.
Troyes était déjà mené (1-0), l’équipe était amorphe. Alors, « coach Faruk » s’est énervé. Très fort. Les murs ont tremblé. « Oui, on s’est effectivement bien fait sonner à la pause », confirme Mohamed Bradja124.
55La fin du match se conclut par un debriefing. En général, cette séquence brève s’attache à souligner le résultat en cas de victoire, ou à l’inverse à minimiser la portée d’une défaite afin de ne pas laisser les joueurs sur un sentiment d’échec. Il est parfois, dans les jours suivants, accompagné d’une analyse vidéo plus approfondie du match passé, ou plus généralement de la rencontre à venir. Techniquement, ce procédé peut avoir cours en raison des progrès technologiques en matière d’enregistrement vidéo, alors qu’il était compliqué, voire impossible, lors de la période 1942-1973. Des caméras existaient, mais elles pesaient extrêmement lourd et étaient peu maniables. De surcroît, depuis les années 1980, la plupart des matches de championnat de France de Ligue 1 sont soit télévisés, soit enregistrés. Il est donc aisé de se procurer les supports d’enregistrement. La plupart des clubs professionnels appointent un membre du personnel dans le staff professionnel pour réaliser des montages vidéo des équipes adverses. Enfin, nombreuses sont les équipes professionnelles qui dépêchent des émissaires pour espionner les futurs adversaires et donner les directives nécessaires à des montages vidéo efficaces et pertinents. Certains entraîneurs, tels que Jean Fernandez, préfèrent lorsque c’est possible se déplacer eux-mêmes pour superviser leurs futurs adversaires de visu, plutôt que de se fier à des montages vidéo réalisés par des collaborateurs. Lorsqu’il n’y a pas d’autre solution, ils demandent des montages d’une vingtaine de minutes sur des points précis, tels que l’organisation offensive de l’équipe adverse, l’organisation défensive, la gestion des coups de pied arrêtés, les buts encaissés et les buts marqués. Ils passent ensuite plusieurs heures en compagnie de leur staff, au cours de la semaine, à détailler les images avant d’en livrer une analyse approfondie à leur groupe de joueurs. Elle permet de préciser des détails quant aux faiblesses de l’adversaire direct, à sa façon de jouer, afin de communiquer de la confiance à ses propres joueurs.
56La difficulté rencontrée par les entraîneurs pour gérer leur capital expertise, c’est qu’il n’y a pas de méthode à proprement parler, et que c’est « au contraire ce qui est singulier qui fait la performance » (C. Fauquet, 1998). On peut, en accord avec M. Lévêque (2005), affirmer que l’expertise de l’entraîneur « est constamment malmenée, interrogée par le terrain, parfois comme invalidée par celui-ci. Elle est par essence mobile, instable, insaisissable ».
3.2. Le capital personnalité
57Ce que Gérard Houllier nomme le capital personnalité consiste en un ensemble de qualités humaines et sociales, de façon d’être et de se comporter qui ont une influence sur la motivation et le rendement des joueurs. La grande différence par rapport à la période 1942-1972 réside dans le fait que l’entraîneur n’a pas à gérer lui-même les détails du quotidien : entretien du terrain d’entraînement, déplacement des joueurs, équipements… Même s’il en est à l’initiative, il peut déléguer ces tâches à des subalternes ou des employés rémunérés par le club. Davantage encore que lors de la période précédente, l’entraîneur doit se positionner en chef décideur et réduire au maximum tous les facteurs d’incertitude relatifs au fonctionnement de son équipe. Il n’a plus forcément l’obligation d’être démocratique avec les joueurs. Il n’est cependant pas un dictateur, mais un référent, un responsable ou encore un leader (G. Houllier, 1998). C’est justement l’expertise qu’on lui reconnaît qui lui permet de justifier ses choix. Certaines périodes se révèlent décisives dans la gestion de ce paramètre, notamment celle d’avant-saison, lorsque l’entraîneur recherche son équipe-type et peaufine la mise en place tactique, ainsi que certaines semaines précédant les matches considérés comme les plus importants de la saison. Ce sont souvent des périodes lors desquelles les séances de mise en place tactique sont quantitativement plus importantes par rapport au reste de la saison.
58Éviter de communiquer son angoisse aux joueurs est une des qualités du décideur. Elle consiste à leur communiquer la confiance, en prouvant sa parfaite connaissance des caractéristiques des futurs adversaires. Réduire l’incertitude, c’est permettre à chaque joueur de connaître ses propres forces et celles de ses équipiers, les faiblesses de l’adversaire, d’avoir foi dans le système de jeu et le plan de jeu adopté par l’ensemble de l’équipe. « Détailler l’adversaire, c’est la meilleure manière de le battre. Plus on le connaît, et mieux on se prépare »125. En sus du respect obtenu par les joueurs, qui reconnaissent une faculté d’analyse à leur coach, le fait de bâtir ses séances d’entraînement par rapport à l’objectif de la prochaine échéance compétitive permet d’établir une cohérence qui est perceptible par l’ensemble de l’effectif. Être un décideur, c’est également se positionner en tant que leader autoritaire. En effet malgré une permissivité grandissante même au sein des institutions (R. Sainsaulieu, 1997), et un assouplissement des relations aux valeurs, les footballeurs professionnels attendent de leur entraîneur qu’il soit le guide incontestable et incontesté dans le club. C’est en effet l’entraîneur, qui au sein d’« une relation dissymétrique choisit ce qu’il considère être efficace pour le joueur et l’équipe » (E. Mombaerts, 1998). De ce fait, même s’il peut compter sur ses adjoints dans un rôle de relais auprès des joueurs et des différentes instances du club, il appartient à l’entraîneur de prouver que dans le domaine technique, non seulement il reste l’ultime décideur, mais que de surcroît il exerce son métier sans état d’âme. Paradoxalement, le monde du football professionnel comme celui du sport en général, semble imperméable aux valeurs de démocratie et de participation, à tel point que ce sont les joueurs eux-mêmes qui revendiquent les attitudes d’autoritarisme de la part de leur entraîneur. Certains d’entre eux n’hésitent pas à stigmatiser un excès de permissivité de l’entraîneur envers ses joueurs. Ainsi le milieu de terrain de l’Olympique de Marseille Benoît Cheyrou accuse-t-il Albert Emon, son entraîneur fraîchement limogé, d’avoir manqué de rigueur, d’avoir été un coach « copain »126. Les joueurs partent du postulat que cette intransigeance fait partie de l’arsenal du gagneur. Faire preuve d’un esprit combatif, ne jamais baisser les bras, restent des attitudes qui sont l’apanage d’un vrai leader.
Ils étaient trop gentils. À l’entraînement, et donc en match. En devenant plus exigeants à l’entraînement avec eux-mêmes, ils sont devenus plus compétitifs en match… Ils s’amusent, mais au bout, j’exige toujours qu’il y ait un vainqueur. Ça s’apprend, ça se cultive127.
59La combativité est dans la nature même de l’entraîneur. De ce point de vue, l’héritage de la période 1942-1972 est patent. Motiver les joueurs était déjà un leitmotiv de la période précédente, faire preuve d’autorité également. La volonté de gagner, la haine de la défaite caractérisent le sportif d’exception. Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, ce goût de la victoire, cette volonté de se surpasser s’entretiennent. « J’ai vite remarqué que j’étais dans la difficulté pour transcender les joueurs, ce qui a fait ma force tout au long de ma carrière. Je n’ai pas retrouvé la pêche, la « grinta » que j’avais par le passé128 ». Cet aveu de Guy Roux permet de poser la question de l’âge, mais plus encore celle de l’usure qui guette l’entraîneur. En effet, il lui faut l’énergie suffisante pour prendre en charge la totalité des responsabilités et en décharger totalement ses joueurs. « Il est le régulateur du système, le modérateur à tout moment, celui qui assume et rassure quand c’est nécessaire. Il est une interface entre l’athlète, ses espoirs, sa performance » (J.-C. Vollmer, 2007). À ce titre, c’est à lui qu’incombe la tâche de créer au quotidien la notion d’appartenance à un groupe. « L’entraîneur doit pouvoir créer une ambiance, un esprit d’équipe, une identité, un projet commun » (G. Houllier, 1998). Cela peut passer par l’instauration de règles de vie du groupe, ou par l’imposition d’un style de jeu propre à l’équipe. À partir d’un projet fédérateur, il sait créer une dynamique, une réelle cohésion, voire une osmose. La connivence qu’il peut établir avec ses joueurs se traduit par une certaine complicité, perceptible pendant les matches par de petits gestes amicaux lors des changements de joueurs par exemple. Elle peut également être imposée, lors de la régulation de certains modes de fonctionnement : astreindre à une tenue commune lors des déplacements, ou tout simplement des règles de vie groupales. Éric Gerets exige dès son arrivée à l’Olympique de Marseille que les joueurs arrivent à table en même temps et se mettent à manger de concert uniquement après qu’il en ait donné le signal129. Par cette attitude assez conservatrice, il tente de créer une osmose collective, en obligeant les joueurs à passer du temps ensemble, tout en leur prouvant qu’ils sont traités de la même manière. Bien entendu, ces règles groupales imposées aux joueurs peuvent se doubler d’exigences relatives au comportement dans l’exercice de leur métier, c’est-à-dire sur le terrain d’entraînement et de match.
