Traduction poétique et mémoire implicite : traduire Donata Berra
p. 181-194
Résumé
Partant de l’observation que la traduction de la poésie consiste toujours en une métamorphose de la poésie, cet article explore les motivations personnelles et profondes, conscientes ou non, qui sont à l’œuvre dans les choix de traduction. Dans une première partie, le processus de traduction est abordé à partir de quatre points essentiels dont l’auteure relève l’importance dans son propre parcours de traductrice, et qui sont les lectures, les rythmes, les expériences et la « poéthique ». Si les œuvres lues constituent indéniablement la toile de fond du travail du traducteur, il est généralement difficile de comprendre comment se fait l’interaction, car elle se produit souvent dans la mémoire implicite. Quant aux rythmes, ils constituent le corps du poème, et celui-ci est nécessairement métamorphosé dans la traduction, puisque inscrit dans un espace et un temps nouveaux. Dans la deuxième partie, ces notions permettent à l’auteure d’observer ses propres traductions tirées du recueil A memoria di mare de Donata Berra, auteure italienne contemporaine vivant en Suisse. Après une présentation des spécificités des deux textes, Mallarmé s’impose comme la référence pertinente de la traduction, d’abord invoquée instinctivement puis confirmée. Le rythme et les sonorités, le passage du concret à l’abstrait (symbolique ou métaphorique), la syntaxe et les choix lexicaux sont examinés sous cet angle. La question des multiples strates de la mémoire est par ailleurs au cœur du second poème, dans la métaphore de la mer, révélatrice de la dimension éthique de la poésie et de son pouvoir de résistance.
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Mots-clés : Traduction, Poésie, Langue italienne, Berra (Donata)
Texte intégral
1La traduction de la poésie », écrit Monica Pavani (2012 : 152) dans un article consacré à ses traductions en italien de la poète Sylviane Dupuis, « est forcément métamorphose de la poésie »1. La métamorphose opérée par la lecture profonde d’un texte qu’est la traduction est souvent difficile à saisir. Il faut du temps pour connaître une œuvre, pour nouer avec elle un dialogue fécond. Quand la rencontre avec le texte – et parfois l’auteur – a lieu, le lien qui se tisse n’est plus seulement une expérience littéraire ou poétique, mais une expérience profonde et humaine. La question centrale qui orientera ma réflexion sur cette pratique singulière est : avec qui et avec quoi traduit-on ? Autrement dit, par qui et par quoi sommes-nous guidés, consciemment ou à notre insu, lorsque nous traduisons un texte poétique ? Je partirai dans un premier temps de mon point de vue de traductrice de poètes contemporains de langue italienne, et proposerai dans un deuxième temps une réflexion à partir de deux poèmes de Donata Berra, auteure italienne vivant en Suisse, dans l’original et dans ma propre traduction.
1. Expériences de traduction de poètes contemporains de langue italienne
2Depuis une quinzaine d’années, mon activité de traductrice m’a permis d’aborder essentiellement des auteurs contemporains de langue italienne, certains à leurs premières publications (Massimo Gezzi et Elena Jurissevich), et d’autres confirmés, comme Pierre Lepori ou Leopoldo Lonati. Mais mon attachement va à Fabio Pusterla, auteur incontournable de la poésie italienne contemporaine. Au-delà de la diversité qui se dégage de chacune de ces œuvres, une réflexion s’impose sur ce qui peut réunir ces expériences singulières. J’explorerai la question centrale de ce qui guide mon activité de traductrice en abordant quatre points constitutifs du processus de « métamorphose de la poésie » : lectures ; rythmes ; expériences ; « poéthique ».
2. Lectures
3Comme l’écrit Monica Pavani dans l’article déjà cité : « dans notre style ou notre voix de traduction, il y a toujours la leçon des maîtres que nous aimons, qui donne une direction à la voix traduisante » (2012 : 157). Quels textes sont là lorsque je traduis ? Quels auteurs ? Quelles œuvres philosophiques, picturales, photographiques, cinématographiques ? Le terme « lectures » est donc à comprendre au sens large. Ces questions, aussi difficile puisse-t-il être d’y répondre, sont pourtant centrales. Les poètes qui m’accompagnent depuis toujours ? Des classiques et contemporains français (rimbaud, Mallarmé, Éluard, Supervielle, puis Jaccottet, Emaz…), ou d’autres langues (Pessoa, Celan, Dickinson, Darwich, Södergran…), de nombreux prosateurs –, des penseurs, des artistes, des cinéastes. La liste serait longue. Ont leur importance également les auteurs, artistes, etc. qui furent ou sont essentiels pour les poètes que je traduis et certains des auteurs que j’ai traduits eux-mêmes, ceux qui m’ont accompagnée sur la durée dans le processus d’écriture en traduction. Il n’est cependant pas aisé de savoir de quelle façon ces lectures font signe lorsqu’on traduit. Je pourrais dire consciemment que j’ai traduit Jurissevich avec rimbaud, Lepori avec Guidacci et Laederach, Lonati avec Novalis, Gezzi avec Pusterla, et Pusterla avec, notamment, Benn, Fortini et Jaccottet. Mais la plus grande part de ces influences et des interférences nous échappe.
