La chansonnette mesurée à l’antique : formes et enjeux d’un genre poétique et musical
p. 63-84
Texte intégral
1Le poète de la Pléiade Jean-Antoine de Baïf (1532-1589), fils naturel du diplomate humaniste Lazare de Baïf, condisciple de Ronsard et de Du Bellay, a d’abord composé comme ses compagnons d’abondantes Euvres en rime, en vers rimés traditionnels, notamment deux recueils d’Amours (Amours dites de Meline en 1552, Quatre Livres de l’Amour de Francine en 1555). Ces sonnets et chansons, réédités en 1572 avec un nouveau bouquet de Diverses Amours, ont inspiré de nombreux musiciens de son temps : Janequin, Arcadelt, Cléreau, Roussel, Le Roy, La Grotte, Caietain, Le Jeune, Chardavoine, Le Blanc, Machgielz, Bonnet… puis des compositeurs modernes comme Gounod (« Ô ma belle rebelle ») et une bonne douzaine de musiciens à sa suite (entre 1855 et 1966). Mais le nom de Baïf reste surtout attaché aux expériences musicales plus audacieuses qu’il a menées avec divers compositeurs dans le cadre de l’Académie de Poésie et de Musique fondée par lui-même en 1570 sous le haut patronage du roi Charles IX. L’originalité majeure de la poésie de Baïf, l’inventivité extrême dont il fait preuve se manifestent surtout dans ses recherches formelles, son travail prosodique qui vise à restituer en français une métrique quantitative pour favoriser l’union de la poésie et de la musique, et retrouver par ce moyen les puissants effets prêtés à la musique par les Anciens. Ces expériences métriques ont longtemps été présentées comme les recherches stériles d’un pédant sottement entiché de l’Antiquité, et ignorant le génie propre de la langue française. Ce verdict ne résiste pas à l’analyse dès lors qu’on prend en compte le succès effectif des vers mesurés auprès des compositeurs et du public du temps : les vers mesurés de Baïf, et spécialement ses « chansonnettes », ont inspiré entre 1570 et 1610 une dizaine de musiciens, parmi lesquels la plupart des représentants de l’avant-garde musicale des règnes de Charles IX, Henri III et Henri IV : Joachim Thibault de Courville, co-fondateur avec Baïf de l’Académie, puis Caietain, Lassus, Le Jeune, Le Blanc, Thessier, La Grotte, Mauduit, Cerveau, Du Caurroy, Bataille… sans parler, là encore, de quelques musiciens du XXe siècle1.
2Je voudrais souligner que Baïf est proprement l’inventeur d’une forme poétique et musicale très originale, peut-être même d’un véritable genre, dont la spécificité est rarement mentionnée dans les répertoires de formes poétiques ou de genres musicaux : la chansonnette mesurée. Baïf en a écrit lui-même plus de deux cents dont plusieurs dizaines ont été mises en musique de son vivant, éditées dans des recueils musicaux qui leur étaient parfois spécialement consacrés, comme ceux de Claude Le Jeune et de Jacques Mauduit. C’est ce genre que je présenterai ici, après avoir montré que son invention répond à un projet ancien, d’inspiration humaniste.
3On comprendra mieux ce projet si on se rappelle que Baïf s’est toujours intéressé de près aux moyens techniques de favoriser l’union de la poésie et de la musique. Dès 1553 ou 1554 (il a à peine passé vingt ans), Baïf met au point ce qu’il appelle fièrement le vers baïfin. Il s’agit d’un vers de quinze syllabes à rimes plates, toujours féminines ; chaque vers se subdivise en deux hémistiches inégaux comptant respectivement 7 et 8 syllabes. Baïf compose notamment dans ce mètre un long poème mythologique intitulé L’Hippocrène et sous-titré « Vers baïfins » où il s’explique brièvement sur ses intentions :
Je veu donner aux François/ un vers de plus libre accordance
Pour le joindre au lut sonné/ d’une moins contrainte cadance.2
Cette expérimentation formelle répond déjà à plusieurs objectifs conjoints, qui seront encore ceux des chansonnettes mesurées :
4- provoquer d’abord un sentiment d’étrangeté, en sortant des rythmes usuels de la poésie française ; inventer par conséquent un rythme inouï ;
5- libérer la métrique française : d’une part, l’allongement du vers assouplit la contrainte de la rime, qui revient moins souvent ; d’autre part, l’inégalité des deux hémistiches et l’alternance d’une séquence impaire (7 syll.) et d’une séquence paire (8 syll.) offre plus de liberté : la différence est sensible par rapport à l’alexandrin qui oblige à constituer invariablement des groupes de 6 syllabes ;
- retrouver les rythmes et les libertés de la poésie antique3 ;
- surtout, le vers baïfin répond à un projet musical qui prendra dans l’œuvre de Baïf une place croissante : il s’agit de favoriser l’union de la poésie et de la musique, et plus spécialement ici le mariage de la voix et de l’instrument, supposé produire sur l’âme des « oyants » des effets puissants, illustrés notamment par le mythe d’Orphée. Baïf lui donne la parole dans son poème Les Muses, pour rappeler sa descente aux enfers :
Le fier Pluton j’osay bien aller voir :
Et bien qu’il soit aux autres imployable,
Si fei-je tant par mon chant larmoyable
Joint à mon lut, qu’Eurydice j’auroy.4
Il attribue aussi à la puissance du chant orphique marié à l’instrument la mise à l’eau du navire Argo :
[…] Orphé tu pinças de tes doigts,
Ta douce harpe : au son tu accordois
Un chant divin, dont la prouë flatee
Sur les roulleaux glissa d’une boutee
Dedans la mer, du flot la soulevant […].5
C’est cet effet magique du chant que recherche Baïf en s’efforçant, comme Ronsard avec le fameux « supplément musical » des Amours de 1552, de mettre au point des formes poétiques propices à la mise en musique.
6Quel que soit l’intérêt de cette invention, elle reste sans écho et sans lendemain. Baïf ne publiera ses vers baïfins que vingt ans après les avoir composés, parmi un fatras d’autres pièces, où ils passent sans doute inaperçus. Pourquoi n’a-t-il pas davantage cultivé son invention ? Sans doute parce qu’elle n’était à ses yeux qu’une demi-mesure, qui n’affranchissait pas encore suffisamment le vers français de la tyrannie de la rime. Surtout, dans le même temps où Baïf compose ses vers baïfins, plusieurs de ses amis réalisent le vieux rêve des poètes humanistes français de composer en langue vulgaire des vers mesurés non rimés fondés sur les seules quantités syllabiques, comme les vers grecs et latins. Dans son Art poétique reduict de 1554, Claude de Boissière, averti des premières tentatives de vers mesurés français publiées par Jodelle et Denisot en 15536, se félicite que les Français « commencent à adapter en leur langue les piedz et mesures des Grecz et Latins » et il encourage à élargir l’expérience : « il n’y a aucune facon de carmes qui ne puisse entrer en l’usage de la Poesie Françoise, aussi bien, ou plutost mieux qu’elle n’a esté en Grece ou à Rome »7. C’est dans cette voie que Baïf s’engagera à son tour, plus tard, alors même que ses amis auront eux-mêmes renoncé à ce projet.