Après, c’est sur le mental, l’état d’esprit, et l’attitude qu’on peut faire la différence. Tous les jours. Développer l’esprit de camaraderie et surtout la maîtrise, le don de soi. Ce n’est que ça. Parce que dans mon groupe, il ne faut pas se leurrer, on n’a pas Zidane, on n’a pas Eto’o, on n’a pas Henry. Donc, ça se joue sur les qualités morales de l’équipe, puis après, sur la solidarité. Si on n’a pas ça, on explose ; on n’existe pas130.
60Il est délicat d’affirmer qu’il est plus facile de convaincre les joueurs d’adhérer à un véritable projet collectif lorsque l’équipe ne comporte pas de joueur vedette, mais il est certain que cet argument est utilisé par les entraîneurs des équipes de ce type. Par contre, ils sont susceptibles de se heurter à des représentations qui ne sont pas inhérentes au monde du sport, mais qui seraient véhiculées dans l’espace social.
C’est vrai que tu bâtis un groupe sur un projet de jeu et sur des notions de collectif et de solidarité, alors qu’à l’extérieur la société fonctionne à partir de valeurs tout à fait différentes. […] C’est un monde individualisé et individualiste où c’est chacun pour soi131.
61L’intégration des recrues au début de la saison participe de cette volonté de créer une notion d’appartenance à un groupe. De surcroît, l’arrivée parfois tardive de nouveaux joueurs met en péril ceux qui sont restés, qui ont effectué la totalité de la préparation d’avant saison, et qui peuvent se sentir lésés s’ils perdent de ce fait d’emblée leur place de titulaire. La gestion des remplaçants est donc également un élément clé du bon fonctionnement du groupe. Il est certes vital pour les meilleurs clubs, ceux qui participent aux compétitions importantes, de posséder un effectif important, dans la perspective de prévenir la défection ou la baisse de rendement de joueurs blessés ou en méforme. Même les clubs moins huppés ont doublé les postes des joueurs. Cependant, éviter que les joueurs qui ne sont pas titulaires n’exposent leurs états d’âme, ne véhiculent une ambiance malsaine, reste un exercice délicat pour tout technicien. La clarté de son discours initial, de la définition des objectifs, la cohérence et l’exemplarité de ses choix peuvent constituer des garde-fous intéressants mais en aucun cas suffisants pour éviter ce type de problème. Une vigilance de tous les instants, avec l’aide de ses adjoints, ainsi que la résolution immédiate de tout conflit naissant est une nécessité avérée. L’idéal réside dans le fait de solidariser les joueurs à leur entraîneur. Si créer un sentiment d’appartenance reste un travail que l’entraîneur est chargé d’entretenir au quotidien, par son attitude, ses actes, ses discours, les bons résultats obtenus constituent invariablement un élément facilitateur. En effet, lorsqu’une équipe connaît des revers successifs, le climat interne peut être davantage prompt à se détériorer. Dans ce cas, les joueurs peuvent aller jusqu’à manifester une hostilité déclarée envers l’entraîneur, voire à contester ses décisions.
Et pour finir, cerise sur un gâteau dont la crème avait tourné, Halilhodzic s’est vu refuser nettement, par l’ensemble du groupe, un départ jeudi pour une mise au vert en Normandie avant le match couperet de dimanche contre Bordeaux132.
62Dans ce cas, dès lors que l’entraîneur perd la confiance de ses joueurs, ou se heurte à l’un des joueurs leaders, il est quasiment assuré de se voir signifier son renvoi à très court terme. Plus encore que lors de la période 1942- 1972, la masse croissante de l’effectif professionnel constitue une contrainte pour l’entraîneur : plus le groupe est nombreux, plus il devient délicat de gérer chaque individualité. Savoir anticiper devient alors une compétence primordiale. S’efforcer d’être préventif revient à éviter le désintérêt des joueurs, donc une fois de plus à entretenir leur motivation. Confier ponctuellement la direction des situations d’entraînement aux adjoints, c’est également un moyen de surprendre les joueurs133, de les détourner de la routine. Être à l’écoute, c’est développer une vigilance permanente (G. Houllier, J. Crevoisier, 1993) afin de mieux comprendre les ressorts propres au fonctionnement de chaque individu, de connaître ses aspirations et de prévenir tout dysfonctionnement dans l’équipe en prenant en compte les particularités de chacun. Certains entraîneurs choisissent sciemment de s’appuyer sur leurs adjoints ou collaborateurs pour leur déléguer cette tâche d’écoute, afin d’établir un relais entre eux et les joueurs. Il est vrai que depuis les années 1990, cette attitude est également dictée par leurs prérogatives toujours plus considérables, telles que la tenue de conférences de presse quasi-quotidiennes qui les empêchent parfois de partager l’intimité du vestiaire avec leurs hommes. Tout doit être mis en œuvre pour éviter qu’un groupe ne s’installe dans ses habitudes, qu’il s’agisse d’une équipe qui vient de connaître une réussite ou d’une autre qui n’a plus d’objectif à long terme. Dans ce cas, l’entraîneur doit innover. Il peut faire preuve d’imagination dans des domaines aussi divers que les choix de situations à l’entraînement, ses formes de groupements, sa manière d’appréhender la rencontre, ses causeries d’avant match, le choix de ses joueurs… Un changement d’organisation tactique rentre également dans ce cadre, même si parfois cette innovation s’impose comme une évidence aux yeux de l’entraîneur.
Il fallait changer les choses pour provoquer une mobilisation des joueurs, un plus grand investissement. En changeant d’organisation – avec les mêmes joueurs –, en passant à cinq derrière, cela a permis d’être plus solide134.
63Entretenir la motivation à s’entraîner, quels que soient les résultats obtenus en match officiel, n’est forcément ressenti comme une évidence. En effet, les joueurs professionnels, s’ils ont conscience d’exercer une profession privilégiée, n’en sont pas moins enclins, comme tous les travailleurs, à dénoncer un potentiel ennui ou désintérêt sur le lieu de travail. Lorsque les méthodes employées n’emportent pas l’adhésion, il peut devenir difficile de solliciter leur engagement total.
Outre l’adaptation à un club au fonctionnement et aux structures rodés, il devait « exporter » ailleurs qu’à Auxerre ses vieux schémas d’entraînement. « Il a des méthodes ancestrales » révélait mardi dernier, après une séance de frappes entre des plots, un de ses ex-joueurs au fort impact dans le groupe135.
64Surprendre, ce peut être comme Frédéric Hantz convoquer les joueurs manceaux pour une mise au vert un 31 décembre à deux heures du matin, organiser la causerie d’avant-match dans le noir, programmer des footings à l’aube, voire à l’inverse annuler une mise au vert avant un match important136. Diriger une équipe professionnelle relève encore et toujours d’un mélange d’art et d’artisanat, et réclame de la part de l’entraîneur des compétences particulières en termes d’adaptation. Une autre qualité qui doit faire partie de son registre est l’exemplarité, liée au rayonnement. Rolland Courbis décrète : « L’entraîneur est une locomotive pour un club »137. Même s’il peut parfois disposer de plusieurs joueurs leaders qui sont ses interlocuteurs privilégiés, c’est l’entraîneur qui impulse le fonctionnement de l’équipe. Il est important qu’il y ait une grande cohérence entre les exigences de l’entraîneur vis-à-vis de ses joueurs et son propre comportement. Frédéric Antonetti, entraîneur de l’OGC Nice témoigne : « J’essaie d’être honnête et juste. Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis, comme ça je ne me retrouve jamais en porte à faux vis-à-vis de qui que ce soit au club »138. À haut niveau, l’entraîneur doit être un véritable obsessionnel de football. C’est à ce prix qu’il prouve son attachement au club, à l’équipe professionnelle, à sa profession. Sur le terrain, l’entraîneur doit se montrer toujours d’humeur égale. Il ne peut véhiculer à l’entraînement ses soucis personnels, d’autant que les exigences quotidiennes de travail ne le permettent pas. Cette position exige une bonne santé mentale (G. Houllier, J. Crevoisier, 1993). C’est cet avis qui transpire des propos de Paul Le Guen :
Ce métier permet de prolonger une carrière de joueur de manière exceptionnelle. Il peut être assez violent, il vous oblige à veiller sans cesse à ne pas être déséquilibré, déstabilisé [… ]139.