4S’il est difficile de dire comment le croisement de deux langues, de deux cultures, de deux vies de lectures et d’expériences constituant une toile de fond influence concrètement le travail de traduction, c’est parce qu’il fait appel la plupart du temps à ce que les scientifiques (les premiers, Graf et Schacter en 1985) appellent la « mémoire implicite »2. La mémoire implicite (ou les connaissances implicites) est une forme de mémoire où l’on ne retient pas l’expérience qui en est à l’origine. Le rappel se fait automatiquement, sans les efforts nécessaires à la mémoire explicite. On peut y voir un écho aux Transactions secrètes de Jaccottet, et plus lointainement aux Correspondances de Baudelaire. Aborder les deux poèmes de Donata Berra permettra de mieux cerner cette question par un exemple concret.
3. Rythmes
5Dans la traduction de la poésie, la question du rythme est évidemment centrale, mais aussi délicate ; elle a été abondamment discutée3 et je me limiterai à en aborder quelques aspects permettant de réfléchir à la question du temps, de différents « temps » en jeu dans la traduction.
6Traduire un poème, c’est tout d’abord accepter de s’arrêter, d’entrer dans un temps autre, qui échappe à la multiplicité des activités auxquelles le monde d’aujourd’hui tente de nous astreindre ; c’est aussi devoir s’arrêter pour entrer dans le rythme-temps du poème, de chaque poème en particulier ; et d’entrer dans le temps de sa propre intériorité, faisant silence en soi pour écouter les voix du poème. S’arrêter pour faire silence en soi ne signifie pas que les rythmes propres au lecteur-traducteur soient étouffés. Si l’on accepte avec Dessons et Meschonnic (1998 : 28) que le rythme est « l’organisation du mouvement de la parole par un sujet », alors le rythme est une notion subjective, relevant du discours, d’une attitude dans la langue qui marque la position du sujet écrivant. Dès lors, le lecteur-traducteur déchiffre le rythme d’un auteur à travers ses propres rythmes, sa propre attitude dans la langue, qui s’actualisera et s’inscrira dans sa traduction. S’arrêter pour faire silence en soi signifie donc encore moins, pour ceux qui ont une œuvre propre, étouffer leur voix poétique ; lorsqu’un traducteur ayant une œuvre propre traduit un autre poète, un « incontro poïetico » (Buffoni 2007 : 32) a lieu ; il est alors possible d’analyser comment s’opère ce dialogue entre deux poétiques.
7Comme l’a très bien montré Florence Pennone dans son article « Césure du temps. Valéry, rilke, Celan : différences de rythme » (2001 : 201-227), et à la suite de Lucie Bourassa (1993), le rythme d’un poème est très souvent significatif d’un certain rapport au temps. Dans cet article, la critique montre comment Celan, dans ses traductions de Valéry, intègre sa conception d’un rythme « dialogique » qui « met en relation un temps linéaire, horizontal, successif et irréversible – l’holocauste ayant tracé dans l’histoire une césure indélébile – et un temps vertical, qui serait à la fois celui de la mémoire des morts et celui de l’Autre à venir, du lecteur qui “occupera” le poème et y apportera “son” temps » (Pennone 2007 : 225-226). Le rythme saccadé de ses traductions « revendique et porte en lui les marques de l’histoire […], et fait entrer le temps dans le poème » (ibidem). Le rythme qu’il adopte consiste donc en une « réactualisation de l’original par laquelle le poète juif de langue allemande investit le texte valéryen de sa parole poétique, mais aussi de ce qui fait son actualité temporelle et historique » (ibidem). Même si l’exemple donné est sans doute l’un des plus singuliers, et peut-être extrêmes, de l’histoire de la poésie du XXe siècle, toute entreprise de traduction d’un poème s’inscrit dans cette possibilité, cette chance même, de donner au poème une inscription dans le temps nouvelle et plurielle, qui intègre la tradition et l’histoire de la culture d’arrivée, et de laquelle participe également toute la dimension musicale de la langue nouvelle.
