L'Edit de Nantes (extraits)
p. 113-116
Texte intégral
1Henry par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, A tous présents et à venir. Salut.
2Entre les graces infinies qu’il a plu à Dieu nous départir, celle est bien des plus insignes et remarquables de nous avoir donné la vertu et la force de ne céder aux effroyables troubles, confusions et désordres qui se trouvèrent à notre avènement à ce royaume, qui était divisé en tant de parts et de factions que la plus légitime en était quasi la moindre, et de nous être néanmoins tellement roidis contre cette tourmente que nous l’ayïons enfin surmontée et touchions maintenant le port de salut et repos de cet Etat. De quoy à luy seul en soit la gloire tout entière et à nous la grace et l’obligation qu’il se soit voulu servir de notre labeur pour parfaire ce bon œuvre auquel il a été visible à tous si nous avons porté ce qui étoit non seulement de notre devoir et pouvoir, mais quelque chose de plus qui n’eût peut-être pas été en autre temps bien convenable à la dignité que nous n’avons plus eu crainte d’y exposer puisque nous y avons tant de fois et si librement exposé notre propre vie.
3……
4Entre lesdits affaires auxquelles il a fallu donner patience et l’un des principaux ont été les plaintes que nous avons reçues de plusieurs de nos provinces et villes catholiques de ce que l’exercice de la religion catholique n’étoit pas universellement rétabli comme il est porté par les édits cy-devant faits pour la pacification des troubles à l’occasion de la religion. Comme aussi les supplications et remontrances qui nous ont été faites par nos sujets de la religion prétendue réformée, tant sur l’inexécution de ce que leur est accordé par lesdits édits que sur ce qu’ils désireraient y être ajouté pour l’exercice de leurdite religion, la liberté de leurs consciences, et la sûreté de leurs personnes et fortunes...... maintenant qu’il plaît à Dieu commencer à nous faire jouir de quelque meilleur repos, nous avons estimé ne le pouvoir mieux employer qu’à vaquer à ce qui peut concerner la gloire de son saint nom et service et à pourvoir qu’il puisse être adoré et prié par tous nos sujets et s’il ne luy a plu permettre que ce soit pour encores en une même forme et religion, que ce soit au moins d’une même intention et avec telle règle qu’il n’y ait point pour cela de trouble et de tumulte entr’eux, et que nous et ce royaume puissions toujours mériter et conserver le titre glorieux de Très chrétien...
5……
6Pour cette occasion, ayant reconnu cet affaire de très-grande importance et digne de très-bonne considération, après avoir repris les cahiers des plaintes de nos sujets catholiques, ayant permis à nosdits sujets de ladite religion prétendue réformée de s’assembler par députez pour dresser les leurs et mettre ensemble toutes leursdites remontrances et, sur ce fait, conféré avec eux par diverses fois, et revu les édits précédens, nous avons jugé nécessaire de donner maintenant sur le tout à tous nosdits sujets une loy générale, claire, nette et absolue...
7……
8Pour ces causes, ayans avec l’avis des princes de notre sang, autres princes et officiers de la Couronne et autres grands et notables personnages de notre Conseil d’Etat étans près de nous, bien et diligemment pesé et considéré tout cette affaire, avons par cet Edit perpétuel et irrévocable, dit, déclaré et ordonné, disons, déclarons et ordonnons :
9I. Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre, depuis le commencement du mois de mars 1587 jusques à notre avènement à la couronne et durant les autres troubles précédens et à leur occasion d’iceux, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue...
10II. Défendons à tous nos sujets, de quelque état et qualité qu’ils soient, d’en renouveller la mémoire ; s’attaquer, ressentir, injurier, ni provoquer l’un l’autre par reproche de ce qui s’est passé, pour quelque cause et prétexte que ce soit, en disputer, contester, quereller ni s’outrager ou s’offenser de fait ou de parole, mais se contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et concitoyens,...
11III. Ordonnons que la religion catholique, apostolique et romaine sera remise en tous lieux et endroits de cettuy notre royaume et pais de notre obéissance où l’exercice d’icelle a été intermis pour y être paisiblement et librement exercée sans aucun trouble ou empêchement...
12VI. Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et différents entre nos sujets, avons permis et permettons à ceux de ladite religion prétendue réformée vivre et demeurer par toutes les villes et lieux de cettuy notre royaume et païs de notre obéissance, sans être enquis, vexez, molestez ni astreints à faire chose pour le fait de la religion contre leur conscience,...