65Cet aspect réflexif, assez largement évacué lors de la carrière initiale de joueur, contraint l’entraîneur à un réel recul et à l’obligation d’analyser en profondeur les tenants et les aboutissants de tous les obstacles, petits ou conséquents, qu’il peut trouver en travers de sa route dans sa recherche de l’objectif initial. Endosser ses responsabilités devant la presse pour mieux protéger ses joueurs, éviter de trouver des excuses en rapport avec l’arbitrage ou la chance, sont également des comportements qui caractérisent l’entraîneur exemplaire. De même, la remise en question permanente, la multiplicité des questionnements techniques et tactiques, la recherche des solutions adaptées, sont le lot quotidien de tout entraîneur. Lors de ses rares congés, il met de surcroît son temps libre à profit pour suivre des matches ou des compétitions internationales à l’étranger, visiter d’autres clubs étrangers de grand standing, afin de s’inspirer de méthodes ou d’idées nouvelles, parfaire sa formation initiale et continue. « On relève chez les entraîneurs qui durent un souci permanent de perfectionnement, une curiosité maladive » (G. Houllier, J. Crevoisier, 1993). Cette caractéristique témoigne d’une permanence par rapport à la période 1942-1972, lors de laquelle les entraîneurs, sous l’égide de l’Amicale et de Georges Boulogne, organisaient leur propre perfectionnement au cours de réunions d’entraîneurs et de recyclages.
3.3. Le capital stratégie
66Les options tactiques déterminées par l’entraîneur sont primordiales. Elles doivent en théorie avant tout être choisies en fonction des qualités des joueurs dont on dispose. Le but ultime est toujours d’obtenir le meilleur rendement possible de son équipe. « Il faut absolument que l’équipe récupère plus haut, qu’on devienne une équipe chiante à joueur, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent »140. Dans ce cas précis, l’option choisie par Francis Gillot est d’imposer à ses joueurs une dépense physique plus importante, afin de se positionner moins proche de leur propre but, pour presser ou harceler l’adversaire afin de l’empêcher de faire progresser le ballon. C’est un choix stratégique clair pour l’entraîneur et ses joueurs. Mais il ne conditionne pas obligatoirement le choix d’un système de jeu. Certains entraîneurs ont des préférences marquées pour tel ou tel système, mais dans ce cas ils font en sorte de recruter des joueurs qui s’y intègrent parfaitement. Lorsque ce n’est pas possible, ils préfèrent composer avec les ressources dont ils disposent. Alain Perrin justifie l’emploi du 3-5-2 avec son équipe de l’Olympique de Marseille de la façon suivante :
[…] ma philosophie de base est plutôt un 4-4-2 classique. Mais l’adapter demande du temps. J’ai donc fait avec les forces et les faiblesses des joueurs que j’avais sous la main. Je préfère en effet travailler sur les qualités des éléments en place afin d’imposer des systèmes. Je suis arrivé avec mes idées, mais je les ai mises en place suivant les acteurs141.
67À nouveau, alors que le choix d’un système est affaire de cohérence, sa validation par des joueurs qui le comprennent conditionne son efficacité. Mais qu’il s’avère pertinent à l’usage ou non, l’entraîneur ne peut faire l’économie d’un choix et d’un positionnement clairs pour tout l’effectif. La nécessité d’expliquer, avant et au cours de la séance d’entraînement est considérée comme fondamentale par les entraîneurs experts de nombreuses disciplines sportives (C. Colombo, 2007). Elle est source de motivation, qu’elle consiste en une explication technique ou tactique, experte ou simple. Les options tactiques constituaient également une arme dans l’arsenal stratégique à la disposition de l’entraîneur lors de la période 1942-1972. Mais, parce que les moyens de se procurer des informations sur l’adversaire étaient moins nombreux, parce que les rotations au sein des effectifs étaient bien moindres, les éventails de choix étaient moins développés que lors de la période actuelle. La pensée stratégique et les options tactiques sont intimement liées à deux formes de programmation, l’une hebdomadaire, l’autre annuelle. Le recrutement de nouveaux joueurs occupe bien souvent une grande part du temps supposé de congé de l’entraîneur. Alain Giresse l’affirme :
Aujourd’hui, tous les joueurs souhaitent s’entretenir avec l’entraîneur avant de donner leur accord. À chaque transaction, c’est pareil. Ils veulent savoir à quelle place ils vont jouer, connaître les attentes du coach, etc.142.
68Toutes les tentatives de recrutement ne sont certes pas couronnées de succès. Même si ce n’est pas forcément l’entraîneur qui gère l’ensemble des dossiers et qui engage les pourparlers, néanmoins il reste en contact permanent avec les responsables financiers, le président, ainsi bien souvent qu’avec les éventuelles recrues qu’il souhaite voir étoffer son effectif. De ce fait, il s’avère que les vacances des entraîneurs sont bien souvent réduites à la portion congrue. Si les joueurs professionnels bénéficient souvent de moins d’un mois de congé, en général en juin, les entraîneurs, quant à eux, en prennent généralement bien moins, en raison de leur propension à vouloir s’occuper des dossiers liés aux transferts des joueurs. En réalité, rares sont les périodes lors desquelles ils peuvent se déconnecter entièrement et totalement du football. Au contraire, durant la saison régulière, c’est-à-dire de mi-juin à mi-mai l’année suivante, ils s’endorment et se réveillent sans cesser de penser à leur équipe. Et pendant l’intersaison, il est acquis que « la phase du recrutement est un élément fondamental de la vie d’un entraîneur : tout se joue pendant ce mois capital » (R. Domenech, 2001). Lors de la période 1942-1972, certains entraîneurs étaient également accaparés au stade toute la journée durant la saison. Cependant, parce que les transferts étaient bien moins nombreux durant l’intersaison, bien moins difficiles à négocier également, puisqu’ils se déroulaient directement de président à président sans passer par des agents ni même bien souvent par le joueur, ils laissaient une période de vacances conséquente aux entraîneurs.
69En définitive, le travail de l’entraîneur réside avant tout dans des cogitations intellectuelles, des réflexions et remises en cause permanentes, ce que Daniel Costantini (1998) qualifie de débat intérieur. Ses pensées sont sans cesse orientées vers la recherche de la meilleure formule pour composer l’équipe amenée à disputer le prochain match, pour déterminer le prochain schéma tactique, pour choisir les thèmes à travailler lors des entraînements. Lorsqu’il n’est pas seul, il interagit avec ses proches : ses adjoints pour évaluer les joueurs, le staff médical pour savoir quels sont les joueurs aptes physiquement, le président avant tout pour lui rendre compte, les journalistes voire les sponsors, parce que cette tâche relève de ses obligations. Il ne peut faire alors l’économie de compétences en matière de relationnel et de communication. Enfin, lors des périodes de trêve hivernale ou estivale, il amplifie ses relations avec les recruteurs, voire avec les joueurs dont il souhaite obtenir la signature pour renforcer l’équipe. Finalement, la direction des entraînements, ainsi que le coaching au cours des matches, pour importants qu’ils soient, ne sont que la résultante des processus intellectuels qu’il mène tout au long de la semaine. L’entraîneur est donc « un expert qui se construit à chaque instant, dans chaque type de tâche, une représentation mentale des interactions et coordinations possibles entre les facteurs » (M. Lévêque, 2005). Au risque de recourir à une formule qui relève du cliché, on peut avancer qu’il pense football vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est ce qui rend le travail au quotidien usant, parce qu’il est gouverné sans relâche par des préoccupations d’auto-analyse, d’autoévaluation et de remises en question.