7Qui connaît ces premières expériences de vers mesurés français (ou italiens) pourrait être tenté de lire ceux que Baïf compose à partir de 1567 comme l’œuvre d’un retardataire qui croit découvrir un système déjà testé puis abandonné par ses pairs dix ans plus tôt. En réalité, le caractère effectivement novateur du travail de Baïf n’est intelligible qu’à condition de prendre en compte la vocation musicale de son projet, sa volonté d’unir plus intimement poésie et musique, conformément aux idéaux platoniciens de soumission de la musique au verbe. Baïf explicite bien, dans un poème de 1573, la destination musicale qui fait de ses vers mesurés une véritable invention :
[...] cherchant d’orner la France
Je prin de Courvile acointance,
Maistre de l’art de bien chanter :
Qui me fit, pour l’art de Musique
Reformer à la mode antique,
Les vers mesurés inventer.8
8Pour mieux comprendre ce souci de réformer la musique et pour apprécier ses enjeux, il faut revenir une troisième fois aux années 1550 et rappeler la réflexion de Pontus de Tyard, poète et philosophe proche de Ronsard, dans ses deux dialogues intitulés Solitaire premier ou prose des Muses et de la fureur poétique (1552) et Solitaire second, ou Prose de la Musique (1555)9. Baïf se réfère d’ailleurs explicitement au travail théorique de Tyard10, qui dessine le cadre philosophique où s’inscrit son expérience esthétique.
9Conformément à la doctrine du philosophe florentin Marsile Ficin, Tyard prête à la « fureur Poëtique » de puissants effets thérapeutiques ou cathartiques :
confortant par la suavité et douceur de l’harmonie la partie perturbée, puis par la diversité bien accordée des Musiciens accords chassant la dissonnante discorde, et enfin reduisant le desordre en certaine egalité bien et proportionnément mesurée, et compartie par la gracieuse et grave facilité de vers compassez en curieuse [= soigneuse] observance de nombres et de mesures.11
On voit que cette définition des effets bénéfiques de la fureur conjugue ceux de la musique polyphonique (« la diversité bien accordée des Musiciens accords ») et ceux du vers (« la gracieuse et grave facilité de vers compassez en curieuse observance de nombres et de mesures »). C’est dire que, pour Tyard, « si vous laissez la Musique en arriere, les vers de la Poësie non chantez perdront beaucoup de leurs graces. »12 À l’inverse, la musique est d’« excellent efficace en l’elevation de l’ame » à condition qu’elle agisse « par alliance avec la fureur Poëtique »13 mais « l’une sans l’autre ne me semble avoir grand’ efficace »14 (la musique purement instrumentale n’intéresse guère les humanistes). La conception néo-platonicienne des effets supposés de la musique s’applique donc à des vers chantés à plusieurs voix.
10Reste à savoir comment associer la musique et le verbe pour atteindre l’efficacité maximale. Dans le Solitaire second, Tyard distingue deux types de musiciens, le Phonasce et le Symphonete : « Phonasce, de quel nom les Grecs appeloient celuy qui d’une seule voix proprement et melodieusement accompagnoit la chanson » et « Symphonete, qui d’une subtilité laborieuse, accommode plusieurs voix ensemble, d’où l’accomplissement de la harmonie procède »15. C’est l’opposition actuelle entre monodie et polyphonie. Mais alors qu’on pourrait s’attendre, compte tenu de ce qui précède, à voir Tyard privilégier le Symphonète, c’est plutôt l’inverse qui se produit :
Le premier […] est à mon jugement beaucoup estimable car si l’intention de Musique semble estre de donner tel air à la parole que tout escoutant se sente passionné, et se laisse tirer à l’affection du Poëte, celui qui scet proprement accomoder une voix seule me semble mieux atteindre à sa fin aspirée, veu que la Musique figurée [= la polyphonie] le plus souvent ne rapporte aux oreilles autre chose qu’un grand bruit, duquel vous ne sentez aucune vive efficace. Mais la seule et unique voix, coulée doucement et continuée selon le devoir de sa Mode, choisi pour le merite des vers, vous ravit la part qu’elle veut. Aussi consistoit en ce seul moyen la plus ravissante energie des anciens Poëtes lyriques, qui, mariant la Musique à la Poësie (comme ils estoient nez à l’une et à l’autre), chantoient leurs vers, et rencontroient souvent l’effect de leur désir, tant la simplicité, bien observée aux Modes de chanter, est doüée d’une secrette et admirable puissance.16
Bien qu’il concède que l’accomplissement de l’harmonie procède de la polyphonie, la préférence de Tyard pour la monodie (qui semble contredire les thèses du Solitaire premier) s’explique de trois façons :
d’une part, son expérience d’auditeur de la musique de son temps l’a dégoûté de la polyphonie, qui lui semble produire une sorte de brouhaha inintelligible ;
de plus, comme il l’écrit plus loin, le chant polyphonique à « trois ou quatre parties » est devenu en son temps un « vulgaire usage, familier à infinis chantres »17, ce qui suffit apparemment à en dégoûter l’aristocrate humaniste qu’est le seigneur de Bissy ;
enfin, son éloge de la monodie s’appuie sur l’idéalisation des anciens poètes lyriques qui étaient à la fois poètes et chanteurs, et savaient donc mieux que personne adapter leur chant à leur propre texte.
11Néanmoins, la réflexion de Tyard a quelque chose de décevant : il ne dit pas ce qu’il faut attendre de la monodie lorsque le poète, le compositeur, et l’interprète sont deux, voire trois personnes différentes… comme c’est généralement le cas à l’époque moderne. Et surtout, sa réflexion conduit à renoncer aux harmonies de la polyphonie. Conscient de cet inconvénient, Tyard tente finalement d’envisager les conditions techniques d’un mariage heureux entre poésie française et polyphonie :
Non toutefois que je croye estre impossible d’accomoder proprement la Musique figurée aux paroles, ni que je désespere de ce temps, mais la difficulté de nostre langage non encores mesuré en certaines longueurs ou brievetez de syllabes, ou le peu d’egard que je voye y estre pris par les Musiciens, qui tous, ou la plupart, sont sans lettres et congnoissance de Poësie ; comme aussi le plus grand nombre des Poëtes mesprise et, si j’ose dire, ne congnoist la Musique, me fait craindre que tard, ou rarement, nous en puissions voir de bons et naturels exemples.18
12On voit que Tyard appelle de ses vœux une poésie en vers mesurés, dont les premiers essais publiés ont justement vu le jour en 1553, mais sans déboucher alors sur une nouvelle pratique musicale.
13Le texte de Tyard a le mérite de soulever les trois questions auxquelles il est nécessaire de répondre pour accomplir en sa perfection l’union de la poésie et de la musique conformément à l’idéal platonicien :
comment pallier la séparation du musicien et du poète ?
comment déterminer les quantités du français, « langage non encore mesuré en certaines longueurs et brièveté de syllabes » ?
comment remédier à l’inintelligibilité du chant polyphonique ? ou en d’autres termes : comment concilier intelligibilité et polyphonie ?