8Travailler le rythme, c’est aussi interroger le « corps » du texte. Dans le chapitre « Freud et la scène de l’écriture » de L’Écriture et la Différence, Jacques Derrida écrit en parlant de l’expression verbale dans le rêve que – « sa sonorité, le corps de l’expression, ne s’efface pas devant le signifié ou du moins ne se laisse pas traverser et transgresser comme il le fait dans le discours conscient ». Il ajoute : « Or un corps verbal ne se laisse pas traduire ou transporter dans une autre langue. Il est cela même que la traduction laisse tomber. Laisser tomber le corps, telle est l’énergie essentielle de la traduction. Quand elle réinstitue un corps, elle est poésie » (Derrida 1967 : 312). Le rythme peut donc aussi être perçu comme énergie physique, « corporelle » du poème, qui doit nécessairement être abandonnée, « lâchée » pour pouvoir être ensuite « réinstituée » dans un corps nouveau. En effet, comme l’écrit la poète et traductrice Camille Loivier dans son article « Du chinois dans le français », « [l]e traducteur dont le rapport premier est toujours les mots, est toujours dans le corps comme dans le monde, car la langue est aussi le monde » (2011 : 133). Traduire un poème, ce serait donc lui donner un nouveau corps, une nouvelle façon d’être dans l’espace et le temps. Il s’agit d’une des formes de la métamorphose ; à nouveau, elle a lieu dans l’espace de la mémoire implicite.
4. Expériences
9En parlant du rapport entre écriture et traduction poétiques dans le dernier numéro de Testo a fronte, Martin rueff écrit : « […] la poesia è quella pratica della lingua dove il ritmo delle parole è la forma dell’esperienza » (rueff 2013 : 33)4. Le rythme serait donc ce qui structure la « forme de l’expérience ». Mais cette expérience s’inscrivant dans une forme linguistique s’amorce au dehors du langage. « Les langues sont des mondes » écrit Yves Bonnefoy dans L’Autre Langue, à portée de voix (2013 : 199), « elles retiennent de la réalité certains aspects et non d’autres ». Nous sommes attirés par une langue, qui est un monde, mais c’est avec nos propres mots, notre propre langue que nous le lisons, avec notre propre expérience du monde et de la langue. En effet, comme l’écrit encore Bonnefoy, « la poésie ne se réduit pas au poème, elle va de l’avant de poème en poème au sein d’une œuvre, d’une pensée, d’une vie, elle demande donc à être entendue par son lecteur, participée, revécue dans une expérience au-delà des mots auxquels ce lecteur la voit recourir » (ibidem : 53)5. Cette expérience est faite de tout ce que j’ai évoqué plus haut, des auteurs, des œuvres de tout art qui nous habitent, de la civilisation née dans notre propre langue, mais aussi de nos questionnements propres, de notre expérience de la vie. Cette notion d’« expérience » imprègne l’histoire du moine bouddhiste que raconte le poème du poète chinois Hsia Yu intitulé Traduire, et que Camille Loivier, dans l’article cité plus haut, évoque en ces termes :
Dans ce poème, il est question d’un moine bouddhiste traduisant un texte sacré ; cependant, n’ayant aucune expérience du monde – il est entré dans les ordres à cinq ans – il achoppe sur certains mots qu’il ne peut arriver à traduire. […] Après maintes tentatives, il doit se contenter d’inventer quelque chose pour remplacer ces mots manquants qui sont autant d’expériences qu’il n’a pas vécues, autant de corps qu’il n’a pas touchés. (Loivier 2011 : 129-130)
10Les expériences du langage sont indissociables des expériences de la vie, qui constituent des strates de cette mémoire implicite nourrissant notre façon de lire un texte, de l’entendre et de le « métamorphoser ».
11Monica Pavani écrit dans l’article déjà cité : « Pour traduire il ne s’agit […] pas seulement de se mettre en rapport et en relation d’écoute avec un texte dans une autre langue, mais plutôt d’entrer en relation avec un monde qui est au dedans et au dehors du poète » (Pavani 2012 : 151). Cette phrase me semble bien résumer les enjeux des trois premiers points abordés jusqu’ici : le monde « au dedans » du poète – tout ce qui constitue son texte, son monde, ses références, ses rythmes, ses expériences ; le monde « au dehors du poète », le présent culturel et biographique du traducteur, tout ce qui l’accompagne dans sa tâche et le constitue. Ajoutons le monde « au-dedans » du traducteur, tout aussi présent et central.