Est-ce qu’un entraîneur peut vraiment avoir une vie de famille ? Quelqu’un qui est en poste dans un club ? Bien, je pense que… c’est très difficile, ce que doit être capable de faire un entraîneur, c’est qu’il doit s’accorder des périodes complètement de coupure. […] Donc, mais il faut qu’il soit capable de se faire une coupure, d’une semaine ou deux, peut-être au mois de juin, d’une semaine peut-être à Noël, maintenant, et puis surtout dans la semaine, de couper au moins un jour. […] Parce qu’en général, il faut savoir qu’un entraîneur, c’est quelqu’un qui a été joueur avant… en tout cas joueur de haut niveau, c’est rare que ce ne soit pas un joueur de haut niveau. Donc il n’a déjà pas eu de vie de famille, dans la mesure où, normalement, le week-end, on est pris, donc on ne peut pas sortir avec la famille et les enfants, et au mois de juin, on reprend l’entraînement quand les gosses commencent à être en vacances. Donc la vie de famille, sortir, partir avec ses enfants, profiter, ça n’existe pas. Donc, il devient entraîneur, et à ce moment-là, il a encore plus de temps à consacrer, et… les enfants grandissent, mais ça n’empêche qu’ils ne sont pas tous arrivés… ; ils ne sont pas encore majeurs parfois. Donc effectivement, c’est très, très difficile, c’est très difficile, et si on n’arrive pas à se faire cette coupure pour s’évader et changer les idées, à un moment donné on est débordé, et on n’a plus le recul nécessaire pour pouvoir bien analyser les choses (Joël Muller, 2008).
70Ainsi, la vie de famille est possible pour l’entraîneur, mais elle demande une grande tolérance de la part de ses proches, privés de sa présence quotidienne à son domicile, et informés que tous ses centres d’intérêt tournent autour de son équipe. Conformément à ce qui a cours pour les cadres à haut potentiel dans le monde de l’entreprise, la difficulté à maintenir une frontière entre vie privée et vie professionnelle est une caractéristique prédominante de la carrière de l’entraîneur (C. Falcoz, 2001). L’épouse de Jean Fernandez évoque son mari en ces termes :
C’est en effet quelqu’un qui est passionné par ce qu’il fait et pense au football vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il travaille même la nuit. Le soir, après dîner, il lui arrive de repartir au stade pour étudier ses dossiers dans son bureau. […] Cela fait neuf ans que nous sommes mariés […], durant ces neuf années nous ne sommes partis en vacances qu’une seule fois. Et vous savez où ? À Grenoble, chez M. Batteux, l’ancien entraîneur143.
71Les exemples comme celui de Jean Fernandez ou de Guy Roux, qui mettent à profit leurs rares journées de disponibilité pour aller suivre des matches qui ne concernent pas leur équipe, ou visiter les grands clubs européens pour s’inspirer de leurs méthodes d’entraînement, ne sont pas isolés. D’autre part, cette tendance à être obnubilé par le football use certains d’entre eux, surtout dans les grands clubs qui leur font subir une pression importante. C’est ainsi que d’aucuns éprouvent le besoin de ne pas signer de nouveau contrat à la fin de certaines saisons, s’octroyant une coupure qu’ils estiment nécessaire, à l’image de Paul Le Guen qui quitte l’Olympique Lyonnais de son plein gré en juin 2005, après un mandat de trois années assorti d’autant de titres de champion de France. La profession d’entraîneur de football relève d’un investissement quotidien sans relâche, davantage encore mental que physique, qui relève du sacerdoce. Cependant, tout cet investissement n’est pas forcément pris en compte par le public et les médias lorsqu’il s’agit de juger de ses qualités. Pourtant, il n’est pas rare que les entraîneurs passent leurs heures au stade sans les compter.
L’entraîneur sort de sa maison, va au stade le matin. Et le soir, il quitte le stade, pour retourner à la maison. Moi, à Metz, je suis ici depuis un an, si on me demande si je connais le centre-ville, ce qu’il y a aux alentours, … eh bien non, je n’ai pas le temps. Depuis un an, je n’ai vu ni la ville, ni la région. Je viens au stade le matin, je repars le soir… c’est normal (Jean Fernandez, 2003).
3.4. Sur quels critères sont jugés les entraîneurs ?
72Alors que depuis 1958 l’hebdomadaire France Football décerne chaque année le trophée du meilleur joueur français de la saison, c’est seulement à partir de 1970 que s’opère la première désignation du meilleur entraîneur français de la saison. Plus récemment, le syndicat des joueurs, l’UNFP a commencé à organiser ses propres remises de trophée depuis 1988. Les meilleurs entraîneurs sont nommés depuis 1994, année depuis laquelle la cérémonie de remise des récompenses est diffusée sur la chaîne de télévision privée Canal+. Pour ces deux palmarès différents, le trophée d’entraîneur de l’année n’est que l’un de ceux qui sont décernés lors de l’évènement, parmi d’autres qui viennent récompenser plusieurs catégories de joueurs ou de dirigeants. Les modes de désignation diffèrent selon l’organisme. Le trophée de France Football est attribué après un vote des journalistes de la rédaction, alors que celui de l’UNFP est octroyé après un vote des entraîneurs de Ligue 1, c’est-à-dire que l’entraîneur est jugé par ses pairs144. Une rupture nette apparaît dans le palmarès lors de l’année 1995, date à laquelle Francis Smerecki est couronné après avoir permis à son club de Guingamp de remporter le titre de champion de France de Division 2 pour la saison 1994-1995 et donc de remonter en Première Division. De la date de création du trophée en 1970 à cette année 1995, les vainqueurs ne sont pas forcément les entraîneurs des équipes les plus huppées, ce qui signifie que la part d’arbitraire dans le ressenti des journalistes est sans doute importante. En effet, des entraîneurs sont parfois consacrés alors qu’ils ne remportent aucun titre ou n’occupent pas les premiers rôles en championnat. Certains sont primés pour la continuité de leur œuvre sur la durée, surtout lorsqu’ils dirigent une équipe qui ne bénéficie que de moyens modestes. On pense à Pierre Cahuzac à Bastia (1974 et 1977), à Georges Huart à Metz (1975), à Jean Snella à Nice (1972) ou à Michel le Milinaire à Laval (1979), voire à Guy Roux lors de sa première élection en 1988. D’autres sont même plébiscités pour leur excellent travail à l’échelon inférieur de la Ligue 2, tels que Luis Fernandez à Cannes (1993) et Francis Smerecki à Guingamp (1995). Parmi toutes les distinctions attribuées lors de la période 1970-1995, 16 concernent des entraîneurs qui n’ont ni remporté de titre ni hissé leur équipe aux tout premiers rangs du championnat de Division 1. Si l’on excepte Michel Hidalgo, primé en 1982 pour avoir amené l’équipe de France en demi-finale de la Coupe du Monde, d’autres entraîneurs ont bénéficié d’un capital sympathie élevé de la part des journalistes, qui ont privilégié consciemment ou non d’autres critères que les résultats bruts obtenus dans les compétitions officielles.