La musique mesurée à l’antique proposera une réponse d’ensemble aux questions soulevées par Tyard, réponse non pas théorique mais concrète, et techniquement très précise, issue de la réflexion commune et de la collaboration d’un poète humaniste, Baïf, et d’un musicien, à la fois compositeur, instrumentiste et chanteur, Joachim Thibault de Courville.
14Baïf présente explicitement la séparation du musicien et du poète comme le divorce que ses recherches visent à pallier. Il l’écrit au musicien Guillaume Costeley :
Jadis Musiciens, & Poëtes, et Sages
Furent mesmes autheurs : mais la suite des âges
Par le tems qui tout change a séparé les trois.
Puissions-nous d’entreprise heureusement hardie,
Du bon siecle amenant la coustume abolie,
Joindre les trois en un sous la faveur des Rois !19
15Musicien, poète et sage : trois instances jadis unies en des figures idéales comme celles d’Orphée, trois instances que notre âge de fer a séparées. Aucun contemporain de Baïf ne prétend plus cumuler ces trois fonctions ; Baïf lui-même se dit volontiers poète et sage, mais ne revendique aucune compétence musicale, ni pour composer, ni pour chanter. Il lui faut donc s’adjoindre les services de musiciens et d’interprètes dévoués à ses textes ; il a la chance de trouver en Courville, plus tard en Le Jeune et en Mauduit, des compositeurs qui partagent son idéal humaniste de soumission de la musique au verbe, conformément au fameux passage de la République où Platon parle de « contraindre le pied, et la mélodie, à suivre la parole […] et non pas la parole à suivre le pied et la mélodie »20. C’est cette suggestion de Platon quant aux modalités d’union des deux arts qui sous-tend le système mis au point par Baïf et Courville, et bientôt perfectionné par Le Jeune. Au poète reviendra seul l’initiative des rythmes, le musicien se contentant d’y adapter librement mélodies et harmonies. Le travail du poète consistera à « mesurer » son vers en syllabes longues et brèves, « pour y accommoder le chant pareillement mesuré »21. Cette technique permettra au poète de contrôler en quelque sorte l’interprétation musicale de ses textes, en se réservant la maîtrise des rythmes. Faute de pouvoir composer lui-même la musique de ses textes, Baïf prend l’initiative originale d’imposer au compositeur un rythme défini a priori en fonction de la seule quantité syllabique (une longue = deux brèves, comme une blanche = deux noires). Il s’assure ainsi que le rythme de ses chansons sera parfaitement adapté à ses intentions. En d’autres termes, sachant que le compositeur qui harmonisera ses textes devra allonger à des fins rythmiques ou expressives certaines syllabes de la partition, l’effort de Baïf consiste à anticiper cette contrainte, et à en assumer seul la responsabilité, pour favoriser l’union de la poésie et de la musique, ou plus exactement pour garantir l’adéquation rythmique de l’une à l’autre.
16Reste à trouver le moyen de déterminer les quantités syllabiques du français. La question de savoir si l’on entend naturellement en français des longues et des brèves est très controversée à l’époque. Deux choses sont sûres : il n’existe pas de norme en la matière ; mais l’absence éventuelle des quantités en français parlé ne remet pas en cause la validité du système de Baïf, puisque la poésie chantée présente, elle, toujours une alternance rythmée de valeurs longues et brèves.
17Il s’agit moins pour Baïf d’exploiter une scansion naturelle du français que de mettre au point une prosodie artificielle adaptée au chant et conforme aux habitudes issues de la scansion des langues anciennes, fondée principalement sur des critères graphiques. L’application rigoureuse d’une prosodie française quantitative appelle donc une autre audace, l’adoption d’un code graphique original qui permettra de scander le vers mesuré français comme un vers grec : comme l’a montré Y.-Ch. Morin, l’objectif de Baïf semble de
reproduire en français le système métrique du grec classique, tel qu’il l’avait intériorisé par un apprentissage formel dans lequel les régularités rythmiques perçues étaient […] toujours en harmonie avec la graphie.22
18À ce système graphique, que Baïf utilise pour tous ses vers mesurés manuscrits et imprimés, il ajoute dans ses manuscrits la codification habituelle des longues et des brèves.
19Le troisième souci, celui de l’intelligibilité des paroles chantées, n’est plus du ressort du poète, mais du compositeur. La voie, sur ce point, avait été ouverte par les musiciens protestants, harmonisant les psaumes de Marot. Érasme, déjà, avait raillé l’inintelligibilité du motet polyphonique : « cette espèce de musique qui s’est introduite dans le culte divin au point qu’il ne nous est même pas loisible de percevoir un seul son avec limpidité […] Ce n’est qu’un tintement de voix qui frappe les oreilles […] »23. Calvin avait à son tour loué le chant et ses effets prodigieux, mais en distinguant soigneusement après Augustin le chant de l’oiseau, dénué de sens, et « le don propre de l’homme [qui] est de chanter en sachant ce qu’il dit »24. C’est pourquoi les premiers compositeurs calvinistes, notamment Loys Bourgeois, composent sur les psaumes de Marot des harmonisations très simples, destinées à être chantées par les fidèles, « à voix de contrepoint egal consonante au verbe », formant « trois parties concordantes opposant note contre note »25, c’est-à-dire que chaque partie chante les mêmes mots au même moment, sans enchevêtrement des voix. Les musiciens de Baïf reprennent cette technique très simple, que les musicologues d’aujourd’hui nomment écriture verticale, ou homophonique, et qui conduit en général à privilégier la voix supérieure, à laquelle les autres servent d’accompagnement harmonique. Ces innovations techniques permettent, selon les Statuts de l’Académie, de
remettre en usage la Musique selon sa perfection, qui est de representer la parole en chant accomply de son harmonie et mélodie, qui consistent au choix, regle des voix, sons et accords bien accommodez pour faire l’effet selon que le sens de la lettre le requiert, ou resserrant ou desserrant, ou accroississant [sic pour acoisant] l’esprit […]. Afin aussi que par ce moyen les esprits des Auditeurs accoustumez et dressez à la Musique […] se composent pour estre capables de plus haute connoissance, aprés qu’ils seront repurgez de ce qu’il pourroit leur rester de la barbarie […].26
20Les principales œuvres composées par Baïf et les musiciens de l’Académie selon ce système sont, d’une part, une nouvelle traduction française des Psaumes en vers mesurés, d’autre part plus de deux cents « chansonnettes » profanes, poèmes d’amour d’inspiration pétrarquiste ou anacréontique, plus rarement à la tonalité rustique27. Cet énorme corpus à la fois poétique et musical reste en grande partie méconnu parce que dispersé, mal édité, difficile d’accès, mais aussi difficile à décrire tant les problèmes de transmission de la musique et des textes sont complexes. Pour simplifier, on dispose de quatre types de sources :
1) Le manuscrit autographe de Baïf (BNF, Fds. fr. 19140) renferme, outre différentes versions du Psautier (en vers mesurés et en vers rimés), trois livres de Chansonnettes28 : ce manuscrit contenait à l’origine 77 (livre I) + 61 (livre II) + 64 (livre III) soit 202 chansons autographes toutes en vers mesurés non rimés. Manquent hélas les huit premiers feuillets du manuscrit, qui contenaient les 25 premières chansons et le début de la 26e : il en reste donc 178 complètes et une incomplète. Ce manuscrit ne donne que le texte, en orthographe de Baïf, avec le plus souvent des indications de scansion, mais sans musique. Les chansons du livre I sont presque toutes munies d’un refrain explicitement désigné comme tel (un rechant, que Baïf note reçant dans sa graphie spécifique). Celles des Livres II et III en revanche n’en ont qu’exceptionnellement (seules 3 chansons du livre I sont dépourvues de refrain, seules 2 chansons du livre II en sont munies, on n’en trouve aucun dans le livre III).