5. « Poéthique »
12Ce dernier point est d’un ordre un peu différent. Pour traduire des textes poétiques, il faut à mon sens être convaincu de la nécessité de cette tâche et de l’importance du sens, aujourd’hui, de la poésie. Ces propos peuvent paraître évidents dans le cadre d’une publication relative à la traduction de la poésie, mais la réalité du monde d’aujourd’hui, qui cherche à nous plier toujours davantage à ses exigences de rentabilité, à nous astreindre à une suite d’activités et d’actes courts, rapides et éphémères, pousse à s’arrêter un instant sur cet aspect pour en rappeler l’importance. Deux auteurs se sont interrogés récemment sur cette question de la place et du rôle de la poésie. Jean-Claude Pinson nous donne le terme « poéthique », « poésie » + « éthique », au centre de sa réflexion sur le langage et la poésie depuis une vingtaine d’années. Il y revient dans le numéro 26 de la revue de poésie N47. Ce terme « conjoint poésie et éthique », il « tient inséparées la poésie, entendue au sens large (la poésie par-delà le seul poème), et l’existence (la philosophie de l’existence) ». L’une des questions centrales qu’il contient, entremêlant politique et critique, est la suivante : « quand le monde où nous sommes devient de plus en plus inhabitable, de quel secours peut encore être la poésie (la littérature) pour mener une “vie bonne” » ? Pour aborder pleinement cette question, il faudrait remonter à Hölderlin (« Und wozu Dichter in dürftiger Zeit »), à Saint-John Perse (« poésie, sœur de l’action »), ou encore à Umberto Saba et à la « poesia onesta »6. Mais ce sont les propos d’un poète plus proche de nous que j’aimerais citer, ceux de Pusterla. Dans Il pescatore abusivo, i bufali di Breslavia e le bambine cieche7, discours tenu à Naples en remerciement pour le « Premio Napoli » en octobre 2013 (ce discours est resté inédit), il offre une réflexion vaste et personnelle sur cette question du sens de la poésie, de ses droits et peut-être de ses devoirs face à ce qui nous désarme et nous laisse sans voix. Son vaste propos peut se résumer en deux termes : trouver sa propre manière de « andare controcorrente » [aller à contre-courant] et de « resistere » [résister]. C’est sans doute ce que peut tenter le poète – et le traducteur de poésie –, en cherchant l’énergie et la confiance nécessaires à l’exigence de cette tâche dans la richesse des textes, qui continuent malgré tout d’éclairer son chemin. C’est donc aussi avec cela que l’on traduit de la poésie, avec la conviction qu’il est plus que jamais nécessaire de poursuivre ce travail de résistance, à contre-courant, dans les profondeurs de l’expérience et du langage, pour donner à la poésie une place, et de nouveaux souffles.
6. Deux poèmes de Donata Berra
13La traduction de quelques poèmes de Donata Berra m’a convaincue que cette œuvre mérite d’être explorée plus avant ; deux poèmes me permettent de nourrir et d’illustrer ma réflexion plus générale sur la traduction de la poésie.
14Donata Berra est née à Milan en 1947 et vit à Berne depuis de nombreuses années ; elle y enseigne la langue et la littérature italiennes à l’université. Son premier livre de poèmes, Santi quattro coronati [quatre saints couronnés], paraît en 1992 chez Casagrande. Elle publie ensuite quatre plaquettes de poèmes, dont deux en édition bilingue allemand-italien (traduites par Jochen Kelter, Verlag im Waldgut, en 1997 et 1999) et A memoria di mare [De mémoire de mer], chez Casagrande en 2010, dont sont extraits les deux poèmes choisis. Elle a également traduit de nombreux auteurs de l’allemand en italien, comme Friedrich Dürrenmatt, Klaus Merz, Wolfgang Hildesheimer et Stefan zweig. A memoria di mare est divisé en quatre sections, qui font alterner deux registres ; un style élevé, à la tonalité solennelle parfois, contraste avec des scènes et un vocabulaire plus quotidiens. Si certains poèmes font écho à la veine plus formaliste de Santi quattro coronati, son premier recueil (par exemple la suite « La castellana. Variazioni per voce sola » [La châtelaine. Variations pour voix seule] et le dernier poème, « Maddalena »), ce recueil propose une réflexion sur le temps et la mémoire, souvent travaillée dans les poèmes à travers la métaphore de l’eau. Comment « se sont travaillés » les deux poèmes suivants : « Scende esitante dalle cimase » [ « des simaises descend hésitant »] (p. 18) et « E andando lasciava la nave sul liscio dell’acqua » [Le bateau avançait laissant sur la cadence de l’eau] (p. 16) ? En abordant des aspects concrets pour leur traduction, je tenterai d’établir des liens avec ce qui précède.