73La rupture de 1995 est liée au fait qu’à partir de cette date, il existe des conditions sine qua non d’attribution de ce titre de meilleur entraîneur de l’année. Ainsi, si le fait de remporter une Coupe de France ou un championnat de France constituait un élément d’appréciation favorable auparavant, dorénavant il devient presque un passage obligé pour prétendre mériter cette distinction. En effet, de 1996 à 2009, aucun entraîneur dont l’équipe a terminé au-delà de la troisième place lors de la saison précédente n’a été en mesure de remporter le trophée, s’il n’a en sus remporté la Coupe de France ou la Coupe de la Ligue. Cette troisième place, significative de qualification pour une Coupe européenne, représente le minimum à atteindre pour prétendre à la gratification symbolique de meilleur entraîneur. Désormais, le sentimentalisme qui pouvait exister n’a plus cours, car la récompense est davantage subordonnée aux résultats bruts obtenus qu’à tout autre critère subjectif, tel que les progrès effectués par son équipe, le capital personnalité, ou le rayonnement…
74De 1996 à 2009, il faut impérativement remplir cette condition d’obligation de résultat pour obtenir ce titre. Seules trois exceptions émergent. Arsène Wenger (2008) figure au palmarès en raison de son exceptionnelle réussite à Arsenal depuis 1996, donc sur une durée significativement très longue. Aimé Jacquet est présent également, mais en tant que sélectionneur, pour avoir mené l’équipe de France à la victoire en Coupe du Monde en 1998. Enfin, la dernière exception pour toute cette période réside dans la sélection de Pablo Correa en 2007. Si son équipe de Nancy ne termine qu’à la treizième place du championnat, elle réalise en revanche un beau parcours dans la Coupe européenne dans l’UEFA au cours de laquelle elle enregistre plusieurs résultats significatifs. En résumé, signe des temps et d’une époque vouée au réalisme et au culte de la performance (A. Ehrenberg, 1991), les appréciations portées sur les entraîneurs s’attachent de moins en moins à prendre en compte des facteurs subjectifs pour ne se concentrer que sur la rentabilité et le rendement. Il est possible de vérifier que cette distinction honorifique que revêt le titre de meilleur entraîneur de Ligue 1 ne garantit plus vraiment une sécurité accrue dans l’emploi. De 1970 à 1995, sur 29 entraîneurs, ils étaient 17 à occuper le même poste trois années plus tard. Le succès semblait octroyer une certaine stabilité. Mais pour la période 1996-2009, 8 entraîneurs sur 15 seulement, soit à peine plus de la moitié, ont conservé leur poste antérieur trois années plus tard. Certes, grâce à la reconnaissance obtenue, certains ont pu accéder à des clubs plus huppés, même s’il faut relativiser le nombre d’entraîneurs concernés, car ils appartiennent déjà à des équipes établies dans l’élite. Dans d’autres cas, les honneurs obtenus n’ont pas empêché un limogeage ultérieur ou un non-renouvellement, comme cela se produit pour Luis Fernandez éconduit de Paris en 1996, ou de Jean Tigana évincé de Monaco en 1999. L’exemple le plus flagrant en la demeure est fourni par le limogeage de Raynald Denoueix en 2001, quelques mois après avoir obtenu le titre de champion de France avec le FC Nantes.
75Les observations tirées du palmarès UNFP corroborent celles du palmarès France Football. Beaucoup de ces entraîneurs sont plébiscités par les deux organismes. Les entraîneurs et joueurs qui votent privilégient les très bons classements obtenus, car à nouveau, il n’existe pas d’exemple de consécration pour un entraîneur qui aurait échoué au-delà de la troisième place du championnat de France, hormis celle de Guy Lacombe qui s’est classé cinquième avec Sochaux en 2003. Ainsi, on peut considérer que pour les entraîneurs comme pour les joueurs, il n’existe pas de place pour les sentiments ou l’affectif lorsqu’il s’agit de juger un collègue ou un technicien : seuls comptent les résultats.
4. Qui est l’entraîneur ? Essai de typologie
76L’entraîneur des années 1973 à 2010, comme son homologue de la période antérieure, est français. Cette assertion est vérifiée surtout depuis l’année 1993. Auparavant, au regard des faibles résultats enregistrés par le football français, la tentation était grande de recourir à l’embauche de techniciens étrangers.
77De manière assez surprenante, l’âge moyen des techniciens subit peu de variations de 1973 à 2010, puisque sur l’ensemble de la période il oscille entre 45 et 47 ans. Cela signifie que l’âge moyen est celui d’un entraîneur qui a peu ou prou terminé sa carrière de joueur depuis une dizaine d’années. L’entraîneur de cette période est un peu plus âgé que celui de la période précédente, mais au regard de l’espérance de vie masculine, il n’est pas plus vieux. C’est en effet un homme qui davantage que lors de la période précédente se situe dans la force de l’âge, puisque l’espérance de vie masculine est passée en France de 68,7 ans en 1973 à 77,8 ans en 2009. Conformément à la tradition et parce que la DTN actuelle a fait siens les principes de reconversion des anciens joueurs, chers à Gabriel Hanot puis à Georges Boulogne, on retrouve constamment une écrasante proportion d’anciens joueurs professionnels parmi les entraîneurs qui officient en Ligue 1, de même qu’une proportion significative d’anciens internationaux. Le chiffre relatif au nombre de clubs différents dirigés en Ligue 1 tend quant à lui à prouver que certains entraîneurs, même s’ils sont parfois limogés, ont démontré assez de compétences ou de savoir-faire pour intéresser d’autres clubs du plus haut niveau. L’argument de l’expérience professionnelle accumulée au meilleur échelon est sans doute décisif dans ce choix et justifie le fait que le turn-over n’est pas aussi important qu’il pourrait l’être en raison du vivier d’entraîneurs inemployés. En effet, le nombre de clubs différents dirigés en Ligue 1 (par entraîneur) a sensiblement augmenté depuis les années 1990. Enfin, le chiffre concernant le nombre d’années d’exercice en Ligue 1, s’il s’est stabilisé au-dessous de cinq années depuis 1973, est à relativiser. En effet, les situations sont très diverses : à côté de l’exceptionnel parcours de Guy Roux, qui a encadré 894 matches de Division 1 entre 1980 et 2007, dont 890 au sein de l’AJ Auxerre, on trouve des situations extrêmement variées. Ainsi, Francis de Taddeo à Metz en 2007-2008 ou Jean-Marc Nobilo au Havre en 2008-2009, débutent en Division 1 après avoir contribué à la remontée du club lors de la saison précédente. Mais au terme de quelques mois et quelques matches dirigés ils sont contraints de mettre un terme à leurs fonctions d’entraîneur. Les brefs mandats de certains entraîneurs ne contribuent pas à rehausser le chiffre des années de présence en Ligue 1. À côté de ces cas, d’autres se maintiennent en poste un peu plus d’une saison, mais souvent pas plus de deux, en général au bénéfice d’une bonne première saison de l’équipe à la tête de laquelle ils démarrent leur carrière en Ligue 1. C’est le cas de Loïc Amisse à Nantes (2003-décembre 2004), ou de Laurent Roussey à Saint-Étienne (2007-novembre 2008). Par contre, pour de nombreux entraîneurs, le plus délicat semble d’obtenir une première chance de diriger un club de l’élite. Ensuite, passé le cap du premier contrat, une proportion importante d’entraîneurs se voit offrir au moins une seconde chance en Ligue 1. C’est le cas de dix entraîneurs sur les vingt qui officient en Ligue 1 lors de la saison 2008-2009. Ils étaient onze sur vingt en 2003-2004, huit sur dix-huit en 1998- 1999, douze sur vingt en 1993-1994. Les décennies 1990 et 2000 semblent d’ailleurs offrir plus d’occasions de retrouver une seconde chance au plus haut niveau. En effet, lors des décennies 1980 et 1970, les possibilités sont moindres : six sur vingt en 1988-1989, quatre sur vingt en 1983-1984, six sur vingt en 1978-1979 et sept sur vingt en 1973-1974. Enfin, certains pérennisent leur place à l’aide de plusieurs mandats pour un total supérieur à sept ou huit saisons, voire davantage.
78Les entraîneurs de Division 1 de la période 1973 à nos jours offrent donc des profils variés. Si la grande majorité d’entre eux ont été des joueurs professionnels, voire des internationaux, il n’empêche que quelques exceptions émergent : des hommes comme Alain Perrin ou Gérard Houllier réussissent des parcours parfois inégaux mais jalonnés de succès significatifs alors qu’ils ne sont pas issus des rangs des joueurs professionnels. L’âge moyen des entraîneurs est une donnée à manipuler avec précaution. Si Luis Fernandez entame sa carrière professionnelle à Cannes à l’âge de 34 ans en 1993-1994, ou Paul Le Guen au même âge à Rennes en 1998-1999, cinq entraîneurs de Ligue 1 ont plus de cinquante-trois ans lors de la saison 2008-2009… et cela sans même évoquer le cas de Guy Roux, qui bénéficie d’une dérogation pour pouvoir entraîner le RC Lens à l’âge de 68 ans lors de la saison 2007-2008. Quant à la capacité à se maintenir dans un emploi, ou à bénéficier d’un emploi similaire au même niveau, elle dépend beaucoup de facteurs beaucoup plus aléatoires tels que l’environnement, la qualité du recrutement… et de la chance. Les entraîneurs qui ont la chance ou la capacité de se maintenir plusieurs saisons d’affilée dans le même club semblent bénéficier davantage que les autres de possibilités d’une seconde voire troisième ou quatrième opportunité au plus haut niveau. Il arrive également que certains à l’instar de Joël Muller rappelé à Metz en 2005, ou Jean-Claude Suaudeau à Nantes en 1991, soient à nouveau sollicités par leur ancien club quelques années après un premier mandat, et après avoir connu des fortunes diverses.