2) Cinq recueils musicaux des deux principaux collaborateurs de Baïf, Le Jeune et Mauduit, recueils entièrement ou presque entièrement consacrés à ses chansonnettes mesurées.
BEF 171 - Vingtquatriesme livre d’airs et chansons d’Orlande de Lassus et Claude Le Jeune, Paris, A. Le Roy et Rob. Ballard, 1583 (9 airs mesurés) ; réédition augmentée en 1585 (11 airs)
BEF 173 - Vingtcinquiesme livre d’airs et chansons. D’Orlande de Lassus et Claude Le Jeune, Paris, Le Roy et Ballard, 1585 (9 airs mesurés)
BEF 177 - Airs mis en musique à quatre et cinq parties. Par Cl. Le Jeune. Paris, A. Le Roy et la Vve R. Ballard, 1594 (les 20 airs des deux recueils précédents, et 14 pièces inédites, toutes en vers mesurés). Le Jeune rassemble ici en un recueil personnel les « airs » qu’il a d’abord publiés avec Lassus, assortis de nouvelles pièces. Parmi les 32 airs de 1594, 12 figurent dans le manuscrit autographe des chansonnettes mesurées et peuvent être attribués avec certitude à Baïf, un autre évoque Francine, maîtresse de Baïf, deux autres sont attribués au poète par d’autres musiciens. Au total, l’attribution à Baïf est certaine pour quinze pièces, et on est tenté de lui attribuer les pièces restantes, qui sont exactement dans sa manière. Certaines d’entre elles figuraient peut-être au début du manuscrit autographe de Baïf, où manquent, on l’a vu, les 25 premières chansons. Quoi qu’il en soit, ces Airs constituent un témoin capital de la collaboration Baïf-Le Jeune autour des chansonnettes mesurées : c’est le premier recueil homogène, exclusivement consacré à leur production commune dans ce genre, et le seul publié du vivant de Le Jeune.
BEF 176 - Chansonnettes mesurees de Jan-Antoine de Baïf, mises en musique à quatre parties par Jacques Mauduit, Parisien, Paris, Adrian le Roy et Robert Ballard, 1586 (rééd. 1588)29. (Bibl. Ste Geneviève ; B.M. Caen). 23 chansonnettes dont 5 figurent aussi dans le manuscrit, et 8 dans le Printemps de Le Jeune.
BEF 180 -Le Printemps de Claud. Le Jeune, Natif de Valentienne, Compositeur de la Musique de la chambre du Roy à 2, 4, 5, 6, 7 et 8 parties, Paris, La Veufve R. Ballard et son fils Pierre Ballard, 1603. Le Printemps compte 6 pièces en vers rimés et 33 en vers mesurés, parmi lesquelles sept figurent également dans le manuscrit autographe des Chansonnettes. L’attribution à Baïf de toutes les chansons mesurées est suggérée par la préface de Cécile Le Jeune qui – fait en soi remarquable – présente l’ensemble de l’œuvre comme le fruit de la collaboration du poète et du musicien : « l’intention de Messieurs de Baïf et Le Jeune estoit de faire imprimer ces vers mesuréz en l’orthographe propre à représenter sans superfluité de lettres, les motz justement comme ilz se prononcent : ainsi que les brefves, et les longues, fussent observées en nostre langue françoyze »30. Toutefois ce projet n’a pu se réaliser et les textes du Printemps paraissent en orthographe ordinaire.
3) Quelques chansonnettes dispersées dans les recueils d’autres musiciens : Fabrice Marin Caietain et Thibault de Courville (BEF 157 et 179), Roland de Lassus (BEF 158), Didier Le Blanc (BEF 163, 164, 166), Guillaume Tessier (BEF 167 ; cf. 168 et 172), Nicolas de La Grotte (BEF 170), Pierre Cerveau (BEF, 178), Eustache Du Caurroy (BEF 183), Gabriel Bataille (BEF, 184).
4) Un recueil posthume de Claude Le Jeune, Airs à 3, 4, 5 et 6 parties, Paris, Pierre Ballard, 1608 (BEF 182), probablement inspiré pour la plus grande part des chansonnettes de Baïf, mais dans lequel les textes ont été remaniés pour les transformer en vers rimés. Il est vraisemblable que la plupart des textes qui ont inspiré Le Jeune avaient été composés par Baïf (25 airs correspondent à des chansons mesurées du manuscrit autographe, 7 correspondent à des chansonnettes mesurées de Baïf mises en musique par Mauduit, 25 proviennent du Printemps, dont on a vu que toutes les chansons mesurées paraissent de la plume de Baïf, et 11 se retrouvent dans les œuvres de musiciens dont on sait qu’ils ont mis en musique certains de ses textes : Caietain, Courville, Le Blanc, La Grotte). Dès lors, on peut supposer que la plupart des pièces dont nous ignorons l’auteur ont aussi été inspirées, à l’origine, par des textes de Baïf31. Parmi les airs dont c’est ici l’édition originale, seuls 18 paraissent pouvoir être restitués dans leur version d’origine en utilisant le texte fourni soit par le manuscrit de Baïf, soit par l’édition des Chansonnettes de Mauduit. Mais pour une cinquantaine d’autres, la version primitive, si elle a existé, semble irrémédiablement perdue. Seul l’air « O vous Reine d’honeur » figure en 1608 dans une version mesurée non rimée.
