Le traducteur-acteur
p. 161-180
Résumé
Traduire en poète soulève le problème de la « création ». Comment accepter qu’un « simple » traducteur puisse traduire en poète, alors que la traduction d’un poète par un autre poète, dont la nature poétique ne peut être mise en doute, sera reçue comme œuvre poétique de poète ? Quel poète d’ailleurs ? Celui de l’original ou celui de la traduction ? Ce doute naît d’une idée reçue : celle de la fixité du poème, à laquelle s’ajoutent les interrogations sur la reconnaissance des capacités poétiques du traducteur. Or, si l’on conçoit qu’une œuvre ne peut être un objet absolu, figé, que chaque lecture renouvelle, on peut admettre que toute intervention sur le texte prendra une dimension créatrice. Semblable à celle du dynamisme qu’insuffle un acteur à un texte lors du passage en bouche. Alors, son jeu donne une part active à la (re)création par le biais de la mise en œuvre de nombreux organes sensoriels qui, eux-mêmes, agiront sur les récepteurs. Ainsi le poème devient-il une œuvre vivante, ouverte à autant de performances que chaque acteur-créateur, au fil du temps et des inspirations, pourra proposer. Chacune révélant quelques facettes de l’original et suscitant des émotions renouvelées lors de chaque représentation.
Entrées d’index
Extrait
Personne ne sait qu’en lisant nous revivons nos tentations d’être poète.
Bachelard (1961 : 16)
1Même si Bachelard, en écrivant ces mots, y percevait un péché d’orgueil et y voyait du refoulé, il n’empêche qu’il exprime bien aussi le désir de création de tout lecteur. Car chaque lecteur, au cours de l’acte de lecture, met en branle ses organes sensoriels, ce qui le conduit à percevoir ce que les mots mettent en formes, en couleurs, en odeurs, en bruits, en matières, en goûts, et à produire dans son esprit un univers qui devient le sien tout en étant issu de l’esprit d’un autre. C’est ainsi qu’un lecteur devient non seulement créateur, mais aussi, comme le suggère Bachelard, poète.
2Qu’en est-il alors du lecteur-traducteur ? Celui qui a pour fonction de transformer sa lecture en écriture ? S’il est clair que ses organes récepteurs s’activent comme ceux de tout lecteur, et qu’en outre, si la « chasse » qu’il entreprend, il la fait, à l’instar de Leiris, « toujours au présent »1, ses
Les formats HTML, PDF et ePub de cet ouvrage sont accessibles aux usagers des bibliothèques qui l’ont acquis dans le cadre de l’offre OpenEdition Freemium for Books. L’ouvrage pourra également être acheté sur les sites des libraires partenaires, aux formats PDF et ePub, si l’éditeur a fait le choix de cette diffusion commerciale. Si l’édition papier est disponible, des liens vers les librairies sont proposés sur cette page.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Pour une interdisciplinarité réciproque
Recherches actuelles en traductologie
Marie-Alice Belle et Alvaro Echeverri (dir.)
2017
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 1
Michaël Mariaule et Corinne Wecksteen (dir.)
2011
Le double en traduction ou l’(impossible ?) entre-deux. Volume 2
Michaël Mariaule et Corinne Wecksteen (dir.)
2012
La traduction dans les cultures plurilingues
Francis Mus, Karen Vandemeulebroucke, Lieven D’Hulst et al. (dir.)
2011
La tierce main
Le discours rapporté dans les traductions françaises de Fielding au XVIIIe siècle
Kristiina Taivalkoski-Shilov
2006
Sociologie de la traduction
La science-fiction américaine dans l’espace culturel français des années 1950
Jean-Marc Gouanvic
1999