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Introduction

p. 13-15


Texte intégral

1Au XXIe siècle, le sport et l’olympisme sont des réalités complexes qui s’inscrivent à la fois en rupture mais aussi en continuité avec leur projet initial. De quel sport parle-t-on finalement ? Du « sport civil » qui demeure l’apanage des clubs, d’un sport qui serait plus éducatif parce que se déclinant dans les établissements scolaires, d’un sport plus « émotionnel » qui trouverait sa place dans les formes les plus achevées du sport-spectacle, ou encore de pratiques plus informelles, moins contraignantes, et par-là moins visibles ? On pourrait d’emblée poser les mêmes questions pour ce qui relève de « l’idée olympique », dont Pierre de Coubertin dans son discours inaugural de 1894 pensait qu’elle allait « éclairer d’une joyeuse espérance le seuil du vingtième siècle »1 ? Pourquoi, en ce début de XXIe siècle, les Jeux connaissent-ils un tel engouement au point d’être devenus un événement planétaire récurrent, et pas seulement en termes d’audience médiatique ? Quelle peut être la place, dans ce concert régulier des nations sportives, des valeurs de l’olympisme, et comment peuvent-elles encore trouver une légitimité dans un espace des sports « uniformément changeant » et pollué par les « affaires » ? L’environnement qui a engendré ces idées a priori généreuses résiste-t-il facilement à cette inévitable confrontation avec les enjeux économiques et politiques de nos sociétés contemporaines, où la marchandisation n’épargne aucun domaine ?

2Au-delà de la seule histoire factuelle des Jeux et des sports, dont les historiens se sont déjà emparés, c’est bien la question de l’héritage et de la modernité (ou non) de l’olympisme qui se trouve ici posée. C’est l’interrogation nécessaire de la pérennité « d’une philosophie de la vie, exaltant et combinant en un ensemble équilibré les qualités du corps, de la volonté et de l’esprit »2, et de l’articulation des fondements originels de la doctrine coubertinienne aux réalités du temps présent : la valeur éducative du sport, l’adoption de principes éthiques universels, ou encore l’idée de « trêve olympique », devraient finalement peser bien peu face aux enjeux d’un sport-business et à ses dérives (dopage, affairisme, violences, corruption), que nul ne peut ignorer.

3« L’idée olympique » affiche pourtant une étonnante vitalité en ce début du XXIe siècle, et c’est précisément cette longévité et l’ancrage socioculturel des valeurs qui en sont le fondement que le présent ouvrage se propose modestement d’interroger. « Vaste programme » ou « expérimentation hasardeuse » lorsqu’on sait combien l’étude du « fait olympique » ne laisse jamais indifférent ceux qui s’en approchent. Face aux productions et postures qui oscillent entre une « hagiographie bon teint » et une « stigmatisation au vitriol », les coordinateurs du présent ouvrage ont précisément choisi de ne pas choisir, et de laisser entière liberté aux contributeurs. Sans doute les thuriféraires de l’olympisme pourront-ils leur reprocher un manque d’enthousiasme là où les habituels contempteurs du CIO y verront une forme de veulerie à l’égard des puissants. Comme n’importe quel objet, nous pensons qu’il mérite d’être soumis à « l’éthique de la discussion » et qu’un regard pluridisciplinaire n’est pas le moins incongru en la matière.

4C’est ce qui justifie précisément cette architecture en trois parties, chacune d’entre elles étant précédée d’une courte présentation : la première, centrée sur « les réalités historiques » et précédée de la belle conférence inaugurale de Georges Vigarello, s’attachera à rapidement retracer les fondements du sport et de l’olympisme pour mieux saisir leurs évolutions les plus contemporaines, à la fois sous l’angle de la doctrine olympique elle-même, puis de la question désormais prégnante du genre. Dans un deuxième temps, un détour par « les réalités sportives » permettra d’identifier les systèmes de valeurs, de croyances et de représentations des athlètes ou de leurs cadres, afin de mieux comprendre, à travers la vie quotidienne des clubs et des institutions, la nature des discours, comportements et autres déclinaisons de cet « olympisme au quotidien », qui en assure finalement le caractère pérenne. Comment enfin ne pas s’attarder sur « les réalités médiatiques » et les formes de traitement les plus récentes des valeurs sportives et olympiques, et ce afin de mettre en lumière la responsabilité sociale des journalistes et des acteurs des instances sportives, via les processus de diffusion de l’information ?

5Un mot enfin, sur l’éclectisme qui préside naturellement à ce genre d’entreprise, mais dont on aura compris qu’il procède de choix méthodologiques et scientifiques assumés. Le lecteur ne doit pas être surpris par la forme des contributions et, ici et là, de l’usage de l’anglais. Non pour céder aux ukases des agences d’évaluation dont certaines ne jurent désormais que par la langue de Shakespeare, mais par simple respect pour les contributeurs qui ont fait ce choix. Dans le même ordre d’idées, certains textes se présentent sous la forme d’une simple retranscription (parfois traduite en français) de la communication réalisée lors du colloque là où d’autres contributeurs ont privilégié une version remaniée de leur intervention. La diversité des usages et cultures disciplinaires, compte tenu la nationalité des contributeurs, aura également compliqué une présentation uniforme des notes de bas de page et justifie la présence (ou non) de références bibliographiques parfois situées en fin d’article. Nous nous en remettons, au moins sur ce point, à la bienveillance du lecteur.

Notes de bas de page

1 Discours de Pierre de Coubertin au congrès de Paris, juin 1894 (extrait). Consulter : Patrick Clastres, La renaissance des Jeux olympiques : une invention diplomatique, Outre-terre, 2004, n° 8, p. 281-291.

2 Pierre de Coubertin, Mémoires olympiques, Éditions Bartillat, 2016, 240 p. (rééd.)

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