21Pour résumer, on dispose de 178 chansons manuscrites sans musique et d’une centaine de chansons mises en musique par Mauduit, Le Jeune et d’autres contemporains (en additionnant les 23 chansonnettes mesurées mises en musique par Mauduit, les 34 airs de 1594, les 33 airs du Printemps dont certains recoupent les précédents, un air de 1608 et une vingtaine d’airs de Le Jeune qu’il semble possible de restituer en combinant la musique publiée en 1608 avec d’autres sources textuelles). L’intersection entre le corpus manuscrit et le corpus mis en musique n’est que d’une vingtaine de chansons, de sorte qu’on dispose au total de près de 250 textes. Sur la base de ce corpus, il est possible de caractériser le genre. On peut partir de ce qu’en dit Baïf lui-même dans une dédicace en vers rimés où il évoque le succès de cette production :
[...] mes petites chansonnétes,
Que je tiens comme des sornettes
Ecrites en vers mesurez,
Courant par les bouches des Dames [...]32
Ces quatre vers suggèrent déjà bien les quatre principaux traits du genre :
un genre bref : la plupart des chansonnettes ne comptent qu’une vingtaine de vers ; leur exécution musicale dure rarement plus de deux minutes ; à cet égard Baïf s’inscrit dans la tradition des chansons de Marot, elles-mêmes presque toujours très brèves33.
un genre mineur destiné avant tout au plaisir et au divertissement, et dont les ambitions littéraires, morales ou philosophiques restent le plus souvent masquées par une allure aisée et badine ou une sorte de familiarité enjouée, héritée de la chanson populaire, de la chanson marotique, ou de l’ode anacréontique : il s’agit toujours de chanter l’amour, ses peines (et la rhétorique pétrarquiste tend ici à prévaloir) mais aussi ses joies : beaucoup de chansonnettes sont des invitations épicuriennes à l’amour et au baiser. On peut ajouter que l’amour est presque toujours envisagé dans sa dimension la plus universelle : mis à part le fait qu’elles sont en français, toutes ces chansonnettes pourraient avoir été écrites dans l’Antiquité, les réalités propres au XVIe siècle n’y sont jamais évoquées : en cela elles méritent aussi leur qualification de chansonnettes « à l’antique ».
Baïf donne lui-même une indication intéressante sur ce qu’on peut appeler la destination sociale du genre, sa cible : les traits thématiques de la définition du genre qu’on vient de mentionner le destinent prioritairement au public féminin, notamment aristocratique, aux « Dames » que séduiront la thématique galante et le néo-pétrarquisme à la mode ; la chansonnette est un genre goûté des premiers salons parisiens, où celles qu’on n’appelle pas encore des « précieuses », réunies autour de Mme de Villeroy, de la comtesse de Retz et de leurs amis poètes, s’exercent à chanter elles-mêmes certains airs, en s’accompagnant d’un luth.
Sur le plan de la technique poétique, c’est un genre donc la seule règle absolue est l’usage du vers mesuré non rimé34. Pour le reste, les combinaisons qui peuvent en être faites sont presque infiniment variées, de la simple succession de vers parallèles (un même schéma prosodique répété de vers en vers), jusqu’à la combinaison de plusieurs types de strophes hétérométriques. Pour préciser la typologie, il serait facile d’opposer les chansons strophiques et celles qui ne le sont pas, puis de distinguer parmi les chansons strophiques celles qui présentent ou non un « rechant », c’est-à-dire un refrain, séparant les couplets désignés comme « chants ». Toutefois, cette distinction serait à nuancer fortement en observant le travail effectif des musiciens : lorsque le texte manuscrit de Baïf ne comporte pas de refrain explicitement marqué comme tel, les compositeurs ont tendance à en fabriquer un en répétant quelques vers : ainsi, des 23 chansonnettes mises en musique par Mauduit, seules deux n’ont pas de refrain (n° 11 et 17), et dans les 33 chansonnettes du Printemps de Le Jeune, seules deux n’en ont pas (n° 20 et 25). La variété réside principalement dans la forme des strophes servant de chant et/ou de rechant. Dans les chansonnettes manuscrites, la longueur du refrain varie de 1 à 4 vers, celle des couplets de 2 à 8 vers, le nombre de couplets de 2 à 22. Dans les chansonnettes mises en musique par Mauduit, la longueur du refrain varie de 1 à 5 vers, celle des couplets pareillement, le nombre de couplets de 3 à 735 (lorsque le texte de Baïf compte 8 strophes Mauduit le traite en deux parties séparées, de 4 strophes chacune : voir Mauduit, ch. 20). Dans les chansonnettes du Printemps de Le Jeune, la longueur du refrain varie de 1 à 7 vers, celle des couplets de 2 à 6 vers, le nombre de couplets de 2 à 536. Il est à noter que Baïf et Le Jeune n’hésitent pas à composer quelques chansonnettes avec un nombre de vers variable selon les « chants » : c’est le cas de chansonnettes manuscrites (I, 70 et 71) et de quatre chansonnettes du Printemps (n° 2, 17, 28, 31).
22C’est l’une de ces pièces que j’ai choisi de faire entendre pour finir : « Revesi venir du Printans » (ms. BNF 19140, pièce III, 13, f. 356 v°), adaptation libre par Baïf d’une ode attribuée à Anacréon (ode 46). Mise en musique à cinq voix par Claude Le Jeune, c’est la première chanson mesurée du recueil Le Printemps (n° 2). La forme métrique est d’inspiration antique : Alphonse Dain parle de « dimètres ioniques anaclastiques », vers typiquement anacréontiques37.
23Le Jeune travaille ici sur une chanson qui ne présente pas de refrain dans le manuscrit. Il en fabrique un en faisant répéter les 2 premiers vers ; ce reçant est apte à suggérer le retour cyclique de la saison ; pour le rendre plus aisément perceptible, il varie l’effectif vocal entre refrain et couplets : le refrain se chante à cinq voix, le premier couplet à 2 voix seulement, le second à 3, le troisième à 4, le quatrième à 5. Ainsi, comme le note Pierre Bonniffet,
l’effet d’opposition entre le reçant et les strophes va s’affaiblissant au fur et à mesure qu’entre une voix nouvelle. La quatrième strophe est chantée par le tutti, comme le reçant. Le symbole est clair et la dynamique de la chanson […] en est vigoureusement renforcée : toutes les créatures, s’éveillant [une à une] se pressent au concert de la joie universelle. Il y a, dans l’expression poétique comme dans la mise en musique un aspect communautaire qui donne à cette pièce un caractère religieux : c’est le cantique du printemps.38
24Le cantique de l’amour pourrait-on ajouter en se souvenant d’un épisode du fameux Songe de Poliphile de Francesco Colonna : en route pour l’île de Cythère, « les nymphes voguantes en la barque de Cupidon » (Livre I, chap. XX) entonnent un hymne dont la polyphonie, bien analysée par Colonna et par son traducteur français Jean Martin, se développe selon un procédé qui annonce celui de Le Jeune pour la chansonnette de Baïf :
(les six nymphes) commencèrent une chanson, d’une voix totalement différente à l’humaine. Premièrement à deux, puis à trois, après à quatre et finalement à six, en musique proportionnée, avec les faibles prolations d’amour, pauses et soupirs de bonne grâce, accompagnés de passages roulés par leurs gorges de rossignols, accordantes aux instruments, qui étaient deux luths, deux violes et deux harpes, si mélodieusement résonnantes que c’était assez pour faire oublier toutes les passions et nécessités auxquelles nature encline les humains. Ces belles chantaient les qualités d’amour, les joyeuses dérobées de Cupidon, les savoureux fruits d’Hyménée, l’abondance de Cérès et les amoureux baisers de Bacchus, composés en belle rythme. Je ne crois point que le chant par lequel Orphée délivra des Enfers Eurydice sa femme, fût à beaucoup près si harmonieux que cettui-là […].39
25Nous écoutons cette chansonnette de Le Jeune dans la belle interprétation enregistrée en 1975 par l’ensemble Jacques Feuillie, où chantait justement Pierre Bonniffet40. Je donne ici la transcription en orthographe modernisée de la version du Printemps :
Revoici venir du Printemps
L’amoureuse et belle saison.