Scende esitante dalle cimase una timida sera e pare non sappia come imbrunire l’assorto chiarore che riverbera il mare. | Des cimaises descend hésitant un soir timide il semble qu’il ne sache comment assombrir la clarté pensive que reflète la mer. |
Manda a lambire le soglie delle case ombre vaporose e friabili, giovinette ancora, insicure del loro sottile, insidioso potere. | Il envoie lécher les seuils des maisons des ombres vaporeuses et friables, encore jeunes, peu sûres de leur fragile et insidieux pouvoir. |
Ah, fosse già notte. Scura, venuta nel suo buio a lacerare con lame nere l’illusa giornata nostra, ardua allo smorire dell’attesa. | Ah, s’il faisait déjà nuit. Sombre, venue de son obscurité lacérer de lames noires cette journée rêveuse, la nôtre, ardue à la pâleur de l’attente. |
15La première question qui nous retiendra consiste à (se) demander « Avec qui traduit-on » ? Pour tenter d’y répondre, je commencerai par décrire quelques éléments formels de ce texte. Dans ce poème qui évoque la venue du soir et l’attente que la nuit inéluctable vienne enfin, après l’attente et les illusions portées par le jour, Donata Berra joue avec une particularité de la langue italienne, à savoir le fait que le sujet est inclus dans le verbe, ce qui permet de laisser parfois une certaine indétermination quant au sujet. Le sujet de la première strophe est placé au vers 2 (« una timida sera »), alors que le poème commence par le verbe « Scende ». Le seul verbe de la deuxième strophe, placé également tout au début, reprend le même sujet, mais il n’est pas explicité, ce qui instaure un doute. Une autre indétermination pouvant mener à une confusion est liée à un usage poétique, qui provoque un effet légèrement précieux, dans l’ordre des mots. Dans les vers « Manda a lambire le soglie delle case / ombre vaporose e friabili », on pourrait croire, lors d’une première lecture, que le complément de « Manda » est « le soglie delle case » et non « ombre vaporose », au v. 2, ce qui donnerait en français « Il envoie les seuils des maisons lécher / des ombres vaporeuses et friables », au lieu de « Il envoie des ombres vaporeuses et friables lécher / les seuils des maisons ». L’image n’est plus du tout la même, et l’incohérence qui en ressort nous réoriente dans la bonne direction.
16Comme l’explicitation du sujet mène à une clarification en français, j’ai voulu trouver le moyen de ne pas trop expliciter, en gardant l’ordre marqué en français : c’est pourquoi le sujet de la proposition infinitive « lécher les seuils des maisons » vient après le complément (alors qu’on l’attendrait avant). Dans la dernière strophe, le sujet du premier verbe est indéterminé (inclus dans la forme verbale « fosse », troisième personne du singulier), tandis que celui du second est « notte », reprise implicite du premier vers. Ces inversions dans l’ordre sujet-verbe-objet, les indéterminations ainsi qu’un vocabulaire soutenu (comme « imbrunire », « assorto chiarore », « illusa giornata », confèrent à ce poème une tonalité élevée.
17Quels auteurs ont été présents pour traduire ces spécificités, cette tonalité solennelle ? Deux auteurs italiens sont présents dans le poème italien à travers le mot « cimase » : Gozzano (L’amico delle crisalidi [L’ami des chrysalides]) et Montale (Felicità raggiunta, si cammina [Bonheur atteint, l’on marche]). Ce ne sont pourtant pas eux qui m’ont guidée pour traduire ces poèmes. En retravaillant mes traductions, le nom d’un poète revenait, sans que je comprenne tout d’abord pourquoi. Il s’agit de Mallarmé. Me replonger dans le volume des Poésies m’a permis de vérifier que cette intuition avait des fondements. C’est là un exemple où certaines expériences de lectures enfouies dans la mémoire implicite ont émergé dans la mémoire explicite. Mais que peut bien réunir cette auteure italienne du XXIe siècle vivant à Berne, évoquant parfois dans son recueil des Vues bernoises (Vedute bernesi), et le grand auteur symboliste français ? Certes, A memoria di mare révèle une quête poétique qui n’est pas sans rapport avec celle des symbolistes, car elle s’inscrit dans l’exigence et la rigueur du déchiffrement du réel, où le lien entre l’idée abstraite et l’image cherchant à l’exprimer est centrale. Toutefois, la prudence s’impose dans les rapprochements que l’on peut établir entre ces deux auteurs. Comme l’écrit Bonnefoy au sujet de Mallarmé, la poésie de Berra « n’est pas seulement simple représentation, sans prise réelle sur le monde qu’elle interroge et décrit » (Mallarmé 1992 : XV). La tonalité nocturne, la préciosité découlant du vocabulaire soutenu, des indéterminations et des inversions et la dimension métaphysique du poème peuvent en effet être mises en rapport avec la poésie de Mallarmé. C’est pourquoi les inversions ne m’ont pas effrayée, ni le registre soutenu, ni la tonalité nocturne et les échos mallarméens, comme l’ellipse dans le dernier vers. C’est aussi le travail des sonorités qui a permis d’atteindre la respiration profonde du texte, cette plainte sourde qui s’élève dans la dernière strophe, à travers des allitérations en [s], des assonances en [e], en [a] et [wa]. C’est là que se déploie la dimension métaphysique de l’attente de la mort : dans la deuxième strophe, les ombres encore timides du soir ne sont pas encore conscientes de leur pouvoir, de leur capacité à éteindre définitivement la lumière des hommes, c’est pourquoi (troisième strophe) il vaudrait