79En vertu de ces constats, il est possible d’affirmer que la fonction d’entraîneur de football a connu une évolution considérable entre 1972 et la fin des années 2010. On est passé d’un entraîneur autoritaire, esseulé dans le club, victime de structures imparfaites, obligé de faire preuve de débrouillardise dans un contexte ou le « bricolage » était de mise, à un technicien qui remplit le rôle de manager, dirige un staff, établit un dialogue constant non seulement avec ses joueurs mais également avec ses multiples interlocuteurs, et peut compter sur des moyens modernes de fonctionnement. Alain Perrin, entraîneur de l’Olympique de Marseille en 2003, en témoigne :
Les performances des joueurs peuvent être chiffrées. Pour les évaluer, on avait autrefois le carnet de notes. On notait les tirs, les centres, etc. Aujourd’hui, nous avons les procédés modernes : la vidéo, l’informatique. On peut connaître la distance parcourue, le nombre de ballons touchés et perdus, le nombre de duels gagnés et perdus… Il faut analyser la part prise par un joueur dans un match. Voir ce qui vient de l’individu et de l’équipe. Voir si l’individu bonifie l’équipe145.
80En définitive, les moyens sont plus modernes et plus diversifiés, mais le fondement de la fonction d’entraîneur reste le même : réussir l’amalgame des qualités individuelles des joueurs afin d’obtenir le meilleur rendement collectif possible. Pour ce faire, les connaissances scientifiques, techniques, stratégiques constituent toujours des outils nécessaires, mais qui ne conditionnent pas la performance si l’entraîneur ne parvient pas à convaincre ses joueurs. En d’autres termes, la personnalité de l’entraîneur, sa capacité à créer une unité, à faire respecter des règles, est un paramètre incontournable de sa survie dans le club. Ces conditions à réunir étaient déjà présentes lors des périodes antérieures et remontent à l’apparition des entraîneurs dans les années 1920. Mais son environnement physique et humain s’est nettement diversifié et complexifié lors de la période 1973-2010 : désormais, l’entraîneur se confronte à des interlocuteurs en nombre croissant, dans l’équipe, le club et en dehors du club ; il ne peut plus planifier à moyen terme et encore moins à long terme ; il ne peut plus utiliser une politique autoritaire vis-à-vis des joueurs pour leur imposer ses vues ; enfin, il ne peut plus compter sur des rapports de confiance et de sympathie avec des dirigeants soumis à des pressions économiques constantes. L’entraîneur de la période 1942-1972 consacrait l’essentiel de sa tâche à concocter et animer des séances d’entraînement sur le terrain. L’entraîneur de la période 1973 à nos jours a vu cette prédominance du terrain diminuer fortement. Si comme auparavant l’objectif à court terme est toujours sous-tendu par le gain du prochain match, l’animation des séances d’entraînement n’est plus qu’un élément parmi de nombreux autres qui caractérisent la fonction d’entraîneur, et parfois même est devenue une tâche connexe, à l’exemple de Laurent Blanc ou Arsène Wenger qui la délèguent à leurs adjoints. De surcroît, plus encore que par le passé, parce qu’il a moins de temps pour s’établir dans la durée, l’entraîneur doit cultiver un « processus de réflexion en cours d’action et sur l’action qui se situe au cœur de « l’art » qui permet aux praticiens de bien tirer leur épingle du jeu dans des situations d’incertitude, d’instabilité, de singularité et de conflits de valeurs » (P. Trudel, 2008).
Notes de bas de page
1 L’expression est empruntée Jean-Michel Brochen dans France Football n° 2990 bis, 1er août 2003.
2 Ces affaires qui datent de la fin des années 1950 et se prolongent dans les années 1960 sont toujours liées à des désaccords entre le joueur concerné et ses dirigeants, qui veulent soit s’opposer à son transfert, soit l’y contraindre. Sur ce sujet, J.-M. Faure et C. Suaud (1999), opus cit.
3 France Football n° 1422, 3 juillet 1973.
4 Le témoignage rétrospectif de Philippe Piat, représentant des joueurs en tant que président de l’UNFP, est significatif : « La logique d’apaisement doit beaucoup au rôle joué par Georges Boulogne, le représentant des entraîneurs. Il avait une position d’arbitre engagé, il a beaucoup travaillé à rapprocher les points de vue des uns et des autres ». France Football n° 2990 bis, 1er août 2003.
5 L’entraîneur français au service du football n° 141, mars 1975.
6 Procès-verbal non daté émanant des archives personnelles dactylographiées de Georges Boulogne et intitulé : Les stages d’entraîneurs-formateurs des centres de formation des clubs de Première et Deuxième Divisions. Ce procès-verbal mentionne deux stages, l’un tenu au mois d’avril 1975, l’autre en octobre 1975, on peut donc raisonnablement l’estimer de fin 1975.
7 G. Boulogne. Ibid.
8 France Football n° 1764, 29 janvier 1980.
9 Ibid. France Football titre d’ailleurs son article : « Les centres de formation : un luxe nécessaire ».
10 Ibid.
11 L’entraîneur français au service du football n° 188, juin 1983.
12 Dans le cas de ces trois clubs, cet entraînement quotidien est permis grâce à l’embauche des joueurs dans les entreprises liées aux activités du Président ou des dirigeants.
13 G. Boulogne. L’entraîneur français au service du football n° 188, juin 1983.
14 En 1983-1984, ce pourcentage est de 74 % pour la Division 2.
15 G. Boulogne. L’entraîneur français au service du football n° 248, juillet-août 1989.
16 L’entraîneur français au service du football n° 256, mai 1990.
17 France Football n° 2848 bis, 10 novembre 2000.
18 Lire le dossier consacré à ce sujet par France Football n° 3166, 12 décembre 2006.
19 Il s’agit du troisième niveau national français, après la Division 1 et la Division 2. Vient ensuite le plus haut niveau régional de cette époque, qui est la Division d’honneur.
20 L’entraîneur français au service du football, n° 188, juin 1983.
21 Marcel Husson, joueur professionnel dans les années 1960, a entraîné le centre de formation du FC Metz au début des années 1980 avant de prendre la direction de l’équipe professionnelle puis d’entraîner des clubs comme Lens ou Nancy.
22 Il s’agit de Joël Muller, entraîneur du centre de formation de Metz de 1984 à 1989 avant d’en devenir l’entraîneur professionnel à partir de 1989.
23 Entretien du 18 mars 2005. Philippe Gaillot a porté à 420 reprises le maillot du FC Metz, essentiellement en Ligue 1, entre 1984 et 2002. Il a accompli toute sa carrière dans le club lorrain à l’exception de la saison 1992-1993 effectuée à l’US Valenciennes. Depuis 2002, il fait partie du staff technique du FC Metz dont il est en 2014 le Directeur général adjoint en charge du recrutement.
24 G. Boulogne, L’entraîneur français au service du football, n° 188, juin 1983 : « Il est regrettable que les clubs n’attachent pas toujours un soin particulier à la recherche et au maintien en poste du responsable du centre de formation ».
25 G. Boulogne. L’entraîneur français au service du football n° 281, novembre 1992.
26 G. Boulogne. L’entraîneur français au service du football n° 284, mars 1993.
27 Gilbert Gress, entraîneur du FC Metz en 2002.
28 Entretien du 18 juillet 2003. Francis de Taddeo est l’entraîneur du centre de formation du FC Metz au moment de l’entretien. Ancien joueur amateur, il devient l’entraîneur du centre de formation du FC Metz en 1996. En 2006, trois années après cet entretien, après avoir obtenu le DEPF, il devient entraîneur de l’équipe professionnelle qu’il fait remonter en Ligue 1 dès la première saison passée à sa tête, avant d’être limogé quelques mois plus tard suite à une série de résultats défavorables en Ligue 1.
29 C’est en tout cas l’opinion de Jean-Marc Guillou. En finir avec les scandales du football. Paris, Première Ligne, 1994. p. 168.
30 Ibid.
31 France Football n° 2569, 10 juillet 1995.
32 Le nombre de ces techniciens a augmenté de façon significative au sein d’une même équipe depuis les années 2010. Ainsi, on dénombre par exemple quatre préparateurs physiques dans l’effectif professionnel de l’OGC Nice en 2014-2015.