Le courant des eaux recherchant
Le canal d’été s’éclaircit :
Et la mer calme de ses flots
Amollit le triste courroux :
Le canard s’égaye se plongeant,
Et se lave coint dedans l’eau :
Et la grue qui fourche son vol
Retraverse l’air et s’en va.
Revoici venir du Printemps
L’amoureuse et belle saison.
Le Soleil éclaire luisant
D’une plus sereine clarté :
Du nuage l’ombre s’enfuit,
Qui s’y joue et court et noircit
Et forêts et champs et coteaux.
Le labeur humain reverdit,
Et la prée découvre ses fleurs.
Revoici venir du Printemps
L’amoureuse et belle saison.
De Venus le fils Cupidon
L’univers semant de ses traits,
De sa flamme va réchauffer,
Animaux qui volent en l’air,
Animaux qui rampent aux champs,
Animaux qui nagent aux eaux.
Ce qui mêmement ne sent pas,
Amoureux se fond de plaisir.
Revoici venir du Printemps
L’amoureuse et belle saison.
Rions aussi nous : et cherchons
Les ébats et jeux du printemps :
Toute chose rit de plaisir :
Célébrons la gaie saison.
Revoici venir du Printemps
L’amoureuse et belle saison. (bis)
Appendice
Tableaux comparatifs des formes des chansonnettes.
26La première ligne de chaque tableau indique le nombre de vers du refrain ou rechant. Le 0 marque l’absence de refrain. La première colonne indique le nombre de vers du couplet ou chant. À l’intersection de ces données, le nombre de chansons concernées.
Bibliographie
Bibliographie
Principales éditions modernes des œuvres poétiques de Baïf
Pour une bibliographie plus complète, on se reportera à notre livre Jean-Antoine de Baïf (Bibliographie des écrivains français, n° 16), Paris-Rome, Mémini, 1999.
— Euvres en Rime de Ian Antoine de Baïf Secretaire de la Chambre du Roy, avec une notice biographique et des notes par Ch. Marty-Laveaux (Collection La Pléiade Française), Paris, Alphonse Lemerre, 1881-1890, 5 vol. Tome 1 : Amours ; t. 2 : Poemes ; t. 3-4 : Jeux ; t. 4 : Passetems. Sous le faux titre Euvres en Rime, le t. 5 contient les Mimes, enseignemens et proverbes, les Etrénes de poézie fransoêze an vers mezurés, les pièces de circonstance de 1574-1575. Réimpression : Genève, Slatkine Reprints, 1966.
— J.A. de Baïfs Psaulter. Metrische Bearbeitung der Psalmen mit Einleitung, Anmerkungen und einem Wörterverzeichnis zum ersten mal herausgegeben von D. Ernst Johann Groth, Heilbronn, 1888. [Édition peu fiable du psautier incomplet de 1567-1569].
— Chansonnettes mesurees de Jan-Antoine de Baïf, mises en musique à quatre parties par Jacques Mauduit, Parisien, Rééditées par Henry Expert, Les Maîtres musiciens de la Renaissance, Paris, Alphonse Leduc, 1899, fasc. 10 et 11.
– Chansonnettes mesurees de Jan-Antoine de Baïf, mises en musique à quatre parties par Jacques Mauduit, Parisien, dans Poètes du XVIe siècle, édition établie et annotée par Albert-Marie Schmidt, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1953, p. 997-1010.
— Chansonnettes. Édition critique. Texte inédit avec une introduction et un lexique par G. C. Bird, Vancouver, University of British Columbia, 1964.
— The Chansonnettes en vers mesurés of J.A. de Baïf : a critical edition, par Barbara Anne Terry, Birmingham, Alabama University Press, 1966.
— Etrénes de poézie fransoêze an vers mezurés. Psautier en vers mesurés. Manuscrit Bibliothèque nationale ms. fr. 19140. Genève, Slatkine, 1972.
— Œuvres complètes, éd. J. Vignes et alii, Tome I. Euvres en rime. I. Neuf Livres des Poemes, Paris, Champion, « Textes de la Renaissance », 2002.
– Une édition électronique des vers mesurés de Baïf, par Olivier Bettens, respectueuse des graphies originales du manuscrit 19140, est en ligne sur internet (http://virga.org/baif).
Travaux critiques (par ordre chronologique)
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BRENET (Michel, pseudonyme de Marie Bobillier), Les Concerts en France sous l’Ancien Régime, Paris, Fischbacher, 1900, chap. II, p. 27-37 [Statuts de l’Académie de Baïf].
– , « Jacques Mauduit », article de La Tribune de Saint Gervais (1901), repris et augmenté dans Musique et musiciens de la vieille France, Paris, FelixAlcan, 1911 ; Réimpression : Paris, Editions d’Aujourd’hui, « Les Introuvables », 1977, p. 199-243.
MASSON (Paul-Marie), « L’humanisme musical en France au XVIe siècle et la musique mesurée à l’antique », Le Mercure Musical, 1907, p. 333-366 et 677-718.
AUGE-CHIQUET (Mathieu), La Vie, les idées et l’œuvre de J.-A. de Baïf, Paris-Hachette ; Toulouse, Privat, 1909. (Genève, Slatkine Reprints, 1969). Voir les chapitres VIII à X.
PRUNIERES (Henry), Le Ballet de cour en France avant Benserade et Lully, Paris, Henri Laurens, 1941 (Réimpression : Paris, Éd. d’Aujourd’hui, « Les Introuvables », 1982. Voir chap. II, « L’invention du ballet de Cour », p. 58 sq.
WALKER (Daniel P.), « Musical humanism in the 16th and early 17th centuries », Music Review, 1941, II, 1, p. 1-13 ; II, 2, p. 111-121 ; II, 3, p. 220-227 ; II, 4, p. 287-308 ; III, 1, p. 55-71 ; article reproduit dans Music, Spirit, and Language in the Renaissance, Londres, Variorum Reprint, 1985.
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LEVY (Kenneth), « Vaudeville, vers mesurés et airs de cour », dans Musique et Poésie au XVIe siècle, Paris, C.N.R.S., 1954, p. 184-201.
BIRD (Geneviève C.), An edition and critical study of Baïf ’s « Chansonettes », contained in his unpublished autograph manuscripts (f. fr. 19140), thèse, Univ. Bristol, 1965-1966.
YATES (Frances Amelia), « Les magnificences pour le mariage du Duc de Joyeuse », dans Astraea, the Imperial Theme in the Sixteenth Century, Londres, Ark Paperbacks, 1975. Traduction française par J.-Y. Pouilloux et A. Hurault : Astrée, le symbolisme impérial au XVIe siècle, Paris, Belin, 1989, p. 257-293.
