Avant-propos
p. 7-8
Texte intégral
1Phénomène contemporain, qui s’accélère ces dernières années, la médiatisation de la vie privée et de l’intimité est désormais devenue une réalité de notre époque, non sans poser des problèmes multiples. Politologues et sociologues s’interrogent sur l’équilibre qu’il convient de conserver dans nos sociétés entre transparence et secret, car cet équilibre entre la transparence, nécessaire dans une démocratie, et la revendication du secret, légitime pour tout un chacun, ne cesse aujourd’hui d’être menacé par la soif du sensationnel et par le développement des nouvelles technologies qui accroissent les moyens de l’indiscrétion. Notre époque est marquée par une tension croissante entre la tyrannie de l’intimité et la confusion accrue de la vie publique et de la vie privée.
2Mais est-ce vraiment propre à notre société post-moderne ? Qu’en était-il auparavant ? Comment s’affichaient sur la place publique les bonheurs, les heurts et malheurs des existences ? Quels étaient les sujets qui, relevant de l’intime, ne pouvaient être exposés ? À l’inverse, qu’acceptait-on de dévoiler ? Où se situait la pudeur ? Quels étaient les sujets de scandales les plus fréquents ? Par quels canaux la vie privée se dévoilait-elle ? Quelles étaient les réactions du public ? Quels sont les changements apportés par notre société contemporaine ? Autant de questions auxquelles les communications présentées au colloque « La médiatisation de la vie privée (XVe-XXe siècle) », qui s’est tenu à l’université d’Artois les 21 et 22 octobre 2010, ont apporté une série de réponses adossées à des exemples précis.
3Les chercheurs se sont inscrits dans trois axes principaux : la part du secret, le scandale et la transgression, et la volonté de faire savoir. Le premier axe concerne la part de l’intimité dévolue à la vie privée, stricto sensu. Il s’agit de déterminer ce qui, en fonction des époques et des milieux sociaux, doit être tenu secret et ce qui peut être exposé, ce qui revient à déterminer les seuils du scandale et leur variation au cours de l’histoire. Qu’a-t-on l’habitude de dire sur soi, sur ses sentiments, sur ses croyances, sur ses proches, sur sa famille, et qu’a-t-on l’habitude de taire ? Où se situent les limites ? Comment et par qui sont-elles imposées ? Comment perçoit-on l’amour ? Que peut-on dévoiler de la sexualité ? Que dit-on et à qui le dit-on ? Quelle est la nature des confidences que l’on peut faire ? Quelle différence y a-t-il entre la confession et la confidence ? La distinction sexuelle est-elle un paramètre pertinent ? Pourquoi le public est-il si curieux d’entrer dans l’intimité d’autrui ?
4Le second axe de la réflexion est centré sur l’évolution de la notion de scandale. Certes la transgression est toujours un objet de curiosité majeure, mais elle se définit aussi par réaction à des normes morales soumises à des évolutions, qu’il s’agissent des normes morales de l’Église ou de la législation émanant du pouvoir. La notion de scandale se différencie-t-elle en fonction des milieux sociaux et du sexe ? On constate ainsi que les transgressions, qui apparaissent d’abord comme l’apanage d’une élite, à mesure qu’elles se diffusent dans la société, finissent par changer les normes éthiques et donc par réduire ou modifier les motivations de scandales.
5Le troisième axe de réflexion a consisté à analyser les raisons qui poussent un individu à vouloir être objet de scandale. Le scandale qui implique une exposition de soi, susceptible d’aller jusqu’à une exhibition de soi, n’est pas toujours vécu exclusivement comme une transgression. Il peut apparaître comme un passage obligé pour faire triompher un choix de vie. Quelles fonctions symboliques remplit-il dès lors et comment, dans cette perspective, la frontière entre ce qui est caché et ce qui est public évolue-t-elle ? Dans notre société contemporaine, où ceux qui sont exposés le sont souvent volontairement, on peut se demander dans quelle mesure le scandale ne résulte pas d’un acte délibéré destiné à produire un gain. Dévoiler son intimité n’est-il pas le passage obligé pour tous les hommes politiques ou les vedettes s’ils veulent devenir un people ? Le prix à payer pour être connu et, plus encore, reconnu, est inversement proportionnel à ce que l’on accepte de révéler sur soi. Pour inscrire son nom dans l’histoire, même modestement, il faut consentir à lever une partie du voile de son intimité : une véritable aubaine pour l’historien !
Auteur
Maître de conférences habilitée à diriger des recherches en Histoire Moderne, Université d’Artois, CREHS.
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