33 G. Roux. France Football n° 2569, 10 juillet 1995. Les chiffres annoncés concernent aussi bien l’équipe professionnelle que le centre de formation.
34 En NFL (National Football League), chacune des 32 franchises professionnelles emploie de nombreux coaches : coordinateurs défensifs, offensifs, coaches de position, coaches de ligne… Se référer au témoignage de Richard Tardits, in B. Heimermann (1990).
35 Un club comme Lyon emploie cependant Sonny Anderson, son ex-attaquant vedette, en tant qu’entraîneur des attaquants en 2008-2009. Mais cet emploi contribue à alourdir la masse salariale du club.
36 P. Bonneteau, C. Chevally. 2004, opus cit. Selon le témoignage de Robert Herbin, « […] le vizir a voulu prendre la place du calife ».
37 Entretien du 18 juillet 2003. Jean Fernandez rajoute : « À Lille, j’avais un adjoint comme ça, et ça s’est très mal passé ». Jean Fernandez est entraîneur de Lille en 1994-1995, mais est remplacé par Jean-Michel Cavalli en août 1995 après seulement 5 matches de championnat.
38 Se reporter au témoignage de Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, dans France Football n° 3231 bis, 14 mars 2008.
39 Cependant après avoir occupé la fonction d’adjoint durant de nombreuses années, Georges Eo finira par accepter un poste d’entraîneur en chef. Lorsque Serge Le Dizet est limogé le 20 septembre 2006, Georges Eo devient entraîneur en chef. Mais victime des mauvais résultats du FC Nantes, il est à son tour remplacé par son adjoint Michel Der Zakarian le 12 février 2007.
40 France Football n° 2853, 12 décembre 2000.
41 Notamment entraîneur du PSG entre janvier 2007 et mai 2009.
42 France Football n° 2855, 26 décembre 2000.
43 France Football n° 2842 bis, 29 septembre 2000.
44 Témoignage de Patrick Barth, entraîneur des gardiens du FC Metz. Entretien du 8 juillet 2003.
45 Ce bilan est effectué au début de la saison 2007-2008.
46 Témoignage de Dominique Dropsy, ancien gardien de but professionnel de Valenciennes, Strasbourg puis Bordeaux, 17 sélections en équipe de France de 1978 à 1981, et entraîneur des gardiens de but de Bordeaux depuis 1990 et toujours en poste fin 2009. France Football n° 2842 bis, 29 septembre 2000.
47 Bruno Martini a connu 31 sélections en équipe de France au poste de gardien de but entre 1987 et 1996.
48 Si l’on recense les effectifs des clubs de Ligue 1 engagés en 2007-2008, on retrouve parmi les titulaires du certificat plusieurs noms. Pour la promotion 2005, Jean Dees (AS Saint-Étienne), Jean-Pierre Mottet (Lille OSC), Jean-Claude Nadon (FC Metz). Pour la promotion 2006 : Dominique Dropsy (Girondins de Bordeaux), Bruno Valencony (OGC Nice), Xavier Henneuse (US Valenciennes).
49 Il s’agit de Bordeaux, Lille, Marseille, Monaco, Paris, Rennes, Sedan, Sochaux et Troyes.
50 France Football n° 3200. 7 août 2007. Le FC Lorient annonce cependant trois préparateurs physiques sur son site internet officiel lors de cette même saison 2007- 2008.
51 Titulaires d’un diplôme STAPS (DESS ou maîtrise), Jérémy Moureaux (FC Mez, 2003- 2010) ; Stéphane Wiertelak (Stade rennais, 1997-2001 ; Paris SG, 2007-2009 ; FC Nantes depuis 2011), Christian Schmidt (Stade rennais, 2003-2009 ; AS Monaco, 2009-2011 ; OGC Nice, 2012) ont été préparateurs physiques dans des clubs professionnels.
52 La formation consiste en deux sessions d’une semaine, plus une troisième semaine d’examens. Les lauréats de la première promotion se sont vus délivrer le certificat en 2007.
53 Diplôme d’entraîneur de football, décrit en infra.
54 Avec simplement une interruption de deux années (1993-1995) pendant que Jean Tigana occupait le poste d’entraîneur. Robert Duverne a quitté sa fonction à l’Olympique Lyonnais en juin 2009 pour se consacrer exclusivement à l’équipe de France. Il restera dans l’encadrement tricolore, avant d’exercer à Aston Villa en 2010-2011, puis de revenir à l’Olympique Lyonnais en 2011.
55 De façon plus malheureuse, son nom est également associé à l’incident du bus de Knysna lors de la Coupe du Monde 2012 en Afrique du Sud (sur ce point, S. Beaud, 2011).
56 L’Équipe, 2 août 2004. Robert Duverne évoque le transfert de Didier Deschamps en Italie en 1994.
57 France Football n° 3169, 2 janvier 2007.
58 France Football n° 2962, 14 janvier 2003.
59 « Les présidents restaient les patrons, mais les pouvoirs des managers s’étaient étendus, atteignant probablement un sommet dans les années 1970 et 1980 ».
60 « Avec l’ascension de leurs profils, ils devinrent de plus en plus identifiés par les présidents, les fans et spécifiquement les médias comme les boucs émissaires lors des séries de mauvais résultats ».
61 Après avoir disputé 515 matches de championnat en tant que joueur du RC Strasbourg, René Hauss devient entraîneur du Standard de Liège avec lequel il remporte trois titres de champion de Belgique entre 1968 et 1973, puis manager général du FC Sochaux (1973-1985) et du Matra Racing (1985-1990). Pierre Garonnaire a été joueur à l’AS Saint-Étienne de 1943 à 1945 avant de devenir directeur sportif plus précisément chargé du recrutement de 1950 à 1989. L’AS Saint-Étienne lui doit notamment les trouvailles de Robert Herbin, Jean-Michel Larqué, Georges Bereta…
62 En 2003, Robert Budzinski, en poste depuis 1970, est toujours directeur sportif du FC Nantes. Il occupera cette fonction jusqu’en 2005, date à laquelle il atteint l’âge légal de la retraite.
63 France Football n° 2989, 22 juillet 2003.
64 Voir France Football n° 3192 bis, 15 juin 2007. Cela n’empêche pas le RC Strasbourg de descendre en Ligue 2 à l’issue de la saison 2007-2008. Jean-Marc Furlan est cependant maintenu dans ses fonctions pour la saison 2008-2009.
65 France Football n° 3237 bis, 25 avril 2008.
66 Georges Boulogne fera apparaître régulièrement cet article dans L’Entraîneur français. Il conserve le même texte, mais agrémente ses propos d’exemples différents, selon les évènements de la dernière saison écoulée. L’article est repris dans les numéros 236 (mai 1988), 276 (mai 1992), 303 (mai-juin 1995) de L’Entraîneur français.
67 L’entraîneur français au service du football n° 188, juin 1983.
68 Franz Beckenbauer est une légende du football mondial. Il a remporté la Coupe du Monde avec l’équipe d’Allemagne en tant que joueur en 1974 et en tant que sélectionneur en 1990.
69 France Football n° 2356, 4 juin 1991.
70 France Football n° 2488, 14 décembre 1993.
71 France Football n° 2847 bis, 3 novembre 2000.
72 France Football n° 2649, 14 janvier 1997.
73 Étude de France Football n° 2844, 10 octobre 2000.
74 France Football n° 2844, 10 octobre 2000.
75 Extrait du rapport Éric Besson, « Pour accroître la compétitivité des clubs de football français », paru en novembre 2008.
76 G. Boulogne. Procès-verbal de la réunion des entraîneurs de Première Division, 18 et 19 décembre 1972.
77 Le nouveau contrat à temps pour un joueur professionnel est d’une durée de 4 saisons minimum pour les moins de 24 ans, de 3 saisons minimum pour les joueurs qui ont entre 24 et 27 ans, etc.
78 Consulter par exemple L’Entraîneur français n° 136, mars 1969.
79 France Football n° 2969, 4 mars 2003.
80 Procès-verbal de l’Assemblée générale de l’UNECATEF, 7 décembre 1987.
81 Chiffres fournis par la ligue nationale de football.
82 Sans compter les joueurs issus des centres de formation, qui n’ont que des contrats stagiaires, mais sont susceptibles de se révéler en cours de saison et de postuler à une place dans l’équipe professionnelle.