13VII. Nous avons aussi permis à tous seigneurs, gentilshommes et autres personnes, tant régnicoles qu’autres, faisans profession de la religion prétendue réformée, ayans en notre royaume et païs de notre obéissance haute justice ou plein fief de haubert, comme en Normandie, soit en propriété ou usufruit, en tout ou par moitié ou pour la troisième partie, avoir en telle de leurs maisons desdites hautes justices ou fiefs susdits, qu’ils seront tenus nommer devant nos baillifs et sénéchaux, chacun en son détroit, pour leur principal domicile l’exercice de ladite religion, tant qu’ils y seront résidens, et en leur absence, leurs femmes ou bien leur famille ou partie d’icelle... Nous leur permettons aussi avoir ledit exercice en leurs maisons de haute justice ou fiefs susdits de haubert tant qu’ils y seront présens et non autrement, le tout tant pour eux, leur famille, sujets, qu’autres qui y voudront aller.
14VIII. Es maisons des fiefs où ceux de ladite religion n’auront ladite haute justice ou fief de haubert, ne pourront faire ledit exercice que pour leur famille tant seulement. N’entendons toutefois, s’il y survenoit d’autres personnes jusques au nombre de trente, outre leur famille...
15IX. Nous permettons aussi à ceux de ladite religion faire et continuer l’exercice d’icelle en toutes les villes et lieux de notre obéissance où il étoit par eux établi et fait publiquement par plusieurs et diverses fois en l’année mil cinq cens quatre-vingts seize et en l’année mil cinq cens quatre-vingts dix-sept,...
16X. Pourra semblablement ledit exercice être établi et rétabli en toutes les villes et places où il a été établi ou dû être par l’édit de pacification fait en l’année mil cinq cens soixante et dix-sept, articles particuliers et conférences de Nérac et Fleix, sans que ledit établissement puisse être empêché ès lieux et places du domaine donnez par ledit édit, articles et conférences, pour lieux de bailliages ou qui le seront cy-après, encores qu’ils ayent été depuis aliénez à personnes catholiques ou le seront à l’avenir. N’entendons toutefois que ledit exercice puisse être rétablies ès lieux et places dudit domaine qui ont été cy-devant possédez par ceux de ladite religion prétendue réformée, esquels il auroit été mis en considération de leurs personnes ou à cause du privilège des fiefs, si lesdits fiefs se trouvent à présent possédez par personnes de ladite religion catholique, apostolique et romaine.
17XI. Davantage, en chacun des anciens bailliages, sénéchaussées et gouvernemens tenans lieu de bailliages, ressortissans nuëment et sans moyens ès cours de parlement, nous ordonnons qu’ès faubourgs d’une ville, outre celles qui leur ont été accordées par ledit Edit, articles particuliers et conférences, et au cas où il n’y auroit des villes, en un bourg ou village l’exercice de ladite religion prétendue réformée se pourra faire publiquement pour tous ceux qui y voudront aller, encores qu’esdits bailliages, sénéchaussées et gouvernemens il y ait plusieurs lieux où ledit lieu de bailliage présent établi, fors et excepté pour ledit lieu de bailliage nouvellement accordé par le présent Edit, les villes esquelles il y a archevêché et évêché...
18XXVII. Afin de réünir d’autant mieux les volontez de nos sujets, comme est notre intention, et ôter toutes plaintes à l’avenir, déclarons tous ceux qui font et feront profession de ladite religion prétendue réformée capables de tenir et exercer tous états, dignitez et charges publiques quelconques, ... et d’être indifféremment admis et reçus en iceux et se contenteront nos cours de parlemens et autres juges d’informer et enquérir sur la vie, mœurs, religion et honnête conversation de ceux qui sont ou seront pourvus d’offices, tant d’une religion que d’autre, sans prendre d’eux autre serment que de bien et fidèlement servir le Roy en l’exercice de leurs charges et garder les ordonnances comme il a été observé de tous tems. Et la clause dont il a été ci-devant usé aux provisions d’offices, après qu’il sera apparu que l’impétrant est de la religion catholique, apostolique et romaine, ne sera plus mise ni insérée ès lettres de provision*.
19Articles particuliers :
20VI. Sur l’article faisant mention des bailliages, a été déclaré et accordé ce qui s’ensuit. Premièrement, pour l’établissement de l’exercice de ladite religion, ès deux lieux accordez en chacun bailliage, sénéchaussée et gouvernement, ceux de ladite religion nommeront deux villes, ès faux-bourgs desquelles ledit exercice sera établi par les commissaires que Sa Majesté députera pour l’exécution de l’Edit... Secondement, qu’au gouvernement de Picardie ne sera pourvu que de deux villes, aux faux-bourgs desquelles ceux de ladite religion pourront avoir l’exercice d’icelle pour tous les bailliages, sénéchaussées, et gouvernemens qui en dépendent,...
Notes de fin
* Phrase supprimée lors de l'enregistrement par le Parlement de Paris, le 25 février 1599.
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