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BONNIFFET (Pierre), « Liste provisoire des œuvres profanes de Claude Le Jeune (v. 1530-1600) mises en lumière de son vivant – 1552-1598 », dans Histoire, humanisme et hymnologie. Mélanges offerts à Edith Weber, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1997, p. 57-70.
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VIGNES (Jean), « Poésie et musique en France au XVIe siècle », dans Poétiques de la Renaissance. Le modèle italien, le monde franco-bourguignon et leur héritage en France au XVIe siècle, sous la dir. de P. Galand-Hallyn et F. Hallyn, Genève, Droz « T.H.R. », 2001, p. 638-658 (+ anthologie, p. 674-676).
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TRACHIER (Olivier) (éd.), Hommage à Claude Le Jeune, Marandeuil, Editions des Abbesses, 2005.
DERAMAIX (Marc), GALAND-HALLYN (Perrine), VAGENHEIM (Ginette) et VIGNES (Jean), éd., Académies italiennes et françaises de la Renaissance : idéaux et pratiques, actes du colloque de l’Université de Paris IV et de l’Institut Universitaire de France (11-14 juin 2003), Genève, Droz, « T.H.R. », 2008.
Discographie : enregistrements de chansonnettes mesurées de Baïf
LASSUS (Roland de), Chansons, Ensemble Clément Janequin dir. Dominique Visse, CD Harmonia Mundi (Musique d’abord) HMA 1951391, 1991. Enregistrement de la chansonnette « Une puce j’ai dedans l’oreille » (plage 4).
LE JEUNE (Claude), Le Printemps, par l’ensemble Jacques Feuillie, éd. Arion, 1976 (coffret 33 t.) et 1995 (2 CD). Version intégrale, exclusivement vocale.
– , Le Printans, Huelgas Ensemble sous la direction de Paul Van Nevel, éd. Sony Classical, 1996 (SK 68259). Douze extraits en vers mesurés avec accompagnement instrumental.
– , Airs et Psaumes mesurés à l’antique, par Claudine Ansermet, soprano et Paolo Cherici, luth, éd. Symphonia, 2000 (SY 99174). Onze chansonnettes du Printemps et/ou des Airs de 1608. Version monodique accompagnée au luth.
– , Airs et Pseaumes, Corvina Consort, dir. Z. Kalmanovits, éd. Hungaroton Classic, 2004, HCD 32189. 13 airs de 1608.
La Renaissance en Lorraine, La Psalette de Lorraine. Ensemble La Fenice, avec la participation de l’Ensemble Clément Janequin, CD L’empreinte digitale 13012, 1991. Enregistrement des chansonnettes « J’en aime deux tout à la fois » et « Une puce j’ai dedans l’oreille » mises en musique par Fabrice Marin Caietain (plages 22 et 24).
Le Balet Comique de la Royne de Baltazar de Beaujoyeulx, par l’ensemble Elyma sous la direction de Gabriel Garrido, K617 (Collection Mémoire musicale de la Lorraine), 1997. Transcription pour orgue de l’air de Le Jeune pour la chansonnette mesurée « Vostre tarin » (Airs de 1608 ; texte de Baïf conservé dans les Chansonnettes mesurées mises en musique par J. Mauduit).
Notes de bas de page
1 Pour plus de précisions, voir notre étude bibliographique : Jean Vignes, Jean-Antoine de Baïf, Paris - Rome, Memini, 1999, notamment p. 54-69, « Éditions musicales et recueils de chansons », notices 142 à 205. Nous renvoyons à cette bibliographie par le sigle BEF.
2 Neuf Livres des Poemes, II, 2, v. 11-12 (Œuvres complètes, éd. J. Vignes et alii, Paris, Champion, 2002, t. I, p. 161).
3 Comme l’a fait observer Perrine Galand-Hallyn (ibid., p. 638), ces vers baïfins rappellent les vers latins dits asynartètes, « non liés » (de asunartètos), qu’on trouve par exemple chez Plaute et Térence (vers « composés de deux membres de durée sensiblement égale », dont « la coupe intérieure est traitée comme une pause finale de vers » : par exemple, l’hiatus est admis entre ces deux membres comme entre deux vers successifs). Voir Louis Nougaret, Traité de métrique latine classique, Paris, Klincksieck, 1956 (rééd. 2000), § 24. Les vers baïfins peuvent ainsi se lire comme deux petits vers autonomes comptant respectivement sept syllabes (vers blanc généralement masculin) et huit syllabes (vers rimé féminin).
4 Neuf Livres des Poemes, II, 3, Les Muses, v. 392-395 (Œuvres complètes, éd. cit., t. I, p. 179).
5 Ibid., v. 439-443, p. 180.
6 Les premiers essais avaient paru parmi les liminaires des Amours de Magny (Paris, E. Groulleau, 1553). Voir Magny, Œuvres poétiques, éd. François Rouget, Paris, Champion, 1999, t. I, p. 56 et 59 ; Étienne Jodelle, Œuvres complètes, éd. Enea Balmas, Paris, Gallimard, 1965, t. I, p. 86, 142-143 ; Nicolas Denisot et Etienne Pasquier composeront d’autres vers mesurés entre 1554 et 1556. Voir mon étude « Brève histoire du vers mesuré français au XVIe siècle », Albineana, 17 (Musique, poésie et vers mesurés autour d’Agrippa d’Aubigné, études réunies et présentées par Marie-Madeleine Fragonard et Jean Vignes, 2005, p. 15-43).
7 Art poétique reduict et abregé, en singulier ordre et souveraine méthode, Paris, Annet Brière, 1554 [Bibl. de la Sorbonne : Rés ra 247]. Texte réédité en 1573, un an avant les Etrennes de Baïf, à la suite de Thomas Sébillet, Art poetique françois, Paris, Veufve Jean Ruelle, 1573, p. 265 et s. [B.N.F. : Ye 7202] ; voir cette éd., p. 304-305.
8 Neuf Livres des Poemes, IX, 12, A son Livre, v. 133-138 (Œuvres complètes, éd. cit., t. I, p. 521-522).
9 Solitaire premier ou prose des Muses et de la fureur poétique, Lyon, Jean de Tournes, 1552 ; éd. crit. par Silvio F. Baridon, Genève, Droz, 1950 ; Solitaire second, ou Prose de la Musique, Lyon, J. de Tournes, 1555 ; éd. Cathy M. Yandell, Genève, Droz, 1980.
10 Voir ses Etrennes de poésie française en vers mesurés, in Euvres en rime, éd. Charles Marty-Laveaux, Paris, A. Lemerre, 1880-1886, 5 vol., t. V, p. 301 (« Au Roé », v. 66).
11 Pontus de Tyard, Solitaire premier, éd. cit., p. 19.
12 Ibid., p. 74.
13 Pontus de Tyard, Solitaire second, éd. cit., p. 74.
14 Ibid., p. 242.
15 Ibid., p. 214. « Qui plus merite en Musique, ou phonaskos, conducteur d’une voix, ou synphonete, assembleur de plusieurs. »
16 Ibid.
17 Ibid., p. 214-215. Tyard ne sait pas encore que certaines de ses poésies seront mises en musique. Voir Frank Dobbins, « Les madrigalistes français et la Pléiade », La Chanson à la Renaissance, Actes du XXe colloque d’Etudes humanistes du C.E.S.R., Tours, Van de Velde, 1981, p. 160, note 18.