83 France Football n° 2851, 28 novembre 2000.
84 Ibid.
85 Luis Fernandez est sélectionné 60 fois en équipe de France entre 1982 et 1992. Sa carrière d’entraîneur s’étend de 1993 à 2011. Au cours de celle-ci, il remporte la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe avec le Paris SG en 1996.
86 Ces deux joueurs sont internationaux espoirs en 2001.
87 France Football n° 2904, 4 décembre 2001.
88 Ibid.
89 Entretien du 18 juillet 2003.
90 Élie Baup. France Football n° 2961 bis, 10 janvier 2003.
91 Jean Vincent a été un des grands joueurs professionnels français des années 1950, durant lesquelles il s’est forgé un palmarès impressionnant, notamment au Stade de Reims. Il a été sélectionné à 46 reprises en équipe de France entre 1953 et 1961. En tant qu’entraîneur, il a officié à Nantes entre 1976 et 1982, équipe avec laquelle il a remporté deux titres de champion de France en 1977 et 1980, et une Coupe de France en 1979. Il a entraîné ensuite Rennes de 1982 à 1984.
92 Le salaire moyen en France est en 1982 de 5864 francs selon l’INSEE.
93 Bruno Bellone compte 34 sélections en équipe de France entre 1980 et 1988, et fait partie de l’équipe championne d’Europe des nations en 1984.
94 France Football n° 2820, 25 avril 2000.
95 Ibid, p. 57.
96 France Football n° 3235, 6 avril 2008.
97 Djibril Cissé, selon cette enquête, est en tête avec 4,8 millions d’euros.
98 On peut se référer ici à l’exemple cité par Luis Fernandez lorsqu’il évoque sa cohabitation avec le joueur Ronaldinho lors de son second mandat au PSG. « On appelle cela les enjeux économiques, moi je les nomme Ronaldinho […]. Mais quand votre président vous dit : « Entre Ronaldinho et Fernandez, j’ai choisi », que voulez-vous faire ? ». France Football n° 3235, 11 avril 2008.
99 France Football n° 3234 bis, 4 avril 2008.
100 Ce nombre était de 19 contrats professionnels par club en 1995-1996, de 20 en 1996- 1997, et de 23 en 1999-2000.
101 Entretien avec José Cobos (Nice), Olivier Quint (Nantes), Nestor Fabbri (Guingamp). France Football n° 2962, 14 janvier 2003.
102 France Football n° 3014 bis, 16 janvier 2004.
103 Voir par exemple les propos tenus par Élie Baup (à Bordeaux en 2003, puis à Toulouse en 2008), respectivement dans France Football n° 2961 bis, 10 janvier 2003, et dans France Football n° 3234 bis, 4 avril 2008.
104 Cette profession a émergé à la fin des années 1970, mais jusqu’à la fin des années1990, a été pratiquée par un nombre restreint de professionnels, de l’ordre de deux à trois dizaines. En 2009, le nombre de licences délivrées à des agents exerçant en France est de 246.
105 Ce qui constitue une baisse par rapport aux 34, 57 % de la saison 2005-2006 ou aux 33,42 % de la saison 2007-2008 (chiffres fournis par l’Observatoire des footballeurs professionnels).
106 L’Observatoire des footballeurs professionnels a été créé en 2006 par le CIES et le centre d’études et de recherches sur le sport (CERSOT) de l’université de Franche-Comté avec l’aval de Sepp Blatter, président de l’UEFA. Son but est l’analyse longitudinale du marché du travail des footballeurs professionnels. L’observatoire étudie les cinq ligues européennes majeures : Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne et France.
107 Ce phénomène n’est pas spécifique au seul football. En effet, lors de la saison 2005- 2006, les clubs du Top 14 de rugby comptaient 33, 20 % d’étrangers, , ceux de la pro A de basket-ball 43,85 % et ceux de la pro A de volley-ball 41, 3 % (ce chiffre culminant à 47, 85 % pour la pro A de volley-ball féminin). Chiffres recueillis au colloque Légisport de Marseille, le 8 décembre 2006.
108 Il peut aussi effectuer ce stage dans le cadre d’une compétition internationale (seniors ou jeunes) en fonction du cahier des charges de la DTN, ce qui l’amène à rencontrer d’autres techniciens étrangers.
109 France Football n° 3148, 8 août 2006. D’autres clubs enregistrent des mouvements remarquables : Lorient, avec 13 départs et 14 arrivées, Le Mans avec 11 départs et 11 arrivées…
110 France Football n° 3252, 5 août 2008. Un club comme Nantes compte 11 départs et 12 arrivées, Toulouse 12 départs et 9 arrivées…
111 « Il y a un effectif de plus de trente joueurs, et je suis incapable de travailler avec autant de personnes à l’entraînement ». France Football n° 2985 bis, 27 juin 2003.
112 Alain Perrin, entraîneur de l’Olympique de Marseille, déclare : « Certains joueurs se complaisent dans leur rôle de potiche ». France Football n° 2985 bis, 27 juin 2003.
113 C’est par exemple le cas de Christian Gourcuff à Lorient. France Football n° 3214, 13 novembre 2007.
114 Francis Gillot, FC Sochaux. France Football n° 3236 bis, 18 avril 2008.
115 France Football n° 3196, 10 juillet 2007.
116 Pierre Dréossi (Stade rennais) et Frédéric Antonetti (OGC Nice). France Football n° 3214, 13 novembre 2007.
117 Entretien du 11 septembre 2008.
118 France Football n° 3232 bis, 21 mars 2008.
119 En handball, basket-ball, volley-ball, hockey sur glace, les remplacements sont illimités. En rugby, 8 changements de joueurs par match sont autorisés.
120 Jean-Marc Furlan, entraîneur de Strasbourg. France Football n° 3214, 13 novembre 2007.
121 Laurent Roussey est l’entraîneur de l’AS Saint-Étienne. France Football n° 3214, 13 novembre 2007.
122 France Football n° 3214, 13 novembre 2007.
123 L’Équipe Magazine n° 970, 2 décembre 2000. Philippe Bergeroo est alors l’entraîneur du Paris SG.
124 Le milieu de terrain troyen évoque l’intervention de son entraîneur Faruk Hadzibegic lors de la pause de la mi-temps. France Football n° 2962, 14 janvier 2003.
125 Ricardo, entraîneur de l’AS Monaco. France Football n° 3203 bis, 31 août 2007.
126 France Football n° 26 octobre 2007.
127 Éric Gerets, entraîneur de l’Olympique de Marseille. France Football n° 3223 bis, 11 janvier 2008.
128 Témoignage de Guy Roux, recruté par Lens en juin 2007, et qui démissionne après 4 matches de championnat. France Football n° 3203, 28 août 2007.
129 France Football n° 3223 bis, 11 janvier 2008.
130 Antoine Kombouaré, entraîneur de Valenciennes. France Football n° 3206 bis, 21 septembre 2007.
131 Jean François Domergue, entraîneur du Havre. France Football n° 2961 bis, vendredi 10 janvier 2003.
132 France Football n° 3070 bis, 11 février 2005.
133 C’est le cas de Christian Gourcuff à Lorient, qui délègue parfois à Sylvain Ripoll la préparation et la conduite de séances. France Football n° 3214, 13 novembre 2007.
134 Jean Fernandez, entraîneur de l’AJ Auxerre. France Football n° 3225 bis, 1er février 2008.
135 France Football n° 3203, mardi 28 août 2007. Ce commentaire détaille les méthodes de Guy Roux, l’ancien entraîneur de l’AJ Auxerre. France Football n° 11 septembre 2008 renforce cette idée : « Plus bavards, en privé, certains joueurs évoquent des méthodes de travail « ancestrales » et raillent la « rigidité » des exercices proposés à l’entraînement ».
136 France Football n° 3214, 13 novembre 2007.
137 France Football n° 2832 bis, 21 juillet 2000. Rolland Courbis entraîne alors le RC Lens.
138 France Football n° 3232 bis, 21 mars 2008.
139 L’Équipe magazine n° 1055, 3 août 2002. Paul Le Guen est l’entraîneur de Lyon.
140 Francis Gillot, entraîneur du FC Sochaux. France Football n° 3236 bis, 18 avril 2008.
141 France Football n° 2950, 22 octobre 2002.
142 France Football n° 2847 bis, 3 novembre 2000.
143 France Football n° 2178, 5 janvier 1988.
144 Il existe également un trophée de meilleur entraîneur de Ligue 2, qui a vu le jour en 2001.
145 Alain Perrin. L’Entraîneur français n° 349, janvier 2003.
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