mieux que la nuit – la mort –, aussi douloureuse soit-elle, arrive enfin, noire et franche, sans illusions, mettant un terme à cette attente insupportable. J’ai par ailleurs relevé, dans le poème en français, un mot-phare de plusieurs poèmes de Mallarmé, le mot « clarté » (notamment présent dans « Brise marine », « Victorieusement fui », « Toast funèbre »). Dans le poème de Berra, la clarté n’est pas celle de la « lampe » mallarméenne, mais de la mer, également centrale dans « Brise marine ». L’exclamation exprimant l’attente de la venue de la nuit (« Ah, s’il faisait déjà nuit ») rappelle également les interjections très présentes dans les poèmes de Mallarmé (comme « Ô mon cœur » dans « Brise marine »). Mais Mallarmé n’a pas toujours eu gain de cause. Tentée de rendre « smorire » par « agonie » dans le dernier vers (« ardue à l’agonie de l’attente »), j’y ai cependant renoncé car ce mot des Poésies, contrairement aux autres, ne m’était pas venu spontanément. J’ai donc privilégié l’évocation de la disparition (la mort) à travers la pâleur, contenue dans « smorire » (« disparition » n’allait pas d’un point de vue rythmique).
18Abordons à présent le second poème :
E andando lasciava la nave sul liscio dell’acqua un nastro a ricciolo largo, allucciolato d’oro, ricolmo di liquide stelle inghiottite dall’onda e sempre riaccese, e spumiglie e fiocchi di mare emblemi di specchi ritorti sparenti e riapparsi poi sciolti in barbagli, in scaglie di luce ; | Le bateau avançait laissant sur la cadence de l’eau un ruban à boucles larges, pailleté d’or, comble d’astres liquides engloutis par les ondes et toujours attisés, écumes et flocons de mer emblèmes de miroirs tordus disparus et réapparus puis dissous en lueurs, éclats de lumière ; |
e lasciava, la nave il lungo profilo del suo lento passare, e del nostro, più incerto, a memoria di mare scritta serrata, ma poi appena stretta la cima alla bitta, la nave viene solo richiesta di pronta consegna del pesce pescato ai camion del ghiaccio. | le bateau laissait la longue trace de son lent passage, et du nôtre, plus incertain, sur la mémoire d’une mer écrite enserrée, mais les cordages sitôt fixés, le bateau n’est là plus que pour la consignation du poisson pêché aux camions de réfrigération. |
19Comme dans le poème précédent, le vocabulaire est souvent soutenu (« allucciolato », « ricolmo »). Ce poème se caractérise également par l’importance des métaphores maritimes : « e spumiglie e fiocchi di mare ». Donata Berra utilise en effet des images inhabituelles pour décrire l’eau : « spumiglia » est un terme désignant en réalité une pâtisserie qui ressemble à une meringue ; en italien, ce terme rappelle par ses sons « spuma », mousse, écume. L’expression « Fiocchi di mare » évoque à la fois l’image de flocons de mer et la voile triangulaire qui se place à l’avant d’un navire, le foc. La première image rend l’idée de la légèreté et du caractère éphémère de ces traces sur l’eau, traces précieuses qui apparaissent et disparaissent en mille éclats de lumière sur la surface de la mer. Ma traduction privilégie l’idée de légèreté : « flocon » et « écume ». En relisant la traduction, ce dernier mot m’a frappée. Ce poème peut en effet également être mis en relation avec des éléments propres à la poésie de Mallarmé : « astre », « or » et « écume » sont tous trois des termes centraux de la poésie mallarméenne. À nouveau, ce sont les mots du poème en français une fois traduit qui m’ont ramenée à Mallarmé. Comme dans le poème de Berra, l’« or » chez Mallarmé signifie le plus souvent la lumière, par exemple celle d’une chevelure (« l’or de tes cheveux » dans « Tristesse d’été »), ou celle des soirs (« Autre éventail »). L’écume est présente dans de nombreux poèmes (comme « Salut », « Billet », « Victorieusement fui », « À la nue accablante tu », « Mes bouquins refermés ») ; elle est centrale dans « Brise marine ». Ce poème très connu qui évoque la lassitude de vivre et le désir d’un ailleurs métaphorisé par le départ en mer fait écho à l’univers maritime des deux poèmes de Berra, et plus particulièrement de celui-ci. Dans « Brise marine » comme dans « E andando lasciava », la mer est détentrice d’un savoir et d’un pouvoir qui fascinent et attirent l’homme. Chez Mallarmé, l’écume évoque en général quelque chose de positif (« écume inconnue » dans « Brise marine » ; « mille écume bénie » dans « Mes bouquins refermés sur le nom de Paphos »). Dans le poème de Berra, elle est une forme de cette trace précieuse que contient la mer. Je n’ai donc pas hésité à laisser résonner ces échos. Si la rime chère à Mallarmé n’a pas sa place dans la plupart des poèmes de Berra, le travail sur les sonorités, notamment dans la première strophe de ce poème qui évoque les mouvements et reflets de l’eau, est central. Les assonances en [a] ont laissé place à une alternance entre les sons [ã] et [a], tandis que l’assonance en [i] des vers finaux est remplacée par des sonorités absentes de la langue italienne, en [y] (dans « écumes », « tordus », « disparus », « réapparus », « lueurs »), qui lui donnent une résonance nouvelle. Le corps du poème de Berra s’inscrit donc dans un temps et un espace nouveaux, il se rattache à une certaine lignée de la poésie française, s’actualise dans l’écho mallarméen qui reflète ma propre lecture de ces poèmes et résonne dans la palette sonore propre à la langue française. Un dialogue entre deux traditions s’instaure de la sorte.