18 Ibid., p. 215.
19 Jean-Antoine de Baïf, sonnet liminaire du recueil Musique de Guillaume Costeley, Paris, A. Le Roy et R. Ballard, 1570. Pièce reprise par Baïf dans son Premier Livre des Passetems dans Euvres en Rime (1573), éd. cit., t. IV, p. 224, « A Coteley ».
20 400a, trad. Pierre Pachet, Paris, Gallimard, « Folio », 1993, p. 169.
21 Statuts de l’Académie de Poésie et de Musique, reproduits dans Euvres en Rime, op. cit., t. I, p. lv.
22 Yves-Charles Morin, « La graphie de J.-A. de Baïf : au service du mètre », Nouvelle Revue du Seizième siècle, 17/1, 1999, p. 103. Dès 1555, l’Art poétique de Jacques Peletier du Mans avait montré la voie en posant la réforme orthographique comme un préalable nécessaire à l’instauration d’une poésie française en vers mesurés : considérant que l’usage phonétique courant ne permet pas toujours une distinction aisée des longues et des brèves, Peletier suggère en effet que cette distinction serait favorisée par une codification graphique rigoureuse, comme c’était le cas en grec (et, dans une moindre mesure, en latin). Pour Peletier, la restauration des vers mesurés ne sera donc possible qu’au prix d’une réforme de l’orthographe : « il faudrait bien accoutrer la façon vulgaire d’orthographier, et ôter ces concurrences de consonnes, et ces lettres doubles que l’on met ès syllabes brèves. » (Art poétique, II, 2, Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. Francis Goyet, Paris, LGF, 1990, p. 291).
23 Érasme, Paraphrase de la Prem. Épître aux Corinthiens, I, 14, trad. Daniel Ménager dans Érasme, Paris, Laffont, « Bouquins », 1992, p. 406-409.
24 Préface de Jean Calvin aux Cinquante Pseaumes de Marot (1543), éd. G. Defaux, Paris, Champion, 1995, p. 319-320.
25 Clément Marot, Cinquante psaumes mis en musique par Loys Bourgeois à quatre parties, Lyon, G. et M. Beringen, 1547.
26 Statuts de l’Académie de Poésie et de Musique, reproduits dans Euvres en Rime, op. cit., t. I, p. lv.
27 Sur cette manière rustique, voir ici même la communication de Georgie Durosoir.
28 Voir l’édition moderne de Geneviève C. Bird mentionnée dans notre bibliographie.
29 Trois éditions modernes : Chansonnettes mesurees de Jan-Antoine de Baïf, mises en musique à quatre parties par Jacques Mauduit, Parisien rééditées par Henry Expert, Les Maîtres musiciens de la Renaissance française, Paris, Alphonse Leduc, 1899, fasc. 10 et 11 (Réimpression New York, Broude Brothers, s. d.). – Texte seul : Poètes du XVIe siècle, édition établie et annotée par Albert-Marie Schmidt, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1953, p. 997-1010 ; The Chansonnettes en vers mesurés of J.A. de Baïf. A critical edition by Barbara Anne Terry, Birmingham (Alabama), Birmingham Printing Co., « Mississipi State University Studies in Foreign Languages and Literatures », n° I, 1966, p. 196-214.
30 Cité par Pierre Bonniffet, Un Ballet démasqué, Paris, Champion-Slatkine, 1988, p. 77.
31 Prudence toutefois... Deux pièces au moins ne doivent rien à Baïf : « O beaux yeux le miroir du soleil… » et le fameux « Qu’est devenu ce bel œil… » sont des poèmes de Gilles Durant (ils figurent à la fois dans ses Œuvres poétiques, Paris, L’Angelier, 1594, « Tombeau d’une belle et vertueuse dame. Vers élégiaques », f. 216 v°-217 r° et dans le recueil anonyme de ses Chansonnettes rimées, Paris, Le Roy et Ballard, 1594, f. 27 et 38 v°-39 r°). « Qu’est devenu ce bel œil... » est également, à l’origine, une chansonnette mesurée non rimée : les Chansonnettes rimées de 1594 présentaient, malgré leur titre, une version mesurée non rimée, agrémentée d’un refrain ; les Œuvres poétiques de Gilles Durant fournissent également une version mesurée non rimée, mais sans refrain : c’est apparemment à partir de cette version que Le Jeune a travaillé.
32 Euvres en rime, éd. cit., t. III, p. 2.
33 Toutes les chansons de L’Adolescence clémentine sont de dimensions limitées, la plus courte comportant cinq vers (XXIX), la plus longue seulement quatre strophes de huit vers (XXXIX). 7 comportent une strophe, 22 deux strophes, 9 trois strophes, 2 quatre strophes. La structure qui prédomine, la chanson de deux strophes, est donc plus courte que les formes fixes – ballades et rondeaux – que Marot emploie conjointement dans L’Adolescence clémentine.
34 Signalons une exception : le refrain de la chanson 29 du Printemps de Le Jeune est à la fois mesuré et rimé : « Pastourelles joliettes, et fidèles pastoureaux, / Et qui aimes amourettes, et qui aiment amoureaux : / Jetez la crainte du loup, / Venez à l’ombre du Houp. » [sic : il s’agit probablement d’un jeu onomastique par allusion à Pierre Le Houp : cf. Baïf, Mimes, éd. J. Vignes, Genève, Droz, 1992, p. 255, v. 2221 et note].
35 Sans compter la chanson XX, 2 chansonnettes ont 3 couplets, 9 en ont 4, 5 en ont 5, 4 en ont 6, 2 en ont 7. Voir tableaux infra.
36 Dans Le Printemps de Le Jeune, 5 chansonnettes ont 2 couplets, 15 en ont 3, 11 en ont 4, 2 en ont 5.
37 Traité de métrique grecque, Paris, Klincksieck, 1965.
38 P. Bonniffet, Un Ballet démasqué, op. cit., p. 169.
39 Francesco Colonna, Le Songe de Poliphile, Traduction de l’Hypnerotomachia Poliphili par Jean Martin (Paris, Kerver, 1546), éd. Gilles Polizzi, Paris, Imprimerie Nationale, 1994, p. 272.
40 Claude Le Jeune, Le Printemps, CD Arion, 1995, plage 2.
Auteur
Est Professeur à l’Université Paris Diderot (Paris 7), Président de la Société française d’étude du XVIe siècle, spécialiste de la poésie française de la Renaissance, notamment des poètes de la Pléiade, et des relations entre poésie et musique. Il a contribué au volume La poésie française du Moyen Age au XXe siècle (PUF) et au Dictionnaire de la musique de la Renaissance (Fayard, à paraître), et dirige l’édition des Œuvres complètes de Jean-Antoine de Baïf (éd. Champion).
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