20Même si on ne peut la rattacher directement aux préoccupations mallarméennes, une interrogation métaphysique domine également dans ce poème, qui nous permettra de revenir à un autre élément central évoqué dans l’introduction : la question de la mémoire. La longue description de la trace que laisse le passage du bateau sur l’eau, qui se construit dans un aller-retour entre le concret et l’abstrait, le symbolique et le métaphorique, est essentielle. Le passage du bateau peut être lu comme une métaphore de notre passage sur terre. Donata Berra file la métaphore de la trace laissée par le bateau jusqu’à son arrivée au port ; la première partie du poème, jusqu’au milieu de la deuxième strophe, contraste avec la fin du poème. Cette arrivée au port peut représenter la fin de la vie, ou les moments où l’on s’aperçoit que seul compte ce qui est concret, rentable, tangible et susceptible d’être possédé, et non l’être, sa mémoire et ses rêves. Le voyage, les expériences, les souffrances et les joies, la beauté scintillante de la trace laissée par le bateau, tout cela se réduit soudain au simple profit que peut apporter le poisson pêché, conditionné et congelé pour la vente ; la congélation peut symboliser ici la fixation de la vie, l’immobilité, la réduction à un objet mort – elle peut représenter également ce à quoi la poésie tente de résister. J’en viens à présent au titre du recueil, A memoria di mare, et à la question de la mémoire. Le titre joue avec l’expression « a memoria d’uomo », qui pourrait signifier « ce dont un homme est capable de se souvenir en une vie » ; en français, littéralement, cela pourrait donner quelque chose comme « De mémoire de mer » ou, de façon moins littérale, « Autant que la mer puisse se souvenir ». La trace laissée par le bateau, centrale dans ce poème, serait une métaphore de notre passage dans la vie. Le titre peut donc signifier que notre trace écrite, notre biographie intérieure et extérieure, est confiée à la mémoire particulière de la mer. La mer elle-même garde et sauve cette mémoire dans sa propre mémoire, notre mémoire étant ainsi en quelque sorte déléguée à la mer pour que celle-ci la conserve, c’est pourquoi elle est « scritta serrata », image utilisée pour exprimer l’idée que la mémoire est « bien fixée », renfermée dans la mer.
21Le titre de ce recueil pourrait ainsi signifier cette mémoire cachée qui nous accompagne, qui est la nôtre sans qu’on puisse l’extraire de ses profondeurs. On peut le lire également comme une mise en abyme de cette mémoire implicite engagée lorsqu’on traduit un poème : la mémoire de la mer, trouble, profonde, mouvante, infinie ; les mouvements infimes de l’eau étant comme autant de traces de ce qui nous accompagne sans avoir une forme forcément définie et palpable, de tout ce avec quoi on traduit. Traduire un poème, c’est donc aussi « faire mémoire », au sens de « conservare un rapporto, un’ipotesi di rapporto, e di senso, tra la nostra coscienza e le rovine del passato : il nostro passato, individuale e soggettivo, e l’altro, non meno nostro, storico e collettivo […] », comme l’écrit Pusterla8. Lectures, expériences, temps et rythmes collectifs et individuels composent cette mémoire multiple de laquelle émerge le poème traduit. Le dernier mot reviendra à Pusterla, dans ses remerciements pour le prix de traduction « Achille Marazza », car ses mots disent à la fois l’importance de la mémoire et de l’engagement pour la poésie – et de sa transmission :
In queste zone di profondità [della traduzione] la ricerca sulla parola conserva il suo fascino, il suo significato; dialoga con la lunga tradizione che sta alle sue spalle, ne veicola la memoria verso un futuro incerto, ma soprattutto riesce ancora a toccare le corde più segrete e più sensibili della nostra esistenza, individuale e collettiva: è laggiù, dove i nervi pulsano e la nostra vita si interroga, che la parole poetica apparentemente esiliata dalla superficie delle cose riacquista la sua voce e la sua urgenza. Una voce e un’urgenza precarie, fragili, inermi, che non si possono definire o quantificare con i normali strumenti di misurazione, ma di cui la parte migliore e più cosciente di noi non può dimenticare la lancinante verità […] [Q] uel linguaggio profondo, quel tentativo sempre fallito e sempre ricominciato di approssimarsi a un frammento di verità e di bellezza attraverso la parola e le sue risuonanze, tutto ciò esiste e resiste […].9
Bibliographie
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VISCHER Mathilde, 2009, La Traduction, du style vers la poétique. Philippe Jaccottet et Fabio Pusterla en dialogue, Paris, Kimé.
Notes de bas de page
1 Il s’agirait en réalité plutôt d’une métamorphose incomplète, puisque la métamorphose implique un « changement de forme, de nature ou de structure si importante que l’être ou la chose qui en est l’objet n’est plus reconnaissable » (Trésor de la langue française en ligne).
2 Voir notamment Eustache, Lechevalier et Viader, 1996.
3 Voir les travaux de Meschonnic, Buffoni et le chapitre « La lecture du texte-traduction » dans Vischer 2009.
4 Traduit du français par Samanta Picciaiola. [la poésie est cette pratique de la langue où le rythme des mots est la forme de l’expérience] (ma traduction de l’italien, original en français à ma connaissance non publié).
5 C’est moi qui souligne.
6 Pinson 2014 : 97. Je renvoie également à Bonneville-Humann 2014, et à un dossier du n° 26 (2014) de la revue Triages proposant les réflexions sur le sens en poésie de huit poètes contemporains de langue française.
7 [Le pêcheur braconnier, les buffles de Wrocłow et les petites filles aveugles].
8 Pusterla 2013 (inedito). [conserver un rapport, ou l’hypothèse d’un rapport, et d’un sens, entre notre conscience et les ruines du passé : d’une part, notre passé individuel et subjectif, et d’autre part, le passé historique et collectif, qui n’en est pas moins nôtre] (traduction de Véronique Volpato).
9 Pusterla 2012 : 125-126. [Dans ces zones profondes [celles de la traduction], la recherche sur le mot conserve son pouvoir d’enchantement et sa signification ; elle opère un dialogue avec la longue tradition qui la précède, en achemine la mémoire vers un futur incertain, et surtout réussit encore à toucher les cordes les plus secrètes et les plus sensibles de notre existence, individuelle et collective : c’est là, où l’on sent battre le sang et où notre vie s’interroge, que la parole poétique apparemment exilée de la surface des choses retrouve sa voix et son urgence. Une voix et une urgence précaires, fragiles, désarmées, qui ne peuvent se définir ou se quantifier avec les instruments de mesure habituels, mais dont la meilleure partie de nous, la plus consciente, ne peut oublier la lancinante vérité […] [C]e langage profond, cette tentative toujours manquée et recommencée de s’approcher d’un fragment de vérité et de beauté à travers les mots et leurs résonances, tout cela existe et résiste.] (traduction de Véronique Volpato). L’auteure remercie Véronique Volpato par sa relecture de cette contribution.
Auteur
Université de Genève Faculté de traduction et d’interprétation
Mathilde Vischer est traductrice littéraire et Professeure à la Faculté de Traduction et d’Interprétation de Genève. Elle a traduit des auteurs contemporains, parmi lesquels Felix Philipp Ingold, Fabio Pusterla, Alberto Nessi, Pierre Lepori, Elena Jurissevich, Massimo Gezzi et Leopoldo Lonati. Elle est auteure d’articles portant sur la poésie et sur la traduction et des essais Philippe Jaccottet traducteur et poète, une esthétique de l’effacement (Lausanne, Cahiers du Centre de traduction littéraire n° 43, 2003) et La traduction, du style vers la poétique : Philippe Jaccottet et Fabio Pusterla en dialogue (éditions Kimé, Paris, 2009). Elle a également publié un livre de poèmes, Lisières (Dijon, Éditions p. i.sage intérieur, 2014 ; Prix du poème en prose Louis Guillaume 2015 et Prix Terra Nova 2015).
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2011
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La traduction dans les cultures plurilingues
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2011
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Le discours rapporté dans les traductions françaises de Fielding au XVIIIe siècle
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La science-fiction américaine dans l’espace culturel français des années 1950
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